Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


CHAPITRE II
Automatisme, clairvoyance, prémonition

 

Sommaire : Nécessité de faire intervenir d’autres facteurs pour expliquer les faits constatés pendant l’automatisme. Les expériences du Professeur G.T.W. Patrick.La clairvoyance repoussée par les savants. Sa reconnaissance par la Société Anglaise de Recherches Psychiques. Les hypothèses des incrédules. Ils veulent tout expliquer au moyen de cette faculté .La clairvoyance à l’état de veille.Le cas Swedenborg. - Les expériences sur la divination des cartes. - Les recherches de M. Roux. - Les expériences de M. Wilkins. - Les expériences du Docteur William Grégory sur la lecture à travers les corps opaques. - Peut-on lire la pensée ?. - Le cas du Docteur Quintard . - La clairvoyance pendant le sommeil ordinaire. - Vision de lieux éloignés. - Clairvoyance avertissant d’un danger. - Une mère qui retrouve son fils par clairvoyance. - Faits révélés par l’écriture automatique, pouvant s’expliquer par la clairvoyance. - Un bijou et une somme d’argent retrouvés en rêve. - Songes clairvoyants et prémonitoires. - La lucidité pendant le sommeil magnétique. - Le cas de Sébastopol. - Lucidité d’une somnambule controlée par le téléphone. - Les recherches du Docteur Bakman. Une expérience de Karl du Prel. Conséquences des faits précédents. Démonstration de l’existence de l’âme par la clairvoyance. - Le cas Wilmot. - Rapport de la clairvoyance avec l’automatisme. - L’automatisme pendant la transe. - Les recherches du Docteur Moroni et de M. Rossi Pagnoni. - Les faits que la clairvoyance ne peut expliquer. - Résumé. -

Les phénomènes d’écriture automatique que nous venons de passer en revue nous ont montré que, très souvent, l’automatisme, à ses débuts, est caractérisé par l’indécision, le vague, l’incohérence ou les mensonges des réponses. Cependant, presque toujours, une personnalité fictive s’organise ensuite, signe les messages, et elle est, suivant les tendances intellectuelles de l’écrivain, tantôt Clélia, tantôt Jésus-Christ, quand ce n’est pas Dieu lui-même comme chez la mystique Mme Guyon. Il est clair que si l’automatisme se rencontre chez un Moïse ou un Mahomet, il peut enfanter le Décalogue ou le Coran ; mais chez les sujets d’esprit moyen, il se borne ordinairement à des compositions plus terre à terre, en parfaite harmonie avec la médiocrité des auteurs.
Rien dans les productions de ces automatistes ne montre une intervention spirituelle et il est assez facile, après examen, de ramener les quelques détails rétrospectifs qui s'y trouvent, parfois à un travail de la mémoire latente. Mais nous devons maintenant pénétrer plus profondément dans notre sujet en examinant les cas plus compliqués, où certains faits relatés par l’écriture ont toujours été ignorés de l'écrivain à l'état mental. Cette révélation est-elle indiscutablement la preuve d'une intervention étrangère ? Non, car il est fort possible que le détail inconnu soit perçu au moyen d'une faculté supérieure que l'on appelle la clairvoyance. Montrons d'abord comment s'introduit ce facteur nouveau.

Les expériences du professeur G. T. W. Patrick

Ce travail a été publié en Amérique par la Psychological Review de novembre 1898, volume V, No 6. page 555[1] .

"Nous apprenons, d'abord que la personne qui s'est prêtée aux expériences est un jeune homme de vingt-deux ans, Henri W..., étudiant à l'Université, paraissant jouir d'une excellente santé. Il a lu des ouvrages de spiritisme, quatre ans auparavant chez sa tante, mais ils n'ont fait sur lui aucune impression, et il a jugé les phénomènes spirites comme une superstition curieuse. En fait d'hypnotisme, il a assisté à deux ou trois séances données par un hypnotiseur de passage, il s'est offert à lui servir de sujet et on a remarqué qu'il était très sensible à cette action."

Nous trouvons déjà réunies ici toutes les conditions que nous avons reconnues favorables au développement de l'automatisme ; aussi ne serons-nous pas surpris de le voir écrire rapidement. Il est facilement hypnotisable, suggestible, et appartient à cette catégorie de nerveux prédisposés à l'écriture subconsciente, comme on va le voir par l'exposé des faits :

"Un jour, ayant lu quelques observations sur les suggestions post-hypnotiques, il en causa avec le professeur Patrick qui, sur sa demande, l'hypnotisa et lui donna pendant le sommeil l'ordre d'exécuter, au réveil, certains actes insignifiants, comme de prendre un volume dans une bibliothèque ; ces ordres furent exécutés de point en point, et, comme c'est l'habitude, ils ne laissèrent après eux aucun souvenir.
Quelque temps après, le sujet apprit à l'auteur que, lorsqu’il tenait un crayon à la main et pensait à autre chose, sa main était continuellement en mouvement et traçait avec le crayon des griffonnages dénués de sens. C'était un rudiment d'écriture automatique. Patrick se décida à étudier cette écriture, il le fit en six séances, dont les trois dernières furent séparées des premières par deux ans d'intervalle.
L'étude se fit de la manière suivante : on se réunissait dans une pièce silencieuse, le sujet tenait un crayon dans sa main droite et appuyait le crayon sur une feuille de papier blanc, il ne regardait pas sa main, il avait la tête et le corps tournés de côté, et il tenait à sa main gauche un ouvrage intéressant, qu'il devait lire avec beaucoup d'attention (Procédé Salomons et Stein). Naturellement, comme les expériences étaient faites en partie sur sa demande, il se préoccupait beaucoup de ce que sa main pouvait écrire, mais il ignorait absolument ce qu'elle écrivait ; on lui permit quelquefois, pas toujours, de relire ce que sa main avait écrit ; il avait autant de peine que n'importe quelle autre personne à déchiffrer sa propre écriture. Dans quelques cas, on le pria de quitter la lecture de son livre et de suivre attentivement les mouvements de sa main, sans la regarder ; il eut alors conscience des mouvements qu'elle exécutait : mais sauf ces cas exceptionnels, l'écriture était tracée automatiquement. Les questions étaient préalablement posées à mi-voix à Henri W. Celui-ci ne répondait pas et n'entendait pas, son attention étant distraite par la lecture du livre, mais sa main écrivait la réponse. Notons qu'il n'y a aucune raison de suspecter l'absolue bonne foi du sujet, dont la loyauté et la sincérité sont au-dessus de tout soupçon. Voici quelques-unes des expériences :

D. — Qui êtes-vous ?
R. — Laton.
D. — Quel est votre premier nom ?
R. — Bart.
D. — Quelle est votre profession ?
R. — Professeur.
D. — Etes-vous homme ou femme ?
R. — Femme.
Cette réponse est inexplicable, car dans la suite, le sus-dit Laton a toujours manifesté le caractère d'un homme.
D. — Etes-vous vivant ou mort ?
R. — Mort.
D. — Où avez-vous vécu ?
R. — Illinois.
D. — Dans quelle ville ?
R. — Chicago.
D. — Quand êtes-vous mort ?
R. — 1883.


Jusqu'alors rien d'extraordinaire, ni qui permette de savoir si oui ou non c'est un esprit ou l'imagination du sujet qui fait les réponses. Mais on va appliquer de suite un critérium en cherchant si la suggestion joue un rôle dans le phénomène. Si l'écriture reflète cette suggestion, c'est que l'on ne sera pas en présence d'une individualité indépendante, mais simplement en face d'un cas d'automatisme. Voici cette séance :

D. — Voyons, votre nom n’est pas du tout Bart Laton. Votre nom est Franck Sabine et vous avez vécu à Saint-Louis, et vous êtes mort le 16 novembre 1843. Répondez, qui êtes-vous ?
R. — Franck Sabine.
D. — Où êtes-vous mort ?
R. — A Saint-Louis.
D. — Quand êtes-vous mort ?
R. — Le 14 septembr e 1847.
D. — Quelle était votre profession à Saint-Louis ?
R. — Banquier.
D. — Combien de mille dollars valiez-vous ?
R. — 750.000.


L'empire de la suggestion est manifeste pour le nom de la ville. La profession a changé ainsi que la date de la mort qui est due à la fantaisie de l'imagination. Une semaine après, Laton reparut :

D. — Qui écrit ?
R. — Bart Laton.
D. — Où avez-vous vécu ?
R. — Chicago.
D. — Quand êtes-vous né ?
R. — 1845.
D. — Quel âge avez-vous ?
R. — Cinquante ans. (Rapprocher ceci de l'affirmation qu'il était né en 1845 et mort en 1883, ce qui ne ferait que 38 ans et non cinquante. (Incohérence manifeste).
D. — Où êtes-vous maintenant ?
R. — Ici.
D. — Mais je ne vous vois pas ?
R. — Esprit.
D. — Bien. Mais où êtes-vous comme esprit ?
R. — Dans moi, dans l'écrivain.
D. — Multipliez 23 par 22.
R. — 3540. (Incohérence).
D. — C'est faux. Comment expliquez-vous votre réponse ?
R. — Deviné.
D. — Maintenant, l'autre jour, vous avez répondu que vous étiez quelqu'un d'autre. Qui êtes-vous ?
R. — Stephen Langdon. (Variation, peut-être association par consonnance entre Langdon et Laton).
D. — De quel pays ?
R. — Saint-Louis. (Le rappel de la suggestion ramène le nom du pays suggéré une semaine auparavant).
D. — Quand êtes-vous mort ?
R. — 1846. (La date de la mort varie encore une fois).


Toutes les réponses contradictoires fournies par le soi-disant Laton montrent avec évidence son origine subconsciente, qui n'est autre que l'esprit de Henri W. lui-même en état de distraction. Pour peu que l'on excite le prétendu Laton, on trouve immédiatement ce fond de grossièreté et de mensonge ingénu que nous avons déjà plusieurs fois signalé et que l’on attribuait jadis aux mauvais esprits. En voici un exemple :

D. — Quel était l'occupation de M. Laton à Chicago ?
R. — Charpentier.
D. — Il y a deux ans, vous m'avez dit qu'il était professeur.
R. — Eh bien ! Moi j'avais l'habitude d'enseigner.
D. — Dansez-vous ?
R. — Nous ne dansons plus quand nous avons quitté la terre.
D.— Pourquoi ?
R. — Vous ne pouvez pas comprendre. Nous ne sommes plus que partiellement matériels.
D.— Quand vous êtes à écrire, comme maintenant, que fait la partie de vous-même qui n'est pas matérielle ?
R. — Elle est quelque part ou nulle part.
D. — Montez-vous à bicyclette ?
R. — Seulement par l'intermédiaire de Henry W.
D. — Il y a deux ans, vous écriviez votre nom : Laton. Comment rendez-vous compte de ce changement d'orthographe ?
R. — Trop de Latons : c'est mieux comme le dernier.
D. — Vous êtes un effronté simulateur. Qu'avez-vous à répondre à cela ?
R. — Taisez-vous, pauvre vieil idiot. Croyez-vous que je suis obligé de répondre exactement à toutes vos damnées questions ? Je puis mentir toutes les fois que cela peut me plaire.


Cet automatisme rudimentaire n'a pas eu le temps de s'organiser solidement, de constituer une personnalité cohérente, parce que les exercices ont été peu nombreux, et séparés d'ailleurs par un intervalle de deux années. Nous n'en aurions pas parlé si parmi les divagations de l'écriture, il ne s'était trouvé çà et là, quelques renseignements exacts sur des faits ignorés par Henry W. Par exemple :

D. — Qui écrit ?
R. — Bart Laton.
D. — Qui était major à Chicago quand vous êtes mort ?
R. — Harrison (Exact).
D. — Combien avez-vous vécu à Chicago ?
R. — Vingt ans.
D. — Vous devez bien connaître la ville ?
R. — Oui.
D. — Commencez par Michigan Avenue et nommez Ies rues dans l'Ouest.
R. — Michigan, Wasbasch, State Clarke (hésitation)... J'ai oublié. Henry W. interrogé connaissait seulement trois de ces noms.


Dans une autre circonstance, le professeur Patrick demande au sieur Laton s’il serait capable de lui donner une communication d’un de ses amis décédé. L'écriture trace le nom de George White, oncle de M. Patrick, mort pendant la guerre de Secession. Henry W. ignorait ce nom, quoiqu'il ait eu l'occasion de voir écrit en entier le nom du professeur qui est : George Thomas-White-Patrick. Interrogé sur la personnalité de George White, Laton fit une foule d'erreurs sur son genre de mort, la date de sa mort, etc.
En somme, au milieu du fatras des réponses insignifiantes, on distingue les rudiments d'une faculté clairvoyante qui permet à l’écriture de raconter des faits que Henry W. n'a pu connaître normalement. Après avoir signalé la pauvreté intellectuelle des messages, M. Binet dit :

"Mais ce pauvre esprit parait avoir de temps en temps de belles et brillantes facultés intuitives ; il semble connaître des choses que Henry W. ignore et n'a pu apprendre. Patrick a étudié de près ce côté de la question, il a fait des enquêtes pour vérifier avec le plus grand soin les affirmations de Laton. Le plus souvent, ces affirmations se sont trouvées erronées ; mais, parfois, il y a eu quelque chose qui semble dépasser les moyens ordinaires de connaissance. Patrick ne cherche point à expliquer cette faculté d'intuition, mais il pense qu'on ne peut la nier complètement, car on la retrouve dans beaucoup d'observations analogues et elle est comme un trait de caractère du personnage qui se manifeste par l'écriture automatique. L'opinion de Patrick parait être que cette faculté d'intuition est une faculté naturelle, perdue par l'homme civilisé, comme cette acuité des sens que l'on observe encore, parait-il, chez les sauvages."

Nous voici donc en présence d'une nouvelle modalité intellectuelle que M. Binet appelle une faculté intuitive, c'est-à-dire celle qui permet d'acquérir des connaissances sans l'intermédiaire des sens. Il y a longtemps que les magnétiseurs et les spirites ont signalé ce pouvoir de l'âme et démontré son existence sous le nom de clairvoyance. Mais, comme tant d'autres de leurs affirmations, celle-ci a été rejetée dédaigneusement par les savants, qui ne pouvaient pas admettre une faculté en si flagrante opposition avec leurs hypothèses matérialistes. Ils ont eu cependant l'occasion fréquente d'observer des faits de vision sans le secours des yeux, de transmission de pensée, ou de télépathie dans leurs recherches sur l'hypnose, mais systématiquement, ils repoussaient l'évidence, pour ne pas porter atteinte aux dogmes sacro-saints dont ils sont les pontifes. Ecoutez Charcot avouer sans vergogne sa partialité :

"L'hypnotisme est un monde où, à côté des faits palpables, matériels, grossiers, côtoyant toujours la physiologie, on trouve des faits absolument extraordinaires, inexplicables jusqu’à présent, qui ne répondent à aucune loi physiologique et complètement étranges et surprenants, j’ai étudié les premiers et laissé de côté les seconds[2] ."

Le Docteur Gibier, de son côté, signale cette obstruction antiscientifique en ces termes[3] :

"Il est certain que dans les expériences de catalepsie, de suggestion que pratiquent les médecins et également, il faut bien le dire, hélas ! Les empiriques, un élément étranger semble quelquefois s’introduire sur la scène, mais jusqu’ici, quand cet inconnu se présentait, on interrompait l’expérience parce que, dans ce cas, selon le mot du professeur Lassegue : « on ne sait pas où l’on va ! » Aujourd’hui, sans que l’on sache bien où l’on va, est-ce que l’on n’a pas le droit d’être un peu plus hardis, et tout en restant dans les limites d’une sage prudence, ne peut-on pas enregistrer les observations qui se présentent pour les classer et les rassembler dans un catalogue en temps propice ?"

Voilà dix ans que ces lignes ont été écrites et il semble que le désir de l’éminent bactériologiste a été complètement réalisé.

La Société anglaise de Recherches Psychiques

Ce n’est malheureusement pas en France qu’il faut chercher des exemples d’indépendance intellectuelle. Notre monde officiel est routinier et ressent une véritable horreur pour toutes les nouveautés ; aussi est-ce en Angleterre que fut constituée la première société qui prit pour but d’étudier sérieusement les faits psychologiques anormaux, afin de vérifier la réalité des manifestations spirites, etc.
Fondée à Londres et à Cambridge en 1882, elle conquit rapidement une haute et légitime influence, grâce à la précision minutieuse de ses enquêtes et à l’impartialité de ses investigateurs. Elle comprend un très grand nombre de membres et d’associés appartenant aux classes les plus distinguées de la nation, soit par la fortune, soit par l’intelligence. La liste de ses adhérents comprend 36 pages des Proceedings, qui sont l’organe de cette société.
Le président était, en 1900, l’illustre William Crookes. Elle compte parmi ses vice-présidents : le professeur Barrett, de la Société Royale ; le marquis de Bute ; le professeur William James, de l’Université d’Harvard ; lord Raleigh ; l’évêque de Ripon, etc. Dans son conseil d’administration figurent : Richard Hodgson, le professeur Olivier Lodge, membre de la Société Royale, H. Myers, Podmore, etc. parmi ses membres honoraires : Aksakof et Alfred Russel Wallace, et elle a en France pour membres correspondants les docteurs : Beaunis, Bernheim, Dariex, Ferré, P. Janet, Liébault, Sabatier, etc.
Ses travaux, qui se publient mensuellement, forment à présent une collection de faits d’une grande importance, car elle renferme la plus riche moisson de phénomènes authentiques que l’on puisse consulter sur les facultés subconscientes et transcendantales de l’être humain. Sa haute valeur résulte de la méthode strictement scientifique avec laquelle les faits sont étudiés. C’est à ce trésor que nous puiserons, le plus souvent, afin de nous affranchir des critiques qui pourraient nous être faites sur la validité des observations que nous citerons dans notre discussion sur la clairvoyance.
Depuis vingt ans, l’impression produite par les travaux de cette Société a été telle, que les psychologues du monde entier s’occupent aujourd’hui des recherches psychiques. Si tous ne sont pas encore convaincus, un certain nombre, du moins, admettent la transmission de la pensée et la faculté de voir sans le secours des yeux et veulent même se servir de ses connaissances nouvelles pour expliquer la révélation, par l’écriture, de faits inconnus du médium.
Examinons cette question fort importante pour les spirites afin de savoir quelle part nous devons faire à cette faculté dont l’existence n’est plus guère contestable aujourd’hui.

Les hypothèses des incrédules

« Nous avons nié jusqu’alors, disent les adversaires du Spiritisme, la réalité de ces manifestations extra-corporelles de l’être humain qui lui permettent de voir à une grande distance — malgré les obstacles interposés — les évènements qui s’y accomplissent, de même que nous ne croyions pas possible la transmission de la pensée par d’autres procédés que le geste, la parole ou l’écriture ; mais puisque des faits très nombreux, très bien observés, ne permettent plus le doute, nous admettons l’existence de ces pouvoirs nouveaux, et, logiquement, nous nous en servons pour expliquer — sans faire intervenir les Esprits — pourquoi et comment les communications, dites spirites, contiennent parfois des renseignements ou des connaissances que l’écrivain n’a pu acquérir par les sens. » Il est évident que cette manière de raisonner serait inattaquable si elle résolvait toutes les difficultés en face desquelles nous place l’examen des communications. Mais il en est un certain nombre que ni la clairvoyance, ni la transmission de pensée n’expliquent, de sorte que le raisonnement précédent ne peut s’appliquer qu'à quelques-unes des productions de l'automatisme. Les critiques n'ont pas su ou pas voulu faire cette distinction, de sorte que passant d'une extrémité à l'autre, ils ont donné à ces facultés amimiques une importance et une extension qu'elles n'ont pas en réalité. Voici deux exemples de cette manière de discuter[4]:

"La transmission de la pensée d'un mort n'explique pas nécessairement la survivance des morts. Une pensée peut avoir été transmise au médium avant la mort de l'agent et sa production au jour n'avoir lieu qu'après cette mort. Le cas peut se compliquer si un médium lit dans la pensée d'un vivant A, une pensée qui y a jadis été imprimée, par une personne actuellement morte et que cette pensée est restée dans la région complètement inconsciente de l'esprit de A.
Voilà pourquoi la discussion entre les immortalistes et leurs adversaires n'aura pas de fin, car ceux-ci pourront toujours répondre à ceux-là par ce dilemme : ou la révélation que vous nous donnez comme une preuve de l'immortalité de l'âme est vérifiable, ou elle ne l'est pas. Si elle ne l'est pas, elle n'apprend rien de certain. Si elle l'est, elle l'est par des documents que l'esprit du médium peut connaître directement par transmission mentale venant de quelque vivant ayant connu le mort."


Ainsi formulée, la conclusion de l'auteur est beaucoup trop absolue ; d'abord parce qu'il existe des preuves physiques indéniables de la survivance, telles que les matérialisations, les photographies et les moulages des Esprits[5]; en second lieu, parce que le médium, fût-il clairvoyant, ne peut pas lire dans tous les cerveaux, et principalement dans celui des personnes qu'il ne connaît pas et où, cependant, il devrait, dans beaucoup de cas, puiser les renseignements qui se rapportent au mort qui est censé se manifester.
Cette exagération dans l'hypothèse, cette tentative d'enlever au spiritisme ce qui fait sa force, c'est-à-dire la preuve que l'esprit d'un mort peut se communiquer, semble devenir le mot d'ordre des sceptiques. Ils espèrent parsemer de chausse-trappes les expériences spirites, et susciter dans les âmes sincères de si sérieuses suspicions que celles-ci, rebutées par la difficulté de ces études, les abandonneront par lassitude ou découragement.
Voici la note pessimiste que fait entendre Monsieur le Professeur Flournoy, un des plus distingués parmi les adeptes de l’école en question[6] :

"Je crains pour les médiums et les spirites pratiquants que, lorsque leur hypothèse aura été scientifiquement démontrée, le résultat n’en soit fort différent de ce que beaucoup l’imaginent. Il pourrait bien arriver que le culte du guéridon, l’écriture mécanique, les séances et tous les autres exercices médiumniques ne reçussent précisément leur coup de mort de la reconnaissance officielle des esprits par la science. Supposons, en effet, que les recherches contemporaines aient enfin prouvé clair comme le jour qu'il y a des messages venant réellement des désincarnés ; il ressort déjà de ces mêmes recherches, avec non moins d'évidence que dans les cas les plus favorables les messages véritables sont terriblement difficiles à démêler de ce qui n'est pas authentique. Ils se présentent noyés dans une si formidable mixture de confusions, d'erreurs, d'apparences illusoires de toutes sortes, que vraiment — à moins d'avoir le temps et la patience du Dr Hodgson et un médium aussi remarquable que Mme Piper (ce qui est exceptionnel), — c'est une folle prétention que de vouloir, dans un cas donné, assigner ce qui proviendrait véritablement des désincarnés, et le discerner avec certitude au milieu de ce qui doit être au contraire attribué aux souvenirs latents du médium, à son imagination subconsciente, aux suggestions involontaires et insoupçonnées des assistants, à l'influence télépathique des vivants plus ou moins éloignés, etc. Quand les gens auront compris que ce triage est presque toujours au-dessus de notre pouvoir, ils se dégoûteront peut-être d'expériences où ils ont quatre vingt-dix-neuf chances contre une d'être dupes d'eux-mêmes ou d'autrui, et où, chose encore plus vexante, même s'ils avaient le bonheur de tomber sur la centième chance, ils n'auraient aucun moyen de le savoir !"

M. Flournoy ne se pique pas de logique, puisqu'il consacre un gros volume de 400 pages à l'étude des phénomènes d'apparence spiritique présentés par Mlle Smith, preuve que ce sujet l'intéresse. D'ailleurs, il est original de constater comment il se réfute lui-même, deux pages plus haut, en ces termes[7] :

"Ce n'est pas une question banale que de se demander si les individualités humaines ou animales continuent à intervenir d'une façon effective dans les phénomènes physiques, physiologiques ou psychologiques de cet univers, après la perte de leur organisme corporel et visible. S'il y a des faits qui l'établissent d'une manière péremptoire, que de problèmes en jaillissent et quel champ inattendu d'investigation cela n'ouvre-t-il pas à nos sciences expérimentales ! Et si l'hypothèse est fausse, quoi de plus captivant que l'étude des singuliers phénomènes qui ont pu lui donner naissance, la recherche des causes véritables dont l'enchevêtrement parvient à simuler avec plus ou moins de perfection le retour des défunts dans notre monde observable ! On comprend donc que même dépouillée de tous les accessoires émotionnels dont elle s’enveloppe si facilement dans le cœur et l’imagination des hommes, la question de l’immortalité empirique et des interventions spirites, apparentes ou réelles, conserve son importance scientifique et mérite d’être discutée avec la calme sérénité, l’indépendance, la rigueur d’analyse, qui sont le propre de la méthode expérimentale."

Essayons donc de conserver cette « calme sérénité » dont l'auteur genevois s'est parfois écarté, afin d'étudier froidement dans quelles circonstances nous devons faire intervenir la clairvoyance pour l'explication des phénomènes, ajournant la transmission de la pensée au chapitre suivant que nécessite l'importance de cette question.

La clairvoyance à l'état de veille

On appelle clairvoyance, double vue ou lucidité, la faculté d'acquérir des connaissances sans ressentir l'influence de la pensée des personnes présentes et sans se servir des organes des sens. On peut constater l'exercice de ce pouvoir à l'état de veille, dans le sommeil ordinaire et pendant le somnambulisme naturel ou provoqué. Examinons chacun de ces cas et voyons quels rapports peuvent exister entre l'automatisme et la clairvoyance.
L'antiquité tout entière a cru que certains personnages célèbres possédaient ce don. Apollonius de Tyane, si l'on en croit Philostrate, décrivait d'Ephèse, au moment même où il eut lieu, l'assassinat de Domitien par l'affranchi Stéphanus[8]. La critique moderne a classé ce fait, comme bien d'autres, parmi les légendes, dans son impuissance à le comprendre ; mais puisque de nos jours on observe des phénomènes semblables, il y a lieu de croire que les récits anciens n'étaient pas tous des fictions et qu'ils démontrent l'universalité de cette faculté. L'histoire de Swedenborg offre un remarquable exemple de double vue, que nous allons rapporter, parce qu'il a été contrôlé par Kant. Voici dans quels termes le grand philosophe allemand rend compte de son enquête[9] .

"Pour vous donner, ma gracieuse Demoiselle, quelques moyens d'appréciation (quant aux facultés de Swedenborg) dont tout le public encore vivant est témoin, et que la personne qui me les transmet a pu vérifier en lieu et place, veuillez me permettre de vous apprendre le fait suivant :
Le fait qui suit me parait avoir la plus grande force démonstrative et devoir couper court à toute espèce de doute. C'était en l'an 1754 que M. de Swedenborg, vers la fin du mois de septembre, un samedi, vers quatre heures du soir, revenant d'Angleterre, prit terre à Gothembourg. M. William Castet l'invita en sa maison avec une société de quinze personnes. Le soir, à six heures M. de Swedenborg qui était sorti, rentra au salon, pâle et consterné, et dit qu'à l'instant même il avait éclaté un incendie à Stockholm, au Südermalm, et que le feu s'étendait avec violence vers sa maison. Il était fort inquiet (rappelons que la maison de Swedenborg était disposée d'une façon spéciale, pour faciliter ses communications avec les Esprits), et il sortit plusieurs fois. Il dit que déjà la maison d'un de ses amis qu'il nommait, était réduite en cendres, et que la sienne propre était en danger. A huit heures, après une nouvelle sortie, il dit avec joie : « Grâce à Dieu, l'incendie s'est éteint à la troisième porte qui précède la mienne. »
Cette nouvelle émut fort la société, ainsi que toute la ville. Dans la soirée même, on en informa le gouverneur. Le dimanche, au matin, Swedenborg fut appelé auprès de ce fonctionnaire qui l'interrogea à ce sujet. Swedenborg décrivit exactement l'incendie, ses commencements, sa fin et sa durée. Le même jour, la nouvelle s'en répandit dans toute la ville, qui s'en émut d'autant plus que le gouverneur y avait porté son attention, et que beaucoup de personnes étaient en souci de leurs biens ou de leurs amis. Le lundi au soir, il arriva à Gothembourg une estafette que le commerce de Stockholm avait dépêchée pendant l'incendie. Dans ces lettres l'incendie était décrit exactement de la manière qui vient d'être dite. Le mardi, au matin arriva auprès du gouverneur un courrier royal avec le rapport sur l'incendie, sur la perte qu'il avait causée et sur les maisons qu'il avait atteintes, sans qu'il y eut la moindre différence entre ces indications et celles que Swedenborg avait données. En effet, l'incendie avait été éteint à huit heures.
Que peut-on alléguer contre l'authenticité de cet événement ? L'ami qui m'écrit a examiné tout cela, non seulement à Stockholm, mais il y a environ deux mois, à Gothembourg même ; il y connaît bien les maisons les plus considérables et il a pu se renseigner complètement auprès de toute une ville dans laquelle vivent encore la plupart des témoins oculaires, vu le peu de temps écoulé depuis 1756. (1759)."


Nous possédons aujourd'hui un nombre assez considérable de récits contemporains, minutieusement contrôlés, pour nous obliger à croire que la double vue est une réalité. Dassier[10]; les Proceedings de la Société des Recherches psychiques ; les Annales des sciences psychiques[11] , et le récent ouvrage de Flammarion[12], en contiennent une quanité dont la vérification a été bien faite, de sorte que l’existence de cette faculté de voir sans le secours des yeux est établie maintenant avec certitude. Dans quelle mesure ce pouvoir sert-il à expliquer la révélation de faits que l’automatiste n’a pu connaître normalement ?
Une vision comme celle de Swedenborg est consciente ; il se rappelle tous les détails de la scène, qui vient de se dérouler, mais un automatiste est le premier à être surpris du fait inconnu que son écriture lui révèle ; comment donc peut-il ignorer que c’est lui-même qui a été clairvoyant ? De la même façon qu’il ne sait pas ce que sa main trace sur le papier. Rappelons encore qu’il est, le plus souvent, dans cette phrase d’hémi-somnambulisme qui est la cause de l’oubli de toutes les pensées qui s’extériorisent graphiquement, de sorte que les perceptions de la clairvoyance lui deviennent aussi étrangères que ses idées propres. Il ne faut donc pas se hâter d’affirmer que la révélation d’un fait inconnu de l’écrivain est une preuve absolue de l’intervention des esprits. Prenons comme exemple une expérience de Crookes, il dit [13] :

"Une dame écrivait automatiquement au moyen de la planchette. J'essayais de découvrir le moyen de prouver que ce qu'elle écrivait n'était pas dû à l'action inconsciente du cerveau. La planchette, comme elle le fait toujours, affirmait que quoiqu'elle fût mise en mouvement par la main et le bras de cette dame l'intelligence qui la dirigeait était celle d'un être invisible, qui jouait du cerveau de la dame comme d'un instrument de musique, et faisait ainsi mouvoir ses muscles.
Je dis alors à cette intelligence : « voyez-vous ce qu'il y a dans cette chambre ? — Oui, écrivit la planchette. Voyez-vous ce journal et pouvez-vous le lire ? Ajoutai-je en mettant mon doigt sur un numéro du Times qui était sur une table derrière moi, mais sans le regarder. — Oui, répondit la planchette. — Bien, dis-je, si vous pouvez le voir, écrivez maintenant le mot qui est couvert par mon doigt et je vous croirai. » La planchette commença à se mouvoir lentement et avec beaucoup de difficulté, elle écrivit le mot honneur. Je me détournai et je vis que le mot honneur était couvert par mon doigt. Lorsque je fis cette expérience, j'avais évité à dessein de regarder le journal, et il était impossible à la dame, l'eût-elle essayé, de voir un seul des mots imprimés, car elle était assise à une table, le journal était sur une autre table derrière moi, et mon corps lui en cachait la vue."


Sommes-nous, dans ce cas, en présence d'un Esprit désincarné qui a vu le mot caché par le grand chimiste ? C'est très possible, mais nous n'en avons pas la certitude, puisque nous pouvons attribuer le fait à une faculté de clairvoyance du médium et que nous devons donner la préférence aux facteurs humains avant de faire intervenir l'au-delà. Ce qui rend cette expérience peu décisive, c'est que nous connaissons maintenant un grand nombre d'exemples où la clairvoyance s'exerce sans que le sujet sache par quel procédé il met en oeuvre cette faculté. C'est ainsi que souvent une personne devine des cartes sans les retourner, et les résultats exacts dépassent de beaucoup ceux que le calcul des probabilités permet de prévoir. Voici un exposé de Mme Sidgwick[14]qui nous paraît concluant à cet égard :

"Ces expériences consistent à deviner des cartes extraites d'un paquet, sans qu'elles aient été vues par personne. Mon amie a fait environ 2585 expériences de ce genre et, dans 187 cas, elle a deviné les cartes exactement, à la fois selon leur nom et leur nombre de points. Pourtant, dans 75 de ces cas, il a fallu faire deux essais (comme par exemple, pour savoir si c'était le trois de coeur ou le trois de pique). En comptant ces cas comme demi-succès, nous arrivons à un total de 149, 5 succès trois fois plus grand que le nombre que le calcul des probabilités attribue au hasard.
Toutes les expériences mentionnées plus haut ont été faites alors qu'elle était entièrement seule. Elle est si habituée à être seule que toute compagnie la trouble dans tous les genres de travaux qui exigent de la concentration mentale. C'est pourquoi il n'est pas surprenant que les expériences que nous avons faites ensemble, dans des conditions de la grande agitation ou d'excitation relativement ordinaire, n'aient pas réussi."

On connaît la grande autorité de Mme Sidgwick en ces matières et le scrupule qu'elle apporte à ne citer que des faits incontestables, nous pouvons donc admettre que la clairvoyance est ici en jeu, car jamais le hasard ne donne un nombre de réussites trois fois plus grand que le nombre probable. Signalons les ressemblances qui existent entre l'état de cette dame pendant l'expérience et celui des automatistes.
En premier lieu, elle ne voit pas la carte, elle la devine, par une sorte d'intuition et ne peut s'assurer qu'elle a deviné juste qu'en retournant la carte. Elle a donc perdu le souvenir du procédé par lequel elle a acquis cette connaissance ; secondement, il faut au sujet un état de concentration mentale assez intense, puisque la moindre excitation suffit à le troubler. Nous pensons que ce recueillement amène un état hypnoïde léger, lequel facilite beaucoup la perception extra-sensorielle de cette dame.
Il semble que ce soit là une condition nécessaire à l'exercice de cette clairvoyance, car un autre expérimentateur, M. Jean Ch. Roux, qui a obtenu des succès nombreux dans la divination de la figure des cartes, de leur valeur, les yeux bandés et sans les toucher, dit aussi[15] :

"Tel est le résumé de mes modestes expériences. Leur grand tort, je l'avoue, c'est d'avoir été faites dans la solitude ; mais devant un assistant, je m'énerve, je pense qu'il va se moquer de moi et je me trompe. Je ne suis arrivé à aucun résultat positif ; mais j'ai pu déterminer, me semble-t-il, que la vue et le toucher ne sont pour rien dans les phénomènes de lucidité."

Nous savons que l'écriture automatique exige aussi le silence et le recueillement ; nous ne serons donc pas tentés d'attribuer aux esprits la révélation de la valeur d'une carte, lorsque cela aura lieu par l'écriture automatique, comme dans le cas suivant[16] .

Expériences de M. Wilkins

"Dans les expériences de télépathie, deux cerveaux humains sont placés aux deux extrémités de la communication télépathique ; on constate qu'il se produit une transmission de certains mouvements émanant de l'un de ces cerveaux jusqu'à l'autre. Il est tout naturel de se demander ce qui se passerait si, à l'un des pôles, un objet inanimé était mis à la place de l'un des cerveaux humains. Il semble évident que les vibrations parties de l'autre cerveau ne pourraient influencer l'objet inanimé ; mais on peut se demander si ce dernier ne reproduirait pas, par l'intermédiaire du processus télépathique, une réaction quelconque sur le cerveau mis en relation avec lui.
Pour s'en assurer, il suffisait de donner au processus télépathique une direction volontaire vers quelque objet inaccessible aux organes des sens, et de rendre perceptible le résultat obtenu.
Pour faire l'expérience, je tirai au hasard une carte d'un jeu, en tenant constamment le revers en haut et je la posai sur une table : de cette manière personne ne pouvait connaître la carte et gâter l'expérience par une suggestion mentale involontaire. Je proposai ensuite à une personne présente, Mme Zogwinoff, femme d'un colonel habitant Tachkent et ayant non pas une grande habitude, mais une certaine pratique de l'écriture automatique, de deviner la carte à l'aide de ce procédé. Cette proposition fut accueillie par l'hilarité générale de tous les assistants, et moi-même je n'étais pas éloigné de la considérer, a priori, comme absurde. Néanmoins le succès fut complet et la carte fut désignée exactement.
Depuis lors, j'ai répété cette même expérience un très grand nombre de fois, en faisant varier les dispositions, par exemple en enfermant la carte dans une enveloppe, en substituant à la carte un mot écrit[17] ou un tracé de figure géométrique : la réussite a été plus ou moins complète. J'ai constaté notamment, comme paraîssent l'avoir fait tous ceux qui ont effectué des recherches sur les phénomènes de ce genre, qu'il y a des jours favorables pour les expériences et que, par contre, il y en a de mauvais. Les expériences faites dans des journées appartenant à cette dernière catégorie, dont le caractère déterminant est encore inconnu, ne donnent que des résultats incomplets ou négatifs.
Les expériences que je viens d'indiquer ont réussi avec deux personnes qui ne se connaissaient pas l'une l'autre. L'une était, comme je l'ai dit, Mme Zogwinoff, et l'autre Mlle Catherine Homoutoff, fille d'un juge, toutes deux résidant encore à Tachkent. Je n'ai dit à aucune de ces deux personnes comment procédait l'autre, cependant le mode ou proeédé de divination a été identique chez toutes deux. Cette similitude dans des actions inconscientes doit avoir assurément une raison d'être, et il y a lieu de la remarquer.
Pour produire l'écriture automatique, Mme Zogwinoff tenait tout simplement le crayon dans sa main, tandis que Mlle Homoutoff préférait employer le procédé de la planchette. Chez toutes deux la main quittait le papier sur lequel était appuyé le crayon prêt à écrire et se dirigeait assez lentement vers la carte ; le crayon en faisait le tour deux ou trois fois, après quoi la main revenait sur la feuille de papier. Ce phénomène se répétait ordinairement plusieurs fois pendant la durée de l'expérience. La carte n'était jamais nommée immédiatement et en une seule réponse. L'opération était assez longue, et c'est seulement à force d'insistance et après des questions répétées que le nom de la carte était indiqué peu à peu. Parfois la réponse était entrecoupée de mots inutiles et plus ou moins plaisants écrits par le crayon.
Voici un exemple d'une expérience de ce genre.

Question : Quelle est cette carte ?
Réponse : Une figure.
Q. — Quelle figure ?
R. — Un béret.
Q. — Alors c'est un valet ?
R. — Regarde toi-même et tu verras.
Q. — De quelle couleur est-il ?
R. — Rouge.
A une nouvelle demande ayant pour objet l'indication définitive de la carte, le crayon répondit en traçant un losange. En retournant la carte on constata que c'était effectivement le valet de carreau.
Les deux personnes nommées plus haut m'ont déclaré que, pendant toutes ces expériences, elles n'ont jamais perçu aucune sorte de pressentiment conscient ayant trait au problème posé : les réponses ont toujours été, pour elles-mêmes comme pour les assistants, de véritables surprises.
Tels sont les faits que la présente note a pour objet de signaler."

Les recherches du professeur Grégory

La remarque faite par M. Wilkins, qu'il a obtenu peu de succès en opérant avec des mots écrits cachés sous une enveloppe, pourrait faire croire qu'il y a dans cette expérience une difficulté plus grande que pour la désignation d'une carte. Nous allons citer des faits rapportés par William Grégory, professeur à l'Université d'Edimbourg, qui montrent que cette lecture se produit assez fréquemment, même à l'état de veille, avec des sujets entraînés[18].

"Il faut observer, dit-il, que le clairvoyant peut souvent percevoir des objets enveloppés dans du papier ou enfermés dans des boites ou autres réceptacles opaques. Ainsi, j'ai vu des objets décrits dans leur forme, leur couleur, leurs dimensions, leurs marques, etc. alors qu'ils étaient enfermés dans du papier, dans du coton, des boites en carton, en bois, en papier mâché (sic) et en métal. J'ai eu en outre la connaissance des lettres, minutieusement décrites, l'adresse, les empreintes postales, le cachet et même le contenu déchiffré, bien que les lettres fussent enfermées dans des enveloppes épaisses ou dans des boites. Aucun fait n'est mieux attesté que celui-ci. Le major Buckley, qui semblerait posséder, à un degré peu ordinaire, le pouvoir de produire chez ses sujets cette forme particulière de la clairvoyance, a mis, je crois, 140 personnes, dont beaucoup sont très instruites et d'un rang élevé, et 89 de celles-ci, même pendant l'état de veille, en état de lire, avec une exactitude presque invariable, bien qu'avec des erreurs accidentelles, des devises (mottoes) imprimées, enfermées dans des boîtes ou des coques de noix...
Voici quelques détails supplémentaires donnés dans une autre partie de l'ouvrage, qui ne manquent pas d'intérêt :
Le major Buckley a ainsi produit la clairvoyance consciente (à l'état de veille) chez 8o personnes dont 44 ont été capables de lire des devises contenues dans des coques de noix, cachetées par d'autres personnes en vue de ces expériences. La devise la plus longue ainsi lue contenait 98 mots. Beaucoup de sujets lisaient devise après devise sans aucune faute. De cette façon les devises contenues dans 4860 coques de noix, ont été lues, quelques-unes sans doute en état de sommeil magnétique, mais la plupart par des personnes en état conscient (état de veille) dont plusieurs même n'avaient jamais été endormies... Toute précaution avait été prise. Les noix enfermant les devises, par exemple, avaient été achetées chez 40 fabricants différents et cachetées avant d'être lues. On doit ajouter que des 44 personnes qui ont lu des devises à l'état de veille, 42 appartiennent à la plus haute classe de la société ; et les expériences ont été faites en présence de beaucoup d'autres personnes, les expériences me semblent admirablement conduites, et je ne vois aucune raison quelconque de douter de l'entière exactitude des faits."

Il nous paraît donc établi que l'indication d'un fait inconnu du médium, tel que la divination d'une carte, l'indication d'un mot caché par une enveloppe, celle d'une somme contenue dans la poche d'un assistant, peut toujours se comprendre en faisant appel à la clairvoyance, tant que d'autres caractères du message n'indiquent pas l'intervention d'une intelligence étrangère. Notons cependant que cette clairvoyance de l'automatiste ne s'exerce que pour des objets immédiatement à la portée de l'écrivain. Il semble que ce pouvoir soit rapidement limité, car lorsqu'on veut faire désigner un objet dans la salle voisine, toute indication exacte cesse. Nous aurons l'occasion d'utiliser cette remarque pour faire des distinctions entre l'automatisme et la médiumnité.

La lecture de la pensée

Il est extrêmement intéressant pour nous de savoir si un être particulièrement doué est capable, non de recevoir la pensée, mais d'en prendre connaissance par une lecture directe dans le cerveau d'un autre individu. Spécifions ici qu'il ne s'agit pas de ces lectures de pensées comme en ont faites Pickman, Cumberland, etc, lesquelles nécessitent un contact physique entre l'agent et le percipient, et qui peuvent s'expliquer par des agents physiques (mouvement de la main, respiration, gestes inconscients, etc.), mais une véritable lecture dans la pensée de l'expérimentateur, opérée à distance, le percipient restant à l'état normal.
Les faits de cette nature sont si rares que nous ne les mentionnons que pour être complet. On ne connaît que le cas du Dr Quintard qui soit absolument authentique ; nous allons le citer, mais il est exceptionnel et nous nous rangeons complètement à l'avis des savants auteurs des Phantasms qui disent :

"Le mot de « lecture de pensée » dont on s'est servi tout d'abord a plusieurs inconvénients. Tout d'abord on l'a appliqué à des faits qui peuvent se ramener à l'interprétation de mouvements inconscients. Puis, le mot de « lecture de pensée » a effrayé et choqué certaines gens ; supposer que l'esprit d'un homme soit ouvert comme un livre où chacun puisse lire, ce serait nier, semble-t-il, les conditions mêmes sur lesquelles reposent les relations sociales. En réalité, aucun esprit n'est ouvert ainsi à l'esprit d'autrui. Il faut que le sujet concentre sa pensée avec une grande intensité, ce qui est souvent très pénible, pour qu'on puisse la déchiffrer. Le sujet n'est point comme une page écrite qu'on peut lire à son gré."

On voit par cette citation combien est exagérée, chimérique, la croyance qui attribue au médium la faculté de lire dans le cerveau du consultant pour lui donner les renseignements qu'il désire. L'expérience prouve que si l'opérateur ne veut pas projeter sa pensée sur le médium, celui-ci ne peut en prendre connaissance ; il est donc absurde d'imaginer qu'il pourrait puiser les documents qui se rapportent à un individu mort, dans le cerveau d'une personne quelconque qui a connu le défunt, quand il n'existe aucune relation entre le dit médium et cette personne.

Le cas du Docteur Quintard

"Voici l'observation que M. le Dr Quintard a communiquée en 1894 à la société de médecine d'Angers :
Ludovic X est un enfant de moins de 7 ans, vif, gai, robuste et doué d'une excellente santé ; il est absolument indemne de toute tare nerveuse. Les parents ne présentent non plus rien de suspect au point de vue neuropathologique. Ce sont des gens d'humeur tranquille qui ne savent rien des outrances de la vie.
A l'âge de 5 ans, cependant, cet enfant marche sur les traces du célèbre Inaudi. Sa mère ayant voulu, à cette époque, lui apprendre la table de multiplication, s'aperçut, non sans surprise, qu'il la récitait aussi bien qu'elle. Bientôt bébé, se piquant au jeu, en arrivait à faire, de tête, des multiplications avec un multiplicateur formidable. Actuellement, on n'a qu'à lui lire un problème pris au hasard dans un recueil et il en donne aussitôt la solution. Celui-ci, par exemple : « Si on mettait dans ma poche 25,50 F, j'aurais trois fois ce que j'ai, moins 5,40 F. Quelle est la somme que j'ai ? » A peine l'énoncé est-il achevé que bébé, sans même prendre le temps de réfléchir, répond, ce qui est exact : 10,30 F. On va ensuite chercher à la fin du livre, parmi les plus difficiles, cet autre problème : « le rayon de la terre est égal à 6366 km ; trouver la distance de la terre au soleil, sachant qu'elle vaut 24000 rayons terrestres. Exprimer cette distance en lieues ? » Le bambin, de sa petite voix bredouillante, donne, également sans hésiter, cette solution qui est celle du recueil : 38.196.000 lieues !
Le père de l'enfant ayant d'autres préoccupations, n'avait, tout d'abord, apporté aux prouesses de son fils qu'une attention relative. A la fin, il s'en émut pourtant, et, comme il est quelque peu observateur, au moins par profession, il ne tarda pas à remarquer :
1° - que l'enfant n'écoutait que peu, et quelquefois pas du tout la lecture du problème ;
2° - la mère, dont la présence est une condition expresse de la réussite de l'expérience, devait toujours avoir, sous les yeux ou dans la pensée, la solution demandée. D'où il déduisit que son fils ne calculait pas, mais devinait, ou, pour mieux dire, pratiquait sur sa mère « la lecture de pensée » ; ce dont il résolut de s'assurer.
En conséquence, il pria Mme X d'ouvrir un dictionnaire et de demander à son fils quelle page elle avait sous les yeux, et le fils de répondre aussitôt : « Ç'est la page 450 », ce qui était exact. Dix fois il recommença et dix fois il obtint un résultat identique.
Voilà donc Bébé, de mathématicien devenu sorcier, — disons devin —, pour ne pas l’offenser ! Mais sa remarquable faculté de double vue ne s'exerce pas seulement sur les nombres. Que Mme X.., marque de l'ongle un mot quelconque dans un livre, l'enfant questionné à ce sujet donne le mot souligné. Une phrase est écrite sur un carnet ; si longue soit-elle, il suffit qu'elle passe sous les yeux maternels pour que l'enfant, interrogé, même par un étranger, répète la phrase mot par mot sans avoir l'air de se douter qu'il accomplit un tour de force. Pas n'est besoin même que la phrase, le nombre ou le mot soient fixés sur le papier ; il suffit qu'ils soient bien précis dans l'esprit de la mère, pour que le fils en opère la lecture mentale.
Mais le triomphe de Bébé, ce sont les jeux de société. Il devine l'une après l'autre toutes les cartes d'un jeu. Il indique, sans hésiter, quel objet on a caché à son insu, dans ce tiroir. Si on lui demande ce que contient une bourse, il mentionnera jusqu'au millésime des pièces qui s'y trouvent. Où l'enfant est surtout drôle, c'est dans la traduction des langues étrangères. On croirait qu'il entend clairement l'anglais, l'espagnol, le grec. Dernièrement un ami de la maison lui demandait le sens de cette charade latine : « lupus currebat sine pedibus suis ». Bébé s'en tire à la satisfaction générale."

Le Dr Quintard a fait examiner le jeune prodige par un de ses confrères le Dr Tesson, qui affirme avoir vérifié de point en point tout ce que le Dr Quintard a signalé dans son étude.
Remarquons qu'ici il n'y a pas de suggestion de la part de la mère. Elle ne désire pas communiquer sa pensée, et la transmission a lieu souvent contre son gré ; c'est l'enfant qui exerce involontairement sa faculté de clairvoyance. En voici la preuve décisive :

"Toute médaille, dit encore le Dr Quintard, a son revers. Quand Bébé fut en âge d'apprendre sérieusement à lire, sa maman, qui s'était dévouée à cette tâche, remarqua, non sans chagrin, que, sous sa direction, son fils ne faisait aucun progrès. Devinant tout, il n'exerçait ni son jugement ni sa mémoire. Il fallut mille soins ingénieux pour mener la barque à bon port. On conçoit donc que Mme X… dut avoir peu de goût pour la suggestion vigile."

Il se rencontre rarement des cas où la lecture de pensée soit aussi nette, mais il faut noter un point très important, c'est que l'enfant ne lit pas toutes les pensées de sa mère. Il n'a connaissance que de celles qui le concernent directement, et seulement au moment où on appelle son attention. Il est nécessaire que la maman ait la conscience très claire de la phrase, du nombre que l'enfant perçoit psychiquement. Il ne pourrait lire indistinctement dans l'esprit de la mère toutes les pensées qui y sont emmagasinées. Son pouvoir, déjà très grand est limité aux pensées actuelles nettement formulées.
C'est surtout le rapport intime entre la Mère et l'enfant qui facilite cette clairvoyance, mais comme il n'existe généralement pas dans les expériences spirites et que l'on ne connaît que ce cas, nous n'insistons pas.

La clairvoyance pendant le sommeil ordinaire

La clairvoyance s'exerce très fréquemment pendant le sommeil normal ; il est facile de le constater par l'abondance des récits qui sont relatés dans les ouvrages que nous avons cités. Lorsque le dormeur se souvient de sa vision, il peut ensuite en contrôler l'authenticité. C'est ainsi que Melle Maria, le sujet du Dr Ermacora, « reconnait des lieux qu'elle voit pour la première fois, comme identiques à des lieux vus en rêves[19] . » Le cas que nous reproduisons de suite montre ce phénomène s'exerçant comme une faculté presque normale.

Vision de lieux inconnus

Dans son livre sur l'Inconnu, M. Camille Flammarion classe les faits suivants parmi les rêves prémonitoires, mais ils démontrent en même temps l'exercice d'une remarquable faculté de clairvoyance. Voici cette observation, prise parmi 45 autres exemples[20] :

"Je me présente moi-même, Pierre-Jules Bertelay, né à Issoire (Puy-de-Dôme) le 24 octobre 1825, ancien élève du lycée de Clermont, prêtre du diocèse de Clermont en 1850, ancien vicaire pendant huit ans à Saint-Eutrope (Clermont), trois fois inscrit au ministère de la guerre comme aumônier militaire.
1° - Après treize ans de pénible ministère, j'étais très fatigué, d'autant plus que j'avais dû servir de contremaître surveillant au nom de la fabrique, pour la gracieuse église de Saint-Eutrope, à Clermont ; pendant quatre ans, j'ai suivi les ouvriers depuis 10.50 M, dans l'eau des fondations, jusqu'à la croix de la flèche. C'est moi qui ai posé les trois dernières ardoises. Notre professeur, M. Vincent, pour me faire changer de travaux, me fit venir à Lyon, où je n'étais jamais allé. Un des premiers jours mon élève me dit, en sortant de déjeuner : « Monsieur l'abbé, voulez-vous nous accompagner à notre domaine de Saint-Just Doizieux ? » J'accepte ; nous voilà en voiture. Après avoir passé Saint-Paul-en-Jarret, je pousse une exclamation : « Mais je connais le pays ! » dis-je, et de fait, j'aurais pu m'y diriger sans guide. Au moins un an auparavant, j'avais vu pendant mon sommeil toutes ces petites terrasses en pierres jaunes.
2° - Je suis rentré dans mon diocèse, mais on m'a envoyé remplir dans les montagnes de l'Ouest une mission très pénible, au-dessus de mes forces. Je suis resté sept mois très malade à Clermont. Enfin je puis me tenir sur mes jambes. On m'envoie remplacer l'aumônier de l'hôpital d'Ambert frappé par une congestion cérébrale. Le chemin de fer d'Ambert n'était pas encore construit. J'étais dans le coupé de la voiture faisant le service de Clermont à Ambert. Après avoir dépassé Billom, je jette les yeux à droite et je reconnais le petit castel avec son avenue d'ormeaux, comme si j'y avais vécu, je l'avais vu pendant mon sommeil, au moins dix-huit mois auparavant.
3° - Nous sommes à l'année terrible. Ma mère qui avait vu les alliés parader dans les Champs-Elysées à Paris, est veuve, elle me réclame comme son seul soutien ; on me donne une petite paroisse proche d'Issoire. La première fois que je suis allé voir un malade, je me suis trouvé dans des ruelles étroites, entre de hautes murailles noires, mais j'ai parfaitement trouvé le débouché. J'avais pendant mon sommeil, plusieurs mois auparavant parcouru ce dédale de ruelles sombres.
4° - Des événements indépendants de ma volonté m'ont amené à Riom, où je me prépare au grand voyage. Quelle n'est pas ma surprise de retrouver, comme une vieille connaissance, la chapelle que mon camarade l'abbé Faure avait bâtie pour les soldats, que je n'avais jamais vue de mes yeux, et dont j'ignorais même l'existence ! J'aurais pu faire le croquis que je vous adresse comme si j'avais servi de contremaître.
Berthelay, prêtre

Il eût été intéressant de savoir si ces visions étaient antérieures à toute appréhension du changement de résidence, car, souvent, l'inquiétude, le désir d'être renseigné sur notre avenir ou sur le sort d'un être aimé, suffisent pour développer la double vue pendant le sommeil. Dans le cas suivant, le bruit de la tempête, perçu pendant le sommeil, est sans doute l'origine de l'accès de clairvoyance qui a déterminé le sujet à se porter au secours de son mari[21] .

Clairvoyance avertissant d'un danger

"Il y a quelques années, j'habitais une propriété située à quelques kilomètres de Papeete, chef-lieu de nos établissements français en Océanie.
J'avais dû me rendre à une séance de nuit au Conseil Général, et vers minuit, quittant la ville, seul dans ma petite charrette anglaise, je fus assailli par un orage épouvantable. Mes lanternes s'éteignirent. La route que je suivais, bordée par la mer, était absolument noire ; mon cheval prit peur et s'emballa. Tout d'un coup je ressentis un choc violent : ma voiture venait de se briser contre un arbre. Les deux roues étaient restées avec leur moyeu au lieu de l'accident et moi, projeté entre le cheval et le caisson à moitié broyé, j'étais entraîné par l'animal affolé dans une course au cours de laquelle j'aurais dû cent fois me tuer. Cependant, n'ayant pas perdu mon sang-froid, je parvins à calmer mon cheval et à descendre de l'épave sur laquelle je me trouvais. J'appelai au secours pour la forme, me trouvant en pays absolument désert.
Tout à coup, j'aperçois une lumière paraissant se diriger vers moi, et quelques instants après, ma femme arrive, ayant parcouru une distance d'environ 2 kilomètres pour venir directement sur le théâtre de l'accident.
Elle me raconta qu'étant endormie, elle s'était éveillée subitement, voyant très nettement que j'étais en danger de mort, et, sans hésiter, elle avait allumé une lanterne, et sous la pluie torrentielle était accourue à mon secours. Il m'était arrivé bien souvent de revenir de la ville en pleine nuit, mais jamais ma femme n'avait éprouvé la moindre inquiétude à mon sujet. Cette nuit-là, elle a vu réellement ce qui m'arrivait, et n'a pu résister à l'impérieux besoin de se porter à ma rencontre. Quant à moi, je n'ai aucune souvenance d'avoir dirigé un ardent appel mental de son côté, et j'ai été, je l'avoue, complètement stupéfait quand, à plus de cent mètres de moi, j'ai entendu une voix me crier :
« Je sais que tu es blessé, mais me voilà ».
Jules Texier à Chatellerault


L'ardent désir de revoir un être cher qui est au loin et dont on n'a pas de nouvelles, peut aussi amener chez les personnes prédisposées un accès de clairvoyance, pendant lequel le sujet acquiert des connaissances précises qui lui permettent de rejoindre l'absent. En voici un exemple démonstratif rapporté par M. Paulhan[22] .

Une mère qui retrouve son fils par clairvoyance

"Il y a quelques mois, me trouvant au mas[23]de C…dans le département du Gard, j'entendis parler d'un rêve qui avait permis à Mme R..., domestique chargée de la direction de la ferme, de retrouver son fils, parti depuis longtemps. Je questionnai Mme R. Sur ma demande, elle voulut bien écrire un récit du fait qui m'intéressait ; je pus aussi, grâce à elle, me procurer quelques autres renseignements. Voici le récit de Mme R.
« Etant obligée de quitter mon pays pour nourrir ma petite famille, nous sommes allés tenir une ferme.... Un jour, l'aîné de mes trois fils s'est manqué avec son père et il est parti, nous sommes restés quelque temps sans savoir où il était ; je m'en inquiétais beaucoup... Un jour, ne pouvant plus tenir... j'ai eu recours à mon Dieu, sachant qu'il pouvait tout pour moi ; toujours le temps passe et jamais de nouvelles ; mais Dieu m'a donné cette pensée : demandez et vous recevrez, déchargez-vous sur moi, de tout ce qui peut vous inquiéter et j'aurai soin de vous. Et je dis : c'est vrai, Seigneur, je vais, te demander mon fils. Et je suis tombée à genoux et je criais « Seigneur, souviens-toi de ta promesse, donne-moi mon fils, fais-moi revoir mon fils où il est et j'irai le prendre.» Je me suis couchée avec calme, croyant que Dieu m'avait entendue ; je le bénis de ce que ça été vrai pour moi ; je rêve mon fils dans la ville de C..., je remarque la maison de mon rêve, disant : une autre fois tu la trouveras, et nous avons bien parlé en la quittant. Je me sais réveillée, je ne pouvais pas croire que ce fût un rêve, j'avais vu mon fils et il me semblait réel. Je racontai mon rêve à mon mari et je lui dis : « Je veux y aller et je suis convaincue que je le trouverai. » Mon mari me dit : « tu es folle, tu veux aller à C… et peut-être qu’il est à V… Tu ne sais pas le chemin, tu te perdras, jamais tu n’as été dans cette ville, tu ne peux pas y aller. » Mais moi qui crois aux promesses de Dieu, je persiste et on se décide à me laisser partir et je vous promets que c'est par la foi que j'y allai. »
Ici Mme R. raconte qu'elle part pour C... Dans le train, elle rencontre une dame qui l'interroge et manifeste sa surprise. Elle arrive à C... « Me voici pleine de confiance pour mon Dieu, je commence de demander à la gare à tous les hommes de peine, personne ne le connaissait, je le demande à tout le monde que je trouve sur mon chemin et surtout à ceux que je vois comme lui... (C’est-à-dire de la même condition sociale). Je cherche toute la journée presque sans rien trouver. Le train allait passer et en souci je me suis recommandée à Dieu ; étant décidée de partir, je m'en allais à la gare ; j'étais encore loin que je regarde d'un côté, de l'autre, croyant toujours le voir en quelque part, et en regardant, j’ai vu la maison où j'avais vu mon fils dans mon rêve. Je dis : « Merci, mon Dieu, mon fils est ici.» C'était un café plein de monde, j'avais toujours recours à mon Dieu ; une dame est sortie, je me suis approchée, je lui ai demandé. « Vous ne connaîtriez pas un jeune homme, comme ça et comme ça ? » Et là on me l'a indiqué et je l'ai trouvé grâce à mon Dieu. Depuis lors j'y crois de tout mon coeur, et malgré toutes mes peines et tous mes soucis, j'ai toujours la paix de l'âme et le repos que le monde ne peut donner. »

La sincérité de ce naïf récit est affirmée par le témoignage du fils retrouvé, d’un autre des enfants de Mme R. et de sa belle-soeur, qui a été instruite de suite du rêve clairvoyant, et qui n'y a ajouté foi que lorsque les événements futurs l'eurent confirmé.
Nous pouvons citer un cas qui nous a été raconté par la personne clairvoyante. Le voici :

"Nous connaissons une dame qui, pendant le cours d'un procès, avait le plus grand intérêt à savoir où demeurait une personne qui s'était cachée. Une nuit, elle rêva quelle se trouvait dans une rue de Paris qu'elle ne connaissait pas mais dont elle lut le nom sur la plaque indicatrice — et qu'elle pénétrait dans une certaine maison. — Dans la cour, à gauche, elle vit l'appartement où demeurait cette personne. A son réveil, elle conserva le souvenir très net de son rêve, se rendit dans la rue, vérifia la réalité de sa vision, et sur ses indications, et malgré les dénégations du concierge, elle put faire constater officiellement la présence dans cette maison de la personne qu'elle y avait vue en rêve."

Dans tous ces exemples, c'est parce que le souvenir se retrouve vivace après le réveil que la vérification peut avoir lieu. Mais nous avons constaté que la vie psychique de l'âme peut parfaitement être oubliée, de sorte que si cela s'était produit pour Mme R. elle n'aurait pu retrouver son fils, à moins que par un procédé particulier la mémoire du rêve n'ait été extériorisée de manière à parvenir jusqu'à la conscience normale. Or nous savons que l'écriture automatique est particulièrement propre à mettre au jour ces pensées qui sont enfouies au plus profond de nous-mêmes. Nous devons donc tenir grand compte de cette possibilité lorsque l'état émotif du sujet sera puissamment excité par le désir de savoir ce qu'est devenu un être cher, et même si le renseignement exact est donné au nom d'une personnalité défunte, qui n'a pas démontré son identité, nous ne pouvons pas avoir la certitude que c'est bien l'esprit du mort qui a révèlé ce fait inconnu du médium à l'état normal. Citons deux de ces cas que l'on peut interpréter aussi bien par la clairvoyance que par une intervention spirituelle.

Faits pouvant s'expliquer par la clairvoyance

"Un monsieur J. W. H. inquiet du sort de son fils Herbert, qui avait quitté l'Angleterre pour se rendre en Australie, à Adélaïde, pour s'y créer une situation, reçut, le 16 août 1885, par sa femme, au nom de la soeur de celle-ci, la communication que voici : « Je suis allée à Adélaïde pour voir Herbert. Il est tout à fait bien portant et il a réussi à trouver un emploi. » Et à cette question : « Chez qui ? » L’interlocutrice répondit : « A la compagnie des usines d'Adélaïde[24]» Une lettre reçue ultérieurement démontra que ces renseignements étaient vrais.
Nous trouvons réunies ici les conditions qui peuvent engendrer la clairvoyance. L'inquiétude de la mère sur le sort de son enfant a fort bien pu être la cause déterminante de la vision. Peut-être celle-ci s'est-elle produite pendant le sommeil naturel du médium, puisqu'elle n'en a aucun souvenir pendant l'état normal, mais le souvenir oublié reparait par l’intermédiaire de l'écriture automatique et emprunte la signature habituelle qui est celle de la soeur."


Voici un second cas qui a peut-être la même cause.

"Pendant un grand voyage que fit le juge Edmonds, ses amis restés à New-York, eurent à différentes reprises de ses nouvelles par l'intermédiaire d'un médium. Lorsqu'il revint, il constata que les renseignements fournis étaient parfaitement exacts, car ils coïncidaient avec ceux portés aux mêmes dates sur son journal de route[25]."

Rigoureusement étudiés, les faits de cette nature peuvent s'expliquer par la clairvoyance ; et en vertu du principe que nous avons adopté, nous devons donner la préférence à cette hypothèse.
Mais en revanche, lorsque les conditions nécessaires à la clairvoyance n'existent pas, et que l'on obtient malgré cela des renseignements justes, il faut absolument admettre l'existence d'une intelligence, vivante ou morte, différente de celle des assistants qui, elle, connaît ces faits. Nous en verrons de nombreux exemples dans la troisième partie.
Pour bien montrer que notre raisonnement n'est pas une simple induction, nous allons citer un exemple de lucidité pendant le sommeil ordinaire et à demi oublié, puis la clairvoyance complète du même fait pendant le somnambulisme. L'expérience a été faite par le Dr Ferroul député, maire de Narbonne, et le procès-verbal qui relate ce remarquable phénomène est signé des huit personnes qui y ont assisté [26] .

Lecture à travers un pli opaque cacheté

"Le 19 novembre 1894, le Dr Ferroul réussit, avec son sujet Anna B..., une expérience très curieuse de lecture à travers un pli opaque, pli à travers lequel une personne normale douée d'une bonne vue, ne peut pas lire par transparence. Ce pli se compose :
1° - d'une enveloppe extérieure verte et opaque ;
2° - d'une seconde enveloppe en papier anglais, incluse dans celle-ci ;
3° - de deux feuilles de papier à lettre quadrillé enveloppant ;
4° - une autre feuille, sur laquelle deux vers ont été écrits.
Cela fait donc deux enveloppes de papier portant l'inscription à lire.
L'enveloppe extérieure verte est scellée avec cinq cachets du côté de la fermeture ; un cachet supplémentaire est placé sur l'autre face de l'enveloppe, de manière qu'il soit en regard et s'oppose à l'un des cachets précédents scellant un des coins de l'enveloppe. Un trou avait été fait à l'enveloppe à l'endroit que devaient occuper les deux cachets opposés l'un à l'autre, afin que la cire, pénétrant par ce trou, fixât la seconde enveloppe dans la première et ne permit pas de la retirer sans la déchirer. Trois petits points à peine perceptibles avaient été marqués à la plume, sur l'enveloppe extérieure, par M. Goupil, qui en avait soigneusement mesuré les distances millimétriques respectives. M. Goupil avait aussi dessiné les cachets et soigneusement relevé leurs contours et les taches noirâtres dont ils étaient parsemés, afin d'être bien sûr de pouvoir reconnaître et bien contrôler ses propres cachets.
L'enveloppe extérieure portait sur les coins, les lettres «a,b,c,d » tracées au crayon (le « b » vu à l'envers, pouvait être pris pour un « 2 ») ; le « a » était emprisonné entre les deux cachets qui s'opposaient l'un à l'autre et qui traversaient la première enveloppe ; c'est peut-être à cause de cette circonstance que la lucide n'a pas vu cette lettre cachée de part et d'autre par la cire.
Le pli fut confié au Dr Ferroul, qui ignorait complètement ce qu’il contenait, pour qu’il le fit lire par son sujet mis par lui en état de somnambulisme. Quant il eut fait l'expérience, il revint avec le pli et une feuille de papier sur laquelle il avait consigné les révélations du sujet.
Après un examen très attentif, le pli fut retenu tout à fait intact. Le Dr Ferroul remit alors à M. Faure la feuille de papier mentionnant les révélations suivantes :
« Enveloppe blanche papier anglais, « d,a,c ».
« Papier carrelé, un autre papier dedans.
« Il fait deux vers l'homme : il ne se fiche pas de moi !
« Votre parti certainement
« Se tue par l'assainissement.»
Lecture et examen de cette feuille ayant été faits par les huit témoins de cette expérience, M. Goupil remit le pli à M. Aldy, avocat, pour qu'il le décachetât et que les témoins se rendissent compte, séance tenante, du résultat obtenu."


Ainsi qu'en fait foi le procès-verbal dressé immédiatement, le succès de l'expérience était complet.
Voici donc une preuve bien nette de clairvoyance pendant le sommeil magnétique. Mais Anna B. avait entendu parler de cette expérience avant qu'elle ne se fît, et sa préoccupation avait été assez forte pour déterminer la lucidité pendant le sommeil ordinaire. Sur la feuille remise par le Dr Ferroul était la mention suivante : en se réveillant elle me dit l'avoir rêvée et l'avoir dit à quelqu'un. Ce quelqu'un est venu m'affirmer la chose. Voici l'explication complémentaire de cette note :
« Après que la lucide eût déclaré ce qu'il y avait dans le pli, le Dr Ferroul la réveilla et lui fit part de ce qu'elle avait dit,
« Tiens, fit-elle, je l'ai rêvé il y a trois jours et j'ai dit à X que je lisais un pli où il y avait deux vers se terminant en ment, mais tout ce que je me rappelais, c'est que le dernier mot était assainissement. » M. Ferroul fit alors venir la personne en question, qui lui affirma qu'Anna B... lui avait bien dit cela. »
Imaginons qu'au lieu de faire dire oralement par le sujet les vers qui étaient inscrits dans l'enveloppe, on ait fait écrire Anna B... dans une séance spirite, il est probable que le souvenir qui était demi-conscient se serait extériorisé par la plume, comme nous l'avons déjà vu, et l'on eût pu croire qu'il y avait intervention d'un esprit qui témoignait ainsi sa présence, alors que, seules, les facultés transcendantes d'Anna B. étaient en jeu.
La clairvoyance n'exige pas toujours, pour se produire, des motifs aussi graves que ceux que nous venons de voir en œuvre. L'émotivité du sujet peut être mise en branle par des évènements moins dramatiques, par des faits de la vie ordinaire qui n'ont pas une importance capitale, tels, par exemple, que la perte d'un bijou, d'une petite somme d'argent, des préoccupations professionnelles, etc. Citons quelques exemples, afin de montrer la variété des faits qui pourraient être révélés par l'écriture automatique, sans que les esprits intervinssent[27] .

Un bijou et une somme d'argent retrouvés en rêve

"Le cas suivant a été publié par le P. Royce, de Harward (qui connaît le nom du témoin) dans les Proceedings de l'Américain S. P. R. V. I, n° 4, Mars 1889.
Il y a plusieurs années, je fus invitée à venir voir une amie qui habitait une grande et belle maison de campagne sur l'Hudson. Peu de temps après, j'entreprenais, avec beaucoup d'autres hôtes, le tour des terres qui étaient très étendues. Nous marchâmes au moins une heure et explorâmes les terres très complètement. En rentrant à la maison, je découvris que j'avais perdu un bouton de manchette en or, auquel je tenais beaucoup comme souvenir. Je me rappelai seulement que je l'avais encore quand nous commençâmes la promenade, mais je n'y avais plus pensé, je n'avais remarqué sa disparition qu'au retour. Comme il faisait très sombre, il semblait inutile de le chercher, surtout parce qu'on était en automne et que la terre était couverte de feuilles mortes.
La nuit, je rêvai que je voyais une grappe de raisin flétrie, sur une vigne grimpant le long d'un mur, avec un tas de feuilles mortes à la base. Sous les feuilles, dans mon rêve, je voyais distinctement mon bouton briller. Le matin suivant, je demandai aux amis avec qui je m'étais promenée, si eux ils se rappelaient avoir vu un mur avec une vigne, car moi je ne m'en souvenais pas. Ils répondirent qu'ils n'en avaient pas la moindre idée. Je ne leur dis pas pourquoi je leur posais cette question, car j'étais un peu gênée pour raconter mon rêve ; mais je trouvai quelque excuse pour retourner seule dans les terres. Je marchai en tous sens et j'arrivai tout à coup à un mur avec une vigne, exactement comme il m'était apparu dans mon rêve. Je n'avais pas la plus petite idée de les avoir vus ou d'avoir passé près de là la veille. Les feuilles étaient entassées au pied de la vigne comme dans mon rêve. Je m'approchai avec précaution, me sentant gênée et positivement sotte, et je dérangeai les feuilles. J'en avais éparpillé un grand nombre quand l'éclat de l'or me frappa les yeux, et là, je vis le bouton, exactement comme je l'avais rêvé."

Puisque ce bouton était caché par des feuilles, il nous paraît vraisemblable que ce n'est pas à une perception inconsciente qu'est due la découverte, mais à un véritable phénomène de clairvoyance, comme le suivant, que nous empruntons toujours à M. Myers.

"Le rêve assez remarquable qui suit a eu lieu le 20 novembre 1856. Ce jour-là je donnai à notre jardinier G. Vilmot ses gages (15 shellings) dans une demi-feuille de papier, des lettres pour la poste, deux paquets et un mot à laisser dans différentes maisons qui se trouvaient sur son chemin pour se rendre chez lui. Il était six heures du soir... Environ une heure après, le jardinier revint pour me dire qu'il avait perdu ses gages. Je lui conseillai de retourner sur ses pas et de chercher avec tout le soin possible, mais il le fit sans succès ; et comme il faisait une belle nuit et que la ville était pleine de monde il finit par renoncer à sa recherche et rentra chez lui à un mille de là.
La nuit, il rêva qu'il allait à une des maisons où il avait porté un mot et, traversant la route devant cette maison, il marchait dans un tas de boue où son pied rencontrait le papier contenant l'argent ; le demi-souverain sortait et roulait, et les cinq shellings restaient sous son pied. Il raconta son rêve à sa femme, et, se rendormant, il fit le même rêve une seconde fois. De bonne heure, le matin, il se rendit à l'endroit, et son rêve se réalisa à la lettre, même la pièce d'or roulant et l'argent restant à sa place.
C'est un homme très intelligent et très véridique.
Miss Ada, de Pen Villa-Yéovil


Ici, comme dans le cas du prêtre Berthelay, la clairvoyance se complique de prémonition, puisque le rêve montre d'avance ce qui se réalisera le lendemain, c'est-à-dire l'incident de la pièce d'or qui roule seule en dehors du paquet. Répétons encore que si ces évènements étaient annoncés par l'écriture automatique, quatre-vingt-dix pour cent des expérimentateurs seraient très probablement tentés d'y voir l'intervention d'une entité bienfaisante qui veille sur eux et cherche à les protéger. C'est encore ainsi qu'ils interpréteraient l'annonce par l'écriture d'une maladie prochaine, qui se déclare en effet, tandis que, souvent, la cause doit en être cherchée dans un songe oublié par le dormeur en se réveillant, mais qui est resté gravé dans la mémoire latente.

Songes clairvoyants et prémonitoires

Indépendamment des travaux intellectuels effectués pendant la nuit, le sommeil naturel peut être l'occasion de rêves qui renseignent le dormeur sur un état morbide de l'organisme, non encore parvenu à la connaissance de la conscience ordinaire.
Avant qu'une maladie soit déclarée, elle est précédée souvent d'une période d'incubation qui, inconnue pendant la veille, devient quelquefois l'occasion de sensations internes qui prennent la forme du songe. Les docteurs Macario[28], Charpignon[29] , Padioleau[30], etc. en citent des exemples. Rapportons quelques-uns de ceux-ci :

"C'est une femme qui voit en songe des objets confus et brouillés, comme à travers un épais brouillard, et qui, à la suite, reste atteinte d'amblyopie.
Une autre, à laquelle Macario donnait des soins, rêve qu'elle adressait la parole à un homme qui ne pouvait pas lui répondre ; à son réveil, elle était aphone.
Teste, ministre de Louis-Philippe, accusé de concussion, rêva à la Conciergerie qu'il avait eu une attaque d'apoplexie ; trois jours après son rêve, il mourut de cette affection.
Arnauld de Villeneuve se vit, en songe, mordu à la jambe par un chien ; quelques jours après, il se déclara un ulcère dangereux au même point.
Galien parle d'une malade qui se vit une jambe de pierre en rêvant ; les jours suivants, il y eut paralysie.
Le savant Conrad Gessner rêva qu'il était mordu au côté gauche par un serpent ; peu de temps après, il se déclara au même endroit un anthrax qui le fit mourir.
Cornélius Ruffus rêva qu'il avait perdu la vue, à son réveil il était amaurotique.
Macario raconte, de lui-même, qu’il rêva avoir un violent mal de gorge. Quoique bien portant à son réveil, il n’en fut pas moins, quelques heures plus tard, atteint d’amygdalite."

Quelques auteurs ont prétendu que ces désordres étaient consécutifs à des phénomènes d’auto-suggestion ; mais que cette théorie soit exacte ou non, il nous suffit de constater que des rêves précurseurs annoncent parfois une maladie, pour assurer que si l’écriture nous avertit d’un de ces songes oubliés, le besoin d’une intervention spirituelle ne doit pas être indispensable pour l’explication.
Des préoccupations causées par un très vif sentiment du devoir à remplir peuvent aussi amener la clairvoyance, comme en témoignent les deux récits que nous reproduisons[31] :

"Le révérend A.J. Macdonald, qui met beaucoup de soin dans le choix des preuves, a obtenu pour nous le récit suivant, avec les vrais noms que nous devons supprimer ici. « Ce qui suit, dit-il, je l’ai écrit hier, sous la dictée du sous-secrétaire d’une Compagnie d’assurances contre l’incendie. »

1er avril 1884
L'année dernière, je rêvai qu'un certain moulin à coton, assuré à notre Compagnie, était brûlé. C'était un moulin que je n'avais jamais vu, et je ne connaissais pas un seul des membres de cette Société ; depuis des années je n'avais rien vu ni entendu qui se rapportât à cette assurance. En arrivant au bureau le matin suivant, je cherchai le rapport de l'inspecteur et le trouvai un peu maigre ; j'en regardai aussi un autre qui avait été fait déjà depuis quelques années. En conséquence, je donnai des ordres pour que la place fût à nouveau inspectée, et lorsque cela fut fait, on trouva que le moulin était en mauvais état. Ne pouvant dans le courant de l'année nous alléger d'aucune partie de la somme pour laquelle le moulin était assuré, nous fimes une contre-assurance pour une partie de cet argent avec une autre compagnie. Quelques mois plus tard le moulin fut en partie détruit et, grâce à la précaution que me fit prendre mon rêve, notre compagnie sauva un millier de livres."

Le cas suivant vient du colonel Reynolds, à Cheltenham, que M. Myers qui le connaît personnellement, déclare être un excellent témoin :

"Vers l'année 1870, j'étais chargé d'une étude de chaussée, ainsi que des ponts grands et petits que ce travail entraînait. Quelquefois il y avait des inondations qui compromettaient la solidité des ponts. J'étais donc toujours sur le qui-vive pour prévenir de sérieux dommages qui auraient entravé le trafic ; et en même temps, j'étais si bien habitué à cet état de choses, qui faisait partie de ma vie journalière depuis si longtemps, qu'aucune anxiété ne pesait plus sur mon esprit. Je considérais mes devoirs comme un simple exercice de routine. J’étais donc dans un parfait état de santé.
Une nuit, je rêvai de la façon la plus claire que je voyais un tableau représentant un certain pont. Tout le paysage environnant était si complet, si exact qu'il ne laissait aucun doute sur le pont dont il s'agissait. Au même moment, une voix me disait : « va, et regarde ce pont. » Ce fut dit distinctement trois fois. Le matin suivant, le rêve persistant encore dans mon esprit et m'impressionait tellement que je montai à cheval et que je franchis au galop les six milles environ qui me séparaient du pont. Rien ne s'y voyait extraordinaire. Le petit torrent descendait cependant avec une crue bien marquée. Entrant dans l'eau, je découvris, à mon grand étonnement, que les fondations du pont avaient été entièrement minées et emportées par le courant. C'était un miracle qu'il fût encore debout. Il va sans dire que le travail nécessaire fut fait pour conserver le pont. Il est hors de doute que, sans ce rêve, le pont serait tombé, car il n'y avait aucune raison pour attirer spécialement mon attention sur lui, Quoique petit, le pont était important à cause de sa situation. Le tableau que je rêvai était si vrai, si vivant que, même aujourd'hui, il est fixé dans mon esprit presque aussi clairement qu'il l'était alors. Je suis fermement convaincu qu'un avertissement spécial me fut donné par une intelligence plus haute. Dans aucun autre moment jamais je n'en ai eu rien de semblable."

Ce dernier cas est juste à la limite de ceux où l'on est obligé de reconnaître une intelligence extérieure. Il sert de transition entre la clairvoyance naturelle et celle qui est provoquée par une intervention étrangère, soit humaine, comme cela arrive parfois télépathiquement soit supra-terrestre.
L'extériorisation, sous forme d'écriture automatique, de la vision clairvoyante du rêve, peut n'avoir pas toujours la netteté, la précision de la double vue elle-même. Il serait curieux d'étudier comment se produisent certaines déformations de l'image interne quand elle se traduit objectivement. Actuellement il nous faut examiner des exemples de clairvoyance provoquée pendant le sommeil magnétique, puisque nous savons que fort souvent l'automatiste présente de l'auto-hypnotisation, et en même temps nous constaterons, expérimentalement, l'existence de cette faculté supra-normale, que nous avons vue s'exercer naturellement dans les cas précédemment rapportés.

La Clairvoyance pendant le sommeil somnambulique

Avant que les faits de lucidité aient été étudiés comme de nos jours, peu de questions avaient soulevé autant de poléminiques que ce que l'on appelait la double vue. Les sceptiques se refusaient à croire qu'un tel phénomène fût possible et l'échec du Dr Berna devant l'Académie, semblait avoir enterré la question. Nous savons maintenant que ces expériences délicates ne réussissent pas à date fixe et qu'il faut une longue pratique pour en constater quelques-unes ; nous croyons bon, par conséquent, de ne pas rejeter les résultats constatés par les anciens magnétiseurs, dont nous avons déjà signalé un certain nombre[32]: dans un précédent volume, et d'en signaler quelques autres plus modernes.
Le sage et prudent Deleuze[33] raconte qu'une jeune malade qu'il soignait lut couramment sept ou huit lignes d'un livre, bien que ses yeux fussent fermés. Le Dr Rostand[34]entendit un sujet endormi indiquer exactement l'heure d'une montre placée derrière sa tête, quand les aiguilles en avaient été tournées sans que personne sût la place qu'elles occupaient.
Le Dr Despine[35](le père) rapporte que sa malade lut une page entière d'un roman à la mode, sans le toucher, alors qu'un écran de carton épais lui en cachait la vue. Le Dr Husson[36] , dans son rapport lu à l'Académie de médecine en 1831, dit que M. Petit, le somnambule, avait les paupières exactement fermées et que cependant il lut diverses phrases ou mots dans des imprimés apportés par des membres de la commission. Il annonça même qu'une lettre qu'on lui présentait était écrite en anglais. Chardel[37] affirme que sa voyante endormie vit les actions compliquées qu'il faisait pour déboucher un robinet, bien qu'elle fût séparée de lui par un salon et deux murs. Le Dr Bertrand, en rendant compte du livre de Petetin[38]écrit :

« Si Petetin n'a pas menti, il faut franchement reconnaître que les malades dont il a consigné l'histoire, avaient la faculté d'acquérir, sans le secours des yeux, la connaissance de la forme et de la couleur des corps, et, si les faits qu'il atteste ne sont pas vrais, non seulement il faut qu'il ait menti, lui en particulier, mais on est obligé de faire la même supposition relativement aux parents de ses malades, à leurs amis, et aux médecins, d'abord incrédules et qui ont fini par être convaincus. Or, je ne crains pas de le dire, le concours d'un aussi grand nombre de témoins choisis parmi des personnes graves, éclairées et qui n'avaient aucun intérêt à tromper : ce concours, dis-je, pour attester des faits qui ne seraient que d'insipides mensonges, offrirait le plus singulier phénomène moral : car l'ouvrage de Petetin renferme l'histoire de sept somnambules qui toutes ont présenté les mêmes phénomènes, et par conséquent il aurait fallu que ce merveilleux concours, pour une imposture inutile et pleine d'effronterie, se fût sept fois renouvelé, et cela est impossible à supposer. »

Le Dr Charpignon[38] [39]raconte également un cas de vision à distance qui montre que l'âme se déplace pour aller voir ce qui se passe au loin. C'est une jeune fille endormie dont l'esprit se transportant de Blois à Orléans, signale sur la route la présence d'une personne connue du Docteur Charpignon. Après enquête, on reconnut que cette personne se trouvait ce jour-là, à l'heure indiquée, précisément à l'endroit désigné par la voyante. Voici d'autres exemples plus récents, mais qui ne diffèrent pas beaucoup des précédents.

Le cas de Sébastopol

M. le professeur Ch. Richet, a publié dans les Annales psychiques le cas suivant, qui lui a éte raconté par un de ses amis, ancien magistrat dans la sincérité duquel il a toute confiance[40]:

"En 1885, pendant la guerre de Crimée, j'avais vingt ans ; j'étais lié avec deux jeunes gens : MM. G... et P... X..., dont le frère aîné A..., lieutenant du génie, servait devant Sébastopol ; G..., mon contemporain, terminait en même temps que moi ses études de droit. P… plus jeune, se préparait aux examens de l'école Polytechnique ; en même temps il suivait avec une grande assiduité les séances de magnétisme du baron Du Potet, se faisait magnétiser, magnétisait lui-même une vieille bonne qui avait élevé lui et ses frères.
Un soir, nous fumions après diner, dans le petit appartement de garçon que G..., occupait au-dessus de son père. P..., disparut pendant quelques instants, puis rentra tout pâle et en proie à une grande émotion. Il venait de magnétiser sa vieille bonne, et celle-ci lui avait dit, dans son sommeil, qu'elle voyait A..., l'officier du génie, blessé grièvement : son bras était pendant, sa tunique, ouverte par devant, laissait voir sa chemise ensanglantée.
Quelques jours après, le père de mes amis recevait la nouvelle qu'à la date où la vieille bonne avait eu sa triste vision, un dimanche soir, si je ne me trompe, son fils étant de service dans les tranchées, avait dû repousser une sortie des Russes qui avaient culbuté nos ouvrages d'attaque ; en excitant ses sapeurs à les rétablir, A... avait eu un bras emporté par la mitraille qui avait, en même temps, effleuré l'épiderme de son ventre et brûlé sa chemise."

Lucidité d'une somnambule vérifiée par le téléphone

Un de nos amis, M. Marius Decrespe, décrit le contrôle, exercé au moment même où se produisait la vision, de la réalité des phénomènes racontés par le sujet endormi. Nous allons reproduire sa narration en l'abrégeant[41].

"M. Decrespe se trouvait en 1893, au commencement de l'hiver, dans le bureau d'un industriel M. A..., habitant à Paris, quai de la Tournelle. Deux jeunes gens, accompagnés d'une femme, vinrent le voir pour lui faire constater le phénomène de la vue à distance.
Après s'être débarrassée de son manteau, elle s'assit et demanda un verre d'eau qu'eIle but d'un trait ; puis, fixant la lampe à gaz qui brûlait devant elle, sur ta table, elle s'endormit en quelques instants. Elle demanda alors, et sa parole était assez embarrassée pour commencer, qu'on lui mit entre les mains un objet ayant appartenu à la personne qu'on désirait suivre. M. A..., lui donna une lettre écrite par un M. L... ; la somnambule la palpa avec attention, la flaira à plusieurs reprises et dit : « Oui ; c'est un monsieur qui vient ici ; il a un bureau dans le quartier, mais il n'y demeure pas. Je ne sais pas où il habite... Il n'est pas très grand ; il se tient très bien, très soigné et, quand on ne le regarde pas, il s'arrange la barbe avec un petit peigne qu'il a toujours dans sa poche... Et puis, il se teint les cheveux et la barbe... Il parait à peu près quarante ans, mais il en a cinquante au moins ».
La première partie de cette vision correspondait à ce que nous savions tous de M. L... ; mais la révélation de ces détails de coquetterie nous semblèrent si peu conformes au caractère grave du personnage, que nous ne pûmes retenir des gestes énergiques de dénégation, auxquels M. A..., qui, bien mieux que nous, connaissait M. L..., répondit en nous faisant signe que la somnambule avait raison. Il lui demanda ensuite ce que M. L... avait fait dans la journée ; elle le suivit dans ses courses chez les entrepreneurs, dans les ministères, etc., et il fut possible, le lendemain, de contrôler une partie de ces assertions qui furent reconnues exactes, malgré le mutisme de M. L.., qui se montra très froissé de « cette sotte plaisanterie ».
Après quelques minutes de repos, pendant lesquelles la somnambule dormait toujours, M. A… lui présenta une lettre d’un de ses correspondants, M. Mousson, dont la somnambule fit très exactement le portrait.
— Où demeure ce monsieur ? dit M. A...
— C'est bien difficile... Je vois bien que c'est à Paris, dans un endroit où il y a beaucoup de monde et beaucoup de voitures... mais il faudrait m'aider un peu.
— Cherchez donc dans le quartier de la Bourse.
— Ah ! j'y suis ! C'est place de la Bourse, à tel numéro, à tel étage.
C'était vrai.
— Que fait ce Monsieur en ce moment ?
— Il écrit une lettre... Je crois bien que c'est de l'anglais, puisque c'est pour Londres.
— Que dit-il dans cette lettre ? Lisez.
— Il explique qu'il y a eu un retard pour une commission qu'on lui avait donnée, mais ce n'est pas sa faute et il enverra après-demain la réponse qu'on lui demande. La-dessus, M. A... sortit de son cabinet, passa dans une pièce voisine où se trouvait son téléphone et demanda communication avec M. Mousson ; il était impossible d'entendre d'une pièce ce que l'on disait dans l'autre.
Pendant ce temps, la somnambule continuait :
« Maintenant il relit sa lettre ; il se lève et va prendre un livre qu'il mouille (le copie de lettres) en parlant à un petit garçon qui vient de rentrer... Ah ! Il s'arrête !... Tiens ? Il cause dans une petite boite qui est sur la table (le microphone)... Oh ! Mais qu'a-t-il donc ?
Il a l'air tout étonné, le pauvre homme ! On dirait qu'il vient de lui arriver malheur...
(A ce moment M. A... téléphonait à M. Mousson : « vous venez d'écrire à Londres une lettre en anglais pour vous excuser d'un retard involontaire. Est-ce vrai ?
— Oui, mais comment le savez-vous ?
— C'est une expérience,de somnambulisme ; je vous expliquerai. Maintenant faites-moi l'amitié d'accomplir exactement ce que je vais vous dire...)
« Ah ! reprit la visionnaire, à présent, il a l'air un peu plus rassuré... Il écoute dans une petite chose ronde qu'il tient à son oreille (le récepteur)... Mais qu'est-ce qu'il fait donc là ? En voilà une drôle de machine !... Maintenant il a fini de causer ; il accroche son petit chose rond à la boite... Mais il a encore l'air tout chose. »
(A ce moment, M. A... rentrait dans son cabinet).
« Il prend son chapeau ; il va pour sortir ; il revient et prend des papiers sur sa table ; il sort en fermant la porte à clef ; il descend l'escalier ; il s'arrête au palier ; il a l'air préoccupé ; il continue à descendre; il est dehors ; il s'arrête encore en regardant ses papiers... On dirait qu'il ne sait pas quoi faire... Il tourne à gauche ; non, il revient à droite ; il prend la rue qui est à droite (la rue Vivienne) ; il va jusqu'au bord du trottoir (au coin de la rue Feydeau) ; il s'arrête encore ; il regarde tout autour de lui ; il revient ; il monte et rentre chez lui. »
Tout ce que venait de dire la somnambule était la description exacte des actions accomplies par M. Mousson d'après les indications assez compliquées, on le voit, que M. A. venait de lui transmettre par téléphone.
A partir de ce moment, la séance fut à peu près nulle ou, tout au moins, sans intérêt, la somnambule étant fatiguée et les assistants l'accablant de questions sans méthode, ni patience."


Une attestation de M. Côte, ingénieur, un des assistants, confirme que les faits ont été exactement rapportés par M. Decrespe.
La première partie de cette expérience est irréprochable ; mais les gens pointilleux pourraient objecter polir la seconde qu'une transmission de pensée a pu se produire entre la somnambule et M. A., bien que cela soit très improbable, puisque le sujet n'a fait que continuer de voir le même individu. Voici un cas semblable dans lequel n'intervient aucune suggestion, consciente ou non. Nous l'empruntons aux Annales des Sciences psychiques qui en ont publié un grand nombre[42].

Les recherches du Docteur Backman

Le Dr Alfred Backman, de Kalmar, a étudié très sérieusement le phénomène de la clairvoyance, et MM. Myers et Ch. Richet qui le connaissent affirment sa parfaite probité scientifique. En réponse à une lettre demandant à M. Suhr, photographe à Ystad, en Suède, s'il pouvait se rappeler quelque chose d'une expérience hypnotique faite par M. Hansen, il y a plusieurs années, en présence des frères Suhr, le Dr Backman reçut le récit suivant :

"C'est en 1867 que nous, les frères soussignés, nous sommes établis à Odensa (au Danemark), où nous voyons très souvent notre ami commun, M. Karl Hansen, l'hypnotiseur, qui habitait près de nous. Nous rencontrions journellement un homme de loi, M. Balle, maintenant avocat à Copenhague, sur lequel Hansen avait une grande influence hypnotique, et qui désira, un soir, être endormi d'un sommeil assez profond pour être clairvoyant.
Notre mère habitait à cette époque Roeskilde en Seeland. Nous demandâmes à Hansen d'envoyer Balle la visiter. Il était tard dans la soirée, et après avoir un peu hésité, M. Balle fit le voyage en quelques minutes. Il trouva notre mère souffrante et au lit ; mais elle n'avait qu'un léger rhume qui devait passer au bout de peu de temps. Nous ne croyions pas que ce récit fût vrai, et comme contrôle, Hansen demanda à Balle de lire au coin de la maison le nom de la rue. Balle disait qu'il faisait trop sombre pour pouvoir lire ; mais Hansen insista, et il lut : « Skomagerstraede. » Nous pensions qu'il se trompait complètement, car nous savions que notre mère habitait dans une autre rue. Au bout de quelques jours, elle nous écrivit une lettre dans laquelle elle nous disait qu'elle avait été souffrante et s'était transportée dans Skomagerstraede.
Ont signé : ANTON TILHEM SUHR, photographe.
VALDEMAR BLOCK SUHR, artiste dramatique et peintre.


M. Carle Hansen confirme également l'absolue véracité des faits.
Voici le récit d'une expérience du Dr Backman qui démontre la lucidité d'une jeune fille d'une manière irrécusable [43]:

"La première fois que j'essayai une expérience pour constater la réalité de la clairvoyance, ce fut avec une petite fille de 14 ans, Anna Samuelsson, fille d'un ouvrier. Je l'avais traitée pour une grave maladie organique du cœur et j'avais obtenu un très heureux résultat, qui dure encore depuis deux ans et demi...
Une fois, elle et d'autres malades ayant été hypnotisés au camp du régiment de Kalmar, à environ 3 milles de la ville de Kalmar, où j'habite, je lui demandai d'aller à Kalmar. A ma question : « Y êtes-vous ? », elle répondit : « oui », et peu à peu elle décrivit une grande ville où il y avait deux grands bâtiments dont l'un avait plusieurs clochers (tours), l'église et le château. La maison que j'habitais était une maison jaune à deux étages, et j'habitais le premier étage. Elle entra alors dans l'appartement, traversa l'antichambre et une chambre et arriva à une autre pièce où elle admira « tant de belles peintures, surtout une qui était si grande. » Elle entra ensuite dans une troisième chambre et fut bien étonnée en voyant les choses qui étaient pendues au mur : elles devaient être en bois. (Il y avait sur les murs une grande quantité d'assiettes de porcelaine ancienne). Dans cette chambre elle vit une dame que je reconnus, par sa description, pour ma femme, et un petit garçon ; mais il y avait quelque chose de singulier pour ce dernier, elle le voyait double (un couple de jumeaux, de garçons se ressemblant extrêmement).
Jusque-là je n'étais pas surpris, parce que, pour donner ces renseignements, elle n'avait qu'à se servir de sa faculté de lire les pensées, mais ensuite mes pensées et ses constatations commencèrent à différer. Il y avait chez moi une vieille dame, et, m'attendant à ce que le sujet la verrait aussi, je lui demandai si elle pourrait voir une autre dame ; à quoi elle me répondit qu'elle en voyait bien une autre, une jeune fille, et elle me la décrivit si exactement, que je reconnus miss H. W... Après quoi elle me dit que ma femme s'était habillée, était sortie, était entrée dans une boutique et avait acheté quelque chose. L'expérience s'arrête là.
J'écrivis aussitôt à ma femme et je lui demandai si miss H. W... avait été chez nous ce jour-là (en juin 1883) et si, après sa visite, ma femme était allée dans une boutique acheter quelque chose. Quelques officiers du régiment qui connaissait le cas, attendaient anxieusement, comme moi, la réponse qui arriva par retour du courrier, et je la leur communiquai. Ma femme y exprimait sa grande surprise (je n'avais pas ait le moyen par lequel j'avais appris Ies faits) et elle me disait qu'il était parfaitement vrai qu'elle avait vu miss H. W... ce jour-là et a cette heure, et qu'elle était allée ensuite dans une boutique de la même rue, pour acheter quelque chose ; seulement miss H. W... n'était pas allée chez nous, mais à Repsby, à 20 kilomètres de Kalmar, et avait parlé à ma femme par le téléphone."

Dans cet exemple, il semble que la clairvoyance du sujet dirigée d'abord par le Docteur, a été ensuite orientée vers Miss W, par la pensée de sa femme, puisque, la description de cette personne a été faite de manière à la faire reconnaître par M. Backman malgré qu'elle ne fût pas à ce moment dans son appartement, mais seulement en rapport avec Mme Backman par téléphone. Même dans ce cas, il faut encore à la voyante une correspondance, un lien sympathique pour que sa faculté s'exerce vis-à-vis d'une étrangère.

Une expérience de Karl du Prel

M. de Rochas, dans un article publié par la Revue des Annales Psychiques[44], emprunte au livre intitulé : Psychologie expérimentale du savant allemand Karl du Prel, le récit de l'expérience suivante, qui est intéressante à plus d'un titre :

« Je priai M. Natzing, à Munich, notre hypnotiseur dans les expériences faites avec Mlle Una[45] , de tenter cet essai : donner à Mlle Lina, pendant l'hypnose, l'ordre posthypnotique de rêver la nuit suivante d'une personne déterminée, de se mettre en rapport avec elle, de ne pas oublier le rêve, et de le raconter le lendemain.
« Cet ordre posthypnotique impliquait donc une fonction transcendante psychologique du domaine de l'imagination, dont l'accomplissement était remis au temps normal du sommeil. J'avais quelque raison de croire à la réussite de l'expérience, parce qu'on peut produire des hallucinations à l'état même de veille par des ordres posthypnotiques. Le rêve n'étant foncièrement pas autre chose qu'une suite d'hallucinations, il est évident qu'une hallucination posthypnotique peut être reportée aussi au temps du sommeil normal, et se produire même plus facilement en cet état. »
« Mais, comme la confiance personnelle ne doit jouer aucun rôle dans des expériences scientifiques, et que le développement seul de l'expérience doit imposer la conviction, je laissai le choix de la personne dont il serait rêvé aux expérimentateurs, car des sceptiques malveillants auraient objecté que j'avais concerté la chose avec Lina. »
« Ceux donc qui firent cet essai donnèrent à Lina l'ordre de rêver la nuit suivante de M. F. L Lina ne l'avait jamais vu, ne savait rien de l'endroit où il demeurait ; cet ordre posthypnotique impliquait donc une hallucination nécessitant pour la produire une faculté transcendante, la clairvoyance. »
« Cette expérience réussit pleinement. Lina était invitée pour l'après-midi suivant chez un des expérimentateurs ; elle vint, et raconta comme une chose étonnante et inexplicable qu'elle avait rêvée toute la nuit de M. F. L. Elle décrivit exactement sa personnalité, donna divers détails sur sa manière de parler, son costume, etc. Elle l'avait vu se reposer dans un fauteuil devant une villa ; elle parla de la vue qu'on avait du toit de la maison sur un lac, du voisinage d'un bois, de la présence d'un chien de Saint-Bernard, noir, etc. Tout cela pouvait, il est vrai, avoir été dans l'imagination des expérimentateurs ; et, si l'on y tient absolument, j'admets que l'hypothèse de la transmission de pensée etait possible. Mais Lina dit aussi — ce qu'aucun des assistants ne savait — qu'il y avait de jeunes chiens dans la villa, ce que l'on constata plus tard. Elle raconta encore que M. F. L. avait soigné une dame qu'elle dépeignit ; cette description ne se rapportait point du tout à la femme de M. F. L., mais bien à une amie de la famille, que l'on reconnut au portrait qu'elle en fit. »
« Le rêve de Lina ne correspondait évidemment pas à la situation du moment de M. F. L., car il ne restait pas dehors pendant la nuit et les habitants de la villa dormaient ; il a fallu, pour la production de ce rêve, qu'une vue à distance ait lieu, soit dans le passé, soit dans l'avenir. Cette vue à distance de Lina a été d'ailleurs constatée plusieurs fois, et il existe quelques notes rédigées et signées, ante eventum naturellement. »

Nous retrouvons encore ici la clairvoyance s'exerçant non seulement pour des actes présents, mais aussi dans le passé, et non plus celui du sujet, mais celui de la personne qui est l'objet de la lucidité. Les faits de cette nature sont très nombreux, et nous regrettons que l'abondance des matières que nous avons à traiter ne nous permette pas de faire des citations plus multipliées. Mais déjà nous pouvons tirer quelques déductions des exemples cités, et elles sont d'une importance capitale pour la démonstration de l'existence de l'âme.

Démonstration de l'existence de l'âme par la clairvoyance

Il faut être affecté d'une cécité intellectuelle bien prononcée, pour ne pas se rendre compte que les phénomènes si variés de clairvoyance démontrent, avec évidence, l'existence en nous d'un principe spirituel différent de la matière. Examinons impartialement les faits, et nous constaterons que les hypothèses matérialistes ne peuvent plus se soutenir à la lumière de ces connaissances nouvelles.
La théorie matérialiste enseigne que l'âme n'a pas d'existence réelle ; que ce que l'on désigne par ce mot n'est que la résultante des fonctions cérébrales, et que son existence et son fonctionnement sont étroitement liés à l'intégrité du système nerveux central, lequel n'entre en relation avec le monde extérieur que par les sens. Si un choc traumatique survient à l'oeil par exemple, la vision s'en trouve diminuée, et même anéantie, si la lésion atteint un organe essentiel de cet appareil compliqué. Nous connaissons suffisamment aujourd'hui les conditions physiologiques qui régissent cette fonction. Lorsque les paupières sont closes, les rayons lumineux ne pénètrent plus distinctement jusqu'à la rétine, celle-ci ne transmet au cerveau qu'une sensation vague de luminosité pendant le jour, et la nuit, c'est l'obscurité complète qui se fait pour l'individu qui ferme les yeux. Le sommeil supprime la perception visuelle des objets environnants ; il est donc certain que dans cet état, le cerveau ne reçoit plus l'excitation nécessaire pour produire le phénomène de la vision. Cependant les faits que nous avons cités, et d'autres infiniment plus nombreux, démontrent que le dormeur voit et décrit avec exactitude des évènements qui se passent au loin et que, même étant éveillé, il ne verrait pas normalement, à cause des obstacles matériels qui s'opposeraient à sa vision. Il faut donc conclure nécessairement de ces observations que la faculté de voir n'est pas attachée indissolublement au mécanisme physiologique de l'oeil, et que le principe pensant, c'est-à-dire l'être intérieur qui sent et qui perçoit, est capable parfois d'acquérir des connaissances par des voies extra-sensorielles ; autrement dit, qu'il est, en ce moment, indépendant des organes par lesquels il entre, d'habitude, en rapport avec le monde extérieur.
Cette démonstration si probante de l'existence de l'âme a été indiquée par Allan Kardec en 1857, comme en témoignent les lignes suivantes[46]:

"Par les phénomènes du somnambulisme soit naturel, soit magnétique, la providence nous donne la preuve irrécusable de l'existence et de l'indépendance de l'âme, et nous fait assister au spectacle sublime de son émancipation ; par là elle nous ouvre le livre de notre destinée.
Lorsque le somnambule décrit ce qui se passe à distance, il est évident qu'il le voit, et cela non par les yeux du corps ; il s'y voit lui-même et s'y sent transporté ; il y a donc là-bas quelque chose de lui, et ce quelque chose n'étant pas son corps, ne peut être que son âme ou son esprit. Tandis que l'homme s'égare dans les subtibilités d'une métaphysique abstraite et inintelligible pour courir à la recherche des causes de notre existence morale, Dieu met journellement sous ses yeux et sous sa main les moyens les plus simples et les plus patents pour l'étude de la psychologie expérimentale."


Ici, il est possible de se demander si nous sommes autorisés par les faits, à croire que l'âme sort de son corps pour se rendre à l'endroit où elle voit l'évènement, car on pourrait imaginer plus simplement que c'est seulement sa faculté visuelle qui a été douée d'une acuité considérable, d'une hyperesthésie anormale. Nous avons étudié ailleurs cette question[47]et montré que le dégagement de l’âme a lieu très fréquemment pendant le sommeil ; nous ne citerons ici qu'un nouveau fait qui confirme une fois de plus l'extériorisation de l'esprit pendant que se produit la clairvoyance[48] .

Le cas Wilmot

"Le 3 octobre 1863, dit M. Wilmot, je quittai Liverpool pour me rendre à New-York sur le steamer City ol Limerik de la ligne Imman, capitaine Jones. Le soir du second jour, peu après avoir quitté Kinsale Heade, une grande tempête commença qui dura neuf jours. Pendant tout ce temps nous ne vîmes ni le soleil ni les étoiles, ni aucun vaisseau ; les garde-corps furent emportés sous l'effort de la tempête, une des ancres fut arrachée de ses amarres et fit beaucoup de dégats avant qu'on pût la rattacher. Plusieurs voiles fortes, bien qu'étroitement carguées, furent emportées et les boute-hors brisés.
Pendant la nuit qui suivit le huitième jour de la tempête, il y eut un peu d'apaisement, et pour la première fois depuis que j'avais quitté le port, je pus jouir d'un sommeil bienfaisant. Vers le matin je rêvai que je revoyais ma femme que j'avais laissée aux Etats-Unis. Elle venait à la porte de ma chambre dans son costume de nuit. Sur le seuil, elle sembla découvrir que je n'étais pas seul dans ma chambre, hésita un peu, puis s'avança à côté de moi, s'arrêta et m'embrassa, et après m'avoir doucement caressé pendant quelques instants, elle se retira tranquillement,
Me réveillant, je fus surpris de voir mon compagnon dont la couchette était au dessus de moi, mais pas directement — parce que notre chambre était à l'arrière du bâtiment — s'appuyant sur son coude et me regardant fixement. « Vous êtes un heureux gaillard, me dit-il enfin, d'avoir une dame qui vient vous voir comme ça. » Je le pressai de m'expliquer ce qu'il voulait dire, il refusa d'abord, mais me raconta enfin ce qu'il avait vu étant tout à fait éveillé et accoudé sur sa couchette. Cela correspondait absolument avec mon rêve.
Le nom de ce monsieur était William J. Tait, et il avait été mon compagnon de chambre au mois de juillet précédent sur le steamer Olympu ; il était né en Angleterre et fils d'un clergyman de l'église établie. II avait vécu plusieurs années à Cleveland dans l'Ohio, où il avait une place comme libraire de I'association des libraires. Il avait alors environ 50 ans. Il n'avait pas un caractère à plaisanter habituellement, c'était au contraire un homme posé et très religieux et dont le témoignage peut être cru sans hésiter.
L'incident me sembla si étrange que je le questionnais, et en trois occasions différentes, la dernière fois un peu avant d'arriver au port, M. Tait me repéta le même récit. En arrivant à New-York, nous nous séparâmes, et je ne l'ai jamais revu ; mais j'ai appris qu'il est mort, il y a quelques années, à Cleveland.
Le lendemain du débarquement, je pris le train pour Water-Town, Conn, où mes enfants et ma femme avaient été quelque temps chez ses parents. Lorsque nous fûmes, seuls, sa première question fut :
« Avez-vous reçu ma visite il y a une semaine, mardi ? — Une visite de vous, dis-je, nous étions à plus de 1000 milles sur la mer. — Je le sais, répliqua-t-elle, mais il m'a semblé vous avoir visité. — C'est impossible, dites-moi ce qui vous a fait croire cela. »
Ma femme me dit alors qu'en voyant la tempête et apprenant la perte de l'Africa qui partait pour Boston le jour où nous quittions Liverpool pour New-York, et qui avait échoué au cap Race, elle avait été extrêmement inquiète sur mon sort. La nuit précédente, la même nuit où comme je l'ai dit, la tempête avait commencé à diminuer, elle était restée éveillée longtemps en pensant à moi, et environ vers quatre heures du matin, il lui sembla qu'elle venait me trouver. Traversant la vaste mer en fureur, elle rencontra enfin un navire bas et noir, monta à bord et descendant sous le pont, traversant les cabines jusqu'à l'arrière arriva à ma chambre. « Dites-moi, ajouta-t-elle, a-t-on toujours des chambres comme celle que j'ai vue, où la couchette supérieure est plus en arrière que celle d'en dessous ? Il y avait un homme dans celle du dessus qui me regardait directement et pendant un instant j'eus peur d’entrer, mais enfin, je m'avançai à côté de vous, me penchai, vous embrassai, et vous serrai dans mes bras, et je m'en allai. »
La description donnée par ma femme du bateau était correcte dans tous ses détails bien qu'elle ne l’eût jamais vu. Je trouve dans le journal de ma soeur que nous partimes le 4 octobre, nous arrivâmes à New-York le 22, et à la maison le 23.
S.R. Wilmot.

Si vous désirez recopier cela et avoir ma signature à l'encre, je vous la donnerai volontiers et ma femme ajoutera la sienne pour certifier l'exactitude de son rêve.
La soeur de M. Wilmot qui était en même temps que lui sur le bateau, certifie que M. Tait a parfaitement vu la dame en blanc et qu'il crut un instant que c'était elle qui venait prendre des nouvelles de son frère, malade du mal de mer."

Il y aurait d'intéressantes observations à faire sur ce cas et sur d'autres, au sujet du remarquable pouvoir d'orientation qui permet à l'esprit du clairvoyant de retrouver, au milieu de l'immensité de la mer, l'être qu'il désire voir. Sans nous arrêter sur ce point, nous voulions signaler la réalité du dédoublement de Mme Wilmot qui a vu nettement le navire dans lequel était son mari, ainsi que la cabine qu'il occupait, et en même temps l'étranger qui s'y trouvait. Elle-même a été aperçue au même instant par M. Tait, bien éveillé et par son mari encore endormi, ce qui nous prouve que réellement son âme avait quitté son corps et qu'elle était assez matérialisée, pour frapper les yeux d'un individu étranger avec lequel elle n'avait aucun rapport.
Cette indépendance momentanée de l'âme vis-à-vis de son enveloppe physique établit qu'elle n'en est pas l'émanation, parce qu'elle voit, pense, raisonne, se souvient sans que le cerveau matériel soit mis en jeu pour produire ces actes intellectuels. Si l'on ajoute à ces remarques que la clairvoyance s'étend sur les faits du passé, qu'elle s'élance dans l'avenir pour prévoir des actes qui se réalisent exactement tels qu'elle les a vus par anticipation, alors s'impose la certitude que ce principe qui peut s'affranchir temporairement des lois de l'espace et du temps n'est pas matériel, dans le sens que les physiciens attachent à ce mot, et qu'il n'est pas engendré par le corps physique, puisqu'il en diffère si entièrement par ses facultés.

Rapports de la clairvoyance avec l'automatisme

Maintenant que nous avons constaté l'existence de ce pouvoir transcendant de l'âme humaine, il est utile de chercher dans quelle mesure il peut servir pour l'explication des faits inconnus révélés par l'écriture automatique. Il faut d'abord éviter de tomber dans le travers de ces critiques qui prétendent attribuer tous les résultats à la même cause. L'expérience nous apprend que la clairvoyance naturelle se produit rarement, et lorsque l'on désire l'étudier expérimentalement pendant le somnambulisme provoqué, on s'aperçoit vite qu'elle n'est ni fixe, ni persistante, ni illimitée, ni exempte d'erreurs.
On ne saurait donc l'employer comme un Deus ex machina propre à dénouer toutes les difficultés. Mais alors, quand doit-on la faire intervenir et quels sont les cas où elle est impuissante à expliquer les faits ? C'est ce que nous allons essayer d'indiquer, sans avoir la prétention de résoudre entièrement la question. Examinons d'abord le cas où l'automatiste est éveillé.
D'une manière générale, et jusqu'a plus ample informé, parmi les faits inconnus révélés par l'écriture automatique, il faut attribuer à la clairvoyance :
1° - Ceux contenus d'une manière épisodique dans les messages incohérents, puérils et mensongers, comme ceux rapportés par le professeur Patrick. C'est un éclair d'intuition, noyé au milieu des divagations subconscientes.
2° - Ceux qui se rapportent à la divination de cartes que personne n'a regardées ; à l'indication des mots ou de devises renfermés dans des enveloppes cachetées ; à la désignation d'objets qui se trouvent dans l'appartement, hors de la vue de l'écrivain, etc. parce que nous avons constaté avec les expériences de Mme Sidgwick, de M. Roux, du Dr Grégory, que pendant le léger état hypnoïde qui n'interrompt pas la vie normale, la double vue peut s'exercer sans que le sujet se rende compte de la manière dont elle s'est produite. Les expériences de M. Wilkins paraissent confirmer cette interprétation.
3° - Ceux qui se rapportent directement à l'automatiste, car nous trouvons dans son intérêt personnel une raison suffisante pour déterminer la mise en action de ses facultés transcendantes. Dans les exemples que nous avons reproduits, la lucidité se déclare à la suite d'une vive excitation causée par des préoccupations professionnelles, comme celle du sous-directeur de la compagnie d'assurances ; sous l'impulsion de sentiments affectifs surexcités, comme c'est le cas, pour la femme de M. Texier, pour Mme R. et pour Mme Wilmot ; enfin lorsqu'une vive contrariété causée par la perte d'un objet auquel on tient beaucoup pousse l'esprit à faire des recherches pendant la nuit, ainsi que nous l'avons constaté avec cette dame qui a retrouvé son bouton de manchette et le jardinier son argent perdu la veille. N'oublions pas dans cette revue l'annonce de maladies non déclarées, dont l'esprit du sujet peut avoir l'intuition clairvoyante et prémonitoire pendant son sommeil.
Nous avons admis que le souvenir des visions clairvoyantes du sommeil n'est pas toujours conservé dans la conscience ordinaire, mais que ces connaissances ne sont pas perdues, qu'elles séjournent dans la mémoire latente et que si elles s'extériorisent par l'écriture mécanique, c'est alors que le message revêt tout à fait les allures d'une communication spirituelle, bien qu'il soit simplement le résultat d'une manifestation animique. On voit que ce qui est perdu par le Spiritisme proprement dit est gagné par le Spiritualisme, et que le matérialisme n'a rien à gagner à l'étude approfondie de ces phénomènes.
Nous tenons à faire remarquer que les observations précédentes ne s'appliquent qu'aux écrits automatiques, c'est-à-dire à ceux qui sont formulés d'une façon vague, incolore, sans précision, bien aux messages qui ne renferment pas dans leur construction grammaticale, dans leur style ou dans leur calligraphie, la marque évidente d'une personnalité que l'on a connue sur la terre.
Occupons-nous maintenant des écrits automatiques obtenus pendant la transe de l'écrivain.

L'automatisme pendant la transe

Nous savons qu'on appelle transe, le sommeil spécial qui s'empare spontanément de certaines personnes pendant les séances spirites. Nous ferons remarquer qu'il est semblable au sommeil provoqué parce qu'il est dû soit à l'autosuggestion, soit à l'action du magnétiseur spirituel, qui agit très probablement au moyen de procédés semblables à ceux que nous employons.
L'écriture mécanique est souvent, dans cet état, le moyen dont les Esprits se servent pour se manifester, comme nous l'avons vu en citant le rapport de M. Hodgson sur Mme Piper[49]. Dans ce cas, la distinction entre ce qui vient d'eux et ce qui est produit par le médium lui-même, nécessite une étude attentive.
Si vraiment la lucidité s'accompagne d'un dégagement de l'âme, nous devons nous attendre à ce qu'elle soit plus fréquente pendant le sommeil magnétique qu'à l'état ordinaire, pendant lequel l'âme est le plus fortement attachée à son corps. Si donc un sujet en sommeil révèle par écrit l'endroit où se trouve un objet perdu, signale un danger à éviter ou annonce que tel parent qu'il aime est malade en ce moment, tout cela peut être attribué à sa lucidité et ne nécessite pas le concours d'une intelligence étrangère. Il en est de même pour la description de ses maladies personnelles ou même de celles des personnes présentes avec lesquelles il est en rapport. Le somnambule sent, avec plus de précision que lorsqu'il est éveillé, son organe malade, il le voit et souvent il ordonne le remède nécessaire. A un degré plus élevé il se rend compte de toute l'anatomie de son corps et il étend cette faculté aux étrangers qu'on met en rapport avec lui. C'est un caractère très fréquent qui a été utilisé par beaucoup de magnétiseurs pour le traitement des malades[50] . Ajoutons, en passant, que l'on doit se montrer très réservé au sujet du mode de traitement ainsi indiqué, car la vue d'une maladie ne suffit pas, évidemment, pour faire connaître le moyen de la guérir, de sorte que les prétendues communications qui prescrivent des remèdes sont fort sujettes à caution.
La lecture de la pensée des personnes présentes peut aussi avoir lieu dans cet état, ainsi que le signalent différents auteurs[51]; on doit donc se tenir en garde contre cette cause possible d'erreur ; mais il faut avouer que celle-ci est très rare, car le plus souvent, c'est par la suggestion mentale et non par la lecture directe de la pensée de l'expérimentateur, que le sujet est renseigné. Voici néanmoins un exemple très net de clairvoyance qui a été souvent reproduit[52] :

"Un prestidigitateur, physicien bien connu, M. Robert Houdin, s'intéressait à ces questions de clairvoyance. Il imitait la double vue et la transmission de pensée à l'aide d'un truc ingénieux. II a commencé par être fort incrédule en fait de somnambulisme. Bien plus, habitué à faire des prodiges, il faisait très peu de cas du merveilleux, et croyait en posséder le secret ; il regardait, lui aussi, tous les hauts faits attribués à la lucidité, comme des tours d'adresse de même nature que ceux dont il amusait le public. Dans plusieurs villes où les somnambules avaient quelques succès, il se faisait un jeu de contrefaire leurs expériences et même de les surpasser. M. de Mirville, le célèbre démonologue qui, dans son système, a besoin de somnambulisme pour en faire honneur aux esprits infernaux, eut l'ambition de convertir un adversaire aussi redoutable ; il pensait avec raison que s'il parvenait à lui démontrer que la lucidité appartient à un ordre de choses entièrement étranger à ses études et à sa pratique, le témoignage d'un juge aussi expert serait d'un très grand poids pour servir la cause du somnambulisme. Il le conduisit chez le somnambule Alexis. M. de Mirville rend compte, dans son livre des Esprits, de la scène qui eut lieu.
« J'étais abîmé, confondu, dit le magicien, il n'y avait plus là, ni adresse, ni escamotage, j'étais témoin de l'exercice d'une faculté supérieure inconcevable, dont je n'avais pas la moindre idée et à laquelle j'aurais refusé de croire si les faits ne se fussent pas passés sous mes yeux. J'étais tellement ému que la sueur me ruisselait sur le visage. »
Citons seulement les deux expériences suivantes :
Alexis, prenant les mains de ma femme, qui m'avait accompagné, lui parla d'évènements passés, et notamment de la perte bien douloureuse d'un de nos enfants ; toutes les circonstances étaient parfaitement exactes. (Dans ce cas, le somnambule puisait probablement dans la mémoire latente de Mme Houdin, les renseignements qu'il lui fournissait).
« Il y avait avec nous, continue le prestidigitateur, un médecin fort incrédule, le Dr Chomel, qui, voulant aussi s'éclairer par lui-même, présenta une petite boite à Alexis. Celui-ci la palpa sans l'ouvrir, et dit : « C'est une médaille ; elle vous a été donnée dans des circonstances bien singulières. Vous étiez alors un jeune étudiant, vous demeuriez à Lyon, dans une mansarde. Un ouvrier auquel vous aviez rendu des services, trouva cette médaille dans des décombres, pensa qu'elle pourrait vous être agréable, et grimpa vos six étages pour vous l'offrir. » Tout cela était vrai. Certes, ce sont là de ces choses que l'on ne peut ni deviner, ni rencontrer par hasard. Le Docteur partagea notre admiration. Je donnai à M. de Mirville le certificat qu'il me demandait, constatant que les faits dont j'avais été témoin dépassaient tout ce que l'on peut obtenir par des tours d'adresse."


Pour en revenir à notre sujet, il est plus que probable que si ces récits avaient été écrits par Alexis et signés du nom du défunt, ils auraient pu passer pour une manifestation spirite. Il faut donc étudier attentivement les facultés du sujet endormi et savoir qu'il possède la clairvoyance naturelle, qui est bien loin de se présenter chez tous les sujets somnambuliques. Ce n'est que lorsque l'on possédera des preuves de cette faculté, qu'il faudra soumettre les faits qu'il rapporte à une discussion approfondie.
Signalons encore une observation très importante : c'est l'action élective exercée par l'observateur lui-même pour produire l'état nécessaire où se manifeste la double vue. Bertrand signale cette propriété chez Petetin. Dans les cas cités par le Dr Grégory, c'est le major Buckley, et lui seul, qui développait la clairvoyance. Voici la citation de M. Boirac[53].

"En ce qui regarde cette forme particulière de la clairvoyance (lectures de devises enfermées dans des noix), je ferai observer, d'abord, qu'une certaine proportion de sujets possède seulement ce pouvoir de sorte qu'un sujet pris au hasard ne l'aura probablement pas. Secondement : que le même clairvoyant peut réussir une fois et échouer une autre. Troisièmement : que ce phénomène se présente plus fréquemment dans l'expérience de certains magnétiseurs que dans celles d'autres. Le major Bukley, par exemple, le réussit très souvent, tandis qu'il y a d'autres magnétiseurs qui ne le produisent jamais, mais qui provoquent peut-être d’autres phénomènes aussi merveilleux. Personne, par conséquent, n’est autorisé à nier le fait, parce qu'il n'a pas rencontré le fait dans ses propres expériences ou dans une expérience donnée."

M. Goupil, en rendant compte des faits de clairvoyance provoqués par le Dr Ferroul, sur son sujet Anna B... dit[54] :

"Le tempérament de celui qui actionne le sujet entre pour beaucoup dans l'obtention des phénomènes ; aussi M. Ferroul, seul obtient avec Anna les résultats qui vont être indiqués ; les autres médecins qui ont endormi Anna n'ont rien obtenu avec elle que les phénomènes ordinaires de l'hypnose et n'arrivaient qu'à déranger pour quelque temps les facultés de la lucide".

Un sujet possédant la double vue, ne sera donc pas clairvoyant avec tout le monde ; il ne le deviendra qu'après avoir subi l'action de son magnétiseur habituel. Un vrai médium, au con-traire, est lucide pour tous ceux qui utilisent ses facultés.
Ces remarques ne s'appliquent qu'aux personnes qu'on endort expérimentalement, car pendant le phénomène de la transe, c'est-à-dire du sommeil spontané produit par les Esprits, le sujet est soustrait momentanément au pouvoir de son magnétiseur, n'obéit plus à ses suggestions, en un mot, est sous la domination d'une intelligence étrangère. Ce point très important a été très bien décrit par un observateur de grande valeur, M. le Dr Ermacora, en ces termes[55].

Les expériences du Docteur Ermacora

"Le 10 novembre 1893, entre 20H15 et 20H45, Mademoiselle Marie Manzini était en somnambulisme. M. Gustave Maluta et moi nous étions présents. Elle avait été mise en cet état par une personnalité médiumnique[56], que j'appellerai B..., qui se servait couramment de ce moyen pour entrer en rapport avec elle par voie hallucinatoire. Ce somnambulisme n'est pas le même que celui que je peux produire par suggestion et que j'appellerai somnambulisme normal ; il en diffère pour deux raisons : la première raison est que, dans le somnambulisme provoqué par B..., ou par un autre agent de même nature, le sujet est « en rapport » avec l'agent seulement, tandis que, dans le somnambulisme normal, il est en rapport avec tout le monde. La seconde raison, qui n'est peut-être qu'une conséquence de la première, consiste en ce que lorsque la manifestation de la première cesse, il se produit d'abord une courte léthargie, puis le somnambulisme normal avec amnésie de la période précédente.
Si aussitôt après ce changement d'état et avant le réveil, on demande à ce sujet en somnambulisme ce qu'il vient de faire il y a un instant, il répond invariablement qu'il a dormi ou rêvé, ou pensé à quelque chose. Ce rêve ou cette pensée n'a aucun rapport avec ce qui est, en réalité, arrivé dans la période précédente, ou du moins avec ce qu'on a pu constater. J'ai donc cherché à comprendre si réellement, pendant que se manifeste par le sujet la personnalité de l'agent B..., et que Mlle Marie en somnambulisme lui sert d'interprète, il reste en elle une autre personnalité disponible pouvant rêver ou penser à toute autre chose ou bien si ce rêve ou cette pensée supposée n'est qu'une hallucination de la mémoire, projetant dans le passé ce que l'imagination invente au moment même où elle le raconte."


Autrement dit, en langage spirite débarrassé de la phraséologie psychologique, il s'agit de savoir si pendant qu'un Esprit indépendant se manifeste par les organes de Mlle Maria, l'âme de celle-ci peut sortir de son corps ou voir à distance, par clairvoyance, ce qui se passe au loin. Voici donc le rêve prémonitoire fait le 10 novembre par l'âme de Mlle Maria, pendant que l'esprit B.., — se servant de son corps — causait avec le docteur. M. Ermacora a pris note de ce songe sur son journal, le lendemain matin, le 18 novembre, en ces termes.

"Elle rêve que le mari d'une dame P... est venu vers 11 heures ou 11h30, et qu'elle est allée chez lui le soir même. Elle a trouvé là deux femmes inconnues, l'une âgée, l'autre jeune. La femme âgée voulait avoir un vêtement complet pour l'hiver, la jeune, un trousseau complet de mariée parce qu'ellle allait se marier. Mme P..., proposait à Mlle Maria de fournir certains articles, elle ajoutait qu'il s'agissait de personnes qui paieraient, et elle lui montrait ses registres prouvant la ponctualité des paiements de ce qu'elle leur fournissait, mais Mlle Maria, malgré cela, ne croyait pas pouvoir accepter, non parce qu'elle doutait de la solvabilité, ni parce qu'elle craignait qu'on voulût dépenser trop peu, mais parce qu'elle savait n'avoir pas les moyens d'avancer la somme pour les dépenses nécessaires. Elle pensa à l'étoffe qu'elle avait achetée à N..., mais comprit aussitôt que c'était trop peu de chose. Aussi, malgré tous les discours de Mme P..., elle ne conclut rien et partit. En descendant l'escalier, elle pensa qu'elle aurait pu peut-être se faire prêter la somme, mais elle se dit que cela non plus ne lui aurait pas convenu. En retournant chez elle, elle passa par la rue Pozzo dipinto et, à peine passée la cassa, di Risparmio, près du tailleur et de la fontaine de l'Aqueduc, elle fut rejointe par Mme P…, qui l'appela : «Siora Maria, Siora Maria[57] » et se remit à essayer de la convaincre de conclure l'affaire. A ce moment Maria s'éveilla."

C'est-à-dire que B... étant parti, elle se retrouva en état de somnambulisme ordinaire, causant avec le Dr Ermacora. Or, ce rêve du 10 au soir, qu'elle ignorait à l'état de veille, se réalisa ponctuellement, et jusque dans ses plus petits détails pendant la journée du 11 novembre. M. P... vint vers 11H30, demander à Mlle Maria d'aller voir sa femme. Le Dr conseilla au sujet de faire cette visite avec sa mère et le soir, en présence de M. Maluta, elles racontèrent toutes deux, identiquement les mêmes choses que Mlle Maria avait vues en rêve le jour précédent. De l'enquête qui fut faite auprès des deux dames qui étaient chez Madame P..., et dont on a le témoignage, et après les affirmations du Dr Ermacora et de M. Maluta, il n'est pas possible de douter un seul instant de la réalité complète et de l'exactitude de cette clairvoyance prémonitoire.
Discutons maintenant les faits. Faut-il voir dans l'être connu sous le nom de B..., un état somnambulique de Mlle Maria, analogue à une des personnalités successives dont M.P... Janet a constaté l'existence chez ses sujets Lucie ou Léonie ? Nous ne le pensons pas, parce que dans aucun sommeil de Mlle Maria, il n'est possible de réveiller les souvenirs qui se rapportent à la personnalité qui se nomme B... Celle-ci est autonome, car elle ne connaît pas non plus toutes les pensées et les actions de Maria.
C'est une individualité à part, puisque pendant qu'elle cause, l'esprit de Maria fait preuve d'activité indépendante pour percevoir toutes les scènes qui sont devenues le lendemain des réalités.

"Il est extrêmement curieux, dit le Dr Ermacora, de voir que tandis que la personnalité de B... nous priait de lui indiquer la demeure des deux dames, pour pouvoir m'aider plus facilement à atteindre mon but (qui était de savoir l'adresse exacte de ces deux dames) la subconscience de Mlle Maria s'est mise en rapport avec cette demeure (ceci a rapport à un second phénomène de clairvoyance postérieur au premier) et avec un incident futur se rattachant avec la recherche exécutée sous l'empire de la conscience ordinaire. Et cela sans que B..., en ait eu aucune connaissance, puisque le lendemain soir, 13 novembre, quand tout était fini, elle nous demanda si nous avions cette adresse qui lui était nécessaire pour faire ce dont nous l'avions chargé."

Nous savons que dans les états successifs du somnambulisme, la personnalité qui correspond au sommeil le plus profond connaît toutes les autres, sans en être connue elle-même. Or ici B…, ne connaît pas les pensées de Maria éveillée ou en somnambulisme ordinaire. Maria endormie ou à l'état normal ne connaît pas davantage celle de B..., cette personnalité est donc bien indépendante de l'esprit du sujet. C'est la conclusion à laquelle arrive aussi le Dr Ermacora, bien que pour des raisons différentes, il dit en note :

"Il n'est pas tout à fait exact de dire que pendant que B. causait, au même moment la personnalité subconsciente de Maria s'est mise en rapport avec cette demeure, parce que, en tenant compte de l'ambiguïté que j'ai signalée dès le principe, le rêve pouvait avoir lieu quelques moments après, c'est-à-dire pendant que Mlle M... me le racontait. Pourtant, comme les phénomènes psychiques supernormaux semblent se produire d'autant plus facilement que les conditions psychiques du sujet sont anormales, je suis tenté de croire que plus probablement la perception eut lieu pendant l'état de rapport avec la personnalité de B..., plutôt que pendant le somnambulisme normal subséquent, puisque le premier état est plus anormal que le second.

Nous pouvons tirer de ces observations, il nous semble, une règle pratique pour savoir si les faits inconnus révélés par l'écrivain en état de transe sont dus à sa clairvoyance propre, ou à l'intervention d'une intelligence étrangère. Il suffira d'endormir le sujet et de le pousser jusqu'à l'état le plus profond auquel il puisse arriver. Alors si le souvenir des faits révélés par l'écriture ne peut pas être rénové, il faudra en conclure qu ils ne lui sont pas attribuables et qu'ils dénotent l'action d'un esprit dont il faudra chercher à connaître l'identité.

Les expériences du Dr Moroni et de M. Rossi Pagnoni

Les études comparatives entre les facultés somnambuliques et médianimiques étant encore rares, nous croyons bon de reproduire les appréciations de deux auteurs qui ont étudié cette question[58] . Donnons d'abord quelques renseignements sur le médium :

"Le sujet s'appelle Cazetti ; c'est une femme d'une parfaite moralité, franche et compatissante. Pendant les premières années qu'elle fut hypnotisée par le Dr Moroni, elle fut très développée du côté de la lucidité et présenta souvent le phénomène de la vue à distance de choses réelles, indépendamment de toute suggestion. Elle percevait aussi la pensée. Mais lorsque les manifestations spirites se produisirent, la vision clairvoyante terrestre s'affaiblit de plus en plus. Dans les dernières années, elle ne pouvait plus lire la pensée ni voir les choses terrestres à distance. Une expérience tentée pour lui faire lire un mot caché dans un tube, échoua complètement, bien que le magnétiseur connût ce nom[59] .
En revanche, la vision spirituelle se développa considérablement. Un jour elle décrivit un esprit qui lui était inconnu et lorsqu’on lui présenta un grand nombre de photographies parmi lesquelles se trouvait celle de l'apparition, elle la désigna sans hésiter, alors que la seule personne pour laquelle cette manifestation était donnée se tenait à l'écart.
M. Rossi Pagnoni explique cette différence de la manière suivante : « la clairvoyance terrestre est, selon moi, le plus haut résultat des facultés actives psychiques ; la médiumnité spirite est le plus grand résultat des facultés passives. Or, plus nous élevons et exerçons les premières chez les hypnotisés, plus nous amoindrissons les secondes et vice versa. Si en particulier et comme expérimentateurs, nous exerçons notre médium à employer toujours plus la médiumnité hypnotique, il n'est pas étonnant que chez elle la clairvoyance terrestre soit amoindrie et qu'elle l'ait presque perdue après l'avoir possédée à un haut degré. Donc, de ces observations, il découle à mon avis, cette conséquence très importante : que celui qui veut obtenir de bons résultats doit exercer les personnes hypnotisées d'une manière différente, selon le but qu'il veut atteindre, les uns pour les effets de la suggestion terrestre, d'autres de la clairvoyance terrestre, et enfin d'autres pour la médiumnité spirite."


Voici encore quelques conseils qui sont bons à méditer pour ceux qui veulent expérimenter consciencieusement et savoir discerner les différentes causes en action[60]:

"En général, nous devons recueillir et étudier ce que les sujets nous donnent volontairement, ou ce que, par la suite, ils accordent à nos questions discrètes et affectueuses, sans vouloir extorquer des réponses ou des preuves malgré eux. Si les résultats d'un exercice suivi sont insuffisants, il est raisonnable de tenir la chose comme non démontrée ; mais essayer de leur imposer ou de leur arracher des preuves décisives, est une erreur grossière qui trouble tout. Cent fois nous avons eu spontanément, par la bouche de la somnambule (ou, dirons-nous par l'écriture, pour d'autres médiums) des noms, des dates, des circonstances biographiques, des portraits moraux, des choses que certainement elle et nous ignorions, et qu'ensuite nous vérifiions et trouvions très vraies ; au contraire, quand par méfiance ou pour contrôler nous avons demandé des renseignements, nous n'avons rien obtenu, même quand nous connaissions déjà la chose demandée et que nous n'avions fait la question que pour l'entendre répéter et quoique nous y eussions fixé notre pensée, de sorte que l'obtenir au moyen de la suggestion terrestre semblait être la chose la plus facile du monde. Le fait de révolte contre notre volonté et contre la suggestion, constitue la plus grande délimitation entre le champ de la médiumnité spirite et celui de la suggestion hypnotique ordinaire."

En voici un exemple rapporté par M. de Rochas[61] :

"Marie est un sujet très suggestible qui présente cette résistance d'une manière très nette :
J'ai suggéré à Marie, également pendant le sommeil, de me donner, cinq minutes après le réveil, une communication écrite de M. V. sur un sujet déterminé. (Marie est somnambule lucide, médium écrivain ; M. V. est son interlocuteur habituel dans le monde des Esprits !)
Rien ne s'étant produit, j'ai rendormi Marie et lui ai demandé si elle n'avait pas compris mon ordre. — Réponse : Si. — Alors pourquoi ne l'avez-vous pas exécuté ? — Réponse : Il m'en a empêché. — Qui ? — Réponse : M. V."


Cette indépendance de la personnalité médianimique, vis-à-vis du magnétiseur, implique bien une individualité différente de celle du sujet, puisque, normalement, celui-ci exécute tous les ordres qui lui sont donnés, sans opposer aucune résistance.

Résumé

Pour se convaincre de la réalité de cette clairvoyance que l'âme possède à certains moments, il faut prendre connaissance des cas nombreux publiés par la Société anglaise de Recherches psychiques, par les Annales du Dr Dariex et dans le livre de Flammarion, l'Inconnu et les problèmes psychiques. Nous ne sommes plus, comme jadis, en présence de récits plus ou moins vagues, mal observés pour la plupart, amplifiés ou dénaturés par l’imagination du narrateur. Tous les faits cités dans les périodiques anglais et français sont entourés des garanties morales nécessaires pour que l’on croie à leur authenticité. Dans les enquêtes minutieuses auxquelles ils ont donné lieu, on a discuté sèvérement la valeur des témoignages, recherché les documents contemporains dans lesquels ils ont été consignés et lorsque c’était possible, vérifié l’exactitude de la vision. Nous devons donc admettre ces témoignages parce qu’ils émanent de gens honorables dont l’affirmation serait acceptée sans hésitation devant un tribunal, car ils n’ont aucun intérêt à mentir, ne se connaissent pas et ne peuvent par conséquent s’entendre pour affirmer des impostures dénuées d’intérêt. La clairvoyance existe donc et son pouvoir s’étend aussi bien à la perception des évènements présents, qu’à celle du passé ou de l’avenir. Cette faculté de l’être pensant est un des plus sérieux arguments que l’on puisse invoquer en faveur de l’indépendance de l’âme vis-à-vis de son corps, puisqu’elle se révèle à nous comme en partie affranchie, momentanément, des conditions d’espace et de temps qui régissent strictement la matière.
Nous sommes donc obligés, logiquement, de tenir compte de cette lucidité dans l'examen scientifique des écrits automatiques lorsque ceux-ci révèlent des faits inconnus. Mais cette faculté de clairvoyance ne peut pas servir d'explication générale pour tous les cas ; elle ne s'exerce à l'état de veille ou pendant le sommeil ordinaire — nous l'avons vu, — que relativement à des événements qui intéressent le sujet lui-même ou des parents, des amis, auxquels il est lié par des sentiments affectifs. La lucidité se manifeste également pendant le sommeil magnétique ; mais cette fois, sous l'influence de la volonté du magnétiseur, elle peut s'étendre à des personnes étrangères qui se trouvent au loin. Le plus souvent, il est indispensable d'avoir un objet ayant appartenu à l'absent pour établir le rapport, — telle la médaille du Dr Chomel dans le cas d'Alexis, — sans quoi, manquant pour ainsi dire de fil conducteur, l'esprit du dormeur s'égare et l'on n'obtient aucun résultat. Il ne faut pas perdre de vue que la lucidité naturelle ou provoquée n'est pas infaillible ; fort souvent elle est fantaisiste, inexacte, ou remplie de lacunes. Ce serait une étrange illusion que de s'imaginer qu'il suffit de posséder un sujet clairvoyant pour pénétrer dans l'intimité de nos concitoyens, connaître leurs actes et leurs pensées, déchiffrer les énigmes du passé, prévoir l'avenir à coup sûr, ou jeter un coup d'oeil sur ces régions inconnues du globe que l'homme n'a pu encore aborder. L'expérience montre ce que de tels désirs ont de chimérique.
Nous avons fait les réserves nécessaires sur les faits inconnus révélés par l'écriture, lorsqu'ils se produisent dans l'automatisme à l'état rudimentaire. Nous avons montré ensuite qu'il est plus sage de croire à la double vue dans les cas de divination de cartes, de lectures de devises ou de messages, ou dans l'annonce de maladies futures du sujet, qu'à l'intervention des Esprits. Mais en dehors de ces circonstances, nous savons que la lucidité n'a pas de raison pour se produire — et qu'en fait elle ne se produit jamais — vis-à-vis de personnes ou d'événements absolument étrangers au sujet et aux assistants.
Ces remarques nous permettent déjà de croire qu'un facteur autre que la clairvoyance est en cause lorsque, spontanément, l'écriture automatique, révèle des faits qui concernent une personne inconnue de l'écrivain et des expérimentateurs. Pour s'en assurer plus complètement il faudra, si c'est possible, avant que l'écrivain ait connaissance du message, l'endormir et pousser le sommeil jusqu'à son degré le plus profond ; alors on verra si les souvenirs de l'écriture sont conservés dans la mémoire somnambulique ; si oui, la clairvoyance du sujet suffit à l'explication, sinon, il faut admettre qu'une intelligence étrangère s'est manifestée, et dans ce cas, il faut chercher si c'est celle d'un vivant agissant télépathiquement, ou celle d'un mort.
Nous verrons, dans la troisième partie, des exemples de ces phénomènes que les adversaires du spiritisme feignent d'ignorer, bien qu'ils soient publiés depuis longtemps dans les ouvrages consacrés à la propagation de cette doctrine. Nous discuterons avec soin la valeur des témoignages nous serons sévères et indépendants dans notre examen ; nous donnerons à toutes les facultés extra sensorielles qui peuvent intervenir leur maximum d'extension, mais si nous constatons cependant qu'aucune d'elles ne peut expliquer ces faits, il faudra reconnaître hautement l'existence des esprits se manifestant par l'écriture, comme ils l'ont fait aussi de tant d'autres manières différentes.

[1] Traduction française de M. Binet, publiée dans les Annales des Sciences psychiques. Mai-Juin. Page 167 et suiv

[2] Cité par Falcomer dans son Introduction au spiritualisme moderne. Note 3.

[3] Gibier. Analyse des choses.

[4] Marcel Mangin. Sur l’automatisme, Annales Psychiques 1896. Page 304.

[5] Voir nos ouvrages : Le phénomène spirite et l’Ame est immortelle, où sont relatés les principaux phénomènes qui établissent la certitude de la survie

[6] Flournoy. Des Indes à la planète Mars. Page 395.

[7] Flournoy. Des Indes à la planète Mars. Page 393.

[8] Chassaing. Apollonius de Tyane, sa vie, ses voyages, ses prodiges, par Philostrate.

[9] Œuvres complètes de Kant. Tome III. Page 88, et sa lettre à Mademoiselle Charlotte de Knoblock. Consulter également l’ouvrage de Matter : Swedenborg, sa vie, ses écrits, sa doctrine.

[10] Dassier. L’Humanité posthume. Page 160 et suiv.

[11] Les Annales des Sciences psychiques. Année 1891, page 157 ; année 1893, page 198 ; année 1895, page 248 ; année 1896, page 205 ; etc.

[12] Flammarion. L’inconnu et les Problèmes psychiques. Page 452 et suiv.

[13] Crookes. Recherches sur le spiritualisme. Page 162.

[14] M. Sidgwick. Expériences semblant démontrer la clairvoyance. Annales Psychiques 1891. Page 157.

[15] Roux. Quelques expériences de lucidité. Annales Psychiques 1893. Page 200.

[16] Wilkins. La vision télépathique. Annales Psychiques 1892. Page 184.

[17] Je dois dire que j’ai eu peu de succès en opérant avec des mots écrits ; j’attribue ce fait à la faible aptitude des personnes que j’ai employées à ces expériences.

[18]Grégory. Lettre à un curieux de bonne foi sur le magnétisme animal. 1851, cité par M. Boirac, Recteur de l’Académie de Grenoble, Annales Psychiques 1893. Page 243.

[19] Dr Ermacora. Cas de prémonition en somnambulisme. Annales Psychiques 1894. Page 223.

[20] Flammarion. L’inconnu et les problèmes psychiques. Page 519.

[21]Flammarion. Ouvrage cité. Page 490.

[22] Paulhan. Annales Psychiques, janvier 1892. Page 1.

[23] Mas est un mot très employé dans le midi de la France pour désigner un hameau.

[24] Light, 1887. Page 248.

[25] Aksakof. Animisme et Spiritisme. Page 249.

[26] Goupil. Lucidité in Ann. Psych. 1896. Page 196 et suiv. Observons qu’à cette époque les rayons X n’étaient pas encore connus.

[27] Myers. La conscience subliminale. Ann. Psych. 1898. Page 200.

[28] Marcario. Du sommeil.

[29] Charpignon. Etude sur la médecine animique. Couronné par l’Académie de médecine.

[30] Padioleau. De la médecine morale. Couronné par l’Académie de médecine.

[31] Myers. La conscience subliminale. Annales Psychiques Septembre-Octobre 1899.

[32] Gabriel Delanne. Le Spiritisme devant la science. Page 91 et suiv.

[33] Deleuze. Mémoire sur la clairvoyance. Annales du Magnétisme de 1814. Voir aussi son mémoire sur la faculté de prévision, publié après sa mort.

[34] Rostand. Dictionnaire des sciences médicales. Article Magnétisme.

[35] Despine. Observation de médecine pratique. De l’emploi du Magnétisme animal, etc.

[36] Husson. Rapport à l’Académie de Médecine, dans le Traité de Magn. Animal de Du Potet. Page 289.

[37] Chardel. Psychologie physiologique. Page 28.

[38] Petetin. Electricité animale, etc.

[39] Dr Charpignon. Physiologie, Médecine et Métaphysique du Magnétisme.

[40]Annales psychiques. Année 1893. Page 145.

[41] Annales psychiques. Année 1866. Page 201.

[42] Annales des Sciences Psychiques, 1892. Page 237.

[43] Annales Psychiques, 1892. Page 100.

[44] Mai-Juin 1901.

[45] Le sujet employé était une jeune femme exerçant la profession de modèle à Munich et présentant de remarquables facultés pour recevoir les suggestions orales, musicales et même mentales. Par une singulière coïncidence elle s’appelait Lina, comme le sujet sur qui j’avais expérimenté à Paris depuis quelques années et qui possède des qualités tout à fait analogue. Note de M. de Rochas

[46] Allan Kardec. Le livre des Esprits. Page 139.

[47] Gabriel Delanne. L’âme est immortelle, démonstration expérimentale. Voir principalement : le dédoublement de l’être humain. Page 120 et suiv.

[48] Sidgwick. Mémoire sur la clairvoyance. Proceedings, traduction française in Annales des Sciences Psychiques 1891. Page 219

[49] Page 21.

[50] Voir Liébault. Du sommeil et des états analogues. Page 90. Consulter également Bertrand. Traité du somnambulisme. Page 100 et 309.

[51] Dr Comtet. La Vérité aux médecins, 1869. Charpignon. Phys. Médec et Métaph. du magn. Page 126, etc.

[52] Morin. Du Magnétisme. Page 176.

[53] Boirac. Cas de clairvoyance et de lucidité, in Annales Psychiques 1893. Page 244.

[54] Goupil. Lucidité, expériences du Dr Ferroul, in Annales Psychiques 1896. Page 140.

[55] Ermacora. Cas de prémonition en somnambulisme, Annales Psychiques 1894. Page 212. Nous engageons à lire ce cas en entier, car nous ne pouvons le reproduire complètement à cause de sa longueur.

[56] Pour éviter des mots impliquant des hypothèses non universellement admises, j’appellerai personnalités médiumniques, ces personnalités de nature peu connue qui, dans l’hypothèse spirite, sont appelées esprits. (Note du Dr Ermacora).

[57] Siora, en dialecte Padouan, veut dire Signora.

[58] F. Rossi Pagnoni et Dr Moroni.. La médiumnité hypnotique.

[59] Quelques essais de médiumnité hypnotique, page 104. Consulter le rapport publié dans les Proceedings de la S.P.R. Partie XIV, pages 549 à 566, on verra que le rapporteur M. Henri Babington Smith, conclut en faveur de l’honnêteté scientifique des observateurs et de la fidélité avec laquelle les procès-verbaux originaux ont été reproduits dans le livre que nous citons.

[60] Rossi Pagnoni et Dr Moroni. La médiumnité hypnotique. Page 113.

[61] De Rochas. Les états superficiels de l’hypnose. Page 63.

 

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