Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


Septembre 1873


Sommaire : Des influences Variétés Intelligence des animaux Correspondance - Le pensionnat du Petit-Château Recherches sur la pratique de la médiumnité guérissante - Dissertations spirites : Demandes adressées aux Esprits par un Pasteur protestant , Ayez confiance dans le Seigneur, voyage d’un Esprit - Nécrologie - Poésie spirite .

 

Des influences

Élevés pour admirer les morts, nous ne savons pas rendre justice aux vivants, et quand leur mémoire a subi l'épreuve de la tombe, nous reconnaissons la valeur des hommes célèbres dans l'industrie, les arts et les sciences ; leurs sacrifices ne nous semblent plus une lettre morte, leurs bienfaits ne nous laissent plus indifférents. Ce phénomène n'est point le seul, et nous devons en constater un autre : si les travailleurs éminents, ces maîtres de nos destinées, se voient pendant leur épreuve terrestre refuser une suprématie justement conquise, avouons que le plus souvent ils n'ont pas eux- mêmes la conscience de leur valeur ; ainsi, actuellement : poètes, philosophes, peintres et sculpteurs contemporains les plus célèbres, historiens lumineux, grands capitaines de ce siècle, malgré leur vanité et leur orgueil, croient ne pas mériter une comparaison avec Virgile, Homère, le Dante, Raphaël, Michel-Ange, Platon, Tite-Live, Tacite et César.
Cependant, le nombre des Esprits incarnés qui, depuis deux siècles, forment le cortège imposant de nos illustrations, mérite bien notre respect, cette cohorte glorieuse ayant guidé la science, fait progresser la vérité, soulevé et déchiré le voile épais tissé par le moyen âge, ce voile dont on veut encore nous couvrir.
Cette influence du passé est devenue un mal chronique ayant de profondes racines dans nos cervelles, puisque c'est faire d'une sottise une merveille si nous la vieillissons de plusieurs siècles ; le culte du passé a ses grands-prêtres, des orthodoxes qui admirent une ariette de l'époque des croisades, et restent indifférents devant les conceptions d'Auber ou de Rossini ; pour qui, l'idéal et l'expression du beau sont : un sonnet de Pétrarque, un dessin incorrect mais avec signature authentique, une vieille monnaie ou un tesson de terre cuite portant des inscriptions indéchiffrables, un bloc informe s'il est recouvert de signes cunéiformes, hiéroglyphiques, grecs ou hébreux ; toutes ces choses sont laides, écornées, mal fabriquées, semblables à des cailloux et à la ferraille, mais l'influence du passé, les rend à nos yeux préférables aux produits artistiques modernes, fouillés avec art, avec le génie de notre époque.
La scolastique nous a donné cette tendance, et c'est en son nom que nous saluons le passé avec une ardeur étrange et fébrile ; nous devons ce virus intellectuel à nos professeurs de littérature, et le génie national, en aidant ainsi la routine, double la puissance originelle du culte excessif qui lui fut inoculé sur les bancs de l'école ; les hommes distingués ne savent même pas s'en affranchir, puisque Racine, Corneille, Voltaire, Fénelon, Boileau et une infinité d'autres ont élevé à des régions inaccessibles tous les héros de l'antiquit.é. Nos penseurs les plus indépendants, des philosophes, des rêveurs, des utopistes même, qui écrivent pour l'avenir avec une lucidité merveilleuse, ont subi à tel point cette influence, que leurs ouvrages sont très souvent pleins de blasphèmes contre le présent et ses ruines ; tous ont essayé d'établir notre impuissance et notre incapacité, en nous présentant le mirage trompeur des grandeurs d’autrefois.
Nous nous rappelons ce savant nommé Ramus qui, sous François ler, voulut prouver le peu d'orthodoxie d'Aristote, ce grand- père de la philosophie que l'Université infaillible avait, par un mariage intellectuel, lié intimement à la théologie ; l'intervention du roi, put, seule, sauver Ramus des griffes de la toute-puissante Université, mais à la condition de respecter désormais le très saint et immaculé Aristote. Tous les libres penseurs qui suivirent cet exemple d'indépendance, furent alors bannis de France par l'Université, cette maîtresse des consciences qui, aujourd'hui, veut encore nous imposer son orthodoxie ; tout le dit : elle ne veut pas autre chose. Que fait-elle ? Sinon inspirer à l'enfance son admiration puérile, excessive pour les civilisations antiques qui devraient être le point de départ, et non le but des efforts de l'humanité ; on nous fait admirer les rapines et les férocités des citoyens de Rome et d'Athènes, ces bandits qui volaient leurs amis, emportant leurs femmes et leurs filles. On cherche à nous prouver que leurs gladiateurs, leurs bêtes fauves, leurs généraux doivent être un sujet d'admiration ; que les égorgeurs de peuples vaincus sont des peuples rois ! Ces idées funestes, professées ouvertement, ont créé une admiration sans borne pour les Annibal et les Scipion, pour la vertu et la beauté antique, tandis que nous, au dix-huitième siècle, après avoir enfanté des merveilles industrielles, illuminé notre horizon intellectuel à l'aide de la science, mieux compris la fraternité en méprisant la servitude ancienne, remplacé la lettre de l'Evangile par son esprit mieux entendu et apprécié, nous sommes des races dégénérées et des vieillards livrés à l'impuissance.
Aussi, le Spiritisme accepte-t-il cette grande culpabilité, d'être venu à l'heure voulue, marquée par nos guides de l'espace, pour rétablir dans toute sa pureté la pensée du Christ, ce grand et généreux Esprit, ce rédempteur des humbles, cet épouvantail de toutes les iniquités ; cette doctrine nous montre dans le passé l'existence d'étapes étagées par Dieu avec une souveraine intelligence et qui, à l'inverse des idées émises par la scolastique universitaire et dogmatique, sont des échelons progressifs (précédés d'une infinité d'autres) montant sans cesse vers la perfection idéale, divine, enseignée par le grand Crucifié. Etre spirite, c'est concevoir le passé sans illusions, et acquérir la fierté réelle donnée par les progrès acquis, c'est avoir une confiance inébranlable dans l'avenir. A toutes les époques les vérités spirites furent enseignées ; mais Allan Kardec les a mises en évidence avec un talent exceptionnel, avec une logique saisissante qui nous donne le moyen de nous moraliser, de nous élever dans l'échelle des êtres avec l'aide de la volonté, de la pratique de la charité ; répudier un système intéressé, routinier, de dénigrement contre le progrès accompli et rejeter le virus scolastique, le fruit empesté de la foi absolue et sans contrôle, c'est obéir aux amis d'outre-tombe, à ces voix qui confirment nos conquêtes radieuses et complètent le sens de nos aspirations intimes.
Le Spiritisme a donc la prétention de prouver que les générations dites vieillies, ayant un pied dans la tombe, sont à l'âge adulte, sortant de l'enfance pour endosser la robe virile de la raison et qui, pour agrandir leur vue intellectuelle, doivent sans cesse élargir leur intelligence, diminuant la grandeur fictive du passé en faveur des espérances sereines et sublimes de l'avenir. Nous le savons, sans examen : l'oeuvre ténébreuse de la scolastique actuelle nous considère comme des visionnaires égarés au milieu de la réalité imposante des faits, elle nous croit échappés de quelque boite merveilleuse ; elle a raison, nous arrivons en ligne directe de cette boîte à surprises extraordinaires nommée l'erraticité, et quand son couvercle s'entrouvre, un phénomène remarquable a lieu, celui de voir sur la terre l'incarnation simultanée d'Esprits égoïstes, vaniteux, très personnels et entêtés, en compagnie d'êtres qui croient à la progression infinie, expliquant toutes choses d'une manière rationnelle ; les premiers vivent de mystères, de choses toujours incompréhensibles, du surnaturel, de négations et de fictions, ils sont le passé avec Ptolémée, Aristote et le Diable ; les seconds sont réincarnationistes, serviteurs de l'humilité, de la solidarité ; ils disent : L'homme, ce germe invisible dans le principe, doit sous la main de Dieu grandir à l'infini.
Les uns se croient trop vieux, les autres se croient très jeunes ; les premiers chantent la mort, les seconds préconisent la vie, une existence ne pouvant être comptée dans l'intégralité de la vie sur une sphère. Que l'homme, au dire des partisans de la Genèse mosaïque et de l'école concessionnaire de Cuvier, ait vécu 6,000 ans ; ou bien que, selon la généralité des savants sans parti pris, il ait apparu sur la terre il y a plus de 100,000 ans, aux yeux des spirites, 38 années, regardées comme la moyenne de la vie humaine, sont une seconde dans l'ensemble de la multiplicité des existences d'un Esprit ; c'est un seul pas fait par un voyageur dans une route sans limite, c'est la proportion du temps écoulé par rapport à celui qui va suivre; c'est aussi comparer le développement intelligent d'un individu avec celui qu'il doit acquérir. Dans cet ordre d'idée tout est relatif, ainsi une éphémère naît et meurt immédiatement ; un ruminant atteint l'âge de 15 ans, espace de temps nécessaire à l'homme pour arriver à l'adolescence, ce qui implique ce fait pour chaque cas particulier, au point de vue de l'absolu, le nombre des années intervient d'une manière relative.
Des expériences nombreuses, aidées par l'analyse spectrale, prouvent que la lumière solaire peut encore durer avec intensité pendant 18 ou 20 milliards d'années or, comme la terre existe depuis 10,000,000 d'années, d'autres disent 100 à 200,000,000 d'années, et que nous sommes à l'état d'humanité dans l'enfance, en admettant que la vie humaine dépende immédiatement de cette lumière, elle ne doit s'éteindre qu'avec elle et la moyenne d'une incarnation sur la terre, ne devient ainsi qu'un 1/5000 de sa durée totale.
Autre fait : d'après les recherches du géomètre Fourier et de Balbi, cette autorité géographique, la population du globe n'est pas la vingtième partie de ce qu'elle doit être ; puis, on distinguerait cinq mille groupes d'habitants ayant un dialecte spécial, une religion différente, nuancée, possédant un Dieu, un saint, un fétiche ou un tabou ; nous constatons ainsi un état général confus, indescriptible, une sorte de tour de Babel qui, des bords de l'Euphrate, de Ninive et Babylone, s'est étendue sur toute la surface de la sphère. Le nombre d'habitants et le langage constituant l'humanité, nous sommes obligés de noter la conséquence suivante : pour arriver à l'unité, ce but entrevu, que d'échelons ne nous reste-t-il pas à gravir; notre état social rudimentaire étant semblable à celui d'un être végétatif comme la chrysalide, nous voulons nous débarrasser de notre prison matérielle. Il est donc évident que, par rapport au développement promis, cette aspiration des spirites, l'homme fils de Dieu, est encore à l'état d'animal spirituel embryonnaire ; que cette raison suprême répond aux questions réputées insolubles en donnant la clef de ce que l'on a improprement appelé des mystères, que ces vérités doivent nous donner la patience pour supporter nos épreuves, nous rendre tolérants et fraternels, pleins d'espérance et de confiance dans le Créateur.
Aux négateurs nous répondons : Oui, nous sommes ignorants, mobiles et cruels comme des enfants, l'histoire entière le constate : les premiers hommes se sont mangés, après s'être longtemps égorgés ; plus tard, les peuples ont fait la chasse à l'homme pour avoir des compagnes et des esclaves, ils ont confisqué des tribus entières et enlevé les richesses accumulées ; au dernier siècle on se massacrait pour la gloire, mais, dans ce temps de progrès, en 1873, on moissonne les bataillons au nom des principes, ce qui est déjà plus raisonnable, et des malentendus seuls séparent les nations encore dans l'enfance. En supprimant l'attirail des combats, que font encore les mortels ? Ils poussent des cris, se disputent et se culbutent même dans les assemblées nationales ; semblables à des échappés de collèges, ils ne veulent point écouter le petit nombre de gens sensés, car parmi eux, les sages sont accueillis par le sarcasme et l'indifférence.
La force corporelle séduit encore la foule, et le conquérant qui empoisonne ou fusille les siens, qui supprime les obstacles, devient un génie s'il a pour piédestal la mort de 100,000 de ses semblables ; longtemps après leur mort violente ou leur martyrologe, on veut bien honorer Socrate, le Christ, Keppler, Jean Huss, etc., et signe caractéristique de notre avancement, aujourd'hui on lit Allan Kardec ; quatre ans après sa mort on le vénère. Enfin, nous pouvons tous constater que, clans l'ensemble des terriens, on trouve tous les caractères variés de l'enfance : superstition et cruauté chez les races inférieures ; gourmandise, vanité, libertés bruyantes, grâces naïves, dévouement, parmi les peuples latins et anglo-saxons. Deux faits remarquables corroborrent notre pensée : 1° Chez les nations les plus civilisées, chacun suit son idée sans écouter celle d'autrui ; on agiote, on gesticule, on crie, les plus graves intérêts de la nation disparaissent devant les intérêts personnels des grands enfants qui la composent ; 2° Chez eux, rester grand homme est chose difficile, l'oracle du jour étant le conspué de la veille, le génie nommé providentiel étant renversé de son piédestal au nom d'un simple caprice ; la roche Tarpéïenne est toujours près du Capitole. Ne voyons-nous pas invoquer Dieu, le même jour, pour les intérêts les plus opposés ? L’un veut la sécheresse, cet autre la pluie, celui-là le pardon de ses méfaits moyennant un peu d'or ?... et cette versalité devient d'autant plus burlesque et cruelle, si l'on descend les échelons des êtres incarnés. Nos contradictions, nos bizarreries, notre inconséquence ont été signalées avec puissance par Molière et les critiques de son école ; mais, au lieu de se placer comme les spirites à un point de vue rationnel qui puisse les expliquer et les justifier, ils on dit ce blasphème qu'ont répété les philosophes et les gouvernants : « L'humanité est définitivement arrivée à un état méprisable et désespéré. »
Le Spiritisme ne commet pas ce crime abominable de mépriser les hommes, il croirait mépriser Dieu ; comme le grand dispensateur, il doit aimer, prêcher d'exemple et de dévouement, se faire l'auxiliaire de l'incarné pour mieux lui faire comprendre la création ; le considérant comme un enfant, il le prend paternellement par la main et, d'après les prémisses sachant les conséquences, il l'aide à traverser la crise difficile dans laquelle il se débat, voulant qu'avec vaillance il puisse aborder le second âge de la vie universelle, âge que doivent illuminer la réflexion, la raison et la charité.
Il était donné au Spiritisme, à son chef glorieux, de mieux révéler la vérité puissante adoptée par les âmes fortes dès la plus haute antiquité. Bien des hommes ont eu à l'égard de cette doctrine, le dédain du sceptique, le mépris et le sourire de l'incrédule inconscient, mais qu'importe, ce baptême était indispensable ; cette philosophie, après avoir surabondamment prouvé que l'être intelligent n'a pu sortir tout à coup du néant, n'ayant rien à apprendre, à faire, à désirer, aura en établissant dans toutes les consciences la conception des vies successives de l'Esprit, réfuté la chimère insensée d'une hypothèse de créations spéciales, renouvelées partialement, sous le coup du caprice, et détruit à jamais la puissance funeste des préjugés et de leurs mortelles influences.

 

Variétés

Les Esprits frappeurs des Batignolles
Nos correspondants sont étonnés de ne pas lire dans la Revue le récit des faits qui ont eu lieu, 21, rue Nollet, aux Batignolles ; nous avions cru devoir nous abstenir, sachant que des groupes spirites s'en occupaient spécialement ; nous comptions aussi sur nos amis pour recevoir des explications détaillées, mais après avoir attendu vainement, nous avons compris que ces groupes travaillaient pro domo sud, sans se concerter avec nous.
MM. Niolet et Cochard, qui avaient constaté avec nous les phénomènes d'apports de Montrouge, vinrent nous rendre visite, 7, rue de Lille, pour nous prier d'aller avec eux, rue Nollet, 21 ; ils y avaient été, la veille, une lettre de madame D., la locataire chez laquelle se passaient les faits les y ayant engagés, pour obtenir, rue Nollet, ce que nous avions eu à Montrouge, c'est-à-dire la cessation de ces curieux mais ennuyeux phénomènes.
Chez M. D., nous avons constaté par l'évocation des Esprits, que M. et madame D. et leur bonne étaient médiums inconscients, les phénomènes ayant eu lieu avec la même intensité par la présence de l'un d'eux et en l'absence des autres. Le grand-père de la bonne avait été l'un des principaux agents invisibles, il avait beaucoup aimé sa petite-fille, et tout en demandant un souvenir, quelques prières, il avait aidé à produire le tapage qui avait ému ce quartier paisible de Paris. Les Esprits avaient un but bien défini, prouver leur existence, et forcer les hommes de science à s'occuper de ces phénomènes. Des membres de l'Institut, des prêtres, des personnages de toutes les classes de la société se sont transportés rue Nollet, ou madame D. (qui est un poète distingué), les a toujours accueillis comme une femme du monde, mettant son appartement à leur disposition pour qu'ils puissent se convaincre de la vérité ; beaucoup ont vu et entendu ; mais personne n'a osé dire « Je constate la vérité de ces faits. »
Le jour de notre visite, le propriétaire, le commissaire de police et ses agents firent irruption dans l'appartement, tous voulaient déloger les Esprits. Le propriétaire, ancien militaire, officier retraité, demandait à voir les Esprits pour leur tordre le cou ; pour lui, c'était une farce et des mortels seuls pouvaient déprécier son immeuble, il voulait leur parler à ces pékins-là ; en somme, il n'était pas poli, et nous fûmes obligés de le rappeler à l'ordre. Le commissaire de police, grand, gros et fort personnage, prétendait que tout cela était une plaisanterie, qu'il y avait une ficelle ; lui ayant demandé quelques explications, il répondit qu'un meuble en velours ne pouvait pas se remuer seul, cette étoffe étant un mauvais conducteur de l'électricité ; il ajouta quelques autres raisons semblables et, inquiété par nos réponses et nos sourires, ce représentant de la force à tous les titres déclara qu'il allait rétablir l'ordre dans la rue. En effet, ses agents se mirent à l'oeuvre, essayant en vain de faire circuler la foule curieuse et bavarde.
Nous avons eu deux séances chez M. et madame D., qui prétendent que depuis notre présence chez eux, les phénomènes ont cessé complètement. Cependant, jugez de notre embarras ; pour certifier l'existence d'un fait, il faut l'avoir vu, et nous n'avions pu en être les témoins ; les manifestations ayant cessé le jour de notre venue ; aussi, M. Niolet et moi, avons-nous demandé à madame D. de vouloir bien nous écrire un compte rendu très concis des phénomènes des Batignolles ; avec sa bonne grâce accoutumée, cette dame nous envoie le récit suivant, en même temps elle nous fait remettre son volume de poésie intitulé : Les mystères du cœur.
Monsieur le secrétaire de la société spirite, rue de Lille, 7.
20 juillet 1873.
Vous m'avez demandé le récit des phénomènes qui, pendant plus d'un mois, n'ont cessé d'exister chez moi or, me trouvant dans l'impossibilité de vous satisfaire aussi tôt que je le voudrais, je vous adresse un extrait du Petit-Journal, en date du ler mai 1873, et en tout conforme à l'exacte vérité : Un fait singulier a eu lieu en ce moment aux Batignolles (Paris). Une maison, située rue Nollet, 21, voit se produire des faits étranges sur la cause desquels on se perd en conjectures.
Cela remonte à environ un mois. La famille D., qui habite, au troisième étage, avait un voisin incommode qui touchait toute la journée du piano. Elle a demandé à son propriétaire le congé de ce pianiste enragé et celui-ci l'a accordé. Mais voilà qu'un autre bruit a succédé à celui de l'instrument insupportable. Des cris de toute sorte se font entendre à l'étage supérieur qu'habitait le musicien, sans qu'on puisse se douter de leur cause. L'appartement occupé par la famille D. semble hanté par des Esprits invisibles et ses hôtes sont l'objet de vexations de toute sorte dont ils ne peuvent découvrir les auteurs. Plainte a été portée à la police, qui, malgré la surveillance la plus active, n'a encore rien pu découvrir.
Il y a trois semaines, les phénomènes parurent s'arrêter, mais ils viennent de recommencer, les Esprits continuent de frapper sec et dur. M. D. raconte que dans la matinée du 25 avril 1873 son canapé avait été plusieurs fois renversé avec fracas, et que les deux portes du salon avaient été fermées d'elles-mêmes au verrou, ce qui ne s'était pas encore produit. Invités à voir, ou plutôt à entendre par nous-mêmes nous nous sommes rendus dans cette maison, rue Nollet. Au début, le plus grand calme. Mais bientôt de l'étage supérieur et inhabité, des bruits étrangers nous sont parvenus. C'est d'abord le pas lourd d'un homme, puis les pas légers d'un enfant qui folâtre, le frotteur avec son mouvement cadencé y succède ; on entend le bruit de meubles que l'on traîne à soi et enfin les portes qui s'ouvrent et se referment aussitôt avec fracas.
Le lendemain, nouvelle visite, et cette fois nous avons demandé la permission de nous installer une partie de la journée dans l'appartement de M. D. A notre arrivée, grande était déjà l'agitation. On essayait de rappeler la servante étendue sans connaissance sur une chaise de la salle à manger. En mettant le couvert, cette brave fille avait été effrayée par le bruit de la chute du canapé. Après le déjeuner, M. et madame D. sont sortis, et nous avons, la servante et moi, gardé seuls l'appartement. Une demi-heure à peine s'était écoulée, lorsqu'un épouvantable fracas partant du salon nous a surpris, la servante au milieu de son travail de couture, et nous tandis que nous lisions, dans la pièce même où se trouvait alors cette fille. Nous accourons : le canapé est renversé sur le guéridon, et la porte qui ouvre sur l'antichambre est grande ouverte. Nous remettons le canapé sur ses pieds et à sa place. Nous refermons la porte au verrou, nous nous assurons que les fenêtres sont solidement fermées et qu'il n'y a personne dans la pièce, après quoi nous retournons dans la salle à manger.
Une heure de calme parfait. Puis, tout à coup, la servante, plus pâle que la mort, et toute tremblante s'écrie : « Regardez derrière vous ! » Une croix accrochée au mur, et que surmontait un collier, venait de se briser sans bruit. Les deux bras de la croix pendaient encore au mur, mais le reste avait disparu. Nous en cherchions les débris, quand tout à coup, la porte du salon, que nous venions de fermer au verrou, s'ouvre d'ellemême encore une fois, et nous montre, dans cette pièce, un désordre inexprimable, qu'aucun bruit n'avait précédé ni suivi. A l'étage supérieur seulement le tapage avait persisté.
Enfin il fallait se retirer mais quand nous passâmes devant la chambre de M. et madame D., la porte, qui était ouverte, se referma brusquement devant nous et le verrou se trouva mis aussitôt en dedans. A ce moment, M. et madame D., leur fils et la servante nous accompagnaient. Le lendemain, M. D. vint nous apprendre que le phénomène entrait dans une nouvelle phase. Des miaulements, des rugissements de bête fauve, des cris d'enfants, des éclairs soudains se mêlent aux bruits accoutumés.
Voilà, monsieur le secrétaire, l'image fidèle des faits récents encore, dont vous désirez le détail.
Pas n'est besoin, je pense, de rappeler un nom, qui, grâce à l'indiscrétion de plusieurs journaux, a fait stationner sous mes fenêtres un si grand nombre de curieux.
Agréez, monsieur le secrétaire, l'expression de mon profond respect,        
Madame E. D.

 

Intelligence des animaux

L'argyronète aquatique
Un matin, en se levant, Louise descendit comme de coutume dans le jardin pour y rejoindre son frère qui, matineux par excellence, comprenait que les premières heures du jour, surtout en été, sont celles où la nature se montre dans ses aspects les plus variés et révèle la plupart de ses plus curieux secrets. Les feuilles qui sortent de leur sommeil et quittent la position qu'elles ont prise la veille au soir pour se replacer dans celle qu'elles doivent garder toute la journée, les fleurs qui s'épanouissent et exhalent leurs plus doux parfums, les oiseaux picorent et butinent, les insectes et les papillons sans nombre qui sortent de leurs retraites nocturnes pour chercher leur nourriture ou pour construire leurs habitations, sont autant d'intéressants spectacles qu'on ne peut observer pendant la chaleur du jour, alors que les rayons ardents du soleil forcent tous les êtres animés, moins l'homme laborieux, à, se reposer et même à se taire.
Le père et la mère d'Alphonse et de Louise avaient habitué leurs enfants à se lever de très bonne heure et à se coucher tôt. La santé de leurs corps et le développement de leur esprit se trouvaient au mieux de cette hygiène salutaire. Louise appela Alphonse à plusieurs reprises, personne ne répondit ; elle alla chez le jardinier, qui lui dit : « Votre frère est sorti à la pointe du jour, il est près du ruisseau. »
Louise y courut et n'aperçut pas d'abord Alphonse, accroupi sur le bord d'un fossé rempli d'eau et ombragé de tous côtés par des salicaires aux fleurs purpurines, des eupatoires à l'odeur de miel et des butomes aux larges ombelles roses.
Alphonse entendant la voix de Louise, lui fit signe d'approcher.
- Que fais-tu donc là ? lui demanda Louise. Vas-tu encore pêcher des grenouilles ?
- Non, répliqua Alphonse, mais j'admire une merveille cachée sous l'eau !
- Une merveille ! Et quelle est-elle ?
Une petite araignée de 12 à 13 millimètres de long, au corselet rouge et lisse et dont le ventre fauve est couvert de poils veloutés.
- Mais, objecta Louise, qui avait fait un léger mouvement au mot araignée, et l'avait réprimé immédiatement au souvenir des leçons de son frère, mais il me semblait que les araignées plongées dans l'eau périssent promptement asphyxiées.
- Tu as raison, ma chère Louise, mais cette araignée aquatique possède la propriété de pouvoir s'entourer d'une couche d'air qui lui permet de vivre et de respirer au milieu du liquide, qui la tuerait, s'il en était autrement.
- C'est donc pour chercher sa proie dans l'eau, demanda Louise, qu'elle emporte ainsi une provision d'air ?
- Oui, d'abord, mais c'est aussi pour un usage bien plus étonnant encore. Ecoute. Hier, Pierre me dit qu'en passant le long de ces fossés, il avait cru voir comme de grosses boules brillantes cachées sous les grandes feuilles sagittaires. Je lui demandai s'il avait remarqué que ces fossés fussent couverts de lemnas, que l'on nomme vulgairement lentilles d'au. Sur sa réponse affirmative, je pensai que ces boules brillantes pouvaient bien être des demeures ou des nids de l'araignée aquatique, que les naturalistes nomment argyronète, de deux mots grecs qui signifient : « Je file de l'argent. » Je savais que ces insectes recherchent les eaux tranquilles où croît la lentille d'eau. Je ne m'étais pas trompé dans ma supposition, et tu peux voir, attachés par de légers fils, aux plantes du fond, ces espèces de dés à coudre, d'environ deux à trois centimètres de hauteur, et brillants comme de l'argent poli. Ce sont les demeures des argyronètes.
Louise se pencha et poussa un cri de surprise et d'admiration.
- Voici, reprit Alphonse, comment ces ingénieux insectes construisent leur éclatant palais : L'argyronète, comme toutes les araignées, possède un réservoir d'une matière qui s'échappe en fils ténus et légers d'une filière percée de petits trous qu'elle porte à l'extrémité postérieure du corps. Elle s'entoure, en remontant à la surface de l'eau, d'une couche d'air arrêtée par les poils, dont son ventre est recouvert et va attacher sous l'eau, à des cailloux ou aux tiges des plantes aquatiques, quelques fils, qui seront les cordages destinés à soutenir son nid entre deux eaux. Elle commence alors à tisser, au moyen de la matière qui sort par ses filières, une petite bourse en forme de dé à, coudre, fermée et arrondie par le haut et ouverte par le bas, qu'elle attache aux cordes qu'elle a d'abord placées. Elle passe et repasse mille fois sur son ouvrage, colle ses fils, les entrecroise, les polit, et finit par revêtir le tout d'une glu imperméable à l'air et à l'eau, et d'un brillant d'argent poli.
Son ouvrage ainsi terminé est mou, flasque, rempli d'eau à l'intérieur, et retombe sur terre. Il s'agit de le relever et de le rendre habitable pour l'insecte et pour sa famille qui doit y résider. L'argyronète remonte à la surface de l'eau la tête en bas, sort son ventre et par un mouvement brusque, ramasse entre ses poils une petite bulle d'air, qu'elle va déposer sous sa cloche. Elle recommence son voyage, rapporte chaque fois un peu d'air qui, en vertu de sa légèreté monte vers le haut de l'habitation, la soulève et la fait flotter, retenue, à une certaine hauteur, par les fils d'attache.
Bientôt la cloche est pleine et présente l'aspect que tu vois ici dans ce fossé. L'intérieur est tapissé de fils entrecroisés, qui constituent des espèces de cloisons ou de cases sur lesquelles l'araignée pond ses oeufs d'un beau jaune-orange et enveloppés d'un cocon de soie. Les oeufs éclosent bientôt et chaque petitearyyronète commence à son tour à imiter ses parents et à se construire une habitation, si petite quelquefois, qu'on l'aperçoit à peine.
- C'est merveilleux ! s'écria Louise.
- Je te l'avais bien dit, ma chère sœur ; mais ce n'est pas tout. L'air respiré et non renouvelé devient bientôt impropre à la vie, pour les animaux comme pour les hommes : l'argyronète le sait, le sent, l'éprouve : que fait-elle ? Elle coupe alors un ou deux des cordages attachés au bord inférieur de la cloche ; celle-ci perd son équilibre, culbute et l'air qu'elle contient s'échappe tout d'un coup en s'élevant à la surface de l'eau. L'argyronète rattache alors les cordages dans leur première position et, bientôt, infatigable pourvoyeuse d'air pur, elle a rempli sa cloche et peut y vivre et s'y nourrir en toute sécurité de la proie qu'elle y transporte.
- Je voudrais bien, dit Louise, pouvoir étudier ces petits animaux de près, me rendre compte de leur intelligence exquise.
- Je te procurerai ce plaisir, répondit Alphonse, car on peut en élever et les garder longtemps, dans un grand vase de verre, dont la transparence permet d'étudier à l'aise les moeurs et les habitudes de ces intéressants et intelligents petits insectes.                                                         
Madame L.

L'intelligence de Baïonnette
Baïonnette est le chien d'un musicien de régiment, ses maîtres ont leur domicile, 13, rue de Verneuil ; comme il est vif, alerte, très aimable, obéissant et bien élevé, chacun lui jette quelque chose à manger. Il fait le beau et semble vous dire merci avec ses grands yeux expressifs et ses cris de joie. Baïonnette amuse les enfants et les grandes personnes.
Dernièrement on le vit entrer comme un trait dans la cour, mouillé, les oreilles et la queue basses ; contre son habitude, il dédaignait le pain, les os, un débris de viande, du sucre : « Mais qu'a-t-il donc ?» disaient ses admirateurs ordinaires. Assis sur son train de derrière, il regardait avec inquiétude vers là grand'porte ; voyant entrer une personne pour laquelle il n'éprouve aucune sympathie, car souvent il lui montre ses crocs, on ne sait pourquoi, affaire d'antipathie, il s'approche d'elle pour lui faire mille gentillesses, le flattant avec la queue et lui adressant des petits cris suppliants ; le monsieur, très flatté de ce changement d'opinion à son égard, le caressait avec plaisir. Madame L. était à sa croisée, suivant avec attention tous ces incidents, futiles en apparence ; elle disait à ses enfants : Baïonnette éprouve quelque chose d'extraordinaire, il semble demander assistance.
Quelques instants après cette scène préliminaire, le musicien entrait à son tour, furieux, une badine à la main ; le chien se mettait à plat ventre, marchait en se traînant vers son maître, il poussait des jappements plaintifs ; sa tête tournée vers lui avait une telle expression de prière, de soumission et d'amitié, qu'aussitôt madame L., ses enfants et la personne dont nous avons parlé plus haut, intercédèrent si vivement pour lui que la bonne et gentille bête ne fut pas frappée. Il fallait voir ses cris de triomphe et de reconnaissance.
Le musicien raconta ce qui suit : Il avait conduit son chien au terre-plein du Pont-Neuf ; il faisait très chaud et jeta dans la Seine Baïonnette qui a une horreur instinctive de l'eau ; sorti, le pauvre animal disait à son maître : C'est assez, et se tenait à une distance respectueuse ; attiré par des caresses, il fut lancé brutalement dans l’eau courante ; Baïonnette gagna péniblement la berge et, sans demander avis, malgré des rappels réitérés, il partit comme un trait jusqu'à la rue de Verneuil. C'était un cas grave, jamais il n'avait agi de la sorte.
Ce récit expliquait toute la conduite du chien, et madame L. qui nous raconte ce fait ajoute Baïonnette a compris la gravité de sa faute et, revenu au logis, il a calculé que d'après le caractère de son maître, il y aurait colère brutale et peu raisonnée, qu'on aurait raison contre sa faiblesse ; il ne cherche plus à manger mais rumine comment il va se tirer de ce mauvais pas ; aussi, comme il devient profond politique en caressant un homme qu'il n'aime pas et dont il fait son soutien, il était bien sûr aussi que la bonne dame de là-haut ne l'oublierait pas. Donc, chez lui, il y a eu détermination virile d'échapper à une injustice, décision prompte et sagace pour trouver des défenseurs, analyse bien précise du caractère du musicien. Il y a là toutes les preuves de la combinaison et de l'intelligence, moins la parole.

Madame L. a raison ; de cette aimable et curieuse petite bête à certaines intelligences humaines, qui notera la différence, tellement elle est insensible ? et pourtant, nous refusons une âme même élémentaire aux animaux qui, chaque jour, nous donnent des leçons de prudence, de prévoyance, de travail et de sagesse fraternelle.

 

Correspondance

A propos du Quid divinum
Messieurs,
Dans la Revue dernière de juin 1873, une erreur, sous forme d'appréciation, se trouve, en quelque sorte plusieurs fois répétée dans divers articles de M. D. G., qu'il importe de relever afin de ne pas induire en erreur les adeptes depuis peu initiés à notre chère doctrine.
L'article intitulé : Quel est le stratum du quid Divinurn ? On lit ces mots, page 171 : Le périsprit commençant à se former avec la première cellule vitale et se développant avec l'organisme, devient successivement instinct, intelligence ; puis sous l'influence du fluide divin, une âme humaine etc., et l'auteur ajoute, on le voit de suite, cet enchaînement est naturel, logique, etc.
M. D. G. fait dériver ensuite l'âme humaine de l'organisme, autrement dit de la matière, tandis que le Livre des Esprits, page 34, n° 79, nous dit fort bien que l'esprit ou l'âme est formé de l'élément intelligent universel, ceci est très clair. (Le fluide universel se compose de l'élément intelligent et de l'élément matériel). Cette instruction nous étant donnée par les Esprits supérieurs, qui ont procédé à l'établissement du Livre des Esprits, vouloir chercher une autre source, c'est vouloir entasser hypothèse sur hypothèse sans atteindre le but.
Le Livre des Esprits, page 34, n° 81, dit : Demande. - Les Esprits sont-ils créés spontanément, ou bien procèdent-ils les uns des autres ? - Réponse. Dieu les crée, comme toutes les autres créatures, par sa volonté ; mais, encore une fois, leur origine est un mystère; j'ajoute, il n'est pas donné à l'homme d'ici bas de connaître le principe des choses (Livre des Esprits).
Il est certain que l'organisme, dont M. D. G. fait procéder l'âme, est le résultat d'une combinaison de molécules plus ou moins fluidiques, plus ou moins matérielles et qui, combinées ensemble, ont produit une matière tangible ; il n'est donc pas rationnel qu'une âme ou Esprit qui doit avoir son individualité et ses tendances vers Dieu, qui est le but de tout Esprit ou âme qui est en progrès, sorte d'une matière inerte qui est mue seulement par le principe vital ; quand ce principe, qui est le moteur de cet organisme, disparaît parce que la fin ou la mort est arrivée, que devient-il cet organisme que M. D. G. a voulu transformer en âme? L'Ame ou Esprit, étant immortelle, ne peut provenir d'une source qui est périssable.
M. D. G., notre frère en spiritisme, a commis un oubli, c'est de donner un suppléant à cet organisme dont il veut faire une âme, à moins de lui donner des fonctions multiples  Le périsprit dont M. D. G. veut faire une âme tandis qu'il n'est que l'instrument ou l'agent conducteur de cette âme ou Esprit. Voici ce que nous enseigne Livre des Esprits à cet égard.
Page 38, l'article intitulé : Périsprit n° 93 dit très clairement que l'Esprit puise son périsprit dans le fluide universel ; l'âme existe ainsi avant d'être revêtue de son périsprit, que M. D. G. fait devenir une âme.
L'âme arrivée au point de revêtir son périsprit existait déjà et était depuis longtemps inconsciente, elle-même travaillant au grand laboratoire de l'espace sous la direction d'un guide, lorsque le moment de la formation du périsprit est arrivé ; ce qui indique un certain degré de progrès. Cette âme, qui ne peut encore agir seule pour cette formation, est plongée dans un amas de matière ; son guide l'aide à faire un choix dans ces matières-là, ensuite vient l'époque ou le libre arbitre lui est conféré. Plus tard, arrive l'époque de l'avancement de l'Esprit qui par sa volonté longtemps dirigée vers le bien, attire à lui de meilleurs fluides qui grandissent sa spiritualité, jusqu'à la mettre au rang des Esprits supérieurs.
Un Esprit qui travaille à spiritualiser son corps animal, reçu comme instrument de son progrès, qui atteint un certain degré de pureté, fait que cette matière, en se désagrégeant, retourne dans l'espace beaucoup plus épurée que lorsqu'elle servit à la formation de ce corps. Cette épuration des corps humains ayant lieu sur une grande échelle, bonifier l'atmosphère qui la reçoit doit produire par la suite un grand progrès physique sur la planète. Je pense que tel doit être le progrès matériel de notre globe.
Quant aux maladies héréditaires dont parle M. D. G., dans la Revue de juin 1873, il oublie que, volontairement, nous acceptons nos épreuves et le milieu où nous devons vivre, avant de nous réincarner ; qu'il entre souvent dans ces conditions proposées pour notre avancement que tel Esprit réincarné naîtra avec un corps ayant une constitution maladive. L'Esprit chargé de veiller à l'accomplissement des épreuves acceptées volontairement, n'aura qu'à introduire dans l'organisme du nouvel incarné, encore dans le sein maternel, quelques molécules malsaines pour l'accomplissement des épreuves acceptées. Voilà, donc une mauvaise santé qui ne peut être classée avec les maladies héréditaires. A propos des citations de M. D. G. sur les paroles du Christ, qui a dit : « Tu as cru, Thomas, parce que tu as vu et touché ; mais heureux ceux qui croiront sans avoir vu. » M. D. G. ajoute, voilà au point de vue général ce que nous entendions par maladie humanitaire, et comment nous comprenons le quid Divinum. Ces paroles dernières, sans autre développement, n'enseignent rien. Le Christ nous a dit, et les invisibles depuis, que le temps viendrait, et il est venu, où on enseignerait sans parabole, sans fictions imagées, avec clarté. Cette maladie humanitaire, dont parle M. D. G., doit se traduire par ces paroles : Thomas rie croyait pas sans avoir vu et touché, parce qu'il était d'une nature attardée ; il n'avait pas apporté en naissant l'intuition des choses spirituelles, et ceux qui croient sans avoir vu sont le plus souvent des âmes avancées qui ont déjà su. L'ignorance peut être appelée maladie humanitaire, comme la nomme M. D. G., mais encore fallait-il une explication pour ne pas la comprendre au rang des maladies matérielles.
M. D. G. nous cite souvent les paroles de saint Paul, toujours au sujet de l'âme. Saint Paul, médium parlant, apôtre du Christ, et tous les prophètes de l'antiquité, médiums parlants aussi, n'étaient inspirés que selon les lieux, le temps et les Esprits incarnés plus ou moins attardés auxquels on s'adressait.
Messieurs et chers Frères en Dieu, je désire ardemment que ces quelques lignes, à propos des articles de M. D. G., puissent être de quelque utilité par les citations du Livre des Esprits, cette base de notre chère doctrine, si belle et si consolante. A. C.

 

Le pensionnat du Petit-Château

Jean Macé, le fondateur de la Ligue de l'Enseignement en France, vient de donner un exemple qu'il est bon de faire connaître à nos amis : on pourra l'imiter en temps et lieu. Il disait aux adhérents de la Ligue, dès le commencement de sa prédication, dans le Bulletin du 15 février 1867 :
C'est aux pères de famille eux-mêmes, groupés dans les cercles locaux, ou de telle façon qu'il leur conviendra, qu'il appartient, selon moi, d'organiser comme ils l'entendront des écoles pour leurs enfants. Il y a une place à prendre dans le mouvement coopératif pour les associations de ce genre-là, et je compte bien qu'elle sera prise avant qu'il soit trop longtemps. Assurément, on peut faire mieux que nos écoles d'aujourd'hui.
Que ceux qui en voudraient de meilleures les fassent eux-mêmes : c'est un détail qui en vaut la peine. Voilà qu'on s'associe partout maintenant pour manger et boire à meilleur marché et, certes, ce n'est pas une mauvaise idée. Quand on s'associera pour faire élever ses enfants comme on l'entend, il me semble que l'idée ne sera pas mauvaise non plus. Les systèmes alors pourront se présenter, et tant mieux pour celui qui se fera accepter. »
C'était à Beblenheim, un village du Haut-Rhin, dans le pensionnat du Petit-Château dont il était le professeur depuis 1852, que le fondateur de la Ligue écrivait ces lignes. La conquête prussienne est venue depuis, et a chassé d'Alsace le pensionnat du Petit-Château et ses maîtres français. Jean Macé a mis alors lui-même en pratique le conseil qu'il avait donné. De concert avec la directrice du pensionnat, mademoiselle Verenet, en s'aidant du concours de quelques amis et des anciennes élèves de la maison, il a fondé une société au capital de cent mille francs, qui a transféré le pensionnat de Beblenheim à trois heures et demie de Paris, dans le château de Monthiers, un vrai château celui-là, du temps de François Ier, au milieu d'une vaste propriété où les jeunes filles trouvent largement les occasions d'exercice physique qui leur font défaut presque partout.
J'ai visité le nouvel établissement, et j'y ai vu une carte de France établie par les élèves elles-mêmes sur un terrain de mille mètres carrés. Il est question déjà d'une carte de la Méditerranée, depuis le détroit de Gibraltar jusqu'au fond de la mer Noire, qui couvrirait un espace quatre à cinq fois plus grand. C'est une manière nouvelle d'apprendre l'histoire et la géographie, dont les enfants ne se plaindraient pas assurément si elle se généralisait.
Ce qui est plus important encore, ce sont les principes en vigueur dans le pensionnat de Monthiers, dont témoigne suffisamment tout ce qui est sorti de la plume de l'auteur de l'Histoire d'une bouchée de pain. L'établissement est ouvert à tous les cultes, et sans froisser aucune doctrine particulière, l'enseignement qui y est donné tend surtout à développer dans les âmes ce sentiment religieux universel qui est au fond de toutes les religions, dénaturé trop souvent par l'alliage de la superstition.
A ce titre, en attendant que nos amis se soient mis en mesure de s'organiser pour créer des maisons d'éducation spirites, où leurs enfants soient élevés comme ils l'entendent, ainsi que Jean Macé le conseillait aux pères de famille de toutes les croyances, je crois pouvoir leur signaler celle-là, et je me mets à la disposition de ceux qui voudraient avoir sur elle de plus amples renseignements, à moins qu'ils ne préfèrent s'adresser à Jean Macé lui-même, au château de Monthiers, par Neuilly-Saint-Front (Aisne).
Les questions d'éducation sont les questions vitales du jour, dans la pratique encore plus que dans la théorie, et, entre toutes, celle de l'éducation des filles mérite d'appeler l'attention sérieuse des pères de famille. Il y a là, pour eux, une responsabilité dont on ne comprend pas toujours l'étendue et qui voudrait compter de combien de filles, en France, l'éducation est confiée aux congrégations religieuses par des pères affranchis eux-mêmes des superstitions, s'alarmerait à bon droit pour l'avenir de notre pays. Qui tient la femme, tient l'homme ; c'est une vérité dont tout le monde convient, et dont personne presque ne se souvient, l'occasion venue de lui rendre l'hommage de la pratique. Emmanuel Vauchez

 

Recherches sur la pratique de la médiumnité guérissante

La médiumnité guérissante est universelle. Tout individu possède en lui le don de guérir les maladies : chacun de nous peut développer cette faculté précieuse et la rendre effective. Pour arriver à démontrer l'exactitude de cette affirmation, il nous suffira d'étudier la médiumnité guérissante dans sa cause, son moyen d'action et son mode de fonctionnement.
L'agent guérisseur est le fluide magnétique. Or, nous le savons, toute personne a un fluide propre, sans lequel on ne pourrait exister. On voit déjà que si tout être humain a du fluide magnétique, chaque individu, sans exception, possède en lui l'agent principal de la faculté, et se trouve armé de la cause de la médiumnité guérissante. Mais si tout le monde possède l'agent guérisseur, tout le monde a-t-il la puissance d'action nécessaire pour lui faire produire des résultats ; en d'autres termes, tout le monde possède-t-il une force d'émission fluidique suffisante ? On remarque, en effet, que les fluides sont chez les individus à des degrés différents de puissance, et l'expérience nous apprend que des personnes magnétisent et endorment facilement, tandis que d'autres, au contraire, n'ont jamais pu produire d'effets. D'après cela, on serait conduit à croire que si des individus peuvent avoir une action magnétique sur d'autres, il en est aussi qui semblent impropres à obtenir des résultats, soit par suite de la faiblesse de leurs fluides, soit par suite d'un manque de force d'émission fluidique.
Cette objection, qui pourrait être fondée pour le magnétisme humain, ne saurait en aucun cas s'appliquer à la médiumnité guérissante dont les Esprits sont les acteurs principaux. Avant de traiter ce point, nous voulons contester cette croyance que, pour être magnétiseur, il faut endormir ou obtenir des effets physiques.
Suivant nous, chacun de nous projette des fluides sur autrui. La faculté d'endormir dénote chez la personne un fluide propre à ce genre d'action ; si nous avons des médiums (lui font remuer des tables, il ne s'ensuit pas qu'eux seuls soient médiums et qu'il n'y ait pas de médiumnités autres que celle-là ; de même, ceux qui endorment ne sont pas les seuls à avoir une action fluidique sur d'autres. Les fluides magnétiques agissent suivant leur nature, et ceux qui n'ont pas le pouvoir d'endormir ne produisent pas moins des effets particuliers, dont les phénomènes, parce qu'ils ne frappent pas les yeux comme les effets physiques, n'en existent pas moins et ne sont pas moins puissants dans leur genre d'action.
Tel possède un fluide qui endort, tel autre un fluide qui a la faculté de séduire, de tromper, d'inspirer l'affection, de pousser à la colère, d'éblouir, de développer de bons sentiments, d'exciter à la dureté, d'attirer la sympathie, etc et ces fluides divers, sans avoir la faculté d'endormir, possèdent cependant dans l'ordre guérissant leur force particulière.
Bien plus, telle somnambule, qu'un seul regard endort, qui semble faite pour absorber les fluides et impropre à en produire, possède néanmoins une action magnétique qui s'exerce autour d'elle, même sur son magnétiseur. Le fluide qui lui est propre n'endort pas, mais il agit dans le sens de sa nature. De ce qui précède, nous concluons que toute personne émet des fluides et a une action fluidique sur les autres ; que cette action peut être très puissante, sans produire d'effets somnambuliques, surtout auprès d'un individu qui la rechercherait et désirerait la recevoir.
Ainsi, nous avons tous du fluide magnétique, et possédons en nous l'agent de la faculté guérissante. Chacun de nous projette du fluide sur autrui, et par conséquent nous avons tous le moyen d'action de la faculté guérissante. Rien ne s'oppose donc à ce que nous ayons tous cette puissance, puisque tous nous possédons en nous les éléments qui la constituent.
Mais la thèse de l'universalité de la médiumnité guérissante devient tout à fait évidente, si l'on examine le mode de fonctionnement de cette précieuse faculté. Dans le magnétisme proprement dit, le magnétiseur émet son fluide propre sous l'influence de sa volonté personnelle. Suivant la nature de son fluide, ses facultés particulières et son degré de puissance, le magnétiseur obtiendra des effets. Ces effets seront absolument en raison de la nature du fluide du magnétiseur, car ce fluide est le seul agent dont il dispose.
Dans la médiumnité guérissante la situation n'est plus la même ; le magnétiseur principal n'est plus l'incarné, c'est l'Esprit qui projette son fluide propre sur le malade, à travers le fluide du médium. Le fluide du médium, loin d'être l'unique agent d'action comme chez le magnétiseur, n'est plus que le véhicule du fluide de l'Esprit guérisseur, véhicule nécessaire pour permettre au fluide spirituel d'obtenir une action physique sur l'incarné.
Pour nous servir d'une comparaison, nous pourrions dire que le fluide envoyé par l'Esprit est le médicament ; celui du médium, que le fluide de l'Esprit entraîne dans une proportion variable suivant les cas, est le diluant qui en facilite l'absorption. L'un sera par exemple, le quinine, l'autre le vin de Madère dans lequel on a fait dissoudre le remède afin de le rendre digeste et assimilable.
Nous avons vu que chaque personne possède les éléments de la faculté guérissante, le fluide magnétique et la force d'émission fluidique. Nous venons de voir que ce fluide devient, quelle que soit sa nature, guérissant sous l'action d'un Esprit. Nous savons de plus que chaque individu a près de lui un bon Esprit protecteur ; tout ce qui est nécessaire à la médiumnité guérissante se trouve donc réuni en chacun de nous. Qu'un spirite élève son âme à Dieu et désire soulager la souffrance d'une personne, et il peut être sûr que pendant la durée de son désir, il y a derrière lui son bon Esprit (sans compter l'Esprit protecteur du malade) qui émet des fluides propres à provoquer le soulagement ou la guérison. C'est une règle que nous croyons absolue et sans exception, sauf lorsque le médium possède lui-même dans son fluide, le germe de la maladie qu'il voudrait guérir chez un autre ; ou un mal qui rend momentanément son fluide nuisible ou enfin un épuisement fluidique résultant d'une maladie provisoire ou de l'âge. Lorsque le médium est dans ce cas, l'Esprit guérisseur empêche l'émission fluidique et travaille au contraire à la guérison de son médium.
Mais en nous livrant à une étude du fonctionnement de la médiumnité guérissante, nous allons mieux comprendre encore tout le parti que nous pourrions tirer de nous-mêmes, si nous étions moins impatients et plus modestes. La faculté médianimique guérissante procède de trois moyens qui se confondent ensemble chez le même médium, mais à des degrés divers. Ces trois moyens, nous allons les séparer et les étudier les uns après les autres, afin de les faire mieux comprendre : dans le premier et le plus simple, l'Esprit se contente d'aider l'action des bons remèdes donnés par le médecin, et d'entraver l'effet des erreurs que celui-ci aurait pu commettre. Cette médiumnité est sans éclat, ses résultats ne sont pas brillants et immédiats ; ils sont faciles à contester, car rien ne peut établir que ce ne sont pas les remèdes seuls qui ont produit leur effet. Un spirite, lui, voit à la rapidité relative de la guérison, du degré de soulagement obtenu, ce que son intervention a produit.
Tous les Spirites sans exception devraient pratiquer cette faculté. Lorsqu'un membre de la famille est malade, si celle-ci se réunissait et élevait son âme dans une prière commune, elle ferait produire aux remèdes des effets étonnants comme puissance d'action et sûreté de résultat. A ! Sans doute, cette faculté n'est pas éclatante et n'est pas faite pour étonner le monde et convaincre les incrédules ; mais elle fait le bien, beaucoup de bien. N'est-ce pas assez pour un Spirite ?
Il y a parmi nous des gens étranges. Ce qu'ils demandent, ce n'est pas de soulager un malade, c'est d'étonner le public par la rapidité de la guérison. C'est plutôt un sentiment de vanité qui guide dans ce cas, qu'un désir sincère d'être utile. Parce qu'ils ne produisent pas de guérison immédiate, ils renoncent à travailler leur faculté ; ils en doutent. Ceux qui sont dans cet ordre d'idée n'arriveront jamais à rien, et il est à craindre qu'ils n'aient pas à se féliciter, après la mort, d'avoir si peu compris ce qui leur est demandé. Les bons Esprits nous montrent ce que nous avons à faire. Ils peuvent soulager un malade, ils le soulagent et s'inquiètent peu de savoir si le médecin attribuera à lui seul le résultat de la cure et si le malade leur en saura gré. Ils font le bien pour le bien, et ne se préoccupent pas du profit de vanité qui peut leur en revenir.
Le médium qui, patient, modeste, aide à guérir les malades sans se préoccuper si on contestera son action, sans s'impatienter de ne voir se produire aucune manifestation marquante, celui-là est le vrai Spirite ; il remplit son devoir avec l'humilité, la persistance et la foi qui plaisent à Dieu. Mais non ! On voudrait faire des miracles. On voudrait guérir sans remède et de suite. On sait que c'est possible, et cette faculté merveilleuse on la réclame. « Je ne demanderais pas mieux que d'être utile aux malades, mais que les Esprits me donnent le don de la guérison spontanée. » On ne demande que cela, on ne voudrait rien moins qu'une nouvelle puissance comme celle du Christ. Ce n'est pas là du Spiritisme profond, et si jamais de puissantes facultés sont données à, des hommes, ce ne sera pas certainement à ceux qui pensent ainsi, car ils sont incapables d'accomplir les efforts nécessaires pour permettre aux Esprits de les leur faire acquérir. Dans la famille et le milieu des amis intimes, chaque Spirite a donc le moyen d'utiliser la faculté de médiumnité guérissante qui est en lui, en aidant l'action des remèdes.
V.
A suivre

 

Dissertations spirites

Demandes adressées aux Esprits par un Pasteur protestant
A M. Staat, mécanicien. Médium, A. P. 23 juillet 1873.
Première demande. Le Spiritisme admet que le Christianisme est une révélation, et que les apôtres ont été sous l'influence des Esprits ou de l'Esprit de Dieu. Ne peut-on pas inférer de là qu'ils ont été inspirés des Esprits ou de l'Esprit de Dieu, quand ils ont écrit les Évangiles et les Epîtres ? S'ils ont été inspirés, nous devons accepter les faits qu'ils nous racontent sans nous efforcer de les soumettre à l'opinion de notre siècle matérialiste, et de tenir compte d'une science pour laquelle le monde invisible et les Esprits sont des chimères, c'est-à-dire les accepter simplement sans commentaire, Si ce n'est celui du bon sens ?
Première réponse. Le Spiritisme s'est occupé de la nature du Christ d'une manière toute particulière ; il a dit que les apôtres étaient des médiums voyants et inspirés, que leurs révélations avaient un caractère supérieur, preuve que les Esprits qui sent pu se servir de ces instruments de communication, étaient eux-mêmes des êtres dématérialisés et très avancés dans l'erraticité.
Mais Dieu est un être infiniment sage, infiniment juste ; à une époque barbare, la révélation fut donnée selon l'entendement des hommes de ce temps, et déduire de ce fait que cette révélation soit complète, définitive, c'est supposer que l'homme est lui-même un être fini, parfait, n'ayant plus rien à acquérir moralement. Là est l'erreur des commentateurs des Évangiles.
L'humanité est encore à l'état d'enfance, les sociétés combattent aujourd'hui et s'entretuent au nom d'un principe, après avoir tour à tour lutté, pour manger ; tué pour posséder ; massacré au nom des sectaires et combattu pour élargir leur cercle d'action. Que fait l'homme ? Dans sa famille il tyrannise les siens ; il mange en glouton, ou boit outre mesure ; dans ses rapports, il est égoïste et personnel ; quand il juge, c’est avec l'esprit de parti ; quand il délibère, c'est en criant, gesticulant. Allons plus loin : depuis Manou (quelques 20.000 ans avant Jésus-Christ), les Esprits ont révélé les notions de morale éternelle, et des confins de 1' lnde, de puissantes émigrations aryanes ont peuplé d'abord la Perse, puis l'Egypte, et plus tard la Grèce. La Gaule eut un peuple aryan. Comme on retrouve dans toutes les croyances de ces peuples, les grandes notions d'amour, de fraternité, de charité dont il est question dans l'Évangile, et comme il est prouvé que nos dogmes trinitaires, notre rit catholique, le baptême et le rituel funéraire, sont des fils directs des pratiques dogmatiques égyptiennes et orientales, il découle de source que Jésus-Christ est un Esprit supérieur, réincarné en vertu d'une loi naturelle, pour venir perpétuer le grand enseignement de la loi primordiale et divine, pour introduire le sentiment dans nos coutumes et notre organisation sociale ; telle est sa révélation interprétée à des points de vues divers par les apôtres, sous l'influence d'Esprits plus ou moins supérieurs, sujets à se tromper, mais qui, par leurs appréciations différentes, ont érigé en principe le mode de discussion ; cette exégèse a fait Origène,Chrysostôme, Théodore et Jérôme, Diodore de Tarse ; elle a créé le schisme protestant et, en définitive, précédé le mode actuel des recherches scientifiques.
Donc, malgré le travail de 20,000 ans, peut-être plus, l'homme n'est qu'un enfant personnel, ingrat, ayant encore, on ne saurait assez le répéter, le caractère bien tranché de l'enfance indisciplinée.
Deuxième demande. Dieu ne doit pas être confondu avec la nature, et c'est parce que nous sommes enclins à faire cette confusion, que Dieu a jugé à propos de se révéler à l'humanité. Il résulte de là, nécessairement, que les lois de la révélation s'écartent des voies ordinaires dans lesquelles se meut le monde matériel, car sans cela la révélation n'existerait pas. Il ne faut donc pas s'étonner si le peuple, qui a été le dépositaire de cette révélation, a la foi d'un Abraham pour principe générateur, et la stérile Sara pour mère. Il ne faut donc pas s'étonner si l'histoire de ce peuple est une succession de prodiges, comme son existence présente un prodige vivant. Il ne faut pas s'étonner non plus que le Christ, pour naître, pour s'incarner, n'ait pas suivi la voie ordinaire et qu'il soit né d'une vierge, selon les Évangiles et selon les prophètes, car le Christ est le grand révélateur ; le Christ est le principe d'une humanité nouvelle, le deuxième Adam, selon saint Paul, il devait donc naître ici-bas par une voie nouvelle et surnaturelle.
Les Esprits consultés ici ont confirmé cette affirmation, et l'auteur de cette affirmation a été déclaré, par saint Mathieu, le protecteur de notre groupe, être un Esprit élevé chargé de la part de Dieu d'annoncer et d'expliquer l'Evangile aux hommes.
Deuxième réponse. Que vient faire le Spiritisme ? Révéler à tous les hommes la puissance dont ils sont les dépositaires ; comme les apôtres ils peuvent, s'ils se préparent à recevoir cette faveur, communiquer avec les Esprits désincarnés et recevoir l'influx spirituel. « Dans les derniers temps, dit le Seigneur, je répandrai de mon Esprit sur toute chair ; vos fils et vos filles prophétiseront, vos jeunes gens auront des visions, et vos vieillards auront des songes. En ces jours-là, je répandrai de môn Esprit sur mes serviteurs et mes servantes. (Actes, ch. II, v. 17, 18.) »
Dieu ne se révèle que par les lois admirables qui gouvernent les mondes; et seules, une abstraction, une idée, font que par l'attraction et la force centrifuge, des milliards de milliards de soleils, obéissent invariablement à la main qui les jeta dans l'espace ; de même, l'incarné qui a écrit ces deux notes ne peut indiquer pourquoi son coeur bat, il voit bien que les globules sanguins sont rejetés vers les poumons, ou l'oxygène de l'air respiré les rend rouges et vivants ; mais il ne définira point la puissance merveilleuse et secrète qui donne à chaque globule (il y en a des millions dans une goutte de sang) le pouvoir d'aller mettre : l'ivoire aux dents; la matière velue aux poils de barbe ; le phosphate de chaux, pour solidifier la pierre dont nos os sont formés et cela sans jamais se tromper. Le Dieu infaillible, le Dieu grand, le Dieu juste, est dans ce globule infiniment petit, auquel il donne le droit de construire le corps humain, de le réparer lorsque la chair est déchirée, enlevée, de reconstruire les os brisés. Ce rien, méprisable pour l'indifférent, renferme la pensée de Dieu; il permet en ce moment la manifestation d'un désincarné avec l'aide d'un incarné.
Voilà le miracle incessant, prodigieux, permanent en nous, devant lequel vous êtes indifférent ; mais il n'y a pas de prodiges, il y a des lois, il y a l'incarnation volontaire des Esprits qui, sous l'action et la direction d'Esprits supérieurs, peuvent perpétuer une race dont la croyance monothéiste tend à l'unité ; la race juive, propre à la perpétration de cette grande idée, a dû survivre aux peuples de l'Euphrate et de Babylone, aux tribus syriennes, parce qu'elle a été alimentée par les Esprits, malgré la haine des chrétiens qui les ont exterminés.
Dans les religions les plus antiques, il y eut toujours un Christ né d'une vierge, un régénérateur ; ce mythe est ancien comme le monde. Mais les lois divines sont éternelles, et le Christ, ce serviteur dévoué de la loi, celui qui doit la répandre, la faire aimer, n'est venu s'incarner dans l'humanité que par la filière ordinaire ; son glorieux Esprit est venu animer un germe humain, fécondé par l'éternelle et invariable loi de la procréation, et le miracle est de lui-même assez extraordinaire, assez grand, puisque nous n'en avons pas la clef, et qu'il ne saurait y en avoir de supérieur.
Je vous certifie cela comme docteur, comme spirite, comme Esprit partisan de l'école du Christ dont j'écoute les leçons, en compagnie de son digne élève Allan Kardec.
Dr Demeure

Ayez confiance dans le Seigneur, voyage d’un Esprit
Médium M. Lucien.
Le printemps vient à grands pas révivifier une partie de notre globe terrestre, tandis que l'autre partie est encore ensevelie sous la neige. Ce beau soleil, qui se joue sur les fleurs de vos jardins et qui réchauffe et ranime à la fois votre corps et votre esprit, ne vous fera pas oublier, je pense, que bien loin, bien loin d'ici, de pauvres malheureux souffrent encore du froid et se voient menacés d'une mort affreuse ; je suis sûr d'avance que vos coeurs compatissants plaindront les pauvres enfants dont je vais vous raconter l'histoire, et que la sympathie de vos sentiments leur sera acquise.
Je quittai la Bretagne et, continuant ma course sur les bords de l'Océan, je passai bientôt au-dessus des Iles Britanniques et des Orcades, pour me rapprocher des côtes de la Norwége que je longeai constamment ; franchissant alors la Laponie, j'entrai dans la mer Glaciale, dont les vertes eaux étaient sillonnées par d'énormes bancs de glace, où dormaient et se reposaient les phoques et les ours blancs. Bientôt les plaines arides et glacées de la Sibérie vinrent dérouler à mes yeux leur immense nappe de neige, sur laquelle, à de rares intervalles, courait un renne ou un renard bleu. Ces solitudes glacées m'effrayaient, et m'avançant vers l'Orient, où des traces de verdure et d'épaisses forêts de sapins et de mélèzes reposaient l'oeil de l'aspect monotone de ces contrées désolées. J'arrivai enfin sur les limites du Kamtschatka, non loin des îles Kouriles. Dans ma course rapide, trois parties du monde s'étaient montrées à mes yeux : l'Europe, l'Asie et l'Amérique.
Un son argentin vint frapper mon oreille ; je portai mon regard sur la terre ; mais, de quelque côté que je me tournasse, je ne découvris qu'une immense étendue de neige : aucun vestige d'habitation ne venait rompre l'uniformité de ce blanc linceul. Cependant, un objet qui se mouvait avec rapidité fixa plus particulièrement mon attention ; je dirigeai mon char vers ce point et je vis alors un traîneau. A sa caisse d'osier peinte en bleu se relevant à l'avant et à l'arrière en demi-lune, à sa charpente glissant sur des patins faits d'os de baleine et surtout à huit chiens gris et blancs attelés deux à deux, je reconnus un traîneau de Kamtschadales. Le bruit des clochettes attachées au cou des chiens avait attiré une autre attention que la mienne, et un petit garçon était sorti du creux d'un rocher. Il espérait arriver assez à temps pour parler au conducteur du traîneau ; malheureusement son espérance fut déçue : traîneau et maître disparurent comme un éclair et tout rentra dans le silence.
Le désespoir qui se peignit alors sur la figure du pauvre petit m'impressionna vivement. Je résolus de l'interroger et à cet effet je me présentai à lui sous l'apparence d'une femme kamtschadale, couverte d'un manteau de peau de renne. A ma vue, l'enfant ouvrit de grands yeux étonnés ; il ne pouvait s'imaginer d'où je venais, il semblait interdit ; je ne lui laissai pas le temps de la réflexion et m'approchant, je lui adressai la parole :
- Comment se fait-il, enfant, que tu te trouves seul dans ce désert ?
- Je n'y suis pas seul, me répondit-il tristement.
- Ah ! Avec qui es-tu donc ?
- Avec ma petite cousine.
- Où est-elle ?
- Venez la voir.
Je suivis le petit garçon : après avoir fait quelques pas, il s'arrêta et me dit: « Regardez, la voici. »
J'avais beau chercher de côté et d'autre, je n'apercevais rien du tout. Comme mes regards interrogeaient mon conducteur, il continua :
- Vous savez, elle est dans le trou.
- Dans le trou ! Repris-je, de plus en plus surprise.
- Vous n'êtes donc pas du pays ? me demanda l'enfant.
- Non.
- Oh ! Alors je comprends votre étonnement.
Puis il écarta des broussailles recouvertes de neige et me fit voir, je ne dirai pas une petite fille, mais un tas de fourrure.
- Voilà Kretge ; ne faites pas de bruit : elle dort, tant mieux ; elle ne me demandera pas à manger.
- Elle va mourir de froid ! M’écriai-je.
- Non, non, je vais la recouvrir avec les brousailles et elle aura très chaud.
Alors le petit garçon réunit les branchages de sapin, ayant soin de laisser une ouverture très étroite, espèce de petite cheminée par laquelle la respiration, s'ouvrant un passage, s'élevait comme une légère vapeur.
- Cette enfant ne peut pas rester longtemps dans un semblable asile, dis-je.
- Elle y serait très bien si j'avais encore un peu de nourriture dans mon sac, mais je n'ai plus rien, répliqua le petit garçon avec un profond soupir.
- Je t'ai déjà demandé comment il se faisait que tu fusses dans ces solitudes de neige, et tu ne m'as pas répondu.
- Il y a cinq jours, mon père mit Kretge dans un traîneau, puis il me donna l'ordre de la conduire chez sa mère, qui désirait la voir. J'étais tout orgueilleux de cette preuve de confiance, et je partis bien joyeux. Durant les premières heures, notre voyage fut très gai ; mais bientôt le ciel se couvrit, peu à peu il devint d'un gris sombre, la neige tombait chassée en gros flocons par un vent glacial et l'ouragan commença à se faire sentir. Il accourait rapidement ; j'animais mes chiens de la voix ; quand tout à, coup mon traîneau heurta contre un arbre tombé, que je n'avais pas aperçu. Kretge et moi, nous fûmes lancés au loin ; les chiens renversés se relevèrent tout de suite, et ne sentant plus de frein pour les retenir, s'enfuirent. Lorsque je fus parvenu à nous dégager de la neige sous laquelle nous étions ensevelis, je compris que nous étions seuls et abandonnés au milieu d'un désert. Cette découverte me rendit bien malheureux, mais je ne perdis pas courage, je pris Kretge dans mes bras, je l'entourai dans mon manteau et j'eus le bonheur d'atteindre l'endroit où nous sommes. Nous n'étions pas encore sauvés, car l'ouragan augmentait toujours ; bientôt des tourbillons de neige se soulevèrent et je n'eus que le temps de creuser la fosse que vous avez vue, j'y ai placé Kretge, après l'avoir soigneusement enveloppée dans mes fourrures et je me suis blotti dans le creux de ce rocher. Pendant trois jours le vent a été si impétueux que j'ai eu peur qu'il n'emportât mon abri. J'ai bien souffert, mais rien n'a égalé le chagrin que j'ai éprouvé lorsque le traîneau qui vient de passer tout à l'heure s'est éloigné de moi sans me voir. J'ai épuisé le peu de nourriture que j'avais dans mon sac, et Kretge souffrira de la faim.
En finissant ces mots, de grosses larmes jaillirent des yeux du jeune enfant, malgré les efforts qu'il faisait pour les retenir. Au même instant, un son de clochettes parvint jusqu'à nous. Un traîneau s'approchait. Le conducteur s'arrêta en nous voyant, je lui demandai s'il voulait prendre les deux enfants avec lui.
- Impossible, mon attelage est fatigué, l'ouragan ne tardera pas à se faire sentir dans toute sa violence, il faut que je me hâte d'arriver. Tout ce que je puis faire, c'est de prendre avec moi un des enfants.
Quel bonheur ! Kretge sera sauvée ! Et le généreux petit garçon s'empressa de faire sortir sa cousine de son asile. Il l'embrassa tendrement et la remit aux mains du Kamtschadale.
- Et toi, que deviendras-tu ? lui demanda cet homme.
- Dieu ne m'a pas abandonné jusqu'à présent, sa miséricorde s'étendra encore sur moi.
- Tu es un brave enfant. Viens avec nous, j'aurai bien le temps d'atteindre les grands bois avant la tourmente.
Le petit garçon hésitait encore, et me regardant il dit :
- Et vous, madame ?
- Ne t'inquiète pas de moi, mon cher ami, je ne cours aucun danger. Adieu, aie toujours confiance dans le Seigneur, car il n'oublie jamais ceux qui mettent leur espérance en lui.
Je me rendis alors invisible, le traîneau s'éloigna et le son des clochettes se perdit bientôt dans le lointain. L'horizon se rembrunissait, je m'élevai au-dessus des nuages et me dirigeai vers des contrées plus chaudes et plus fertiles.
Kornik

Nécrologie

Le baron de Guldenstubbé
On lit dans le Spiritual Magazine du 1" juillet 1873 :
« Le Spiritualisme vient de perdre un de ses plus illustres adhérents : le baron Louis de Guldenstubbé est mort, à Paris, le 27 mai, dans sa cinquante-deuxième année. Le baron était un homme supérieur, d'un esprit cultivé. Il était l'auteur de quelques ouvrages très érudits ; il était grand écrivain et profond penseur. Tous ceux qui le connaissaient peuvent témoigner de la noblesse de ses sentiments aussi bien que de son érudition. C'était un missionnaire aimable, d'une urbanité exquise. Le baron appartenait à une ancienne famille scandinave. Sa mère, qui lui donna le jour dans le pays de Swedenborg, était portée à la croyance spirituelle ; elle l'initia de bonne heure, et tout jeune, il était déjà remarquable par ses pressentiments et ses visions.
M. de Guldenstubbé a fait ses études en Allemagne : sciences physiques, histoire, philosophie, tous les systèmes de l'école allemande lui étaient familiers. Le rationalisme de Kant laissa un grand vide dans son coeur, et ne satisfit pas ses aspirations et ses intuitions naturelles. Il lut avec avidité Platon, Pythagore et les ouvrages des philosophes orientaux ; puis, en 1849, il s'établit à Paris, s'occupant : des manifestations qui avaient lieu en Amérique, de magnétisme et somnambulisme ; il découvrit en lui-même un grand pouvoir médianimique, en obtenant de l'écriture directe.
On peut lire l'intéressant ouvrage qu'il publia en 1857, sous le titre : Ecriture directe des Esprits. Les deux éditions contiennent de nombreux fac-simile obtenus dans diverses langues et divers caractères. L'auteur y décrit sa manière de procéder et ses essais successifs. Il obtenait ces écritures dans différents endroits et presque toutes les fois qu'il le désirait. Ces expériences avaient pour témoins des personnages de la haute société. L'importance scientifique de ces manifestations est regardée par les observateurs matérialistes comme étant produits par l'influence électrique des médiums ; pourtant, l'écriture directe prouve infiniment mieux la réalité de l'existence et de l'intervention des Esprits que les coups frappés et les mouvements sans contact.
Plus tard, il publia la morale universelle, ouvrage qui démontre, par un grand nombre de citations, que les anciens enseignaient une morale sublime, que la connaissance du vrai Dieu est universelle et aussi vieille que le monde, et ne fut pas le privilège exclusif de certaines personnes initiées.
Sa digne soeur, plus jeune que lui, est l'auteur de plusieurs ouvrages ; c'est un médium inspiré. Venue en France, après avoir fini son éducation en Allemagne, elle vivait avec son frère ; elle était la chère compagne de sa vie et la collaboratrice de ses travaux. »
Traduit par mademoiselle H. H.

 

Poésie spirite

Après la mort. La dévote
Que se passe-t-il donc ? Où suis-je ? Dans quel lieu ?  
Je ne vois ni les saints, ni les anges, ni Dieu ;
Ni les blonds Chérubins et leurs brillantes ailes.
Je n'entends pas les sons des harpes éternelles.
Je ne vois rien ; je suis dans la profonde nuit.
Pour éclairer ma route aucun flambeau ne luit.
Je m'avance à tâtons au milieu des ténèbres.
0 mon Dieu ! J’aperçois des visages funèbres ;
D'autres qui semblent rire et se moquer de moi.
Vierge sainte, à mon aide où je mourrai d'effroi.
Hélas ! J’appelle en vain; je suis abandonnée.
Quel trouble ! A quelle épreuve es-tu donc condamnée,
 0 mon âme ! Voici, des cornes à leurs fronts,
Et de fourches armées, d'effroyables démons.
Vade retro. Je suis une pieuse fille.
Voyez mon scapulaire et cette croix qui brille.
J'ai droit au paradis : vos efforts seront vains ;
Mon confesseur l'a dit ; allez-vous-en, vilains.
Ils avancent toujours ! Eh quoi ! Tant de prières,
Tant de saints invoqués et tant de sanctuaires
Visités et dotés, tant de confessions,
Tant de cierges offerts, tant d'absolutions
Ne me sauveraient point ? Non, je ne puis le croire.
Vous êtes, n'est-cc pas, démons du purgatoire ?
Avec trop de faveur nul ne doit se juger ;
Je pourrais bien avoir quelque faute à purger.
J'en conviens, j'en conviens, j'eus aussi mes faiblesses ;
Mais je m'en confessais et j'ai laissé des messes.
Oyez, on en dit une à mon intention.
A genoux, à genoux : la bénédiction !
Ils ne m'écoutent point ! D’épouvante j'expire.
Bon! Voilà maintenant qu'ils éclatent de rire.
On dirait, après tout, qu'ils ne sont pas méchants ;
Qu'ils veulent m'éprouver, comme font les enfants.
C'est drôle, j'en vois un, à la rouge calotte,
Qu'il me semble. Je suis le sacristain Carotte,
Le bon vieux, tu sais bien.
Chut, chut, cela suffit ;
Nous fûmes tous pécheurs. Oui, tu fus pécheresse.
Sans doute ; mais j'allais tous les jours à confesse.
Cela compense tout. Ça ne compense rien.
Fi ! Le vieux mécréant. Tu le vois pourtant bien.
Crois-moi, quitte ces airs ; ils ne sont pas de mise
Ici. Mais les pouvoirs de notre sainte Eglise ?
Expirent à la mort. Je suis donc à jamais
Condamnée à souffrir ? Pas aussi longtemps, mais,
Comme nous, tu devras faire ta pénitence.
Tiens, du vieux mécréant écoute la sentence.
Dans ce monde je suis déjà depuis longtemps.
Les yeux de mon esprit sont dessillés. J'entends
Des choses qui pour toi sont encor fort obscures.
Lorsque l'on veut du Ciel dans les régions pures
Pouvoir entrer, il faut que soi-même on soit pur ;
Il faut se nettoyer ; c'est le seul moyen sûr.
V. Tournier

Souscription pour les bibliothèques militaires
Prières à nos amis, de nous envoyer leurs listes de souscriptions.

 

Pour le comité d'administration. Le secrétaire-gérant : P.G. Leymarie

 

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