Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


CHAPITRE IV
L'automatisme dans ses rapports avec la télépathie et l'extériorisation de l'âme humaine

 

Sommaire : Différence qui existe entre l'automatisme et la médiumnité.La télépathie est l'action à distance d'une âme sur une autre, sans intermédiaire matériel. Ses formes diverses. Impression télépathique sous forme de pressentiment. Impression télépathique qui détermine une impulsion irrésistible. Impression télépathique auditive pendant le sommeil ordinaire. Impression télépathique visuelle à l'état normal. Contrôle des faits par la S. P. R.. - Annonce d'une mort par l'écriture automatique. - Télégramme psychique en Russie. - Signature de l'esprit d'un vivant, obtenue par un médium. - Rapports de la télépathie et de l'automatisme. - Télégraphie intellectuelle. - En Amérique. - Evocation de personnes vivantes. - Les enseignements d'Allan Kardec. - Sensations auditive et tactile produites par une apparition. - Esprit d'une jeune personne habitant Paris se manifestant à Saint-Malo. - Identité d'un esprit incarné. - Résumé de tous les faits vus jusqu'alors, qui ont conduit de l'automatisme à la médiumnité. -

Automatisme et médiumnité

Dans toutes les variétés d'automatismes graphiques étudiées jusqu'alors, c'est toujours l'esprit du sujet qui est l'auteur des messages, même lorsque sa faculté n'est mise en oeuvre que sous l'influence d'une suggestion extérieure, orale ou mentale, (écritures post-hypnotiques de Lucie ou de Léonie, citées par M. Janet, ou celles de Mme Newnham.) Maintenant, il nous faut examiner les cas où l'esprit du sujet est neutre et dans lesquels l'écriture nous fait connaître des idées étrangères à l'écrivain, émanant d'une autre intelligence vivante agissant à distance.
La différence est profonde entre ces deux phénomènes, bien qu'ils se ressemblent beaucoup extérieurement, puisqu'ils se traduisent extérieurement d'une façon identique par l'écriture mécanique.
Dans l'automatisme pur, c'est l'âme elle-même du sujet qui est active, qui agit spontanément, comme nous le faisons nous-mêmes constamment, et c'est simplement la mémoire et le mode d'extériorisation de ces idées qui diffère ; au contraire, dans l'automatisme qui ne reproduit que des idées suggérées, l'esprit du sujet est passif ; il devient un véritable intermédiaire, un médium chargé de traduire par l'écriture des idées étrangères dont il n'est que le récepteur. Il importe peu, au point de vue du mécanisme, que l'onde psychique qui lui parvient émane d'un vivant ou d'un mort ; le fait essentiel est qu'il soit capable de la reproduire graphiquement. Si donc nous pouvons montrer que l'action extra-sensorielle d'un esprit sur un autre peut s'objectiver par l'écriture, l'existence de la médiumnité sera incontestable. C'est ici que les travaux des psychologues anglais nous sont d'un grand secours, car ils ont mis hors de doute l’influence extra-sensorielle qu'un être humain peut exercer sur un autre dans certaines conditions spéciales.

La télépathie

L'action à distance de l'esprit d'un vivant sur un autre, sans intermédiaire matériel, constitue ce que l'on nomme la télépathie. La suggestion mentale n'est qu'un cas particulier d'une loi très générale dont la démonstration nous a été faite par la Société anglaise de Recherches psychiques. Mais tandis que dans les expériences que nous avons relatées au chapitre précédent la pensée de l'opérateur, concentrée sur une idée spéciale, se transmet au sujet et éveille en lui une idée semblable, dans la télépathie, l'onde psychique qui émane de l'agent peut, en arrivant au percipient, subir des modifications assez variées et se présenter sous forme de pressentiment, d'impulsion irrésistible, de rêves, d'hallucinations visuelles, auditives ou tactiles. Nous n'avons pas à rechercher ici pourquoi de semblables modifications de la pensée étrangère sont produites, mais nous pouvons supposer que c'est au type sensoriel auquel appartient le percipient qu'elles sont dues. Nous savons[1] qu'il existe des types sensoriels bien différents les uns des autres, c'est-à-dire que certaines personnes utilisent plus volontiers, et presque exclusivement, une classe particulière de sensations, tantôt visuelles, tantôt auditives, tantôt motrices. Chez tous ceux qui n'appartiennent pas au type indifférent, c'est-à-dire qui n'usent pas indistinctement de toutes les sortes d'images, il se produit une spécification ; l'intelligence n'utilise qu’une espèce de sensations et néglige les autres, de manière qu’un écrivain, par exemple, verra idéalement se mouvoir les personnages de son récit, tandis qu'un autre les entendra causer.

"Quand j'écris une scène, disait Legouvé à Scribe, j'entends, vous vous voyez ; à chaque phrase que j'écris, la voix du personnage qui parle frappe mon oreille. Vous qui êtes le théâtre même, vos acteurs marchent, s'agitent sous vos yeux ; je suis auditeur, vous, spectateur. Rien de plus juste, dit Scribe : savez-vous où je suis quand j'écris une pièce ? Au milieu du parterre[2] ."

D'autres sont des moteurs ; ils font usage, pour la mémoire, le raisonnement et toutes les autres opérations intellectuelles, d'images qui dérivent du mouvement. C'est très probablement chez ces personnes, que l'on trouve les bons médiums mécaniques, la pensée ayant tendance à se traduire par les images motrices de l'écriture. Quoi qu'il en soit de notre hypothèse, ce qui demeure acquis, c'est la très grande variété des manifestations télépathiques.
Il serait bien intéressant de placer sous les yeux du lecteur une collection complète de ces phénomènes ; mais, ici encore, le cadre restreint de notre ouvrage ne nous permet que quelques maigres citations ; nous sommes donc obligés de renvoyer les personnes désireuses de pousser plus loin cette étude aux documents publiés par la Société Anglaise de Recherches psychiques, dont le livre français intitulé : Les Hallucinations télépathiques[3] donne 150 extraits, pris parmi les 700 cas relatés dans l'édition anglaise : The fantasms of the livings, et les 2 000 observations enregistrées dans les Proceedings.
De tout temps on a observé des phénomènes analogues, comme en fait foi la lecture des auteurs anciens. Mais les récits qui les relataient manquaient de cette précision scientifique méticuleuse, sans laquelle aucune narration ne paraît digne de confiance. Cette lacune a été comblée par la Société de Recherches psychiques qui en a réuni un nombre considérable, qui les a vérifiés scrupuleusement, discuté la valeur des témoignages, éliminé ceux qui pouvaient s'expliquer par des causes naturelles ou qui n'étaient pas suffisamment appuyés par des témoignages et des documents contemporains de l'évènement relaté. C'est pour cela que ceux qui ont résisté à cet affinage sont absolument dignes de créance, et forment un recueil très riche d'observations scientifiques de la plus haute valeur. Nous sommes d'autant plus autorisés à leur attribuer ce caractère que d'autres enquêtes, faites récemment, comme celle de Flammarion, confirment sur tous les points les conclusions des auteurs Anglais. Les voici[4] :

"1° - L'expérience prouve que la télépathie, c'est-à-dire la transmission des pensées et des sentiments d'un esprit à un autre sans l'intermédiaire des organes des sens, est un fait.
2° - Le témoignage prouve que des personnes qui traversent quelque crise grave ou qui vont mourir apparaissent à leurs amis et à leurs parents, ou se font entendre par eux avec une fréquence telle que le hasard seul ne peut expliquer les faits.
3° - Ces apparitions sont des exemples de l'action supra-sensible d'un esprit sur un autre."


Voici un seul exemple de chaque genre de ces phénomènes télépathiques que le traducteur français du livre les Fantômes de vivants, appelle à tort des hallucinations télépathiques.

Impression télépathique sous forme de pressentiment

M le Dr Olivier médecin à Hulgoat (Finistère) écrit[5] :

"Le 10 octobre 1881, je fus appelé pour service médical à la campagne à trois lieues de chez moi. C'était au milieu de la nuit, une nuit très sombre. Je m'engageai dans un chemin creux, dominé par des arbres venant former une voûte au dessus de la route. La nuit était si noire que je ne voyais pas pour conduire mon cheval.
Je laissai l'animal se diriger suivant son instinct. Il était environ 9 heures ; le sentier dans lequel je me trouvais était parsemé de grosses pierres rondes et présentait une pente très rapide. Le cheval allait au pas très lentement. Tout à coup les pieds de l'animal fléchissent et il tombe subitement, la bouche portant sur le sol. Je fus projeté naturellement par dessus sa tête, mon épaule porta à terre et je me fracturai une clavicule.
En ce moment même, ma femme qui se déshabillait chez elle et était prête à se mettre au lit, eut un pressentiment intime qu’il venait de m'arriver un accident ; un tremblement nerveux la saisit, elle se mit à pleurer et appela la bonne : « venez vite, j'ai peur, il est arrivé quelque malheur ; mon mari est mort ou blessé. » Jusqu’à mon arrivée elle retint la domestique près d'elle et ne cessa de pleurer. Elle voulait envoyer un homme à ma recherche, mais elle ne savait pas dans quel village j'étais allé. Je rentrai chez moi vers une heure du matin. J'appelai le domestique pour desseller mon cheval. « Je suis blessé, lui dis-je, je ne puis bouger l'épaule. »
Le pressentiment de ma femme était confirmé."


Notons que l'impression télépathique s'est fait sentir juste au moment où se produisit l'accident.

Impression télépathique qui détermine une impulsion irrésistible

M Skirving, maître maçon de la cathédrale de Winchester, rapporte ce qui suit[6] :

"Un jour je travaillais à la porte de Régents Park, à l'est du jardin géologique. La distance de ma maison était trop grande pour rentrer pour les repas. J'emportais donc ma nourriture avec moi, et c'est pour cela que je n'avais pas besoin de quitter mon travail pendant la journée. Un certain jour, cependant, je sentis un besoin intense de rentrer chez moi. Comme je n'avais rien à faire chez moi, je tâchai de me débarrasser de ce désir, mais il m'était impossible d'y réussir. Le désir de rentrer chez moi augmenta de minute en minute. Il était dix heures du matin et il n'y avait rien qui pût me rappeler de mon travail à cette heure-là. Je devins inquiet et mal à mon aise. Je sentis que je devais m'en aller, même au risque d’être ridiculisé par ma femme. Je ne pouvais donner aucune raison de quitter mon travail et de perdre six pences l'heure pour une bêtise. Toutefois je ne pus rester ; je partis pour la maison, mû par une impulsion à laquelle je ne pouvais résister.
Lorsque j'arrivai devant la porte de ma maison, je frappai ; la soeur de ma femme m'ouvrit. C'était une femme mariée qui demeurait quelques rues plus loin. Elle avait l'air d'être surprise et dit. « Eh bien, Skirving, comment est-ce que vous le savez ? — Savez quoi ? Lui dis-je. — Eh bien, à propos de Mary Ann. » Je lui dis : « je ne sais rien sur Mary Ann. » — « Alors qu'est-ce qui vous ramène à cette heure-ci ? » Je lui répondis : « je peux à peine vous le dire. Il me semblait que l'on avait besoin de moi à la maison. Mais, qu'est-ce qui est arrivé ? » Demandai-je. Elle me raconta qu'un fiacre avait passé sur ma femme, il y avait peut-être une heure, et que ma femme était sérieusement blessée. Elle n'avait pas cessé de m'appeler depuis son accident ; elle avait alors des crises, elle venait d'en avoir pulsieurs de suite ; je montai et, quoiqu'elle fût bien malade, elle me reconnut tout de suite. Elle me tendit les bras, les enlaça autour de mon cou et posa sa tête sur ma poitrine. Les crises passèrent immédiatement et ma présence la calma. Sa soeur me raconta qu'elle avait poussé des cris à faire pitié pour me faire venir auprès d'elle, bien qu'il n'y eût pas la moindre possibilité que je viendrais. Ce court récit n'a qu'un mérite, c'est qu'il est strictement vrai.
Interrogé pour savoir si l'heure de l'accident a coïncidé avec son désir de rentrer chez lui, M. Skirving a répondu :
« Je demandai à la soeur de ma femme l'heure à laquelle l'accident avait eu lieu, et elle me dit : « une heure et demie » — c'est-à-dire avant mon arrivée. Or cette heure coïncidait exactement avec l'heure où je désirais quitter mon travail. Il me fallait une heure pour arriver chez moi, et avant de partir j'avais bien lutté une demi-heure pour vaincre le désir de m'en aller. »


Ici encore la coïncidence est remarquable.

Impression télépathique auditive pendant le sommeil

Ce récit est emprunté à une lettre écrite par M. Henri C. Field, ingénieur civil et directeur des travaux à Tutatihika, Wanganni, Nouvelle Zélande[7] adressée à son frère le révérend Austin Field, pasteur à Pool-Quay, Welshpool.

" J'ai été vivement intéressé par le récit de la dernière maladie de notre mère et j'ai été particulièrement frappé par une circonstance. Elle a prononcé mon nom, et, bien qu'éloigné, je l'ai entendue. Je n'ai pas l'habitude de rêver et je ne crois pas exagérer en disant que je n'ai pas rêvé 12 fois depuis mon mariage, c'est-à-dire depuis vingt-trois ans. On suppose généralement que les rêves sont la conséquence d'une préoccupation de l'esprit ou d'une impression temporaire et violente. Rien n'avait pu m'impressionner qui se rappor tât à ma mère.
Notre première exposition d'horticulture eut lieu le 27 novembre. Je gagnai divers prix, et, après la clôture, à dix heures du soir, il me fallut rapporter chez nous quelques-unes des plus petites pièces exposées, et je dus prendre des arrangements pour que le reste me fût amené le matin suivant. Il était près de minuit lorsque j'arrivai chez moi. Les seuls objets dont nous parlâmes, X... et moi, se rapportaient à l'exposition et à des faits d'intérêt local. Si donc quelque chose m'avait préoccupé au moment où je m'étais endormi, cela aurait dû se rapporter à un des objets mdntionnés ci-dessus.
J'ignore depuis combien de temps je dormais, mais mon premier sommeil était passé, et j'étais couché, à demi réveillé, à demi endormi, lorsque j'entendis distinctement la voix de ma mère qui m'appelait faiblement : « Harry, Harry. »
Quand le jour vint et que je réfléchis à ce qui s'était passé, je demandai comment j'avais pu imaginer une pareille chose. Notre oncle C... et sa famille m'appelait Harry, et l'oncle B... faisait quelquefois de même ainsi que les D... Mais, à ces exceptions près, tout le monde m'appelait Henry. Il est possible que ma mère m'ait appelé Harry pendant ma toute première jeunesse, mais, autant que je puisse m'en souvenir, elle a toujours appelé notre père : Papa et moi Henri.
En conséquence, il me sembla absurde de supposer que ma mère pût m'appeler d'un nom dont je ne lui avais jamais entendu faire usage. Je riais mentalement à cette idée, m'étonnant qu'elle eût pu me venir à l'esprit. Et pourtant la chose me parut si étrange que je soulignai la date sur la marge de mon journal, afin que, si quelque événement survenait qui corroborât le fait, je pusse être certain de l'époque. Dès que j'arrivai à la maison avec les lettres de S et les vôtres, je regardai mon journal et constatai que la date soulignée était celle du 28 novembre. C'était évidemment durant l'après-midi du 27 novembre que notre mère avait prononcé mon nom, et en tenant compte de la différence de longitude, le moment correspondant devait donc être ici le 28 au matin. Je ne pense donc pas que l'on puisse mettre en doute que mon oreille ait véritablement entendu l'appel. J'imagine qu'il devait être entre deux et trois heures du matin, ce qui équivaudrait, à quelques minutes près, à deux ou trois heures de l'après-midi précédente chez vous."


On n'a pu savoir avec exactitude, si la coïncidence a été parfaite, mais, ce qui est remarquable, c'est l'action télépathique s'exerçant à des milliers de lieues de distance, malgré la faiblesse de la malade. Ce fait, ainsi que quelques autres, pourrait peut-être mieux se comprendre en supposant que c'est l'esprit de la mère qui s'est dégagé de son corps pour venir voir son fils, car il peut sembler étrange que l'action psychique chez un mourant ait assez de puissance pour franchir une telle distance.

Impression télépathique visuelle à l'état normal

Voici le fait arrivé au Révérend F. Barker, ancien recteur de Cottenham, Cambridge[8] :

"Le 6 décembre 1873, vers onze heures du soir, je venais de me coucher et n'étais pas encore endormi, ni même assoupi, quand je fis tressaillir ma femme en poussant un profond gémissement, et, lorsqu'elle m'en demanda la raison, je lui dis : « je viens de voir ma tante : elle est venue, s'est tenue à mon côté et m'a souri, de son sourire, puis a disparu. » Une tante que j'aimais tendrement, la sœur de ma mère, était à cette époque à Madère pour sa santé ; sa nièce, ma cousine, était avec elle. Je n'avais aucune raison de supposer qu'elle fût malade à ce moment-là, mais l'impression faite sur moi avait été si profonde, que le lendemain je dis à sa famille (y compris ma mère) ce que j'avais vu. Une semaine après, nous apprîmes qu'elle était morte cette même nuit et, en tenant compte de la longitude, presque au moment où la vision m'était apparue. Quand ma cousine, qui était restée près d'elle jusqu'à la fin, entendit parler de ce que j'avais vu, elle dit : « Je n'en suis pas surprise, car elle vous a appelé continuellement pendant son agonie. » C'est la seule fois que j'aie éprouvé quelque chose de pareil.

Contrôle des faits

Dans l'ouvrage qu'ils ont publié, MM. Myers, Gurney et Podmore ont d'abord étudié le degré de confiance qu'ils devaient accorder aux témoignages recueillis par eux. Ils font remarquer qu'ils proviennent en majorité de personnes honorables, intelligentes et instruites : hommes du monde, prêtres, ingénieurs, magistrats, officiers dont le bon sens et la droiture ne sauraient être mis en question. Ces témoins n'ont aucun intérêt politique religieux ou autre pour mentir, et d'ailleurs, dans la plupart des cas, leur récit est appuyé par des notes manuscrites contemporaines de l'événement, ou par des attestations de parents ou d'amis auxquels ils ont été communiqués peu de temps après leur production. Les faits, les dates, ont tous été contrôlés avec rigueur. On peut donc admettre que les témoins ont été sincères.
Les enquêteurs ont ensuite envisagé la possibilité pour ces récits d'avoir été déformés ou amplifiés en passant par plusieurs bouches, aussi ils ont donné la préférence aux rapports de première main, tout en tenant compte des inexactitudes que la mémoire peut faire commettre involontairement. Ils ont éliminé tous les cas d'apparitions qui peuvent être envisagés comme des images consécutives, ou de simples hallucinations causées par l'état morbide du sujet. Poussant même plus loin les précautions, ils ont écarté les visions de parents qui se sont produites pendant que le percipient était en bonne santé, mais savait que ce parent était malade ou éprouvait de l'anxiété à son égard. C'est ainsi que sur 5 075 réponses à leur questionnaire, ils n'en ont conservé que 700. Signalons ce fait que les personnes qui ont ressenti une impression télépathique déclarent, presque unanimement, n'en avoir jamais eu d'autres, ni avant ni depuis.
Les sceptiques ont tenté d'attribuer ces impressions télépathiques au hasard, en prétendant que ces hallucinations sont des phénomènes très fréquents et que dès lors, il n'y avait rien d'extraordinaire à ce que l'une d'elles coïncidât avec un accident grave survenu dans l'entourage ou la parenté de la personne influencée. Les auteurs anglais ont montré par le calcul que l'improbabilité pour une personne quelconque d'avoir, dans un espace de douze heures, une hallucination auditive ou visuelle qui coïncide avec la mort d'un parent ou d'un ami, s'élève jusqu'au chiffre des milliards. On est donc obligé, étant donné le nombre considérable des observations recueillies, d'admettre une relation de cause à effet entre l'évènement survenu et l'impression produite à distance. C'est pourquoi nous adopterons l'opinion des savants précités qui mettent au rang des vérités nouvelles cette action psychique d'un individu sur un autre, s'exerçant sans intermédiaire physique connu.
Donnons maintenant quelques exemples d'automatismes graphiques déterminés par une action mentale à distance. Ce sera d'abord par un cas emprunté aux Hallucinations télépathiques que nous débuterons. Il est dû à M le Dr Liebault, le père de l'école suggestionniste de Nancy[9] .

Annonce d'une mort par l'écriture automatique

"Je m'empresse de vous écrire au sujet du fait de communication de pensée dont je vous ai parlé, lorsque vous m'avez fait l'honneur d'assister à mes séances hypnotiques à Nancy. Ce fait se passa dans une famille française de la Nouvelle-Orléans, qui était venue habiter quelque temps Nancy, pour y liquider une affaire d'intérêt. J'avais fait connaissance de cette famille, parce que son chef M. G..., m'avait amené sa nièce, Mlle B..., pour que je la traitasse par les procédés hypnotiques. Elle était atteinte d'une anémie légère et d'une toux nerveuse contractée à Coblentz dans une maison d'éducation où elle était professeur. Je parvins facilement à la mettre en somnambulisme, et elle fut guérie en deux séances. La production de cet état de sommeil ayant démontré à la famille G..., et à Mlle B..., qu'elle pourrait facilement devenir médium (Mme G.. était médium spirite) cette demoiselle s'exerça à évoquer, à l'aide, de la plume, les Esprits auxquels elle croyait sincèrement, et au bout de deux mois, elle fut un remarquable médium écrivain. C'est elle que j'ai vue de mes yeux tracer rapidement des pages d'écriture qu'elle appelait des messages, et cela en des termes choisis et sans aucune rature, en même temps qu'elle tenait conversation avec les personnes qui l'entouraient. Chose curieuse, elle n'avait nullement conscience de ce qu'elle écrivait. « Aussi, disait-elle, ce ne peut être qu'un esprit qui dirige ma main, ce n’est pas moi. » (Nous avons vu déjà souvent que cette inconscience ne suffit pas pour affirmer la médiumnité).
Un jour, c'était je crois le 7 février 1868, vers huit heures du matin, au moment de se mettre à table pour déjeuner, elle sentit un besoin, un quelque chose qui la poussait à écrire, et elle courut immédiatement vers son grand cahier, où elle traça fébrilement, au crayon, des caractères indéchiffrables. Elle retraça les mêmes caractères sur les pages suivantes, et enfin l'excitation de son esprit se calmant, on put lire qu'une personne nommée Marguerite lui annonçait sa mort. On supposa aussitôt qu'une personne de ce nom qui était son amie, et habitait le même pensionnat de Coblentz où elle avait exercé Ies mêmes fonctions, venait d'y mourir. Toute la famille G..., compris Mlle B..., vinrent immédiatement chez moi, et nous décidâmes de vérifier, le jour même, si ce fait de la mort avait réellement eu lieu. Mlle B... écrivit à une demoiselle anglaise de ses amies, qui exerçait aussi les mêmes fonctions d'institutrice dans le pensionnat en question ; elle prétexta un motif, ayant bien soin de ne pas révéler le motif vrai. Poste pour poste, nous reçumes une réponse en anglais dont on me copia la partie essentielle, réponse que j'ai retrouvée dans un portefeuille il y a à peine quinze jours et égarée de nouveau. Elle exprimait l'étonnement de cette demoiselle anglaise au sujet de la lettre de Mlle B..., lettre qu'elle n'attendait pas si tôt, vu que le but n'en paraissait pas assez motivé. Mais en même temps, l'amie anglaise se hâtait d'annoncer à notre médium que leur amie commune, Marguerite, était morte le 7 février, vers les huit heures du matin. En outre, un petit carré de papier imprimé était inséré dans la lettre : c'était un billet de mort et de faire part. Inutile de vous dire que je vérifiai l'envelbppe de la lettre et que la lettre me parut venir réellement de Coblentz. Seulement j'ai eu depuis des regrets. C'est de n'avoir pas, dans l'intérêt de la science demandé à la famille G..., d'aller avec eux au bureau télégraphique vérifier s'ils n'avaient pas reçu une dépêche télégraphique dans la journée du 7 février. La science ne doit pas avoir de pudeur ; la vérité ne craint pas d'être vue. Je n'ai comme preuve de la véracité du fait, qu'une preuve morale : c'est l'honorabilité de la famille G… qui m'a paru toujours au-dessus de tout soupçon."


Les auteurs anglais font remarquer, avec raison, qu'outre l'improbabilité qu'il y a à supposer que toute la famille ait pris part à une conspiration dont le but aurait été de tromper un ami, la réponse reçue de Coblentz démontre que la dame qui l'avait écrite ne paraissait pas savoir qu'on eût envoyé aucun avis par le télégraphe. Et il est même presque certain que les autorités scolaires n'ont pas jugé nécessaire de communiquer immédiatement la nouvelle à Mlle B...
Remarquons en passant, que l'action télépathique provient d'une mourante, sinon d'une morte. Ce cas n'est pas rare, car on constate que ces faits se produisent avec une fréquence égale, immédiatement avant et immédiatement après la mort[10]. Il peut servir de transition entre les communications des vivants et celles des morts que nous étudierons spécialement dans la troisième partie.
Pour en revenir aux manifestations télépathiques qui s'extériorisent par l'écriture, voici un procès-verbal qui a été publié et contrôlé par la rédaction du journal : Le Rébus, de Saint-Pétersbourg[11] .

Télégramme psychique

"Au directeur du Rébus à Saint-Pétersbourg

Monsieur,
Notre famille se compose de ma mère, ma soeur, moi-même et un frère plus âgé qui, pour les exigences de son emploi, se trouve en voyage dans une des villes les plus éloignées de la Sibérie. Nous avions besoin de l'acte de baptême de ma soeur que nous n'avions pas réussi à trouver dans nos papiers de famille, et nous écrivîmes à mon frère pour lui demander s'il ne les aurait pas mis dans un endroit que nous ignorions. Mais les jours se passèrent sans obtenir de réponse : nous envoyâmes un télégramme sans plus de succès. Pourtant le jour approchait où nous allions avoir à présenter le document aux autorités ; un soir nous nous assîmes autour de la table, affligés de ce manque de nouvelles du frère absent. Dans notre petit cercle nous n'avons qu'un médium excellent psychographe. Sa main commença rapidement à écrire diverses communications, puis tout d'un coup s'interrompit au milieu d'un mot, et au bout d'une minute, se remit à écrire, mais d'une manière hésitante et presque illisible, nous ne pouvions comprendre quelle était la signification de cette phrase, et nous demandâmes à l'esprit qui se manifestait, de nous dire son nom. Le médium écrivit alors distinctement le nom de mon frère.
Une indicible émotion s'empara de nous à l'idée qu'il était mort, et que c'était l'explication de son absence de nouvelles, nous interrompîmes la séance, tant notre angoisse était grande mais bientôt le médium reprit son crayon et écrivit avec sa vivacité habituelle cette phrase qu'on pouvait lire distinctement. « L'extrait se trouve dans une cachette de mon coffret.»
Aucun de nous n'avait eu l'idée de chercher dans ce meuble antique, et aussitôt que nous l'eûmes ouvert, le papier se trouva au lieu indiqué. Convaincus que notre frère était mort et que la communication venait de l'au-delà, nous levâmes la séance en pleurant. (C'est une erreur très fréquente dans les groupes novices de croire que toutes les communications viennent nécessairement des esprits désincarnés).
Mais, le jour suivant, nous reçûmes de lui ce télégramme : « L'extrait se trouve dans une cachette de mon coffret. » Puis une lettre nous arriva disant qu'il n'avait pu répondre plus tôt, tout son temps étant pris par son service. Quinze jours après, il nous écrivit une lettre plus longue, racontant qu'un soir, celui de la fameuse séance, rentrant chez lui très fatigué et contrarié de n'avoir pu nous répondre, il avait chargé un domestique de nous expédier le télégramme mentionné plus haut ; aussitôt au lit, il s'endormit profondément ; sa préoccupation de la veille continuant à peu près dans son sommeil, il rêva qu'il venait personnellement nous donner la réponse désirée. Ce songe lui avait laissé une telle impression qu'il était convaincu que nous avions, ce soir là, obtenu sa réponse."
Ont signé :
M. Jaroslanzeff, Mme E. Zaroslanzeff, K. Moff, S. Polatiloff


La mémoire latente ne paraît jouer aucun rôle ici, la jeune fille n'ayant jamais su où était caché le papier en question dont seul, de toute la famille, le frère connaissait la place. L'identité de l'agent ne peut guère être mise en doute, puisqu'il révèle un fait inconnu des assistants, mais exact. La clairvoyance du médium ne saurait être invoquée pour expliquer ce cas, car on découvre dans le songe qui a coïncidé avec l'écriture mécanique, la cause de l'action télépathique, et comme nous savons que celle-ci peut provoquer des impulsions, il est plus logique d'attribuer la révélation à la pensée du frère absent, qu'à l'activité mentale de l'écrivain. Voici un second fait analogue et aussi caractéristique[12] .

Signature de l'esprit d'un vivant obtenu par un médium

"Un de nos médiums, Mme K..., dit Aksakof, m'a raconté qu'à une séance, tenue dans un cercle privé, à laquelle assistaient seules sa mère et sa soeur, le crayon dont elle avait l'habitude de se servir pour les expériences, s'arrêta subitement, et, après une pause de quelques instants, commença à tracer des mots dans une écriture inégale et très fine. Quelques mots seulement furent écrits et l'on ne put les déchiffrer de suite. Mais la signature qui suivit, composée de deux lettres vigoureusement tracées, fut immédiatement reconnue et excita l'étonnement de tout le monde. C'était la signature du frère du médium qui se trouvait à Tackend. La première pensée fut qu'il était mort et qu'il était venu en faire part. On se mit à déchiffrer l'écriture et voici les mots qui furent lus : « J'arriverai bientôt. » Tout le monde fut vivement surpris de ce message, d'autant plus que peu de temps auparavant on avait reçu une lettre de lui dans laquelle il écrivait qu'il viendrait en qualité de courrier, mais pas de sitôt, étant inscrit le quinzième sur la liste, et que, par conséquent, son voyage ne pourrait se faire avant un an. On nota l'heure et la date de cette communication ; — c’était le 11 mai 1882, 7 heures du soir, — et cette communication fut montrée à plusieurs personnes de l'intimité de la famille K...
Au commencement de juin, le frère du médium arriva en effet. On lui fit voir le curieux message. Il reconnut sa signature, sans la moindre hésitation, et nous dit que c'était à cette date qu'il s'était mis en voyage. D'après le calcul du temps qui fut fait, il fut constaté qu'au moment où la communication fut transmise, il était plongé dans un profond sommeil dans la tarantass (voiture de voyage) et qu'avant de s'endormir il avait pensé aux siens, à la surprise que leur procurerait son arrivée. J'ai eu sous les yeux ce message, dit M. Aksakof, et j'ai pu vérifier la ressemblance complète de la signature qui s'y trouvait avec celle de M. K."


Les incrédules pourraient voir dans cette signature « un cliché visuel », c'est-à-dire le souvenir resté dans la mémoire du médium de la signature de son frère. Mais l’annonce inattendue du prochain retour, c'est-à-dire la prédiction exacte d'un événement inconnu des assistants, montre nettement la transmission de la pensée et porte le cachet d'une véritable communication spirite.

Rapports de la télépathie et de l'automatisme

La multiplicité des phénomènes télépathiques, leur fréquence, l'universalité de ces manifestations à notre époque et dans le passé, nous mettent en présence d'une loi psychologique nouvelle dont on ne saurait exagérer l'importance. Ces rapports, extrasensoriels entre les êtres humains sont absolument inexplicables avec les hypothèses matérialistes, tandis qu'ils se comprennent parfaitement si nous avons en nous une âme relativement indépendante, dans certaines conditions, des lois de l'espace et du temps.
On a pu remarquer, en effet, que l'action télépathique franchit tous les obstacles sans être arrêtée, réfractée ou réfléchie par les corps matériels. Cette faculté, comme celle de la clairvoyance, révèle clairement dans l'homme l'existence d'un principe intelligent dont l'activité propre diffère considérablement de tout ce que le monde physique nous fait connaître. Cette conséquence logique a été vue nettement par les auteurs des Phantasms qui ne craignent pas d’écrire[13] :

"Un problème qui se pose tout naturellement, c'est de se demander en quelles relations se trouvent nos études avec la religion. Nous voulons éviter jusqu'à l'apparence d'attirer à nous les sympathies du public en nous engageant sur un autre terrain que le terrain de la science ; nous nous tiendrons, dans les pages qui vont suivre, dans les limites que nous nous sommes assignées, et nous parlerons aussi peu que possible de la lumière qui pourrait être jetée par les témoignages que nous avons réunis sur la possibilité d'une existence après la mort. Mais nous pensons que nous avons prouvé par l'expérimentation directe que deux esprits peuvent communiquer entre eux par des moyens qui ne peuvent expliquer les lois scientifiques connues. Il me semble tout à fait improbable que la télépathie puisse recevoir une explication purement physique, bien que cette explication soit logiquement concevable. Il est bien difficile en effet de compter au nombre des forces matérielles, une force qui, à l'encontre de toutes les autres, semble n'être point arrêtée par la distance ni par aucun obstacle. Si donc la télépathie est un fait démontré, il faut introduire dans l'ensemble des faits d'expériences un élément nouveau qui constituera un sérieux obstacle à la synthèse matérialiste.
Cette conception d'un esprit actif et indépendant du corps, tout à fait nouvelle dans la science expérimentale, se retrouve dans les formes les plus élevées de la religion. Nos expériences suggèrent' l'idée qu'il peut exister entre les esprits des relations qui ne peuvent s'exprimer en termes de matière et de mouvement, et cette idée jette une nouvelle lumière sur l'ancienne controverse entre la science et la foi. Si les faits que nous allons étudier sont établis, la science ne pourra admettre plus longtemps qu'il soit impossible que d'autres intelligences que celles des hommes vivants agissent sur nous."


Les phénomènes de la clairvoyance et de la télépathie établissent expérimentalement l'existence d'une âme indépendante de l'organisme physique ; ceux du Spiritisme démontrent sa survie. Ce sont là de grandes vérités qui entrent dans le domaine scientifique et qui sont appelées à lui donner un essor nouveau, en portant l'attention des chercheurs vers ces intelligences et ces forces invisibles, impondérables, qui constituent tout un monde, plus vaste et plus diversifié que celui que nous connaissons. Etudions donc les manifestations extra-corporelles de l'homme, elles nous permettront de comprendre celles des Esprits. Si nous savons comment une âme humaine peut agir sur une autre, sans intervention du corps matériel, nous pourrons nous faire une idée du procédé dont se servent les êtres désincarnés pour communiquer avec nous.
En premier lieu, et indépendamment de toute théorie, une remarque s'impose : c'est que l'influence télépathique ne s'exerce qu'entre personnes qui se connaissent, et même assez intimement. Tous les exemples cités dans les ouvrages qui traitent de ces matières, nous montrent que les phénomènes ont lieu entre mari et femme, entre parents ou chez des amis c'est-à-dire entre des êtres qui ont des liens de famille, ou sont unis par l'affection. Nous retrouvons, ici, sous une autre forme, ce rapport magnétique que nous avons reconnu indispensable à la transmission expérimentale de la pensée ; il se crée naturellement entre personnes qui s'aiment ou s'estiment, et c'est grâce à lui que la suggestion mentale est possible à grande distance. Cette nécessité d'une liaison entre l'agent et le percipient est très importante, puisque, sans elle, le phénomène ne se produit jamais. Nous devons en tirer une première conclusion au point de vue de l'étude des communications, c'est que lorsque l'écrit contient des renseignements exacts sur une personne morte que le médium n'a pas connue, et quand aucun assistant ne peut fournir, consciemment ou non, des indications sur ce sujet, on ne peut logiquement faire intervenir une influence télépathique terrestre pour expliquer le phénomène.
L'action télépathique ne vagabonde pas au hasard ; elle est strictement limitée au petit nombre des parents ou des amis de l'agent, et c'est chez ces derniers, et seulement chez eux, qu'elle est capable de susciter des impressions. Il est donc contraire à l'observation scientifique des faits d'imaginer qu'un individu quelconque, non prévenu, ne connaissant pas le médium, ne sachant même pas qu'on s'occupe d'un de ses amis morts, puisse transmettre télépathiquement les renseignements qu'il possède sur cet esprit. C'est pourtant ce que l'on a prétendu, en insinuant qu'un renseignement exact concernant un mort peut toujours être transmis télépathiquement, si quelqu'un de vivant connaît ce renseignement. Il suffit de lire attentivement les faits et de réfléchir un peu pour comprendre que cela est impossible.
Ce qui a pu donner naissance à cette généralisation fautive c'est que, parfois, l'agent est plongé dans le sommeil ou dans une crise qui lui enlève la conscience ordinaire, au moment même où il produit une action télépathique. Mais de ce qu'il ne garde pas le souvenir de ses pensées, il ne s'en suit pas qu'elles aient été produites inconsciemment, puisque nous avons vu que l'âme n'est jamais inactive pendant le sommeil.
Lorsque l'on fait une comparaison entre les phénomènes télépathiques et les résultats expérimentaux de la transmission de la pensée, on constate plusieurs différences, non seulement concernant l'intensité des phénomènes, mais aussi leur nature. Une suggestion mentale, pour aussi nettement qu'elle arrive au sujet, ne détermine en lui que des pensées ou des images qui restent subjectives, tandis que l'action télépathique a presque toujours une tendance à s'extérioriser sous des formes sensorielles. C'est une illusion qui a momentanément tous les caractères de la réalité. Si l'on observe que sauf de rares exceptions, l'agent traverse à ce moment une crise grave, qu'il est victime d'un accident ou en danger de mort, il est permis de supposer que sa pensée, renforcée par l'émotion, acquiert une activité inusitée qui lui permet d'atteindre le parent ou l'ami auquel il songe. C'est une seconde condition, qui n'est peut-être pas aussi absolue que la nécessité du rapport, mais qui a néanmoins une très grande importance.
Il faut enfin nous rendre compte de l'état du percipient au moment où il est influencé. Presque toujours l'impression ne dure qu'un instant. L'action est si rapide qu'il semble que le moment propice pour qu'elle se produise est de très courte durée. Ce n'est pas un état pathologique, car on constate que le percipient est en parfaite santé. Si nous nous souvenons que la suggestion mentale n'est possible que pendant l'état naissant de monoïdéie passive, (voir page 277) nous pourrons admettre que c'est lorsque cette condition est réalisée naturellement chez le sujet, qu'il éprouve son impression. L'état de veille est caractérisé par un grand nombre d'idées qui existent presque simultanément dans l'esprit, c'est, dit M. Ochorowicz[14] , un agrégat mobile de tous les états (monoïdéiques, polyïdéiques, etc.) avec prépondérance de la polyïdéie. Il y a indubitablement des moments monoïdéiques de toute forme et même des intervalles franchement monoïdéiques. Seulement tout cela se mêle, se succède avec une rapidité très grande, le plus souvent insaisissable. C'est dans un de ces instants de monoïdéie que l'action télépathique peut se faire jour de manière à envahir temporairement la conscience et à la dominer. On peut réaliser cette condition artificiellement par la vision du cristal, du verre d'eau, l'audition au moyen d'une coquille, etc.
Il faut aussi envisager que tout le monde n'est pas également apte à ressentir ces impressions télépathiques. Il est nécessaire que le sujet possède une espèce de sensibilité mentale qui ne se trouve pas également développée chez tous les hommes, de sorte qu'en réfléchissant aux conditions multiples qui doivent exister simultanément pour qu'un phénomène télépathique se produise, on sera moins surpris de sa rareté relative. Cet état de passivité intellectuelle que nous avons reconnu indispensable, se trouve réalisé artificiellement par les pratiques de l'automatisme, et dès lors nous ne serons pas surpris de constater que les spirites ont depuis longtemps constaté la possibilité de corresprondre entre eux, télépathiquement, au moyen de l'écriture mécanique. Il faut bien observer que les faits que la science découvre à grand'peine de nos jours sont connus depuis plus de cinquante ans, et que la véritable explication scientifique en a été fournie par ces Spirites si décriés, alors que la science académique ignorait encore toutes ces vérités. Au lieu d'attendre qu'un phénomène d'automatisme graphique se produise naturellement, il a été possible, dans certains milieux favorisés, d'instituer une série d'expériences si bien réussies qu'elles constituent une véritable télégraphie psychique. Nous allons en voir quelques exemples.

Télégraphie intellectuelle

M. Thomas Everitt dont la réputation est bien établie parmi les spiritualistes, et dont la femme est un médium excellent, raconte un fait intéressant dans un mémoire présenté à l'association britannique des spiritualistes (mois de novembre 1875) sous le titre : Démonstration de la nature double de l’homme. Le voici :

"Ce n'est pas chose rare pour les spiritualistes de recevoir des communications de personnes qui affirment être encore de ce monde. Nous en avons souvent fait l'expérience, surtout au début. Ces messages, transmis par coups frappés ou par l'écriture, portaient bien la marque caractéristique des personnes qui affirmaient en être les auteurs, soit pour le style, soit pour l'écriture. Ainsi par exemple, un de nos amis doué de facultés médianimiques, conversait fréquemment avec nous par l'intermédiaire de ma femme et nous transmettait des communications qui correspondaient d'une façon absolue à son caractère. Dans ses lettres, il demandait souvent à savoir si les communications, qu'à son tour, il recevait de M. Everitt, étaient exactes, et il arrivait fréquemment que les messages transmis de part et d'autre, par voie de la parole, de coups frappés ou de l'écriture, étaient tout à fait exacts[15] .

Voici un deuxième exemple qui a trait aux mêmes pratiques :

En une autre circonstance[16] , M. Everitt reçut une communication écrite de 1a main de sa femme et venant de la part de son ami M. Meers (médium aussi), un mois après le départ de ce dernier pour la Nouvelle
-Zélande." "Des expériences furent instituées en Espagne de manière à contrôler par un médium qui était à Barcelone ce qui se produisait dans un groupe de Madrid. Immédiatement après les séances, à Madrid et à Barcelone, on expédiait les procès-verbaux et, fait remarquable, ils étaient identiques au fond et dans la forme. Lorsque le médium inspiré Isabel Vitrian parlait d'abondance et avec une éloquence qui émouvait l’auditoire suspendu à ses lèvres, à l'instant même le médium de Barcelone répétait ses discours, rien n'y manquait.
Ces faits sont affirmés par M. José Fernandez, directeur de la Revue des études psychologiques de Barcelone, et par M. le vicomte de Torrés Solanot dont l'honorabilité et la véracité sont connues des spirites depuis trente ans[17] ."

En Amérique

"Il y a environ deux ans, dit le Juge Edmonds, j'ai été témoin d'un exemple frappant de communications spirituelles entre vivants. On avait organisé deux cercles, l'un à Boston, l'autre dans cette ville (New-York). Les membres de ces cercles se réunissaient simultanément dans les deux villes et communiquaient entre eux par leurs médiums. Le cercle de Boston recevait, par son médium, des communications émanant de l'esprit du médium de New-York et vice versa. Cela dura ainsi pendant plusieurs mois, au cours desquels les deux groupes inscrivaient soigneusement les procès-verbaux.
J'ai l'intention sous peu de publier le compte-rendu de ces expériences qui constituent une tentative intéressante de télégraphie intellectuelle, dont la possibilité est ainsi démontrée."


On peut rapprocher ces faits de la propagation extraordinairement rapide des nouvelles en Afrique, parmi des populations qui sont séparées par d'énormes distances et qui ne possèdent aucun de nos moyens de communications instantanées.
Pour en revenir à notre étude, nous possédons des témoignages sérieux qui nous montrent qu'il est possible d'agir télépathiquement sur l'âme de personnes endormies, de manière à en recevoir des communications[18] . Voici quelques renseignements sur ce genre de phénomènes.

Evocation de l'âme de personnes vivantes

Jusqu'alors, nous avons envisagé l'action télépathique comme une simple transmission de pensée qui détermine chez le percipient les impressions les plus variées. Cette explication convient à un très grand nombre de cas, mais elle est loin de pouvoir expliquer tous les phénomènes qui sont compris sous la désignation commune d'hallucinations télépathiques. Ce n'est qu'en forçant cette hypothèse au-delà des limites permises, c'est-à-dire en négligeant des faits très importants, que l'on a pu donner à la théorie de l'action télépathique une extension assez grande pour lui permettre d'embrasser tous les phénomènes. Cette manière de voir est partagée même par un des auteurs des Phantasms of the livings, car nous lisons dans l'introduction ces remarques significatives :

"Dès qu'on essaye de donner plus de précision à cette analogie (télépathie expérimentale et télépathie spontanée) l'accord cesse entre les gens qui ont étudié la question. L'un dira qu'il ne faut pas multiplier les causes sans nécessité, et que, puisque nous avons maintenant dans la télépathie une cause réelle, nous devons nous en servir pour expliquer tout ce qui est explicable par elle, avant de recourir à des causes plus éloignées et dont nous ne pouvons prouver l'existence. L'autre au contraire, sentira peut-être que la télépathie, telle que nous la connaissons, est une conception préliminaire, une façon simplifiée de nous représenter à nous-mêmes un groupe de phénomènes qui, embrassant toutes les relations entre les esprits, est probablement plus complexe que celui des phénomènes qui peuvent se traduire en termes de matière et de mouvement. Il sentira qu'il ne faut pas demander à cette clé d'ouvrir toutes les serrures et que nous devons rechercher s'il n'existe pas d'autre mode de liaison entre les phénomènes épars que nous connaissons. »

La télépathie proprement dite, c'est-à-dire l'action de la pensée d'un vivant sur un autre vivant, est une vérité, elle explique beaucoup de cas, mais pas tous, car nous savons que l'extériorisation de l'âme elle-même est aussi un fait bien démontré. Lorsque celle-ci est sortie de son corps, elle agit par suggestion mentale sur le médium pour lui communiquer sa pensée.
Répétons encore qu'ayant étudié ailleurs[19] les manifestations extra-corporelles de l'homme vivant, nous ne pouvons y revenir ici. Nous avons conclu que l'âme pouvait sortir du corps pendant le sommeil, nous n'insisterons donc pas, considérant que la démonstration en est faite, tant par la discussion de certains cas des soi-disant hallucinations collectives, que par les recherches de M. de Rochas et par les moulages et les photographies de l'âme sortie momentanément de son corps. Il nous suffira de faire ici une remarque qui se déduit de l'étude des faits télépathiques et qui démontre, à sa façon, la véritable présence de l'esprit de l'agent au moment où l'action a lieu.
Lorsque l'illusion télépathique est produite par une transmission de pensée, elle est de courte durée et ne donne lieu qu'à un phénomène simple, celui, par exemple, d'une voix qui prononce un mot, un nom, et qui borne là son action. Au contraire, quand la vision est objective, qu'elle est déterminée par la présence réelle de l'âme de l'agent, elle peut non seulement se faire voir, mais encore parfois, faire des signes, toucher le percipient ou répondre à une interrogation. Parmi les cas cités dans les Hallucinations télépathiques nous ne connaissons qu'un exemple d'une réponse faite à une interrogation de l’agent, le voici ; il est dû encore à M. Newnham dont nous avons commenté les curieuses expériences sur l'automatisme[20] .

Sensations auditive et tactile produites par une apparition

"En juillet 1867, j'étais à Bournemouth, et je remplaçais momentanément le chapelain de l'hôpital ; il nous arriva un jeune homme très gravement atteint de phtisie, il était si malade que nous ne pûmes le faire entrer dans l'établissement, mais nous l'installâmes en ville. Je le visitai plusieurs fois en qualité de pasteur ; le chapelain revint et je partis en vacances. Je pensais ne plus revoir ce jeune homme, mais, à mon grand étonnement, quand je revins le 21 septembre, il vivait encore et les médecins disaient qu'il pourrait durer encore quelques semaines. Le dimanche 29 septembre, j'avais dit des prières à la chapelle et le chapelain prêchait l'office du soir, c'était vers la fin du sermon, il était 8 heures environ ; il ne pouvait guère être plus tard, mais je ne puis dire l'heure à cinq minutes près. Je sentis tout à coup une main se poser doucement, mais fortement sur mon épaule droite.
J'en fus si saisi que, persuadé de la présence de quelque être invisible, je demandai : « Est-ce S... ? » (Le nom de baptême d'un de mes élèves mort en 1860). La réponse fut immédiate, faite clairement et intérieurement : « Non, c'est William. » Je ne me rappelle rien de plus.
Après le service, je demandai des nouvelles de mon jeune ami, j'appris que la garde avait été mandée près de lui parce qu'il se trouvait plus mal. Le lendemain j'appris qu'il était mort vers 8 heures 10 minutes. Ce fut environ dix minutes avant sa mort que j'éprouvai cette impression. Je dois ajouter que je ne pensais pas à lui, que je n'étais pas allé le voir, que je n'avais pas reçu de message de sa part depuis mon retour, et que je n'avais aucune raison de croire sa mort si proche."


Si nous lisons avec attention ce récit, nous devrons conclure qu'il y a dans ce cas plus et mieux qu'une hallucination télépathique, non parce que deux sens ont été atteints, mais parce que si nous concevons très bien comment au moment de la mort la pensée du jeune homme a pu se porter vers son pasteur, nous ne voyons pas du tout de quelle manière l'interrogation de M. Newnham aurait pu lui parvenir, de manière à déterminer une réponse. Assistant au sermon, l'esprit du percipient était tout occupé de choses religieuses. Il pensait si peu au jeune phtisique que lorsqu'il sent l'attouchement qui l'émeut, il songe immédiatement à un ami mort et pas du tout au malade. Cependant celui-ci lui répond de suite : « non, c'est William. » Puisqu'il faut que l'agent pense fortement au percipient pour que l'action télépathique ait lieu, nous constatons ici que cette condition fait absolument défaut, et dès lors comme l'agent saisit de suite la pensée du pasteur et y répond, nous en concluons que son esprit était présent et agissait télépathiquement sur M. Newnham.
C'est ce qui se produit le plus souvent dans les évocations de personnes vivantes dont Allan Kardec a publié une étude approfondie, il y a bientôt un demi-siècle, dans la Revue Spirite et dans le Livre des médiums. Citons les réponses faites par les Esprits qu'il a interrogés, et l'on verra qu'elles concordent avec tout ce que l'on a observé depuis[21] .

D. — L'incarnation de l'esprit est-elle un obstacle absolu à son évocation ?
R. — Non, mais il faut que l'état du corps permette à l'esprit de se dégager à ce moment.
D. — Peut-on évoquer l'esprit d'une personne vivante ?
R. — Oui, puisqu'on peut évoquer un esprit incarné. L'esprit d'un vivant peut aussi, dans ses moments de liberté, se présenter sans être évoqué. (Nous en avons vu plus haut des exemples) Cela dépend de sa sympathie pour les personnes auxquelles il se communique.
D. — Dans quel état est le corps de la personne dont l’esprit est évoqué ?
R. — Il dort ou sommeille ; c'est alors que l’esprit est libre.
D. — L'esprit d'une personne évoquée pendant le sommeil est-il aussi libre de se communiquer que celui d'une personne morte ?
R. — Non ; la matière l'influence toujours plus ou moins. (Une personne en cet état, à qui l'on adressait cette question répondit : «Je suis toujours enchaînée au boulet que je traîne après moi. »)
D. — Dans cet état, l’esprit pourrait-il être empêché de venir parce qu'il est ailleurs ?
R. — Oui, il peut arriver que l'esprit soit dans un lieu où il se plaît à rester, et alors il ne vient pas à l'évocation, surtout quand elle est faite par quelqu'un qui ne l'intéresse pas.
D. — Est-il absolument impossible d'évoquer l'esprit d'une personne éveillée ?
S. — Quoique difficile, cela n'est pas absolument impossible, car si l'évocation porte (c'est-à-dire si elle est entendue par l'esprit), il se peut que la personne s'endorme ; mais l'esprit ne peut se communiquer, comme esprit, que dans les moments où sa présence n'est pas nécessaire à l'actvité intelligente du corps.


L'expérience prouve, fait observer Allan Kardec, que l'évocation faite pendant l'état de veille peut provoquer le sommeil, mais cet effet ne peut avoir lieu que par une volonté très énergique et s'il existe des liens de sympathie entre les deux personnes ; autrement l’évocation ne porte pas. Dans le cas même où l'évocation pourrait provoquer le sommeil, si le moment est inopportun, la personne ne voulant pas dormir opposera de la résistance, et, si elle succombe, son esprit en sera troublé et répondra difficilement. Il en résulte que le moment le plus favorable pour l'évocation d'une personne vivante est celui de son sommeil naturel, parce que son esprit étant libre peut venir vers celui qui l'appelle, tout aussi bien qu'il pourrait aller ailleurs.
Les spirites de la première heure expérimentaient beaucoup et, procédant sérieusement, ils obtenaient plus fréquemment qu'aujourd'hui des manifestations probantes.

Esprit d'une personne habitant Paris se manifestant à St-Malo

Allan Kardec a relaté dans la Revue Spirite et dans son ouvrage : Le livre des Médiums, des faits d'évocations de personnes vivantes pendant leur sommeil[22] . Nous les avons rapportées dans notre ouvrage L'âme est immortelle, avec d'autres qui ont eu lieu depuis dans toutes les parties du monde. Nous allons encore en citer deux exemples qui rentrent plus particulièrement dans l'étude de la médiumnité mécanique.
La première est tirée de la Revue de Pierrart[23] .Voici le récit du témoin :

"… C'était dans le commencement de cette année ; une réunion spiritualiste avait lieu un soir à Saint-Malo, sous la direction d'un médium écrivain. Après diverses expériences, un esprit féminin vint se présenter et donner à une personne de l’assemblée M. N..., des nouvelles de sa femme, assez sérieusement malade à Paris. L’esprit dit avoir mis des sangsues à la malade le matin même, et que cette dernière allait mieux.
Etonnement de l’assemblée, qui demande son nom à l’invisible. Celui-ci signe Clara. On lui demande alors son nom de famille, et l’invisible prétent qu’on le connaît bien assez, et qu’il n’est pas nécessaire de décliner plus au long son nom. Ce Monsieur lui demande alors sa demeure, et l’esprit répond qu’il la connaît aussi, que c’est à Paris, rue des Martyrs, n° 15.
Deux jours après, M. N… reçut une lettre de sa femme qui, entre autres détails, contenait ceux donnés par la communication. Quelque temps après, une personne qui assistait à cette soirée vînt à Paris et raconta le fait à Mlle Clara L…, qui tomba des nues et vit depuis lors d’un meilleur œil les spiritualistes et leurs expériences.
Cette demoiselle dormait très tranquillement à Paris, et ne se doutait de rien, pendant que ce fait se passait à St Malo.
Agréez, etc…
Berruyer.


Voici une seconde expérience qui fut faite dans notre propre famille et dont le récit a été publié par la Revue Spirite en 1863, dans les termes suivants[24] .

Identité d’un Esprit incarné

"Notre collègue, M. A. Delanne, étant en voyage, nous transmet le récit suivant de l’évocation qu’il a faite de l’esprit de sa femme vivante, restée à Paris.
… Le 11 décembre dernier, étant à Lille, j’évoquai l’esprit de ma femme à onze heures et demie du soir ; elle m’apprit qu’une de ses parentes était, par hasard, couchée chez elle. Ce fait me laissa des doutes, ne le croyant pas possible, lorsque deux jours après je reçu d’elle une lettre constatant la réalité de la chose. Je vous envoie notre entretien quoi qu’il n’ait rien de particulier, mais parce qu’il offre une preuve d’identité.
D. — Es-tu là, chère amie ? — R. — Oui, mon gros. (C’est son terme favori).
D. — Vois-tu les objets qui m’entourent ? — R. — Je les vois bien. Je suis heureuse d’être vers toi. J’espère que tu es bien enveloppé. (Il était onze heures et demie ; j’arrivais d’Arras ; pas de feu dans la chambre ; j’étais enveloppé de mon manteau de voyage et n’avais même pas enlevé mon cache-nez).
D. — Es-tu contente d’être venue sans ton corps ? — R. — Oui, mon ami ; je t’en remercie. J’ai mon corps fluidique, mon périsprit.
D. — Est-ce toi qui me fais écrire et où te tiens-tu ? — R. — Vers toi. Certainement ta main a encore bien du mal à marcher.
D. — Es-tu endormie ? — R. — Non pas encore très bien.
D. — Ton corps te retient-il ? — R. — Oui, je le sens qui me retient. Mon corps est un peu malade, mais mon esprit ne souffre pas.
D. — As-tu eu, dans la journée, l’intuition que je t’évoquerais ce soir ? — R. — Non, et pourtant je ne puis définir ce qui me disait que je te verrais (action télépathique à distance qui a déterminé le dégagement de l’âme). (A ce moment j’eus une quinte de toux). Tu tousses toujours, ami, soigne-toi donc un peu.
D. — Peux-tu voir mon périsprit ? — R. — Non, je ne puis distinguer que ton corps matériel.
D. — Te sens-tu plus libre et mieux qu’avec ton corps ? — R. — Oui, car je ne souffre plus. (Dans une lettre postérieure, j’appris qu’effectivement elle avait été indisposée).
D. — Vois-tu les esprits autour de moi ? — R. — Non ; je désire pourtant bien les voir.
D. — T’effrayes-tu d’être seule à la maison ? — R. — Adèle est avec moi. (Cette personne, une de nos parentes, ne couche jamais à la maison ; nous ne la voyons que très rarement).
D. — Comment se fait-il qu’Adèle soit avec toi ? Est-elle couchée avec toi ? — R. — Oui, par hasard.
D. — C’est bien toi, ma chère femme qui me parles ? — R. — Oui, ami ; c’est bien moi.
D. — Vois-tu bien clair ici ? — R. — Oui tout rayonne mieux que ta faible lumière. (Je n’avais qu’une bougie dans une grande chambre).
D. — Te communiques-tu à moi par intuition ou mécaniquement ? — R. — Je frappe plus particulièrement sur ton cerveau qui est propre à recevoir plus facilement, mais, malgré cela je dirige ta main en même temps.
D. — Comment peux-tu voir que mon cerveau est apte à recevoir des communications spirites ? — R. — C’est par le développement que les orga nes ont acquis depuis peu, ce qui prouve qu’il a fallu… (à ce moment-là, minuit sonne et l’esprit s’arrête).
D. — Entends-tu les sons de la pendule ? — R. — Oui, mais je reste saisie de ce son inaccoutumé ; il est pareil à la musique céleste que j’ai entendu dans le rêve que je t’ai raconté. (En effet, quelque temps avant mon départ elle avait eu un rêve délicieux dans lequel elle avait entendu une harmonie sans pareille. A ce moment, je ne pensais assurément pas à ce rêve que j’avais totalement oublié ; ce ne pouvait donc être le reflet de ma pensée ; car, comme personne autre n’en avait connaissance, et que j’étais seul à ce moment, je vis dans cette révélation spontanée une nouvelle preuve de l’identité de l’esprit de ma femme. L’esprit achève spontanément la phrase commencée plus haut)… beaucoup de puissance en si peu de temps…
Le lendemain soir :
D. — Es-tu là ? — R. — Oui, je vais te dire ce qui me préoccupe ; c’est Adèle. Eh bien ! oui elle a couché réellement avec moi, je te le jure.
D. — Ton corps va-t-il mieux ? — R. — Oui, ce n’était rien.
D. — Vois-tu des esprits vers toi, aujourd’hui ? — R. — Je ne vois rien encore, mais je pressens quelqu’un, car je suis tout inquiète d’être seule.
D. — Prie, ma bonne amie, tu seras peut-être mieux. — R — Oui, c'est ce que je vais faire. Dis avec moi : « Mon Dieu, grand et juste, veuillez nous bénir et nous absoudre de nos iniquités ; faites grâce à vos enfants qui vous aiment ; daignez les inspirer de vos vertus, et accordez-leur la grâce insigne d'être comptés parmi vos élus. Que la douleur terrestre ne leur paraisse rien en comparaison du bonheur que vous réservez à tous ceux qui vous aiment sincèrement. Absolvez-nous, Seigneur, et continuez-nous vos bienfaits par l'intercession toute divine de la pure et angélique Sainte-Marie mère des pécheurs et la miséricorde incarnée. »
M. Delanne ayant écrit à sa femme pour lui demander si sa parente était venue à la maison, reçut la réponse suivante : ... Adèle est bien venue hier soir par hasard. Je l'ai engagée à rester, non par peur, j'en ris, mais pour l'avoir avec moi. Tu vois bien qu'elle est restée coucher avec moi. J'ai été troublée un peu ces deux nuits dernières ; j'ai éprouvé une espèce de malaise dont je ne me rendais pas compte parfaitement. C'était comme une force invincible qui me forçait à dormir ; j'étais comme anéantie ; mais je suis heureuse d'être allée vers toi !..."


On ne peut mettre les communications reçues par M. A. Delanne sur le compte de l'automatisme, parce que la première renferme l'indication d'un fait exact inconnu de l'écrivain, celui du séjour à la maison de la cousine Adèle. M. Delanne ne pouvait avoir connaissance de cette visite par clairvoyance, parce qu'il n'a jamais possédé cette faculté et qu'il est resté à l'état de veille pendant toute la journée et la soirée où s'est produit l'événement. Il faut donc admettre que c'est une influence étrangère qui lui dictait ses messages.
L'identité de Mme Delanne est établie par son style, ses expressions familières, son caractère de religiosité, très accentué à cette époque, car elle était encore tout imprégnée des enseignements du catholicisme et en conservait l'empreinte, même à l'état d'esprit Il est évident que c'était bien son âme qui se manifestait à son mari, en raison de l'allusion qu'elle fit à ce rêve agréable que personne d'autre ne connaissait. Aucun être humain n'aurait eu intérêt à jouer ce rôle, et quant aux esprits farceurs, outre qu'ils ne sont pas omniscients, il est probable qu'ils n'auraient guère pensé à improviser la prière du second jour, si touchante dans sa naïve simplicité.
Nous remarquons dans la dernière phrase de la lettre de Mme Delanne, que l'action télépathique de son mari s'est fait sentir sur elle car, pendant deux jours, elle s'est endormie plus tôt que de coutume, d'un sommeil spécial, pendant lequel l'âme a pu, plus facilement que d'ordinaire, sortir de son corps.
Ce sont des phénomènes de cette nature qui, ajoutés à ceux que nous font connaître les expériences de dédoublement, démontrent avec évidence le dégagement de l'âme. Ce n'est pas la simple transmission de pensée à distance qui a lieu, car l’esprit voit le vêtement du médium, entend sa toux et le timbre la pendule sonnant minuit ; il faut donc qu'il soit auprès de l’écri vain, comme il le déclare lui-même, puisqu'il n'a nul intérêt à dire qu'il est là, si c'est par clairvoyance que ces faits lui sont connus.

Résumé

Si nous passons une rapide revue des faits étudiés jusqu'ici, nous ne pouvons nous empêcher d'observer combien la médiumnité est une faculté nettement définie, puisque, sans sortir du domaine terrestre, nous sommes contraints, par l'observation des phénomènes, d'en reconnaître l'existence. Tout d'abord, c'est par l'automatisme que nos adversaires veulent tout expliquer. Ils nous font assister aux écrits subconscients de Léonie et de Lucie résultant d'ordres à réalisations post-hypnotiques, ou même d'un jeu spontané de l'esprit du sujet qui a été dressé à cette écriture par des exercices antérieurs. Nous avons fait remarquer combien sont arbitraires les théories de MM. Binet et P. Janet, et quelle créance il faut accorder à l'hypothèse d'un personnage subsconscient coïncidant avec la personnalité normale. Nous avons ensuite cherché à montrer que la distraction et l'état d'hémi-somnambulisme provoqué par auto-suggestion amène, aussi bien chez les personnes normales que chez les hystériques, cette perte de la mémoire qui fait que les pensées de l'écriture mécanique sont aussi vite oubliées qu'écrites. Montrant ensuite toutes les richesses de la mémoire latente, qui renferme non seulement nos souvenirs conscients, mais aussi les résultats de nos travaux intellectuels pendant le sommeil, nous avons mis les observateurs en garde contre les causes d'erreurs provenant de ce chef.
Nous avons constaté ensuite que dès que les phénomènes de la clairvoyance et de la suggestion mentale ont été reconnus comme facultés réelles possédées par l'être humain, nos critiques ont voulu s'en emparer pour détruire le spiritisme proprement dit, en affectant de croire que tous les faits inconnus révélés par l'écriture pouvaient s'expliquer par le jeu naturel de ces facteurs nouveaux. Mais, ici encore, leur espoir a été déçu, puisque nous avons montré que ces puissances de l'âme obéissent à des règles fixes, et qu'elles ont des limites au delà desquelles on ne saurait les faire intervenir, sans tomber manifestement dans l'erreur.
Il en est de même pour la télépathie. Nous savons que pour que cette action d'un esprit sur un autre soit possible, trois conditions doivent intervenir :
1° - Une concentration de pensée intense de l'agent produite volontairement ou par une émotion violente,
2° - Un lien sympathique, une sorte de réglage dynamique entre l'organisme de l'agent et du percipient,
3° - Un état monoïdéique de celui-ci. Dans le cas particulier d'une dictée médianimique, lorsqu'elle relatera un fait exact concernant un étranger inconnu de l'écrivain et des assistants, nous aurons le devoir de rechercher si cette révélation ne serait pas due à l'action d'un être vivant, momentanément endormi, qui agirait sur le médium. Mais s'il est impossible de découvrir le moindre lien entre la cause agissante et l'écrivain, nous sommes en droit de récuser absolument l'explication télépathique, comme insuffisante et injustifiée. Mais alors, si aucune intelligence humaine ne peut donner les indications précises qui sont contenues dans le message, force nous sera de recourir aux esprits désincarnés Nous allons voir dans les chapitres suivants qu'en appliquant cette méthode rigoureuse d'exclusion, il nous reste encore une masse énorme de documents dans lesquels l'intervention des esprits est si manifeste, qu'elle se démontre avec une rigueur qui défie toute critique.
Ce pauvre spiritisme si bafoué par les ignorants, les savants, les prêtres de toutes les religions, s'est répandu dans le monde entier, en narguant ses ennemis coalisés, car il possède la force souveraine de la vérité qui contourne, brise ou renverse, tous les obstacles accumulés sur son chemin par l'ignorance et le dogmatisme. Aujourd'hui même, notre doctrine s'infiltre lentement et sûrement jusque dans les sanctuaires officiels du savoir, pour se dresser, bien vivante, devant les pontifes qui prononçaient son oraison funèbre. La science matérialiste est entraînée d'une manière irrésistible vers cette étude de l'action extra-corporelle de l'être humain, qui détruit ses idées, préconçues. C'est contrainte et forcée qu'elle s'engage dans cette voie nouvelle qui ouvre à la pensée de si vastes horizons. Il est trop tard aujourd'hui pour reculer ; trop de hautes et rigoureuses intelligences se sont occupées de ces questions pour qu'on puisse désormais continuer la conspiration du silence. L'âme humaine se dégage sous nos yeux des langes de la physiologie dans lesquels on voulait l'emprisonner ; par l'étude de ce qu'elle produit déjà ici-bas pendant les rares instants où elle s'émancipe du joug de sa gaine terrestre, nous pouvons soupçonner quels sont ses pouvoirs lorsqu'elle plane, haute et sereine, dans les régions de cette erraticité qui est sa véritable patrie.

[1] Voir page 39.

[2] Bernard. De l’Aphatie. Page 50.

[3] Myers, Gurney et Podmore. Les Hallucinations télépathiques, traduction française par M. Marillier. Alcan Editeur. Voir également la collection des Annales Psychiques.

[4] Les Hallucinations télépathiques. Page 12.

[5] Les Hallucinations télépathiques. Page 77.

[6] Myers, Gurney et Podmore. Hallucinations télépathiques. Page 89.

[7] Hallucinations Télépathiques. Page 128.

[8] Hallucinations télépathiques. Page 248.

[9] Hallucinations télépathiques. Page 92.

[10] Hallucinations Télépathiques. Page 172.

[11]Voir Revue scientifique et morale du Spiritisme. Octobre 1898. Page 245.

[12]Aksakof. Animisme et Spiritisme. Pages 489 - 490.

[13] Myers, Gurney et Podmore. Hallucinations télépathiques. Page 7, introduction.

[14]Ochorowicz. La suggestion mentale. Page 502.

[15] Aksakof. Animisme et Spiritisme. Pages 484 et 490.

[16] Voyez Spiritualist. 1875, Tome II. Pages 244-45.

[17] Revue Spirite. Phénomènes obtenus au cercle Circolo Marietta. Année 1878. Page 434.

[18]Allan Kardec. Le Livre des médiums. Page 377.

[19] Gabriel Delanne. L’âme est immortelle. Démonstration expérimentale.

[20]Hallucinations télépathiques. Page 314.

[21] Allan Kardec. Le Livre des Esprits. Page 337 et suiv.

[22] Voir Revue Spirite 1861. Page 148 et suiv.

[23] Pierrart. Revue Spiritualiste. Tome V. 1862. Page 338.

[24] Revue Spirite. Année 1863. Page 21.

 

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