Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


Juin 1861


Sommaire : Discours sur la vie futureCorrespondanceLa prièreEntretiens familiers d'outre-tombe : Monsieur le marquis de Saint-Paul , Henri Mondeux, Madame Anaïs Gourdon, Évocation de M. Gourdon fils aîné - Effets du désespoirDissertations et enseignements spirites : Beaucoup d'appelés et peu d'élus , Occupations des Esprits, La débauche, Sur le périsprit, L'Ange Gabriel, Le génie et la misère, Transformation, La séparation de l'Esprit.

Discours sur la vie future

Prêché par Channing, le dimanche de Pâques 1834, après la mort d'un de ses amis.

Nous avons plusieurs fois reproduit dans cette Revue des dictées spontanées de l'Esprit de Channing, qui ne démentent point la supériorité de son caractère et de son intelligence. Nos lecteurs nous sauront gré de leur donner une idée des opinions qu'il professait de son vivant par le fragment ci-après d'un de ses discours dont nous devons la traduction à l'obligeance d'un de nos abonnés. Son nom étant peu connu en France, nous le ferons précéder d'une courte notice biographique.
William Ellery Channing est né en 1780, à Newport, Rhode-Island, état de New-York. Son grand-père, William Ellery, signa la fameuse déclaration de l'indépendance. Channing fut élevé à Harward college et destiné à la profession médicale ; mais ses goûts et ses aptitudes le portèrent vers la carrière religieuse, et en 1803 il devint ministre de la chapelle unitairienne de Boston. Depuis, il demeura toujours dans cette ville, professant la doctrine des Unitairiens, secte protestante qui compte de nombreux adhérents en Angleterre et en Amérique dans le monde le plus élevé. Il se fit remarquer par ses vues larges et libérales ; par son éloquence remarquable, ses ouvrages qui sont nombreux et la profondeur de ses vues philosophiques, il compte au nombre des hommes les plus marquants des États-Unis. Partisan déclaré de la paix et du progrès, il prêcha sans relâche contre l'esclavage, et fit à cette institution une guerre si acharnée qu'à bien des libéraux, cet excès de zèle qui nuisait à sa popularité, paraissait parfois inopportun. Son nom fait autorité parmi les anti-esclavagistes. Il est mort à Boston en 1842 à l'âge de 62 ans. Gannet lui a succédé comme chef de la secte des Unitairiens.

« Pour la masse des hommes, le ciel est presque toujours un monde de fantaisie : il manque de substance ; l'idée d'un monde dans lequel existent des êtres sans corps grossiers, Esprits purs ou revêtus de corps spirituels ou éthérés, leur semble une pure fiction ; ce qu'on ne peut ni voir, ni toucher ne leur paraît point réel. Ceci est triste, mais non étonnant, car comment se pourrait-il que des hommes immergés dans la matière et ses intérêts, et ne cultivant point la connaissance de leur âme et de leurs capacités spirituelles, puissent comprendre une vie spirituelle plus élevée ? La multitude considère comme rêveur visionnaire celui qui parle clairement et avec joie de sa vie future et du triomphe de l'esprit sur la décomposition corporelle. Ce scepticisme sur les choses spirituelles et célestes est aussi irrationnel et peu philosophique qu'avilissant.
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« Et combien il est peu rationnel de s'imaginer qu'il n'y a pas d'autres mondes que celui-ci, d'autre mode d'existence plus élevé que le nôtre ! Quel est celui qui, parcourant de l'œil cette création immense, puisse douter qu'il n'y ait des êtres supérieurs à nous, ou voir quelque chose de déraisonnable à concevoir l'Esprit dans un état moins circonscrit, moins entravé que sur la terre, en d'autres mots, qu'il y a un monde spirituel ?
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« Ceux qui nous ont quittés pour un autre monde doivent prendre encore le plus profond intérêt à celui-ci ; leurs liens avec ceux qu'ils y ont laissés sont épurés, mais non dissous. Si l'état futur est une amélioration sur l'état présent, si l'intelligence doit être fortifiée et l'amour élargi, la mémoire, puissance fondamentale de l'intelligence, doit agir sur le passé avec une plus grande énergie, et toutes les affections bienveillantes qu'on y a entretenues doivent y recevoir une activité nouvelle. Supposer la vie terrestre effacée de l'Esprit, ce serait en détruire l'utilité, ce serait rompre le rapport des deux mondes et subvertir la responsabilité, car comment la récompense on le châtiment atteindraient-ils une existence oubliée ? Non ; il faut que nous emportions le présent avec nous, quel que soit notre avenir, heureux ou malheureux. Les bons formeront, il est vrai, des liens nouveaux plus saints, plus forts ; mais, sous l'influence expansive de ce monde meilleur, le cœur aura une capacité assez grande pour retenir les liens anciens, tout en en formant de nouveaux ; il se rappellera avec tendresse son lieu de naissance, tout en jouissant d'une existence plus mûre et plus heureuse. Si je pouvais me figurer que ceux qui sont partis meurent pour ceux qui restent, je les honorerais et les aimerais moins. L'homme qui, en les quittant oublie les siens, paraît dépourvu des meilleurs sentiments de notre nature ; et si, dans leur nouvelle patrie, les justes devaient oublier leurs pères sur terre, s'ils devaient, en s'approchant de Dieu, cesser d'intercéder pour eux, pourrions-nous trouver que le changement leur a profité ?
« On pourrait se demander si ceux qui sont emportés vers le ciel, non seulement se souviennent avec intérêt de ceux qu'ils ont laissés sur la terre, mais encore s'ils en ont une connaissance présente et immédiate. Je ne sais aucune raison de croire que cette connaissance n'existe pas. Nous sommes habitués à regarder le ciel comme éloigné de nous, mais rien ne nous le prouve. Le ciel est l'union, la société d'êtres spirituels supérieurs ; ces êtres ne peuvent-ils remplir l'univers, rendant ainsi le ciel partout ? Est-il probable que de tels êtres soient circonscrits comme nous par des limites matérielles ? Milton a dit :
Millions of spiritual beings walk the earth
Both when we wake and when we sleep.
« Des millions d'êtres spirituels parcourent la terre aussi bien quand nous veillons que quand nous dormons. »
« Un sens nouveau, un nouvel œil pourrait nous montrer que le monde spirituel nous entoure de tous côtés. Mais supposez même que le ciel soit éloigné, ses habitants n'en peuvent pas moins être présents et nous visibles pour eux ; car, qu'entendons-nous par la présence ? Ne suis-je pas présent pour ceux d'entre vous que mon bras ne peut atteindre, mais que je vois distinctement ? N'est-il pas pleinement d'accord avec notre connaissance de la nature de supposer que ceux qui sont au ciel, quel que soit le lieu de leur résidence, puissent posséder des sens et des organes spirituels au moyen desquels ils peuvent voir ce qui est distant aussi facilement que nous distinguons ce qui est rapproché ? Notre œil aperçoit sans peine des planètes à des millions de lieues de distance, et à l'aide de la science nous pouvons même reconnaître les inégalités de leur surface. Nous pouvons même nous figurer un organe visuel assez sensible ou un instrument assez puissant pour permettre de distinguer, de notre globe, les habitants de ces mondes éloignés ; pourquoi donc ceux qui sont entrés dans leur phase d'existence plus élevée, qui sont revêtus de corps spiritualisés, ne pourraient-ils contempler notre terre aussi facilement que lorsqu'elle était leur demeure ?
« Cela peut être vrai ; mais si nous l'acceptons ainsi, n'en abusons pas : on pourrait en abuser. Ne pensons pas aux morts comme s'ils nous contemplaient d'un amour partiel terrestre ; ils nous aiment plus que jamais, mais d'une affection spirituelle épurée. Ils n'ont pour nous qu'un seul désir, celui que nous nous rendions dignes de les rejoindre dans leur demeure de bienfaisance et de piété. Leur vision spirituelle pénètre nos âmes ; si nous pouvions entendre leur voix, ce ne serait point une déclaration d'attachement personnel, mais un appel vivifiant à des efforts plus grands, à une abnégation plus ferme, à une charité plus large, à une patience plus humble, à une obéissance plus filiale à la volonté de Dieu. Ils respirent l'atmosphère de la bienfaisance divine, leur mission est maintenant plus élevée qu'elle ne l'était ici.
« Me direz-vous que si nos morts connaissent les maux qui nous affligent, la souffrance doit exister dans cette vie bénie ? Je réponds que je ne puis considérer le ciel que comme un monde de sympathies. Rien ne peut, me semble-t-il, mieux attirer les regards de ses habitants bienfaisants, comme la vue de la misère de leurs frères ; mais cette sympathie, si elle fait naître la tristesse, est loin de rendre malheureux ceux qui la ressentent. Dans le monde d'ici-bas, la compassion désintéressée, jointe au pouvoir d'adoucir la souffrance, est un gage de paix procurant souvent les plus pures jouissances. Libres de nos infirmités présentes, et éclairés par des vues plus étendues sur la perfection du gouvernement divin, cette sympathie ajoutera plus de charme aux vertus des êtres bénis, et, comme toute autre source de perfection, ne fera qu'augmenter leur félicité.
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« Nos amis qui nous quittent pour cet autre monde ne se trouvent point au milieu d'inconnus ; ils n'ont pas ce sentiment désolé d'avoir échangé leur patrie pour une terre étrangère. Les plus tendres paroles de l'amitié humaine n'approchent pas des accents de félicitation qui les attendent à leur arrivée dans ce séjour. Là l'Esprit a des moyens plus sûrs de se révéler qu'ici ; le nouvel arrivé se sent et se voit entouré de vertus et de bonté, et par cette vision intime des Esprits sympathiques qui les entourent, des liaisons plus fortes que celles qui sont cimentées par les années sur la terre peuvent se créer en un moment. Les affections les plus intimes sur cette terre sont froides comparées à celles des Esprits. De quelle manière se communiquent-ils ? Dans quelle langue et au moyen de quels organes ? Nous l'ignorons, mais nous savons que l'Esprit progressant doit acquérir une plus grande facilité de transmettre sa pensée.
« On aurait tort de croire que les habitants du ciel s'en tiennent à la communication réciproque de leurs idées ; ceux qui atteignent ce monde entrent au contraire dans un état nouveau d'activité, de vie et d'efforts. Nous sommes portés à regarder l'état futur comme tellement heureux pour qu'aucun n'y ait besoin d'aide, que l'effort cesse, que les bons n'aient autre chose à faire que de jouir. La vérité cependant est que toute action sur la terre, même la plus intense, n'est qu'un jeu d'enfant, comparée à l'activité, à l'énergie déployées dans cette vie plus élevée. Il doit en être ainsi, car il n'y a pas de principe plus actif que l'intelligence, la bienfaisance, l'amour du vrai, la soif de la perfection, la sympathie pour les souffrances et le dévouement à l'œuvre divine, qui sont les principes expansifs de la vie d'outre-tombe. C'est alors que l'âme a conscience de ses capacités, que la vérité infinie se déploie devant nous, que l'on sent que l'univers est une sphère sans bornes pour la découverte, pour la science, pour la bienfaisance et l'adoration. Ces nouveaux objets de la vie qui réduisent à rien les intérêts actuels se déploient constamment. Il ne faut donc point se figurer que le ciel est composé d'une communauté stationnaire. Je me le figure comme un monde de plans et d'efforts prodigieux pour sa propre amélioration. Je le considère comme une société traversant des phases successives de développement, de vertus, de connaissances, de puissance, par l'énergie de ses propres membres.
« Le génie céleste est toujours actif à explorer les grandes lois de la création et les principes éternels de l'esprit, à dévoiler le beau dans l'ordre de l'univers et à découvrir les moyens d'avancement pour chaque âme ; là comme ici, il y a des intelligences de divers degrés, et les Esprits les plus élevés trouvent le bonheur et le progrès à élever les plus arriérés ; là, le travail d'éducation, commencé ici-bas, progresse toujours, et une philosophie plus divine que celle enseignée parmi nous révèle à l'Esprit son essence propre, l'excite à des efforts joyeux pour sa propre perfection.
« Le ciel est en rapport avec d'autres mondes ; ses habitants sont les messagers de Dieu dans toute la création ; ils ont de grandes missions à remplir, et pour le progrès de leur existence sans fin, il peut leur être confié le soin d'autres mondes. »
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Ce discours fut prononcé en 1834 ; à cette époque il n'était point encore question en Amérique des manifestations des Esprits ; Channing n'en avait donc pas connaissance, autrement il eût affirmé ce qu'en certains points il ne pose que comme hypothèse ; mais n'est-il pas remarquable de voir cet homme pressentir avec autant de justesse ce qui devait être révélé quelques années plus tard ; car, à bien peu d'exceptions près, sa description de la vie future y concorde parfaitement ; il n'y manque que la réincarnation, et encore, si l'on examine de près, on voit qu'il la côtoie, comme il côtoie les manifestations sur lesquelles il se tait, parce qu'il ne les connaissait pas. En effet, il admet le monde invisible autour de nous, au milieu de nous, plein de sollicitude pour nous, nous aidant à progresser ; de là aux communications directes il n'y a qu'un pas ; il admet dans le monde céleste, non la contemplation perpétuelle, mais l'activité et le progrès ; il admet la pluralité des mondes corporels, mais plus ou moins avancés ; s'il eût dit que les Esprits pouvaient accomplir leur progrès en passant par ces différents mondes, c'était la réincarnation. L'idée de ces mondes progressifs est même inconciliable sans cela avec celle de la création des âmes au moment de la naissance des corps, à moins d'admettre des âmes créées plus ou moins parfaites, et alors il faudrait justifier cette préférence. N'est-il pas plus logique de dire que si les âmes d'un monde sont plus avancées que dans un autre, c'est qu'elles ont déjà vécu dans des mondes inférieurs. On peut en dire autant des habitants de la terre comparés entre eux, depuis le sauvage jusqu'à l'homme civilisé. Quoi qu'il en soit, nous demandons si une telle peinture de la vie d'outre-tombe, par ses déductions logiques, accessibles aux intelligences les plus vulgaires, et acceptables par la raison la plus sévère, n'est pas cent fois plus propre à produire la conviction et la confiance en l'avenir que le hideux et inadmissible tableau des tortures sans fin empruntées au Tartare du paganisme. Ceux qui prêchent ces croyances ne se doutent pas du nombre d'incrédules qu'ils font et des recrues qu'ils procurent à la phalange des matérialistes.
Remarquons que Milton, cité dans ce discours, émet sur le monde invisible ambiant une opinion conforme à celle de Channing, qui est aussi celle des Spirites modernes. C'est que Milton, comme Channing, comme tant d'autres hommes éminents, étaient Spirites d'intuition ; c'est pourquoi nous ne cessons de dire que le Spiritisme n'est pas une invention moderne ; il est de tous les temps, parce qu'il y a eu des âmes de tous les temps, et que de tout temps la masse des hommes a cru à l'âme ; aussi retrouve-t-on les traces de ces idées dans une foule d'écrivains anciens et modernes, sacrés et profanes. Cette intuition des idées spirites est tellement générale que nous voyons tous les jours une foule de gens qui, en entendant parler pour la première fois n'en sont nullement étonnés : il ne manquait qu'une formule à leur croyance.

Correspondance

Lettre de M. Roustaing, de Bordeaux
La lettre suivante nous est adressée par M. Roustaing, avocat à la Cour impériale de Bordeaux, ancien bâtonnier. Les principes qui y sont hautement exprimés de la part d'un homme que sa position met au rang des plus éclairés donneront peut-être à réfléchir à quelques-uns de ceux qui, croyant avoir le privilège de la raison, rangent sans façon tous les adeptes du Spiritisme parmi les imbéciles.
Mon cher monsieur et très honoré chef Spirite,
J'ai reçu la douce influence et recueilli le bénéfice de ces paroles du Christ à Thomas : Heureux ceux qui croiront et qui n'auront pas vu ; profondes, vraies et divines paroles qui montrent la voie la plus sûre, la plus rationnelle qui conduit à la foi, selon la maxime de saint Paul, qu'accomplit et réalise le Spiritisme : Rationabile sit obsequium vestrum.
Lorsque je vous écrivis, au mois de mars dernier, pour la première fois, je vous disais : Je n'ai rien vu, mais j'ai lu et compris, et je crois. Dieu m'a bien récompensé d'avoir cru sans avoir vu ; depuis, j'ai vu et bien vu ; j'ai vu dans des conditions profitables, et la partie expérimentale est venue animer, si je puis m'exprimer ainsi, la foi que la partie doctrinale m'avait donnée, et, en la fortifiant, lui imprimer la vie.
Après avoir étudié et compris, je connaissais le monde invisible comme connaît Paris, celui qui l'a étudié sur la carte. Par l'expérience, le travail et l'observation soutenue, j'ai connu le monde invisible et ses habitants comme connaît Paris celui qui l'a parcouru, mais sans avoir encore pénétré dans tous les coins de cette vaste capitale. Néanmoins, depuis le commencement du mois d'avril, grâce à la connaissance que vous m'avez procurée de l'excellent M. Sabo et de sa famille patriarcale, tous bons et vrais Spirites, j'ai pu travailler, et j'ai travaillé constamment chaque jour avec eux ou chez moi, en présence et avec le concours des adeptes de notre ville qui sont convaincus de la vérité du Spiritisme, bien que tous ne soient pas encore de fait et pratiquement Spirites.
M. Sabo vous a envoyé exactement le produit de nos travaux obtenus à titre d'enseignement par évocations ou par manifestations spontanées des Esprits supérieurs. Nous avons éprouvé autant de joie et de surprise que de confusion et d'humilité lorsque nous avons reçu ces enseignements si précieux et vraiment sublimes de tant d'Esprits élevés qui sont venus nous visiter ou nous ont envoyé des messagers pour parler en leur nom.
Oh ! cher monsieur, que je suis heureux de ne plus appartenir, par le culte matériel, à la terre que je sais maintenant n'être pour nos Esprits qu'un lieu d'exil à titre d'épreuves ou d'expiation ! Que je suis heureux de connaître et d'avoir compris la réincarnation avec toute sa portée et toutes ses conséquences, comme réalité et non comme allégorie. La réincarnation, cette sublime et équitable justice de Dieu, ainsi que le disait hier encore mon guide protecteur, si belle, si consolante, puisqu'elle laisse la possibilité de faire le lendemain ce que nous n'avons pu faire la veille ; qui fait progresser la créature vers le créateur ; « cette juste et équitable loi, » selon l'expression de Joseph de Maistre dans l'évocation que nous avons faite de son Esprit, et que vous avez reçue ; la réincarnation est, selon la divine parole du Christ, « le long et difficile chemin à parcourir pour arriver au séjour de Dieu. »
Je comprends maintenant le sens de ces mots du Christ à Nicodème : Vous êtes docteur de la loi et vous ne savez pas cela ! Aujourd'hui que Dieu m'a permis de comprendre d'une manière complète toute la vérité de la loi évangélique, je me demande comment l'ignorance des hommes, docteurs de la loi, a pu résister à ce point à l'interprétation des textes ; produire ainsi l'erreur et le mensonge qui ont amené et entretenu le matérialisme, l'incrédulité, le fanatisme ou la poltronnerie ? Je me demande comment cette ignorance, cette erreur, ont pu se produire alors que le Christ avait eu soin de proclamer la nécessité de revivre en disant : Il faut que vous naissiez de nouveau, et par là la réincarnation comme seul moyen de voir le royaume de Dieu, ce qui était déjà connu et enseigné sur la terre et que Nicodème devait savoir : Vous êtes docteur de la loi et vous ne savez pas cela ! Il est vrai que le Christ ajoute à chaque pas : Que ceux qui ont des oreilles entendent ; et aussi : « Ils ont des yeux et ils ne voient point ; ils ont des oreilles et ils n'entendent et ne comprennent point ; » ce qui peut s'appliquer à ceux qui sont venus après lui, aussi bien qu'à ceux de son temps.
Dieu, dans sa bonté, je l'ai dit, m'a récompensé par nos travaux jusqu'à ce jour, et les enseignements qu'il nous a fait donner par ses divins messagers, « missionnaires dévoués et intelligents auprès de leurs frères, - selon l'expression de l'Esprit de Fénelon, - pour leur inspirer l'amour et la charité du prochain, l'oubli des injures et le culte d'adoration dû à Dieu. » Je comprends maintenant l'admirable portée de ces paroles de l'Esprit de Fénelon quand il parle de ces divins messagers : « Ils ont vécu tant de fois qu'ils sont devenus nos maîtres. »
Je remercie avec joie et humilité ces divins messagers d'être venus nous apprendre que le Christ est en mission sur la terre pour la propagation et le succès du Spiritisme, cette troisième explosion de la bonté divine, pour accomplir cette parole finale de l'Evangile : « Unum ovile et unus pastor ; » d'être venus nous dire : « Ne craignez rien ! Le Christ (appelé par eux Esprit de Vérité), la Vérité est le premier et le plus saint missionnaire des idées spirites. » Ces paroles m'avaient vivement frappé, et je me demandais : Mais où est donc le Christ en mission sur la terre ? « La Vérité commande, selon l'expression de l'Esprit de Marius, évêque des premiers âges de l'Eglise, cette phalange des Esprits envoyés par Dieu en mission sur la terre pour la propagation et le succès du Spiritisme. »
Quelles douces et pures jouissances donnent ces travaux spirites par la charité faite à l'aide de l'évocation aux Esprits souffrants ! Quelle consolation on trouve à communiquer avec ceux qui furent, sur la terre, nos parents ou nos amis ; à apprendre qu'ils sont heureux ou à les soulager s'ils souffrent ! Quelle vive et éclatante lumière jettent dans nos âmes ces enseignements spirites qui, en nous apprenant la vérité complète de la loi du Christ, nous donnent la foi par notre propre raison, et nous font comprendre la toute-puissance du Créateur, sa grandeur, sa justice, sa bonté et sa miséricorde infinie, nous plaçant ainsi dans la délicieuse nécessité de pratiquer cette loi divine d'amour et de charité ! Quelle sublime révélation ils nous donnent en nous apprenant que ces divins messagers, en nous faisant progresser, progressent eux-mêmes pour aller grossir la phalange sacrée des Esprits parfaits ! Admirable et divine harmonie qui nous montre à la fois l'unité en Dieu et la solidarité entre toutes ses créatures ; qui nous celles-ci, sous l'influence et l'impulsion de cette solidarité, de cette sympathie, de cette réciprocité, appelées à gravir, et gravissant, mais non sans faux pas et sans chutes, à leurs premiers essais, cette longue et haute échelle spirite, pour, après en avoir parcouru tous les degrés, arriver de l'état de simplicité et d'ignorance originelles, à la perfection intellectuelle et morale, et, par cette perfection, à Dieu. Admirable et divine harmonie, qui nous montre cette grande division de l'infériorité et de la supériorité, par la distinction des mondes qui sont des lieux d'exil où tout n'est qu'épreuve ou expiation, et des mondes supérieurs, séjours des bons Esprits où ils n'ont plus qu'à progresser vers le bien.
La réincarnation, bien comprise, apprend aux hommes qu'ils ne sont ici-bas que dans un lieu de passage où ils sont libres de ne plus revenir, s'ils font ce qui est nécessaire pour cela ; que la puissance, les richesses, les dignités, la science ne leur sont données qu'à titres d'épreuves, et comme moyen de progresser vers le bien ; qu'elles ne sont dans leurs mains qu'un dépôt et un instrument pour la pratique de la loi d'amour et de charité ; que le mendiant qui passe à côté d'un grand seigneur est son frère devant Dieu, et l'a peut-être été devant les hommes ; qu'il a peut-être été riche et puissant ; s'il est maintenant dans une condition obscure et misérable, c'est pour avoir failli à ses redoutables épreuves, rappelant ainsi cette parole célèbre au point de vue des conditions sociales : Il n'y a qu'un pas du Capitole à la roche Tarpéienne, mais avec cette différence que, par la réincarnation, l'Esprit se relève de sa chute, et peut, après être remonté au Capitole, s'élancer de son sommet dans les régions célestes, séjour splendide des bons Esprits.
La réincarnation, en apprenant aux hommes, selon l'admirable expression de Platon, qu'il n'y a pas de roi qui ne descende d'un berger, et de berger qui ne descende d'un roi, efface toutes les vanités terrestres, détache du culte matériel, nivelle moralement toutes les conditions sociales ; elle constitue l'égalité, la fraternité parmi les hommes, comme pour les Esprits, en Dieu et devant Dieu, et la liberté qui, sans la loi d'amour et de charité, n'est que mensonge et utopie, ainsi que nous le disait dernièrement l'Esprit de Washington. Dans son ensemble, le Spiritisme vient donner aux hommes l'unité et la vérité dans tout progrès intellectuel et moral, grande et sublime entreprise dont nous ne sommes que les très humbles apôtres.
Adieu, mon cher monsieur ; après trois mois de silence, je vous accable d'une bien trop longue lettre ; vous me répondrez quand vous pourrez et quand vous voudrez. Je me proposais de faire le voyage de Paris pour avoir le plaisir de vous connaître personnellement, de vous serrer fraternellement la main ; ma santé s'y est opposée jusqu'à présent.
Vous pourrez faire de cette lettre l'usage que vous jugerez convenable ; je m'honore d'être hautement et publiquement Spirite.
Votre bien dévoué.
Roustaing, avocat.

Chacun appréciera comme nous la justesse des pensées exprimées dans cette lettre ; on voit que, quoique récemment initié, M. Roustaing, est passé maître en fait d'appréciation ; c'est qu'il a sérieusement et profondément étudié, ce qui lui a permis de saisir rapidement toutes les conséquences de cette grave question du Spiritisme, et qu'à l'encontre de beaucoup de gens, il ne s'est pas arrêté à la surface. Il n'avait encore rien vu, dit-il, et il était convaincu, parce qu'il avait lu et compris. Il a cela de commun avec beaucoup de gens, et nous avons toujours remarqué que ceux-là, loin d'être superficiels, sont au contraire ceux qui réfléchissent le plus ; s'attachant plus au fond qu'à la forme, pour eux la partie philosophique est le principal, les phénomènes proprement dits sont l'accessoire, et ils se disent qu'alors même que ces phénomènes n'existeraient pas, il n'en resterait pas moins une philosophie qui seule résout des problèmes insolubles jusqu'à ce jour ; qui seule donne du passé et de l'avenir de l'homme la théorie la plus rationnelle ; or ils préfèrent une doctrine qui explique à celle qui n'explique pas, ou qui explique mal. Quiconque réfléchit, comprend très bien qu'on pourrait faire abstraction des manifestations, et que la doctrine n'en subsisterait pas moins ; les manifestations viennent la corroborer, la confirmer, mais elles n'en sont pas la base essentielle ; le discours de Channing, que nous venons de citer, en est la preuve, puisque, près de vingt ans avant ce grand déploiement des manifestations en Amérique, le seul raisonnement l'avait conduit aux mêmes conséquences.
Il est un autre point auquel on reconnaît aussi le Spirite sérieux ; par les citations que l'auteur de cette lettre fait des pensées contenues dans les communications qu'il a reçues, il prouve qu'il ne s'est pas borné à les admirer comme de beaux morceaux littéraires, bons à conserver dans un album, mais qu'il les étudie, les médite et en fait son profit. Il y en a tant, malheureusement, pour qui ce haut renseignement reste une lettre morte ; qui collectionnent les belles communications, comme certaines gens collectionnent de beaux livres, mais sans les lire.
Ce dont nous devons en outre féliciter M. Roustaing, c'est de la déclaration par laquelle il termine sa lettre ; malheureusement tout le monde n'a pas, comme lui, le courage de son opinion, et c'est ce qui enhardit les adversaires. Cependant il faut reconnaître que depuis quelque temps les choses ont bien changé sous ce rapport ; il y a deux ans à peine que quantité de personnes ne parlaient du Spiritisme qu'entre quatre yeux ; elles n'achetaient les livres qu'en cachette, et avaient grand soin de ne pas les laisser en évidence. Aujourd'hui, c'est bien différent ; on s'est familiarisé avec les épithètes inciviles des railleurs, et l'on en rit au lieu de s'en offusquer ; on ne craint pas plus de s'avouer hautement Spirite qu'on ne craint de se dire partisan de telle ou telle autre philosophie, du magnétisme, du somnambulisme, etc. ; on discute librement avec le premier venu sur cette matière, comme on discuterait sur les classiques et les romantiques, et sans se croire humilié d'être pour les uns ou pour les autres. C'est un progrès immense et qui prouve deux choses : le progrès des idées Spirites en général, et le peu de consistance des arguments des adversaires ; il aura pour conséquence d'imposer silence à ces derniers qui se croyaient forts, parce qu'ils se croyaient les plus nombreux ; mais quand de toutes parts ils trouveront à qui parler, nous ne disons pas qu'ils seront convertis, mais ils se tiendront sur la réserve. Nous connaissons telle petite ville de province où, il y a un an, le Spiritisme ne comptait qu'un seul adepte qui eût été montré au doigt comme une bête curieuse, si on l'eût connu pour tel ; qui sait même ? peut-être déshérité par sa famille ou destitué de sa place ; aujourd'hui les adeptes y sont nombreux ; ils se réunissent ouvertement sans se soucier du qu'en dira-t-on, et quand on a vu parmi eux des autorités municipales, des fonctionnaires, des officiers, des ingénieurs, des avocats, des notaires, etc., qui ne cachaient pas leurs sympathies pour la chose, les railleurs ont cessé de railler, et le journal de la localité, rédigé par un esprit très fort, qui avait déjà lancé quelques pointes et s'apprêtait à pulvériser la nouvelle doctrine, craignant de se mettre à dos plus forte partie que lui, a prudemment gardé le silence. C'est l'histoire de maintes autres localités, et elle se généralisera à mesure que les partisans du Spiritisme, dont le nombre augmente tous les jours, lèveront la tête et la voix. On peut bien vouloir abattre une tête qui se montre, mais quand il y en a vingt, quarante, cent qui ne craignent pas de parler haut et ferme, on y regarde à deux fois, et cela donne du courage à ceux qui en manquent.

La prière

Un de nos correspondants de Lyon nous adresse le morceau suivant de poésie ; il rentre trop dans l'esprit de la doctrine spirite, pour que nous ne nous fassions pas un plaisir de lui donner une place dans notre Revue.

Que ne puis-je, mortels, par mes faibles accents,
Pénétrer votre cœur du plus sublime encens !
Vous apprendre en ces vers, durant cette carrière,
Ce que c'est que prier et ce qu'est la prière.
C'est un élan d'amour, de fluide et de feu
Qui s'échappe de l'âme et s'élève vers Dieu.
Sublime épanchement de l'humble créature
Qui retourne à sa source ennoblir sa nature !
Prier ne change en rien la loi de l'Eternel,
Immuable toujours ; mais son cœur paternel
Répand son flux divin sur celui qui l'implore
Et redouble l'ardeur du feu qui le dévore.
C'est alors qu'il se sent élever et grandir ;
Pour l'amour du prochain, il sent son cœur bondir.
Plus il répand d'amour, plus l'auguste sagesse
Remplit son cœur aimant des dons de sa largesse.
Dès lors un saint désir de prier pour les morts,
Sous le poids de la peine et des cuisants remords,
Nous montre le besoin que leur état réclame,
Pour diriger sur eux ce doux fluide de l'âme
Dont l'efficacité, baume consolateur,
Pénètre tout leur être en vrai libérateur.
Tout se ranime en eux ; un rayon d'espérance
Seconde leurs efforts, hâte leur délivrance.
Semblables aux mortels accablés par le mal
Qu'un baume souverain rend à l'état normal,
Ils sont régénérés par l'influence occulte
De l'auguste prière et de son divin culte.
Redoublons de ferveur ; rien ne se perd enfin ;
Prions, prions pour eux, prions jusqu'à la fin ;
La prière toujours, étincelle divine,
Devient foyer d'amour, puis à la fin domine.
Oui, prions pour les morts, et bientôt, à leur tour,
Ils répandront sur nous un doux rayon d'amour.
JOLY.

Dans ces vers, évidemment inspirés par un Esprit élevé, le but et les effets de la prière sont définis avec une parfaite exactitude. Certainement Dieu ne déroge point à ses lois sur notre demande, autrement ce serait la négation d'un de ses attributs, qui est l'immuabilité ; mais elle agit surtout sur celui qui en est l'objet ; c'est d'abord un témoignage de sympathie et de commisération qu'on lui donne, et qui, par cela même, lui fait paraître sa peine moins lourde ; en second lieu, elle a pour effet actif d'exciter l'Esprit au repentir de ses fautes, de lui inspirer le désir de les réparer par la pratique du bien. Dieu a dit : A chacun selon ses œuvres ; loi éminemment juste, qui met notre sort entre nos propres mains, et qui a pour conséquence de subordonner la durée de la peine à la durée de l'impénitence ; d'où il suit que la peine serait éternelle si l'impénitence était éternelle ; donc, si, par l'action morale de la prière, nous provoquons le repentir et la réparation volontaire, nous abrégeons par cela même le temps de l'expiation. Tout cela est parfaitement rendu dans les vers ci-dessus. Cette doctrine peut ne pas être très orthodoxe aux yeux de ceux qui croient à un Dieu impitoyable, sourd à la voix qui l'implore, et condamnant à des tortures sans fin ses propres créatures pour les fautes d'une vie passagère ; mais on conviendra qu'elle est plus logique et plus conforme à la véritable justice et à la bonté de Dieu. Tout nous dit, la religion comme la raison, que Dieu est infiniment bon ; avec le dogme du feu éternel, il faudrait ajouter qu'il est en même temps infiniment impitoyable, deux attributs qui se détruisent l'un par l'autre, parce qu'ils sont la négation l'un de l'autre. Au reste, le nombre des partisans de l'éternité des peines diminue tous les jours : c'est un fait positif, incontestable ; il sera bientôt si restreint qu'on pourra les compter, et si même, dès aujourd'hui, l'Église taxait d'hérésie et rejetait par conséquent de son sein tous ceux qui ne croient pas aux peines éternelles, il y aurait parmi les catholiques même plus d'hérétiques que de vrais croyants, et il faudrait condamner en même temps tous les ecclésiastiques et tous les théologiens qui, comme nous, interprètent ce mot dans le sens relatif et non dans le sens absolu.

Entretiens familiers d'outre-tombe

C'est une erreur de croire qu'il n'y a rien à gagner dans les entretiens avec les Esprits des hommes vulgaires, et que des hommes illustres seuls peut sortir un enseignement profitable ; dans le nombre il en est assurément de très insignifiants, mais souvent aussi, de ceux sur lesquels on compte le moins, il sort quelquefois des révélations d'une grande importance pour l'observateur sérieux. Il est d'ailleurs un point qui nous intéresse au suprême degré, parce qu'il nous touche de plus près : c'est le passage, la transition de la vie actuelle à la vie future, passage tant redouté, que le Spiritisme seul peut nous faire envisager sans effroi, et que nous ne pouvons connaître qu'en l'étudiant sur les actualités, c'est-à-dire sur ceux qui viennent de le franchir, qu'ils soient illustres ou non.

Monsieur le marquis de Saint-Paul
Mort en 1860, évoqué sur la demande de sa sœur, membre de la Société, le 16 mai 1861.
1. Évocation. - R. Me voici.
2. Madame voire sœur m'a prié de vous évoquer, quoiqu'elle soit médium, mais elle n'est pas encore assez formée pour être bien sûre d'elle. - R. Je tâcherai de répondre de mon mieux.
3. Elle désire d'abord savoir si vous êtes heureux. - R. Je suis errant, et cet état transitoire n'apporte jamais ni la félicité, ni le châtiment absolus.
4. Avez-vous été longtemps à vous reconnaître ? - R. Je suis resté longtemps dans le trouble, et je n'en suis sorti que pour bénir la piété de ceux qui ne m'oubliaient pas et priaient pour moi.
5. Pouvez-vous apprécier la durée de ce trouble ? - R. Non.
6. Quels sont ceux de vos parents que vous avez reconnus tout d'abord ? - R. J'ai reconnu ma mère et mon père qui tous deux m'ont reçu au réveil ; ils m'ont initié à la vie nouvelle.
7. D'où vient qu'à la fin de votre maladie vous sembliez converser avec ceux que vous aviez aimés sur la terre ? - R. Parce que j'ai eu, avant de mourir, la révélation du monde que j'allais habiter. J'étais voyant avant de mourir, et mes yeux se sont voilés dans le passage de la séparation définitive du corps, parce que les liens charnels étaient encore très vigoureux.
Remarque. Ce phénomène du dégagement anticipé de l'âme est très fréquent ; avant de mourir beaucoup de personnes entrevoient le monde des Esprits ; c'est sans doute afin d'adoucir par l'espérance les regrets de quitter la vie. Mais l'Esprit ajoute que ses yeux se sont voilés pendant la séparation ; c'est en effet ce qui a toujours lieu ; à ce moment, l'Esprit perdant la conscience de lui-même, n'est jamais témoin du dernier soupir de son corps, et la séparation s'opère sans qu'il s'en doute. Les convulsions même de l'agonie sont un effet purement physique dont l'Esprit n'éprouve presque jamais la sensation ; nous disons presque, parce qu'il peut arriver que ces dernières douleurs lui soient infligées comme châtiment.
8. Comment se fait-il que vos souvenirs d'enfance semblaient vous revenir de préférence ? - R. Parce que le commencement est plus rapproché de la fin que ne l'est le milieu de la vie.
9. Comment l'entendez-vous ? - R. C'est-à-dire que les mourants se souviennent et voient, comme dans un mirage de consolation, les jeunes et pures années.
Remarque. C'est probablement par un motif providentiel semblable que les vieillards, à mesure qu'ils approchent du terme de la vie, ont quelquefois un souvenir si précis des moindres détails de leurs premières années.
10. Pourquoi, en parlant de votre corps, parliez-vous toujours à la troisième personne ? - R. Parce que j'étais voyant, je vous l'ai dit, et que je sentais nettement les différences qui existent entre le physique et le moral ; ces différences, reliées entre elles par le fluide de vie, deviennent très tranchées aux yeux des mourants clairvoyants.
Remarque. C'est là une particularité singulière qu'a présentée la mort de ce monsieur. Dans ses derniers moments il disait toujours : Il a soif, il faut lui donner à boire ; il a froid, il faut le réchauffer ; il souffre à tel endroit, etc. Et quand on lui disait : Mais c'est vous qui avez soif, il répondait : Non, c'est lui. Ici se dessinent parfaitement les deux existences ; le moi pensant est dans l'Esprit et non dans le corps ; l'Esprit, déjà en partie dégagé, considérait son corps comme une autre individualité qui n'était pas lui a proprement parler ; c'était donc à son corps qu'il fallait donner à boire et non à lui Esprit.
11. Ce que vous avez dit de votre état errant, et de la durée de votre trouble, porterait à croire que vous n'êtes pas très heureux, et cependant vos qualités devraient faire supposer le contraire. Il y a d'ailleurs des Esprits errants qui sont très heureux, comme il y en a de très malheureux. - R. Je suis dans un état transitoire ; les vertus humaines acquièrent ici leur véritable prix. Sans doute mon état est mille fois préférable à celui de l'incarnation terrestre, mais j'ai toujours porté en moi les aspirations du vrai bien et du vrai beau, et mon âme ne sera rassasiée que lorsqu'elle volera aux pieds de son créateur.

Henri Mondeux
Société Spirite parisienne ; le 26 avril 1861.
Les journaux ont annoncé en février dernier la mort subite du pâtre Henri Mondeux, le célèbre calculateur, qui a succombé, dans les premiers jours de février 1861, à une attaque d'apoplexie dans la diligence de Condom (Gers), à l'âge d'environ 34 ans. Il était né en Touraine, et dès l'âge de dix ans, il se fit remarquer par la prodigieuse facilité avec laquelle il résolvait de tête les questions les plus compliquées d'arithmétique, quoique complètement illettré et n'ayant fait aucune étude spéciale. Il attira bientôt l'attention, et nombre de personnes allaient le voir tandis qu'il gardait ses bestiaux ; les visiteurs s'amusaient à lui poser des problèmes, ce qui lui procurait quelques petits profits. On se rappelait encore le pâtre napolitain, Vito Mangiamele qui, peu d'années auparavant, avait présenté un phénomène semblable. Un professeur de mathématiques du collège de Tours pensa qu'un don naturel si remarquable devrait donner des résultats surprenants s'il était secondé ; en conséquence il se l'attacha dans le but de lui donner de l'éducation ; mais il ne tarda pas à s'apercevoir qu'il avait affaire à une nature des plus réfractaires ; en effet, à l'âge de seize ans, il savait à peine lire et écrire couramment, et, chose extraordinaire, jamais son professeur n'avait pu parvenir à lui faire retenir les noms des figures élémentaires de géométrie ; en sorte que sa faculté était entièrement circonscrite dans les combinaisons numériques ; c'était donc un calculateur, mais nullement un mathématicien.
Une autre singularité, c'est qu'il ne put jamais se plier à nos formules de calcul ; il ne les comprenait même pas ; il avait sa manière à lui dont il ne put jamais rendre compte d'une manière claire, qu'il ne s'expliquait probablement pas bien lui-même, et qui tenait surtout à une mémoire prodigieuse des nombres. Nous disons des nombres et non des chiffres, car la vue des chiffres l'embrouillait plus qu'elle ne l'aidait ; il préférait que les problèmes fussent posés verbalement, plutôt que par écrit.
Tel est, en résumé, le résultat des observations que nous avons faites nous-même sur le jeune Mondeux, et qui nous ont fourni dans le temps le sujet d'un Mémoire lu à la Société phrénologique de Paris.
Une faculté aussi exclusive, quoique portée à sa dernière limite, ne pouvait lui ouvrir aucune carrière, car il n'aurait même pas pu faire un comptable dans une maison de commerce, et son professeur s'en effrayait à juste titre pour lui ; il se reprochait presque de l'avoir enlevé à ses vaches, et se demandait ce qu'il deviendrait lorsque les années l'auraient privé de l'intérêt qui s'attachait surtout à lui en raison de son âge. Nous l'avons perdu de vue depuis dix-huit ans ; il paraît qu'il a trouvé quelques moyens d'existence en allant de ville en ville donner des séances.
1. Évocation. - R. 4 et 3 font 7, dans les autres mondes, comme ici.
2. Nous avions voulu vous évoquer peu de temps après votre mort, mais il nous a été dit que vous n'étiez pas en état de nous répondre ; il paraît que vous l'êtes maintenant ? - R. Je vous attendais.
3. Vous ne vous rappelez probablement pas de moi, quoique j'aie eu l'occasion de vous connaître assez particulièrement en Prusse, et même de vous assister dans vos séances. Quant à moi, il me semble encore vous voir ainsi que le professeur de mathématiques qui vous accompagnait, et qui m'a donné sur vous et sur votre faculté de précieux renseignements. - R. Tout cela est pour que je vous dise que je me rappelle de vous, mais seulement aujourd'hui où mes idées sont lucides.
4. D'où venait l'étrange faculté dont vous étiez doué ? - R. Ah ! voilà la question que je savais que vous alliez m'adresser. On commence par dire : je vous connaissais, je vous avais vu, vous étiez remarquable, et enfin expliquez-moi votre affaire.
Eh bien ! j'avais la faculté de pouvoir lire dans mon esprit les calculs immédiats d'un problème ; on aurait dit qu'un Esprit déroulait devant moi la solution : je n'avais qu'à la lire ; j'étais médium voyant et calculateur ; et avec tout cela, il faut le dire, un petit barème toujours.
5. Autant que je puis me le rappeler, de votre vivant vous n'aviez pas cet esprit railleur, caustique ; vous étiez même un peu lourd ? - R. Tiens ! parce que la faculté a été tout employée à cela, il n'en restait plus pour autre chose.
6. Comment se fait-il que cette faculté, si développée pour le calcul, était si incomplète pour les autres parties les plus élémentaires des mathématiques ? - R. Enfin, j'étais bête, n'est-ce pas ? dites le mot, je le comprends ; mais ici, vous comprenez, je n'ai plus à développer ma faculté pour les chiffres, et elle se développe vite pour autre chose.
7. Vous n'avez plus à la développer pour les chiffres… (L'Esprit écrit sans attendre la fin de la question.) - R. C'est-à-dire, Dieu nous a donné à tous une mission : Toi, m'a-t-il dit, va étonner les savants mathématiciens ; je te ferai paraître inintelligent pour qu'ils soient plus saisis ; déroute tous leurs calculs, et fais qu'ils se disent : Mais qu'y a-t-il au-dessus de nous ? Qu'y a-t-il de plus fort que l'étude ? Il voulait les amener à chercher au-delà du corps, car qu'y a-t-il de plus matériel qu'un chiffre ?
8. Qu'avez-vous été dans d'autres existences ? - R. J'étais envoyé pour montrer autre chose.
9. Était-ce toujours relatif aux mathématiques ? - R. Sans doute, puisque c'est ma spécialité.
10. J'avais formulé quelques problèmes pour savoir si vous aviez toujours la même faculté ; mais d'après ce que vous dites, je pense que cela n'est plus nécessaire. - R. Mais je n'ai plus de solutions à faire ; je ne peux plus ; l'outil est mauvais, car il n'est pas mathématicien.
11. Est-ce que vous ne pourriez pas vaincre la difficulté ? - R. Ah ! rien n'est invincible ; Sébastopol a bien été pris ; mais quelle différence !
12. A quoi vous occupez-vous maintenant ? - R. Vous voulez savoir à quoi je me livre ? Je me promène et j'attends un peu avant de recommencer ma carrière comme médium qui doit continuer.
13. Dans quel genre pensez-vous exercer cette faculté médianimique ? - R. Toujours le même, mais plus développé, plus étonnant.
14. (Un membre fait la réflexion suivante :) Il résulte des réponses de l'Esprit, qu'il a agi comme médium sur terre, ce qui supposerait qu'il a été aidé par un autre Esprit et expliquerait pourquoi il ne jouit plus de cette faculté aujourd'hui. - R. C'est mon Esprit qui est bâti exprès pour voir les chiffres que me passait un autre Esprit ; il saisissait mieux que vous ne le feriez ; il avait la bosse du calcul, puisque c'est dans ce genre que j'exerçais. On cherche tous les moyens de convaincre ; ils sont tous bons, petits et grands, et les Esprits les saisissent tous.
15. Avez-vous fait fortune avec votre faculté, en courant le monde pour donner des séances ? - R. Oh ! demander si un médium fait fortune ! vous vous trompez de route ; mais non.
16. Mais vous ne vous considériez pas comme médium ; vous ne saviez même pas ce que c'était ? - R. Non ; aussi, j'étais étonné que cela me servît si peu pécuniairement ; cela m'a servi moralement, et je préfère mon actif écrit sur le grand livre de Dieu aux rentes que j'aurais eues sur l'État.
17. Nous vous remercions d'avoir bien voulu répondre à notre appel. - R. Vous êtes revenu sur mon compte.
18. Je n'ai pas eu à revenir ; j'ai toujours eu pour vous beaucoup d'estime. - R. Heureusement que je résolvais des questions, sans cela vous ne m'auriez pas regardé.
Remarque. L'identité des Esprits est, comme on le sait, ce qu'il y a de plus difficile à constater ; elle se révèle en général par des circonstances et des détails imprévus, par des nuances délicates qu'une observation attentive peut seule faire saisir et qui prouvent souvent plus que des signes matériels, toujours faciles à imiter par les Esprits trompeurs, tandis qu'ils ne peuvent simuler les capacités intellectuelles ou les qualités morales qui leur manquent. On pourrait donc douter de l'identité en cette circonstance sans l'explication très logique que l'Esprit donne de la différence qui existe entre son caractère actuel et celui qu'il a montré de son vivant ; car la réponse numérique qu'il fait à l'évocation ne peut être regardée comme une preuve authentique. Quelle que soit l'opinion que l'on puisse se former à cet égard au sujet de l'évocation ci-dessus, on ne peut disconvenir qu'à côté de pensées facétieuses, elle en renferme de très profondes ; les réponses aux questions 7 et 16 sont surtout remarquables sous ce rapport. Il en ressort également, ainsi que des réponses données par d'autres Esprits, que l'Esprit de Mondeux a une prédisposition pour les mathématiques ; qu'il a exercé cette faculté dans d'autres existences, ce qui est probable, mais qu'il n'a appartenu à aucune des célébrités de la science. On concevrait difficilement qu'un vrai savant en fût réduit à faire des tours de force de calcul pour amuser le public, sans portée et sans utilité scientifiques. Il y aurait beaucoup plus de motifs de douter de son identité s'il se fût donné pour avoir été un Newton ou un Laplace.

Madame Anaïs Gourdon
Très jeune femme, remarquable par la douceur de son caractère et par les qualités morales les plus éminentes, morte en novembre 1860 ; évoquée sur la demande de son père et de son mari. Elle appartenait à une famille de travailleurs dans les mines de charbon des environs de Saint-Étienne, circonstance importante pour apprécier son évocation.
1. Évocation. - R. Je suis là.
2. Votre mari et votre père m'ont prié de vois appeler, et ils seront très heureux d'avoir de vous une communication. - R. Je suis bien heureuse aussi de la leur donner.
3. Pourquoi avez-vous été enlevée si jeune à l'affection de votre famille ? - R. Parce que je terminais mes épreuves terrestres.
4. Allez-vous les voir quelquefois ? - R. Oh ! je suis sans cesse auprès d'eux.
5. Êtes-vous heureuse comme Esprit ? - R. Je suis heureuse, j'espère, j'attends, j'aime ; les cieux n'ont pas de terreur pour moi, et j'attends avec confiance et amour que les ailes blanches me poussent.
6. Qu'entendez-vous par ces ailes ? - R. J'entends devenir pur Esprit et resplendir comme les messagers célestes qui m'éblouissent.
Remarque. Les ailes des anges, archanges, séraphins qui sont de purs Esprits ne sont évidemment qu'un attribut imaginé par les hommes pour peindre la rapidité avec laquelle ils se transportent, car leur nature éthérée les dispense d'aucun soutien pour parcourir les espaces. Ils peuvent cependant apparaître aux hommes avec cet accessoire pour répondre à leur pensée, comme d'autres Esprits prennent l'apparence qu'ils avaient sur la terre pour se faire reconnaître.
7. Voyez-vous votre beau-frère, mort il y a déjà quelque temps et que nous avons évoqué l'année dernière ? - R. Je l'ai vu lorsque je suis arrivée parmi les Esprits ; je ne le vois plus maintenant.
8. Pourquoi ne le voyez-vous plus ? - R. Je n'en sais rien.
9. Vos parents peuvent-ils faire quelque chose qui vous soit agréable ? - R. Ils peuvent, ces chers êtres, ne plus m'attrister par la vue de leurs regrets, puisqu'ils savent que je ne suis pas perdue pour eux ; que ma pensée leur soit douce, légère et parfumée de leur souvenir. J'ai passé comme une fleur, et rien de triste ne doit subsister de mon rapide passage.
10. D'où vient que votre langage est si poétique et si peu en rapport avec la position que vous aviez sur la terre ? - R. C'est que c'est mon âme qui parle. Oui, j'avais des connaissances acquises, et souvent Dieu permet que des Esprits délicats s'incarnent parmi les hommes les plus rudes pour leur faire pressentir les délicatesses qu'ils atteindront et comprendront plus tard.
Remarque. Sans cette explication si logique, et si conforme à la sollicitude de Dieu pour ses créatures, on se serait difficilement rendu compte de ce qui, au premier abord, pourrait sembler une anomalie. En effet, quoi de plus gracieux et de plus poétique que le langage de l'Esprit de cette jeune femme élevée au milieu des plus rudes travaux ? La contrepartie se voit souvent ; ce sont des Esprits inférieurs incarnés parmi les hommes les plus avancés, mais c'est dans un but opposé ; c'est en vue de leur propre avancement que Dieu les met en contact avec un monde éclairé, et quelquefois aussi pour servir d'épreuve à ce même monde. Quelle autre philosophie peut résoudre de tels problèmes ?

Évocation de M. Gourdon fils aîné
11. Évocation de M. Gourdon fils aîné, déjà évoqué en 1860. - R. Je suis là.
12. Vous rappelez-vous avoir déjà été appelé par moi ? - R. Oui, parfaitement.
13. Comment se fait-il que votre belle-sœur ne vous voie plus ? - R. Elle s'est élevée.
Remarque. A cette question elle avait répondu : Je n'en sais rien ; sans doute par modestie. Maintenant cela s'explique ; d'une nature supérieure, elle appartient à un ordre plus avancé, tandis qu'il est encore retenu sur la terre. Ils suivent des voies différentes.
14. Quelles ont été vos occupations depuis cette époque ? - R. Je me suis avancé dans la voie des connaissances en écoutant les instructions de nos guides.
15. Veuillez, je vous prie, me donner une communication pour votre père qui en sera très heureux. - R. Cher père, ne crois pas tes enfants perdus, et ne souffre pas en regardant nos places vides. Moi aussi j'attends, et je n'ai aucune impatience, puisque je sais que les jours qui s'écoulent sont autant d'échelons gravis qui nous rapprochent l'un de l'autre. Sois grave et recueilli, mais ne sois pas triste, car la tristesse est un reproche muet adressé à Dieu qui veut être loué dans ses œuvres. D'ailleurs, pourquoi souffrir dans cette triste vie où tout s'efface, sauf le bien ou le mal que nous accomplissons. Cher père, courage et confiance !
Remarque. La première évocation de ce jeune homme était empreinte des mêmes sentiments de piété filiale et d'élévation. Elle avait été une immense consolation pour ses parents qui ne pouvaient supporter sa perte. On comprend qu'il a dû en être de même de celle de la jeune femme.

Effets du désespoir

Mort de M. Laferrière, membre de l'Institut. - Suicide de M. Léon L… - La veuve et le médecin.
Pour enregistrer tous les accidents funestes causés par le désespoir, ceux seulement qui arrivent à la connaissance du public, il faudrait des volumes. Que de suicides, de maladies, de morts involontaires, de cas de folie, d'actes de vengeance, de crimes même ne produit-il pas tous les jours ! Une statistique bien instructive serait celle des causes premières qui ont amené le dérangement du cerveau, et l'on verrait que le désespoir y entre au moins pour les quatre cinquièmes ; mais ce n'est pas ce dont nous voulons nous occuper aujourd'hui. Voici deux faits relevés dans les journaux, non à titre de nouvelles, mais comme sujets d'observation.
On lit dans le Siècle du 17 février dernier, au compte rendu des obsèques de M. Laferrière :
« Mardi dernier, nous conduisions à sa dernière demeure, avec quelques amis attristés, une jeune fille de vingt ans, enlevée par une maladie de quelques jours. Le père de cette jeune fille unique était M. Laferrière, membre de l'Institut, inspecteur général des facultés de droit. L'excès de la douleur a foudroyé ce malheureux père, et la résignation de la foi du chrétien est restée impuissante pour sa consolation.
« A trente-six heures de distance, la mort frappait un second coup, et la même semaine qui avait séparé la fille du père les a réunis. Une foule nombreuse et consternée suivait aujourd'hui le cercueil de M. Laferrière. »
M. Laferrière avait des sentiments religieux, dit le journal, et nous aimons à le penser, car il ne faut pas croire que tous les savants soient matérialistes ; et cependant ces sentiments ne l'ont pas empêché de succomber à son désespoir. Nous sommes convaincu que s'il avait eu sur l'avenir des idées moins vagues, plus positives, telles que les donne le Spiritisme ; s'il avait cru à la présence de sa fille auprès de lui ; s'il avait eu la consolation de communiquer avec elle, il aurait compris qu'il n'en était séparé que matériellement et pour un temps donné, et il eût pris patience, s'en remettant à la volonté de Dieu quant au moment de leur réunion ; il se serait calmé par l'idée que son désespoir même était une cause de trouble pour la félicité de l'objet de son affection.
Ces réflexions s'appliquent avec encore plus de raison au fait suivant, qu'on lit dans le Siècle du 1° mars dernier.
« Le sieur Léon L…, âgé de 25 ans, entrepreneur des voitures-omnibus de Villemonble à Paris, avait épousé, il y a environ deux ans, une jeune femme qu'il aimait avec passion. La naissance d'un fils, âgé aujourd'hui d'un an, était venu resserrer encore l'affection des époux, et comme leurs affaires prospéraient, tout semblait leur présager un long avenir de bonheur.
« Il y a quelques mois, la dame L… fut subitement atteinte d'une fièvre typhoïde, et malgré les soins les plus assidus, malgré tous les secours de la science, elle succomba en peu de temps. A partir de ce moment, le sieur L… fut en proie à une mélancolie dont rien ne pouvait le distraire. Souvent on lui entendait dire que la vie lui était odieuse et qu'il irait rejoindre celle qui avait emporté tout son bonheur.
« Hier, revenant de Paris dans son cabriolet, vers sept heures du soir, le sieur L… remit sa voiture entre les mains d'un palefrenier, et, sans dire un mot à personne, entra dans une pièce située au rez-de-chaussée et attenante à la salle à manger. Une heure plus tard, une domestique vint l'avertir que le dîner était servi ; il répondit qu'il n'avait plus besoin de rien ; il était à demi couché sur une table, la tête appuyée dans ses deux mains, et paraissait frappé d'une prostration complète.
« La domestique avertit les parents qui se rendirent auprès de leur fils. Il avait perdu connaissance. On courut chercher le docteur Dubois. A son arrivée, ce médecin constata que Léon n'existait plus. Il s'était empoisonné à l'aide d'une forte dose de laudanum qu'il s'était procuré pour ses chevaux.
« La mort de ce jeune homme a causé une vive impression dans le pays, où il jouissait de l'estime générale. »
M. Léon L… croyait sans doute à la vie future, puisqu'il s'est tué pour aller rejoindre sa femme. S'il avait connu par le Spiritisme le sort des suicidés, il aurait su que loin de hâter le moment de leur réunion, c'était un moyen infaillible de l'éloigner.
A ces deux faits opposons le suivant qui montre l'empire que peuvent avoir les croyances Spirites sur les résolutions de ceux qui les possèdent.
Un de nos correspondants nous transmet ce qui suit :
Une dame de ma connaissance avait perdu son mari dont la mort était généralement attribuée à la faute du médecin. La veuve en conçut contre ce dernier un tel ressentiment, qu'elle le poursuivait sans cesse de ses invectives et de ses menaces, lui disant, partout où elle le rencontrait : « Bourreau, tu ne mourras que de ma main ! » Cette dame était très pieuse et très bonne catholique ; mais c'est en vain qu'on employa pour la calmer les secours de la religion ; ce fut au point que le médecin crut devoir s'adresser à l'autorité pour sa propre sûreté.
Le Spiritisme compte de nombreux adeptes dans la ville habitée par cette dame ; un de ses amis, très bon Spirite, lui dit un jour : - Que penseriez-vous si l'on vous mettait à même de vous entretenir avec votre mari ? - Oh ! dit-elle, si je savais que cela fût possible ! si j'étais sûre de ne l'avoir pas perdu pour toujours, je me consolerais et j'attendrais. On lui en donna bientôt la preuve ; son mari vint lui-même lui donner des conseils et des consolations, et à son langage elle ne put conserver aucun doute sur sa présence auprès d'elle. Dès lors une révolution complète s'opéra dans son esprit ; le calme succéda au désespoir et ses idées de vengeance firent place à la résignation. Huit jours après, elle se rend chez le médecin, fort peu rassuré de cette visite ; mais, au lieu de le menacer, elle lui tend la main en lui disant : « Ne craignez rien, monsieur ; je viens vous prier de me pardonner le mal que je vous ai fait, comme je vous pardonne celui que vous m'avez fait involontairement. C'est mon mari lui-même qui m'a conseillé la démarche que je fais en ce moment ; il m'a dit que vous n'étiez point la cause de sa mort, et j'ai d'ailleurs maintenant la certitude qu'il est près de moi, qu'il me voit et veille sur moi et que nous serons un jour réunis. Ainsi, monsieur, ne m'en veuillez plus, comme, de mon côté, je ne vous en yeux plus. » Inutile de dire que le médecin accepta avec empressement la réconciliation, et qu'il eut hâte de s'enquérir de la cause mystérieuse à laquelle il devait désormais sa tranquillité. Ainsi, sans le Spiritisme, cette dame eût probablement commis un crime, toute religieuse qu'elle était. Cela prouve-t-il l'inutilité de la religion ? Non, pas le moins du monde, mais seulement l'insuffisance des idées qu'elle nous donne de l'avenir, qu'elle nous présente comme tellement vague, qu'il laisse chez beaucoup une sorte d'incertitude, tandis que le Spiritisme, en le faisant pour ainsi dire toucher du doigt, fait naître dans l'âme une confiance et une sécurité plus complètes.
Au père qui a perdu son enfant, au fils qui a perdu son père, au mari qui a perdu une épouse adorée, quelle consolation donne le matérialiste ? Il dit : Tout est fini ; de l'être qui vous était si cher, il ne reste rien, absolument rien que ce corps qui avant peu sera dissous ; mais de son intelligence, de ses qualités morales, de l'instruction qu'il avait acquise, rien, tout cela est le néant ; vous l'avez perdu pour toujours. Le Spirite, dit : De tout cela rien n'est perdu ; tout existe ; il n'y a de moins que l'enveloppe périssable, mais l'Esprit dégagé de sa prison est rayonnant ; il est là, près de vous, qui vous voit, vous écoute et vous attend. Oh ! que les matérialistes font de mal en inoculant par leurs sophismes le poison de l'incrédulité ! Ils n'ont jamais aimé, autrement pourraient-ils voir de sang-froid les objets de leur affection réduits à un tas de poussière ? Aussi est-ce pour eux que Dieu semble réserver ses plus grandes rigueurs, car nous les voyons tous réduits à la plus déplorable position dans le monde des Esprits, et Dieu est d'autant moins indulgent pour eux qu'ils ont été plus à même de s'éclairer.

Dissertations et enseignements spirites

Par dictées spontanées

Beaucoup d'appelés et peu d'élus
(Obtenu par M. d'Ambel, médium de la Société.)
Cette maxime évangélique doit s'appliquer avec bien plus de raison aux temps actuels qu'aux premiers temps du christianisme.
En effet, n'entendez-vous pas déjà fermenter la tempête qui doit emporter le vieux monde et engloutir dans le néant la somme des iniquités terrestres ? Ah ! bénissez le Seigneur, vous qui avez mis votre foi en sa souveraine justice, et qui, nouveaux apôtres de la croyance révélée par les voix prophétiques supérieures, allez prêcher le dogme nouveau de la réincarnation et de l'élévation des Esprits, suivant qu'ils ont bien ou mal accompli leurs missions, et supporté leurs épreuves terrestres.
Ne tremblez plus ! les langues de feu sont sur vos têtes. O adeptes du Spiritisme, vous êtes les élus de Dieu ! Allez et prêchez la parole divine. L'heure est venue où vous devez sacrifier à sa propagation vos habitudes, vos travaux, vos occupations futiles. Allez et prêchez ; les Esprits d'en haut sont avec vous. Certes vous parlerez à des gens qui ne voudront point écouter la voix de Dieu, parce que cette voix les rappelle sans cesse à l'abnégation ; vous prêcherez le désintéressement aux avares, l'abstinence aux débauchés, la mansuétude aux tyrans domestiques comme aux despotes : paroles perdues, je le sais ; mais qu'importe ! Il faut arroser de vos sueurs le terrain que vous devez ensemencer, car il ne fructifiera et ne produira que sous les efforts réitérés de la bêche et de la charrue évangéliques. Allez et prêchez !
Oui, vous tous, hommes de bonne foi, qui croyez à votre infériorité en regardant les mondes espacés dans l'infini, partez en croisade contre l'injustice et l'iniquité. Allez et renversez ce culte du veau d'or, chaque jour de plus en plus envahissant. Allez, Dieu vous conduit ! Hommes simples et ignorants, vos langues seront déliées, et vous parlerez comme aucun orateur ne parle. Allez et prêchez, et les populations attentives recueilleront avec bonheur vos paroles de consolation, de fraternité, d'espérance et de paix.
Qu'importent les embûches qui seront jetées sur votre chemin ! les loups seuls se prendront aux pièges à loup, car le pasteur saura défendre ses brebis contre les bouchers sacrificateurs.
Allez, hommes grands devant Dieu, qui, plus heureux que saint Thomas, croyez sans demander à voir, et acceptez les faits de la médianimité quand même vous n'avez jamais réussi à en obtenir vous-mêmes ; allez, l'Esprit de Dieu vous conduit.
Marche donc en avant, phalange imposante par ta foi et par ton petit nombre ! Marche ! et les gros bataillons des incrédules s'évanouiront devant toi comme les brouillards du matin aux premiers rayons du soleil levant.
La foi est la vertu qui soulèvera les montagnes, vous a dit Jésus ; mais plus lourdes que les plus lourdes montagnes gît dans le cœur des hommes l'impureté et tous les vices de l'impureté. Partez donc avec courage pour soulever cette montagne d'iniquités que les générations futures ne doivent connaître qu'à l'état de légende, comme vous ne connaissez vous-mêmes que très imparfaitement la période des temps antérieurs à la civilisation païenne.
Oui, les bouleversements moraux et philosophiques vont éclater sur tous les points du globe ; l'heure approche où la lumière divine apparaîtra sur les deux mondes.
Allez donc, et portez la parole divine : aux grands qui la dédaigneront, aux savants qui en demanderont la preuve, aux petits et aux simples qui l'accepteront, car c'est surtout parmi les martyrs du travail, cette expiation terrestre, que vous trouverez la ferveur et la foi. Allez ; ceux-ci recevront avec des cantiques d'actions de grâce et en chantant les louanges de Dieu la consolation sainte que vous leur apporterez, et ils s'inclineront en le remerciant du lot de leurs misères terrestres.
Que votre phalange s'arme donc de résolution et de courage ! A l'œuvre ! la charrue est prête ; la terre attend ; il faut labourer.
Allez, et remerciez Dieu de la tâche glorieuse qu'il vous a confiée ; mais songez que parmi les appelés au Spiritisme beaucoup se sont fourvoyés ; regardez donc votre route et suivez la voie de la vérité.
D. Si beaucoup d'appelés au Spiritisme se sont fourvoyés, à quel signe reconnaître ceux qui sont dans la bonne voie ? - R. Vous les reconnaîtrez aux principes de véritable charité qu'ils professeront et pratiqueront ; vous les reconnaîtrez au nombre des affligés auxquels ils auront apporté les consolations ; vous les reconnaîtrez à leur amour pour leur prochain, à leur abnégation, à leur désintéressement personnel ; vous les reconnaîtrez enfin au triomphe de leurs principes, car Dieu veut le triomphe de sa loi ; ceux qui suivent sa loi sont ses élus, et il leur donnera la victoire, mais il écrasera ceux qui faussent l'esprit de cette loi et s'en font un marchepied pour satisfaire leur vanité et leur ambition.
Éraste, Ange gardien du médium

Occupations des Esprits
(Médium, madame Costel.)
Les occupations des Esprits du second ordre consistent à se préparer aux épreuves qu'ils auront à subir par des méditations sur leurs vies passées, et des observations sur les destinées des humains, leurs vices, leurs vertus, ce qui peut les perfectionner ou les faire faillir. Ceux qui ont comme moi le bonheur d'avoir une mission s'en occupent avec d'autant plus de zèle et d'amour, que l'avancement des âmes qui leur sont confiées leur est compté comme un mérite ; ils s'efforcent donc de leur suggérer de bonnes pensées, d'aider leurs bons mouvements, et d'écarter les Esprits mauvais en opposant leur douce influence aux influences nuisibles. Cette occupation intéressante, surtout quand on est assez heureux pour diriger un médium et avoir des communications directes, ne détourne pas du soin et du devoir de se perfectionner.
Ne crois pas que l'ennui puisse atteindre un être qui ne vit que par l'esprit et dont toutes les facultés tendent vers un but, qu'il sait éloigné mais certain. L'ennui ne résulte que du vide de l'âme et de la stérilité de la pensée ; le temps, si lourd pour vous qui le mesurez par vos craintes puériles ou vos frivoles espérances, ne fait pas sentir sa marche à ceux qui ne sont assujettis ni aux agitations de l'âme, ni aux besoins du corps. Il passe encore plus vite pour les Esprits purs et supérieurs que Dieu charge de l'exécution de ses ordres et qui parcourent les sphères d'un vol rapide.
Quant aux Esprits inférieurs, surtout ceux qui ont de lourdes fautes à expier, le temps se mesure par leurs regrets, leurs remords et leurs souffrances. Les plus pervers d'entre eux cherchent à y échapper en faisant le mal, c'est-à-dire en le suggérant. Ils éprouvent alors cette âpre et fugitive satisfaction du malade qui gratte sa plaie et ne fait qu'augmenter sa douleur. Aussi leurs souffrances s'augmentent de telle sorte qu'ils finissent fatalement par en chercher le remède, qui n'est autre que le retour au bien.
Les pauvres Esprits, qui n'ont été coupables que par faiblesse ou par ignorance, souffrent de leur inanité, de leur isolement. Ils regrettent leur enveloppe terrestre, quelque douleur qu'elle leur ait apportée ; ils se révoltent et se désespèrent jusqu'au moment où ils s'aperçoivent que la résignation et une ferme volonté de revenir au bien peuvent seules les soulager ; ils s'apaisent et comprennent que Dieu n'abandonne aucune de ses créatures.
Marcillac, Esprit familier.

La débauche
(Envoi de M. Sabo, de Bordeaux.)
Le choix des bons auteurs est très utile, et ceux qui exercent leur empire sur vous en excitant l'imagination pour les folles passions humaines, ne font que corrompre le cœur et l'esprit. En effet, ce n'est pas chez les apologistes de l'orgie, de la débauche, de la volupté, chez ceux qui préconisent les jouissances matérielles, qu'on peut puiser des leçons d'amélioration morale. Songez donc, mes amis, que si Dieu vous a donné des passions, c'est dans le but de vous faire concourir à ses desseins, et non pour les satisfaire comme la brute. Sachez que si vous dépensez votre vie en folles jouissances qui ne laissent que du remords et du vide dans le cœur, vous n'agissez pas selon les vues de Dieu. S'il vous est donné de reproduire l'espèce humaine, c'est que des milliers d'Esprits errants attendent dans l'espace la formation des corps dont ils ont besoin pour recommencer leur épreuve, et qu'en usant vos forces dans d'ignobles voluptés, vous allez à l'encontre des vues de Dieu, et votre châtiment sera grand. Bannissez donc ces lectures dont vous ne tirez aucun fruit ni pour votre intelligence, ni pour votre perfectionnement moral. Que les écrivains sérieux de tous les temps et de tous les pays vous fassent connaître le beau et le bien ; qu'ils élèvent votre âme par le charme de la poésie et vous apprennent l'utile emploi des facultés dont le créateur vous a doués.
Félicia, Fille du médium.

Remarque. N'y a-t-il pas quelque chose de profond et de sublime dans cette idée qui donne à la reproduction du corps un but si élevé ? Les Esprits errants attendent ces corps dont ils ont besoin pour leur propre avancement, et que les Esprits incarnés sont chargés de reproduire, comme l'homme attend le produit de la fabrication de certains animaux pour se vêtir et se nourrir.
Il en ressort un autre enseignement d'une haute gravité. Si l'on n'admet pas que l'âme a déjà vécu, il faut de toute nécessité qu'elle soit créée au moment de la formation et pour l'usage de chaque corps ; d'où il suit que la création de l'âme par Dieu serait subordonnée au caprice de l'homme, et la plupart du temps le résultat de la débauche. Comment ! Toutes les lois religieuses et morales condamnent la dépravation des mœurs, et Dieu en profiterait pour créer des âmes ! Nous demandons à tout homme de bon sens s'il est admissible que Dieu se contredise à ce point ? Ne serait-ce pas glorifier le vice puisqu'il servirait à l'accomplissement des vues les plus élevées du Tout-Puissant : la création des âmes ? Qu'on nous dise si telle ne serait pas la conséquence de la formation simultanée des âmes et des corps ; et ce serait bien pire encore si l'on admettait l'opinion de ceux qui prétendent que l'homme procrée l'âme en même temps que le corps. Admettez au contraire la préexistence de l'âme, et toute contradiction cesse. L'homme ne procrée que la matière du corps, et l'œuvre de Dieu, la création de l'âme immortelle qui doit un jour se rapprocher de lui, n'est plus soumise au caprice de l'homme. C'est ainsi, en dehors de la réincarnation, des difficultés insolubles surgissent à chaque pas, et qu'on tombe dans la contradiction et l'absurde quand on veut les expliquer ; aussi le principe de l'unité d'existence corporelle pour décider sans retour des destinées futures de l'homme perd-il chaque jour du terrain et des partisans ; nous pouvons donc dire avec assurance qu'avant peu le principe contraire sera universellement admis, comme le seul logique, le seul conforme à la justice de Dieu, et proclamé par le Christ lui-même quand il dit : Je vous dis qu'il faut que vous naissiez plusieurs fois avant d'entrer dans le royaume des cieux.

Sur le périsprit
Dictée spontanée à propos d'une discussion qui venait d'avoir lieu à la Société sur la nature de l'Esprit et du Périsprit. Méd. M. A. Didier.
J'ai suivi avec intérêt la discussion qui s'est développée à l'instant et vous a mis dans un si grand embarras. Oui, les mots manquent de couleur et de forme pour exprimer le périsprit et sa véritable nature ; mais il y a une chose certaine, c'est que ce que les uns nomment périsprit n'est pas autre chose que ce que les autres appellent enveloppe fluidique, matérielle. Quand on discute de pareilles questions, ce ne sont pas les phrases qu'il faut chercher, ce sont les mots. Je dirai, pour me faire comprendre d'une manière plus logique, que ce fluide est la perfectibilité des sens et l'extension de la vue et des idées ; je parle ici des Esprits élevés. Quant aux Esprits inférieurs, les fluides terrestres sont encore complètement inhérents à eux ; donc c'est matière, comme vous voyez ; de là les souffrances de la faim, du froid, etc., souffrances que ne peuvent endurer des Esprits supérieurs, attendu que les fluides terrestres sont épurés autour de la pensée, c'est-à-dire de l'âme. L'âme, pour son progrès, a toujours besoin d'un agent ; l'âme sans agent n'est rien pour vous, ou, pour mieux dire, ne peut être conçue par vous. Le périsprit, pour nous autres Esprits errants, est l'agent par lequel nous communiquons avec vous, soit indirectement par votre corps ou votre périsprit, soit directement par votre âme ; de là les infimes nuances de médiums et de communications. Maintenant reste le point de vue scientifique, c'est-à-dire l'essence même du périsprit ; ceci est une autre affaire. Comprenez d'abord moralement ; il ne reste plus qu'une discussion sur la nature des fluides, ce qui est inexplicable pour le moment ; la science ne connaît pas assez, mais on y arrivera si la science veut marcher avec le Spiritisme.
Lamennais.

L'Ange Gabriel
Evocation d'un bon Esprit, par madame de X…, à Soultz, Haut-Rhin.
Je suis Gabriel, l'ange du Seigneur qui me charge de vous bénir, non pour vos mérites, mais pour les efforts que vous faites pour en acquérir.
La vie doit être un combat ; il ne faut jamais s'arrêter, jamais balancer entre le bien et le mal ; l'hésitation déjà vient de Satan, c'est-à-dire des mauvais Esprits. Courage, donc ! et plus vous trouverez d'épines sur votre route, plus il vous faudra d'efforts pour la poursuivre. Si elle était semée de roses, quel mérite auriez-vous devant Dieu ? Chacun a son calvaire sur la terre, mais tous ne le parcourent pas avec cette douce résignation dont Jésus vous a donné l'exemple. Elle a été si grande que les anges en ont été émus ! Et les hommes ! à peine s'ils donnent une larme à tant de douleurs ! O dureté du cœur humain ! Méritiez-vous un pareil sacrifice ? Jetez votre front dans la poussière, et criez miséricorde au Dieu mille fois bon, mille fois doux, mille fois miséricordieux ! Un regard, ô mon Dieu ! sur votre ouvrage, sans cela il périra ! Son cœur n'est pas à la hauteur du vôtre ; il ne peut comprendre cet excès d'amour de votre part. Ayez pitié ; ayez mille fois pitié de sa faiblesse. Relevez son courage par des pensées qui ne peuvent venir que de vous. Bénissez-les surtout, afin qu'elles portent des fruits dignes de votre immense grandeur !
Hosanna au plus haut des cieux ! et paix aux hommes de bonne volonté !
C'est ainsi que je terminerai les paroles que Dieu m'a ordonné de vous transmettre.
Soyez bénis dans le Seigneur, afin de vous réveiller un jour dans son sein.
Réveillez-vous.
(Société spirite de Paris. Médium madame Costel.)
Je te parlerai des symptômes et des prédictions qui, de toutes parts, annoncent la venue des grands événements que notre siècle recèle. Par une touchante bonté, les Esprits, messagers de Dieu, avertissent l'Esprit des hommes, comme les douleurs avertissent la mère de sa prochaine délivrance. Ces signes, souvent méprisés, et pourtant toujours justifiés, se multiplient à l'infini en ce moment. Pourquoi sentez-vous tous l'Esprit prophétique agiter vos cœurs et ébranler vos consciences ? Pourquoi les incertitudes ? pourquoi les défaillances qui troublent les cœurs ? pourquoi le réveil de l'esprit public qui partout arbore sa fière bannière ? Pourquoi ? c'est que les temps sont venus ; c'est que le règne du matérialisme craque, et va s'écrouler ; c'est que les jouissances du corps, bientôt méprisées, vont faire place au règne de l'idée ; c'est que l'édifice social est vermoulu, et qu'il va faire place à la jeune et triomphante légion des idées Spirites qui féconderont les consciences stériles et les cœurs muets.
Que ces paroles incessantes répétées ne vous trouvent pas distraits et indifférents ; recueillez, après que le laboureur a semé, les précieux épis qui naîtront ; ne vous dites pas : la vie suit son cours et une marche normale ; nos pères n'ont rien vu de ce qu'on nous annonce aujourd'hui : nous ne verrons pas plus qu'eux. Adorons ce qu'ils ont adoré, ou plutôt remplaçons l'adoration par de vaines formules, et tout sera bien. En parlant ainsi, vous dormez ; réveillez-vous, car ce n'est pas la trompette du jugement dernier qui éclatera à vos oreilles, mais la voix de la vérité ; il ne s'agit pas de la mort vaincue et humiliée, il s'agit de la vie présente, ou plutôt de la vie éternelle ; ne l'oubliez pas, et réveillez-vous.
Helvétius

Le génie et la misère
(Société spirite de Paris. Méd. M. Alfred Didier.)
Il y a une épreuve bien grande sur terre, et sur laquelle la morale du Spiritisme doit surtout appuyer, c'est cette épreuve affreuse de l'homme de génie, de celui surtout qui est doué de facultés supérieures, en proie aux exigences de la misère. Ah ! oui ; cette épreuve morale, cette misère de l'intelligence, bien plus que celle du corps, sera le mérite le plus grand pour l'homme qui aura accompli sa mission. Comprenez-vous cette lutte incessante du talent contre la misère, cette harpie qui se jette sur vous pendant le festin de la vie, semblable au monstre de Virgile, et qui dit à toutes ses victimes : Vous êtes puissants, mais moi qui vous tue, c'est moi qui renvoie au néant les dons de votre intelligence, car je suis la mort du génie. Je le sais, quelques-uns seulement sont vaincus ; mais les autres, combien sont-ils ? Il y a un peintre de l'école moderne qui a conçu ainsi ce sujet. Un être, le génie, dont les ailes se déploient, et dont les regards sont du côté du soleil ; il s'enlève presque, et retombe sur un rocher où sont fixées des chaînes de fer qui le retiendront peut-être pour toujours. L'homme qui a vu ce rêve a peut-être été enchaîné, lui aussi, et peut-être après sa délivrance s'est-il souvenu de ceux qu'il laissait pour toujours sur le rocher.
Gérard de Nerval.

Transformation
(Société Spirite de Paris. Médium madame Costel.)
Je viens te parler de la chose qui importe le plus, dans cette époque de crise et de transformation ; au moment où les nations revêtent la robe virile, au moment où le ciel dévoilé vous montre, nageant dans les espaces infinis, les Esprits de ceux que vous croyiez dispersés comme des molécules ou servant de pâture aux vers ; à ce moment solennel, il faut que, s'armant de la foi, l'homme ne marche plus à tâtons dans les ténèbres de la personnalité et du matérialisme. Comme jadis les bergers, guidés par une étoile, venaient adorer l'Enfant-Dieu, il faut que l'homme, guidé par la brillante aurore du Spiritisme, marche enfin vers la terre promise de la liberté et de l'amour ; il faut que, comprenant le grand mystère, il sache que le but harmonieux de la nature, son rhythme admirable, sont les modèles de l'humanité. Dans cette étonnante diversité qui confond les Esprits, distinguez la parfaite similitude des rapports entre les choses créées et les êtres créés, et que cette puissante harmonie vous initie tous, hommes d'action, poètes, artistes, ouvriers, à l'union dans laquelle doivent se fondre les efforts communs pendant le pèlerinage de la vie. Caravanes assaillies par les orages et les adversités, tendez-vous des mains amies, et marchez les yeux fixés vers le Dieu juste qui récompense au centuple celui qui aura soulagé le faible et l'opprimé.
Georges.

La séparation de l'Esprit
(Envoi de M. Sabo, de Bordeaux.)
Corps de boue, foyer de corruption où fermente le levain des passions impures ; ce sont ses organes qui souvent entraînent l'Esprit à prendre part aux sensations brutales qui sont du ressort de la matière. Quand le principe de la vie organique s'éteint par un des mille accidents auxquels est sujet le corps, l'Esprit se dégage des liens qui le retenaient à sa prison fétide, et le voilà libre dans l'espace.
Cependant il arrive que quand il est ignorant, et surtout quand il est bien coupable, un voile épais lui cache les beautés du séjour qu'habitent les bons Esprits, et il se trouve ou seul, ou en société d'Esprits méchants et inférieurs, dans un cercle qui ne lui permet ni de voir où il arrive, ni de se rappeler d'où il vient ; alors il est inquiet, souffrant, mal à l'aise, jusqu'à ce que, dans un temps plus ou moins long, ses frères les Esprits viennent l'éclairer sur sa position, et lui ouvrent les yeux pour qu'il se rappelle le monde des Esprits qu'il a habité, et les différentes planètes où il subira ses diverses incarnations ; si la dernière a été bien conduite, elle lui ouvre les portes des mondes supérieurs, et si elle a été inutile et remplie d'iniquités, il est puni par le remords, et après que l'Esprit a fléchi la colère de Dieu par son repentir et la prière de ses frères, il recommence à vivre, ce qui n'est pas un bonheur, mais un châtiment ou une épreuve.
Ferdinand, Esprit familier.

Allan Kardec

 

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