Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


Août 1871


Sommaire : Controverses sur l'idée de l'existence d'êtres intermédiaires entre l'homme et Dieu La morale universelle du baron d'Holbach Variétés : Un sermon dans le progrès Il y a deux dieux, Les hommes doubles , Vision et apparition au moment de la mort, Autre preuve de l'existence des Esprits donnée par une jeune enfant - Correspondance : La femme spirite, Le zouave Jacob, Le médium guérisseur de Sans, Ligue de l'enseignement Dissertations spirites : Les athées après la mort, La patience dans la peine, Le passé s’en va Bibliographie .

 

Controverses sur l'idée de l'existence d'êtres intermédiaires entre l'homme et Dieu

N., 4 février 1867
Cher Maître,
Il y a quelque temps que je n'ai donné signe de vie, ayant été très occupé tout le temps de mon séjour à Lyon, je n'ai pu me rendre un compte aussi parfait que je l'aurais voulu de l'état actuel de la doctrine dans ce grand centre. Je n'ai assisté qu’à une seule réunion spirite, cependant, j'ai pu constater que, dans ces milieux, la foi première est toujours ce qu'elle doit être dans les cœurs vraiment sincères.
Dans différents autres centres du Midi, j'ai entendu discuter cette opinion, émise par quelques magnétiseurs, que, bien des phénomènes dits spirites, sont simplement des effets de somnambulisme et que le Spiritisme n'a fait que remplacer le magnétisme, ou plutôt s'est affublé de son nom. C'est, comme vous le voyez, une nouvelle attaque dirigée contre la médiumnité. Ainsi, selon ces personnes, tout ce qu'écrivent les médiums est le résultat des facultés de l'âme incarnée, c'est elle qui, en se dégageant momentanément, peut lire dans la pensée des personnes présentes, c'est elle qui voit à distance et prévoit les événements, c'est elle qui, par un fluide magnéticospirituel, agite, soulève, renverse les tables, perçoit les sons, etc., tout, en un mot, reposerait sur l'essence animique sans l'intervention d'êtres purement spirituels.
Ce n'est pas une nouveauté que je vous apprends, me direz-vous. J'ai, en effet, entendu moi-même, depuis quelques années, soutenir cette thèse par certains magnétiseurs, mais aujourd'hui on cherche à implanter ces idées qui sont, selon moi, contraires à la vérité. C'est toujours un tort de tomber dans les extrêmes, et, il y a autant d'exagération à tout rapporter au somnambulisme, qu'il y en aurait de la part des spirites à nier les lois du magnétisme. On ne saurait ravir à la matière les lois magnétiques, de même qu'à l'Esprit les lois purement spirituelles.
Où s'arrête la puissance de l'âme sur les corps ? Quelle est la part de cette force intelligente dans les phénomènes du magnétisme ? Quelle est celle de l'organisme ? Voilà des questions pleines d'intérêt, questions graves pour la philosophie comme pour la médecine.
En attendant la solution de ces problèmes, je vais vous citer quelques passages de Charpignon, ce docteur d'Orléans, qui est partisan de la transmission de la pensée. Vous verrez qu'il se reconnaît luimême impuissant à démontrer clans la vision proprement dite, que la cause vient de l'extension du sympathique organique, comme le prétendent plusieurs auteurs.
Il dit, page 289 : « Académiciens, doublez les travaux de vos candidats ; moralistes, promulguez des lois pour la société, le monde, ce monde qui rit de tout, qui veut sa jouissance au mépris des lois de Dieu et des droits de l'homme, déjoue vos efforts, car il a à son service une puissance que vous ne soupçonnez pas, et que vous avez laissé grandir de telle sorte que vous n'êtes plus maîtres de l'arrêter. »
Page 323 : « Nous comprenons bien jusqu'ici le mode de la transmission de la pensée, mais nous devenons impuissants pour comprendre par ces lois de sympathie harmonique, le système par lequel l'homme forme en luimême telle ou telle pensée, telle ou telle image, et cette sollicitation d'objets extérieurs. Ceci sort des propriétés de l'organisme, et la psychologie trouvant dans cette faculté remémorative ou créatrice, suivant le désir de l'homme, quelque chose d'antagoniste avec les propriétés de l'organisme, la fait dépendre d'un être substantiel différent de la matière. Nous commençons donc à trouver dans le phénomène de la pensée quelques lacunes entre la capacité des lois physiologiques de l'organisme et le résultat obtenu. Le rudiment du phénomène, si l'on peut s'exprimer ainsi, est bien physiologique, mais son extension vraiment prodigieuse ne l'est plus; et, il faut ici admettre que l'homme jouit d'une faculté qui n'appartient à aucun des deux éléments matériels dont jusqu'à présent, nous l'avons vu composé. L'observateur de bonne foi reconnaîtra donc dès ici, une tierce partie qui entrera dans la composition de l'homme, partie qui commence à se révéler à lui, au point de vue de psychologie magnétique par des caractères nouveaux, et qui se rapportent à ceux que les philosophes accordent à l'âme.
Mais l'existence de l'âme se trouve plus fortement démontrée par l'étude de quelques autres facultés du somnambulisme magnétique. Ainsi la vision à distance, quand elle est complète et nettement dégagée de la transmission de pensée, ne saurait, à notre avis, s'expliquer par l'extension du sympathique organique. »
Puis, page 330 : « Nous avions, comme on le voit, de grands motifs pour avancer que l'étude des phénomènes magnétiques avait de grands rapports avec la philosophie et la psychologie. Nous signalons un travail à faire, et nous y convions les hommes spéciaux. »
Dans les passages suivants, il est question des êtres immatériels et de leurs rapports possibles avec nos individus.
Page 349 : « Il est hors de doute pour nous, et précisément cause des lois psychologiques que nous avons esquissées dans ce travail, que l’âme humaine peut être éclairée directement, soit par Dieu, soit par une autre intelligence. Nous croyons que cette communication surnaturelle peut avoir lieu dans l'état normal, comme dans l'état extatique, qu'il soit spontané ou artificiel. »
Page 331: « Mais nous revenons à dire que la prévision naturelle à l'homme est limitée et ne saurait être si précise, si constante et si largement exposée que les prévisions qui ont été faites par les prophètes sacrés ou par les hommes qui étaient inspirés par une intelligence supérieure à l'âme humaine. »
Page 391 : « La science et la croyance au monde surnaturel sont deux termes antagonistes, mais, hâtonsnous de le dire, c'est par suite des exagérations qui ont surgi des deux côté. Il est possible, suivant nous, que la science et la foi fassent alliance, et alors l'esprit humain se trouvera au niveau de sa perfectibilité terrestre. »
Page 396 : « L'Ancien, comme le Nouveau Testament, ainsi que les annales de l'histoire de tous les peuples, sont remplis de faits qui ne peuvent s'expliquer autrement que par l'action d'êtres supérieurs à l'homme; d'ailleurs, les études d'anthropologie, de métaphysique et d'ontologie, prouvent la réalité de l'existence d'êtres immatériels entre l'homme et Dieu, et la possibilité de leur influence sur l'espèce humaine. »

Voici maintenant l'opinion d'une des principales autorités en magnétisme, sur l'existence d'êtres en dehors de l'humanité. Elle est extraite de la correspondance de Deleuze avec le docteur Billot :
« Le seul phénomène qui semble établir la communication avec les êtres immatériels, ce sont les apparitions. Il y en a plusieurs exemples, et comme je suis convaincu de l'immortalité de l'âme, je ne vois pas de raisons pour nier la possibilité de l'apparition des personnes qui, ayant quitté cette vie, s'occupent de ceux qu'elles ont chéris, et viennent se présenter à eux pour leur donner des avis salutaires. »

Le docteur Ordinaire, de Mâcon, autre autorité en cette matière, s'exprime ainsi :
« Le feu sacré, l'influence secrète (de Boileau), l'inspiration, ne proviennent donc pas de telle ou telle bosse, de telle ou telle contexture, ainsi que le prétendent les phrénologues, mais d'une âme poétique, en rapport avec un Génie plus poétique encore. Il en est de même pour la musique, pour la peinture, etc. Ces intelligences supérieures ne seraientelles pas des âmes dégagées de la matière, et s'élevant graduellement à mesure qu'elles s'épurent, jusqu'à la grande, à l'universelle intelligence qui les embrasse toutes, jusqu'à Dieu ? Nos âmes, après diverses migrations ne prendraientelles pas rang parmi ces êtres immatériels ?
« Concluons, dit le même auteur, de ce qui précède : que l'étude de l'âme est encore dans son enfance, que puisque du polype à l'homme il existe une série d'intelligences, et que rien ne s'interrompt brusquement dans la nature, il doit rationnellement exister de l'homme à Dieu une autre série d'intelligences. L'homme est le chaînon qui unit les intelligences inférieures associées à la matière, aux intelligences supérieures immatérielles. De l'homme à Dieu, se trouve une série semblable à celle qui existe du polype à l'homme, C'estàdire, une série d'êtres éthérés plus ou moins parfaits, jouissant de spécialités diverses, ayant des emplois et des fonctions variés.
Que ces intelligences supérieures se révèlent tangiblement dans le somnambulisme artificiel ;
Que ces intelligences ont avec nos âmes des rapports intimes ;
Que c'est à ces intelligences que nous devons nos remords lorsque nous avons mal fait, notre satisfaction, lorsque nous avons fait une bonne action ;
Que c'est à ces intelligences que les hommes supérieurs doivent leurs bonnes inspirations ;
Que c'est à ces intelligences que les extatiques doivent la faculté de prévoir l'avenir et d'annoncer des événements futurs ;
Enfin que pour agir sur ces intelligences et les rendre propices, la vertu et la prière ont une action puissante. »

Remarque : L'opinion de tels hommes et ce ne sont pas les seuls, a certainement une valeur que personne ne saurait contester, mais ce ne serait toujours qu'une opinion plus ou moins rationnelle, si l'observation ne venait la confirmer. Le Spiritisme est tout entier dans les pensées que nous venons de citer; seulement, il vient les compléter par des observations spéciales, les coordonner en leur donnant la sanction de l'expérience.
Ceux qui s'obstinent à nier l'existence du monde spirituel, et qui ne peuvent cependant nier les faits, s'évertuent à en chercher la cause exclusive dans le monde corporel; mais une théorie, pour être vraie, doit rendre raison de tous les faits qui s'y rattachent, un seul fait contradictoire la détruit, car il n'y a pas d'exceptions dans les lois de la nature. Cela est arrivé à la plupart de celles qui ont été imaginées dans le principe pour expliquer les phénomènes spirites, presque toutes sont tombées une à une devant des faits qu'elles ne pouvaient embrasser. Après avoir épuisé, sans résultat, tous les systèmes, on est forcé d'en venir aux théories spirites, comme les plus concluantes, parce que n'ayant point été formulées prématurément et sur des observations faites à la légère, elles embrassent toutes les variétés, toutes les nuances des phénomènes. Ce qui les a fait accepter si rapidement par le plus grand nombre, c'est que chacun y a trouvé la solution complète et satisfaisante de ce qu'il avait inutilement cherché ailleurs.
Cependant beaucoup les repoussent encore, elles ont cela de commun avec toutes les grandes idées nouvelles qui viennent changer les habitudes et les croyances, et qui toutes ont trouvé longtemps des contradicteurs acharnés, même parmi les hommes les plus éclairés. Mais un jour vient où ce qui est vrai doit l'emporter sur ce qui est faux, et l'on s'étonne alors de l'opposition qu'on y a faite, tant la chose paraît naturelle. Ainsi en seratil du Spiritisme; et ce qui est à remarquer, c'est que de toutes les grandes idées qui ont révolutionné le monde, aucune n'a conquis en si peu de temps un aussi grand nombre de partisans dans tous les pays et dans tous les rangs de la société. Voilà pourquoi les spirites, dont la foi n'est point aveugle, comme leurs adversaires le prétendent, mais fondée sur l'observation, ne s'inquiètent ni de leurs contradicteurs, ni de ceux qui ne partagent pas leurs idées, ils se disent que la doctrine ressortant des lois mêmes de la nature, au lieu de s'appuyer sur une dérogation à ces lois, ne peut manquer de prévaloir lorsque ces lois nouvelles seront reconnues.
L'idée de l'existence d'êtres intermédiaires entre l'homme et Dieu, n'est pas nouvelle, comme chacun le sait, mais on se figurait généralement que ces êtres formaient des créations à part, les religions les ont désignés sous les noms d'anges et de démons, les païens les appelaient des dieux. Le Spiritisme, venant prouver que ces êtres ne sont autres que les âmes des hommes, arrivées aux différents degrés de l'échelle spirituelle, ramène la création à l'unité grandiose qui est l'essence des lois divines. Au lieu d'une multitude de créations stationnaires qui accuseraient chez la Divinité le caprice ou la partialité, il n'y en a qu'une essentiellement progressive, sans privilège, pour aucune créature, chaque individualité s'élevant de l'embryon à l'état de développement complet, comme le germe de la graine arrive à l'état d'arbre. Le Spiritisme nous montre donc l'unité, l'harmonie, la justice dans la création. Pour lui, les démons sont les âmes arriérées, encore entachées des vices de l’humanité, les anges sont ces mêmes âmes épurées et dématérialisées, et entre ces deux points extrêmes, la multitude des âmes parvenues aux différents degrés de l'échelle progressive, par là, il établit la solidarité entre le monde spirituel et le monde corporel.
Quant à la question proposée : Quelle est, dans les phénomènes, spirites ou somnambuliques, la limite où s'arrête l'action propre de l'âme humaine, et où commence celle des Esprits? Nous dirons que cette limite n'existe pas, ou mieux qu'elle n'a rien d'absolu. Dès l'instant que ce ne sont point des espèces distinctes, que l'âme n'est qu'un Esprit incarné, et l'Esprit une âme dégagée des liens terrestres, que c'est le même être dans des milieux différents, les facultés et les aptitudes doivent être les mêmes. Le somnambulisme est un état transitoire entre l'incarnation et la désincarnation, un dégagement partiel, un pied mis, par anticipation, dans le monde spirituel. L'âme incarnée, ou si l'on veut l'Esprit propre du somnambule ou du médium, peut donc faire, à peu près, ce que fera l'âme désincarnée, et même davantage si elle est plus avancée, avec cette différence, toutefois, que par son dégagement complet, l'âme étant plus libre, a des perceptions spéciales inhérentes à son état.
La distinction entre ce qui, dans un effet, est le produit direct de l'âme du médium et ce qui provient d'une source étrangère est parfois très difficile à faire, parce que très souvent ces deux actions se confondent et se corroborent. C'est ainsi que dans les guérisons par imposition des mains, l'Esprit du médium peut agir seul ou avec l'assistance d'un autre Esprit, que l'inspiration poétique ou artistique peut avoir une double origine. Mais de ce qu'une distinction est difficile, il ne s'ensuit pas qu'elle soit impossible. La dualité est souvent évidente, et, dans tous les cas, ressort presque toujours d'une observation attentive.
Allan Kardec

La morale universelle du baron d'Holbach

Nous lisons dans ce livre intéressant, imprimé dans le dernier siècle, le passage suivant :
Ce serait méconnaître les principes les plus évidents de la raison ou de la morale, que de croire que l'homme ne dût rien à son ennemi. Ce serait dégrader le guerrier et le supposer une bête féroce que de penser que, né dans des nations policées, il pût ignorer les maximes humaines et justes qu'elles ont établies entre elles, et qui demeurent en vigueur même au milieu du tumulte des combats. Enfin, ce serait regarder le militaire comme un vil automate, comme un bourreau sans pitié, comme un sauvage furieux, que d'imaginer qu'il ne pût pas savoir jusqu'où son courage doit le pousser contre les ennemis que sa patrie lui désigne.
Il n'y a que des sauvages stupides, dépourvus de raison, de prévoyance et de vertu, qui se persuadent que tout est permis contre des vaincus, et que l'on ne doit mettre aucun terme à sa fureur et à sa vengeance. Les insensés n'ont donc pas vu que les armes sont journalières, que celui qui use cruellement de sa victoire peut bientôt tomber à son tour entre les mains d'un ennemi dont il n'a fait que redoubler la rage ? Les aveugles ne s'aperçoivent pas que leurs guerres continuelles, et toujours impitoyables, ont presque réduit leurs nations, jadis nombreuses, à de chétives hordes, incapables de se défendre contre une poignée d'Européens.
Déjà depuis longtemps la voix sainte de l'humanité, la raison, l'intérêt éclairé ont détourné les nations de nos contrées, de leur férocité primitive. Plus les peuples se sont instruits, et plus ils ont montré de modération dans la guerre. Si des faits récents fournissent des exemples d'atrocité, ils sont dus à des nations qui n'ont point encore été suffisamment guéries de l'ignorance et de la frénésie de leurs ancêtres sauvages.
Grâce aux préceptes de la raison, qui ont adouci peu à peu les souverains et les guerriers, les hommes ne sont plus si cruellement acharnés à leur destruction réciproque. Le soldat entend le cri de l'humanité au sein même du carnage, au milieu du bruit des armes. Il accorde la vie à l'ennemi désarmé qui la demande, il serait déshonoré s'il frappait son adversaire abattu à ses genoux.
Qu'une discipline sévère mette un frein puissant à la licence, à la cupidité, à la débauche d'une soldatesque toujours ignorante et barbare. Que ses chefs, vraiment nobles et désintéressés, dont l'honneur doit être le mobile unique, n'aillent pas s'avilir par une avarice sordide. Estil rien de plus honteux que la conduite abjecte de ces généraux d'armées, entre les mains de qui la guerre est un trafic, et qui, se rabaissant au métier cruel et bas des traitants et des usuriers, cherchent à exprimer des veines des peuples le peu de sang que la guerre y a laissé.
Tout est lié dans la vie sociale, c'est en rendant les grands meilleurs que l'on pourra corriger les petits. C'est en abolissant les privilèges injustes, les lois gothiques, les coutumes onéreuses, que l'on rappellera les uns et les autres à la vertu. Une bonne éducation surtout doit apprendre aux riches, aux nobles, aux puissants, qu'ils doivent se faire aimer de leurs inférieurs, qu'ils doivent se montrer reconnaissants pour les biens qu'ils en reçoivent; qu'ils ne peuvent s'acquitter envers eux qu'en leur montrant de l'équité, de la bienfaisance, de l'humanité, qu'en les élevant jusqu'à eux avec l'aide du savoir. Ils doivent être imbus de ces maximes et cesser de mépriser des citoyens dont l'existence est nécessaire a leur propre bonheur, et sans lesquels ils ne jouiraient de rien, ils sentiront ce qu'ils doivent à ces hommes, ils reconnaîtront que toute profession de laquelle la société recueille des fruits, doit être plus estimée que celle qui ne produit aucuns biens désirables.

Remarque : Cette haute leçon nous vient du dix-huitième siècle. Pouvonsnous réellement dire que la société se soit amendée ? Nos lois ontelles aplani les causes qui ont dicté les pages que nous avons copiées ? La guerre s'estelle faite sous d'autres conditions, et les belligérants bien convaincus de l'intérêt suprême de l'humanité, ontils abdiqué leur férocité primitive  Les préceptes de la raison dirigentils tous nos actes, et l'éducation, l'instruction, ontelles bien réellement modifié, les privilèges injustes? C'est une question que nous posons nos lecteurs, espérant bien en la réponse de quelques-uns.
Pour nous il y a beaucoup à faire, et nous ne doutons pas que désormais, l'on ne fasse des efforts bien grands pour donner aux hommes la conviction que tout est lié dans la vie sociale. Nous devrions établir une concordance sérieuse dans l'enseignement, puisque nul ne doit être étranger aux grandes notions de droit, de justice et d'abnégation si bien décrits dans le livre de la Morale universelle, on obtiendrait ainsi un résultat sérieux qui détruirait les séparations, les haines, tous ces ferments de discordes qui ont produit les derniers événements, nous aurions éloigné de nos lèvres cette coupe amère où fermentent l'égoïsme, la présomption, l'orgueil, l'intérêt particulier avant l'intérêt général; nous ne léguerions pas à nos enfants sinon à nousmêmes, le renouvellement d'exécrables tragédies.
Comment voulezvous enseigner le respect des autres, à des hommes auxquels on n'a su inculquer des croyances sérieuses ? Dieu ne peut être pour eux qu'un mythe trompeur, fantastique, une illusion bonne pour bercer les esprits malades ; en général, nos élèves de lycées bourrés de latin et de grec, et, n'ayant que de légères notions scientifiques, ne connaissent que très imparfaitement les grandes lois qui régissent l'univers, le doute s'est emparé de leur âme, car ils ont la persuasion que rien n'est bon ni mauvais, il y a des conventions, mais voilà tout. Joignez à ces principes ceux qu'ils ont pu recueillir dans le milieu où ils ont vécu, et vous aurez alors la génération prétentieuse et ignorante de ces derniers temps, cette génération qui n'a pu ni su défendre le sol de la patrie.
Considérez maintenant l'instruction de l'ouvrier des villes et des villages, le catéchisme l'occupe trois ou quatre ans, lorsqu'après la première communion, le métier le réclame, il sait tout au plus lire et écrire, additionner quelques chiffres; quelle science nouvelle vatil recueillir dans l'atelier, ou l'état de charretier ? Précisément ce sera l'inverse de tout ce que l'on promet en haut lieu où trop souvent, hélas! Les beaux discours remplacent les actes. Et vous voudriez avoir des hommes, là où vous avez semé l'indifférence. Pour relever les consciences, leur indiquer la route vraie où ne sombre jamais le principe qui fait les mondes comme les nations, il faut une base solide, un point de repère où l'intelligence égarée puisse revenir avec entière confiance.
Enseignez donc à tous les hommes les lois généreuses que Dieu jette à profusion partout où la pensée peut les prendre pour les analyser, tous ces effets différents remontant vers la même cause, vous aurez donné à l'élève la preuve indéniable qu'un principe seul régit toutes les forces de la nature, et que rien ne se perd ou se détruit dans l'univers, l'atome restant indéfiniment le même malgré les mélanges innombrables auxquels il a dû participer, de cette connaissance résultera pour l'étudiant la certitude d'un être prévoyant, puissant à l'infini, judicieux et sage à l'extrême; l'homme, animal perfectionné, méritera toute son attention, il avouera que l'instrument est admirablement organisé pour raisonner avec harmonie, il voudra désormais que sa pensée ne soit plus un exécutant maladroit.
Mais entre le corps, l'exécutant et le principe qui régit les sphères, il y a un lien mystérieux, une affinité toute puissante acceptée par la science, une solidarité intime unissant toute chose. Ce lien, cette affinité, qui l'expliquera, sinon les principes posés par Allan Kardec? Les ouvrages du maître nous donnent la clef de cet espace mystérieux, le sens de l'union fluidique de tous les êtres, chaîne immense commencée à l'atome et se terminant à l'homme pour notre terre, pour continuer indéfiniment au delà du milieu ambiant où nous subissons nos épreuves.
Telle est la loi primordiale, de son étude seule peut sortir la régénération de l'humanité, l'homme se connaissant luimême après avoir étudié sa savante et merveilleuse organisation, possédera la connaissance de ses devoirs envers luimême; il découvrira ce qu'il doit à ses semblables, à ses associés dans la vie : connaissant le but et appréciant les forces intelligentes mises entre ses mains, il ne les emploiera qu'avec un discernement éclairé, sachant fort bien que ces armes toutespuissantes pour le bien, se retournent contre celui qui en fait un mauvais emploi.
Voilà le frein sérieux présenté à nos passions désordonnées. Le Spiritisme seul pouvait nous ouvrir la vie infinie, équitable, solidaire; cette vie est plus qu'une espérance, elle est une certitude basée sur la science pure, elle engendre tout ce qui aime et se dévoue pour l'accomplissement de la fraternité universelle.
Le Spiritisme ne repose donc pas, comme veulent le faire croire des casuistes ignorants ou malintentionnés, sur des bruits de tables et quelques apports, il demande l'étude patiente, attentive, consciencieuse, scientifique. il est pénible de penser que des adeptes puissent prêter le flanc à des insinuations ennemies, en ne se montrant pas avant tout des hommes très éclairés, capables de défendre leur cause sur des données que la science ne peut récuser.
Terminons cet article par une belle pensée d'Holbach.
« Je suis homme, et les hommes qui m'entourent sont des êtres comme moi. Je suis sensible, et tout me prouve que les autres sont comme moi, susceptibles de sentir le plaisir et la douleur, je cherche l'un et je crains l'autre, donc des êtres semblables à moi éprouvent les mêmes désirs et les mêmes craintes. Je hais ceux qui me font du mal, ou qui mettent des obstacles à mon bonheur; donc je deviens un objet désagréable pour tous ceux dont mes volontés ou mes actions contrarient les souhaits. J'aime ceux qui contribuent à ma propre félicité, j'estime ceux qui me procurent une existence agréable, je suis prêt à tout faire pour eux; donc, pour être chéri, estimé, considéré par des êtres qui me ressemblent, je dois contribuer à leur bienêtre, à leur utilité. »
P. G. Leymarie

 

Variétés

Un sermon dans le progrès Il y a deux dieux
Ce n'est certes pas là une idée nouvelle, et nos lecteurs convaincus le savent aussi bien que nous-mêmes. Il y a le Dieu des armées, le Dieu cruel et vindicatif du passé, le Dieu qu'on offense et qui venge ses offenses sur l'humanité, le Dieu enfin que les hommes ont créé à leur image, en l'affublant de tous leurs vices, de toutes leurs faiblesses et de toutes leurs vanités. A ce Dieulà nous ne croyons pas, et nous pensons faire oeuvre pie en essayant pour notre faible part d'arracher l'espèce humaine à son empire pour lui faire adorer notre Dieu à nous, le Dieu des coeurs élevés et des esprits éclairés, le Dieu du juste, du beau et du vrai, le Dieu de la miséricorde, de la fraternité et de la solidarité universelles.
Dans la lutte entre le passé et l'avenir, entre le Dieu fait à l'image des passions terrestres et le Dieu idéal auquel nous aspirons par tout notre être, notre choix n'était pas douteux, mais nous ne nous attendions certes pas aux alliés que le bon sens et l'horreur de la destruction devaient nous créer dans un camp dont certes la bienveillance est loin de nous être acquise.
Aussi avonsnous été aussi émus que surpris en lisant dans le Phare du 16 avril dernier, la publication in extenso d'un sermon prononcé par un brave curé de campagne sur cette délicate question. Auraitil l'approbation de ses supérieurs, s'il venait à leur connaissance qu'il se soit permis de parler avec son coeur plutôt qu'avec les dogmes? Nous sommes vivement portés à en douter, aussi pour lui éviter les persécutions que pourraient lui causer et sa hardiesse généreuse et notre compromettante sympathie, plus discret encore que le correspondant du Phare, à qui nous devons ce récit, nous garderonsnous de faire connaître et son nom, et le village où il réside. Il nous suffit de lui témoigner ici toute notre admiration pour son dévouement à éclairer ses concitoyens, et de le signaler à la bienveillante attention de nos lecteurs, comme un de ces alliés qui, sans s'abriter sous notre drapeau, contribuent de concert avec nous à la régénération et à l'émancipation de l'humanité.
Bien longtemps le curé de … avait cru à l'existence d'un seul Dieu, d'un seul Être suprême, mystérieux et immuable qui crée, dirige et gouverne toutes choses connues et inconnues.
Il s'était trompé, et les derniers événements accomplis depuis l'envahissement de notre territoire le lui firent bien voir.
Il dut reconnaître qu'il existait deux Dieux, et ce fut la naïve question d'un enfant qui le convainquit de cette vérité.
Écoutezle plutôt, racontant sa découverte à ses paroissiens :
A ma dernière instruction chrétienne, ditil, je prenais pour texte le cinquième commandement de Dieu : Homicide ne seras. Un enfant, impatient de savoir, me demanda :
homicide, qu'estce que c'est, monsieur le curé?
Un meurtrier, mon enfant, un homme qui en tue un autre.
Ils vont en enfer, ceuxlà, monsieur le curé ?
Oui, le bon Dieu damne ceux qui tuent.
Alors, pourquoi maman ditelle comme ça : les Prussiens, ils n'iront pas en enfer parce que petit bon Dieu il bénit leurs fusils ?...
0 redoutable naïveté de l'enfance ! Ma réponse devait m'effrayer. Pourtant, je la fis :
Mon enfant, c'est parce qu'il y à deux Dieux : un qui détruit et un qui crée.
Et en lequel fautil croire, monsieur le curé ?
En celui qui crée.
Je vous le dis en vérité, mes chers paroissiens, ce que j'ai annoncé à l'innocent enfant m'a soulagé. Oui, il y a deux Dieux. L'un ennemi de l'autre. Or, il est écrit qu'on ne peut servir deux maîtres à la fois. Voici celui qui se complaît dans la colère, dans la haine, dans le sang, dans la destruction, c'est le Dieu de la mort. Voici celui qui préside à la paix, à la fraternité, à l'entente universelle, celuici c'est le Dieu de la vie. Choisissez le vôtre.
Si vous aimez les larmes et le deuil, la ruine et la misère, embrassez la religion du Dieu des massacres, faitesvous soldat et tuez, tuez, tuez, tuez. Votre souverain, l'élu du Dieu de la Mort, sera content de vous...
Si vous aimez le bonheur et la joie du foyer, la prospérité et la paix, reniez le Dieu de la Mort et proclamez la religion de l'Autre, brisez votre carabine, cassez vos sabres et anéantissez vos canons... le monde changera de face.
Mères de famille, c'est à vous que je m'adresse ! Quand après vingt ans de soins, de dévouement, de tendresse, d'alarmes, de nuits d'insomnie, de veilles douloureuses; quand après vingt ans de sacrifices et on ne sait avec quelles anxiétés de mère, vous avez réussi à nourrir, élever, instruire, voir grandir un enfant adoré; quand enfin l'heure bénie va sonner où l'adolescent va devenir un homme et vous rendre toute fière, tout orgueilleuse de votre fils; quand vous en êtes là, ô mère, et que tout à coup un autre, un inconnu, surgit devant vous qui vous dit : donnele ici, que je le fasse tuer pour mon compte..., quel est le coup de foudre qui puisse égaler celuilà ?
Jeunes fiancées, c'est à vous que je m'adresse ! Quand l'amour a parlé, quand l'homme qui résume votre bonheur sur terre et n'attend plus que le jour de demain pour unir votre destinée à la sienne et que tout à coup quelqu'un se dresse entre vous et lui, et vous crie : je te le prends, j'en ai besoin, faisen ton dieu. Ô fiancée, quel désespoir peut égaler le vôtre !
Femmes, vous toutes, qui que vous soyez, c'est à vous que je m'adresse! La guerre vous arrache vos enfants, vos époux, vos frères, vos amis, vos soutiens. En vous les tuant, la guerre vous tue aussi. Les hommes sont aveugles, ô pauvres femmes! Il y a des malheureux qui les grisent avec ces mots de gloire, d'honneur, de renommée et autres blasphèmes. .. Les hommes y croient et courent au feu... peu en reviennent. Mais vous, femmes, vous qui restez, vous pouvez mesurer toute l'étendue du malheur et du deuil qui vous couvrent.
Allez, ne pleurez plus, agissez. On ne peut pas ainsi continuellement s'entretuer sans se demander à la fin du compte à quoi cela aboutit... Et moi qui connais l'histoire de l'humanité depuis qu'elle est sortie du limon de la terre, si vous me demandiez quels sont les résultats heureux de toutes les guerres d'ambition nationale qui se sont produites depuis que le monde est monde, je devrais vous répondre : néant !
Ô mes paroissiens ! Ô mes amis ! Ô mes frères ! N’adorez pas le Dieu qui bénit les armes homicides, maudissezle, car le bonheur n'est pas en lui. Maudissezle, vouezle à la haine universelle, Lui, ses sectaires et ses grands vassaux oints ou pas oints, et leur puissance tombera!... Le monde renaîtra sous l'action vivifiante de la paix et, à dixhuit siècles de distance, vous serez enfin convaincus que dans ce seul précepte : Aimezvous les uns les autres, réside le bonheur de l'humanité tout entière. Au nom du Père, du Fils et du SaintEsprit. Ainsi soitil.

Remarque : Que l'exemple du curé de ... soit suivi, que de la chaire du prêtre et du philosophe, que de la plume du littérateur tombent ainsi des paroles de paix et de vérité, et bientôt, faute d'éléments, la guerre aura disparu de la surface du globe et avec elle l'anarchie et les révolutions sanglantes. Puissent ses voeux qui sont les nôtres, se réaliser prochainement pour le plus grand bonheur de l'humanité.

Les hommes doubles
Nous recevons de M. le docteur X... le récit des faits suivants
Je viens de lire dans la Revue spirite un aperçu sur les hommes doubles, cet article m'a remis en mémoire un fait qui peut s'y rapporter.
En 1861, j'étais en station à TerreNeuve, un de mes amis, chirurgien d'un autre navire, M. L. P., actuellement médecin dans la banlieue parisienne, tomba malade d'une fièvre typhoïde, je le soignai pendant sa maladie, arrivé à la période décroissante du mal, il croyait, fait étrange, être un homme double. Chaque fois qu'on me laisse seul, me disaitil, je crois voir un autre moimême couché à mes côtés. Cela dura cinq jours.
Étaitce une hallucination causée par la fièvre?... A cette époque je l'avais jugé ainsi, je ne me permettrais pas d'avoir la même opinion aujourd'hui.
Remarque : Ce fait vient corroborer les neuf exemples cités dans les oeuvres posthumes d'Allan Kardec (Revue spirite, juin 1871) prouvant que l'Esprit s'isolant d'un corps vivant, peut, avec l'aide de son enveloppe fluidique périspritale, apparaître dans un autre endroit que celui oùse trouve le corps matériel.
Chaque jour apporte une pierre à l'édifice spirite, à l'explication des phénomènes indiquant les rapports du monde invisible avec le monde visible, comme aussi la loi de ces rapports,le ridicule, relégué à l'arrièreplan, s'empare des contes erronés et sans consistance, qui ne supportent pas l'analyse sérieuse; il est donc essentiel que nos nombreux correspondants nous envoient sans cesse cette multitude de faits, coïncidences affirmant d'autant mieux un phénomène aident à l'éclairer.
La discussion est la meilleure des épreuves,nous applaudirons sans cesse à tout effort venant converger vers le même but, c'estàdire, celui qui peut apprendre aux indifférents que les lois spirites supportent la contradiction; ne veulentelles pas, avant tout, être l'expression entière de la raison et de la vérité ?

Vision et apparition au moment de la mort
M. le docteur X... nous adresse en même temps les deux autres manifestations que voici :
Il y a quelques mois, je soignais un jeune enfant de l'âge de trois ans, malade de fièvre typhoïde, cette maladie se termina fatalement.
Jusqu'au jour de sa mort, cet enfant conserva toujours sa pleine connaissance, néanmoins, sa mère le croyait mieux portant, et, quelques heures avant le dernier soupir, se mettant sur son séant, sans aide, il l'appela, lui désignant joyeusement, avec la main, la porte ouverte donnant sur le palier, en s'écriant : « Maman, maman, Ise, ise. » Il appelait de ce nom une petite fille nommée Louise, qui jouait autrefois avec lui, morte depuis un an à peu près.
Aussitôt, il se laissa retomber sur son lit en perdant connaissance, il rendait le dernier soupir une heure et demie ou deux heures après cette vision.
Deuxième manifestation :
Il y a six mois environ, une dame Me... de Brest, attendait son fils, marin dont elle venait d'apprendre l'arrivée du navire à Cherbourg.
Cette dame entend, au milieu de la nuit, monter l'escalier qui conduit à sa chambre, croyant reconnaître le pas de son fils, elle s'étonne qu'il ne lui ait, selon son habitude, annoncé son retour par une lettre. Voici le récit tel qu'il me fut raconté par cette dame :
J'entendis les pas s'arrêter à ma porte, puis... plus rien!... Je crus m'être trompée... A peine étaisje sur mon oreiller, que les mêmes pas se firent en tendre sur les marches et s'arrêtèrent à ma porte qui s'ouvrit pour me laisser voir mon fils, il entre : j'étais d'autant plus certaine de le reconnaître, qu'un bec de gaz, placé en face de ma fenêtre, éclairait assez l'appartement. C'était donc bien lui, pourtant, il me fut impossible de parler ni d'allumer la bougie, mon fils s'approcha de mon lit, je n'ai pu comprendre ce qu'il me disait, ou bien le souvenir de ses paroles me faitil défaut, ce que je sais, c'est que, ne pouvant faire un mouvement et comme dans un rêve, je vis enfin mon fils se diriger vers la porte de sa chambre et entrer chez lui, je l'entendis se déshabiller avec son bruit ordinaire, jeter ses souliers sur le plancher, et même, résonner les boutons de cuivre de sa veste sur le dossier de la chaise.
Ensuite, le lit craquait en gémissant sous un poids, c'était l'effet produit par une personne qui se couche.
Enfin, je pus sortir de mon lit, je croyais réellement mon fils malade, la manière tout étrange de son arrivée, sans m'avoir embrassée, m'engageait à aller dans sa chambre; mon étonnement fut bien grand, le lit était non seulement intact, mais il n'y avait personne. La peur m'empêcha de me recoucher, car j'avais en même temps un pressentiment bien naturel, il devait être arrivé malheur à mon fils.
Trois jours après, une lettre m'apprenait sa mort : il était décédé à l'hôpital de Cherbourg le soir même de son apparition.

Remarque : Nous remercions M. le docteur X. des manifestations qu'il a bien voulu nous adresser; pour nous, elles sont la preuve sans cesse renouvelée de l'existence des Esprits, comme aussi, de l'exemple du désincarné se transportant instantanément aux lieux où les êtres chéris et préférés l'attendent. On a beau répondre : c'est une hallucination, ou bien un rêve, un mirage trompeur, ce que nous savons bien, c'est que ces exemples d'êtres dématérialisés se renouvellent partout et toujours, en imitant parfaitement, au moyen de l'agent périsprital les gestes, la physionomie, le son de la voix. Les négateurs ont beau faire la sourde oreille, les faits sont là non seulement dans toute leur réalité, mais aussi avec leur incontestable brutalité ; peu importent les négations, fuir un fait n'est pas répondre, puisqu'il s'impose, donc mieux vaut l'étudier sous toutes ses phases en constatant le phénomène. La science est ainsi faite; c'est que, étant assise, étayée d'après certaines données, elle refuse toute immixtion étrangère dans son cénacle, aussi la voyonsnous piteusement accepter quelquefois ce que l'opinion publique lui impose comme vérité vieille et incontestable.
C'est douloureux à constater, l'Église, conservatrice des préjugés, est reléguée par les esprits éminents et les penseurs, aux temps gothiques où la foi excluait la raison et le pourquoi; nos académies, qui prétendent s'appuyer sur la science, sont routinières au possible, c'est un fait, pleines aussi de préjugés, veulentelles attendre que notre époque les condamne irrévocablement?...
Heureusement une génération de penseurs se lève, et les derniers événements, cette lugubre condamnation de l'immobilité et du préjugé, les forceront bien d'éclairer leur lanterne.

Autre preuve de l'existence des Esprits donnée par une jeune enfant
Nous extrayons du Banner of Light, du 17 avril 1871, le récit suivant :
Ma jeune soeur (demeurant à East Bridge water, Massachussets) a une petite fille âgée de trois ans, nommée Eva. Ma soeur aînée a perdu, il y a un an environ, une petite fille âgée de cinq ans, nommée Etta.
Peu de temps après la mort de cette dernière, et pendant la nuit, alors que tout était tranquille, Eva s'écria tout à coup : « Regarde, maman! Qu'estce donc cela? Mais regarde!
Je ne vois rien, répondit la mère.
Regarde làhaut, ditelle en montrant le plafond avec son doigt,oh! Maman, regarde... Etta!
Etta! Que veuxtu dire? De quelle Etta parlestu? demanda la mère.
C'est Etta à ma tante Emilie, répondit l'enfant, je vois aussi les anges.
Comment estelle Etta?
Oh! bien belle, ditelle, et les anges sont tout blancs! Oh! Regarde, maman,  des fleurs, là, sur le lit », ditelle puis elle tressaillit et dit : « Maman, Etta est partie ». puis elle se rendormit.
Un an s'écoula, Eva parlait bien de temps en temps d'Etta, jamais pourtant de manière à laisser supposer qu'elle la voyait. Cependant, il y a quelques jours, étant à jouer dans la chambre à coucher, elle se mit à parler, comme si elle était en compagnie d'autres enfants, qui partageaient ses rieuses occupations.
Tout à coup, elle appela sa mère, elle accourut de la chambre voisine, pour venir voir Etta, qui, disait l'enfant, était venue jouer avec elle, en se faisant accompagner par une autre petite fille, dont elle ne savait pas le nom, elle ajouta qu'elles s'amusaient beaucoup. « Où sontelles donc? Lui dit sa mère, car je ne vois personne que toi. Mais là, maman, à côté de moi, ne les voyez vous pas? » La mère ne voyait rien, tandis que l'enfant insistait en répétant qu'Etta était près d'elle, et que même elle avait apporté de petites boucles rouges, qu'elle (Eva) ne pouvait saisir, elle ajouta que Etta à leur prochaine visite promettait de faire dire le nom de sa petite amie. Quelques instants après, Eva s'étant levée, se dirigea vers la porte de la cuisine, en parlant à ses compagnes invisibles, qu'elle semblait tenir par la main. Arrivée à quelques pas du seuil, elle dit à sa mère : « Là, Etta est partie ».
Depuis, Eva a souvent parlé de cette visite d'Etta, avec la conviction de la voir bientôt, pour jouer ensemble.
Ce qu'il y a de plus frappant, c'est que Eva questionnée sur le costume de son amie, répondait : « Mais elle a une robe brune. » Ma soeur s'est alors rappelée que, peu de temps avant sa mort, Etta, vêtue d'une robe brune, faite par sa mère, avait assisté aux funérailles d'une compagne de jeux; et que étant morte peu de temps après, elle fut enterrés avec la même robe brune, mise ainsi pour la deuxième fois. Eva ne pouvait avoir connaissance de ce fait, car jamais il n'en avait été question devant elle. Tous commentaires deviennent donc inutiles.
Signé : J. Madisson Allen
Quincy, Massachussets, 6 mars 1871.

Cette manifestation vient ajouter un exemple frappant, au fait d'apparition relaté plus haut, comme une infinité d'autres, dont sont remplies nos correspondances, elle affirme une vérité, que nient tous les ignorants des lois qui régissent le monde invisible. La Revue pourrait être constamment remplie de la relation de ces faits de médiumnité, voyante, mais son format exige que nous ne nous étendions pas trop longuement, sur un seul phénomène, afin de laisser une place plus large à nos correspondants.

 

Correspondance

 

La femme spirite
Nous recevons la lettre suivante :
M…, le 26 juin 1871
Messieurs,
C'est avec un bien vif sentiment de plaisir et de reconnaissance, que nous avons reçu l'envoi de notre chère Revue. Pour nous, c'était la colombe apportant le rameau d'olivier, c'était le retour de l'ami longtemps attendu et que l'on craignait de ne plus revoir.
Merci donc, mille fois merci de votre bon souvenir. Hélas! Si vous saviez comme souvent, nous avons regretté cette absence complète de toutes bonnes paroles d'espoir et de consolation, combien nous nous sentions défaillir sous les coups répétés de l'immense désastre qui a tout envahi.
Le Journal de Lyon cessait de paraître en même temps que votre Revue, les ténèbres se faisaient donc plus épaisses autour de nous, le foyer d'où nous recevions la lumière s'était éteint, il nous fallait continuer notre route sans guide et sans soutien.
Dieu pourtant, dans son infinie bonté, ne nous a pas tout à fait abandonnés. Hélas! Que serionsnous devenus sans notre bienaimée croyance, elle nous a aidé à surmonter toutes nos douleurs, toutes nos tristesses, toutes nos angoisses.
Le coeur navré mais l'âme sereine, nous avons assisté à l'affreuse catastrophe de notre France chérie, nous comprenions que de cet immense cataclysme, devait sortir une ère nouvelle et régénératrice. Mais, mon Dieu, quels monceaux de mort s! Pauvre France ! Pauvre peuple le châtiment estil assez sévère ? La leçon te serviratelle ? Oui,  je l'espère, mais il y a bien à faire encore pour cela, le mal était trop invétéré pour laisser voir une grande et prochaine amélioration.
Ah! la vraie cause du mal, c'est qu'aujourd'hui la foi et la morale sont lettres mortes, pour régénérer la France, il faut non seulement guérir les causes physiques, mais surtout améliorer, tout ce qui touche à notre moralité. La main de la femme peut vaillamment aider à guérir nos plaies si profondes et si douloureuses. Allons, Mesdames, mes soeurs en croyance, à l'oeuvre pour tout de bon cette fois, c'est à nous qu'incombe la grande et noble tâche de sauver notre patrie, c'est de nos mains que la France régénérée, assainie, refaite, doit reprendre sa mission glorieuse à la tête des nations.
Le vieux proverbe « Ce que femme veut, Dieu le veut » doit se réaliser, prenons donc notre courage tout entier, afin de continuer l'oeuvre d'admirable charité dont nous donnons la preuve évidente depuis un an, les blessures de quelque part qu'elles viennent nous sont familières, celles de l'ordre physique ont été pansées et guéries, il nous reste celles de l'ordre moral, si profondes, celleslà, nous devons doucement et avec sang froid les calmer, nous devons couper, extirper, pour cicatriser, chasser la gangrène, est l'oeuvre des mères, des épouses, des filles, des soeurs et des fiancées, ce sont toutes ces bienveillantes charités qui doivent répondre à notre prière, ne sontelles pas l'âme de la patrie, le coeur de la France ?
Cette mission noble et belle sera comprise, puisque pour relever l'honneur du pays, il nous faut des hommes forts et surtout des croyants, les corps seront fortifiés par une sage hygiène, tandis que notre exemple, nos conseils éclairés, doivent grandir les âmes en les habituant au sacrifice, cette empreinte divine du devoir.
Allons, mes soeurs, en avant, à nous la lutte, nous triompherons si notre volonté est sincère. Désormais, arrière le luxe et les plaisirs frivoles, n'avonsnous pas aussi été coupables?... Dieu nous a donné pour réparer le mal la plus belle et la plus douce des missions : faire le bien, nous dévouer, être l'abnégation entière, aimer, soulager, consoler, voilà notre devise, cette mission l'avonsnous remplie?... Non!...
Une éducation menteuse et malheureuse nous a dit : amusezvous, parezvous, pour nous incliner devant la mode, cette souveraine du jour, nous nous sommes élancées dans le tourbillon de frivoles plaisirs, entraînées par les perfides conseils et les énervantes instructions reçues tous les jours, inoculation lente propre à former des coeurs sans volonté et sans but.
Ces causes multiples nous ont conduits à l'abîme, au déshonneur, à la honte!... Pauvres femmes, nous pleurons aujourd'hui les êtres aimés, disparus dans la tourmente!... Nous devons, nous, les indifférentes et les prodigues, oublier la futilité qui abaisse, pour nous mettre à l'oeuvre, car la France, notre mère, ne peut attendre, nous seules pouvons la sauver et la grandir, quelle que soit la difficulté de la tâche à accomplir.
Instruisonsnous, que rien ne nous soit étranger, l'histoire, la science, la médecine, la physiologie, l'astronomie, les lois aussi bien civiles que psychologiques, ne doivent pas nous être inconnues; on ne peut bien guérir le mal qu'en appréciant le remède avec certitude. Non seulement nous aurons augmenté notre savoir, mais nous aurons aussi le droit d'être le professeur de nos filles, en participant aux travaux de nos fils, nous serons le conseiller judicieux, les mots humanité et patrie grandiront en passant par le timbre persuasif de notre voix, nos époux retrouveront, au sein de nos familles, ces conversations sérieuses qu'ils vont chercher loin d'elles dans un milieu bruyant, ils resteront près de la mère heureuse d'avoir conquis celui qui échappait à l'unité de la famille.
L'unité de la famille, l'exemple permanent et salutaire, c'est la fille et le fils s'imprégnant de bonnes influences, c'est la France régénérée par un sang hématosé, venant de chaque partie de ce grand corps, glorieusement remplir les maîtresses veines, pour reprendre aux poumons assainis l'air pur; cet air, essence de toute liberté, cet air qui rougira le sang des artères nationales de chaudes et fortes effluves.
Rester courageuses et fières en remplissant sa mission, c'est être respectées en devenant respectables. Saluons cette aurore nouvelle chères soeurs, notre devise de charité, d'amour, d'abnégation, de dévouement, sera notre récompense future par le bonheur répandu autour de nous, ce sera le triomphe de notre volonté, se rassérénant sans cesse par l'amour de Dieu et de l'humanité, amour qui comprend tous les autres.
Notre pensée doit se résumer dans une communauté d'action, obéissant à cette devise toute divine : L'union fait la force. Puisse mon appel être entendu, messieurs, et nos soeurs vous envoyer leurs réflexions à ce sujet.
E. M.

Remarque : On ne saurait mieux plaider une meilleure cause, nous remercions notre aimable correspondant pour le chaleureux appel adressé à nos soeurs spirites, nous ne saurions trop les engager à nous donner leur avis, afin de concerter nos efforts communs.
Nous sommes fiers de prouver à nos détracteurs que le Spiritisme n'est pas la chose enfantine dont ils émaillent leurs lazzis quotidiens; nos femmes comprennent d'autant mieux leur devoir, qu'elles ont la certitude du but à atteindre notre doctrine fortifie tous les nobles sentiments, elle les élève jusqu'au sacrifice, et le devoir devient une douce chose, pour qui sait la valeur des actions et leur influence sur le résultat d'une existence.
Nous nous empresserons de répondre à toute lettre ayant pour but le sujet tout brûlant d'actualité que Me E. M... a bien voulu traiter.

Le zouave Jacob
Nous recevons de Saint-Étienne la lettre suivante :
Je vous adresse, sous ce pli, une note découpée dans un journal de cette ville, concernant le zouave Jacob. C'est sans doute une calomnie! Je pense que la Revue spirite jugera à propos d'éclaircir ce fait. »
Agréez, etc.
J. C .
Le 24 juillet 1871
D'Alger nous arrivent aussi les réflexions que voici :
J'ai vu M. F..., il est impressionné par un article qui a paru dans le Figaro du 7 juillet. Le journaliste dit, dans une histoire arrangée avec son style de circonstance, que le jongleur Jacob, guérisseur de toutes les maladies, a été arrêté et reconnu pour un espion prussien et fusillé sur place.
Nous voudrions bien savoir si dans cette narration il y a l'ombre de vérité, nous devons nous trouver en face d'une grosse calomnie.
Agréez, etc.   
C.
Le 20 juillet 1871
De Spa, 7 juillet 1871.
Messieurs,
Ce matin dans le Figaro :
Vous n'avez pas oublié le zouave Jacob, le fameux guérisseur qui a occupé les badauds de Paris, dans un temps bien heureux où les badauds étaient moins dangereux qu'aujourd'hui. Eh bien! Savezvous ce qu'est devenu ce charlatan? Il faisait partie du 20e corps dans l'armée de la Loire, et il a été fusillé le 28 novembre, comme traître et espion. Depuis trois mois, ce misérable allait chaque jour rendre compte aux Prussiens de la situation de l'armée française.
(Figaro du 7 juillet.)

Remarque : Une nombreuse correspondance nous arrive de tous côtés, pour nous demander des renseignements sur le zouave Jacob, tous les journaux hostiles au Spiritisme comme aux spirites ayant reproduit l'article malheureux cité plus haut.
Ce que nous savons bien, c'est que le zouave Jacob était à Londres fin juillet 1870, nous avons, depuis cette époque, vu des lettres de lui, lettres où il racontait les réceptions fraternelles que lui faisaient les sociétés spirites, si nombreuses dans la cité londonnienne. Comme à Paris, il recevait chaque jour beaucoup de malades, et opérait très souvent, les guérisons fluidiques qui appartiennent à sa faculté médianimique.
M. Jacob est de retour à Paris depuis quelques jours seulement, il a, rue du Faubourg du Temple, 25, une salle où quotidiennement il reçoit gratuitement les malades, à trois heures de l'aprèsmidi.
L'article du Figaro l'a fait sourire, comme spirites, nous espérons qu'il n'ira pas demander à cet élégant et correct journal ce que signifie sa prose à effet, les journaux qui nous chérissent auront donc encore frappé un grand coup d'épée dans l'eau.
Que dire des écrivains s'escrimant sur la réputation des gens quand ils sont morts? (Puisque les morts ne parlent pas, diton) mais, dans le cas dont il s'agit ici, ce bienveillant journal nous donne la mesure que, dans une certaine presse, peuvent atteindre les évocateurs malencontreux des gens bien portants.
Ces lignes étaient à peine écrites, que nous recevions d'un de nos abonnés, l'impartial de l'Est, contenant le récit suivant :
« On n'a pas oublié le zouave Jacob, le fameux guérisseur qui a tant occupé les badauds de Paris. Eh bien! Saiton ce qu'est devenu ce charlatan? Il faisait partie du 20e corps dans l'armée de la Loire, et il a été fusillé le 28 novembre, comme traître et espion. Depuis..., etc., etc. » Et en terminant : « Triste fin pour un thaumaturge! »
Le Petit Journal du 25 juillet et le Petit Moniteur universel du 26 reproduisent le racontar de l'Impartial de l'Est.
Estce un mot d'ordre confraternel dans les journaux dont on connaît l'allure?... Pendant ce temps le zouave Jacob, un vieux soldat qui a vingt ans de service, ne répond pas à de pareils procédés! Il continue tranquillement ses séances. Pour lui, sans doute, la calomnie doit se retourner contre les calomniateurs.

Le médium guérisseur de Sans
Sous ce titre, on nous adresse de Barcelone la relation suivante que nous nous empressons de mettre sous les yeux de nos lecteurs.
Chers frères,
C'est avec douleur et satisfaction en même temps, que nous portons à votre connaissance un fait qui intéresse nos croyances.
Un de nos frères, résidant à Sans, village voisin de Barcelone, se croyant doué de la faculté médianimique guérissante, se mit à l'exercer.
Au début, son humble demeure suffisait à contenir les malades qui venaient réclamer son aide, mais leur nombre devint bientôt tellement grand, qu'il fut obligé de donner ses séances dans un champ contigu à son habitation, là, les malades accouraient par milliers.
Atil réussi à guérir? Nous ne pouvons l'assurer, puisque nous prenons actuellement des renseignements dont nous ferons connaître ultérieurement les résultats.
La population affirme, non pas une guérison, mais un grand nombre de guérisons, cela est naturel dans la masse qui grossit volontiers un fait. Les spirites, hommes calmes et réfléchis, ne peuvent écouter cette affirmation sans que sa réalité et sa valeur ne soient bien sérieusement démontrées.
Pourtant, ce qui est certain, c'est que, par suite de ces événements, notre frère, sur l'ordre de la première autorité civile de Barcelone, vient d'être arrêté, interné dans une prison, où il est mis au secret par décision des tribunaux. Quant au délit, personne ne le connaît ou n'a pu le définir.
A Barcelone, on est fortement ému de cette affaire, les uns affirment la réalité des guérisons, les autres la nient, pourtant, personne ne cherche à faire une enquête sérieuse. La presse, au lieu de s'intéresser à une inégalité frappante, débite gratuitement ses insultes et ses calomnies, il est pénible de voir des écrivains intelligents, prêts à défendre leurs libertés, ne pas protester pour la liberté de penser, et tromper grossièrement les lecteurs sur les intentions d'un citoyen arraché à sa famille, à son foyer, pour le faire vivre dans une prison remplie de criminels de tous ordres.
Pourtant, ce malheureux homme est un très grand criminel, puisqu'il se permet d'aimer profondément ses semblables, sa foi en Dieu et dans l'avenir de l'humanité, annoncé par le Messie JésusChrist, mérite bien le contact des scélérats, et sans doute la réprobation des honnêtes gens.
Nous soumettons ce fait à votre appréciation, afin que vous puissiez le discuter. Pensezvous que le publier soit chose utile? ...

Remarque : Une persécution ne peut empêcher un médium de posséder la faculté guérissante, les autorités espagnoles, en faisant incarcérer un homme qui n'a qu'un but, celui de soulager ses semblables, marche réellement contre l'effet qu'elles veulent obtenir.
Les spirites, tout en regrettant l'internement d'un frère, doivent remercier ces autorités pour le bien qu'elles font à la doctrine, ils répandent l'idée, ces messieurs, et en frappant sur l'un des nôtres, en ne s'appuyant pas sur la loi, qui doit pour tous être également appliquée, ils réveillent simplement l'opinion publique, ceux qui ont des notions injustes à notre sujet voudront connaître cette croyance, cette puissance sérieuse, qui s'affirme en tous lieux par les mêmes effets nous révélant une seule et même cause.
De l'étude attentive des phénomènes, de la loi si simple qui en est le moteur, des conséquences scientifiques, philosophiques, sociales et morales qui en ressortent, découle pour tout esprit sérieux, qu'il n'y a plus ici un jeu d'optique, mais une vérité primordiale, une loi sérieuse dont l'application doit faire réfléchir les hommes sincères, tous ceux qui demandent le bien général avant l'égoïste satisfaction du chacun pour soi.
Si notre correspondant de Barcelone confirme la réalité des guérisons obtenues par le médium enlevé de vive force, nous pourrons revenir sur ce sujet avec plus de développements, nous défendrons alors, au nom de la science spirite, le droit pour tout médium guérisseur d'exercer librement et gratuitement sa mission, en attendant que notre législation puisse consacrer, en connaissance de cause, le devoir pour tous de respecter l'homme de dévouement qui voudra consacrer son temps et sa santé au soulagement de ses semblables.

Ligue de l'enseignement
M. Vauchez, secrétaire de la ligue de l'enseignement, nous envoie une petite note adressée aux journaux, nous avons cru devoir l'insérer dans notre Revue.
Le Cercle parisien de la ligue de l'enseignement a repris ses travaux. On peut dès à présent s'adresser au Secrétaire général, M. Emmanuel Vauchez, de midi à trois heures, au siège de la Société, 175, rue Sainthonoré.
M. Vauchez reçoit les communications, dons de livres, souscriptions, cotisations, demandes de concours, en un mot tout ce qui a rapport à l'oeuvre d'apaisement que le cercle a entreprise.
Éclairer, moraliser, rapprocher les hommes, rétablir entre toutes les classes par un actif dévouement, les liens qu'on a brisés, telle est la tâche utile imposée aux amis sincères de l'instruction généralisée avec intelligence. Il n'est donc pas besoin de longs discours pour en faire sentir l'utilité, les calamités se sont avec une suffisante éloquence assez abattues sur nous.
Nous faisons donc un pressant appel à tous ceux qui ont dans le coeur la passion de la patrie, l'amour du prochain et le sentiment du devoir.
Celui qui s'abstient aujourd'hui en se désintéressant de ces questions vitales prouve son infériorité morale, la société devant être secondée par l'élan généreux de tous ses enfants, le manque d'initiative devient un crime que tôt ou tard on devra cruellement expier.

Remarque : M. Vauchez a raison, cent fois raison, spirite convaincu, il apprécie à leur juste valeur nos droits et nos devoirs, et en se dévouant à l'oeuvre entreprise par Jean Macé, oeuvre à laquelle participent presque tous les spirites, notre frère accomplit un bon travail, un saint travail.
Ce n'est pas en vain que la guerre, sous toutes ses formes, aura déchiré la France, rien ne nous a manqué moralement et physiquement, le fer, le feu, le projectile perfectionné, la haine ardente et farouche secondée par l'ignorance, nous ont fait une longue et minutieuse visite. Nos âmes éplorées se sont demandées pourquoi tant d'abaissement, pourquoi ce déchirement de la commune patrie; et, ceux qui jadis condamnaient en riant gauloisement la guerre faite à l'ignorance, ont avoué enfin, mais avoué sournoisement, que l'éducation des masses avait été propre à former des sauvages.
C'est un aveu que nous devons constater pour notre punition et notre honte, puisque nous sommes tous solidaires, peu importe ce qu'individuellement nous avons tous pu faire pour le bien commun, l'humanité est ellemême une individualité puissante dont tout l'organisme est en constante corrélation, on ne peut impunément négliger la jambe ou le bras ; là ou le mal existe, le corps est malade, l'inoculation malsaine a bientôt tout gangrené.
Le Spiritisme demande la lumière, ce fier et digne philosophe nommé Allan Kardec en a saturé ses ouvrages, il appelait à lui les humbles, les souffrants, les âmes endolories et énervées, il a éclairé les sombres replis de nos coeurs, il savait, comme un chirurgien merveilleux, sonder la profondeur de nos plaies, tout en nous donnant un glorieux et salutaire remède; le baume est là, plein d'attraits et de consolantes vérités, mais pour bien l'utiliser, ne fautil pas savoir lire et comprendre? Peuton analyser la doctrine, en sentir la grandeur, sans une certaine gymnastique de la pensée que les écoles de villages ne peuvent enseigner ?
Donc, nous devons applaudir à toute oeuvre qui doit relever les masses ignorantes, de leur abaissement moral, et répéter dans tous les groupes que l'appel chaleureux de la ligue de l'enseignement doit être entendu, puisque une simple cotisation annuelle peut aider à constituer des bibliothèques dans tous les villages.
L'instruction est non seulement un droit pour chacun de nous, mais elle est une nécessité indispensable dans une société comme la nôtre, où l'avenir ne peut appartenir qu'au savoir. Il n'est plus permis de croire que le manouvrier ou le paysan doit tout ignorer. A ce sujet, M. Romuald Dejernon s'exprime ainsi dans un livre intitulé Instruction et liberté.
On ne peut prétendre, comme cela se faisait autrefois, qu'on peut être agriculteur sans avoir étudié l'agriculture, il est aujourd'hui avéré que de toutes les professions manuelles, il n'en est pas une qui soit plus attrayante, mais qui exige plus de raisonnement, d'intelligence que celle d'agriculteur; comme aussi il faut qu'on sache, que pour produire avec un bénéfice un kilogramme de pain ou de viande, ou un litre de vin, il faut des connaissances plus étendues que pour exercer certaines professions très recherchées. Le travail rural, comme tout travail, est d'autant plus lucratif, qu'il est fait avec plus d'intelligence, et la preuve de ce principe nous est journellement donnée par le paysan instruit qui s'enrichit où le paysan ignorant se ruine.
L'homme des champs doit comprendre que tout progrès vient de l'idée, et que, pour l’art agricole comme pour tout autre, le travail intellectuel est audessus de l'effort physique, etc.
P.G. Leymarie

Dissertations spirites

Les athées après la mort[1]
La justice divine s'est appesantie sur Paris, cette cité de l'opulence et de la corruption, les causes les voici :
Les effets prendront des dimensions considérables dans notre monde anxieux, jamais autant de désordres n'avaient engendré autant de ruines, jamais le délire n'avait atteint un pareil degré chez un aussi grand nombre d'hommes, jamais aussi, répression n'a été plus sanglante et n'a atteint de semblables proportions.
Les cadavres sont détruits, les Esprits restent, ils n'ont été ni tués ni châtiés, mais libérés de la chair, la liberté leur sera mille fois plus dure que la prison corporelle, ayant accompli librement un décret providentiel, ils sont par conséquent responsables.
Si la justice divine exigeait la catastrophe qui fait verser des larmes aux hommes de coeur, du moins elle ne frappe pas ceux qui restent, elle frappe sur ceux qui s'en vont.
Les convoitises ont semé des ruines morales et matérielles, détruire et posséder ne semblentil pas le code de tous les corrompus? Le dilemme des hommes de la matière était insensé, pervers, ils ont euxmêmes préparé leurs angoisses cruelles et leur douloureux supplice. Vaincre ou mourir fut leur dernier mot, le dernier cri jeté dans la bataille. Vaincre ou mourir! Ah! Malheureux, votre victoire n'eûtelle pas été un crime, un deuil public plus grand comme résultat que les ruines semées par votre défaite, la mort a pu engloutir votre haine et votre individualité, cette mort cherchée, désirée comme un refuge suprême, vous ne l'aurez même pas, car rien ne meurt, l'atome vit, la pensée fait de même.
Vous qui êtes tombés avant, pendant et après le combat, que pensezvous du néant? Vous êtes aujourd'hui face à face avec vousmêmes, vous pouvez comme l'idée biblique vous dire : Caïn, qu'astu fait de ton frère?
Autour de vous tout est noir, ténébreux, c'est le silence absolu où vous pouvez seulement percevoir votre personnalité, ne voir que soi, cette ombre silencieuse et consciente, quel sinistre tableau! Quelle affreuse situation dans cette sombre geôle, où l'inconnu vous donne ce système cellulaire inattendu. Être son propre geôlier, son surveillant incessant, mais c'est un néant redoutable, où seul dans l'espace, on se juge, se condamne et se fait bourreau de soimême!...
On aimait le bruit, voilà le silence, vous adoriez le plaisir facile, vous possédez la tristesse insondable! Vous chérissiez la clarté, vous avez obtenu la nuit, la liberté vous était chère, et voici des fers que personne ne brisera.
Sainte espérance, visite les déshérités, ouvreleur; vérité lumineuse éclaire leur conscience, afin qu'ils puissent bientôt recommencer une épreuve.    
Un Esprit

La patience dans la peine[2]
La patience dans la peine est une grande vertu, c'est le dire de tous les dogmes, les religions le commentent avec une constance qui ne s'est jamais démentie. Dans ma vie apostolique, je disais aux malades de corps et d'esprit : Heureux celui qui sait plier ses impressions et les apaiser avec l'aide de la patience, elle seule donnant la résignation, cette fille du ciel qui nous sourit les yeux pleins de larmes, puis ma voix, mes gestes, indiquaient une force, une conviction ardente à ce sujet, mon profond amour pour mes frères en souffrances, imprimait à mon accent la persuasion patiente et résignée.
Aujourd'hui dans le monde où je suis, je parle autrement, non seulement je recommande la patience, mais je demande aussi la conviction éclairée, l'Esprit peut faiblir devant une certaine somme de douleur, il peut se laisser abattre, tomber dans ces noires obsessions qui sont le germe de tout mal, lorsqu'il ne connaît pas sa nature intime, le but qu'il doit poursuivre, enfin, les conséquences imposées à l'Esprit incarné. Mais si l'on a su ne pas s'arrêter à de simples réflexions en se décidant à lire les ouvrages du maître Allan Kardec, on est surpris de trouver alors en soi cette tendance innée de l'ascension infinie de l'élément spirituel.
Alors notre pensée se transforme, elle demande aux grandes inspirations cette force que les enseignements religieux ne peuvent donner, et que certaines philosophies sans bases et sans but ne sauraient concevoir. La vie de l'erraticité, cette étude incessante des grandes lois de l'univers, domine nos instincts grossiers, puisque nos douleurs ont une cause, ne doiventelles pas nous exciter à juger consciencieusement le résultat vers lequel nous sommes paternellement entraînés : la vie, pour l'homme habitué à penser, n'est plus alors que la résultante d'une suite successive d'existences, elle devient la chaîne mystérieuse reliant avec une harmonieuse connexion, les travaux successifs des existences accumulées d'un être pensant, non seulement elle les relie à la vie présente, mais aussi à celles qui lui succéderont, en se développant sur un plan solidaire et régulier, l'ordre divin ayant dans le résultat tout égalisé et synthétisé.
Donc, patienter judicieusement sera s'inspirer des lois divines, en leur demandant le secret de tout voir sans colère et sans haine, ce sera prendre l'affliction pour ce qu'elle est, une épreuve sérieuse où l'âme se retrempe. Si, malgré le besoin, les séparations et les désillusions, si, contre les défaillances de l'instrument terrien, l'Esprit sait prier, aimer, donner tout ce qu'il y a de bon en lui, n'imiteratil pas cet homme de grand coeur, ce Christ qui pardonnait à tous ses ennemis ? Comme le crucifié évangélique, n'auratil pas fait oeuvre de martyrologe charnel et spirituel, méritant ainsi de progresser au delà de toute expression?
Remplissez donc votre devoir, ô vous qui me demandez quelques mots, souriez à ceux qui croiront vous atteindre moralement, souriez à l'oubli comme à la solitude. Si Dieu est en vous, de sérieuses consolations vous viendront des bons Esprits, vous serez fortifiés, si vous aimez plus vos frères en douleurs que vous ne vous aimez vousmêmes.
Devant la compréhension de la nature, de l'infinie grandeur qui la créa sans bonds ni éclats, que sont les biens illusoires de la terre? Peuventils être comparés aux lois majestueuses, déduites par de patientes et laborieuses recherches ? Doiventils peser un fétu de paille devant les conséquences spirites, venant corroborer tontes les découvertes scientifiques, en leur donnant une consistance, une consécration admirable?
L'oeuvre d'Allan Kardec est une sublime révélation venant simplifier nos devoirs, notre point de vue, elle trace avec exactitude et sans menteuses hypothèses, la solidarité incontestable unissant dans tous les actes de la création les êtres et les sphères, et cela sans solution de continuité de l'atome jusqu'à Dieu.
Curé D'Ars

Le passé s’en va[3]
Ceux qui réprouvent le présent et les progrès des générations nouvelles sont bien le passé avec son obéissance immense, celle de la croyance au mal.
L'histoire de l'homme est pleine de ces pages effrayantes auxquelles nous osons à peine croire, les souffrances de vos pères sont si terribles que leur souvenir nous ferait frémir d'indignation, s'il n'était dans les vues divines de nous purifier par la douleur.
Les théogonies anciennes sont pleines de croyances en ce Dieu du mal qui a pesé pendant tant de siècles sur la conscience humaine. Interrogez toutes les religions, et toutes vous répéteront que la fatalité ou plutôt un Dieu vengeur a voulu que l'homme souffre, car la souffrance lui était agréable. Aux uns, il fallait ou des holocaustes humains ou des hécatombes sanguinaires ; aux autres, il a fallu pour dominer, une peur effroyable, sans cesse renouvelée, qui pût faire trembler les forts et les opprimés. Le diable a eu son règne séculaire, comme tant d'autres royautés du moyen âge, il est déchu de sa grandeur; on l'a discuté, il est mort pour jamais.
Et pourtant, c'est cette vieille parodie du mal qu'on veut ressusciter! Taisez-vous, hommes qui jetez un défi à Dieu et à son travail intelligent; vous voulez enrayer l'ordre, l'harmonie, la transformation de la pensée, l'avancement de l'humanité, lorsque tout vous dit qu'il faut marcher pour vivre.
Dites au Spiritisme de disparaître, et il vous répondra en vous tâtant le pouls : c'est la fièvre qui vous agite, mais la fièvre n'est pas la santé. Passé, comme tout ce qui vieillit, tu tombes ; dis à tes enfants que désormais le pain blanc est la nourriture des plus pauvres, que la laine a remplacé les haillons, que la vapeur et l'électricité rendent les peuples frères, que le savoir intelligent a remplacé l'obéissance aveugle, et que l'on croit aujourd'hui en d'autres espérances. Ce que l'on désire, ce sont d'autres existences, jusqu'à ce que l'homme, chrysalide sans cesse renaissante, puisse dignement se présenter devant son Père, le maître du monde.
Vous tous, adorateurs du passé qui s'en va, vous les entendez ces voix amies qui viennent apporter de nouvelles révélations, devant lesquelles la liberté, la fraternité, la solidarité sont un devoir. Ces voix sont celles des envoyés de Dieu. Bénissezles donc pour le bien qu'elles vous désirent et pour le mal qu’elles vous empêcheront de réaliser.
Mais ils entendent, et ils sont sourds! Ils voient et pourtant ils ferment les yeux! Mourez donc pour renaître et venir donner la main à la génération présente avec laquelle vous avez de telles affinités que, sans elle, vous ne pourriez vous approcher de Dieu.
Bernard

Bibliographie

L’évangile selon le spiritisme
Cinquième édition.
Nous informons nos lecteurs et nos nombreux correspondants que nous venons de faire réimprimer une nouvelle édition de l'Évangile selon le Spiritisme, par Allan Kardec.
On peut donc se procurer la cinquième édition de cet ouvrage à la librairie spirite, 7, rue de Lille, à Paris, au prix de 3 fr. 50 c. franco.

Voces populi, par Nemo
Notre librairie vient aussi de publier, sur une question à l'ordre du jour, une petite brochure intitulée : Sur la réorganisation de l'armée en France. Voces populi recueillies par Nemo[4].
Bien que cet ouvrage ne soit pas précisément écrit au point de vue spirite, il renferme cependant quelques considérations philosophiques et morales qui seront goûtées de nos lecteurs.
Nos frères de l'armée y trouveront certainement des idées conformes aux leurs en ce qui concerne les réformes à introduire dans l'organisation militaire du pays, nous sommes donc persuadés, qu'à tous les points de vue, la lecture de ce petit travail les intéressera.
Nous ajouterons en terminant que, si la librairie spirite a édité cet ouvrage un peu en dehors du cadre qu'elle s'est tracé, cela tient à ce que l'auteur, spirite et partisan convaincu de l'enseignement obligatoire, a voulu apporter sa pierre à l'édifice en abandonnant à la société anonyme le produit de la vente de son ouvrage.

 

Pour le Comité d'administration, le Secrétairegérant : A. Desliens


 

[1]Paris, 28 mai 1871. Médium X...

[2] Paris, rue de Lille; 7, 18 juillet 1871. Médium M. Leymarie.

[3]Paris, médium, M. P. – L.

[4] Brochure in8., 4 pages, 1fr. franco.

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