Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


Septembre 1871


Sommaire : La musique célesteLes Hommes Doubles Variétés : Un voleur aperçu en rêve, Un voyage interrompu , Intelligence des animaux, Phénomène physiologique – La Jeune fille de Saucourt , Les NéoCalédoniens Revue de la Presse : Causerie de la Gazette de Spa L’indépendant de l’Oise – Article nécrologique – M. Alfred Dreux Correspondance : Le spiritisme à Marseille , Dissertation spirite , Retraite de M. Desliens , Bibliographie .
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La musique céleste

Œuvres posthumes

 

Un jour, dans une des réunions de la famille, le père avait lu un passage du Livre des Esprits concernant la musique céleste. Une de ses filles, bonne musicienne, se disait en ellemême : Mais il n'y a pas de musique dans le monde invisible, cela lui semblait impossible, pourtant elle ne fit pas connaître sa pensée. Dans la soirée, elle écrivait ellemême spontanément la communication suivante :
Ce matin, mon enfant, ton père te lisait un passage du Livre des Esprits, il s'agissait de musique, tu as appris que celle du ciel est bien autrement belle que celle de la terre, les Esprits la trouvent bien supérieure à la vôtre. Tout cela est la vérité, cependant tu te disais à part et à toimême : Comment Bellini pourraitil venir me donner des conseils et entendre ma musique ? C'est probablement quelque Esprit léger et farceur. (Allusion aux conseils que l'Esprit de Bellini lui donnait parfois sur la musique.) Tu te trompes, mon enfant, quand les Esprits prennent un incarné sous leur protection, leur but est de le faire avancer.
Ainsi Bellini ne trouve plus sa musique belle, parce qu'il ne peut la comparer à celle de l'espace, mais il voit ton application et ton amour pour cet art, s'il te donne des conseils c'est par satisfaction sincère, il désire que ton professeur soit récompensé de toute sa peine, tout en trouvant son jeu bien enfantin devant les sublimes harmonies du monde invisible, il apprécie son talent qu'on peut nommer grand sur cette terre. Croisle, mon enfant, les sons de vos instruments, vos voix les plus belles, ne sauraient vous donner la plus faible idée de la musique céleste et de sa suave harmonie.
Quelques instants après, la jeune fille dit : « Papa, papa, je m'endors, je tombe. » Aussitôt elle s'affaissa sur un fauteuil en s'écriant : « Oh! Papa, papa, quelle musique délicieuse!... Eveillemoi, parce que je m'en vais... »
Les assistants effrayés ne savaient comment la réveiller, elle dit : « De l'eau, de l'eau. » En effet quelques gouttes jetées sur la figure produisirent un prompt résultat; tout d'abord étourdie, elle revint lentement à elle, sans avoir la moindre conscience de ce qui s'était passé.
Le même soir, le père étant seul, obtint l'explication suivante de l'Esprit de saint Louis.
Lorsque tu lisais à ta fille le passage du Livre des Esprits traitant de la musique céleste, elle était dans le doute, elle ne comprenait pas que la musique pût exister dans le monde spirituel, voilà pourquoi, ce soir, je lui ai dit que c'était la vérité; cela n'ayant pu la persuader, Dieu permit pour la convaincre qu'il lui fût envoyé un sommeil somnambulique. Alors son Esprit se dégageant de son corps endormi, s'élança dans l'espace et fut admis dans les régions éthérées, son extase était produite par l'impression do l'harmonie céleste, aussi s'estelle écriée : « Quelle musique! Quelle musique! » Mais se sentant de plus en plus emportée dans les régions élevées du monde spirituel, elle a demandé à être réveillée en t'en indiquant le moyen, c'estàdire de l'eau.
Tout se fait par la volonté de Dieu. L'Esprit de ta fille ne doutera plus, quoiqu'elle n'ait pas, étant réveillée, conservé la mémoire nette de ce qui s'est passé, son Esprit sait à quoi s'en tenir.
Remerciez Dieu des faveurs dont il comble cette enfant, remerciezle de daigner de plus en plus, vous faire connaître sa toutepuissance et sa bonté. Que ses bénédictions se répandent sur vous et sur ce médium heureux entre mille!

Remarque : On demandera peutêtre quelle conviction peut résulter pour cette jeune fille de ce qu'elle a entendu, puisqu'elle ne s'en souvient pas. Si, à l'état de veille, les détails se sont effacés de sa mémoire, l'Esprit se souvient; il lui en reste une intuition qui modifie ses pensées, au lieu de faire de l'opposition, elle acceptera sans difficulté les explications qui lui seront données, parce qu'elle les comprendra, et qu'intuitivement elle les trouvera d'accord avec son sentiment intime.
Ce qui s'est passé ici, pour un fait isolé, dans l'espace de quelques minutes, pendant la courte excursion que l'Esprit de la jeune fille a faite dans le monde spirituel, est analogue à ce qui a lieu d'une existence à l'autre, lorsque l'Esprit qui s'incarne possède des lumières sur un sujet quelconque, il s'approprie sans peine toutes les idées qui se rapportent à ce sujet, bien qu'il ne se souvienne pas comme homme, de la manière dont il les a acquises. Les idées, au contraire, pour lesquelles il n'est pas mûr, entrent avec difficulté, dans son cerveau.
Ainsi s'explique la facilité avec laquelle certaines personnes s'assimilent les idées spirites. Ces idées ne font que réveiller en elles celles qu'elles possèdent déjà, elles sont spirites en naissant comme d'autres sont poètes, musiciens ou mathématiciens. Elles comprennent du premier mot, et n'ont pas besoin de faits matériels pour se convaincre. C'est incontestablement un signe d'avancement moral et du développement spirituel.
Dans la communication cidessus il est dit : Remerciez Dieu des faveurs dont il comble cette enfant; que ses bénédictions se répandent sur ce médium heureux entre mille. Ces paroles sembleraient indiquer une faveur, une préférence, un privilège, tandis que le Spiritisme nous enseigne que Dieu étant souverainement juste, aucune de ses créatures n'est privilégiée, et qu'il ne facilite pas plus la route aux uns qu'aux autres. Sans aucun doute la même voie est ouverte à tout le monde, mais tous ne la parcourent pas avec la même rapidité, et avec le même fruit, tous ne profiteront pas également des instructions qu'ils reçoivent. L'Esprit de cette enfant, quoique jeune comme incarné, a déjà sans doute beaucoup vécu, et il a certainement progressé.
Les bons Esprits, le trouvant alors docile à leurs enseignements, se plaisent à l'instruire comme le fait le professeur pour l'élève en qui il trouve d'heureuses dispositions, c'est à ce titre qu'il est heureux médium entre beaucoup d'autres qui, pour leur avancement moral, ne retirent aucun fruit de leur médiumnité. Il n'y a donc dans ce cas ni faveur, ni privilège, mais bien une récompense, si l'Esprit cessait d'en être digne, bientôt il serait délaissé par ses bons guides, pour voir accourir autour de lui une foule de mauvais Esprits.       
Allan Kardec

 

Les Hommes Doubles

Notre numéro de juin 1871 renferme un article sur les hommes doubles, dû aux oeuvres posthumes d'Allan Kardec, nos lecteurs ont comme nous remarqué ces phénomènes. Plusieurs de nos correspondants nous ayant présenté des observations très sensées à ce sujet, nous exprimions à l'un d'eux le désir d'avoir son étude complémentaire sur le périsprit, étude que sa lettre pleine d'ingénieuses remarques faisait pressentir, ayant reçu en réponse les observations suivantes, et tenant à bien préciser car le fait en vaut la peine, nous donnons ici la correspondance échangée :
Dans l'article des hommes doubles, vous dites : ce qui semble impossible, c'est qu'il puisse exister un antagonisme, une divergence d'idées, de pensées, de sentiments.
Comme plus loin vous faites appel à l'opinion de chacun, je vous offre très discrètement et très humblement la mienne.
L'homme est un, il est vrai, mais il n'est vraiment un que lorsqu'il a pris une détermination et qu'il agit dans le sens déterminé.
Comme de sa nature il est essentiellement relatif, le schéma de son unité[1] varie, il est en rapport à chaque instant avec l'unité de l'instant, c'est un vrai daguerréotype moral et intellectuel.
Supposezvous un instant, visàvis d'une question personnelle dont vous discutez le pour et le contre : vous avez devant vous, deux schéma qui selon moi doivent être visibles pour un médium voyant, schéma qui varient de forme au fur et à mesure que vos arguments, à vous, penchent d'un côté plutôt que de l'autre; schéma, dont l'un persiste quand vous adoptez une détermination, et persiste seul pour vous, tandis que le schéma que vous avez abandonné peut encore être visible pour le médium voyant.
L'Esprit qui reprend possession de son corps après le sommeil, se trouve naturellement dans un état à ne pouvoir considérer le même phénomène du même aspect que dans l'état de sommeil, et par ce fait, deux manières de voir différentes au point de voir fusiller votre idée (voir le numéro 7 des faits de l'article Hommes doubles, juin 1871), quand cette idée est sur votre tronc et que vous avez le sentiment de votre individualité vivante.
Les orgueilleux, les hypocrites, les menteurs, les lâches de toute espèce fusillent journellement le schéma que leur ange gardien est chargé d'offrir à leurs saintes aspirations, et qu'il fabrique avec ces mêmes aspirations, et que leur aveuglement pour le prince de ce monde (le corps) leur fait lâchement abandonner, trahir, fusiller.
Pour bien saisir cela, il faudrait un complément à l'étude du périsprit.
D. G.

A ces observations, nous répondîmes qu'il s'agissait non seulement de la matérialisation des pensées diverses d'un incarné, réfléchie par un médium voyant, mais encore de l'apparition à un être incarné, de son image agissant, parlant, écrivant d'une manière complètement opposée à celle de l'être normal.
Votre explication rend parfaitement bien compte de la manifestation du clerc d'huissier par exemple, elle nous paraît beaucoup moins satisfaisante pour ne point dire inapplicable en d'autres cas. Que notre esprit dégagé de la matière par le sommeil ou un état pathologique quelconque, prévienne nos amis sur notre mort prochaine, nous le concevons parfaitement; mais que nous venions nous annoncer cette nouvelle à nousmêmes, parfaitement éveillés, agissant en hommes éveillés, voilà ce que nous ne pouvons comprendre, même après votre ingénieuse explication.
Veuillez donc, comme vous le dites, monsieur, nous donner une étude complémentaire sur le périsprit, puisque vous avez entrevu cette étude, etc...
Voici la réponse de M. D. G.
Mes chers messieurs et amis,
Vous me demandez de vous faire part de ma manière de voir sur le périsprit. C'est très difficile, il me faudrait un volume et des plus gros.
Permettezmoi de vous indiquer seulement la marche des études à faire. Ceux d'entre nous qui sont familiers avec l'histoire naturelle, qui ont quelques notions d'anatomie comparée, qui de plus se sont familiarisés avec les épîtres de saint Paul, me comprendront assez pour suppléer à ce que je serai forcé d'omettre, car je n'ai pas le temps d'être long.
Vous savez tous que la série animale compose une échelle dont les échelons se suivent de très près et constituent un petit progrès. Il faut sauter plusieurs échelons pour voir des différences marquées.
On enseigne aujourd'hui et depuis plusieurs années, que le système nerveux est un système de perfectionnement et rien de plus. Remarquez qu'avec le système nerveux, les organes des sens, le squelette, les muscles, autre système de perfectionnement, se développent concurremment : système de perfectionnement, c'est très bien, mais pour qui ? Qui estce qui se perfectionne ? Voilà ce qu'on oublie de nous dire ou de chercher, la conséquence de cet oubli est que l'homme le plus savant est le cerveau le mieux organisé. Il n'en est pas ainsi pour vous, n'estce pas ? Il faut donc chercher ce qui se perfectionne. Or, si Dieu nous a aimés avant que nous fussions, si Dieu a terminé en l'homme son oeuvre visible, tangible ; si de la première oeuvre à l'homme tout se suit, tout s'enchaîne, si l'homme est le résumé de la création, s'il est le microcosme, il faut bien que depuis les ozoaires, les céphalopodes, les gastéropodes, jusqu'aux mammifères, la même pensée créatrice de Dieu se soit développée. D'où il suit que la création de l'homme est la résultante d'un plan de création combiné d'avance, et à l'exécution duquel ont concouru toutes les forces de la nature.
Maintenant si l'homme possède en lui tous les animaux antérieurs, il est un composé de plusieurs animaux. Mais un gastéropode estce un animal comparativement à l'homme? Non, ce n'est qu'un estomac, le gastéropode devient une entité, une monade dans la monade collective, homme, et cette monade conserve dans l'homme les mêmes attributs que dans le gastéropode, elle ne fait qu'absorber, son rôle sert à alimenter l'animal tout entier.
En suivant la série animale, on peut se faire une idée des perfectionnements successifs que Dieu introduit dans son oeuvre. Mais la remarque la plus importante à faire, c'est que la pensée divine se traduit en fait, estomac; que cet estomac est vivant, et qu'il est armé de nerfs qui le mettent en rapport avec le milieu. Le nerf est donc le conducteur de la sensation de l'estomac, le conducteur de la sensation produite par le milieu.
L’Être estomac redevient idée, c'estàdire que tout ce que Dieu a pensé en le faisant, se refait ici invisiblement par la matière.
On peut en dire autant des muscles, des organes des sens et de la génération, etc., etc. Et, voyez quelle source féconde de sensations et par conséquent d'idées, car chaque organe est un appareil complet, chaque organe donne naissance à une monade, laquelle a ses rapports avec l'organe et le milieu, et au fur et à mesure que l'organisme se complique avec l'organisme entier, c'est ici la chose la plus difficile à comprendre, et pourtant la plus essentielle, la clef de voûte de tout le système. La pensée de Dieu se faisant chair dans l'organe, l'organe devient ainsi susceptible de reproduire l'idée divine faite chair par le système nerveux, idée qui n'est autre chose que l'instinct, ou bien idée que l'instinct représente, ou bien idée qui est formulée par l'instinct. C'est ce que saint Paul veut dire, première épître aux Corinthiens, verset 45 : « Le premier homme, Adam, a été fait avec une âme vivante. »
Cette âme vivante, cet instinct, cet ensemble de monades, c'est ce que les Juifs ont appelé Néphech, c'est ce que je vous propose d'appeler périsprit.
Dans la première épître de saint Paul, au chapitre VI, verset 19 (aux Corinthiens,) il dit : « Ne savezvous pas que votre corps est le temple du SaintEsprit qui est en vous et qui vous a été donné de Dieu et que vous n'êtes point à vousmêmes. »
Permettezmoi d'appeler votre attention sur les paroles soulignées, non pas que je veuille laisser les autres de côté, j'y reviendrai bientôt.
Ne savezvous pas que votre corps est le temple du SaintEsprit ? Vous savez que le SaintEsprit ou l'Esprit Saint, ou Dieu, c'est la même chose, donc le corps est le temple de Dieu. Christ luimême a dit : « Celui qui parlera contre le Christ ne sera pas puni, mais malheur à celui qui blasphémera contre le SaintEsprit ou l'EspritSaint. »
Si mon corps qui est un composé de la série animale est le temple de Dieu, chaque série représente une partie du temple de Dieu. La pensée de Dieu est dans chacune des parties qui le constituent.
Maintenant si le corps ne nous appartient pas, car il est dit : Et vous n'êtes point à vousmêmes. En effet, il ne peut être le temple de Dieu et nous appartenir. Si donc le corps ne nous appartient pas, chacun des échelons de la série n'appartient pas non plus à l'animal qu'il représente. Tous ces organismes sont des instruments faits par Dieu et qui lui appartiennent, et dont il se sert pour accomplir son oeuvre.
Quelle est cette œuvre ?
Si l'homme est le dernier mot de son oeuvre visible, et si ce dernier mot est une âme vivante, une âme animale, comme dit ailleurs saint Paul, il est évident que cette âme doit se développer dans cette série d'organismes, de sorte que si, depuis sa création, cette série existe, depuis sa création un courant d'âme vivante, de Nephech, de fluide périsprital, va de la terre à l'homme. Et comme on ne sait pas où commence la vie, dans l'eau, dans l'air, sur la terre, on peut dire que de toute la nature, un courant de fluide vital, animal, périsprital, d'âme vivante, de Nephech, se dirige vers l'humanité. Les corps meurent et se renouvellent par les lois matérielles et physiologiques de la génération, mais le fluide suit la route que la pensée de Dieu lui a tracée à travers tous ces organismes et arrive à l'homme, mais à l'homme animal, à l'âme animale, à l'âme vivante.
Voilà pourquoi saint Paul dit :
Vous n'êtes point à vousmêmes. En effet, notre route est tracée, et il faut que nous la suivions.
Quelle est donc cette route ? Cette route est toute tracée dans la même épître de saint Paul aux Corinthiens, au même chapitre XV, verset 45. Mais le dernier Adam (JésusChrist) est un Esprit vivifiant.
46. Mais ce qui est spirituel n'est pas le premier, c'est ce qui est animal, et ce qui est spirituel vient après.
47. Le premier homme étant de la terre, est terrestre, et le second homme, qui est le Seigneur, est du ciel. Tel qu'est celui qui est terrestre, tels seront les terrestres, et tel qu'est le céleste, tels seront aussi les célestes, et comme nous avons porté l'image de celui qui est terrestre, nous porterons aussi l'image du céleste.
50. Voici donc ce que je vous dis, mes frères : C'est que la chair et le sang ne peuvent posséder le royaume de Dieu, et que la corruption ne possédera point l'incorruptibilité.
Pour que cela soit ainsi, que fautil ? Il n'y a qu'à voir ce qui s'est passé. Le premier Adam créé, Dieu lui parle et lui donne des commandements, il le suit pas à pas comme une mère suit son enfant, à chaque défaillance il le reprend, la sollicitude d'une mère pour son fils n'est pas plus grande que la sollicitude de Dieu pour cette âme vivante, qui commence à le connaître comme l'enfant reconnaît sa mère.
Toute l'histoire de la race sémitique est la preuve de la sollicitude constante de Dieu pour le premier Adam, et, chose qui prouve combien tout a été conçu d'avance, combien le plan a été déterminé d'avance, c'est que les envoyés de Dieu pour parler à l'homme Adam, ont tous prédit à époque fixe l'arrivée de l'Adam spirituel.
Mais pourquoi ce retard ?
Un mot qui répondra en même temps à une objection de M. Buchner.
A chaque échelon de série, la monade, l'archée de Van Helmont, l'âme secondaire, l'âme animale, l'âme organique de Stahl, l'âme vivante, enfin le périsprit correspondant à cette série, se fortifie non seulement dans un instinct, mais acquiert une certitude d'action, une intelligence dans les rapports avec le milieu qui semble ne plus être de l'instinct. Voici un point capital : C'est toujours de l'instinct qui voit mieux, qui saisit plus promptement et réagit de même. Instinct parce qu'il n'a pas encore la vue d'en haut, tout lui vient par les sens, mais intelligence parce que tous les échelons antérieurs lui ont servi, et que le temps d'arrêt dans un échelon lui permet d'en saisir tous les progrès.
L'âme animale, périspritale, se développe donc en moyen d'instruction, mais elle conserve en môme temps ses acquis, et les développe dans chaque série, à chaque échelon.
L'échelon âme animale, avant d'arriver à l'échelon âme spirituelle, comprend l'espace renfermé depuis Adam animal jusqu'à Adam spirituel, c'estàdire d'après les chronologues (auxquels je tiens fort peu), environ quatre mille ans. L'âme animale progresse donc pendant ces quatre mille ans, elle progresse en intelligence, c'estàdire que ses rapports avec ses frères, ceux avec le milieu, ceux avec la divinité, se dessinent, prennent une forme plus accentuée. Les sciences commencent, mais au point de vue moral, c'est presque toujours la crainte d'un châtiment prochain et matériel, corporel, qui force à l'obéissance. Certainement quelques précurseurs ont défriché le terrain, mais combien c'est loin d'être général, et remarque importante à faire, c'est que les précurseurs ne s'adressent qu'aux haut placés, aux directeurs des peuples en quelque sorte pour les prévenir par l'intelligence, car ils n'ont rien prévu de ce qui va arriver. Mais comme les peuples sont préparés autrement par les souffrances, les douleurs, les privations de toute espèce! Comme le Christ que les Pharisiens veulent lapider plaît à la foule qui le suit, et se nourrit de ses paroles! Et pourtant les Pharisiens sont les dépositaires des prophéties du Christ (grand enseignement aux démocrates qui veulent instruire le peuple, c'estàdire le démoraliser pour ne pas être obligés de se moraliser), le bon Dieu y pourvoira. Le Spiritisme prendra les masses, et cellesci, je l'espère, cette fois, laisseront les scribes et les pharisiens de toute espèce.
Je crois que je sors de la question, je vous en demande pardon, mais la pente est si douce, si naturelle, l'âme animale profite de toutes les occasions pour reprendre l'empire.
Je continue donc :
L'action de Dieu sur l'homme pendant ces quatre mille ans, action qui porte le nom de Providence dans le christianisme actuel, est désignée chez les Juifs sous le nom de Rouah, seulement cette notion du Rouah chez les Juifs sert à préciser l'action de Dieu pour transformer la Nephech, l'âme vivante d'Adam, l'âme animale. Saint Paul dit : « L'Esprit nous travaille à notre insu, il agit en nous intérieurement ». Jésus dit : « Si vous entendez la voix du Seigneur, n'endurcissez pas vos coeurs. »
Les Juifs ont donné le nom de Nichema à la Nephech ainsi transformée par le Rouah. Nichema chez les Juifs répond donc à l'âme humaine actuelle, âme qui a ses pieds dans l'argile et la tête dans le ciel, âme dont parle toujours saint Paul au même chapitre XV : « Tel qu'est celui qui est terrestre, tels sont aussi les terrestres, tel qu'est aussi le céleste, tels seront aussi les célestes. »
Pour conclure, car n'oublions pas pour quelle question cette explication est advenue :
L'âme humaine a du terrestre, elle a aussi du céleste. Dans la vie, ce qu'on appelle communément vie, ce qui se fait le jour en état de veille, est plus particulièrement lié en nous à ce qui tient du terrestre, et, dans l'état du sommeil, c'estàdire d'émancipation de l'âme, celleci, d'ordinaire, lorsqu'elle est dans la bonne voie, tend à se rapprocher du céleste. Ces deux tendances du même être le mettent réellement dans la même situation que s'il avait deux natures et il peut parfaitement se faire que la conduite du réveillé ne soit pas en rapport avec les résolutions prises pendant le temps des bonnes inspirations. Avec cette double tendance qui équivaut réellement à une double nature, je crois qu'on doit pouvoir expliquer tous ces faits de double existence qui paraissent se contredire. Ce phénomène est acquis à la science sous le nom de double conscience. (Voir Dictionnaire de Nysten, édité par Robin et Littré, au mot Conscience.)
Je m'arrête ici, il y en a peutêtre assez pour vous faire saisir ce que j'entends par Nephech, Périsprit, Nichema, leur ascension vers le céleste par le Rouah, dont Jésus est la personnification la plus élevée et sur les traces duquel nous devons tous marcher.
Le Périsprit, dont on comprend ainsi l'origine, participe de toutes les forces dont la terre est animée, il participe de toutes les forces organiques que Dieu a répandues avec profusion sur notre globe, mais il n'est encore qu'intelligence, c'estàdire science de rapport des êtres entre eux et avec le milieu. Il faut la culture divine pour transformer la Nephech en Adam spirituel, et pendant la route, la Nephech s'appelle Nichema, comme on dit un collégien, un étudiant. Ce n'est pas encore l'homme spirituel, il est en train de le devenir.

Remarque : Nous engageons vivement nos lecteurs à s'intéresser à cette question complexe et attachante; elle doit développer chez les spirites surtout, le profond désir de savoir et d'étudier les phénomènes merveilleux dont nous sommes la source permanente. Certains théâtres, diton, savent amuser le public par le jeu de fantasmagories et de tableaux féeriques, mais estil bien utile d'aller chercher l'imprévu et l'étrange dans la fiction grossière, tandis que le premier homme venu porte en lui et autour de lui, le principe sans pareil de toutes les transfigurations, les merveilles de l'étendue illimitée, le foyer permanent où la volonté s'active et se divinise.
Nous remercions bien vivement M. D. G. pour son étude scientifique et psychologique, non seulement elle offre de nouveaux éléments de discussions, mais elle éclaire aussi à un nouveau point de vue, la question qui nous intéresse. Nous espérons que les adeptes chez qui ces études élevées sont en honneur, voudront bien discuter ce rayonnement périsprital, cette flamme subtile qui nous fait jouir du don d'ubiquité ; les hommes doubles, les agénères, sont des agents de discussions très importants, ils passionneront tous les nobles esprits, ils imprimeront à nos travaux un caractère prévu par le maître, celui de l'analyse au point de vue scientifique, des rapports du corps perfectionné de l'homme (temple du SaintEsprit qui est en nous et qui nous a été donné de Dieu, et que nous ne sommes point à nousmêmes), avec les perfectionnements successifs que Dieu introduit dans son œuvre. Comme le dit si justement M. D. : « L'Etre estomac redevient idée, c'estàdire que tout ce que Dieu a pensé en le faisant, se refait ici invisiblement par la matière. »
Réflexion profonde, bonne à méditer par tous ceux qui aiment les grandes leçons que nous offre la physiologie, nous partageons aussi cette conviction de saint Paul : « Que le premier homme, Adam, a été fait avec une âme vivante », ce Nephech des Juifs, et ce périsprit, ensemble de monades matérielles, réunion d'instincts et d'âmes vivantes.
Nous adressant à M. D. G., nous lui disons :
Nous regardions comme inexplicable que notre Esprit, dégagé de la matière par sommeil ou état pathologique, pût venir nous annoncer sa propre mort pendant son réveil, dans sa plénitude d'action : vos ingénieuses et savantes explications, monsieur, ne nous semblent pas avoir complètement éclairé ce problème.
Saint Paul, dans son épître aux Corinthiens, atil eu la conscience profonde de la portée de ses paroles ? Atil pu, à dixhuit cents ans de notre discussion fraternelle, découvrir la valeur de ses assertions, et leur application rationnelle aux découvertes pathologiques et psychologiques actuelles  Étaitil un génie inconscient, un orgueilleux fondateur de l'Église qui s'étaye sur l'homme de la route de Damas ? Médium parfait, atil été un instrument sublime, ou bien un Nichema ou âme humaine au pied d'argile, dont le périsprit a pu servir à de grands enseignements? N'étaitil pas d'une manière bien tranchée un homme double, dont les fluides périspritaux avaient une très grande faculté d'expansion, estce l'ascète, le professeur d'anathème qui a parlé, ou bien la condensation de son second être en masse corporelle simulée ?
Adeptes du Spiritisme, pouvonsnous faire triompher un système d'idées préconçues, et parce que nous serions ou sages ou érudits, donner aux paroles de saint Paul plus d'extension qu'elles n'en méritent? Appuyé sur la Genèse mosaïque, il a dû croire, comme l'auteur du Pentateuque.
« Ceux qui, en divers temps, recensèrent les Écritures, firent, on ne peut en douter, de nombreuses additions dans les livres sacrés, afin d'y mettre plus de clarté ou de connexion. » C'est Huet, évêque d'Avranches, l'un des plus grands érudits du dernier siècle, qui avoue ces interpolations faites à la Bible en maintes circonstances. Des autorités. attribuent la rédaction des cinq ouvrages de Moïse, ou du Pentateuque, au prophète Samuel, les livres des prophètes n'ont jamais été acceptés par les Sadducéens, dont la prétention était de conserver la pureté primitive de la religion hébraïque. Enfin, l'exégèse moderne constate non seulement cette altération, mais aussi l'introduction d'écrits apocryphes, qui rendent très douteux la valeur historique des livres saints.
Ne devonsnous avec Bonnet, affirmer hautement comme il le dit dans sa Palingénésie philosophique, que l'histoire de la création ne peut être vraie dans le sens littéral, en d'autres termes qu'elle est un roman génésiaque, et le fruit de l'imagination?
Avonsnous le droit de penser que saint Paul, adepte du système cosmogonique préconçu dont toutes les parties doivent, dans la pensée de Moïse, s'harmoniser les unes avec les autres et avec l'idée première de ce système, eût pu formuler les rapports que vous savez ingénieusement tirer de ses paroles? Ne croyaitil pas que Dieu résidait dans la profondeur des cieux, inaccessible à tous les regards, et les Esprits fidèles, habitant selon leur mérite, les diverses régions de l'Empyrée, tandis que les anges rebelles étaient précipités dans l'abîme? Sa conviction n'étaitelle pas qu'un jour viendrait, où la création, consumée par un feu descendu d'en haut, il serait créé une nouvelle terre et des cieux nouveaux?
Or donc, Moïse et saint Paul, n'avaient aucune notion exacte des lois physiques, ils ne pouvaient conséquemment soupçonner l'existence d'un fluide invisible répandu dans l'espace, et dont les vibrations mystérieuses donnent naissance à la lumière et aux êtres. En disant : « Mais la terre était toute nue, et le souffle de Dieu était porté sur les eaux. » Et Dieu dit : « Que la lumière soit, et la lumière fut. » Cette lumière du second verset n'est évidemment que celle dont les Chaldéens, les Perses et les Aryas ont illuminé leur Empyrée et leurs cieux supérieurs, celle que saint Paul contemplait lors de son extase au troisième ciel, celle qui nous sera donnée sous le nom de gloire céleste ou éternelle.
Malgré leurs inspirations, ces hommes célèbres n'ont aucune idée de la majestueuse étendue et de l'importance de l'Univers. Vraiment on peut admirer le génie de Moïse, en tant qu'homme ordinaire, et le lire devient une torture, s'il est donné comme auteur inspiré.
Mettons en rapport les idées formellement professées dans les livres des deux Testaments, où l'on sent palpiter à chaque ligne, le canevas de quelques croyances védiques primitives.
Permetteznous, monsieur, de vous faire remarquer qu'il ne s'agit pas de tenir peu au dire des chronologues, nous ne parlons pas toujours aux érudits, nous devons préciser afin que l'erreur disparaisse de nos coutumes, et faire ainsi la guerre aux préjugés, ces ennemis de tout progrès.
Si dans nos idiomes actuels nous retrouvons en substance le sanscrit, source de toutes les langues anciennes et modernes, et cela malgré ses transformations nécessaires, il est clair que rigoureusement, au nom de la philologie et de l'ethnographie, nous devons, dans ces idiomes, retrouver les traditions historiques, religieuses, littéraires et législatives de l'antiquité, quoique affaiblies et transformées par la marche séculaire de l'humanité.
Nous trouverions ainsi les traditions indoues, importées en Grèce par les populations de l'Asie mineure, en colonisant ce pays, elles ont laissé une trace ineffaçable du génie du grand et premier groupe humain; en dégageant l'histoire de la poésie et du rêve, nous retrouverions dans la prosopopée grecque la trace des souvenirs de leur antique origine.
La question philologique s'unit ainsi à la science géologique pour reporter la venue de l'homme avant le diluvium, soit cent mille ans, peutêtre plus, et nous ne pouvons qu'être vrais, en donnant aux livres des Vedas une antiquité de vingt mille ans, fait incontestable pour toute personne éclairée et exempte de préjugés.
Ici, nous sommes bien en arrière de la chronologie indoue, qui reporte à des millions d'années l'antiquité des ouvrages védiques, l'ultramontanisme à son tour, donne quatre mille ans d'existence à l'humanité, ces extrêmes sententils pas la démoralisation et la foi aveugle ?
Parcourir les monuments de la littérature indienne, c'est retrouver l'idée de la matière existant de toute éternité avec Dieu, jamais nation n'agita plus d'idées, de questions et de problèmes, après tant d'époques millénaires, le progrès scientifique, la pensée développée n'ont rien fait perdre aux spéculations philosophiques des indous, embrassant morale, législation, métaphysique et psychologie.
Ils disent : « Brahma est tout à la fois le sacrificateur et la victime. De sorte que le prêtre, qui officie tous les matins aux cérémonies du Sarrameda, sacrifice universel symbolique de la création, en présentant son offrande à Dieu, s'identifie au sacrificateur divin, qui est Brahma. Ou plutôt c'est Brahma, victime dans son fils Christna, qui est venu mourir sur la terre pour nous sauver, qui accomplit luimême le sacrifice solennel.
« L'âme, qui retourne animer un nouveau corps, dit le Vedanta, abandonne sa forme première, et, comme la goutte d'eau qui traverse l'air pour venir donner la force et la vie aux plantes sur lesquelles elle tombe, elle pénètre dans l'embryon animal, qu'elle vient animer et vivifier. » Le sage Platon, vieil écho de l'Orient, avait les mêmes idées.
Ils disent aussi : « Les âmes sont des étincelles qui retournent à l'éternel foyer d'où elles sont descendues.
Lorsque la nuit profonde, pendant laquelle le germe de toute chose se régénérait dans le sein de Brahma, se dissipa, une lumière immense parcourut les espaces infinis, et l'Esprit céleste apparut dans toute la force de sa puissance et de sa majesté; à sa vue, le chaos se changea en une matrice féconde, d'où allaient sortir les mondes, les étoiles resplendissantes, les eaux, les plantes, les animaux et l’homme… »
Ils reconnaissaient un sixième sens défini ainsi par le philosophe Sankya : « Un organe par affinité, participant aux propriétés des autres, et qui sert tout à la fois à la sensation et à l'action[2]. »
Le philosophe Aristote ne pensait pas autrement, donc rien de nouveau sur la terre, le périsprit est vieux comme le monde.

 

Variétés

Un voleur aperçu en rêve[3]
Chers messieurs,
Lors de mon dernier voyage à Anvers, je rendais visite à une vieille connaissance, la famille G... La dame de la maison me conta une histoire assez curieuse qui lui était arrivée récemment. Depuis longtemps elle remarquait qu'elle était volée de différentes manières. L'argent disparaissait dans son secrétaire, et en dernier lieu une somme de 1 000 francs, bien qu'elle eût eu la précaution de changer deux fois la serrure.
N'étant pas très riches, ces pertes successives ne laissèrent pas de causer beaucoup de désagréments à ces braves gens; un des enfants de la maison était vaguement accusé d'être le voleur, mais madame G... ne put le croire; elle était sur le point d'en devenir malade, lorsqu'elle fit une prière ardente, et làdessus elle s'endormit.
Soit dans un rêve ou dans une vision, elle aperçut son voleur (qui n'était autre que son maître ouvrier) plonger les mains dans un coffre renfermant des bijoux et des billets de banque spécialement marqués, et qu'elle reconnut pour lui appartenir. Réveillée en sursaut, elle fait appeler le commissaire de police du quartier qui, séance tenante, arrête le voleur dans son domicile, après avoir trouvé chez lui le coffre et les valeurs marquées, telles que madame M. G... l'avait annoncé.

Un voyage interrompu
Nous lisons dans le Courrier des ÉtatsUnis :
Un habitant de Wilkes County, Caroline du Nord, avait vendu dernièrement une pièce de terre à un voisin, moyennant 1 000 dollars payés comptant. Quelques jours après, le vendeur eut à faire un voyage. Il partit en confiant à sa femme, pendant son absence, les 1 000 dollars qu'il venait de toucher.
En revenant, il s'arrête pour passer quelques jours chez un de ses amis demeurant à une douzaine de milles de Wilkes County.
Mais la première nuit ne fut pas tranquille pour le voyageur, agité par d'affreux cauchemars, il rêva que des malfaiteurs avaient dévalisé sa maison après avoir égorgé sa femme et ses deux enfants.
Ce songe fit une telle impression sur son esprit, qu'il se leva de grand matin et pria un marchand colporteur, qui avait passé la nuit dans la même maison, de l'accompagner jusque chez lui, où il craignait qu'un malheur ne fût arrivé. Les deux hommes se mirent en route, et chemin faisant le colporteur fut mis au courant du rêve qui avait si fort agité son compagnon.
Les voyageurs franchirent rapidement les douze milles qui les séparaient de Wilkes County, et pénétrèrent dans la demeure de l'homme qui avait eu, la nuit précédente, un songe si singulier. Le premier objet qui frappa leurs regards, fut le cadavre de sa femme, étendu dans un bain de sang, près d'elle, deux hommes étaient assis à une table, comptant de l'argent. Le maître de la maison et le colporteur, qui avaient eu la précaution de s'armer, firent feu sur les deux assassins avant qu'ils eussent le temps de se mettre en défense, et les couchèrent morts à côté de leur victime. Un de ces personnages était l'homme qui avait acheté la terre, l'autre était son fils.»

Remarque : Les matérialistes auront beau faire et nous traiter d'illuminés, les faits de seconde vue prouvant l'émancipation de l'âme, se reproduisent sans cesse et partout, mais ordinairement la presse européenne ne les rapporte pas.

Intelligence des animaux
L'Indépendance belge du 13 juin 1871, rapporte le fait suivant : Le Rév. Charles Nott, de SaintLouis, communique au New York Indépendant le fait suivant : « Dans sa jeunesse, un de mes amis possédait un renard que l'on gardait dans une sorte de tanière creusée dans la cour, la chaîne qui l'attachait était d'une longueur généreuse. Un soir d'automne, le chariot de la ferme chargé de blé, revenant des champs, passa près de la tanière, il en tomba par hasard un épi à l'endroit où le renard pouvait l'atteindre.
On le vit alors s'élancer, saisir l'épi et le rapporter dans sa tanière. Mystère!... puisque le renard ne mange pas de blé.
Mais le lendemain matin le problème fut résolu, car on vit le renard hors de sa demeure, émietter le blé, en le laissant tomber bien en vue des poulets, puis, rentrer dans son gîte, où il attendit les événements. Les poulets arrivèrent et se mirent à manger le grain, le renard se précipita sur l'un d'eux et l'emporta chez lui, là il déjeuna à son aise dans sa salle à manger. Il est évident que ce renard raisonnait profondément, et que chez lui ce n'était pas seulement une preuve d'instinct. »

Remarque : Pour les esprits superficiels, sans doute, ces faits d'intelligence sont et seront toujours des rêves, des contes bleus; mais pour l'observateur attentif, pour celui qui scrute avec soin les actes des animaux, il en ressort cette vérité profonde, c'est que tous les êtres qui nous précèdent jouissent à des degrés divers, et selon leur avancement, de facultés intelligentes d'autant plus développées, qu'ils sont plus rapprochés du bimane, cette tête de ligne de la chaîne animale sur notre planète.

Phénomène physiologique – La Jeune fille de Saucourt
Nous recevons de Charmes (Vosges), le fait suivant : « I1 y a ici, près de Charmes, dans un petit village (Saucourt), une jeune fille qui vit depuis plus de douze ans sans prendre de nourriture. Elle ne boit ni ne mange absolument rien, cependant, sans être forte, elle vient toutes les semaines à Charmes, à pied, faire son petit marché. J'ai recueilli de sa bouche la confirmation et l'assurance de ce fait que personne, du reste, ne met en doute.
Les médecins de la localité, constatent ce phénomène sans pouvoir en donner une explication scientifique ce phénomène physiologique les laisse assez froids. La fable d'Épiménide, ce philosophe crétois qui, étant entré dans une caverne, y fut pris d'un sommeil qui dura cinquantesept ans, ne seraitelle donc pas aussi absurde qu'on le pense? il mourut âgé de deux cent quatrevingt neuf ans, selon la tradition des Crétois qui lui offrirent après sa mort des sacrifices comme à un Dieu.
J'ai voulu vous signaler ce fait extraordinaire dans la pensée que, peutêtre ce qui est une énigme pour la philosophie, ne se soustrairait pas aux investigations de la psychologie.
Recevez, etc. »
X....
Nous attendons de nouvelles explications de notre correspondant pour donner notre avis sur ce fait qui se renouvelle fréquemment. Une prochaine Revue renfermera nos observations à ce sujet.

Les NéoCalédoniens
Nous donnons cet extrait d'un chapitre du livre intitulé : La NouvelleCalédonie et ses habitants, par le docteur de Rochas, chirurgien de la marine impériale :
Ces sauvages sont éminemment superstitieux, ils pratiquent la croyance aux Esprits ou à des Esprits dont il serait trop long de faire la nomenclature, et de caractériser l'espèce et les propriétés, la foi dans les prodiges, la confiance dans les sorciers sont vivaces parmi eux.
Ils ont aussi le dogme de l'immortalité de l'âme et la croyance dans un autre monde peuplant les bois, les cimetières, une foule d'autres lieux, d'êtres extraordinaires, âmes des ancêtres ou Esprits incréés.
Les apparitions sont fréquentes, mais les maladies réputées à possession, le sont davantage encore, et rappellent à la fois les possessions des temps anciens et les hallucinations des temps modernes.
Un individu, mâle ou femelle, bien portant, est sensément pris tout à coup d'un délire ébrictiforme : son oeil devient hagard, sa physionomie revêt un aspect étrange, il s'agite et parle d'une façon déréglée, il montre du doigt les êtres fantastiques qu'il voit et qu'il entretient, puis, revenant à la raison, il raconte les choses étranges qu'il a vues : « J'ai vu, dit il, le père, le frère d'un tel, mort depuis tant d'années, j'ai vu tels ou tels Esprits, j'ai assisté à une grande fête chez nos ancêtres, etc. »

Remarque : Telle est l'appréciation du docteur de Rochas sur des faits pathologiques qui eussent dû vivement l'intéresser. Un docteur, et surtout un voyageur, ne peut froidement remarquer un cas de maladie générale, sans chercher quelle en est la cause; la pathogénésie est un art qui, dans ce cas, eût dû tenter un savant, et en son nom ce n'est pas être bien perspicace que de dire : « Ces sauvages sont éminemment superstitieux ». Avec des déductions pareilles on ne peut mériter le nom d'observateur, nous savons pourtant que les faits relatés ici ont plus d'importance que généralement on ne le croit : dans tous les pays et à toutes les époques, ils se sont reproduits avec plus ou moins d'intensité, ou pour mieux dire, ce phénomène naturel s'est produit constamment avec les mêmes symptômes, sans trouver un observateur pour les analyser et les relater.
Pour qui veut bien se donner la peine de lire les ouvrages d'Allan Kardec, et les faits similaires décrits dans la Revue spirite, il y a cette conviction sensée, raisonnée, que les cas d'apparition des Esprits, de possession, de vision médianimique, etc., rentrent dans l'ensemble d'une loi parfaitement définie, et surtout en parfait accord avec la raison et avec la science.
Tous les jours nous voyons des personnes réputées folles, être guéries par la volonté et le fluide magnétique d'un médium guérisseur : l'agent périsprital (cette nouvelle force dite force psychique, par des savants) a toujours existé, et, pour tous ceux qui sauront sa puissance et les résultats qu'on peut en obtenir par une étude attentive, il y aura une source continuelle de remarques et d'applications intelligentes.
Dans notre publication, nous aurons bien souvent lieu de revenir sur ce sujet intéressant, et de prouver que par l'instruction seule, on peut, au lieu de pratiques superstitieuses, de foi ardente dans les sorciers, d'actes de possession si habilement exploités, faire rentrer tous ces cas extraordinaires dits miraculeux, dans le domaine de la raison et de la déduction rationnelle.
Nous avons à notre portée des instruments de progrès jadis inconnus, ces instruments tout puissants pour le mal sont employés avec adresse par de puissants adversaires partisans avoués de l'ignorance, reprenons ces instruments pour les intelligenter, le bien que nous en recueillerons nous fera oublier la main perfide qui s'en servait. Le Spiritisme, n'estil pas la science, la lumière, le pardon ?

 

Revue de la Presse

Causerie de la Gazette de Spa
Sous ce titre, nous lisons dans la Gazette de Spa (Belgique), et sous la signature d'un beau nom, Raoul de Montaigle, un article assez vague commençant par ces mots : « Pour être de son siècle, il faut se tenir au courant de ses agitations, se trouver en plein dans sa vie... N'estce pas? C'est entendu. »
Làdessus, le signataire, tout fier de son titre et croyant que le pavillon couvre la marchandise, nous donne dans trois colonnes la juste mesure de son profond savoir, aussi en profitetil pour dire « Allan Kardec le nébuleux, le vague, le confus, qu'estil devenu? un faux Dieu, un intrigant, un imposteur..., etc., etc. »
Et voilà comment on écrit l'histoire dans la Gazette de Spa du 1er juillet 1871. Il faut avouer que de pauvres jeunes gens sont bien à plaindre quand ils endossent la lourde responsabilité d'un métier pareil, éreinter quelque chose ou quelqu'un pour divertir une galerie, comme ce doit être triste! C'est avoir l'esprit étroit, ou bien ne posséder que des notions peu exactes sur chaque chose.
L'article entier est la millième édition des clichés parisiens dans ces temps néfastes où, pour moraliser les lecteurs, on déshabillait la vérité pour l'affubler de racontars honteux, énervants, nourriture indigeste qui a pu mathématiquement atrophier un pays comme la France. La calomnie ne prouve rien, et s'il faut le dire, le rédacteur de Causerie trouve le mot pour rire, mais il ne possède pas le fameux Castigat ridendo mores ; pour corriger les moeurs et amuser, il faut avoir beaucoup étudié, connaître les lois qui président à la marche de l'univers, tous les rapports qui régissent la vie organique et inorganique en ses débuts, lorsqu'on a pu déduire de ces simples données la raison qui nous fait agir, vivre, penser, lorsqu'on a meublé sa cervelle de vérités indéniables, éternelles, essentielles, on présente à ses abonnés non des bulles de savon, mais bien des raisons sensées et un enseignement continuel. Faire sourire l'être intime, cet élément fluidique dont s'amuse énormément la spirituelle rédaction de la Gazette de Spa, n'est pas si facile qu'on le pense, cet élémentlà se vivifiera toujours avec les oeuvres bien coordonnées, héritage, que seuls les maîtres en toutes choses nous ont laissé.
Donc, il reste pour nous, spirites, un fait bien avéré : la rédaction de la Gazette de Spa ne connaît pas le premier mot du Spiritisme, rien des sciences sérieuses, même rien de ce qui fait une originalité dans le journalisme, c'est un journal de baigneurs. Belges, renvoyezla à l'école.
Après cela étonnezvous donc que le public frivole de ces messieurs répète les créations ou les palinodies du savant qui signe Raoul de Montaigle. Allan Kardec n'a rien créé, rien imaginé, après avoir immensément étudié, beaucoup appris, il a coordonné l'enseignement du Spiritisme dans le Livre des Esprits, ouvrage lu dans le monde entier, puisqu'il arrive à sa 18e édition. Bien plus, il ne faisait en ceci qu'une oeuvre de consciencieuses recherches, il offrait les déductions philosophiques et raisonnées d'une loi universelle vieille comme le monde, et surtout en concordance parfaite avec les bases actuelles de la science. Lire la Genèse d'Allan Kardec, c'est avoir la preuve de ce fait, mais il faut prendre la peine de la lire
Croyezvous que M. de Montaigle y consacrera ses précieux instants? Comme il est de l'école de la SainteAmpoule et du savoir universel sans étude, il préfère se former la main, le sceptique! et sur qui et avec quoi? Sur qui, sur le Phare son voisin; sur quoi, sur un article intitulé : Mes Mémoires, chapitre CXXIII… d'Alexandre Dumas, le grand Dieu des journaux futiles.
Ainsi, M. Raoul de Montaigle n'est pas heureux, non seulement il nous montre son ignorance au sujet du Spiritisme, mais pour obéir à ses supérieurs, il profite de l'insertion du chapitre CXXIII des Mémoires d'Alexandre Dumas dans le Phare (de Liége), pour débiter la calembredaine suivante, et cela après avoir jeté maints coups de griffe à notre confrère.
Dans le corps du journal, Phare (de Liége), j'ai lu encore la suite d'un article intitulé : Mes Mémoires, qui est au chapitre CXXIII, et qui n'est point signé.
C'est très gai décidément, ce Phare est un chérubin de journal, et je m'y abonnerai dès aujourd'hui.
Dans ces Mémoires, il y a une petite fille qu'on magnétise et qui lit dans l'avenir des événements politiques de la plus haute importance.
Ainsi, elle prophétise ou plutôt elle voit à travers l'impénétrable voile du temps, qu'Henri V entrera dans sa bonne ville de Paris, qu'il régnera sur les Français, que la comtesse de Chambord mourra poitrinaire, que le nouveau roi épousera une fille du peuple, etc., etc. Voilà!!! Si M. Thiers ne s'abonne pas au Phare et si le comte de Chambord n'en fait pas son Moniteur, etc. Et plus loin : « 0 grands enfants! ô illuminés inoffensifs! 0 successeurs de tous les mystiques, qui trompent depuis des milliers d'années, de bonne ou de mauvaise foi, le troupeau des pauvres humains, etc.»
Et toute cette sublime inspiration suivie d'un article intitulé l'Esprit parisien, qui fait honneur au Signataire JeandeDieu; nous prions ce dernier de vouloir bien donner sur les doigts à M. Raoul de Montaigle. Que diable! il est bon d'être ignorant et inconséquent, mais cela ne doit pas aller jusqu'à faire endosser à l'organe du Comité de l'union des groupes spirites liégeois, ce qui appartient de droit aux opinions absolues d'Alexandre Dumas.
Allons, pendezvous, beau Crillon, le Spiritisme vivra sans vous.

L’indépendant de l’Oise – Article nécrologique – M. Alfred Dreux
L'article nécrologique suivant, que nous sommes heureux de pouvoir mettre sous les yeux de nos lecteurs, a été puisé dans un des derniers numéros du remarquable journal le Progrès de l'Oise. M. Valliez, son honorable directeur, a cru devoir accorder une place aux pensées émises dans cet article, pensées en parfaite concordance avec les enseignements spirites : cela prouve sa grande indépendance et sa rectitude de jugement. Nous constatons avec bonheur que ce représentant de la presse pense tout autrement que la direction de la Gazette de Spa, le soin de ridiculiser et de proscrire nos idées, n'appartient du reste qu'aux intelligences peu éclairées et à nos adversaires intéressés, ou de parti pris.
Nous connaissions M. Dreux comme un vaillant esprit et un chercheur profond, à son égard on ne saurait mieux dire que ne l'a fait l'auteur de l'article, notre ami M. Honoré Lescot :
M. Alfred Dreux, auteur des Réformes sociales, vient de mourir le 29 juillet, à Ribécourt, où il exerçait les fonctions de greffier de la justice de paix depuis une dizaine d'années. Inhumé le 31, son convoi était suivi d'une grande affluence de gens qui se disaient avec regret : « C'est un malheur! à trentecinq ans, c'est mourir trop jeune. »
M. Dreux avait les allures franches et la conversation spirituelle, mais si parfois il devenait humoriste ou mélancolique, c'est qu'il souffrait d'une maladie organique qui le minait depuis plusieurs années. Luimême n'espérait pas de guérison, puisqu'il le dit dans la préface de son ouvrage :
« Surtout qu'il soit bien entendu que je suis sans prévention comme sans haine contre qui que ce soit, que je suis content de ma position et ne brigue aucune place ni aucun emploi, qu'affecté d'une maladie qui ne pardonne point et qui me laisse peu d’illusion, je n'ai d'autre ambition que celle de voir mon malheureux pays se relever et redevenir le foyer de la liberté et le phare de la civilisation. »
Quand un homme finit sa carrière après avoir beaucoup amassé pour ses héritiers, on dit de lui : « I1 a bien fait, il a gagné beaucoup d'argent ». Nous tous qui sommes les héritiers des bonnes idées que M. Dreux a amassées dans son ouvrage sur les réformes sociales, nous pouvons infiniment mieux honorer sa mémoire.
Parmi les améliorations qu'il propose, s'il en est qui ne paraissent pas réalisables aujourd'hui, elles le seront un jour, peutêtre plus tôt qu'on ne pense, car un grand travail intellectuel se fait dans les campagnes.
Après avoir rempli sa tâche, M. Dreux a eu la satisfaction de voir son livre se répandre sur tous les points de la France, et de recevoir de nombreuses félicitations par de hautes sommités politiques.
Un député de l'Aisne, M. Edmond Turquet, je crois, dans une lettre bien flatteuse, lui assurait une grande récompense morale.
S'il n'a pas eu cette récompense avant de mourir, l'auratil après? Son Esprit, si pénétrant, peutil mourir comme son corps ? Non, ce qui est immatériel ne meurt point. Or, l'Esprit (que l'on appelle aussi âme ou intelligence) peut donc, après comme avant la désincarnation, recevoir la récompense de son travail, Il peut même s'intéresser encore aux affaires de son pays comme à ses parents et à ses amis.
Etant surtout débarrassé d'un corps infirme et souffrant, détaché des intérêts et des besoins matériels, il doit être bien plus libre de suivre ses penchants et ses aspirations.
L'homme qui souffre sur la terre subit son purgatoire en attendant le ciel…
Lorsqu'il est assez avancé pour reconnaître ses erreurs, il revient sur la terre afin de les réparer dans une existence nouvelle. Telle est la loi du progrès moral par la réincarnation et la pluralité des existences. Aussi, l'homme qui souffre avec sagesse et résignation, doit espérer une vie meilleure, et celui qui a travaillé comme M. Dreux, au bien de l'humanité, par les Réformes sociales, doit attendre la récompense morale qui lui est promise.

H. L.

Correspondance

Le spiritisme à Marseille
Nous recevons de Marseille la lettre suivante :
Messieurs,
Dimanche 23 juillet, les spirites formant le groupe de M. Georges, sous le patronage de Vincent de Paul et Brunat, s'étaient réunis pour fêter dans un modeste festin le quatrième anniversaire de sa fondation, cinquante membres environ avaient répondu à cette invitation. Cette fête fraternelle offrait le cachet tout exceptionnel de l'union par une même communion de pensées.
M. C., d'Aix, dans un discours concis, a prononcé quelques paroles de circonstances vivement applaudies, le toast de M. Georges, en souvenir de nos frères et de nos sœurs partis pour le monde des Esprits, a produit une sensation réelle. Enfin, dans une hymne spirite, plusieurs jeunes demoiselles ont bien voulu nous faire apprécier leur talent et leur bonne volonté.
Des communications de diverses natures ont complété l'ensemble de la fête. Avant la séparation, un désir souvent exprimé a terminé la réunion, on a décidé la formation d'un groupe central d'après la pensée émise par M. H..., naturellement ce moyen de propagation spirite a trouvé un écho parmi nous, un rendezvous fut pris immédiatement.
Rolland
Le 27 juillet, il a été pris la décision suivante :
A l'unanimité, et vu le nombre croissant des adeptes suivant les études du groupe spirite de Marseille, il est indispensable de transférer le lieu de réunion dans un local plus spacieux.
Donc, un groupe central est formé pour s'occuper spécialement de propagande spirite, donner des conférences, créer une bibliothèque, et fonder un journal quand les fonds en caisse le permettront.
Une souscription est ouverte, des engagements mensuels ont été pris par chacun des membres, en raison de cet axiome : A chacun selon ses forces.
M. le docteur C…  a bien voulu mettre ses appartements à notre disposition en attendant qu'un local nous soit affecté. Nous faisons donc un chaleureux appel à nos frères spirites, à tous ceux qui ont à coeur de voir progresser la grande oeuvre régénératrice.
Rolland

Remarque : Nous avons répondu au groupe de Marseille en applaudissant à sa décision. Nous lui avons, à notre point de vue, indiqué le moyen de réunir de franches et sérieuses adhésions, en engageant moralement tous les spirites à étudier non seulement les lois fluidiques qui régissent le monde des Esprits, mais aussi les résultats psychologiques, dans leur rapport d'affinités naturelles avec tous les matériaux composant la nature entière.
Il nous faut aujourd'hui des convictions éclairées par le rayonnement des études scientifiques, et nous ne saurions jamais assez le répéter, c'est en donnant à nos adversaires la certitude que nous sommes des gens désireux de s'instruire, appuyant leur croyance sur la raison, sur le critérium de preuves répétées et concordantes, que nous serons respectables.
Un Esprit incarné doit, s'il est spirite, avoir la conscience de sa mission, des simulacres seuls ne suffisent plus. Les religions ont ébloui les yeux par les cérémonies pompeuses, par l'étalage de riches ornementations, pour le vulgaire, ce pouvait être la récréation de l'homme matériel, mais pour le penseur, c'était tout au plus la carapace embryonnaire de l’œuvre de rédemption. Le temps des vains spectacles est passé, si les Esprits attardés se plaisent à ces mirages, respectons toutes ces manières primitives d'exprimer les aspirations, l'homme est une chrysalide incessante, selon son avancement, il est un peu plus ou un peu moins enfant; nous devons donc, nous qui avons le bonheur de connaître quelques vérités, les répandre autour de nous afin que les incarnations attardées se spiritualisent avec conscience, et l'on ne peutêtre conscient, qu'en analysant froidement et sans parti pris toutes les lois qui régissent le monde matériel et le monde spirituel.
Le groupe de Marseille prend une généreuse initiative, s'il fonde une bibliothèque, c'est, avec juste raison, son devoir et son droit, ce sera le noyau central vers lequel convergeront toutes les idées, ce sera le point de départ d'une organisation forte et solide, elle permettra dans une époque peu éloignée d'entendre des professeurs érudits, défendant avec conviction nos croyances libérales, moralisatrices, surtout consolantes par leurs promesses évidentes et indéniables, surtout quand on sait les étayer sur ce qui est acquis scientifiquement.
Un journal n'est viable qu'à une condition, c'est qu'il puisse représenter non seulement une assemblée d'hommes, mais aussi une pensée supérieure qui fasse époque, il doit indiquer un but indépendant d'égoïstes personnalités, c'estàdire un but général et humanitaire; enfin il doit convier toutes les aptitudes au bon travail, celui de l'émancipation des masses, par l'acquis progressif et sagement ordonné, par cette persuasion, que la nation être collectif ne prendra sa place avancée parmi les autres peuples, qu'au moment où chaque individualité aura rempli sa mission d'intérêt général, par un jugement sain, judicieux, puisé à la source des connaissances utiles.
Puissent les divers groupes avec lesquels nous avons l'honneur d'être en rapport, nous adresser leur avis sur le but du groupe Georges, comme aussi sur les réflexions qu'il nous a suggérées.
Voici quelques extraits des instructions dictées par les Esprits dans la réunion marseillaise :
« Dans ces derniers jours, des milliers d'entre vous ont disparu de la terre pour rentrer dans le monde des Esprits avant le terme de la vie humaine. 0 vous qui êtes dans le nombre de ces morts, pourquoi mutuellement vous accuser d'injustice, tous vous avez commis des actes de cruauté, semblables en tout point à ceux de l'animalité, spectacle navrant propre à combler de tristesse, l'être qui aime ardemment l'humanité.
Enfants d'une même nation, vous devriez vous aimer les uns les autres, les noms de nationalité devraient donc disparaître devant vos actes, ne sontils qu'une fiction semblable à ces frontières qui séparent les peuples?... Nous devons croire que ces grands mots ont fait leur temps et ne signifient absolument rien. L'orgueil, la passion, la fausse et inutile ambition de l'homme quelle que soit sa nation, sont le mobile de tous les maux comme de toutes les guerres.....
Avant de vous quitter, frères et amis bienaimés, permettezmoi de vous recommander le calme et la réflexion, efforcezvous bien surtout, de rentrer chacun sérieusement en vousmême, pour retrouver peu à peu le chemin de la véritable liberté... de cette liberté dont vous balbutiez à peine le nom, sans savoir en apprécier les bienfaits inestimables. »
J.

Nota : Cette communication trop longue pour être entièrement insérée, fut obtenue pendant le sommeil magnétique du médium.
Un autre Esprit est ensuite venu donner une communication, commentait de la précédente; il constate que toutes les guerres sont des meurtres, et que toutes absolument sont des guerres civiles.
Puis il ajoute : « Si ma voix pouvait être entendue, je dirais au vainqueur quel qu'il soit : Non, vous n'avez pas vaincu, car la justice ne vous guide ni les uns ni les autres. La victoire n'est pas dans un simulacre de tuerie atroce, mais dans le combat moral qui saura bien effacer votre passage, elle seule peut faire disparaître votre souvenir, car les armes meurtrières doivent réciproquement vous anéantir. » … « Ce temps viendra, espéronsle... Ceux qui voudront s'égorger pourront en attendant remplir leur horrible mission, mais il ne faut pas qu'une pression injuste contraigne les amis de la paix et du cosmopolitisme universel, à accepter un moyen qui répugne à leur conscience. Pourquoi nommer lâches ceux qui pensent autrement que vous? En vérité, ils sont en définitive plus avancés que l'homme de combat, et, quand chacun pensera ainsi et ressentira le même dégoût, le monde entier aura fait dans le progrès un pas immense. »
Un Esprit familier

Nous avons une lettre venant rectifier bien sagement la suscription de nos lettres adressées jusqu'ici au groupe Georges à Marseille, nous accueillons avec une satisfaction d'autant plus grande la remarque de notre frère G. qu'elle est une sanction de notre pensée intime.
Nous écrivions ainsi : A M. Georges, président du groupe G., etc.
Nous devons désormais dire : A Messieurs les membres du groupe spirite SaintVincentdePaul et Brunat, 27, rue des PetitsPères,etc. et voici pourquoi.
Ce groupe s'est développé malgré la malveillance, il a librement grandi en atteignant sa septième année, aussi célébraiton, non sa naissance, mais la quatrième année de sa formation régulière.
Il a été décidé que, pour conserver au groupe son caractère cordial et fraternel, sa physionomie égalitaire, et pour éloigner toute prédominance, tout envahissement, le titre présidentiel était aboli, une liste volontaire dressée par l'assemblée, et composée de membres actifs, aura pour mission la direction des soirées spirites : le vote a eu lieu à l'unanimité.
Pas de comité directeur, mais au premier jour de chaque mois, aura lieu une réunion spéciale et générale pour toutes les questions d'ordre administratif, emploi des fonds et améliorations futures ou actuelles, afin de ne pas, dans les autres réunions, entraver les travaux, par des dissertations étrangères, ou l'absence de membres tièdes ou indifférents. Nos frères veulent ainsi mettre toutes les aptitudes en évidence.

Dissertation spirite

Berlioz[4]
Où suisje?... Que désirez-vous?... Quelle force m'attire et me dit : Regarde, écoute, vois, entends?...
Ce que je vois?... un salon... quelques personnes assises... une table où l'on écrit... En bien! Que peut avoir de commun un disparu de la terre, avec vous?... Mon commerce avec les vivants n'est donc pas fini? Mes déboires voudraientils recommencer?... C'est que je ne veux plus revivre parmi vous, j'ai tant souffert!.. .
Je parlais, j'agissais, je critiquais, j'écrivais comme vous, mais j'étais un vivant bien mort! Mes pensées, ils les bafouaient! Ma musique avait son charivari à chaque audition, et si j'ai recueilli quelques applaudissements à l'étranger, ma patrie, la France... ce pays des générosités de l'esprit, de l'existence intelligente, la France, cette reine, a ridiculisé son enfant, un de ceux qui l'aimaient!…
Rien derrière moi... un souvenir rétrospectif parfois, une fleur sur ma tombe, peutêtre la statue de marbre pour moi, et la célébrité pour mes écrits!... Eh! Que m'importe! J'ai jeté à tous mes mélodies, ma jeunesse, mon génie, j'ai tracé mon sillon!... Qu'un nouveau labour le couvre!... Vous le voyez, je suis bien mort à la terre, et qu'auraisje désormais de commun avec vous?...
La vie!... Elle est làhaut, dans l'immensité! Oh! mon rêve était vrai!... Ici, dans l'espace, on peut chanter, car toutes les harmonies se confondent!… Les mouvements des planètes innombrables, de leurs satellites émeuvent tous les atomes, toutes les molécules de l'immensité! C'est une musique infinie, un accord sans pareil! c'est un instrument sans limite, où Dieu, cet éternel harmoniste, fait tout résonner, tout resplendir...
Si j'avais la tête en repos, quelles belles pages j'écrirais pour les célestes concerts! Et quel auditoire de connaisseurs, quels parrains artistiques, quel parterre de rois, de tous les génies, pour applaudir les instrumentistes et les chanteurs de l'erraticité, interprétant la pensée de Berlioz.
Si ce n'est pas un rêve, je demande justice aux amis invisibles qui, tant de fois, m'ont consolé dans mes nuits d'insomnies, qu'ils ne me laissent plus réveiller, ou, si c'est le réveil, si c'est la réalité, si je puis être un des seconds de l'harmoniste universel, je veux désormais descendre à votre appel, et consolé, raffermi, je vous apporterai des consolations et des forces que je me sens disposé à mettre à votre disposition.
Dieu de bonté, éclairemoi, élèvemoi, ôtemoi ce voile qui m'empêche de voir dans ton rayonnement, et désormais il n'y aura pas un être plus heureux que Berlioz.

 

Retraite de M. Desliens

Nous avons reçu la démission de M. Desliens, des formalités administratives en ayant empêché l'insertion dans la Revue du mois d'août, nous la donnons ici textuellement :

Paris, 27 juin 1871.
Messieurs les membres de la Société anonyme du Spiritisme, 7, rue de Lille, Paris.

« Messieurs,
Pendant les péripéties du siége de Paris et plus tard pendant l'insurrection communale, malgré les difficultés impérieuses du moment, j'ai tenu à accomplir mon devoir jusqu'au bout, en rédigeant mensuellement les articles nécessaires à la publication régulière de la Revue spirite.
Mais ce n'est pas sans des fatigues que vous comprendrez, que j'ai pu à la fois défendre le pays menacé, et contribuer comme spirite agissant, au développement de la doctrine. Assez gravement indisposé, dès le commencement de mars dernier, je dus bientôt m'abstenir de longues marches, par suite d'un affaiblissement général qui m'obligea à garder la chambre pendant plus de six semaines. Néanmoins, avec bien des efforts, je parvins encore à satisfaire à la tâche que je m'étais imposée après le départ du maître.
Aujourd'hui, la correspondance reprend de toutes parts, et ma santé plus chancelante que jamais, ne me permet pas de remplir mon mandat dans toute son intégrité, aussi, viensje vous prier d'accepter ma démission, comme secrétairegérant de la Revue spirite et comme membre administrateur de la Société anonyme, au moins pendant le temps nécessaire à la réparation de mes forces épuisées.
Ce n'est pas sans une émotion pénible que je renonce bien malgré moi, vous en êtes persuadés, à nos chers travaux. Il me faut, certes, subir la douloureuse contrainte de la nécessité, pour cesser de prendre une part active à la lutte, au moment où les efforts réunis de tous les membres de la grande famille spirite seraient indispensables.
Qu'il me soit au moins permis de remercier chaleureusement ici, nos nombreux correspondants qui, oubliant ma faiblesse et mon inexpérience pour ne considérer que la grandeur de l'oeuvre, ont bien voulu accueillir avec bienveillance mes efforts pour contribuer à la propagation de la doctrine. Qu'ils en soient bien persuadés, de près ou de loin, comme rédacteur de la Revue spirite et membre de la Société anonyme du Spiritisme, ou dans toute autre situation, je n'en serai pas moins un des partisans convaincus de la philosophie spirite et un de ses plus ardents défenseurs.
Veuillez agréer, je vous prie, messieurs les membres de la Société anonyme du Spiritisme, l'assurance de ma parfaite considération. »
A. Desliens

 

Aux abonnés

Le départ du maître a laissé de grands travaux à accomplir, tous les spirites sans distinction quelle qu'elle soit, doivent contribuer à l'oeuvre commune, celle de la régénération progressive de l'humanité.
Allan Kardec savait prévoir, mieux que nous tous il appréciait la marche à suivre pour fonder une chose durable, et la mettre à l'abri de compétitions plus ou moins égoïstes; avant son départ, il regrettait bien vivement de n'avoir pu établir son impersonnalité, il craignait (puisqu'il avait dû agir comme fondateur) que l'un de ses successeurs ne voulût imiter ce que forcément il avait été, c'està dire un être personnel, assumant sur lui toute la responsabilité de l'oeuvre, base unique peu solide quand il s'agit du Spiritisme, oeuvre complexe et multiple qui exige le concours de dévouements absolus.
Il avait donc jeté les bases d'une société qui devait embrasser tous les élans, tous les savoirs, centre solide où toutes les forces fussent venues converger, bien plus, chaque membre admis à l'administration, devait savoir en y entrant qu'il devenait impersonnel, et que, partie d'un tout, il ne pouvait s'en distraire pour se poser en président, en demidieu, chose que tout spirite doit réprouver, puisque le maître l'a formellement condamnée.
Si quelques spirites ont fondé une société anonyme, à capital variable, etc., c'est que les lois et l'obligation où l'on était de se soustraire à toute influence ennemie, les ont obligés quoiqu'à regret, d'accepter un titre dont quelques dissidents se sont fait une arme contre eux. Ce cas était prévu, comme aussi il était dit que toute oeuvre contraire à l'existence de la société anonyme ne serait pas viable. Nos bons guides, et parmi eux le maître Allan Kardec, avaient donc raison, la société malgré son titre, est prospère et prospérera, cela doit être, puisque son existence repose sur une loi que les aveugles seuls persistent à nier, et qui peut donc prétendre se mettre audessus de l'une des lois primordiales de la nature?
Sans intérêt autre que celui de la doctrine, qu'on le sache bien une fois pour toutes, la société espère que d'autres dévouements, se joindront à elle, après la phase d'épreuve, vient la période d'action; donc, il dépend des spirites seuls de voir la société anonyme réduire le prix de ses œuvres, nous pourrons alors mettre dans toutes les mains la consolation certaine et l'assurance du but de la vie par les déductions raisonnées et scientifiques.
La Revue doit aussi progressivement se modifier, elle a dû, dans le principe, être purement philosophique et relater les faits psychologiques avec de lumineux commentaires du maître, aujourd'hui, tout en restant imprégnée de ce grand caractère, elle doit ouvrir plus largement ses pages aux recherches scientifiques, une multitude de brochures judicieusement conçues nous sont adressées, elles attaquent les préjugés académiques, en faisant de savants rapports entre tous les éléments physiologiques qui constituent l'être, ce composé de tous les êtres. Ce sont de nouveaux éléments qui constituent une nouvelle phase du Spiritisme, et auxquels pour notre part nous ferons un fraternel et bienveillant accueil.
Un rapport de la Société anonyme 1869-1870, contenait un paragraphe ainsi conçu : « Désormais, en effet, l'existence et l'avenir de la société ne reposent spécialement sur la tête d'aucun individu; l'un de nous peut mourir, disparaître, changer de manière de voir, sans que la société en souffre, puisque le groupe qui la compose remplaçant, au fur et à mesure des besoins, les vides qui peuvent se former dans son sein pour une cause quelconque, sera constamment maintenue dans la voie tracée par les statuts qu'elle s'est imposés pour quatrevingtdixneuf ans. »
Ainsi , M. Desliens, secrétairegérant de la Revue spirite, nous adresse nonseulement sa démission comme secrétairegérant, mais aussi comme administrateur de lu société anonyme; il exprime ses regrets et motive sa démission sur les fatigues du siége de Paris et sa faible santé.
Nous succédons à M. Desliens, et comme lui nous devons rester impersonnel, nous faisons partie d'un groupe d'administrateurs, désintéressés et surtout spirites dans l'acception du mot, et si nous avons à traiter la partie active de la rédaction, il n'est pas moins vrai que nous représentons dans notre dire la pensée commune de nos collègues, sous la direction imprimée à nos idées par le mouvement général du Spiritisme.
Nous ne voulons pas être exclusif, et chaque fois qu'un spirite, eûtil des divergences d'idées avec nous, voudra nous soumettre un travail, il peut être assuré que la rédaction ne veut et ne doit pas s'imposer, elle accueillera fraternellement toutes les oeuvres, elle les discutera, non à un point de vue personnel, mais bien au point de vue de l'utilité générale et de l'intérêt de la doctrine, la Revue spirite reproduira avec bonheur les études sérieuses qui auront pour but la concordance de l'enseignement, basée sur des preuves scientifiques.
La désunion doit être un mot oublié, relégué à l'arrièreplan, nous ne savons pas si nos guides nous donneront des inspirations assez puissantes, pour engager tous nos frères de France et des autres pays à faire non seulement des études actives, mais aussi à entrer en communication suivie avec la Revue spirite; mais ce que nous savons bien, c'est que nul parmi nous n'a le droit de rejeter l'homme qui vient à nous, en vertu de la devise du maître : « Hors la charité, point de salut. »
Ancien médium de la Société parisienne des études spirites sous Allan Kardec, nous sommes assez connu de tous nos frères pour qu'on ne se méprenne pas sur notre dire. Nos lecteurs peuvent être assurés que l'humilité et surtout la fraternité accompagneront sans cesse toutes nos paroles et nos actions.
P. G. Leymarie

Bibliographie

Sous presse :
Trilogie Spirite, c'est-à-dire scientifique, psychologique et morale, par Augustin BAB1N.

En préparation :
Lettres à Marie sur le spiritisme, par Mare BAPTISTE, auteur des Lettres aux paysans.
Une nouvelle édition, revue et augmentée, des Fables et poésies diverses, par l'Esprit frappeur de Carcassonne.

 

Pour le Comité d'administration. Le Secrétairegérant : P. G. Leymarie

 

[1]Schéma veut dire plan et succession des états d'un être ou d'un organe.

[2] Nota : Ces citations sont tirées du remarquable ouvrage de M. Jacolliot, intitulé : La Bible dans l'Inde.

[3]Spa, 10 août 1871.

[4]Paris, 21 mars 1869. Médium M. X.

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