Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


CHAPITRE II
Communications au-dessus de la portée intellectuelle du médium, ou en dehors de ses connaissances

 

Sommaire : Remarques sur la banalité des communications et sur l'abus des grands noms. Histoire de Jeanne d'Arc et de Louis XI, par une jeune fille de 14 ans. La fin du roman d'Edwin Drood, écrite par un apprenti mécanicien. Solutions de problèmes scientifiques données au moyen de l'écriture mécanique par des femmes d'une instruction très ordinaire. Le cas de Mme d'Espérance et celui rapporté par le général Drayson. L'indication d'un remède faite par les Esprits. Autres recettes indiquées par l'écriture. Médiumnité de l'écriture constatée chez des nourrissons. Les Phénomènes psychiques du village de D., observés et rapportés par M. le Dr Dusart et M. Ch. Broquet. - Ecritures de médiums complètement illettrés. - Faits inconnus rapportés par ces médiums. - Individualité d'un esprit constatée par des communications identiques comme écriture et comme style, obtenues avec des médiums différents. - Résumé. -

Les adversaires du spiritisme ont très souvent reproché à ses adeptes d'admirer de confiance de plates élucubrations, aussi banales pour le fond que dans la forme. Il y a une certaine part de vérité dans ces critiques. Beaucoup de communications émanent le plus souvent des parents et amis du médium, qui ne sont pas des écrivains de profession, de sorte qu'elles ne peuvent offrir de l'intérêt que pour lui. Mais lorsque ces messages reçus sont signés de noms illustres, lorsqu'on les publie, nous avons le droit d'exiger qu'ils portent l'empreinte de leur auteur, et nous avons le devoir de repousser énergiquement ces malheureux produits de l'automatisme, que l'auteur, bouffi d'orgueil, attribue sottement aux plus beaux génies dont s'honore l'humanité. Il est à la fois ridicule et déplorable de voir l'abus fait communément des grands noms dans certains milieux ; tel pauvre diable qui ne connaît pas les règles de la prosodie et peut à peine s'élever intellectuellement jusqu'à la compréhension des oeuvres des poètes, n'hésite pas à se croire inspiré par Victor Hugo, Lamartine ou Musset s'il écrit quelques vers de mirliton. D'autres discourent sur l'amour et la charité, et bien que ces ânonnements soient à peine dignes du prêche d'un curé de village, ils ne sourcillent pas en voyant s'étaler à la place de la signature, les noms de Bossuet, de Lamennais ou du Père Lacordaire. Chez les mystiques, ce sont les prophètes ou les apôtres qui vaticinent tandis que dans d'autres centres Danton, Robespierre, Marat ou Gambetta font preuve d'une déplorable indigence intellectuelle.
Que faut-il conclure de cette constatation ? Est-ce à dire que les nobles intelligences qui ont été les guides de l'esprit humain ont déchu au point de ne plus pouvoir écrire que de misérables rapsodies ? Non, car nous possèdons dans les Annales Spirites des communications, rares à la vérité, qui sont dignes de ceux qui les ont signées, et ce sont seulement de celles-là que nous nous occuperons ici. Quant aux autres, nous laissons au bon sens public le soin de faire justice de ces fantaisies absurdes. Le spiritisme n'a pas pour objet de contraindre les âmes à se manifester. Un esprit quelconque a toujours le pouvoir de ne pas répondre à notre appel, s'il juge son intervention inutile. Nous savons, par l'expérience d'un demi-siècle, que l'immense bienfait que l'on peut retirer de sa pratique consiste à se convaincre de la survivance de l'âme de ceux que nous avons perdus. Nous serons à même de reconnaître parfaitement le style, les expressions coutumières de nos parents ou de nos amis qui sont restés dans l'au-delà, tandis qu'il nous sera difficile, parfois, de distinguer entre un pastiche bien fait et l'oeuvre d’un grand écrivain. Le plus souvent, c'est la vanité qui pousse les médiums à solliciter les communications d'hommes célèbres ; dans ces conditions, ils offrent une proie facile aux mystificateurs invisibles, aussi nombreux dans l'espace qu'ici bas. Nous avons constaté également le rôle que joue l'auto-suggestion chez un grand nombre d'automatistes qui se figurent être les interprètes de grands esprits. Ces considérations nous expliquent l'abondance des documents apocryphes publiés par des ignorants de bonne foi ; ces réserves faites, nous allons voir qu'il est des cas où véritablement une intervention étrangère au médium est indiscutable.
Nous ne donnerons qu'un résumé de chacune des observations en indiquant les points qui les rendent précieuses, nous réservant de nous étendre un peu plus longuement sur les études entreprises dernièrement par M. le Dr Dusart, ex-interne des hôpitaux, et M. Broquet étudiant en médecine, qui sont moins connues.

L'Histoire de Jeanne d'Arc

Il existe dans la littérature spirite un assez grand nombre d'oeuvres de longue haleine sur les sujets les plus différents. Ces travaux sont de mérites divers ; mais nous les passerons sous silence parce qu'il ne nous est pas possible de faire la part entre ce qui est attribuable, à l'imagination et ce qu'il peut y avoir de réel dans ces récits. Il en va autrement lorsque les communications spirites ont pour objet un récit historique. Ici, nous sommes à même de vérifier les allégations de l'auteur invisible et de savoir si elles présentent un véritable intérêt.
Melle Hermance Dufaux, médium écrivain, âgée de quatorze ans, nous a donné une vie de Jeanne d'Arc, dictée par elle-même qui a paru en 1858, chez Dentu. Sans nous attarder à discuter l'identité de l'auteur, nous ferons remarquer qu'au point de vue psychologique, il y a là pour les incrédules un problème du plus haut intérêt. Comment une enfant de cet âge aurait-elle pu acquérir les connaissances nombreuses qui sont indispensables pour écrire une histoire aussi variée, sans faire d'omissions, ni commettre d'erreurs ? Allan Kardec, qui a connu cette jeune fille, se porte garant de son honnêteté et rend compte de cet ouvrage en ces termes[1] .

" C'est une question que l'on nous a bien souvent posée, de savoir si les Esprits qui répondent avec plus ou moins de précision aux questions qu’on leur adresse, pourraient faire un travail de longue haleine. La preuve en est dans l'ouvrage dont nous parlons ; car ici, ce n'est plus une série de demandes et de réponses, c'est une narration complète et suivie, comme aurait pu la faire un historien, et contenant un foule de détails peu ou point connus sur la vie de l'héroine. A ceux qui pourraient croire que Mademoiselle Dufaux s'est inspirée de ses connaissances personnelles, nous répondrons qu'elle a écrit ce livre à l'âge de 14 ans ; qu'elle avait reçu l'instruction que reçoivent toutes les jeunes filles de bonne famille, élevées avec soin, mais eût-elle une mémoire phénoménale, ce n'est pas dans les livres classiques qu'on peut puiser les documents intimes que l'on trouverait peut-être difficilement dans les archives du temps. Les incrédules, nous le savons, auront toujours mille objections à faire ; mais pour nous qui avons vu le médium à l’œuvre, l'origine du livre ne saurait faire aucun doute."

Le témoignage d'Allan Kardec a une grande valeur, parce que tous ceux qui l'ont connu s'accordent, même parmi ses adversaires, à reconnaître sa parfaite bonne foi et son honnêteté qui était au-dessus de toute suspicion. La matérialité de cette dictée est donc établie ; mais certains critiques y verront peut-être un développement anormal de la subconscience, se traduisant sous la forme de ce récit historique, dont la mémoire latente aurait fourni les documents, à l'insu même de l'écrivain. Cependant, si l'on considère qu'elle a écrit de la même manière l'histoire de Louis XI, en 15 jours[2] , et que ce récit, absolument exact dans l'exposé des événements, fourmille de détails, de noms, de traits de mœurs de l'époque, nous demanderons où cette enfant aurait puisé les explications inédites qu'elle a fournies sur l'ombrageuse politique du roi le plus dissimulé et le plus retors qui ait régné sur la France. Il eût fallu à cette jeune fille les facultés d'un bénédictin pour mener à bien une tâche aussi difficile, qu'elle accomplit néanmoins sans peine et sans fatigue, n'étant que le secrétaire d'un invisible historien. C'est bien là la caractéristique de la médiumnité, que nous retrouverons toujours dans les véritables communications spirites, telles que celles que nous reproduisons en abrégé, d'après le livre d'Aksakof[3] .

La fin du roman intitulé : The mystery of Edwin Drood

En 1872, le bruit se répandit aux Etats-Unis qu'un jeune homme sans instruction, mécanicien de son métier, nommé James, devait terminer médianimiquement un roman intitulé : The mystery of Edwin Drood, que la mort de Dickens avait laissé inachevé. Aussitôt le Springfield Daily Union, envoya un de ses rédacteurs à Brattleborough (Vermont) où habitait le médium pour s'enquérir sur place de tous les détails de cette étrange entreprise littéraire. Le compte-rendu du reporter parut le 26 juillet 1873, il fut reproduit par le Barner of Light et par le Spiritualist de 1873, page 322. Voici quelques détails sur le médium et le manuscrit écrit mécaniquement.
Le médium est né à Boston ; à l'âge de quatorze ans il fut placé en apprentissage chez un mécanicien, métier qu'il pratique encore aujourd'hui ; de sorte que son instruction scolaire s'est terminée à treize ans. Bien qu'il ne fût pas inintelligent, ni illettré, il ne manifestait aucun goût pour la littérature et ne s'y était jamais interessé. Tel est l'homme qui prit en main la plume de Dickens et qui a terminé son œuvre.
La médiumnité de James s'était développée en faisant du Spiritisme avec des amis. Il était fort incrédule, lorsqu'un jour assistant aux expériences il tomba en transe, saisit un crayon et écrivit une communication signée du nom de l'enfant d'une personne présente, dont il ne connaissait pas l'existence. Vers la fin du mois d'octobre 1872, Ch. Dickens lui dit dans un message qu'il l'avait choisi pour terminer son œuvre.

"Cette communication apprenait que Dickens avait longtemps cherché le moyen d'atteindre ce but, mais que jusqu'à ce jour, il n'avait pas trouvé de médium apte à accomplir pareille tâche. Il désirait que la première dictée se fasse la veille de Noël, soirée qu'il affectionnait particulièrement, et il priait le médium de consacrer à cette oeuvre tout le temps dont il pourrait disposer sans porter préjudice à ses occupations habituelles... Bientôt il devint évident que c'était la main du maître qui écrivait, et James accepta avec plus de bonne volonté cette étrange situation. Ces travaux exécutés par le médium en dehors de ses occupations professionnelles, qui lui prenaient dix heures chaque jour, produisirent, jusqu'en juillet 1873, douze cents feuillets de manuscrit, ce qui représente un volume in-octavo de quatre cents pages."

Quelle est la valeur littéraire de l’œuvre ainsi composée ? Retrouve-t-on dans cette suite les qualités spéciales du grand romancier anglais ? Voici la critique faite par le correspondant du Springfield Daily Union de cette fin de roman si singulièrement obtenue.

"Nous nous trouvons ici en présence de tout un groupe de personnages dont chacun a ses traits caractéristiques, et les rôles de ces personnages doivent être soutenus jusqu'à la fin, ce qui constitue un travail considérable pour qui, de sa vie, n'a écrit trois pages sur n'importe quel sujet ; aussi sommes nous surpris de constater, dès le premier chapitre, une ressemblance complète avec la partie éditée de ce roman. Le récit est repris à l'endroit précis où la mort de l'auteur l'avait laissé interrompu, et ce, avec une concordance si parfaite, que le critique le plus exercé, qui n'aurait pas de connaissance de l'endroit de l'interruption, ne pourrait dire à quel endroit Dickens a cessé d'écrire le roman de sa propre main. Chacun des personnages du livre continue à être aussi vivant, aussi typique, aussi bien tenu dans la seconde partie que dans la première. Ce n'est pas tout. On nous présente de nouveaux personnages (Dickens avait coutume d'introduire de nouveaux acteurs jusque dans les dernières scènes de ses oeuvres) qui ne sont pas du tout des doublures des héros de la première partie ; ce ne sont pas des mannequins, mais des caractères pris sur le vif, de véritables créations. Créées par qui ?"

Jusqu'ici, on peut encore ne voir dans les remarques précédentes qu'une appréciation littéraire plus ou moins valable, puisqu'elle dépend de la culture intellectuelle du critique et peut être influencée par l'enthousiasme. Mais l'examen du manuscrit renferme des preuves objectives que l'inspirateur de l’œuvre est bien Dickens lui-même. Citons-les.

"Voici quelques détails d'un incontestable intérêt. En examinant le manuscrit, je trouvai que le mot traveller (voyageur) était écrit partout avec deux « l », comme c'est l'usage en Angleterre, alors que chez nous, en Amérique, on ne met généralement qu'un seul « l ».
Le mot coal (charbon) est partout écrit coals, avec un « s », ainsi qu'on le fait en Angleterre. Il est intéressant aussi de noter dans l'emploi des majuscules les mêmes particularités que l'on peut observer dans les manuscrits de Dickens ; par exemple lorsqu'il désigne M. Grewgios, comme étant an angular man (un homme anguleux). Remarquable aussi la connaissance topographique de Londres, dont l'auteur mystérieux fait preuve dans plusieurs passages du livre. Il y a aussi beaucqup de tournures de langage usitées en Angleterre, mais inconnues en Amérique. Je mentionnerai aussi le changement subit du temps passé en temps présent, surtout dans un récit animé, transition très fréquente chez Dickens, surtout dans ses derniers ouvrages. Ces particularités, et d'autres encore que l'on pourrait citer, sont de mince importance, mais c'est avec de pareilles bagatelles que l'on eût fait échouer toute tentative de fraude."


Quelle probabilité y a-t-il dans ce cas, pour qu'une tricherie soit supposable ? C'est ce que s'est demandé également, le reporter et voici comment il répond à cette question.
"Je me vois, par conséquent, placé dans cette alternative : ou un homme de génie quelconque a employé M. James, comme instrument pour présenter au public une oeuvre extraordinaire d'une manière également extraordinaire ou bien ce livre, ainsi que le prétend son invisible auteur, est en effet écrit sous la dictée de Dickens lui-même. La seconde supposition n'est guère plus merveilleuse que la première. S'il existe à Vermont un homme, inconnu jusqu'à présent, capable d'écrire comme Dickens lui-même « qui parle, bien qu'étant mort », à quelles surprises ne devons-nous pas nous préparer ?
J'atteste en tout honneur, que, ayant eu toute latitude d'examiner librement toutes choses, je n'ai pu trouver la moindre trace de tromperie, et, si j'avais le droit de publier le nom du médium auteur, cela suffirait pour dissiper tous soupçons aux yeux des personnes qui le connaissent, si peu que ce soit .
Il est certain que si les faits précédents sont rapportés exactement, ce cas ne peut se comprendre par aucune des hypothèses favorites des incrédules. Ni la subconscience, ni la mémoire cryptomnésique, ni la clairvoyance ne sont capables de donner au jeune mécanicien le style de Dickens, ni ses connaissances, ni son orthographe, et jusqu'à preuve du contraire, il nous parait raisonnable d'attribuer à l'esprit de Dickens la fin de son Volume sur Le mystère d'Edwin Drood."

"J'arrivai à Brattlebrough avec la conviction que cette œuvre posthume ne serait qu'une bulle de savon qu’il serait aisé de crever. Après deux jours d'examen attentif, je repartis, et, je dois l'avouer, j'étais indécis. Je niai d'abord comme chose impossible, — comme chacun le ferait après examen, — que ce manuscrit eût été écrit de la main du jeune médium ; il me dit n'avoir jamais lu le premier volume, détail insignifiant, à mon sens, car je suis parfaitement convaincu qu’il n'était pas capable d'écrire une seule page du second volume. Ceci n'est pas pour offenser le médium, car il n'y a pas beaucoup de personnes en état de reprendre une oeuvre inachevée de Dickens[4] !"

Conclusion :

"Je me vois, par conséquent, placé dans cette alternative : ou un homme de génie quelconque a employé M. James, comme instrument pour présenter au public une oeuvre extraordinaire d'une manière également extraordinaire ou bien ce livre, ainsi que le prétend son invisible auteur, est en effet écrit sous la dictée de Dickens lui-même. La seconde supposition n'est guère plus merveilleuse que la première. S'il existe à Vermont un homme, inconnu jusqu'à présent, capable d'écrire comme Dickens lui-même « qui parle, bien qu'étant mort », à quelles surprises ne devons-nous pas nous préparer ? J'atteste en tout honneur, que, ayant eu toute latitude d'examiner librement toutes choses, je n'ai pu trouver la moindre trace de tromperie, et, si j'avais le droit de publier le nom du médium auteur, cela suffirait pour dissiper tous soupçons aux yeux des personnes qui le connaissent, si peu que ce soit[5] . Il est certain que si les faits précédents sont rapportés exactement, ce cas ne peut se comprendre par aucune des hypothèses favorites des incrédules. Ni la subconscience, ni la mémoire cryptomnésique, ni la clairvoyance ne sont capables de donner au jeune mécanicien le style de Dickens, ni ses connaissances, ni son orthographe, et jusqu'à preuve du contraire, il nous parait raisonnable d'attribuer à l'esprit de Dickens la fin de son Volume sur Le mystère d'Edwin Drood."

Solutions de problèmes scientifiques données par les Esprits

Un des arguments favoris de ceux qui ne voient dans les médiums, lorsqu'ils sont honnêtes, que des liseurs de pensée ou des récepteurs télépathiques, c'est d'affirmer que jamais les communications ne dépassent le niveau intellectuel de l'assistance ou n'ont indiqué la solution de certains problèmes scientifiques. Il est évidemment difficile de fixer une limite supérieure aux facultés hypéresthésiées d'un sujet, lorsque l'on connaît le développement que la clairvoyance et la transmission de pensée peuvent leur donner mais il est une remarque qui nous servira à discerner ce qui appartient au sujet lui-même, de ce qui peut lui venir d'une source étrangère : c'est lorsque la communication fait preuve de connaissances artistiques, scientifiques ou littéraires qui n'ont jamais été possédées par le sujet ou les assistants. Il paraît bien que si grand que soit le développement de la mémoire, de l'imagination ou de la clairvoyance, ces facultés ne pourraient créer quelque chose de rien, c'est-à-dire tirer du fonds intellectuel du médium ou des opérateurs ce qui n'y existe pas. Or des exemples de ce phénomène se présentent assez fréquemment pour que la nécessité de l'intervention des esprits soit démontrée.
Voici tout d'abord le témoignage de M. Barkas, membre de la Société de géologie de Newcastle, qui a étudié pendant huit années les faits spirites avant de se prononcer sur leur authenticité. Parmi ceux qui le convainquirent il cite[6] une série d'expériences faites avec un célèbre médium, non professionnel Mme d'Espérance.

" En 1875, dit-il, je fus invité à prendre part à une série de séances qui devaient se tenir dans l'appartement modeste d'une jeune dame, médium non professionnel, demeurant à Newcastle-on-Tyne. Toutes les questions s'inscrivaient dans un cahier au moment même de les poser, et le médium y écrivait immédiatement les réponses. Tous ces cahiers se trouvent chez moi et je les tiens à la disposition des personnes qui voudraient les voir.
Voici le problème principal qui se présente dans ce cas ; une femme d'instruction ordinaire a donné des réponses à diverses questions scientifiques soigneusement élaborées au cours de trente-sept soirées, la séance se prolonge trois heures chaque fois ; ces réponses sont telles, que probablement il ne se trouve pas un homme en Angleterre qui pourrait en faire autant, c'est-à-dire donner des réponses aussi précises, dans les mêmes conditions, à toutes les questions qui ont été posées.
Un compte-rendu détaillé de ces séances, une autobiographie du médium, ainsi que des exemples de ces questions, avec les réponses, se trouvent dans le Psychological Review de 1878 (t I. p. 215).
Il ne faut pas perdre de vue que le médium est une dame d'instruction médiocre, qu'elle était entourée de personnes qui l'étudiaient avec attention, que les questions étaient inscrites et lues à haute voix, séance tenante, que les réponses étaient inscrites par la main du médium dans ce même cahier, très rapidement, qu'elles étaient improvisées sans la moindre correction ultérieure ; il ne faut pas oublier non plus que ces questions se rapportaient à divers sujets scientifiques et autres, généralement peu familiers aux femmes ; que le médium, de son propre aveu, est complètement ignorante en ces matières ; qu'elle écrivait automatiquement, sans se rendre compte si ces réponses étaient justes. Les personnes qui la connaissent intimement assurent qu'elle n'avait jamais eu de goût pour les sciences, et qu'elle n'avait jamais lu de livres scientifiques."


Voici quelques échantillons des questions et des réponses ainsi obtenues mécaniquement, sans retard ni hésitation, lorsqu'on posait des questions tout à fait ignorées du médium avant de les entendre ; on constatera qu'elles ne sont pas banales :

D. — Pourquoi deux sons identiques peuvent-ils donner du silence, alors que deux sons non identiques ne produisent pas ce résultat ?
R. — Parce que deux ondes sonores identiques et de sens opposées en se rencontrant, anéantissent réciproquement leur mouvement vibratoire. Prenez de chaque main un diapason pareil, percutez ces diapasons avec une force égale et appuyez-en les tiges sur les coins d'une table ; vous verrez alors les deux ondes, en cheminant l'une vers l'autre, s'absorber réciproquement par leurs sommets. Ces expériences méritent bien qu'on les fasse.
D. — Pouvez-vous me dire comment il est possible de calculer la relation qui lie entre eux les battements[7] spécifiques de l'air, pris sous un volume constant et sous une pression constante, d'après la vitesse observée du son et de la lumière, au moyen de la formule de Newton ?
R. — Cette relation ne peut être calculée que de la façon suivante : supposons qu'on percute simultanément deux cordes ou deux diapasons ; si l'intensité du son est la même, ou à peu près la même pour les deux, les battements se produiront de la manière suivante, en admettant que le nombre des vibrations soit d'une part de 228, et d'autre part de 220 par seconde, le nombre des battements qui atteindront l'oreille sera de 228 — 220 = 8 par seconde. Cela fera 8 battements par seconde ; c'est le nombre maximum de battements qui puisse arriver à l'oreille.


On obtint avec ce médium des descriptions exactes de l’œil et, qui mieux est, des traités complets sur la chaleur, la lumière, la physiologie des plantes, l'électricité, l'anatomie du corps humain et l'on peut dire, suivant M. Barkas, que chacun de ces traits ferait honneur à un adepte de la science.

"Pendant toute la durée des séances, le médium semblait être dans son état normal. Cette dame causait avec nous tout le temps et répondait d'un air tout à fait naturel quand on lui adressait la parole en matière de simple conversation. L'influence occulte qui la dominait ne s'accusait que dans le mouvement automatique de la main.
J'atteste que j'ai conçu et posé moi-même la plus grande partie des questions, que le médium ne pouvait, par conséquent en avoir connaissance par anticipation ; à part moi-même, personne de l'assistance n'en connaissait la teneur ; ces questions ont été souvent posées sans préméditation, et les réponses ont été écrites par le médium sous nos yeux ; il lui eût été matériellement impossible de se munir d'avance de renseignements quelconque au sujet des réponses à faire. J'ajouterai qu'elle n'a jamais reçu un penny de rémunération pour toutes les heures — une centaine au moins — qu'elle a consacré avec tant de désintéressement à l'étude de ses remarquables phénomènes médianimiques."


L'ignorance du médium parait parfaitement établie, et par conséquent ce n'est pas en lui que pouvaient se trouver les renseignements exacts que la main faisait connaître. Il est intéressant de savoir si ce n'étaient pas les assistants qui fournissaient inconsciemment des données scientifiques. M. Aksakof écrivit à M. Barkas pour s'éclairer sur ce point important. Voici la réponse.

"Monsieur, vous me demandez en premier lieu, si j'étais moi-même en état de répondre d'une façon aussi précise que le médium l'a fait aux questions de physique que je lui ai posée ; et ensuite vous désirez savoir au-delà de quel point les réponses reçues par l'entremise du médium ne sauraient plus être considérées comme un effet de lecture cérébrale. En ce qui concerne la physique, je dois dire que j'aurais pu répondre à un certain nombre de questions proposées au médium, mais moins bien qu'il ne l'a fait ; en traitant de certaines spécialités, je n'aurais pas eu recours, à cette époque, à une phraséologie aussi technique et aussi précise ; ceci concerne plus particulièrement la description du cerveau et la structure du système nerveux, la circulation du sang, la structure et le fonctionnement des organes de la vue et de l’ouïe. Les réponses reçues par le médium étaient, en général, notablement au-dessus de mes connaissances scientifiques d'alors, et elles sont supérieures à celles que je pourrais faire aujourd'hui — c'est-à-dire après douze ans — si je devais les écrire sans me préparer à l'avance.
J'ai étudié les trois quarts environ de ces questions avant de les soumettre au médium, et cependant je dois avouer que je n'aurais pas pu rédiger mes réponses avec la même justesse et la même élégance de langage que celles transmises par le médium.
Ces réponses contiennent beaucoup de termes techniques que je n'aurais certes pas eu l'idée d'employer, faute d'usage. Il s'y rencontre, d'autre part, des expressions qui m'étaient totalement inconnues, par exemple le mot « membrane adnée » (adnata) pour désigner la conjonctive ; je n'ai d'ailleurs, guère rencontré ici qu'un seul médecin qui connût ce terme.
Je comprends toute la difficulté qu'il y a pour moi à vous renseigner d'une manière complètement satisfaisante sur les détails qui vous intéressent, attendu que je suis obligé de mettre en cause ma sincérité et de m'en rapporter à mon estimation personnelle pour faire la part de ce que je savais et de ce que je ne savais pas à l'époque où Ies séances eurent lieu. Je puis cependant affirmer sur ma foi que je n'étais pas en mesure de répondre, d'une manière aussi détaillée, à une bonne partie des questions de physique que j'avais posées, sans les avoir communiquées d'abord à d'autres personnes, et il y avait certaines questions auxquelles je n'aurais pas pu répondre du tout.
Il est exact que je n'aurais pas su répondre aux questions de musique. Il y eut trois séances consacrées aux sciences musicales ; c'est aux deux dernières qu'assista le professeur de musique[8] . A la première, ce fut moi qui posai toutes les demandes ; deux jours auparavant, j'avais prié un de mes amis, expert en matière musicale, de me les formuler, et je n'essayai même pas de les comprendre ; je les proposais au médium, qui écrivit immédiatement, sans la moindre hésitation, les réponses que vous avez lues, et d'autres encore. Pas un seul musicien ne se trouvait à cette séance. Le médium lui-même n'avait que des notions fort élémentaires en musique[9] .
Aux deux autres séances, la plupart des questions traitant de critique musicale ont été posées par le professeur de musique ; c'est moi qui ai posé les autres. Il parait que, parmi les réponses faites sur les questions du professeur, il s'en est trouvé qui ne s'accordaient pas avec ses opinions. Quant à celles qui se rapportent aux questions posées par moi, j'ignorais alors si elles étaient justes ou non."

Pour répondre à l'hypothèse que ces renseignements auraient été fournis télépathiquement par quelque personne vivante, M. Barkas dit.

"Je serais bien aisé de connaître, ne fût-ce qu'un seul cas bien avéré, d'un sensitif illettré qui, sans être mesmérisé, aurait répondu par écrit dans un style correct et scientifique à des questions de musique et de science, par l'effet de la lecture de pensées ou par l'action de la volonté, exercée par un savant ou par un musicien vivant...
Vous me demandez d'indiquer les questions auxquelles ni moi, ni aucun des assistants n'aurions pu répondre ? A la première des séances consacrées à la musique, pas une des personnes présentes n'était capable de faire une réponse sensée. Personne non plus n'aurait pu répondre sur les questions de chimie, d'anatomie, sur celles qui concernaient l’œil, l'oreille, la circulation du sang, le cerveau, le système nerveux et beaucoup d'autres se rattachant aux sciences physiques. Sauf M. Bell, qui avait quelques notions de chimie pratique, mais ne s'exprimait pas facilement, et moi qui connaissais les principes élémentaires de la physique, les personnes qui assistaient aux, séances étaient absolument des profanes en ces matières.
Agréez, etc.
P. T. BARRAS.


Mme d'Espérance, le médium de M. Barkas, a publié dernièrement un livre intitulé : Au pays de l'Ombre, dans lequel elle parle de ces séances[10] . Il faut lire les pages qu'elle y consacre, afin de bien s'identifier avec les conditions dans lesquelles les réponses scientifiques étaient données.

"Pour moi, dit-elle, je ne prenais guère d'intérêt à ces discussions, en dehors de mon vif désir de voir Stafford (le guide du médium) se montrer capable de lutter avec plusieurs hommes éclairés et désireux, me semblait-il, de prouver leur supériorité intellectuelle ; je ne comprenais pas les termes techniques employés constamment, et je me demandais quelquefois si les questionneurs les comprenaient eux-mêmes ! !"

Il arrive que ces discussions ennuient non seulement le médium, mais aussi d'autres esprits qui ont l'habitude de se communiquer, en voici un exemple. Pendant une interruption momentanée, un nommé Walter profite de l'intermède.

"Pendant une demi-heure, Walter nous entretint, en imitant d'une manière plaisante «le gouverneur » et en nous faisant une dissertation scientifique sur les propriétés d'un gaz qu'il nommait Oxyhydronitro-ammoniac. Questionné sur la signification de ce mot, il nous dit : « Quand je parle de sujets scientifiques, je préfère me servir de termes scientifiques » voulant évidemment railler le médecin dont la conversation était presque inintelligible pour des esprits ordinaires tant il faisait un usage excessif de termes techniques."

Si l'on croit que toutes ces communications sont dues à des personnalités secondes du médium, il faut admettre que, dans ce cas, elle est hantée par des groupements psychiques singulièrement différents les uns des autres, puisqu'il y en a de savants d'ignorants et d'autres assez artistes pour faire des portraits ressemblants de personnes qu'ils n'ont jamais vues ! Combien la réalité spirite est plus simple et plus en harmonie avec les faits que toutes ces fantastiques hypothèses ?

Les récits du général major A. W. Drayson[11]

"Ayant reçu de M. Georges Stock une lettre me demandant si je pouvais citer, ne fût-ce qu'un exemple, qu'un esprit ou un soit-disant esprit aurait résolu, séance tenante, un de ces problèmes scientifiques qui ont intéressé les savants du siècle dernier, j'ai l'honneur de vous communiquer le fait suivant, dont j'ai été témoin oculaire.
En 1781, William Herschel découvrit la planète Uranus et ses satellites. Il observa que ces satellites, contrairement à tous les autres satellites du système solaire, parcourent leurs orbites d'orient en occident. J. F. Herschef dit dans ses Esquisses Astronomiques : « Les orbites de ces satellites présentent des particularités tout à fait inattendues et exceptionnelles, contraires aux lois générales qui régissent les corps du système solaire. Les plans de leurs orbites sont presque perpendiculaires à l'écliptique, faisant un angle de 70° 58' et ils les parcourent d'un mouvement rétrograde, c'est-à-dire que leur révolution autour du centre de leur planète s'effectue de l'est à l'ouest, au lieu de suivre le sens inverse. »
Cette anomalie était une énigme pour Laplace et pour tous les astronomes. De mon côté, je ne trouvai aucune explication à cette particularité.
En 1858, j'avais comme hôte, dans ma maison, une dame qui était médium et nous organisâmes des séances quotidiennes. Un soir elle me dit qu'elle voyait à côté de moi une personne qui prétendait avoir été pendant sa vie terrestre un astronome. Je demandai à ce personnage s'il était plus savant à ce moment que lors de son existence terrestre. — « Beaucoup plus » me répondit-il. J'eus l'idée de poser à ce soit disant esprit une question afin d'éprouver ses connaissances.
D. — Pouvez-vous me dire, lui demandai-je, pourquoi les Satellites d'Uranus font leur révolution de l'est à l'ouest et non de l'ouest à l'est ?
Je reçus immédiatement la réponse suivante :
R. — Les satellites d'Uranus ne parcourent pas leur orbite de l'orient à l'occident ; ils tournent autour de leur planète de l'occident à l'orient, dans le même sens que la lune tourne autour de la terre. L'erreur provient de ce que le pôle sud était tourné vers la terre au moment de la découverte de cette planète ; de même que le soleil, vu de l'hémisphère austral, semble faire son parcours quotidien de droite à gauche et non de gauche à droite, les satellites d'Uranus se mouvaient de gauche à droite, ce qui ne veut pas dire qu'ils parcouraient leur orbite de l'orient à l'occident.
En réponse à une autre question que je posai, mon interlocuteur ajouta.
Tant que le pôle sud d'Uranus était tourné vers la terre, pour un observateur terrestre, les satellites semblaient se déplacer de gauche à droite, et l'on en conclut, par erreur, qu’ils allaient de l'orient à l'occident : cet état de chose a duré environ 42 ans. Quand le pôle nord d'Uranus est tourné vers la terre, ses satellites parcouront leur trajet de droite à gauche et toujours de l'occident l'orient.
Je demandai là-dessus comment l'erreur n'a pas été reconnue 42 ans après la découverte de la planète Uranus par Herschel ?
R. — C'est parce que, dans la règle, les hommes ne font que répéter ce qu'ont dit les autorités qui les précédaient, éblouis par les résultats obtenus par leurs prédécesseurs ils ne se donnent pas la peine de réfléchir.
Guidé par cet enseignement, je me mis à résoudre le problème géométriquement et je m'aperçus que l'explication en était très exacte, et la solution fort simple. En conséqence, j'écrivis sur cette question un mémoire qui fut publié dans Les mémoires de l'Institution Royale d'Artillerie en 1859.
En 1862, je donnai la même explication de prétendue énigme dans un petit ouvrage sur l'astronomie : Common Sights in the Heavens (Coups d’œils dans les cieux) ; mais l'influence de « l'opinion autorisée » est si funeste, que de nos jours seulement les écrivains qui s'occupent d’astronomie commencent à reconnaître que le mystère des satellites d'Uranus doit probablement être attribué à la position de l'axe de cette planète."


Nous ne possédons pas la compétence nécessaire pour porter un jugement motivé sur la valeur scientifique de l'hypothèse précitée mais ce qui nous intéresse plus spécialement et ce qui est très important d’après nous, c'est de voir une dame quelconque formuler, ex abrupto, une solution rationnelle d'un phénomène astronomique inexpliqué jusqu'alors. Il nous semble qu’ici intervient une intelligence qui ne donne pas des renseignements vagues, mais fournit une théorie, qui, si elle n'est pas exacte, ce qu'il faudrait vérifier, dénote de la part de son auteur des connaissances très étendues sur l'astronomie que l'on ne pouvait trouver dans le cerveau du médium, car il y a 50 ans les notions sur cette science étaient loin d'être aussi répandues que de nos jours, où son étude s'est vulgarisée.
Le cas suivant est encore plus remarquable, parce qu'il s'est vérifié de point en point.

"Au printemps de l'année 1859, poursuit le général Drayson, j'eus encore une fois l'occasion, par l'entremise du même médium, de converser avec la personnalité qui se donnait pour le même esprit ; je lui demandai s'il pouvait m'éclairer sur un autre fait astronomique encore inconnu. Je possédais alors un télescope avec un objectif de quatre pouces et d'une distance focale de 5 pieds. J'appris que la planète Mars avait deux satellites que personne n'avait encore vus, et que je pourrais découvrir dans des conditions favorables. Je saisis la première occasion qui se présenta pour faire des observations dans ce but, mais je ne découvris rien. Je fis part de cette observation à trois ou quatre amis avec lesquels je faisais des expériences spiritiques, et il fut décidé que nous garderions le silence sur ce qui s’était passé, car nous ne possédions aucune preuve à l’appui des allégations de mon interlocuteur, et nous risquions de nous exposer à la risée générale."

Pendant mon séjour dans les Indes, je parlai de ces révélations à Sinett, je ne puis dire exactement à quelle époque. Dix huit ans plus tard en 1877, ces satellites furent découverts par un astronome à Washington.

Recettes données par les Esprits

Nous connaissons à Paris un peintre dessinateur qui s'est occupé de spiritisme, et comme il désirait faire de la peinture sur soie et que ses tentatives pour fixer les couleurs n'avaient pas réussi, il eut l'idée de demander si un esprit ne voudrait pas lui indiquer le procédé pour arriver à ses fins. Il obtint, par l'intermédiaire d'un médium écrivain de nos amis, tout à tait ignorant de ces questions techniques, la réponse suivante.

"Il faut une soie un peu grosse qui puisse parfaitement s'imbiber d'une matière gommeuse composée de gomme arabique, de glucose ou mieux de fécule de pomme de terre pulvérisée. Il faut étendre cette gomme d'un peu d'alcool pour faire un vernis ; c'est toute la préparation de la toile. Quant à l'encre, il ne faut pas de ces encres savantes dont on se sert maintenant, mais simplement de l'encre de noix de galle, dans laquelle vous faites fondre du sucre en petite quantité pour l'épaissir, afin qu'elle ne s'étende pas et ne suive pas les fils, malgré la couche de gomme. Vous laisserez sécher à l'ombre, afin de ne pas faire raccornir la soie qui aura été touchée par l'encre."

L'essai de ce procédé fut fait sans tarder et donna d'excellents résultats.
L'historien Eugène Bonnemère, l'auteur apprécié de l'Histoire des Paysans et de celle des Camisards, a eu l'occasion d'étudier pendant longtemps une dame qui écrivait automatiquement et qui lui fournit les sujets de plusieurs romans qu'il publia dans le National (Le Roman de l'Avenir, Louis Hubert, Les déclassés. etc.). Il a fait connaître une série d'observations sur ce cas intéressant[12] parmi lesquelles nous citerons la suivante."

"Je vous ai promis, dit M. Bonnemère, d'entretenir vos lecteurs des facultés médianimiques de Mme X, l'auteur inconscient du Roman de l'Avenir. Mais je veux vous dire auparavant quelques mots de ses peintures, car ce n'a pas été assez de ces 21.000 pages écrites en sept années, elle a, en outre peint pendant le même temps, 180 compositions grandes ou petites, à l'huile ou à l'aquarelle sur toile, sur papier, sur bois, sur vélin, sur ivoire, sur ardoise, sur tout ce qui lui tombait sous la main. L'ardoise, très poreuse, ne retenait ni l'huile ni la couleur qui s'épandaient aux alentours.
Cela ne l'a guère embarrassée et elle a imaginé plusieurs procédés qui, sans altérer en rien la couleur de l'ardoise, permettent d’y peindre avec la même netteté que sur la toile. C'est ainsi qu’elle a composé de charmants faisceaux de fleurs qui pourront remplacer les plaques de porcelaine encastrées dans les meubles. Quant à l'aquarelle, elle fabriquait les couleurs qui lui manquaient (toujours inconsciemment), et avec des bois de sureau, de mahonie elle obtenait des tons neutres du plus heureux effet. Le suc du tithymale lui fournissait des blancs d'un éclat très remarquable."

Un remède donné par les Esprits

Nos rapports avec le monde invisible n'ont pas pour objet de nous dispenser du travail nécessaire pour faire des découvertes. Il serait absurde, et d'ailleurs tout à fait illusoire, de s'imaginer que les esprits élevés vont nous dispenser de toute recherche scientifique et nous révéler la multitude des choses que nous ignorons encore. Ce serait injuste, puisque nous pourrions posséder des connaissances sans nous être donné la peine de les acquérir. Aussi cela n'a-t-il pas lieu. Exceptionnellement dans des cas particuliers qui se justifient par une utilité immédiate et par le sentiment de charité qui anime certains esprits, du soulagement peut être apporté à ceux qui souffrent, comme nous en avons de nombreux exemples. En voici un[13] .

" Nous sommes informés par un frère méthodiste, très digne de foi que M. S. de Williamsbourg, qui fait partie, ainsi que sa femme, de l'église méthodiste, a souffert longtemps de calculs dans la vessie et a employé sans succès tous les remèdes connus en médecine. Il devint très faible, très abattu, et dans une des crises de violente douleur il s'écria devant sa famille : « Comment donc pourrais-je être soulagé ? » Au même instant, sa femme fut influencée et excitée à écrire : se trouvant dans un état où elle n'avait qu'à moitié conscience de ce qu'elle faisait, elle écrivit une prescription (comme on le sut ensuite), et indiqua la manière de préparer et d’administrer le médicament. Ce fait était tout à fait nouveau pour la famille ; on ne savait quelle cause avait déterminé la femme à écrire. Le malade déclara qu'il voulait faire l'essai de cette médication. Ses parents objectèrent la nécessité de s'assurer que les substances prescrites n'étaient pas des poisons ; en conséquence, on consulta un médecin et un pharmacien qui déclarèrent que c'étaient des remèdes employés en médecine, mais le docteur ajouta qu'il ne voudrait pas, pour le cas particulier, prendre la responsabilité de la prescription de ce médicament. « Que le malade, dit-il, prenne, s'il le veut, la responsabilité de son essai. » C'est ce que fit le malade ; pendant plusieurs jours ses souffrances ne firent que s'accroître. Mais sa femme obéissant à la même influence qui l'avait fait écrire, dit qu'il ne fallait pas s'alarmer, mais continuer l'emploi du remède indiqué. On suivit cet avis, et dans l'espace de dix jours, le malade rendit plusieurs calculs, dont quelques-uns fort volumineux, à la suite de quoi il se trouva immédiatement soulagé, et, peu après, sa guérison fut complète.
Ces personnes n'étaient point spirites, et la femme n'avait jamais été influencée auparavant ; ni elle ni son mari ne savaient ce que c'était que les influences des Esprits, le malade ne se décida à employer le remède qu'à cause de l'excès de ses souffrances, et en considération de la manière singulière dont il lui avait été prescrit. Depuis cet événement, ils ont appris que c'était aux Esprits qu'ils devaient cet avis, et Madame S. a été employée par les Esprits à la guérison d'autres malades. M. et Mme S. sont restés attachés à l'église méthodiste, et n'avouent qu'avec beaucoup de réserve leur adhésion au spiritualisme."


Il semble bien ici, que l'autosuggestion n'a pas eu à intervenir puisque l'écrivain ignorait les pratiques de la médiumnité. C'est un cas de manifestation spontanée qui, jointe à la prescription exacte d'un remède qui a produit la guérison démontre l'intervention d'intelligences étrangères possédant des connaissances tout à fait en dehors de celle du médium et de son entourage. Remarquons également les scrupules religieux des membres de la famille qui nous renseignent sur leur mentalité. Ils ne cherchent pas à faire de la propagande, et sont bien éloignés de tirer vanité de la remarquable faculté de Madame S. Ces considérations nous incitent à tenir le plus grand compte de cette observation.
Nous pourrions continuer ces citations, mais nous préférons passer de suite à l'étude des phénomènes obtenus avec des personnes illettrées ou des enfants en bas âge, chez lesquels toute suggestion mentale ou toute action télépathique est plus qu'improbable. On conçoit facilement que si un nourrisson se met à écrire, ce n’est pas sous l'influence d'une pensée qui lui est transmise, puisqu'il ne possède pas encore le mécanisme mental nécessaire à la production des mouvements de l'écriture.
Nous sommes en présence, dans ce cas, d'une action physique exercée sur la main, analogue à celle que l'on emploie pour faire écrire quelqu’un qui ne sait pas.

Médiumnités de nourrissons

M. Jenken, avocat, avait un enfant de cinq mois et demi qui écrivit une communication dans les conditions suivantes, dont nous devons le récit à M. James Wason, « sollicitor[14] ».

"Le narrateur habitait avec la famille Jenken à Brighton. Le mari, fatigué par ses voyages quotidiens à Londres, souffrait beaucoup de l'estomac et des intestins, et M. Wason n'avait pu le convaincre que sa maladie provenait d'un excès de fatigue…
Le 6 mars, vers une heure de l'après-midi, continue M. Wason, la nourrice était assise tenant l'enfant sur ses genoux, dans le salon près de la cheminée ; j'écrivais à une table, tout près, et Mme Jenken se trouvait dans une pièce voisine ; la porte était ouverte. Tout à coup la nourrice s'écria : « L'enfant tient un crayon dans sa main ! » Elle n'ajouta pas que ce crayon avait été placé dans la main de l'enfant par une force invisible ; je n'y fis donc aucune attention, sachant par expérience avec quelle force un enfant vous prend quelquefois par le doigt, et continuai à écrire. Mais la nourrice s'exclama immédiatement avec plus d'étonnement encore : « L'enfant écrit ! » Ce qui intrigua Mme Jenken qui alla dans la chambre.
Je me levai aussi et regardai par-dessus l'épaule de Mme Jenken, et je vis, en effet, que l'enfant tenait un crayon dans sa main et que celle-ci reposait sur le bout du papier avec la communication dont nous primes par la suite une photographie. Voici ce message : « J'aime cet enfant. Que Dieu le bénisse. Je conseille à son père de rentrer dans tous les cas, lundi à Londres. Suzanne. »
Je dois dire ici que Suzanne était le nom de ma femme défunte, qui, de son vivant, aimait beaucoup les enfants et dont l'Esprit, (ainsi que nous le supposions) s'était maintes fois manifesté au moyen de coups frappés et d'écritures automatiques par l'intermédiaire de Mme Jenken ; avant son mariage, cette dernière portait le nom bien connu dans le spiritisme de Kate Fox, et c'est dans sa famille que se produisirent, dans les environs de New-York, les premières manifestations médianimiques, les coups frappés de Rochester, qui inaugurèrent le mouvement spiritualiste de notre siècle...
James Wason, Sollicitor.
Wason Buildings, Liverpool.


Le procès-verbal publié par Médium et Daybreak reproduit le fac-similé de l'écriture et la signature de M. Wason, de Mme Jenken et de la nourrice. Ce ne fut pas la seule communication obtenue par le baby. Voici d'autres détails empruntés au Spiritualiste du 20 mars 1894.

"La faculté d'écrire de notre enfant semble continuer. Le 11 mars, alors que ma femme et moi nous étions à table, la nourrice étant assise avec l'enfant vis-à-vis de moi, un crayon fut placé dans la main droite de l'enfant. Ma femme posa une feuille de papier sur les genoux de la nourrice, sous le crayon. La main du petit écrivit immédiatement cette phrase : « J'aime ce petit garçon. Que Dieu bénisse sa mère. Je suis heureux. J. B. T.»
J'exprimai ce désir que l'enfant adressât quelques mots à sa grand'mère qui a plus de 90 ans, et quelques minutes après, la force invisible enleva un bout de papier d'une table et le posa sur les genoux de la nourrice. — en même temps qu'un crayon se trouva placé dans la main de mon enfant et celui-ci traça rapidement ces mots : « J'aime ma grand'mère. » Le papier et le crayon furent jetés à terre et des coups m'avertirent que mon désir était accompli."


Nous n'avons aucune raison de mettre en doute la parole de M. Wason dont le titre officiel offre une garantie de sincérité. Jamais non plus M. Jenken n'a été suspecté de mauvaise foi ; il nous faut donc admettre ces récits, si invraisemblables qu'ils paraissent, d'autant mieux que cet exemple n'est pas unique. La petite fille du baron Seymour Kirkup écrivit à l'âge de neuf jours ! Voici la lettre adressée à M. Jenken par le baron[15] :

"Ma fille était médium à l'âge de deux ans ; elle a vingt et un ans maintenant. Sa fille écrivit automatiquement quand elle m'avait que neuf jours. J'ai conservé les messages écrits par elle et vous en enverrai la photographie.
Sa mère ne l'a portée que 7 mois, et l'enfant était fort petite. Sa mère la tenait d'une main sur un coussin, ayant dans l’autre main un livre sur lequel elle avait mis une feuille de papier ; on ne sait par quelle voie arriva le crayon dans la main de l'enfant. Dans tous les cas Valentine (c'est son nom) le tenait ferme dans son petit poing.
Elle écrivit d'abord les initiales de ses quatre guides : R. A. D. J. après quoi le crayon tomba. Je croyais que ce serait tout mais ma fille Imogène s'écria : « Elle tient le crayon de nouveau ! » L'enfant traça alors les paroles suivantes, d'une écriture incertaine, par-dessus les lettres déjà écrites : « Non mutare, questa a buona prova, foi cosa ti abbiano detto ; addio. » (Ne change rien, c'est une bonne preuve, fais ce que nous t'avons dit ; adieu)...
M. Jenken ajoute : « La lettre que je reçus de Kirkup était accompagnée d'une photographie de l'écriture de l'enfant, d'un procès-verbal muni de sept signatures de témoins, et d'un excellent portrait spirite de la grand'mère, la célèbre Régina.»


M. Aksakof rapporte aussi, d'après le Baner of Light de 1876 le cas d'un enfant médium de deux ans, Essie Mott de Memphis (Missouri) qui obtint de l'écriture sur ardoise, alors que personne ne se tenait auprès d'elle et qu'elle ne connaissait pas ses lettres. Le fait est attesté par un témoin indépendant le respectable M. Waren Chose.
Un M. Call Black se convertit à la croyance aux faits spiritiques après qu'il eût reçu des communications par l'intermédiaire d'un autre enfant. (Voir Religio Philosophical-Journal 25 janvier 1890).
Nous ferons ici une remarque très importante relative à ces écritures produites par de très jeunes enfants, c'est que, même si l'on ne veut admettre aucune intervention spirituelle, et que l'on attribue à la mère l'action exercée sur son nourrisson, il ne s'en suit pas moins qu'il existe chez le bébé un état réceptif remarquable, une médiumnité proprement dite. L'écriture ne peut pas être produite par transmission de pensée, puisque le cerveau de l'enfant ne contient pas encore les associations dynamiques indispensables pour produire les mouvements nécessaires au graphisme de l'écriture. La force agissante doit donc s'exercer directement sur la main, et quelque extension que l'on suppose à l'extériorisation de la mère, il est bien difficile d'admettre que ce soit elle qui agisse aussi énergiquement, en restant absolument à l'état de veille, et sans la moindre conscience de produire une action aussi énergique et compliquée.
Nous pourrions citer d'autres exemples de médiumnités de jeunes enfants, mais nous renverrons le lecteur à l'histoire du Merveilleux T. II, de L. Figier et à l'ouvrage de M. Bonnemère : les Camisards des Cévennes, qui racontent comment des enfants de treize mois s'exprimaient pendant la transe en excellent français, langue inusitée à cette époque dans les campagnes.
Voici des observations plus récentes dues à MM. Dusard et Broquet[16] .

Les phénomènes psychiques du village de D…

Nous avons le plaisir de connaître depuis quelques années M. le docteur Dusard, ancien interne des hôpitaux de Paris, et nous avons pu apprécier souvent son ferme bon sens, son esprit méthodique et froid ainsi que ses connaissances psychiques très étendues, c'est pourquoi nous attachons la plus grande valeur aux faits qu'il a observé en compagnie de M. Broquet dans un petit village du Nord, aux environs de Valenciennes. Parfaitement au courant des théories sur la subconscience et la transmission de la pensée, ces expérimentateurs ont eu la bonne fortune de tomber sur un médium qui n'avait jamais lu un livre traitant du psychisme ni entendu parler des phénomènes spirites. Cependant, il leur a été donné de vérifier presque tous les phénomènes transcendants que l'on n'obtient, en général, qu'avec des médiums différents. Ils ont eu de l'écriture automatique et directe : de la typtologie sans contact, des apports, des incarnations, des actions à distance, de l'extériorisation de la sensibilité, des matérialisations, etc. Ne nous occupant ici que de l'écriture, nous renvoyons le lecteur aux douze numéros de la Revue Scientifique et morale du Spiritisme qui relatent minutieusement tous ces phénomènes.
Voici d'abord quelques détails sur le principal médium, nommé Maria, âgée de 16 ans.

"Maria est fille d'ouvriers aisés ; tandis que son père travaille aux mines de D..., sa mère tient un débit de boissons. Nous avons rencontré autour d'elle des parents et amis d'une situation analogue à la sienne, très peu instruits, souvent même tout à fait illettrés et incapables d'écrire leur nom, mais sérieux, honnêtes et formant une sorte d'élite au milieu des autres ouvriers. L'un de nous, Ch. Broquet, parent de Maria, a pendant quatre mois vécu sous le même toit qu'elle. Il a donc pu suivre pas à pas le développement de sa médiumnité. Les faits qu'il rapporte ont eu des témoins d'abord incrédules et dont la conviction ne s'est faite que devant le nombre et l'évidence des phénomènes. Pour tous ceux qui se sont produits en notre absence, nous nous sommes attachés à nous les faire raconter, autant que possible, par plusieurs témoins séparément, et souvent à plusieurs jours et à plusieurs semaines d'intervalle.
Jusqu'à l'âge de 15 ans, Maria jouit d'une assez bonne santé, sauf de fréquents maux de tête, qui ne lui permettaient pas de se rendre fréquemment à l'école du village. Aussi est-elle fort peu instruite. Son écriture est rudimentaire et son orthographe tout à fait fantaisiste. Elle ne lisait jamais et n’a pu, par conséquent, exciter son imagination par des récits fabuleux comme ceux que l'on met entre les mains des enfants et des jeunes filles. Actuellement encore, elle ne lit aucun livre sur le Spiritisme et a prêté à l'une de ses voisines, sans l'avoir lu, un volume très élémentaire que l'un de nous lui avait apporté. Elle ne sait donc que ce que lui disent ses guides invisibles et les auteurs du présent récit."


Le médium ne s'est pas longtemps prêté de bonne grâce à ces manifestations. D'un naturel borné, elle ne comprend guère la haute importance des faits que l'on obtient par ton intermédiaire. Voici l'observation des auteurs sur ce point.

"On sait que la plupart des médiums, doués de facultés exceptionnelles, arrivent peu à peu à se laisser envahir par la vanité, se passionnent pour la réussite des expériences à un point tel, qu'on a été souvent autorisé à les soupçonner d'aider frauduleusement à la production des phénomènes, lorsque ceux-ci tardaient à se produire ou ne leur paraissaient pas de nature à étonner suffisamment les assistants. Ce n'est pas ce que l'on a à craindre avec Maria. Sauf dans les premiers mois de sa médiumnité, où l'attrait de la nouveauté et le bonheur de voir sa santé rétablie la portaient à se prêter de bonne grâce et même avec plaisir à la production de ces phénomènes si étranges pour elle, nous l'avons toujours entendue nous déclarer que cela ne l'intéressait pas. Au milieu des nombreuses visites et des marques d'intérêt qu'elle reçoit, sa physionomie reste froide et ennuyée. A peine se réveille-t-elle pour pousser des éclats de rire devant quelques phénomènes physiques plus étranges que les autres, puis elle reprend son masque d'indifférence. Certains jours même, elle pousse la mauvaise volonté jusqu'à l'obstruction. C'est à cette regrettable indifférence que nous devons la perte de beaucoup de documents écrits et le défaut de suite dans un certain nombre d'expériences que nous aurions voulu faire.
Maria écrit sans arrêt ni hésitation, tantôt sans ordre ni régularité, d'autres fois en suivant parfaitement les lignes et observant la ponctuation. Elle reste à l'état normal et, tout en écrivant, regarde le papier ou promène ses regards autour d'elle. Elle écrit soit en pleine lumière, soit dans une obscurité complète, sans que le caractère de l'écriture se modifie. Elle ne connaît le contenu d'une communication qu'en la lisant, lorsqu'elle est terminée. C'est tout à fait l'écriture automatique.
L'écriture varie avec chaque esprit et elle est rigoureusement la même pour chacun, d'un bout à l'autre de la communication, et pour des communications espacées de plusieurs mois."


Faisons observer que si l'écriture mécanique ne présentait que ces caractères, ils seraient insuffisants pour établir la médiumnité et rien n'empêcherait de n'y voir que de l'automatisme, puisque nous savons que les personnalités secondes conservent des caractères identiques, alors même qu'elles ne se présentent qu'à de grands intervalles de temps. Mais chez Maria la faculté médianimique se révèle d'une manière indéniable, d'abord parce que son orthographe se modifie, ensuite parce que l'écriture a reproduit celle d'un individu mort antérieurement, et enfin parce qu'elle révèle des faits inconnus de tous les assistants, qui ne peuvent être attribués à la clairvoyance ou à aucune des causes que nous avons étudiées.
Voici maintenant quelques spécimens de sa manière d'écrire.


Ecriture du haut :
écriture de l’esprit Hubert, frère de Maria, après sa mort
Ecriture à gauche : écriture du jeune Hubert pendant sa vie
Ecriture à droite : écriture normale de Maria

Voici pour l'orthographe :

"Pendant les dernières séances, un esprit conseilla de bander les yeux du médium. Maria tombe alors très rapidement en transe. Les communications d'un caractère intellectuel beaucoup plus élevé, sont écrites avec régularité ; les lignes sont droites, la ponctuation et les accents bien placés, l'écriture est presque élégante et l'orthographe tout à fait correcte ; toutes choses que Maria serait incapable de produire à l'état normal."

Lorsque des critiques, comme Louis Figuier et autres, se trouvent en présence de cas semblables, ils croient éluder la difficulté en disant que l'état hypnoïde dans lequel se trouve le sujet exalte ses facultés intellectuelles, lesquelles acquièrent alors un développement extraordinaire qui explique ces anomalies. Mais qui ne voit ce que ces raisonnements ont de superficiel et d'inexact ?
Qu'un sujet puisse pendant une crise de somnambulisme, ou même à l'état de crédulité, acquérir par la clairvoyance des notions qu'il ne pourrait avoir à l'état de veille, c'est un fait dont nous avons constaté la réalité. La lucidité fait connaître des événements lointains et prouve simplement une puissance plus grande de la faculté de voir, c'est le développement d'un pouvoir qui est dans le sujet tandis que l'usage de l'orthographe par quelqu'un qui n'a pas appris la grammaire, est une véritable création qui ne peut se comprendre par aucune exaltation de l'esprit. On ne peut rien tirer d'un terrain qui n'a pas été ensemencé. L'orthographe n'est acquise par chacun de nous qu'après une longue éducation, qui nécessite beaucoup d'efforts pour emmagasiner dans le cerveau la multitude des règles qu'il faut connaître. Ce travail a créé des habitudes organo-intellectuelles, un mécanisme psychique qui fonctionne automatiquement, à ce point qu'il suffit souvent, lorsque l'on est hésitant sur la manière d'orthographier un mot, de laisser aller sa main machinalement, pour le trouver ensuite correctement écrit. Mais celui qui n'a pas subi cet entraînement, qui n'a pas fixé par le travail et l'effort souvent renouvelé l'orthographe des mots, ne pourra jamais écrire convenablement. Or, c'est le cas de Maria qui n'est pas allée régulièrement à l'école et par conséquent n'a pu acquérir ni s'assimiler ce mécanisme qui permet de ne pas faire de fautes. Si elle écrit parfois des communications qui ne laissent rien à désirer au point de vue de la correction grammaticale, c'est évidemment qu'elle est sous l'influence d'une intelligence qui connaît l'orthographe. Ses parents et les personnes qui l'entourent étant presque illettrés, on ne peut supposer de leur part aucune action télépathique ; il faut donc admettre que ce sont les esprits qui se manifestent, d'autant mieux qu'ils donnent parfois des preuves d'identité incontestables.

Faits inconnus du médium

Nous citerons trois communications qui présentent des circonstances intéressantes.

"Dans le courant du mois de mars 1898, à une séance à laquelle assistaient M. Ch. Broquet et quatre autres personnes, Maria écrivit une communication sous forme de lettre, signée D'H... et adressée à Mme D'H... sa veuve, une des personnes présentes. Cette lettre contenait ce passage : « Te souviens-tu que j'ai longtemps cherché un livre de magie qui pût me faire connaître le moment de ma mort. J'en ai trouvé un et cependant je n'ai pas su que j'allais mourir en allant à N... » M. d'H... était mort quelques années auparavant, en se rendant à N... pour assister à une cérémonie religieuse. Tous les assistants, sauf Mme D'H..., ignoraient le fait de cette recherche d'un livre de magie, et Mme D'H... elle-même ne se le rappela qu'après un certain temps de recueillement. Peut-être les partisans quand même de la théorie de la suggestion par la conscience subliminale ou le subconscient proposeront-ils comme interprétation, non pas l'action de l'être conscient de Mme D'H..., puisque celle-ci ne pensait pas à ce moment au livre cherché, mais celle de son subconscient, agissant sur le subconscient de Maria.
Nous pourrons leur répondre qu'il n'y a de prouvé jusqu'ici, à l'actif de la suggestion mentale, que des transmissions d'ordres plus ou moins précis, mais jamais de pensées ou de souvenirs longuement formulés. Nous ajouterons que Maria et Mme D'H..., étaient toutes deux dans leur état normal et que, par conséquent, Maria ne se trouvait pas à ce degré de l'hypnose appelé crédulité. Qui ne sait, enfin, combien sont rares et laborieuses les quelques expériences de suggestion mentale couronnées de succès : il suffit, pour s'en convaincre, de lire l'étude du Dr Ochorowicz sur ce sujet.
Dans une autre séance, en présence de Ch. Broquet et de quatre assistants, Maria écrit cette communication qui lui est adressée : « Maria, tu m'as vite oubliée, lorsque je fus morte, tu n'as pensé que quelques jours à moi. Voilà pourquoi je reviens te voir, pour savoir si tu me reconnaîtras. » Signé Mlle Magain.
Maria et tous les assistants cherchent vainement dans leurs souvenirs ; aucun n'a connu une personne portant ce nom.
La communication reprend alors :
« Je suis morte à D***, à dix huit ans et demi, il y a neuf ans. Nous étions deux grandes amies.»
Maria, très intriguée, recherche inutilement dans sa mémoire, et ses parents, présents à la séance, ne sont pas plus heureux qu'elle. La communication insiste en ces termes.
« Te souviens-tu que maman est venue me chercher avec le martinet, sur la porte de Mme D***, quand nous jouions au bouquet (aux osselets), quinze jours avant ma mort ? Il y a neuf ans de cela.
Te rappelles-tu que j'allais souvent chez ta grand-mère avec toi et Mlle Octavie B*** ? »
Malgré tous ces détails, personne ne parvenant à trouver quoi que ce fût qui pût concorder avec ses souvenirs, on allait conclure à l'intervention d'un fantaisiste, lorsque Maria écrit de nouveau :
« Te souviens-tu de Louise la Petite ? »
Ce mot est comme un trait de lumière. Tout le monde l'a connue c'était la mère d'une amie de Maria, dont la fille était morte effectivement depuis neuf ans, et Maria, au bout de quelques instants, retrouve dans ses souvenirs la scène du martinet.
Pour comprendre comment la mémoire du médium et des assistants a pu être mise ainsi en défaut, il faut savoir que dans le Nord, et sans doute aussi dans beaucoup, d'autres provinces, il y a fort peu de familles d'ouvriers et même de cultivateurs et de petits bourgeois qui ne soient affublés de quelque sobriquet, tirant son origine soit d'événements, soit de particularités dans le costume, les traits du visage, la forme d'un membre, etc. les surnoms sont si complètement adoptés par tout le monde, que le vrai nom de famille en est tout à fait oublié et ne se retrouve que dans les actes officiels.
On peut donc considérer ceci comme la révélation d'un fait ignoré de tous, et nous ne voyons pas comment on pourrait refuser d'admettre, ici l'intervention d'une intelligence étrangère à tons les assistants[17] .
Voici un troisième fait.
Maria V** écrit : « Je suis Mme D** (le nom en toutes lettres). Dis à mon mari que je ne lui en veux nullement de ce qu'il s’est remarié après ma mort. Je suis morte à D***, il y a quatre ans, à la ducasse (fête patronale), sur la place, en regardant ma fille Augusta qui allait au tourniquet (chevaux de bois). »
Le médium, les assistants et les diverses personnes que l'on interroge sur le moment, sont tous d'avis que la communication contient un détail inexact. Ce ne serait pas sur la place, mais dans une maison voisine, que Mme D... serait morte. Cependant M. D... rencontré quelques jours plus tard, confirma la constatation de la communicante, en spécifiant bien que c'était dans ses bras, sur la place, que Mme D... était tombée morte.
C'était donc une communication en contradiction avec la conviction de tous les assistants. Qui a pu la dicter ?

Écritures de jeunes enfants

"Abordons maintenant des faits encore plus importants au point de vue des théories spirites ; nous voulons parler de l'écriture mécanique chez les jeunes enfants et chez les adultes complètement illettrés. Ici, il est impossible d'invoquer la supercherie ; enfants et adultes sont bien connus dans la localité. Reste le subconscient, agissant à l'insu de la personnalité consciente et se servant de ses organes pour écrire des communications et des réponses aux préoccupations des assistants et contraires parfois à leurs désirs.
Qu'on nous permette, à ce propos, de présenter une réflexion. Les partisans de cette hypothèse du subconscient déclarent qu'il est le résumé de toutes les acquisitions morales intellectuelles faites par l'esprit dans le cours de ses vies successives, ce qui expliquerait la supériorité qu'on lui attribue sur la personnalité consciente, on voit qu'on ne peut se ranger à cette opinion, sans adopter les deux points essentiels du spiritisme : la survie et le développement de l'esprit à travers une série d'existences et par conséquent de réincarnations.
Arrivons maintenant aux faits :
Nous nous sommes fait répéter par le père du médium de neuf mois, brave ouvrier incrédule jusque là, et par plusieurs témoins, la scène qui les avait amenés au spiritisme. Mais ici encore, la communication a été perdue, aucun d'eux ne pensant à l'intérêt que peut présenter un semblable document.



Ecriture de la petite Céline M., devant M. Broquet

En avril 1898, Maria rentre chez elle, avec la petite Céline M..., âgée de trois ans et demi avec laquelle elle aimait à jouer. Cette fillette ordinairement très gaie, est prise de terreur chaque fois qu'elle aperçoit M. Broquet. Celui-ci engagea Maria à la mettre devant une table avec un crayon et du papier, car un esprit avait déclaré qu'elle était médium. Maria place donc, au milieu de la pièce, une petite table devant laquelle elle asseoit la fillette, et pour observer la scène tout à loisir, sans troubler le médium, M. Ch. Broquet reste derrière la chaise, à plus de deux mètres, et suit tous les mouvements de l'enfant que reproduit une glace accrochée au mur d'en face. Maria et madame V... se tiennent à quelques mètres de distance.
L'enfant prend le crayon, mais sa physionomie trahit une assez vive inquiétude, et la main est agitée de mouvements nerveux. Enfin la main se pose sur le papier et trace rapidement d'une seule traite la communication suivante.
« Charles, je suis très content d'avoir une si belle petite médium âgée de trois ans et demi et qu'elle deviendra si bonne médium : tâche de l'entretenir. »
Le crayon est ensuite projeté à terre avec une certaine force : l'enfant se retourne, aperçoit M. Broquet et se met à pousser des cris. Maria la prend pour la calmer, tandis que M. Broquet s'empare de la feuille de papier.
La petite Elise, grosse fillette de 23 mois, blonde, joufflue et très joueuse, prend, le 10 septembre 1898, la place que Maria venait d'occuper devant la table pour écrire à une amie. Elle saisit un crayon et couvre sans s'arrêter une page entière d'une écriture fine et régulière, tandis que Maria vaquait aux soins du ménage. Lorsque cette dernière s'aperçut du fait, elle s'approcha pour prendre la feuille de papier, mais déjà l'enfant l'avait mise en pièces et chiffonnée. Maria ne songea pas à en recueillir les fragments.
Le 12 octobre 1898, un colporteur étranger au pays, que Maria venait, quelques heures auparavant, de convertir en évoquant sa mère et en lui rappelant un passé qu'il avait tout intérêt à cacher, revint demander qu'on évoquât son père. Maria eut l'inspiration d'asseoir Elise à la table, en lui donnant un crayon et un chiffon de papier qu'elle avait sous la main. Il y avait là cinq ou six personnes, la plupart étrangères au spiritisme. On continua à causer sans se préoccuper de l'enfant, qui, après avoir fait des arabesques sans aucune signification, s'arrêta un moment, puis se mit en devoir d'écrire les paroles suivantes : « Il est réincarné. »
Voici la reproduction de cette écriture, avec les signatures des témoins.


Pendant qu'elle écrivait, l'enfant passait la main gauche avec un geste de caresse sur le dos de la main droite, en disant : « Papa ! Papa ! » Puis elle rejetait le crayon et secouait le bras, comme pour se débarrasser d'une étreinte importune et enfin reprenait le crayon pour écrire le dernier mot. On a constaté que sa main était devenue manifestement froide lorsque l'écriture fut terminée.
Le mercredi 9 novembre, M. Ch. Broquet avait annoncé qu'il n'assisterait pas à la séance du mercredi 23.
A peine était-il parti, que la jeune Elise, assise en face d'une feuille de papier, y écrivit ces mots :
« Il faut écrire à Charles qu'il vienne à la séance de mercredi.» L'écriture, bien formée, est très lisible et ne contient pas de fautes d'orthographe ce qui est exceptionnel.
Dans ce cas, l'enfant était restée tout à fait isolée, comme dans les cas précédents.
On voit que ces deux communications ne sont pas banales et s'adaptent tout à fait aux circonstances. L'enfant n'a donc rien eu à imiter, quand même son âge n'eût pas été un obstacle suffisant.
Le 11 novembre, M. Lecerf envoie chez Maria sa fillette Louise, âgée de 4 ans. La petite Elise s'y trouvait déjà, ainsi que Céline M*** dont il a déjà été question et qui est âgée de 3 ans. Maria les plaça toutes trois sur un banc, en face d'une table ; elle leur donna à chacune un crayon et une feuille de papier et les laissa libres, se tenant à bonne distance, ainsi que Mlle Octavie B*** et une fillette, Eugénie R..., demi-sœur de Louise. Les enfants commencèrent à faire des griffonnages ; puis tout à coup elles écrivirent en même temps la même pensée sous trois formules différentes, telles que nous les reproduisons ci-dessous :
(Louise Lecerf) « Ne pas oublier de les avoir tous, si c'est possible. »
(Elise) « Je voudrais qu'Elise vienne à la séance prochaine, si c'est possible. »
(Céline) « Je voudrais voir tous ces médiums à la séance prochaine, si c'est possible. »
Elise et Céline jettent ensuite leurs crayons à terre tandis que Louise Lecerf tombe en transe, en même temps qu'Eugénie R... Nous reviendrons sur cet incident, à propos des incarnations et réincarnations.
Le jeudi 15 décembre, Maria voit entrer Elise, qui lui dit d'un air sérieux : « Je veux récrire ! » — « à qui ? » lui demanda Maria ; mais l'enfant répétant obstinément : « Je veux récrire ! » Maria l'assied devant une table, lui donne un crayon et une bande de journal qui se trouvait sous sa main et voit la fillette écrire sans hésitation.
« Est-ce qu'il y a séance (créence) aujourd'hui ? »
Il nous est arrivé souvent de voir l'une ou l'autre de ces enfants tracer des traits de fantaisie au milieu desquels se rencontraient quelques mots sans suite et sans portée. On pourrait dire que ce sont des arabesques rappelant par hasard la forme de certaines lettres. Aussi n'en parlons-nous pas et ne tenons-nous compte que des phrases bien détachées et contenant une pensée.

Ecriture mécanique de médiums complètement illétrés

Allan Kardec[18], dans la Revue Spirite a publié une communication a dont le style clair et les idées très nettes ont pour objet les rapports des vivants et des morts. Or le médium était tout à fait illettré.

"Cette communication, dit le grand initiateur, a été obtenue par un jeune homme, médium somnambule illettré. Elle nous est envoyée par M. Dumas, négociant à Sétif, membre de la Société Spirite de Paris, qui ajoute que le sujet ne connaissait pas le sens de la plupart des mots, et nous transmet les noms de dix personnes notables qui assistaient à la séance. On vient de nous montrer une page vraiment remarquable, obtenue à Lyon, par une femme qui ne sait ni lire ni écrire et ne sait pas un mot de ce qu'elle écrit. Son mari, qui n'est guère plus fort, la déchiffre par intuition séance tenante, mais le lendemain cela lui est impossible les autres personnes la lisent sans difficulté."

On ne peut cependant pas admettre une éternelle supercherie, et quand les témoins honorables affirment les faits, il faut en reconnaitre la réalité, quelque perturbation que cela puisse jeter dans nos idées préconçues. Lorsque les pratiques spirites deviendront plus fréquentes, ce sera par milliers que se grouperont les faits pour chaque catégorie de phénomènes. Alors on rendra justice à la clairvoyance et aux facultés d'observation de ces précurseurs, si méprisés et si honnis de nos jours. Voici encore des preuves que nous empruntons toujours au récit si documenté de MM. Dusart et Ch. Broquet.

Ecritures médianimiques par des personnes ne sachant ni lire ni écrire

"Il nous reste à parler des communications qui se sont produites à D*"*, par la main de médiums absolument illettrés.
Nous avons vu un homme de cinquante ans écrire un nom propre. Ceux qui ne le connaissent pas comme nous pourraient croire à la reproduction de traits observés déjà.
Nous n'insistons pas. Tout autre est le cas de Mme B*** bien connue de nous et de tout le village. On sait que son mari ayant besoin de sa signature pour un acte notarié et voulant éviter des frais toujours considérables pour des ouvriers, s'efforça pendant plusieurs semaines de lui apprendre à écrire son nom et ne put y parvenir. Mme B*** est une ouvrière de 42 ans, aux mains raidies par le travail. Elle offre donc inconsciemment une grande résistance à la force intelligente qui veut assouplir ses doigts pour l'écriture, et il est fort curieux de la voir écrire. Elle lève la tête, regarde dans le vide ou les personnes qui l'entourent, mais jamais le papier sur lequel elle pose la main. Celle-ci trace d'abord un certain nombre de lignes de traits se tenant sans intervalle et au milieu desquels on distingue de temps à autre une lettre ou deux ; puis après cette espèce d'exercice d'assouplissement, vient une phrase plus ou moins longue, quelquefois deux. Quand elle sent sa main arrivée au bas de la page, elle tend celle-ci à son mari ou aux personnes assises auprès d'elles et dit : « Voyez donc s’il y a quelque chose d'écrit ! » Il est certain qu'elle ne pourrait pas en juger par elle-même.


Griffonnages de Madame B.


Dans ces communications, qui offrent bien le type le plus parfait de l'écriture mécanique, trois signatures ont été données. Par qui ? On peut affirmer que ce n'est pas par la personnalité consciente du médium. Est-ce par le subconscient ? Il faudrait admettre que chez cette mère de famille parfaitement honorable et sincère, le subconscient serait assez ignorant de lui-même pour prendre successivement plusieurs personnalités, en se trompant sur la sienne ou assez fourbe pour chercher à tromper toutes les personnes de la famille ou de l'entourage. Il serait alors singulièrement inférieur à la personnalité consciente, ce qui est en contradiction flagrante avec les assertions de ceux qui admettent cette individualité hypothétique.
On peut faire la même remarque au sujet des milliers de communications reçues chaque jour au sein des familles, dans le monde entier, avec une si grande variété de signatures pour le même médium.
Si l'on ne peut invoquer ni la fourberie, ni la personnalité consciente, ni l'individualité subconsciente, il ne reste plus qu'une seule interprétation, celle de l'intervention d'intelligences indépendantes, étrangères à tous les assistants. On verra que la nature des communications est vulgaire et telle qu'on pouvait l'attendre des signataires, que l'on avait connus pendant leur vie terrestre, comme fort peu élevés dans l'ordre intellectuel. Voici les faits.
Pendant plusieurs séances, Mme B***, se conformant à nos conseils, avait tenu au-dessus d'une feuille de papier sa main armée d'un crayon. Elle le tenait avec une grande raideur et résistait inconsciemment à l'action exercée sur ses bras et dont elle nous rendait compte. Pendant un quart d'heure chaque fois, quelquefois plus, elle traçait d'une main lourde des traits sans aucune forme déterminée. Graduellement, le bras devint plus souple, des lettres purent être reconnues et il nous fut possible de lire Angélique Dernoncourt, nom de sa mère. Le soir, rentrée chez elle avec son mari, elle renouvela son essai et reçut cette fois, sous la même signature, la phrase peu aimable et tout à fait conforme au caractère que l'on connaissait bien à la signataire pendant sa vie : « Va-t-en ramoner les pavés.» (Vas balayer la rue.)
A la séance qui suivit, Mme B*** écrivit quelques mots avec la signature « Agnesse Barbieux ».
Nous avons déjà signalé cette orthographe ; nous n'y insistons pas davantage.
Le 11 novembre, elle était fort préoccupée de la disparition d'un chat auquel elle tenait beaucoup. Le soir, elle reçut la phrase suivante : « Votre chat a la migraine. » La signature de Clément Bourlet cadrait parfaitement avec la valeur de la plaisanterie.
Le 14 décembre, le même Clément, après une demi-page de griffonnages qui semblent une mise en train, écrit ceci : « si tu veux devenir médium, il te faut faire beaucoup de spiritisme. Clément. » Vient encore une ligne de griffonnages, puis les mots suivants, que nous n'avons pas compris et qui n'ont à nos yeux d'autre valeur que celle de leur production : « Angélique était la médium des trois qui étaient à la table. Il faudra y aller : il y aura deux incarnations. Valenciennes, 95, rue du Quesnoy. » Nous donnons, à la page suivante, le cliché reproduisant les phrases entremêlées de traits sans aucune signification, qui montrent la difficulté éprouvée par l'esprit pour se servir de cet organisme inculte.
Très souvent, lorsqu'elle est chez elle, seule avec son mari, elle ressent dans le bras de telles impatiences, qu'elle se trouve obligée de prendre un crayon et d'essayer d'écrire. Le 27 décembre, à plusieurs reprises dans la journée, de grands coups, assez sonores pour être entendus même hors des pièces où ils se produisaient, se firent entendre dans les meubles, dans les murs, la suivant même à la cave, jusqu'à ce qu'elle prit un crayon. A ce moment, tout bruit cessait. Le phénomène s'est renouvelé trois fois dans la journée.


Griffonnages et écriture automatique de Mme B.


Écritures différentes de Maria suivant les individualités qui agissent sur elle. Le texte inférieur est de Clément.

Individualité d'un Esprit constatée par des communications identiques obtenues avec des médiums différents

Une des meilleures preuves que l'on puisse fournir de l'individualité de l'être qui se manifeste est la similitude de l'écriture et du style de cet Esprit, lorsqu'il se communique par l'intermédiaire de différents médiums qui ignorent son existence, et ne se connaissent pas entre eux. MM. Dusart et Broquet ont été à même de constater qu'un esprit nommé Clément Bourlet, ancien garçon brasseur mort depuis longtemps, se servait indifféremment de la main de Maria, de celle d'une jeune fille Mlle M. B. ou enfin de celle de Zélia, âgée de 11 ans, et toujours dans le patois le plus grossier, avec les mêmes plaisanteries vulgaires, la même orthographe et une écriture tout à fait semblable.
Il est bien difficile de supposer que dans ces milieux rustiques l'esprit d'imitation soit, chez ces différents sujets, poussé assez loin pour aller jusqu'à simuler une écriture de fantaisie mais puisque nous donnons aux hypothèses contraires à nos théories toute l'extension possible, nous n'aurions pas cité ces témoignages s'ils n'avaient pas reçu une double confirmation : 1° - par un médium tout à fait illettré, et 2° - par un autre qui ne contrait pas du tout Maria et n'a jamais été à D. Voici comment.
Nous avons vu que Mme B. n'est pas même capable de distinguer, au milieu des traits informes que sa main trace sur le papier, les quelques mots lisibles qui s'y trouvent. Elle est donc dans l'impossibilité complète de retenir, même subconsciemment, les détails par lesquels une écriture est caractérisée. Cependant, lorsque c'est l'esprit de Clément Bourlet qui se manifeste, elle reproduit son écriture, son orthographe et ses grosses facéties de paysan. C'est bien la même intelligence que celle qui agit sur Maria et ce cas nous met en présence d'une véritable personnalité posthume agissant identiquement sur des médiums dont l'un au moins, Mme B. est forcément mécanique.
La preuve se fortifie encore lorsque la même action spirituelle se manifeste dans un autre milieu, très lettré, avec les mêmes détails typiques. Laissons la parole aux auteurs du mémoire déjà cité.

"Une femme très distinguée, auteur connu[19] , habitant une ville distante de 46 kilomètres à vol d'oiseau du village de D. et qui n'avait jamais vu Maria, reproduisit un jour, en présence de son mari et de plusieurs personnes distinguées, réunies dans son salon, toutes les particularités de l'incarnation de Clément. C'était la voix, les gestes, et l'abominable patois de D.. , auquel personne ne comprenait mot. On dut lui faire répéter ses phrases à maintes reprises pour en saisir le sens, et ce n'est qu'en l'entendant parler de M. Ch. Broquet et de Maria que l'on reconnut à qui l'on avait affaire... Clément écrit par la main du même médium et si l'écriture est moins difforme, ce qui est la part d'influence de celle qui sert d'instrument, l'orthographe est presque la même, ainsi que le caractère de la communication, et le patois tout à fait inconnu du médium est identique à celui obtenu par la main de Maria."


On ne pourra objecter ici une action télépathique exercée par l'esprit de Maria, car elle ne connaît pas même de nom la dame précitée, et ne peut avoir avec elle aucun rapport magnétique ou télépathique.
Tous ces phénomènes si variés, si probants chacun dans leur genre, montrent combien les savants qui ont voulu traiter la question de la médiumnité par l'écriture, sont passé à côté de l'explication véritable. Ils ont dédaigné, ignoré ou volontairement gardé le silence sur la multitude des faits qui ne rentrent plus dans les cadres qu'ils ont tracés, et après cela ils ont la naïveté de s'imaginer que nous devons être satisfaits par leurs hypothèses, si singulièrement insuffisantes.
Du haut de leurs préjugés, ils nous taxent d'enthousiastes, d'ignorants, sans voir combien ces épithètes leur conviennent mieux, lorsqu'ils se hasardent en dehors du terrain qui leur est familier. Sans nous lasser, accumulons les preuves et alors le grand public sera en mesure de se prononcer entre nous et ces pontifes scientifiques, qui refusent si obstinément d'ouvrir les yeux lorsque nous venons à eux les mains pleines de preuves.

[1] Revue Spirite 1858. Page 32.

[2] Hermance Dufaux. Confessions de Louis XI… Revue Spirite 1858. Page 73. Cette vie de Louis XI a été publiée par le Journal Spirite : La Vérité, en 1864, voir le numéro du 29 mai. Une vie de Charles VIII est restée inédite.

[3] Aksakof. Animisme et Spiritisme. Page 326 et suiv.

[4] Ce volume a été publié en Amérique en 1873, chez Clark W. Bryan. Springfied. Mass. Etats Unis.

[5] M. Harrison, un homme très compétent en ces matières, s’exprime ainsi : il est difficile d’admettre que le génie et le sens artistique dont cet ouvrage est empreint et qui ont tant de ressemblance avec le génie et le sens artistique de Ch. Diksens aient engagé leur auteur, quel qu’il soit, à ne se présenter au monde que comme un habile mystificateur. (Spitirualist. 1873. Page 26).

[6] Barkas. Réponses improvisées à des questions scientifiques, par une femme médium d’éducation ordinaire. Light 1885. Page 85.

[7] On appelle battement des renforcements et des affaiblissements successifs qui se produisent à intervalles égaux, pour un son résultant de la propagation dans l’air de deux sons qui n’ont pas la même hauteur. Le phénomène des battements se réalise avec la plus grande facilité : il suffit de faire vibrer dans des plans parallèles deux diapasons qui n’ont pas la même période, c’est-à-dire dont la durée d’oscillation n’est pas la même. Chacun d’eux donne naissance à une onde sonore ; si, en un certain point, à un moment donné, ces deux ondes sont concordantes, il y a maximum de hauteur pour le son résultant, mais ces ondes ne se propagent pas avec la même vitesse ; l’une d’elle empiète de plus en plus sur l’autre ; elles se contrarient, et à un certain moment, pour un point déterminé, le son résultant présente un minimum d’intensité. En d’autres termes, l’amplitude du mouvement oscillatoire résultant est fonction périodique du temps, et, par suite, passe par une série de maxima et de minima ; entre deux maxima, c’est-à-dire entre deux renforcements, se trouve un minimum c’est-à-dire un affaiblissement. L’oreille perçoit d’autant mieux ces variations de hauteur qu’elles sont plus distantes ; pour cela il faut que les deux diapasons vibrent presque à l’unisson.

[8] Probablement M. William Rae, organiste à Newcastle, d’après Mme d’Espérance. Voir son livre : Au pays de l’Ombre. Page 147.

[9] M. Barkas n’en avait pas du tout, ainsi qu’il le dit à un autre endroit. (Médium. 1887. Page 645).

[10] Mme d’Espérance. Au pays de l’Ombre. Page 138 et suiv.

[11] Général Drayson. The solution of scientific problems by Spirits. Light 1884. Page 499. Traduction française in Animisme et Spiritisme. Page 499.

[12] Revue Spirite. Août et décembre 1877.

[13] Spiritual Télégraph. Juillet 1862, reproduit par le Journal Le Magnétisme du 10 septembre 1862.

[14]Médium and Daybreack, 8 mai 1874. Traduction française dans Animisme et Spiritisme. Page 346.

[15] Spiritualist. 1875. Tome I. Page 222.

[16]Voir Revue Scientifique et Morale du Spiritisme. Année 1899. MM. Dusard et Broquet. Phénomènes psychiques observés au village de D.

[17] Ce cas pourrait être expliqué par la mémoire latente, si l’on n’en avait jamais obtenu d’autres. Mais comme Maria a donné des preuves de la médiumnité, il n’est pas irrationnel de supposer qu’ici encore c’est bien un esprit qui tient à se faire reconnaître.

[18]Revue Spirite 1863. Sur la communication des Esprits. Page 228.

[19] Nous avons l’honneur de la compter aussi parmi nos amis.

 

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