Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


AU DÉPARTEMENT "ESPOIR"

 

Nous nous préparions au départ lorsque Madame Romero nos invita à un bref repas au Département de l'Espoir ; à quatorze heures, aurait lieu une conférence sur la langue spirituelle-internationale, l'Espéranto, pour ceux qui s'intéressent aux problèmes des rapports entre les âmes.
Le jeune Adriâo accepta l'aimable invitation car nous avions du temps devant nous et nous nous dirigeâmes vers le bâtiment imposant aux lignes classiques, orné de hautes colonnes.
Le couple Romero, pour nous montrer qu'il connaissait la zone où se trouvait l'immeuble, nous conduisit par des billées bordées d'arbres et aboutissant à de beaux jardins.
Au centre, une étoile verte aux cinq pointes, formée de "ficus", en haut relief et brodées de petites fleurs dorées, nous stupéfia d'admiration par tant de beauté.
« C'est l'étoile qui symbolise l'Espéranto, nous informa M. Romero, comme pour faire l'éloge de la langue universelle. »
Des jets d'eau artistiques formaient dans l'air des dessins géométriques, pleins de mouvement, entre des parterres bien disposés et fleuris de géraniums, de roses, d’oeillets.
Nous montâmes l'escalier de marbre très blanc orné de fragments verts, ce qui lui accordait une beauté éclatante.
Nous entrâmes dans un grand restaurant où un groupe de jeunes personnes jasaient joyeusement.
N'ayant pas réussi à comprendre ce qu'ils disaient, j'appris par notre hôte qu'il s'agissait d'un groupe d'âmes qui pensaient réincarner dans des pays d'Amérique du Sud, surtout au Brésil, et qui faisaient là un stage d'étude des langues qu'ils auraient à pratiquer ainsi que d'Espéranto. Ils arboraient l'étoile verte et le symbole du Mouton, pour porter à leurs nouvelles patries le message du Spiritisme Consolateur.
Nous nous approchâmes d'une table bien placée et, après avoir présenté la carte d'Espérantiste, M. Romero avec empressement, nous fit servir un bon repas.
Ensuite, nous parcourûmes longuement les pièces du grand immeuble ; toute surprise, je remarquai qu'il s'agissait d'une maison d'éducation, très vaste, semblable aux Universités de la Terre.
Je fus surtout impressionnée par la bibliothèque, tant elle était riche de livres en Langue Internationale, rangés, classés et qui nous présentaient leurs dos brillants.
M. Romero nous expliqua qu'il y avait là tous les ouvrages en Espéranto déjà écrits sur Terre, plus d'autres qui seraient bientôt dictés par voie médiumnique pour le plaisir du monde intellectuel.
« Bien que l'Espéranto n'ait aucune patrie officielle et ne soit non plus une langue à caractère religieux, informa le guide, elle sera, dans l'avenir, le grand messager du Spiritisme pour l'Humanité, ainsi que cela se fait déjà au Brésil avec les traductions soignées dans lesquelles, depuis quelque temps, paraissent des Oeuvres de la Codification et d'autres encore, obtenues par voie médiumnique.
"Certains livres en Espéranto qui se trouvent actuellement sur Terre étaient déjà connus ici, écrits par d'anciens élèves de l'Etablissement, aujourd'hui réincarnés ... "
A l'heure prévue, après quelques airs chantés en Espéranto, un monsieur sympathique monta à la tribune pour prononcer la conférence annoncée.
"C'est un vieux spirite de Minas, désincarné il y a quelque temps, expliqua Madame Romero, assise à côté de moi. Travailleur dévoué à la Cause de l'Amour Universel, il s'appliqua, tant qu'il se trouvait sur Terre, à l'étude et à la pratique du Spiritisme et de l'Espéranto, portant très haut l'étendard de la Fraternité. Arrivé ici, il poursuit la diffusion des idées espérantistes et spirites, offrant le meilleur de son travail à préparer les âmes aux grands travaux de l'avenir".
Il m'est impossible de traduire intégralement les expressions magnifiques de l'orateur inspiré, dont la parole glissait avec aisance de ses lèvres à notre entendement, comme une musique agréable. Parmi d'autres énoncés toujours très éclairés, il prononça celui-ci :
"Après les jours troubles qui aboutirent, en France, à l'élection de Charles Louis Napoléon Bonaparte à la présidence de la République puis en sa proclamation comme Empereur, le monde reçut, par l'intermédiaire d'Allan Kardec, à Paris, "Le Livre des Esprits", et dans la petite ville polonaise de Bjalistok paraissait l'âme lumineuse de Lazare Ludovic Zamenhof. Celui-ci était venu dans la société humaine après les luttes sanglantes de l'insolent Empereur français (Napoléon ler), contre l'immense Empire Moscovite ; celui-ci dominant la Pologne tant de fois partagée entre l'Autriche, la Prusse et la Russie. Zamenhof entretint la flamme de l'idéal de la compréhension humaine pour la déployer, plus tard, porteuse du message immortel de l'Espéranto, le démolisseur des bastions linguistiques. De ce peuple esclave tant éprouvé, dont les langues et les dialectes dépassaient le nombre de deux cents, le monde recevait, le 15 Décembre 1859, le Messager de la Langue Internationale.
Pressé par nombre de circonstances, par l'ambiance et les idées dépassées, Zamenhof sentit l'inspiration envelopper son âme de pionnier ; devant les injustices dont il était chaque jour le témoin, les coups de fouet qui s'abattaient sur le dos nu des gens de sa race (juive), et qui lui soulevait l'âme et le coeur, il comprit le besoin pressant de rompre les barrières qui séparaient les hommes, les races, les religions, au moyen de quelque chose de commun à tous, comme un auxiliaire indispensable à la Fraternité.
C'est ainsi qu’après de longues méditations et des exercices nombreux, il réussit, au prix de grands efforts, à évoquer, en les arrachant à l'écran de la mémoire, comme dans un processus presque divinatoire, les mots, les racines et les phonèmes des langues les plus parlées au monde et créa l'"Espéranto" qui signifie : "ce qui attend", témoignant par là sa force et sa confiance dans l'avenir... "
Et, poursuivit le brillant orateur :
"En rentrant de Moscou où il était allé, après d'incroyables difficultés, préparer son doctorat de médecine, il éprouva une angoisse infinie en apprenant que son père, soucieux du bon nom de la famille, avait brûlé ses écrits, les ayant crus le fruit encore vert du cerveau enflammé d'un jeune homme inexpérimenté et enthousiaste.
Notre adolescent se révèle pourtant déjà être un géant, il ne fléchit pas sous une aussi grande peine. Au contraire, se redressant, il recommence, avec encore plus d'entrain, l'oeuvre monumentale qui l'immortalisera dans les voies de l'avenir. A vingt-huit ans, il fait paraître son premier livre, produit de labeurs incessants, et le monde s'éveille à un nouvel âge. Zamenhof expliquera, plus tard, que l'attitude de son père lui avait permis uniquement de réviser, d'améliorer, de rendre plus fort l'Espéranto, ce qui était un grand bien et non pas un mal irrémédiable".
Le conférencier poursuivit, ajoutant des commentaires sur la langue internationale et il conclut sa brillante narration par les mots suivants :
« Etudier l'Espéranto, l'enseigner, l'aimer, c'est contribuer au bonheur des peuples, en instaurant la fraternité dans l'esprit de tous les êtres.
Rapprochons-nous de nos frères qui ont d'autres conceptions religieuses. Par l'idéalisme espérantiste, élargissons les domaines de la tolérance prêchée par Allan Kardec en aimant et en aidant tous sans distinction. Apprenons, par de l'humilité, à respecter toutes les croyances en tant que des chemins de lumière pour l'âme, vers notre Doctrine de foi sans dogme ni rites.
Levons bien haut le fanion vert de notre Idéal, comme enseigne d'union et de compréhension !
Ridiculisés, continuons !
Victimes de l'injustice, poursuivons !
En gardant dans l'âme la certitude que celui "Qui attend", finit par réussir, avançons sans peur, en enseignant et en pardonnant. Tel celui qui, vainqueur de son "moi", surmonte les barrières de l'intolérance et du vice, pour faire bénéficier l'Humanité de son amélioration personnelle, aidons le monde en lui apportant les bénédictions de l'Espoir".
La conférence finie, nous retournâmes vers le jardin.
En nous-mêmes, revenaient les mots entendus ; comme des faisceaux de lumière, ils nous éclairaient la vision. Dans nos oreilles vibraient encore les derniers arpèges de l'agréable chanson entonnée par tous les participants à la fin de la réunion.
Je me souvenais d'avoir vaguement entendu parler de l'Espéranto, lorsque je me trouvais sur Terre. Je n'avais pourtant jamais supposé que cette gerbe de phonèmes constituait le Grand Message de Jésus au monde assoiffé d'entendement.
Après avoir dit au revoir, pleins de reconnaissance au couple Romero, Adriâo et moi nous sommes rentrés, joyeux, à l'Infirmerie.

 

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