Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


CHAPITRE III
Ecritures en langues étrangères inconnues du médium

 

Sommaire : Discussion sur l'étendue de la mémoire latente. Ecritures langues grecque et latine par un ignorant. Le cas d'écriture en langue latine du Dr Grand Boulogne. Un instituteur médium. La déposition du professeur Damiani. Le récit de M. J. Burnet. Un esprit télégraphiste. Conversation par gestes. - Le cas de M. l'abbé Grimaud. - Ecriture dans une langue inconnue en Europe. - Etrange révélation par l'écriture automatique. -

Discussion sur l'étendue de la mémoire latente

Nous venons de voir, dans le chapitre précédent, que souvent l'intelligence qui dirige la main du médium fait preuve de connaissances intellectuelles n'appartenant pas à l'écrivain, et l'on reconnaît par la valeur des messages, par leur originalité, ou par les caractères scientifiques ou littéraires qu'ils révèlent, que toutes ces notions sont étrangères au médium et aux assistants ; dès lors, il est logique de les attribuer à ceux qui affirment en être les auteurs, c'est-à-dire à des Esprits.
Il est des circonstances où cette action étrangère se décèle avec une irrésistible autorité, c'est lorsque le médium écrit en employant des idiomes étrangers qu'il n'a jamais appris. C'est évidemment un cas décisif, mais il demande à être d'autant plus sérieusement étudié, qu'il est plus démonstratif. La première objection est, comme toujours, la simulation ; mais on remarquera que dans certaines observations médicales, le médium était dans le délire et ne pouvait employer de subterfuges pour tromper ceux qui l'entouraient. Ensuite, nous avons dans bien des récits l'affirmation des témoins qui certifient que les sujets ne connaissaient pas la langue employée et qu'ils étaient incapables d'une supercherie, consciente ou non. Il nous faudra également tenir le plus grand compte de l'intervention de la mémoire latente, qui peut jouer un grand rôle. Si malgré ces réserves, il reste des observations qui résistent à toutes ces analyses, il faudra certainement conclure en faveur de l'intervention des Esprits.
Nous ne nous arrêterons pas sur les phénomènes constatés chez les Camisards[1] ou les convulsionnaires de St-Médard[2] pas plus que sur les drames des possédées de Loudun ou de Louviers qui nous offriraient des exemples de paysans ou de religieuses parlant, les premiers le français le plus correct, et les secondes le latin ; nous renvoyons aux ouvrages cités, et nous étudierons de suite les cas consignés par les médecins.

"César Lombroso[3] rapporte les expériences suivantes, qui lui semblent démontrer que la mémoire peut être développée d'une façon extraordinaire par le fait de l'hypnotisme. Ayant dit devant un sujet hypnotisé douze nombres, ce sujet répéta une demi-heure après les six premiers nombres en commettant une seule erreur. Il ne connaissait pas l'allemand : après lui avoir ordonné de fixer une ligne d'un livre allemand et de la reproduire une demi-heure après sur l'ardoise, il écrivit, ou plutôt il traça l'image des lettres avec leurs formes spéciales, en faisant trois erreurs seulement sur soixante lettres. Le livre qui avait servi à cette expérience étant fermé, le sujet put, sur l'ordre qui lui en fut donné, retrouver la page et la ligne sur laquelle on avait fixé son attention auparavant."

Il est probable, comme nous l'avons vu, que chez les automatistes proprement dits, le contenu de la mémoire latente s'extériorise plus facilement sous forme d'écriture que sous toute autre, et le sujet de M. Lombroso en offre un bon exemple. Si on lui avait donné la suggestion post-hypnotique d'écrire à l'état de veille ces mêmes caractères allemands, il aurait probablement pu le faire. L'apparence de la médiumnité eût été encore plus grande si ce souvenir lui était revenu plus tard, spontanément, dans d'autres circonstances, par exemple au milieu d'une séance spirite. Sans doute ce ne sont là que des hypothèses, mais elles s'appuient sur des expériences positives, et les spirites ont le devoir de tenir compte de ces possibilités, dans la discussion des résultats qu'ils ont constatés.
La puissance de remémoration des somnambules est connue depuis longtemps, en voici quelques exemples[4] .

"Sauvage rapporte en avoir vu une qui répéta devant lui, mot par mot, une instruction en forme de catéchisme entendue la veille, ce que, sans doute, elle n'aurait pas été capable de faire dans son état ordinaire.
Nous avons vu le jeune polonais de M. Ochorowicz réciter textuellement des passages entiers d'un roman qu'il avait lu jadis.
Un jeune somnambule du Dr Pezzi, un jour, avait cherché à se rappeler, mais en vain, un passage d'un discours sur l’enthousiasme dans les beaux-arts ; tombé en somnambulisme, il retrouva ce qu'il avait cru oublié.
Un des cataleptiques du Dr Petetin, après avoir entendu cinquante vers, récités une seule fois en sa présence, les répéta sans hésiter et sans faire de faute, et pourtant elle ne les connaissait pas auparavant."


Dans tous ces exemples, c'est simplement la mémoire qui est en jeu. Elle est très développée, mais ces faits nous semblent moins étonnants depuis que les recherches modernes sur l'hypnotisme nous ont fait connaître le phénomène auquel on a donné le nom « d'ecmnésie ». On sait que MM. Pitres[5] , Blanc Fontenillle[6] , Bourru et Burot[7] etc. ont montré que si l'on replace, par suggestion, certains sujets à une époque quelconque de leur vie passée, ils se souviennent avec une extraordinaire précision de tous les événements qui leur sont survenus à cet âge, tandis qu'ils ont complètement oublié tous les souvenirs postérieurs. Ainsi si l'on affirme à Albertine qu'elle a 5 ans, elle ne sait plus le français, elle parle en employant surtout le patois ; elle raconte tous les incidents de sa vie d'enfance et ne connaît plus rien de ce qui s'est passé depuis l'époque où elle avait cinq ans jusqu'au moment actuel. C'est la résurrection d'un état antérieur qui se reproduit avec la fidélité d'un enregistrement phonographique. Tout ce qu'elle a vu, entendu, dit pendant sa vie est gravé en elle d'une manière latente, mais indélébile, et les exemples précédents nous montrent simplement des épisodes, des fragments de cette mémoire totale indéfectible.
Remarquons encore que si rien ne se perd dans la mémoire elle est incapable cependant de créer des connaissances nouvelles. C'est un merveilleux appareil de reproduction, mais, il ne faut pas lui demander d'ordonner, de mettre en oeuvre les éléments qu'elle conserve. Son rôle se borne à enregistrer et à reproduire les associations visuelles, auditives, tactiles, viscérales même, qui sont contemporaines. Si donc nous remarquons chez un individu autre chose que la reproduction pure et simple du passé ; si nous constatons des connaissances plus étendues, une science supérieure à celle qu'il possédait, la pratique de règles qui ne lui ont pas été enseignées, il faut que nous cherchions autre part qu'en lui-même la cause de ces phénomènes. Nous avons constaté déjà qu'il faut faire une part au travail de l'esprit pendant le sommeil ; nous avons vu que la clairvoyance intervient également dans certains cas ; aussi bien que la transmission de la pensée, il nous faut maintenant aborder une autre source de renseignements qui peut être due au souvenir des vies antérieures. M. Myers, dans son étude sur la conscience subliminale[8] , a signalé déjà cette possibilité, et nous avons nous-mêmes énuméré les arguments en faveur de la théorie des vies successives dans notre rapport au Congrès spirite de Londres[9] . Il se peut donc que parfois un médium fasse preuve de connaissances qu'il aurait acquises dans une existence passée, de même que les sujets ecmnésiques se rappellent pendant la période de suggestion post-hypnotique une multitude de détails qu'ils ignorent absolument à l'état de veille. C'est peut-être en faisant état de cette hypothèse que l'on pourra comprendre les faits suivants.

"On a vu, dit Bertrand[10] , des paysans comprenant à peine le français, s'exprimer pendant leur somnambulisme avec une grande pureté dans cette langue.
Moreau (de la Sarthe) a traité un enfant de douze ans qui n'avait jamais eu connaissance que des premiers éléments de la langue latine et qui, dans les accès d'une fièvre maligne, parla cette langue avec autant de pureté et d'élégance que les plus versés dans sa pratique.
Le D' Macario[11] cite le fait observé par le Dr Rosiau, d'un élève nommé Bélier qui, très faible dans sa classe (cinquième), dans ses accès, s'exprimait en langue latine avec facilité et un heureux choix d'expressions."


Nous sommes loin, avec ces exemples, d'une phrase latine répétée automatiquement par une servante de curé ! Il y a un discernement, un choix, un emploi méthodique et raisonné d'un vocabulaire et de règles compliquées appartenant à une langue étrangère ; en supposant à la mémoire et à l'intelligence de ces jeunes gens la plus grande étendue, on ne peut concevoir qu'ils se servent de mots et de règles qu’ils n’ont encore jamais appris. L'étude attentive des phénomènes spirites nous mettra souvent en présence de cas semblables, et quelle que soit l'hypothèse que l'on adopte, souvenirs de vies antérieures ou manifestations d'esprits, la thèse matérialiste n'aura rien à y gagner.
Abordons immédiatement l'étude des documents que nous possédons sur cette question. Eliminons de suite les communications écrites, très nombreuses, qui se résument en citations d'auteurs étrangers, ou en quelques mots détachés, parce que l'on peut toujours supposer que ces fragments ont été appris, lus ou copiés jadis, et que le souvenir n'en est pas resté. Attachons-nous spécialement aux messages qui ont un objet déterminé.

Écriture en langues grecque et latine

Un des premiers propagateurs du Spiritisme en France fut Pierrart, directeur de la Revue Spiritualiste. C'était un homme instruit, à l'esprit positif, qui rendit de grands services à la libre pensée, en prenant courageusement la défense de ces faits nouveaux qui rencontraient dans le public la plus violente opposition. Son nom mérite de n'être pas oublié, puisqu'il fut un initiateur dans la voie que nous suivons. Nous trouvons dans la Revue de 1859[12] , l'attestation suivante qui nous paraît fournir des caractères très sérieux d'authenticité.

"Après avoir rappelé un certain nombre de lettres antérieures lui venant de Rodez et contenant des récits de faits, Pierrart dit.
Une autre lettre nous parle de dictées médianimiques remarquables faites à plusieurs professeurs du lycée de Rodez. L'un d'eux, M. Küster, professeur de langue allemande, homme d'une grande érudition, voulant se convaincre de la vérité des manifestations spiritualistes, réunit chez lui le médium L..., M. Volson, professeur de seconde, et M. Wierjesky, maître répétiteur. Il s'est trouvé écrit, par la main du médium, homme tout à fait étranger aux langues mortes, des conseils à l'adresse des assistants, conseils qu'on a reconnus pour être exprimés dans la pure langue de Platon.
M. Küster ayant demandé quelque chose sur des affaires qui lui étaient personnelles, il fut doublement convaincu et stupéfait de voir un projet qu'il n'avait jamais communiqué à personne, écrit en belle langue latine que les assistants déclarèrent être du latin de Virgile. Ce qu'il y eut de remarquable en même temps dans ces communications, ajoute notre correspondant, c'est que parfois les caractères étaient écrits à rebours, comme ceux qu'on grave sur une pierre lithographique, de telle sorte qu'on ne put les lire qu’en plaçant le papier devant un miroir."


Ici rien ne manque pour que nous soyons en présence d’un fait vraiment démonstratif.
1° - Il est authentique, puisque Pierrart cite les noms des témoins qui sont des gens honorables avec lesquels il correspond.
2° - Ils ont toute la compétence nécessaire pour bien juger la langue employée.
3° - La communication n'est pas une reproduction d'un passage imprimé d'un auteur quelconque : ce sont des conseils aux assistants, qui évidemment ont été improvisés par l'intelligence qui dirigeait la main du médium.
4° - La langue grecque et la latine étaient totalement inconnues de l'écrivain et cependant elles étaient correctement écrites.
5° - Toute communication de pensée est impossible, puisque les professeurs ne s'attendaient guère à ce qu'on leur parlât en grec, et comme pour déjouer toute interprétation télépathique, l'autre message qui succéda immédiatement au premier, est exprimé en latin.
6° - Enfin l'écriture en miroir, surtout en langue étrangère, exclut absolument toute transmission inconsciente ou subconsciente.
7° - Il y a enfin, en outre, révélation d'un fait inconnu du médium.
Ne posséderions-nous que ce cas, qu'il faudrait déjà croire à l'intervention des Esprits, mais nous avons déjà vu et nous constaterons de suite qu'il est loin d'être isolé.

Autre communication en langue latine

Dans la même Revue Spiritualiste[13] , nous trouvons l'attestation de M. le docteur Grand-Boulogne, fervent catholique, ancien vice-consul de France, qui soutient qu'on peut concilier parfaitement la foi la plus entière aux dogmes de l'église catholique, tout en pratiquant l'évocation des Esprits. Pour appuyer sa thèse, il cite des communications obtenues dans un milieu essentiellement pieux et même dévot.

"N'en déplaise aux démoniaques, dit-il, on me persuadera difficilement qu'une prière soit un acte d'impiété et surtout un appel à Satan. Le résultat pratique, c'est que des matérialistes, d'obstinés incrédules, ont été convaincus et se sont convertis ; c'est que des écclésiastiques, aussi recommandables par leur vertu que par leur savoir, après avoir attesté d'abord les plus vives préventions, ont témoigné bientôt leur étonnement, leur respect et leur complète édification.
L'un deux a été l'objet d'une communication bien remarquable en langue latine. Je la copie textuellement.
« Sacerdos a deo dilecte, cur manifesta negas ? Cur concedens omnia potenti deo, non fateris veritatem, oculorum aciem perstringentem ? Sacrae litterae, memento, crebrae sunt manifestationibus angelicis ; caecultatus vide et crede ».
Traduction littérale :
Prêtre par Dieu chéri, pourquoi ce qui est manifeste nies-tu ? Pourquoi, t'inclinant devant le tout puissant Dieu, ne confesses-tu la, vérité, de tes yeux la prunelle frappant ? Les saintes écritures, souviens-t'en, pleines sont des manifestations des Esprits ; toi qui fermes les yeux, vois et crois.
Benoit***
Une jeune dame tenait le crayon, écrivant avec une rapidité inouie, et pendant ce temps-là, des coups ne cessaient de retentir dans la table et au plafond.
Une circonstance vraiment intéressante, c'est que le médium, au dessous de chaque mot latin, nous donnait à la fois le texte et la traduction interlinéaire, qu'ici j'ai placés à la suite pour épargner une difficulté typographique.
Il est bon d'ajouter que ce médium est incapable de lire correctement une phrase latine."


Nous répéterons encore qu'aucune lecture de pensée ne peut produire ce phénomène, car en supposant que la conscience somnambulique pêche, pour ainsi dire, dans la mémoire latente des assistants, le mot latin correspondant au mot français, elle ne pourra pas construire grammaticalement la phrase, puisqu'elle n'a pas l'ombre d'un rudiment des règles compliquées qui gouvernent cet idiome. On ne peut davantage faire intervenir la subconscience des assistants car, étant incrédules, ils étaient incapables de formuler en latin des arguments combattant directement leur manière de voir. Ni la clairvoyance, ni la télépathie, ni la mémoire latente ne sauraient à aucun titre être invoquées, il ne reste donc, en dehors de l'intervention spirituelle, que la supercherie, ou du médium, ou du Docteur Grand-Boulogne, hypothèse absurde pour ce dernier et tout à fait improbable pour la dame en question, car en même temps qu'elle écrivait, des coups retentissaient dans la table et au plafond. Qui donc aurait aidé à la comédie par ces manifestations physiques concomitantes, dans ce milieu cultivé et d'une haute moralité ?

Un instituteur médium

Le Docteur Gibie[14]r rapporte, d'après la Revue Spirite[15] , les expériences faites par M. Didelot, instituteur, et par son aide, qui était le médium. Après avoir raconté l'étonnement éprouvé par le jeune homme lorsqu'il sentit sa main entraînée malgré lui et constaté qu'elle reproduisait des pensées qui n'étaient pas les siennes, il rend compte d'une séance tenue en compagnie de prêtres qui voulaient étudier les faits. Nous lui laissons la parole.

"Un chanoine de la cathédrale de Nancy, M. l'abbé Garo, ayant aussi entendu parler des révélations surprenantes obtenues par mon jeune homme, le fit mander un jour chez lui, je l'y accompagnai. Là se trouvaient réunis cinq ou six prêtres âgés et respectables. On remit au jeune homme du papier et un crayon en l'invitant à répondre à certaines questions, renfermées sous un pli cacheté déposé sur la table.
Je n'ai jamais connu la nature des questions posées ; mais je sais que la première réponse stupéfia les prêtres qui se regardèrent tout étonnés de la phrase qui venait d'être écrite. Une réponse fut même faite en latin ; or, le jeune homme n'avait pas la moindre notion de cette langue. L'abbé Garo ne voulut y croire que sur l'affirmation formelle du médium qu'il ignorait absolument le latin."


On ne peut guère songer ici à une suggestion mentale, car l'étonnement même des assistants démontre qu'ils ne pensaient pas à formuler une réponse en latin. Quant à le faire inconsciemment, nous avons reconnu déjà combien cette hypothèse est invraisemblable. Il est impossible de suggérer quelque chose que l'on ignore, telle une reponse « ex-abrupto » en latin.
Reconnaissons donc l'action d'une intelligence étrangère aux assistants, qui manifeste à sa manière son indépendance et sa personnalité.

La déposition du professeur Damiani

En 1869, la Société Dialectique de Londres ouvrit une enquête sur les phénomènes spirites et consigna ses observations dans un rapport intéressant, traduit dernièrement en français par M. le Docteur Dusart[16] . Un grand nombre de témoins vinrent raconter les expériences auxquelles ils avaient assisté, comme acteurs ou spectateurs, et la lecture de ces dépositions est du plus haut intérêt pour établir la continuité de ces manifestations qui ont lieu encore de nos jours dans tous les pays.
Nous détachons du récit de M. le professeur Damiani les faits suivants, qui se rapportent directement à notre étude.

"Tout récemment, tandis que j'étais en Sicile, un poème de 200 vers très bien composé, en dialecte sicilien, ainsi que de nombreuses communications en allemand, en français, en latin et en anglais, furent transmis, en ma présence, par un médium tout à fait illettré, appartenant à la classe ouvrière."


Nous constatons dans ce récit une triple manifestation :
1° l'écriture par quelqu'un qui n'a jamais appris cet art ;
2° l'emploi de langues étrangères variées ;
3° la production d'un poème qui ne saurait émaner de la subconscience du sujet, puisqu'il ne connaît pas les règles de la versification. La suite de la déposition du professeur Damiani nous fait connaître encore d'autres communications tout à fait au-dessus de la capacité intellectuelle de l'écrivain. Voici son récit.

"Je me suis trouvé à Clifton avec un jeune médium de dix à onze ans, qui écrivait de longues dissertations sur des sujets de philosophie spiritualiste. Les sujets et la façon dont ils étaient traités étaient tels qu'ils eussent pu être signés par un écrivain expérimenté et d'esprit mûr, bien au courant de ces questions. Pendant une séance, je mis le célèbre Gavazzi en présence de ce jeune médium. Le subtil polémiste posa au médium ou à l'esprit qui se manifestait par lui, diverses questions sur des sujets abstraits de métaphysique et de théologie et il en reçut des réponses si profondes et si savantes, qu'il resta convaincu qu'il ne se trouvait nullement devant un cas d'enfant prodige. Ce jeune médium, dont les écrits renfermaient bien douze volumes, traçait des caractères différents, selon l'esprit qui s'emparait de lui, le dirigeait et écrivait parfois en diverses langues mortes.
Je connais un autre médium âgé de quinze ans, habitant également Clifton, qui, sous l'influence des esprits, donne des réponses écrites en vers, si distinguées pour la forme autant que pour le fond, qu'il n'est pas possible à ceux qui le connaissent de conserver dans l'esprit le plus petit soupçon qu'il ait pu les faire de lui-même et sans être assisté."


Dans ces exemples, pas plus que dans les autres, les hypothèses des incrédules : cryptomnésie, télépathie ou lecture de pensée, ne sauraient être invoquées comme explication. Seule la théorie spirite offre une solution rationnelle sur ces faits, si extraordinaires en apparence.

Le récit de M. Jean Burns

Les phénomènes spirites présentent une richesse et une variété que les courtes et sèches analyses des critiques qui en ont parlé ne laisseraient guère supposer. Nous avons vu déjà que des savants tels que Crookes et Hodgson affirment que des médiums peuvent écrire simultanément des communications différentes par la main droite et la main gauche.
M. Burns, dans sa déposition devant le comité de la Société Dialectique, expose qu'il a constaté l'existence du même pouvoir chez sa belle-sœur, Miss Mary, en même temps que l'écriture en langue étrangère[17] .

"Miss Mary se trouva spontanément être un médium écrivain très remarquable. Dès qu'elle prenait un crayon à la main, elle écrivait automatiquement des réponses aux questions posées mentalement. Je l'ai vue écrire sur des sujets différents, en tenant un crayon de chaque main, sans donner aucune attention à ce qu'elle faisait. A plusieurs reprises, dans des cas de maladies désespérées, nous avons reçu des prescriptions médicales par ce procédé et leur application a donné des résultats immédiats...
Dans certains cas, les esprits font écrire automatiquement la main de miss Mary dans des styles et des langues différentes. Dans une occasion, un monsieur traduisit un de ces messages : celui-ci était en espagnol, et l'esprit se donnait pour un Espagnol..."


Nous trouvons réunis dans cette observation les caractères les plus sérieux pour nous convaincre de l'intervention des esprits :
1° écritures séparées de chaque main ;
2° changement de style et d'écriture suivant les diverses personnalités qui manifestent ;
3° langues étrangères inconnues du médium.
M. Burns étant personnellement connu des savants du Comité de la Société Dialectique, sa sincérité et sa bonne foi ne sauraient être suspectées.

Un esprit télégraphiste

Lorsqu'un médium n'emploie pas une langue étrangère, mais se sert d'un procédé télégraphique qui lui est inconnu, on peut admettre encore, dans ce cas, que ce n'est pas sa subconscience qui lui fournit cette connaissance. Un exemple curieux en est donné dans la biographie d'un médium remarquable, Mme Conant. Nous le reproduisons d'après la traduction d'Aksakof[18] .

"Lors de son séjour à Cummings Flouse, à Boston, Mrs Conant reçut la visite d'un inconnu qui déclara qu'il étudiait les phénomènes spiritiques et qu'il désirait beaucoup avoir de la part de son ami, une certaine preuve d'identité qu'il n'avait pas encore réussi à obtenir ; il venait de voir un médium demeurant dans un quartier éloigné de la ville qui l'avait adressé à Mrs Conant, disant qu'à une séance avec elle, son désir serait accompli... On prit place... Soudain la main de Mrs Conant commença à exécuter des mouvements brusques s'élevant et s'abaissant d'une façon bizarre et irrégulière, de sorte que le crayon frappait des coups secs se suivant rapidement. Mrs Conant ne comprenait rien à ce qui se passait, et désespérant d'obtenir un résultat quelconque, troublée par cet échec elle dit à son hôte : « inutile de continuer. Il est clair qu'aucun esprit pouvant communiquer avec vous ne se trouve ici pour le moment. Il y a bien quelqu'un, mais il ne trouve pas le moyen de se manifester. » Quel ne fut pas son étonnement lorsque le visiteur lui déclara qu'il était très satisfait, au contraire, que la séance avait parfaitement réussi et qu’il avait enfin obtenu de son ami la preuve désirée, qu'il l'avait même écrite sans qu’elle s’en fût aperçue. Explications faites, le médium apprit que le visiteur inconnu était télégraphiste de profession, de même que l'ami dont il attendait le message : comme preuve de son identité, il devait communiquer avec lui par voie de signes télégraphiques, et c'est ce que Mrs Conant venait de faire, d'une façon toute mécanique, puisqu'elle n'avait aucune idée de l'alphabet télégraphique, tout en s'étonnant que la séance ne donnât aucun résultat. Le visiteur a pu se convaincre de cette façon que l'intermédiaire du message, c'est-à-dire le médium, en ignorait absolument la teneur."

Nous croyons, ici encore, tout commentaire superflu.

Le cas de M. l'abbé Grimaud

Voici un autre exemple plus récent, dont nous avons entendu le récit de la bouche même de M. l'abbé Grimaud, dans un de nos passages à Avignon.

"Je pourrais aussi dégager de mes observations personnelles, dit M. Léon Denis[19] , de nombreux cas d'identité d'esprits. Je me bornerai à signaler le suivant, obtenu à la suite d'une conférence contradictoire que je fis à l'hôtel de ville d'Avignon, et au cours de laquelle M. l'abbé Grimaud me demanda des preuves de la réalité du spiritisme. Ces détails sont extraits d'un procès-verbal, que j'ai sous les yeux. Il est signé de douze témoins, et je le tiens à la disposition des intéressés.
« Le 13 janvier 1899, douze personnes s'étaient réunies chez M. David, place des Corps-saints, 9, à Avignon, pour leur séance hebdomadaire de spiritisme.
« Après un moment de recueillement, on vit le médium, Mme Gallas, (à l'état de transe), se tourner du côté de M. l'abbé Grimaud et lui parler dans le langage des signes employés par certains sourds-muets. La volubilité mimique était telle que l'esprit fut prié de se communiquer plus lentement, ce qu'il accorda aussitôt. Par une précaution dont on appréciera l'importance, M. l'abbé Grimaud ne fit qu'énoncer les lettres à mesure de leur transmission par le médium. Comme chaque lettre isolée ne signifie rien, il était impossible, alors même qu'on l'eût voulu, d'interpréter la pensée de l'esprit, et c'est seulement à la fin de la communication qu'elle a été connue, la lecture en ayant été faite par l'un des deux membres du groupe chargés de transcrire les caractères.
« De plus, le médium a employé une double méthode, celle qui énonce toutes les lettres d'un mot, pour en indiquer l'orthographe, seule forme sensible pour les yeux, et celle qui n'énonce que l'articulation, sans tenir aucun compte de la forme graphique, méthode dont M. Fourcade est l'inventeur et qui est en usage seulement dans l'institution des sourds-muets à Avignon. Ces détails sont fournis par l'abbé Grimaud, directeur et fondateur de l'établissement.
« La communication relative à l'oeuvre de haute philanthropie à laquelle s'est voué M. l'abbé Grimaud, était signée : frère Fourcade, décédé à Caen. »
Aucun des assistants, à l'exception du vénérable ecclésiastique, n'a connu ni pu connaître l'auteur de cette communication, bien qu'il eût passé quelque temps à Avignon, i1 y a 30 ans ; ni sa méthode.
Ont signé : les membres du groupe ayant assisté à cette séance : Toursier, directeur de la banque de France en retraite, Roussel, Domenach, David, Brémond, Canuel, Mmes Toursier, Roussel, David, Brémond.
Au procès-verbal est jointe l'attestation suivante.
« Je soussigné, Grimaud, prêtre, directeur-fondateur de l'institution des infirmes de la parole, sourds-muets, bègues et enfants anormaux, à Avignon, certifie l'exactitude absolue de tout ce qui est rapporté ci-dessus. Je dois à la vérité de dire que j'étais loin de m'attendre à une pareille manifestation, dont je comprends toute l'importance, au point de vue du spiritisme dont je suis un adepte fervent ; je ne fais aucune difficulté de le déclarer publiquement. »
Avignon, le 17 avril 1899.
Signé, Grimaud, prêtre.

Conversation par Gestes

Mme Hardinge Britten, écrivain bien connu, dont la vie entière a été consacrée à la propagation du Spiritisme, publia, en 1872, un journal mensuel intitulé : « L'Etoile de l'Ouest » dans lequel on trouve, à la page 261, le récit suivant, qui a la plus grande analogie avec le fait précédent.

"Le samedi 21 août 1872, je faisais une conférence à Syracuse (N. Y.), et entre la séance du matin et celle du soir, j'assistais à une réunion chez M. Bears. Parmi les assistants, qui étaient une vingtaine environ, se trouvaient deux dames et deux messieurs venus d'une ville voisine pour assister à mes conférences. Au cours de la réunion, un médium, Mme Corwin, tomba en transe et désigna de la main un des assistants ; il se leva et traversant la salle, vint prendre un siège à côté du médium. Alors l'esprit parut faire des tentatives réitérées pour parler, impuissant, semblait-il, à soumettre à sa volonté les organes du médium, ce qui produisit un effet pénible sur la plupart des assistants.
On remarqua cependant que la main gauche du médium se levait par moments, et que les doigts faisaient divers mouvements. Quelques instants après, le monsieur en question déclara que l'esprit lui avait donné une preuve de son identité, et ce, « d'une façon indubitable. » Supposant que c'était un signe quelconque convenu, on s'attendait toujours à entendre prononcer des paroles par l'esprit, proposant tel ou tel moyen pour faciliter la manifestation. Subitement, le médium tomba sous l'influence d'un autre esprit qui déclara, d'une façon parfaitement calme, que si l'on restait tranquille, la femme du monsieur qui se tenait auprès du médium essayerait encore de se manifester, qu'elle avait été sourde-muette sur la terre et qu'elle communiquerait par le moyen de l'alphabet des sourds-muets. On fit le silence, et bientôt l'individualité annoncée revint et parla vingt minutes avec son mari ; les doigts du médium formaient les réponses et les phrases au moyen des signes employés par les sourds-muets.
La scène était émouvante : le mari se tenait en face du médium en transe, et posait à sa femme diverses questions, par signes, et sa femme répondait à ses pensées de la même manière, par l'intermédiaire d'un organisme étranger, d'une personne qui n'avait jamais pratiqué ce mode de conversation. L'esprit faisait également des réponses à des questions mentales, en les écrivant par la main du médium. Ces réponses étaient toujours satisfaisantes.
Disons encore que le médium et le monsieur dont il est question ne se connaissaient nullement, et que le médium n'avait jamais, jusqu'alors, vu employer les signes de l'alphabet des sourds-muets."


La véracité de Mme Hardinge Britten n'ayant jamais été discutée nous acceptons son témoignage et nous considérons que l'emploi de signes conventionnels inconnus du médium, constitue une preuve de l'intervention d'un esprit connaissant ce langage. Il n'est pas possible que le questionneur ait pu suggérer mentalement, et surtout inconsciemment, les actes compliqués nécessaires à l'expression des pensées qui étaient transmises.

Ecriture dans une langue inconnue en Europe

Il est tout à fait impossible d'expliquer logiquement les cas précédents, même en donnant à la mémoire latente, à la clairvoyance et à la télépathie, toute l'extension possible. Il en est encore de même pour le fait suivant, que nous citons sous la garantie de l'illustre Alfred Russel Wallace, membre de la Société Royale Anglaise. C'est dans une conférence intitulée : « Y a-t-il une autre vie ? » faite en 1887, au temple métropolitain de San Francisco, que nous la trouvons exposée brièvement en ces termes[20] .

"Voyons maintenant les phénomènes physiques combinés avec les phénomènes mentaux tels que l'écriture et le dessin. Ce sont maintenant choses si fréquentes que presque tout le monde peut avoir eu l'occasion de les constater par soi-même. Elles se présentent d'une infinité de manières. Des papiers jetés sur le parquet et repris quelques minutes après, se trouvent couverts d'écritures ; de même pour des papiers enfermés à clef dans des tiroirs ou bien l'esprit écrit au plafond à des endroits inaccessibles. De l'écriture se forme entre des ardoises liées et souvent en présence et sous la main de la personne qui l'a demandé ; quelquefois la phrase est écrite dans une langue que le médium ne comprend pas ; quelquefois dans une langue qu'aucune personne ne comprend et que l'on a une difficulté considérable à interpréter ; mais généralement, je le crois, ces communications sont interprétées et reconnues comme étant dans une langue définie. Un de mes amis en Angleterre, obtint avec sa famille, et sans médium public, une écriture dans une langue qu'ils ne comprenaient pas, qu'ils eurent la plus grande difficulté à interpréter, et qui ne fut reconnue que par un missionnaire des îles de la mer du Sud à qui elle était familière ; c'était écrit correctement, et personne, dans la maison, ne connaissait un seul mot de cet idiome."

Nous pourrions augmenter beaucoup le nombre de ces témoignages, mais nous sommes obligés de nous borner, ayant encore d'autres phénomènes aussi intéressants à examiner. Nous nous contenterons, pour finir, de citer des observations plus récentes qui montreront que les faits dont nous parlons se produisent toujours, dans tous les pays, et qu'il suffit de chercher sincèrement pour en découvrir.

Etrange révélation par l'écriture automatique

Les Annales psychiques[21] reproduisent le récit suivant, dû à M. Gordigiani. Il devint médium écrivain à l'âge de 15 ans, après avoir fait des expériences typtologiques. Nous lui laissons la parole.

"J'ai eu ce genre de médiumnité (mouvements de table) pendant plusieurs semaines ; après se développa en moi l'écriture automatique et nous renonçâmes à la table et à toutes les expériences physiques qui peuvent avoir beaucoup d’intérêt pour les savants, mais pas pour ceux qui cherchent dans ces phénomènes la preuve de la survivance de l'âme. Ma mère voulait la preuve de la survivance de sa fille et nous croyons l'avoir eue. J'ai écrit automatiquement des choses que ma soeur malade avait dites à ma mère, à la campagne où le malheur arriva, tandis que j'étais à Florence, au collège militaire, d'où je ne suis sorti qu'après la mort de ma soeur."

Nous savons déjà que si le médium n'avait obtenu que ce genre de preuve, elle serait insuffisante, car la transmission de la pensée de la mère au fils, est fort possible, puisque nous en avons un bon exemple dans les expériences du révérend Newnham ; mais voici ou les choses se compliquent.

"D'autres preuves vinrent à l'appui de celle-là : et ce phénomène avait un caractère spécial, en ce que plus de 150 individualités dont je n’avais aucune connaissance ni conscience se sont pour ainsi dire manifestées dans mes écrits, et chaque fois qu'elles se représentaient de nouveau, c'était toujours le même style, la même langue, la même époque, et le même caractère moral. Automatiquement, et sans savoir ni comprendre ce que j'écrivais, j'ai rapidement tracé au crayon, dans la langue italienne du XIIIème siècle, des visions mystiques qui ont été admirées par quelques-uns de nos meilleurs écrivains. Des dialogues philosophiques de haute morale ont été le résultat des nombreuses demandes formulées par les assistants ; plusieurs de ces réponses étaient en langue moderne, un grand nombre d'autres étaient en ancien dialecte, presque latin que l'on appelait « volgare » au XIIIème siècle.
Dans ces dialogues se sont peu à peu développées les théories boudhistes et le quiétisme de Mme Guyon.
Ma mère, ni moi, ni aucune des personnes présentes, ne savions un mot de ces choses ou de ces doctrines."


Il nous parait difficile d'assimiler ces individualités si multipliées et si différentes à des personnalités secondes, non seulement parce qu'elles sont trop nombreuses, mais aussi parce que certaines d'entre elles se servent d'une langue ancienne, inconnue de l'écrivain, et qu'elles témoignent de connaissances que ne possédait aucun des expérimentateurs. Une circonstance de ce récit nous engage également à repousser l'hypothèse toujours possible et parfois très vraisemblable de la clairvoyance, c'est que les réponses étaient données immédiatement, séance tenante, en réponse à des questions des assistants. C'est un point très important, car si on avait fait la veille des demandes, auxquelles il n'aurait été répondu que le lendemain, on pourrait supposer que pendant la nuit l'âme du jeune homme avait pu acquérir, par clairvoyance, les notions nouvelles qui se révélaient ensuite par l'écriture. Ces remarques donnent une valeur considérable aux détails fournis par M. Gordigiani, qui continue ainsi sa narration.

"J'ai eu des écrits à la ville de Rodi en Ombrie et à ses environs ; des petits villages presque inconnus y étaient mentionnés.
Des noms, aujourd'hui éteints, d'anciennes familles italiennes, ont été citées à propos d'anectodes inconnues, mais qui avaient toujours un grand caractère de vérité. Souvent nous avons vérifié, dans les archives de Florence et de Sienne, l'exactitude de ces noms. Ces anecdotes, ces noms de personnes, de villes, de villages, ne venaient jamais sans raison d'être, mais toujours en conséquence d'une conversation précédente, et à laquelle je n'avais jamais pris part. J'étais toujours comme un instrument passif, inconscient, un peu comme un téléphone : mais je n'entrais jamais en transe.
Il nous est arrivé quelquefois de pénibles aventures avec mon écriture inconsciente. Je vais en transcrire une qui nous fut particulièment désagréable.
Mon père faisait, en 1883, le portrait de Mme B. M... (je ne puis citer son nom en entier, l'histoire en question pouvant lui être pénible), une dame américaine bien connue par sa position, par sa haute intelligence et sa philanthropie. Pendant qu'elle posait pour son portrait, la conversation tomba sur le spiritisme, et elle apprit j'étais ce que l'on appelle : médium écrivain. Elle pria mon père la faire assister à une séance : celui-ci se trouva fort embarrassé car il savait que ma mère faisait de grandes difficultés pour admettre une personne nouvelle à nos réunions, qui n'étaient plus des expériences, mais un moment de recueillement et de consolation intime pour elle. Ma mère, en effet, pria mon père de la dispenser de la visite de cette dame, mais l'insistance de cette dernière fut si vive et si pressante qu'il fallut absolument la contenter.
Ma mère pria une dame de ses amies, qui parle très bien l’anglais, de vouloir bien servir d'interprète et nous nous réunîmes un soir, dans notre maison, pour essayer d'évoquer le mari de Mme B. M. mort depuis plusieurs années.
Tout en posant, Mme B. M..., avait raconté à mon père le deuil sévère qu'elle avait porté à la mort de son mari, combien elle avait mis tous ses soins à exécuter ses dernières volontés, respectant moindres désirs, tant pour l'éducation des enfants que pour l'arrangement des affaires de succession, et elle exprimait sa satisfaction d'avoir ainsi accompli ses devoirs envers la mémoire de son mari.
Voilà tout ce que nous savions de cette famille, que nous ne connaissions nullement avant que Mme B. M., se fût présentée l'atelier de mon père.
Dans la soirée qui devait précéder notre réunion avec cette dame ma mère me pria de « penser » (c'est ainsi que nous disons, au lieu de dire évoquer, comme tant d'autres disent, et c'est du reste exact, il me suffit de « penser », pour presque toujours obtenir la personnalité demandée) à un de ses oncles qui, croyait-elle, pourrait l'aider dans cette difficulté d'obtenir quelque chose qui pût satisfaire cette nouvelle venue à nos séances ; cela fut comme une séance préparatoire, afin d'éviter un échec complet, mais nous ne pûmes obtenir que de vagues promesses.
Le lendemain soir, Mme B. M... entra dans le salon de ma mère à 9 heures précises.
Mme P..., l'interprète, était présente, ainsi que mon père et un avocat de ses amis, Me C... J'étais assis devant une table, un crayon à la main et du papier blanc devant moi. Très peu d'instants après, mon crayon traça ces mots en français.
« Il y a une inimitié que je ne puis comprendre, entre Madame et feu son mari.»
Ma mère, convaincue comme elle l'était, ainsi que nous tous, de la parfaite entente de cette famille, se troubla à ces paroles, et feignit de ne pas comprendre pour ne pas répéter cette phrase, et demanda de nouveau s'il serait possible d'entrer en rapport avec le mari de Mme B. M... Et le crayon inexorable répéta, sa phrase.
« Il y a inimitié, que je ne puis comprendre, entre Madame et feu son mari. »
Mme P... nous dit que Mme B. M... voulait à tout prix savoir ce qui avait été écrit, et la phrase lui fut traduite en anglais. Jamais aucun de nous n'oubliera la profonde émotion que nous éprouvâmes en voyant Mme B. M... se lever debout et très pâle s'écrier : « Comment ! Encore ! »
Ce fut un vrai coup de théâtre.
Elle expliqua ensuite très vite en anglais à Mme P... qu'il y avait eu de très graves désaccords entre elle et son mari, mais qu'elle croyait que la mort avait dû effacer en lui tout ressentiment puisqu'elle aussi avait pardonné et avait exécuté avec tant de fidélité toutes ses dernières volontés.
Ma mère voulut insister pour savoir si dans la suite il ne serait pas possible d'avoir une autre communication plus favorable.
Mon crayon traça cette étrange phrase. « Impossible, il est en Nigritie.»
Pour le coup, nous étions sûrs d'être mystifiés et ma mère voulait à tout prix interrompre, très confuse de devoir dire à cette dame une semblable bêtise. Mais Mme C... insista, voulant avoir la clef de cette énigme et demanda. « Pour quelle raison dites-vous qu'il est en Nigritie ? »
Et le crayon écrivit. « Il a pour mission d'influencer pour l'abolition de l'esclavage. — Pourquoi a-t-il eu une semblable mission ? — Parce que c'est un nègre. »
Ma mère très découragée, et qui ne s'intéressait plus à la séance, voyant cette inacceptable explication, si offensante pour cette dame, enleva vivement la feuille de papier, croyant n'être point vue, la roula entre ses mains et la jeta par terre.
Mais Mme B. M... avait vu et s'écria : « Madame, vous n'avez pas le droit de faire cela ; tout ce qui s'écrit en ce moment est pour moi » et elle réclama la boule de papier qui lui fut donnée. EIe la déroula et Mme P... lui dit ce qui était écrit.
Immédiatement elle se leva, parut très émue, nous souhaita le bonsoir et s'en alla.
Nous étions frappés de stupéfaction et très en peine de l'impression que cette dame avait éprouvée. Ma mère ne cessait de répéter : — « C'est la première fois que nous sommes ainsi mystifiés, car la dernière phrase est une plaisanterie déplacée, mais la première pourtant était vraie et a beaucoup ému Mme B. M... »
Le lendemain matin, mon père avait cette dame en séance. Il revint à la maison pour déjeuner, en riant comme un fou disant à ma mère, en criant à tue-tête. « C'était un nègre ! C'était un nègre ! »
Nous ne comprenions pas. Alors il nous dit que Mme B. M... lui avait longuement raconté son histoire et dit qu'après son mariage, sa famille avait découvert que son mari était d'origine indienne, c'est-à-dire homme de couleur. Cela ne se voyait presque pas, mais c'était une mésalliance très vexante pour des Américains. De là l'origine de cette inimitié qui dura toute la vie mais que Mme M... croyait éteinte avec la mort, parce que, disait-elle, elle avait accompli toutes les volontés de son mari.
Les écrits, obtenus par l'écriture automatique, ont un intérêt autrement intéressant que tout ce que je viens de vous dire, mais sont malheureusement en italien et la plupart même en ancien italien du XIIème siècle et je ne puis les traduire.
GORDIGIANI


À ceux qui seraient tentés de voir dans cette communication une transmission de pensée de la dame américaine au médium, nous rappelons que les somnambules proprement dits ne comprennent généralement pas les questions qui leur sont faites en langues étrangères. Or, d'après le récit, l'intervention d'un interprète était nécessaire, ce qui nous assure que nous sommes bien en face d'un phénomène spirite véritable. D'ailleurs l'étonnement de Mme B. M... dénote clairement qu'elle n'a pu suggérer la réponse puisqu'elle en est atterrée.
Passons maintenant à l'analyse d'autres documents encore plus démonstratifs, si c'est possible, que les précédents. On y verra des autographes authentiques données par des médiums qui n'ont jamais connu les personnes dont elles retracent l'écriture avec une surprenante fidélité.

 

[1] Voir : Louis Figuier, Histoire du Merveilleux. 1860. T. II. Page 267, 401, 402, et les Camisards des Cévennes par Eugène Bonnemère.

[2] Voir : Carré de Montgeron. La Vérité des miracles opérés par M. de Pâris et autres appelans 3. V. in-4° Cologne 1747. Consulter également : Mathieu. Histoire des miraculées et des convulsionnaires de St Médard.

[3] Lombroso. Studi sull’hypnotismo. Torino. 1886. Page 5.

[4] Liébazult. Le sommeil et les états analogues. Page 92.

[5] Pitres. Leçons cliniques sur l’hystérie et l’hypnotisme. T. II. Pages 220 – 290 – 300.

[6] Blanc Fontenille. Etude sur une forme particulière de délire nystérique. Th. Doct. Bordeaux 1887 (délire avec ecmnésie).

[7] Bourru et Burot. La suggestion mentale et les variations de la personnalité. Page 152.

[8] Proceedings. 1887.

[9] Gabriel Delaune. Etude sur les vies successives. Mémoire présenté au Congrès de Londres. Voir Revue Scientifique et morale du Spiritisme. Juillet – Août – Septembre 1899.

[10] Bertrand. Traité du somnambulisme. Pages 100 – 309.

[11] Macario. Du sommeil. Page 121.

[12] Pierrart. Revue Spiritualiste. 1859. Page 305.

[13] Pierrart. Revue Spiritualiste. 1862. Pages 14 et 15.

[14]Gibier. Le Spiritisme ou Fakirisme occidental. Page 163.

[15] Revue Spirite. 15 janvier 1886.

[16] Dr Dusart. Rapport sur le spiritualisme. Pages 216 et 217.

[17]Dr Dusart. Rapport sur le spiritualisme. Pages 327 et 329.

[18] Aksakof. Animisme et spiritisme. Page 369.

[19] Léon Denis. M. Camille Flammarion et le Spiritisme. Revue scientifique et morale du spiritisme. Juillet 1899. Page 12.

[20]Alfred Russel Wallace. Les miracles et le moderne spiritualisme. Page 362.

[21]Annales Psychiques. Septembre – Octobre 1898. Page 257.

 

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