Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


Chapitre VII - Fantômes de morts

Nous voilà arrivés, insensiblement, à un point d'une importance capitale. Une question profonde et centrale que nous n'avons effleurée que d'une façon irrégulière et intermittente dans les chapitres précédents, doit être maintenant abordée directement. Des actions et perceptions d'esprits encore incarnés communiquant les uns avec les autres, nous passerons à l'étude des actions d'esprits dépouillés de leur enveloppe charnelle et, des formes de perceptions à l'aide desquelles, des hommes encore en vie répondent à ces  influences insolites et mystérieuses.
Cette transition se fait, en réalité, sans solution de continuité. Le moi subliminal que nous avons déjà suivi à travers les différentes phases de sensibilité croissante, que nous avons vu acquérir une indépendance de plus en plus grande des liens organiques, sera maintenant étudié au point de vue de sa sensibilité à l'égard d'influences encore plus éloignées, comme doué d'une existence indépendante, même après la destruction de l'organisme. Notre sujet présente, tout naturellement, trois divisions principales. En premier lieu, nous discuterons brièvement la valabilité des arguments théoriques en faveur de la survivance après la mort et, leurs rapports avec les arguments exposés dans les chapitres précédents. En second lieu, et ceci constitue le point capital du chapitre présent, nous avons besoin d'une classification raisonnée des arguments en faveur de la survivance, en tant qu'il s'agit notamment de l'automatisme sensoriel : voix ou apparitions ; les faits d'automatisme moteur : écriture automatique et possessions étant réservés pour une discussion ultérieure. En troisième lieu, enfin, nous aurons à nous occuper de la signification de l'ensemble des faits en question et de leur importance au point de vue de l'avenir scientifique et moral de l'humanité. En ce qui concerne, d'abord, l'évidence relative à la survivance humaine, nous nous heurtons, dans la majorité des cas, même de la part de personnes intelligentes, à un parti pris absolu, à une résolution bien arrêtée de ne pas croire à des faits de ce genre. Ces personnes disent qu'elles ne se laisseraient convaincre, que le jour où on leur aura prouvé qu'il existe un lien de continuité entre les phénomènes en question et ceux déjà connus et prouvés et, pour le moment, elles se refusent à concevoir tout lien de continuité entre l'hypothèse de l'existence du monde spirituel et l'évidence qui découle de nos expériences se rapportant à un monde matériel. Je reconnais ce besoin de continuité et, je reconnais aussi que les arguments invoqués, jusqu'ici, en faveur de l'existence du monde spirituel avaient, trop ostensiblement, méconnu et négligé ce besoin. L'esprit populaire a toujours désiré quelque chose d'extraordinaire, dépassant les lois de la nature ; il a toujours professé, sinon le Credo quia absurdum, le Credo quia non probatum. Il en est résulté, fatalement, une grande insécurité dans la conviction ainsi acquise et, privé de l'appui du système général des sciences, l'acte de foi semble reculer et s'effacer à mesure que le système avance et grandit.
Je ne saurais trop répéter que, le but que je poursuis est d'un caractère tout à fait opposé. Croyant que, tout l'esprit connaissable est aussi continu que toute la matière connaissable, je voudrais faire, pour le domaine de l'esprit, ce que l'analyse spectrale et la loi de la gravitation ont fait pour celui de la matière et montrer que, dans les opérations du monde spirituel inconnu règne la même uniformité de substance et d'interaction que dans le monde connu de la matière. Et, pour explorer ces altitudes inaccessibles, je ne me placerai pas, avec les théologiens, sur une tour dont le sommet se perd dans les nuages mais bien, sur la terre ferme, à la base mesurée d'une figure trigonométrique.

Pour pouvoir mesurer cette base, nous devons commencer par déblayer le terrain. Occupons-nous d'abord des définitions les plus simples, de façon à nous rendre claires, à nous-mêmes, les choses que nous désirons analyser ou découvrir. Pour parler le langage populaire, nous cherchons des esprits. Quelle signification devons-nous donner à ce mot (esprit), autour duquel se sont formées tant de théories arbitraires et qui a été la cause de tant de frayeurs sans cause ? Il serait préférable, dans l'état actuel de nos connaissances, si nous pouvions nous borner à réunir, simplement des faits, sans aucun commentaire spéculatif. Mais il paraît nécessaire, d'un autre côté, d'exposer brièvement les erreurs manifestes du point de vue traditionnel, lequel, s'il n'est pas réfuté, paraîtrait comme le seul possible, même à ceux qui se sont toujours refusés à l'accepter.
Or, d'après l'opinion populaire, un esprit est une personne décédée, autorisée par la Providence, à se tenir en communication avec les survivants. Cette brève définition renferme, à mon avis, au moins trois assertions qui ne reposent sur rien.
En premier lieu, des mots tels que Providence ou autorisation s'appliquent au phénomène en question, ni plus ni moins, qu'à un autre phénomène quelconque. Nous admettons que, tous les phénomènes s'accomplissent selon les lois de l'univers et par conséquent, avec l'autorisation de la puissance suprême de l'univers. Sans doute, l'accomplissement des phénomènes dont nous nous occupons est autorisé mais, pas à un titre spécial qui ferait de cet accomplissement, une exception à la loi, alors qu'il n'en est qu'une des applications particulières. Et, d'un autre côté, ces phénomènes ne renferment pas plus de justice poétique et, ne sont pas plus adaptés aux désirs et aux prières humaines que les phénomènes qui se déroulent dans le cours ordinaire de l'histoire terrestre.
En deuxième lieu, rien ne nous autorise à affirmer que, le fantôme ou le spectre que nous voyons, lors même qu'il est occasionné par une personne décédée, soit cette personne elle-même, au sens ordinaire du mot. Il s'agit, plutôt, de ces figures hallucinatoires ou fantômes, analogues à ceux que des personnes vivantes sont susceptibles de projeter à distance, sans qu'on soit autorisé à affirmer que l'apparition que nous voyons, soit la personne vivante elle-même ; de même, ce que nous appelons un spectre ou un revenant, n'est nullement la personne décédée elle-même : il existe certainement une connexion entre le spectre et la personne décédée, connexion dont la nature est à déterminer mais, qui est loin de signifier identité complète.
En troisième lieu, pas plus que nous ne devons voir dans le fantôme, la personne décédée elle-même, nous ne devons attribuer au premier, les mobiles que nous croyons pouvoir attribuer à cette dernière. Nous devons, donc, exclure de notre définition de l'esprit, tout ce qui serait une allusion à une intention, de sa part, de communiquer avec les vivants. L'esprit peut se trouver avec la personne décédée, dans un rapport tel qu'il reflète ou, représente le désir présumé de cette dernière de se tenir en communication avec les vivants ou bien, ce rapport peut ne pas exister. Si, par exemple, il existe entre lui et sa vie post mortem un rapport analogue à celui que nous constations entre nos rêves et notre vie terrestre, il peut ne représenter que peu de chose qui lui appartienne en propre, si ce n'est quelques souvenirs et instincts vagues, dans le genre de ceux qui donnent une individualité  diffuse et obscure à nos rêves les plus ordinaires.
Essayons donc, une définition plus exacte. Au lieu de voir dans l'esprit, une personne décédée autorisée à entrer en communication avec les vivants, définissons-la comme une manifestation de l'énergie personnelle persistante ou, comme une indication qu'une certaine puissance, dont l'idée est attachée à celle d'une personne que nous avons connue autrefois, pendant sa vie terrestre, continue de se manifester après sa mort. Et, pour éliminer de notre définition jusqu'à la moindre assertion populaire, nous devons ajouter : qu'il est théoriquement possible que cette force ou influence qui, après la mort d'une personne, crée une impression fantasmagorique de cette personne soit due, non à une action actuelle de cette dernière mais, à quelque résidu de la force ou de l'énergie qu'elle a produite, pendant qu'elle était encore vivante. Il peut s'agir de ces post-images véridiques dont parle Gurney qui, commentant les apparitions répétées du fantôme d'une vieille femme, vue dans le lit dans lequel elle a été assassinée, fait observer que, ce fantôme  « suggère moins l'idée d'un intérêt local continu de la part de la personne décédée, que celle de la survivance d'une simple image imprimée, nous ne savons comment ni sur quoi, par l'organisme physique de cette personne et, perceptible de temps à autre, à d'autres personnes douées d'une sensibilité spéciale[1]. »
Quelque étrange que paraisse cette notion, elle semble pourtant confirmée par quelques-uns des cas de hantise que nous citerons plus tard. Nous y verrons la fréquence de l'apparition des mêmes figures hallucinatoires, dans les mêmes localités et, le peu de vraisemblance qu'il y a à admettre l'idée d'une intention quelconque attachée à ces apparitions ou, un rapport quelconque entre elles et les personnes décédées ou, des tragédies dans le genre de celles qui, dans l'esprit du peuple, s'associent souvent au phénomène de l'apparition. Dans quelques-uns de ces cas d'apparition fréquente  injustifiée d'une figure donnée, dans un endroit donné, nous pouvons nous demander si  c'est la fréquentation faite, autrefois, par la personne décédée de l'endroit en question ou si c'est plutôt, quelque action récente s'étant manifestée après la mort, qui a donné naissance à ce que j'ai appelé la post-image véridique, en ce sens qu'elle communique des informations qui avaient été inconnues, jusque-là, à la personne percevante, en tant qu'ancien habitant de la localité hantée.
Telles sont, quelques-unes des questions que soulève notre sujet. Et, le seul fait que des problèmes aussi bizarres peuvent se présenter à chaque instant tend à montrer, dans une certaine mesure, que ces apparitions ne sont pas des phénomènes purement subjectifs, naissant exclusivement dans l'imagination de la personne percevante. Elles ne sont pas tout à fait telles que les hommes se les figurent. La moisson infinie de légendes et d'histoires fictives concernant les esprits montre combien est grande, la tendance de l'esprit humain à broder sur ces sujets et, fournit une preuve curieuse de la persistance de notions préconçues, ces notions reposant sur un code tout particulier et se rapportant à des phénomènes imaginaires totalement différents des phénomènes réels. Il est difficile de revêtir, pour ainsi dire, un phénomène réel, d'un caractère romantique. La plupart des « histoires de revenants » peuvent se ressembler entre elles et paraître aussi fragmentaires que dépourvues de sens. C'est qu'elles tirent leur véritable sens de leur conformité, non à un instinct mytho-poétique de l'humanité qui produit et orne les contes imaginaires mais, à quelque loi inconnue qui n'a rien à faire avec les convenances et les sentiments humains.
C'est ainsi que nous assistons souvent à ce fait assez absurde, d'entendre des gens tourner en ridicule des phénomènes se produisant actuellement, tout simplement parce que ces phénomènes ne leur paraissent pas conformes à leurs notions préconçues concernant les histoires de revenants ;  ils ne s'aperçoivent pas que, c'est précisément cette divergence de caractère d'inattendu qui constitue une sérieuse indication pour que les phénomènes en question aient leur origine en dehors de l'esprit, incapables de se représenter, par anticipation, des phénomènes de ce genre.
Je considère que c'est la première fois que nous commençons à nous former, au sujet des communications spirituelles, une conception qui soit plus ou moins en rapport avec d'autres conceptions déjà prouvées et plus établies et qui puisse, jusqu'à une certaine mesure, être présentée comme le développement de faits vérifiés par l'expérience. Nous avons besoin de deux conceptions préliminaires déjà connues, aux anciennes dont la première a trouvé place dans la science de nos jours seulement, tandis que, la seconde attend encore son brevet d'orthodoxie. La première est celle que l'hypnotisme et, les automatismes variés nous ont rendue familière la conception de la personnalité multiple, de la coexistence potentielle de plusieurs états et de plusieurs mémoires dans le même individu. La seconde conception est celle qui concerne la télépathie, c'est-à-dire l'action d'un esprit sur un autre, en dehors des organes des sens ordinaires et plus particulièrement, l'action au moyen des hallucinations, par la production de fantômes véridiques qui constituent, pour ainsi dire, des messages de la part de personnes encore en vie. Et je crois que, ce qui relie entre elles ces deux conceptions, c'est que les messages télépathiques ont,  généralement, leur point de départ dans la couche subconsciente ou submergée de l'agent, pour aboutir à la couche subconsciente ou submergée du percipient. Toutes les fois qu'il y a hallucination, fausse ou véridique, il s'agit, à mon avis, d'un message quelconque se frayant la voie d'une couche de la personnalité à une autre, que ce message affecte la forme d'un rêve incohérent ou, qu'il symbolise d'une façon quelconque un fait qui est autrement, inaccessible à la personne percevante. Le mécanisme est le même dans le cas où le message se déplace d'une couche à une autre au sein d'un même individu et, dans celui où il est transmis d'un individu à un autre ; dans le cas où le moi conscient de A est stimulé par son moi inconscient et, dans celui où B est stimulé télépathiquement par les sources profondes et cachées de perception de A. Si cette opinion est tant soit peu vraie, il paraît tout indiqué de chercher dans ce que nous savons au sujet des communications anormales ou supra-normales entre esprits encore incarnés ou, des états anormaux ou supra-normaux du même esprit non encore dépourvu de l'enveloppe charnelle, des analogies capables de jeter une certaine lumière sur les phénomènes de communication entre des esprits  incarnés et des esprits désincarnés.
Or, une communication (si toutefois elle est possible) entre une personne décédée et une personne vivante est, une communication entre un esprit à une certaine phase de l'existence, et un autre esprit à une phase de l'existence toute différente ; c'est, en outre, une communication qui s'accomplit par une voie autre que les organes des sens ordinaires puisque d'un côté, les organes matériels des sens n'existent plus. Nous nous trouvons, évidemment, en présence d'un exemple extrême, aussi bien de communications entre les divers états du même individu que de communications télépathiques ; et nous pourrons, peut-être, nous former une idée plus exacte du phénomène en question, en considérant les manifestations les moins avancées de ces deux catégories.
Dans quels cas voyons-nous, un esprit communiquer avec un autre esprit se trouvant dans des conditions différentes de celles qui entourent le premier, habitant un monde différent, considérant les mêmes choses à un point de vue également différent, toutes ces différences exprimant autre chose que des inégalités de caractère existant entre les deux  personnages ?
Ceci se produit, d'abord, dans le somnambulisme spontané, dans des colloques entre une personne endormie et une personne éveillée. Et, remarquez avec quelle facilité nous pouvons entrer en communication avec un état qui, à première vue, semble celui de l'isolement complètement fermé. Un vieux proverbe dit : « éveillés nous possédons le monde en commun mais chaque dormeur habite un monde particulier. » Et pourtant, ce dormeur si enfermé en lui-même, en apparence, peut être amené doucement à entrer spontanément en communication avec des hommes éveillés. Le somnambule, ou plutôt le somniloque, car il s'agit plutôt de conversation que de déambulation, représente ainsi, le premier type naturel du revenant.
En observant les habitudes des somnambules, on s'aperçoit que, la mesure dans laquelle ils sont susceptibles de communiquer avec d'autres esprits varie d'un cas à l'autre. Tel somnambule vaquera à ses occupations habituelles sans reconnaître la présence d'une personne quelconque ; tel autre reconnaîtra certaines personnes seulement ou, ne répondra que lorsqu'il sera questionné sur certains sujets ; son esprit ne se mettant en contact avec  d'autres esprits que sur des points peu nombreux. Le somnambule ne s'apercevra que rarement, pour ne pas dire jamais, de ce que font d'autres personnes, pour régler sa conduite en conséquence.
Passons maintenant du somnambulisme naturel, idiopathique ou spontané, au somnambulisme provoqué, au sommeil hypnotique. Ici aussi nous trouvons, à chaque phase du sommeil, une faculté de communication partielle et variable. Tantôt, le sujet hypnotisé ne manifeste rien ; tantôt, il paraît capable d'entendre une seule personne et de lui répondre, à l'exclusion de toutes les autres ; tantôt, il conversera librement avec n'importe qui mais, même dans ce dernier cas, ce n'est pas son moi éveillé qui parle et généralement, il ne se rappelle qu'imparfaitement ou point du tout, à l'état de veille, ce qu'il a dit ou fait  pendant son sommeil.
Par analogie avec ce qui se passe lors des communications entre des personnes vivantes se trouvant dans des états différents, nous pouvons nous attendre à ce que les communications entre des esprits incarnés et des esprits désincarnés, si elles sont possibles, soient très restreintes et limitées et, ne fassent pas partie du courant ordinaire de la conscience présumée désincarnée.
Ces considérations préliminaires sont applicables à tous les modes de communication avec des personnes décédées, aussi bien à sa forme motrice qu'à sa forme sensorielle. Considérons maintenant, quels modes de communication avec les morts sont de nature à paraître probables, par analogie, avec ce que nous savons des communications entre vivants. Il me semble qu'il existe un parallélisme rigoureux entre toutes les manifestations de l'automatisme expérimental d'un côté et, toutes les variétés des phénomènes spontanés d'un autre côté. Nous pouvons dire d'une façon générale que, l'expérience et l'observation nous ont permis de dégager jusqu'ici cinq catégories de phénomènes :
            1° la suggestion hypnotique ;
            2° les expériences télépathiques ;
            3° la télépathie spontanée pendant la vie ;
            4° fantômes survenant au moment de la mort ;
            5° apparitions après la mort. Nous trouvons en outre, qu'à chacune de ces phases s'observent, les mêmes modes de communication ; de sorte que, cette similitude constante des modes permet de supposer que le mécanisme qui préside aux manifestations est le même à chacune de ces phases.
Adoptant encore une division sommaire, nous pouvons attribuer à chaque phase, trois formes de manifestations :
            a) hallucinations des sens ;
            b) impulsions émotionnelles et motrices ;
            c) messages mentaux déterminés.

1° Commençons par un groupe d'expériences où la télépathie fait défaut mais, qui montrent dans sa forme la plus simple, le mécanisme de la transmission automatique de messages d'une couche de la personnalité à une autre. Je parle des suggestions post-hypnotiques. Ici, l'agent est représenté par un homme vivant, opérant par des moyens ordinaires, par la parole directe. Le trait caractéristique est formé par l'état de la personne qui perçoit, cette personne étant hypnotisée à ce moment-là et subissant ainsi, une sorte de désintégration de la personnalité, d'émergence momentanée d'une partie de son moi qui, à l'état normal, se trouve cachée profondément. Cette personnalité hypnotique atteignant momentanément la surface, reçoit la suggestion verbale de l'agent, dont le moi éveillé du sujet percevant n'a aucune idée. Plus tard, lorsque le moi éveillé a repris sa position superficielle, le moi hypnotique accomplit, au moment fixé, la suggestion donnée, un acte dont l'origine est inconnue à la couche superficielle de la conscience mais qui constitue, en réalité, un message transmis à la couche superficielle par la couche actuellement submergée ou, subconsciente qui a originairement reçu la suggestion.
Et, ce message peut revêtir une des trois principales formes mentionnées plus haut : celle d'une image hallucinatoire de l'hypnotiseur ou d'une autre personne quelconque ; celle d'une impulsion à accomplir un certain acte ; celle d'un certain mot ou d'une certaine phrase, à écrire automatiquement, par le moi éveillé qui apprend, ainsi, l'ordre qu'avait reçu le moi hypnotique pendant l'absence de la conscience éveillée.

2° Dans nos expériences concernant la transmission des pensées, l'agent est encore un homme vivant mais, qui n'opère plus par les moyens ordinaires tels que les mots parlés ou les gestes visibles. Il agit sur le moi subconscient du sujet percevant, à l'aide d'une impulsion télépathique qu'il projette intentionnellement et, que le sujet percevant peut être désireux de recevoir mais, dont le modus operandi reste inaperçu du moi éveillé ordinaire de chacun d'eux.
Les messages de cette catégorie peuvent, à leur tour, être divisés en trois groupes, les mêmes que plus haut : figures hallucinatoires représentant, toujours ou presque toujours, l'image de l'agent que celui-ci rend visible au sujet percevant ; impulsions à agir communiquées télépathiquement, comme dans le cas où l'hypnotiseur désire que le sujet vienne le trouver, à une heure qui ne lui a pas été notifiée préalablement ; écriture post-hypnotique de mots et de figures définies, à la suite d'une transmission télépathique de mots, figures, etc. de la part de l'agent, se servant de moyens de communications qui ne sont pas les moyens ordinaires au sujet percevant soit hypnotisé, soit éveillé.

3° Dans les apparitions spontanées, survenant pendant la vie, nous trouvons les mêmes trois grands groupes de messages, à cette différence près que, les apparitions actuelles qui, dans nos expériences télépathiques étaient malheureusement si rares deviennent, ici, le groupe le plus important. Je n'ai pas besoin de rappeler les cas cités dans les chapitres IV et VI où, un agent subissant quelque crise soudaine semble, en quelque sorte, produire sa propre apparition visible à un autre sujet éloigné. On peut rapprocher de ces cas ceux, non moins importants, d'apparitions doubles où un agent est vu, à plusieurs reprises, sous forme de fantôme par plusieurs personnes, à des moments où il ne subit aucune crise spéciale. Nous avons encore, parmi les impressions télépathiques produites (spontanément, non expérimentalement) par des agents vivants, des cas que je n'ai pas besoin de récapituler ici où, il existe, une sensation profonde de détresse ou une impulsion à rentrer chez soi analogue à l'impulsion qu'éprouve le sujet à s'approcher de l'hypnotiseur éloigné, au  moment précis où celui-ci le désire.

4° Nous retrouvons, encore, les mêmes trois groupes de messages dans les cas d'apparitions se produisant au moment-même de la mort. Nos lecteurs connaissent déjà les cas visuels où, l'apparition d'un homme mourant est vue par une ou plusieurs personnes et, les cas émotionnels et moteurs où l'impression, quoique assez puissante, n'a plus le caractère sensoriel. Et, plusieurs cas ont été publiés où le message avait consisté, en mots définis qui n'étaient pas toujours extériorisés sous forme d'une hallucination auditive mais quelquefois, prononcés ou écrits automatiquement, comme dans le cas communiqué par le Dr Liébeault où, une jeune fille a écrit un message annonçant la mort de son ami, au moment où cet ami mourait, réellement, dans une ville éloignée[2].
5° Je considère que, les cas post mortem comportent la même classification et que, les trois groupes principaux s'y observent dans la même proportion. Les plus remarquables sont les apparitions actuelles, qui feront l'objet principal des pages qui vont suivre. Il est très rare de trouver une apparition impliquant un message verbal ; le plus souvent, elles sont automatiques en apparence, semblent dépourvues de but. Nous avons aussi, un groupe de cas post mortem émotionnels et moteurs, peut-être plus nombreux que ne semble l'indiquer notre collection car, vu le caractère vague et indéterminé de l'impression, son témoignage en faveur d'une communication avec une personne décédée n'est utilisé que rarement.
Je voudrais montrer maintenant que, à côté de ces deux groupes de manifestations posthumes, il en existe un troisième, constitué par des messages verbaux qui, dans certains cas tout au moins, fournissent la preuve de leur origine posthume.
J'ajourne, pour la commodité du lecteur, ces cas moteurs au chapitre suivant de sorte que, la preuve de la survivance que nous aurons, en attendant, sera fort incomplète. Nous avons, en tous cas, devant nous, une tâche bien définie : nous avons à rappeler et à analyser dans ce chapitre, des expériences sensorielles de vivants, qui semblent pouvoir être attribuées à l'action de quelque individualité humaine persistant après la mort. Essayons de nous rendre compte car, la chose ne paraît nullement évidente à première vue, quelles conditions doit remplir un fantôme visuel ou auditif, pour pouvoir être considéré comme une indication de l'influence exercée par un esprit désincarné. Nous ne pouvons mieux faire que, de citer les paroles prononcées à la Société de Recherches  Psychiques par Gurney en 1888, lors de la discussion de cette question. Ces paroles gardent, aujourd'hui encore, toute leur valeur quoique, les années qui se sont écoulées depuis, aient multiplié considérablement les témoignages et, ajouté d'autres preuves en faveur des communications posthumes, que nous allons aborder maintenant.
« Ceux, dit Gurney, qui ont suivi les rapports et discussions publiés dans les Comptes Rendus et le Journal de cette société savent, sans qu'on soit obligé d'y insister, combien peu, les preuves qui ont souvent amené des personnes, même instruites, à croire à la réapparition réelle d'amis décédés, justifient réellement cette croyance. La raison en peut être formulée en quelques mots. Dans la plupart des cas où des personnes prétendaient avoir vu ou avoir communiqué avec des amis et parents morts, il n'existe rien qui permette de différencier le phénomène, qui s'était présenté à leurs sens, d'une simple hallucination subjective. Malgré la simplicité de cette proposition, la vérité qu'elle renferme était restée insoupçonnée pendant des siècles. Ce n'est qu'à une époque relativement récente que, les faits d'hallucinations sensorielles ont commencé à être compris et qu'on a commencé à s'apercevoir que, les objets les plus illusoires peuvent affecter, parfois, un degré de netteté extrême. Mais, ces notions n'ont pas encore eu le temps de pénétrer dans l'esprit populaire. La réplique ordinaire du sens commun moyen à tout récit d'apparition est que, le témoin ment ou exagère grossièrement ou bien, qu'il était fou ou ivre ou dans un état d'excitation émotionnelle à ce moment-là ou bien encore, qu'il est victime d'une illusion, d'une fausse interprétation d'un son ou d'une vision d'un caractère purement objectif. Mais, une étude plus consciencieuse de la question ne peut tarder à montrer que, dans la plupart des cas, toutes ces hypothèses sont à éliminer, que le témoin est en bonne santé, ne présente aucun état de nervosité ou d'excitation exceptionnelle et que, ce qu'il voit ou entend peut bien avoir une origine exclusivement subjective, être une projection de son propre cerveau. Et, l'on doit naturellement s'attendre à ce que, parmi les objets qui se présentent de cette façon, un certain nombre affectent la forme d'une figure ou d'une voix humaine que le sujet reconnaît comme étant celle d'une personne morte ; car, la mémoire de telles figures et voix fait partie de son bagage mental, les images latentes étant prêtes à fournir les matériaux des hallucinations éveillées, de même qu'elles fournissent ceux des rêves.
Il est évident, en outre, que dans les cas connus d'apparitions de morts, il manque l'élément qui permette de distinguer certaines apparitions de personnes vivantes, des hallucinations purement subjectives. Cet élément consiste dans la coïncidence entre l'apparition et, quelque état critique ou exceptionnel de la personne qui semble apparaître ; or, en ce qui concerne les personnes décédées, nous n'avons aucune connaissance de leur état ni, par conséquent, l'occasion d'observer une coïncidence de ce genre.
Il reste trois et, seulement trois conditions qui permettent d'établir une présomption en faveur du fait qu'une apparition ou, telle autre manifestation immédiate d'une personne décédée est, quelque chose de plus qu'une simple hallucination subjective :
            1° plusieurs personnes peuvent, indépendamment les unes des autres, être affectées par le même phénomène ;
            2° le fantôme peut fournir des informations, reconnues plus tard comme étant véridiques, au sujet de quelque chose dont la personne percevante n'avait, auparavant, aucune idée ;
            3° le sujet percevant peut donner une description exacte et précise d'une personne qu'il n'a jamais vue, dont l'aspect lui était totalement inconnu. Mais, quoique ces trois conditions, lorsqu'elles sont remplies, soient suffisantes pour permettre d'attribuer à une apparition une cause qui réside en dehors de l'esprit du sujet qui perçoit, les faits de ce genre possèdent un caractère de plus, beaucoup plus général et, qui fournit une nouvelle preuve en faveur de l'extériorité de la cause. C'est le nombre exceptionnellement grand de cas survenant peu de temps après la mort de la personne représentée.
Cette relation de temps, si elle se répète avec assez de fréquence, est de nature à rendre probable l'origine objective du phénomène, d'une manière analogue à celle qui nous amène à conclure que, telle apparition d'un vivant a une origine objective (télépathique). Car, conformément à la théorie des probabilités, une hallucination représentant une personne connue ne présentera, avec un événement spécial tel que la mort de cette personne, une relation de temps déterminée que, dans tant pour cent de toutes les hallucinations similaires qui se produisent ; si la proportion est, décidément, trop élevée, on est autorisé à admettre l'action d'un facteur autre que le hasard, autrement dit d'une cause objective externe.
La question de la relation de temps acquiert, ainsi, une signification particulière. L'esprit populaire s'empresse de formuler une explication d'un fait frappant avant que, le fait lui-même soit bien établi. C'est ainsi qu'on dit que, la personne décédée vient prendre congé ou consoler le coeur des parents en deuil, pendant que leur douleur est encore vive ou, que son « esprit » est  « attaché à la terre » et ne peut se libérer que graduellement. Ou encore, on nous propose une théorie, comme celle de M. d'Assier, d'après laquelle il resterait, après la mort de la conscience et de l'individualité, une certaine base de manifestation physique qui ne disparaîtrait que par degrés. Je ne discuterai aucune de ces hypothèses. Nous ne nous occupons, pour le moment, que des apparitions posthumes et, la seule question qui nous intéresse est : celle de savoir si ces faits peuvent être rattachés à une cause externe ; c'est de son rapport avec cette question fondamentale que l'enquête, relative à la fréquence avec laquelle ces phénomènes se produisent immédiatement après la mort, tire toute son importance.
C'est en collectionnant un grand nombre de témoignages, de première main, se rapportant aux hallucinations sensorielles que, j'ai été frappé, pour la première fois, par la grande proportion des cas où, le fantôme représentait un ami ou un parent récemment décédé. Sur 231 hallucinations représentant des êtres humains reconnus, 28 soit, un huitième sont survenues quelques semaines après la mort de la personne représentée. Nous avons, pourtant, deux raisons d'attribuer peu de valeur à ce fait : en premier lieu, un fantôme représentant une personne morte récemment est, particulièrement, propre à exciter l'intérêt et à être noté et retenu, ce qui est de nature à élever la proportion des cas de ce genre dans une collection comme la mienne. En second lieu, le fait de la mort était, dans chacun de nos cas, connu à la personne percevante. Il paraît, donc, naturel de conclure que, l'état émotionnel de cette personne suffit à rendre compte de l'hallucination ; et, cette  explication sera adoptée par la grande majorité des experts, psychologues et médecins. Je m'en contenterais, de mon côté, bien volontiers si, l'on pouvait me citer un cas d'apparition fantomale d'une personne, que l'ami ayant vu cette apparition croyait morte mais qui, en réalité, était vivante et en bonne santé. Or, de fausses alertes, à propos de la mort, sont trop rares pour qu'on puisse citer beaucoup de cas de ce genre. Je crois, cependant, que la douleur et le sentiment de terreur attachés à la mort peuvent être considérés comme la cause suffisante des expériences sensorielles anormales, se rapportant à des personnes dont on déplore la mort récente, jusqu'à ce que, la réalité objective des fantômes de morts, dans certains cas, soit établie sur des preuves indépendantes.
Si, maintenant, nous avions à tirer quelque conclusion probable, relativement à la nature objective des apparitions et communications posthumes (ou de quelques-unes d'entre elles), du fait de la fréquence particulière avec laquelle elles se produisent, très peu de temps après la mort, nous devrions nous limiter au cas où, le fait de la mort a été inconnu au sujet percevant, au moment-même de l'expérience. Or, à notre époque de lettres et de télégrammes, la plupart des gens apprennent la mort de leurs amis ou parents quelques jours, souvent même, quelques heures après la mort, de sorte que les apparitions, pour satisfaire aux conditions que nous posons, doivent suivre de très près la mort. Possédons-nous un nombre suffisant de cas de ce genre ?
Les lecteurs des Phantasms of the Living savent que ces cas existent. Dans certains d'entre eux qui sont cités dans ce livre, comme des exemples de transmission télépathique de la part d'une personne décédée, la personne était, réellement, morte au moment où s'était produite l'expérience et, la publication de ces cas, sous le titre commun de Phantasms of the Living (Fantômes de vivants) a, naturellement, soulevé des critiques. Il est à remarquer que, la désignation que j'ai donnée à ces cas suppose, une condition qui ne peut, en aucune façon, être considérée comme certaine. Nous devons supposer, notamment que, la transmission télépathique s'était produite, immédiatement avant la mort ou, exactement au moment de la mort mais que, l'impression était restée latente dans l'esprit du sujet pour n'émerger dans sa conscience, qu'après un certain intervalle, soit comme une vision éveillée, soit comme un rêve, soit sous une autre forme quelconque. Admettons, momentanément, que cette hypothèse soit justifiée. C'est qu'en effet, le moment de la mort constitue, au point de vue du temps, le point central autour duquel se groupent les  expériences anormales, que le sujet éprouve à distance et, dont quelques-unes précèdent la mort, tandis que d'autres la suivent ; il est donc naturel de supposer que, la même explication s'applique au groupe tout entier et que, dans chacune de ses divisions, la force déterminante est constituée par l'état de l’agent, antérieur à sa mort corporelle. Quelques faits de transmission expérimentale de pensées confirment, en outre, l'opinion d'après laquelle les  « impressions transmises » peuvent rester latentes pendant quelque temps, avant que le sujet qui les a reçues s'en aperçoive et, de récentes découvertes relatives à l'automatisme et à l’intelligence secondaire rendent très probable, le fait que la télépathie manifeste ses premiers effets sur la portion  « inconsciente » de l'esprit[3]. A ces deux arguments, il faut ajouter que, la période de la latence supposée a été, dans bon nombre de cas, une période pendant laquelle, la personne affectée s'était trouvée occupée et son attention sollicitée par d'autres objets ; et, dans les cas de ce genre, il est tout à fait facile de supposer que, l'impression télépathique, pour pénétrer dans la conscience, a besoin d'une période de silence et de recueillement[4]. Mais, quoique la théorie de la latence ait pour elle beaucoup de probabilité, nous ne voudrions pas avoir l'air, mes collègues et moi, d'ériger en dogme ce qui, pour le moment, ne doit être considéré que comme une hypothèse. De toutes les recherches, les recherches psychiques sont celles où il importe le plus, d'éviter les erreurs et de tenir l'esprit prêt à accepter de nouvelles interprétations de faits. Et, dans l'état actuel de la question, plusieurs objections sérieuses peuvent être opposées à l'hypothèse d'après laquelle, des impressions télépathiques venant de personnes décédées seraient susceptibles de n'émerger, qu'après être restées pendant des heures à l'état latent. Les cas expérimentaux que j'ai cités comme analogues sont trop peu nombreux et certains et, la période de latence y a, en outre, été mesurée en secondes et en minutes, non en heures. Et quoique, ainsi que je l'ai dit, le délai apparent observé dans certains cas d'apparitions de morts puisse être expliqué par la nécessité de soustraire l'esprit et les sens du sujet à d'autres occupations, afin que le phénomène puisse avoir lieu, nous avons d'autres cas où il n'en est pas de même et où, rien ne semble autoriser à rattacher le délai à l'état du sujet percevant. Quoi qu'il en soit, nous nous trouvons en présence de l'hypothèse suivante, qui est la seule dont il faille tenir compte : il s'agit d'un état (physique ou psychique) de l'agent, se manifestant à un certain intervalle après la mort et dont, le sujet est affecté au moment même et non avant, où il devient conscient de son impression.
Je n'ai parlé, jusqu'ici, que des cas où l'intervalle entre la mort et l'apparition a été suffisamment court, pour rendre la théorie de la latence probable. D'après la règle adoptée dans Phantasms of the Living, cet intervalle ne devait pas dépasser 17 heures. Mais, nous connaissons quelques cas où cet intervalle a été, grandement, dépassé et où, le fait même de la mort n'était pas connu du sujet au moment de l'expérience. La théorie de la latence ne peut, raisonnablement, pas être appliquée aux cas où, des semaines et des mois séparent l'apparition du moment de la mort, qui est le dernier pendant lequel une idée ordinaire, (par « ordinaire » je désigne les groupes reconnus et étudiés dans Phantasms of the Living ). Mais, si les personnes décédées survivent, la possibilité d'une transmission de pensées entre elles et, ceux qui restent, constitue une hypothèse soutenable. Notre théorie télépathique étant une théorie psychique, dépourvue de toute interprétation physique, elle  est parfaitement applicable (au nom près) aux états de l'existence  « désincarnée[5]  » transmise télépathiquement et a pu trouver accès auprès du sujet. Et, l'existence de ces cas, en tant qu'elle tend à établir la réalité d'apparitions de morts dues à des causes externes, diminue la valeur des objections qu'on oppose à la conception qui considère les apparitions, etc., ayant suivi de près la mort, comme ayant des causes différentes de celles qui coïncident avec la mort et la précèdent de très près[6] ».
L'hypothèse de la latence que nous rencontrons ici, au début-même de notre enquête, est d'une grande importance quoique, ainsi que nous le verrons plus tard, il arrive un moment où elle n'est plus capable de couvrir tous les faits. Si nous pouvions tracer une courbe exprimant le nombre relatif des apparitions, avant et après la mort, nous verrions que ce nombre augmente rapidement pendant les quelques heures qui précèdent, pour diminuer graduellement pendant les premières heures et les premiers jours qui suivent la mort; après la première année, les apparitions deviennent tout à fait rares et exceptionnelles.
« Le moment de la mort, dit Gurney, est le centre d'un groupe d'expériences anormales dont quelques-unes précèdent, tandis que d'autres suivent la mort. » Cette phrase ne doit pas être comprise comme si Gurney avait voulu dire que, c'est la mort elle-même qui est la cause de ces expériences. Celles qui se produisent avant la mort peuvent être causées ou déterminées, non par la mort elle-même mais, par l'état anormal, coma, délire, etc., qui la précède. C'est qu'en effet, nous possédons beaucoup d'exemples de fantômes véridiques ayant coïncidé avec des crises, telles qu'accidents de voiture, etc., survenues à des agents éloignés mais, n'ayant pas été suivies de morts. Nous trouvons, en outre que, dans presque tous les cas où un fantôme, véridique en apparence, a précédé la mort de l'agent, la mort a été l'effet d'une maladie, non d'un accident. Il n'existe que très peu d'exceptions à cette règle. Dans un cas cité dans Phantasms of the Living[7] le fantôme semble avoir précédé d'une demi-heure la mort subite par noyade; le sujet percevant habitait une ferme à Norfolk, tandis que la victime ou, l'agent, a péri au cours d'une tempête près de l'île Tristan d'Acunha et, nous avons supposé qu'une erreur d'heure ou d'observation suffisait à expliquer cette prétendue exception, à la règle que nous avons posée plus haut. Dans un autre cas, il s'agissait d'une mort violente, d'un suicide ; mais, l'état d'excitation morbide dans lequel devait se trouver la victime, quelques heures avant la mort, c'est-à-dire au moment où l'apparition a été vue, n'était qu'un état de crise. Il existe d'autres cas encore (non cités dans Phantasms of the Living) où, un fantôme ou le double d'une personne, a été vu quelques jours avant la mort accidentelle de cette personne ; mais, les cas de ce genre sont trop peu nombreux pour rendre probable, l'existence d'une connexion causale entre la  mort et l'apparition.
Il n'est pas facile d'arriver à la certitude, en ce qui concerne les cas où l'intervalle a été mesurée en minutes ; car, si le sujet est éloigné de l'agent, nous pouvons toujours avoir des doutes, aussi bien quant à l'exactitude avec laquelle l'heure a été prise aux deux endroits, qu'en ce qui concerne l'exactitude de l'observation ; et, d'un autre côté, si le sujet et l'agent se trouvent dans le même endroit, nous pouvons toujours nous demander si, le fantôme observé n'a pas été une simple hallucination subjective. C'est ainsi que, nous avons plusieurs récits de cris perçants, entendus par des veilleurs de personnes mourantes, immédiatement après la mort apparente ou, d'une sorte de luminosité observée autour d'un mort ; mais, tout ceci s'est produit à un moment très favorable aux hallucinations subjectives et, si les phénomènes en question n'ont affecté qu'un seul sujet, il est difficile de leur attribuer une grande valeur. Là où le phénomène semble frapper plusieurs sujets, il peut très bien s'agir d'une transmission de pensée entre les esprits de ces sujets que, le phénomène lui-même soit, ou non, produit par la personne décédée.
Il existe quelques autres circonstances aussi, dans lesquelles, malgré que le fait de la mort soit déjà connu, une hallucination survenant peu de temps après, peut avoir une certaine valeur objective. C'est ainsi que, nous connaissons le cas d'une dame qui savait sa soeur morte depuis plusieurs heures et qui, sans se trouver elle-même dans un état d'excitation morbide, crut voir entrer quelqu'un dans sa salle à manger, ouvrant et fermant la porte derrière lui. Elle fut très étonnée de ne voir personne dans la pièce et, ce n'est que quelque temps après qu'elle pensa qu'il pouvait y avoir un rapport entre l'apparition et la perte qu'elle venait d'éprouver. Ceci nous rappelle le cas d'un M. Hil qui a vu pénétrer dans sa chambre, une figure de haute taille qui, après l'avoir effrayé et surpris disparut, avant qu'il ait eu le temps de la reconnaître. Or, un de ses oncles, un homme de grande taille était mourant à ce moment-là et, il est à remarquer que, quoique M. Hill sût son oncle malade, l'anxiété qu'il en éprouvait n'était pas suffisante pour donner naissance à cette apparition, non reconnue, et effrayante.
Il existe encore des cas où, le sujet ayant vu l'apparition d'un ami peu de temps après la mort de ce dernier, a eu d'autres hallucinations véridiques et jamais, aucune hallucination subjective. Les sujets de cette catégorie ont, naturellement, pu supposer que l'apparition de l'ami décédé avait le même caractère véridique que les hallucinations antérieures, quoique la chose ne fût pas évidente en elle-même, le fait de la mort ayant été connu au moment de l'apparition.
Les cas où, le fait de la mort était inconnu du sujet sont, évidemment, beaucoup plus démonstratifs et, communiquent à l'apparition, un degré de véridicité beaucoup plus grand. Un M. Farler vit, deux fois en l'espace d'une nuit, le fantôme ruisselant d'un de ses amis qui, ainsi qu'il l'a appris plus tard, s'était noyé la veille. La première apparition s'était produite quelques heures après la mort, ce qui peut s’expliquer par ce fait que, l'impression était restée latente jusqu'au moment favorable à sa manifestation, c'est-à-dire le calme et le silence de la nuit. La seconde apparition peut avoir été une recrudescence de la première ; mais, si la théorie de la latence doit être écartée, de façon à faire dépendre la première apparition (en tant qu'il ne s'agit pas d'une simple coïncidence fortuite) d'une certaine énergie déployée par la personne décédée après sa mort, on est autorisé à considérer la seconde apparition comme étant, également, véridique. La même figure a été revue 15 jours plus tard, dans son costume ordinaire, ne portant aucune trace de l'accident. On trouvera dans Phantasms of the Living beaucoup d'autres cas de ces apparitions répétées, s'étant produites alors que, le fait de la mort n'était pas connu.
Dans d'autres cas, l'apparition est unique et survient quelques heures après la mort. Voyons l'application qu'on peut faire, de l'hypothèse de la latence, aux cas de ce genre. Là où il n'y a pas d'hallucination proprement dite mais, un sentiment unique de malaise et d'angoisse survenant quelques heures après la mort d'un ami éloigné, comme dans le cas de M. Wilson[8], il nous est difficile de nous rendre compte de ce qui se passe. Quelque secousse communiquée au cerveau du sujet, au moment de la mort de l'agent, peut s'être manifestée lentement à la conscience. Le délai peut être dû, alors, à des causes plutôt physiologiques que psychiques.
Dans les observations où, une hallucination auditive ou visuelle nette survient au milieu de la nuit, quelques heures après la mort, nous pouvons admettre l'hypothèse d'une impression télépathique reçue pendant le jour et, restée latente jusqu'à la disparition d'autres excitations, s'étant ensuite extériorisée sous forme d'une hallucination après le premier sommeil de même que, nous sommes réveillés de notre premier sommeil par quelque fait susceptible d'exciter en nous de l'intérêt ou de l'angoisse et qui, oublié pendant le jour, envahit tout à coup notre conscience avec une force et une netteté remarquables. Dans le cas de Mme Teale, au contraire[9], l'hallucination survint 8 heures, environ, après la mort alors que, cette dame était assise, toute éveillée, au milieu de sa famille. Dans d'autres cas, il s'agit d'une véritable « clairvoyance télépathique », d'une image transmise par l'esprit du décédé mais, transmise après la mort car, nous assistons à une vision d'un accident et de ses conséquences, beaucoup plus complète que, celle qui a pu traverser l'esprit du mourant, au moment-même de sa mort. Les cas de ce genre nous font penser que, l'esprit du décédé continue d'être attaché aux choses terrestres et qu'il est capable de faire partager au sujet, les images qui le préoccupent lui-même. Tel le cas de ce médecin bien connu de Londres, mort à l'étranger, dans un hôpital de campagne et qui apparut à une dame, dix heures environ après sa mort, couché dans une chambre pauvre et nue.
On voit que, ces phénomènes ne sont pas suffisamment simples pour que nous puissions les considérer au point de vue du temps, seulement, qui les sépare de la mort. Ce qu'on appelle « un esprit » constitue, probablement, un des phénomènes les plus complexes dans la nature. Il constitue la fonction de deux facteurs variables et inconnus : la sensibilité de l'esprit incarné et, la faculté que possède l'esprit désincarné de se manifester lui-même. Notre essai d'étudier cette action réciproque doit donc commencer par l'un ou l'autre de ces deux facteurs, par le sujet ou par l'agent. Nous aurons à nous demander :
            a) comment l'esprit incarné reçoit-il le message ?
            b) comment l'esprit désincarné le produit-il et le transmet-il ?
C'est en approfondissant la première de ces deux questions, que nous avons les plus grandes chances d'obtenir une certaine lumière. Tant que nous considérons les esprits incarnés, nous nous trouvons jusqu'à une certaine mesure, tout au moins, sur un terrain connu et, nous pouvons espérer trouver dans d'autres opérations de l'esprit, des analogies qui nous permettent de comprendre ces opérations, peut-être, les plus complexes qui consistent dans le fait de prendre connaissance de messages venant d'esprits désincarnés et d'un monde invisible. Je crois donc que, « le moyen le plus sûr, quoique le plus détourné », comme aurait dit Bacon, de comprendre ces phénomènes subits et étonnants consiste dans l'étude de phénomènes mentaux, moins rares, pouvant être observés plus aisément, de même que, « le moyen le plus sûr, quoique le plus détourné » d'étudier les astres inaccessibles, avait consisté dans l'étude des spectres d'incandescence de substances terrestres qui se trouvent sous nos pieds. J'espère que l'étude des différentes formes de conscience subliminale, de facultés subliminales, de perception subliminale nous permettra d'obtenir, finalement, en ce qui concerne notre être et notre mode de fonctionnement, une conception qui prouvera que, la perception par des esprits incarnés de messages ayant leur origine dans des esprits désincarnés, loin de constituer une anomalie isolée, résulte plutôt, de l'exercice de facultés ordinaires et innées.
C'est par leur côté humain et terrestre que je voudrais, autant que possible, commencer l'étude de tous nos cas. S'il nous était possible, non seulement de partager mais encore, d'interpréter les sentiments subjectifs des sujets, si nous pouvions les comparer à d'autres sentiments provoqués par des visions ordinaires, par la télépathie parmi les vivants ; nous obtiendrions une connaissance beaucoup plus intime de ce qui arrive que, celle que peut nous fournir l'observation extérieure des détails d'une apparition. Mais, une pareille étude systématique n'est guère possible pour le moment, tandis qu'il est relativement facile de ranger tout l'ensemble de nos cas en plusieurs séries, selon leurs caractères et détails extérieurs, en commençant par ceux qui manifestent la connaissance la plus profonde et un but défini, pour finir par ceux où, les indices d'une intelligence quelconque deviennent de plus en plus rares et faibles, jusqu'à se résoudre en sons et visions vagues, sans signification appréciable.
Nous possédons peu de cas d'apparitions témoignant que, l'esprit possède une connaissance continue de ce qui arrive à ses amis survivants. Les témoignages de ce genre sont naturellement fournis, le plus souvent, par l'écriture ou la parole automatique. Mais, dans le cas Palladia, relaté par M. Mamtchitch et publié dans le Rapport de la Commission des Hallucinations, paru dans Proceedings[10], il s'agit d'un esprit à apparitions répétées, jouant le rôle d'un ange gardien et prévoyant et, s'intéressant plus  particulièrement au futur mariage du survivant.
Plus fréquents sont les cas où, une apparition unique, non répétée, indique une connaissance continue des affaires terrestres. Cette connaissance se manifeste, principalement, dans deux directions. Elle porte souvent sur quelque circonstance en rapport avec la mort-même de la personne décédée, avec l'apparence de son corps après la dissolution ou, avec le lieu de son dépôt temporaire ou de son inhumation définitive. Et, d'un autre côté, elle porte sur la mort imminente ou réelle d'un ami de la personne décédée. Je considère, notamment, qu'une certaine portion de la conscience posthume peut, pendant quelque temps, être occupée par des scènes terrestres. Et, d'un autre côté, lorsqu'un ami survivant s'approche graduellement vers le même état de dissolution, ce fait peut être perceptible dans le monde spirituel. Lorsque cet ami est réellement mort, la connaissance que son prédécesseur peut avoir eue de cette transition, est une connaissance des événements de l'autre monde, aussi bien que de celui-ci.
A côté de ces informations acquises, peut-être, à la limite entre les deux états, il y a des apparitions qui impliquent une perception d'événements terrestres plus déterminés tels que, crises morales, (mariages, querelles graves, menaces de crimes) survenant à des amis survivants.
Dans quelques-uns des cas où, l'esprit semble avoir connaissance de la mort imminente d'un ami, cette connaissance anticipée ne ressemble, en rien, à notre prévoyance mortelle. Je ne m'occuperai de ces cas que dans un chapitre ultérieur où viendra en discussion, la question-même des limites de la pré-connaissance spirituelle. Mais, dans d'autres cas, le degré de pré-connaissance ne paraît pas supérieur à celui de spectateurs ordinaires et, dans celui que je vais résumer en premier lieu, la mort, quoique n'ayant pas été prévue par la famille, aurait pu l'être par un médecin qui aurait examiné la personne dont il s'agit. M. G..., voyageur de commerce, homme très positif, eut un matin la vision d'une de ses sœurs, morte depuis 9 ans. Lorsqu'il raconta le fait à sa famille, il ne fut écouté qu'avec incrédulité et scepticisme. Mais, en décrivant la vision telle qu'elle lui était apparue, il mentionna l'existence, sur le côté droit de la face, d'une égratignure qui était rouge comme si elle venait d'être faite. Ce détail frappa tellement sa mère qu'elle tomba évanouie. Lorsqu'elle eut repris connaissance, elle raconta que c'est elle qui avait fait cette égratignure à sa fille, au moment-même de la mise en bière ; qu'elle l'avait ensuite dissimulée en la couvrant de poudre, de sorte que personne au monde n'était au courant de ce détail. Le fait  qu'il a été aperçu par son fils était donc, une preuve incontestable de la véridicité de sa vision et elle y vit, en même temps, l'annonce de sa mort prochaine qui survint, en effet, quelques semaines plus tard.
Il est impossible d'interpréter ce cas autrement, qu'en y voyant la perception par l'esprit, de la mort imminente de sa mère.
Nous avons ensuite un petit groupe de cas dont le principal intérêt consiste en ceci qu'ils servent, pour ainsi dire, de trait d'union entre les cas cités tout à l'heure et où les esprits ont une connaissance anticipée de la mort d'un ami et, ceux dont nous allons nous occuper où l'esprit paraît saluer un ami ayant déjà quitté la terre. Ce groupe forme, en même temps, une extension naturelle de la clairvoyance des morts, illustrée par quelques cas de « réciprocité[11] » De même que, la séparation imminente de l'esprit et du corps permet à l'esprit de projeter son fantôme parmi les esprits incarnés se trouvant à une certaine distance sur la terre, de même ici, la même séparation imminente permet à la personne mourante de voir des esprits habitant déjà l'autre monde. Il n'est pas rare d'entendre des personnes mourantes dire ou, indiquer autrement, qu'elles voient des esprits amis tout près d'elles. Mais, les visions de ce genre n'ont de valeur, qu'en tant que la personne mourante ne sait pas que l'ami dont elle voit l'esprit a déjà quitté ou, est sur le point de quitter la terre. De ce groupe, nous passons, insensiblement, à celui où les esprits désincarnés manifestent la connaissance qu'ils ont de la mort d'un de leurs amis ou parents. Cette manifestation se produit rarement dans ce monde-ci et affecte différentes formes, depuis la manifestation de sympathie jusqu'à la simple présence silencieuse.
Un soir, entre onze heures et minuit, alors qu'elle était tout à fait éveillée, Mme Lucy Dadson s'entendit appeler trois fois par son nom et vit, aussitôt, la figure de sa mère, morte depuis seize ans, portant deux enfants sur les bras qu'elle lui tendit, en disant : « Prenez soin d'eux, car ils viennent de perdre leur mère. » Le surlendemain, Mme Dadson apprend que sa belle-soeur était morte des suites de couches, trois semaines après avoir donné naissance à un enfant qui était son deuxième. Il est à remarquer que, les deux enfants que Mme Dadson avait vus sur les bras de sa mère lui parurent, en effet, avoir l'âge des deux enfants de sa belle-soeur et, qu'elle ne savait rien, ni de l'accouchement de celle-ci, ni de la naissance du dernier enfant[12].
J'arrive, maintenant, à un groupe considérable de cas où, l'esprit désincarné manifeste une connaissance précise de quelques faits en rapport avec sa vie terrestre, avec sa mort ou d'événements ultérieurs en rapport avec la mort ; la connaissance de ces événements ultérieurs, telle que la propagation de la nouvelle de sa mort ou, ayant trait au lieu de son inhumation, est d'un caractère plus achevé que la simple remémoration des faits qu'il avait connus pendant la vie. Mais, tous les degrés de connaissance se tiennent et leur connexion sera mieux mise en lumière, si l'on commence par le degré le plus bas, par la simple mémoire terrestre.
Dans le cas suivant, l'information communiquée par une vision s'était montrée précise, exacte et très importante pour les survivants : un homme est trouvé mort dans un endroit assez éloigné de son domicile ; ses vêtements, qui étaient couverts de boue, ont été remplacés par d'autres plus propres et jetés au fond d'une cour. Dès que la nouvelle de sa mort fut parvenue dans sa maison, une de ses filles tomba évanouie et, quand elle eut repris connaissance, elle dit qu'elle venait de voir son père portant des vêtements qui n'étaient pas les siens et dont elle donna une description exacte en ajoutant que, son père lui révéla, en même temps, qu'après avoir quitté la maison, il avait cousu dans une de ses poches une certaine somme d'argent et, que le vêtement renfermant cet argent fut jeté avec les autres. Vérification faite, on s'assura que la description qu'elle donna des nouveaux vêtements de son père était, en tous points, exacte et, une certaine somme d'argent fut, en effet, trouvée cousue dans le vêtement qu'elle avait désigné. Le fantôme lui a donc communiqué deux faits, dont un n'était connu que de quelques étrangers et l'autre, de lui seul. On voudrait être mieux renseigné sur l'état de la fille, au moment où elle a reçu ce message car, il semble s'agir, ici, d'une extase plutôt que d'un rêve.
On peut rapprocher de ce cas, celui du baron von Driesen qui, neuf jours après la mort de son beau-père avec lequel, il avait eu autrefois des discussions, vit l'apparition de celui-ci, qui était venu lui demander pardon des torts qu'il a pu avoir envers lui. La même apparition a été vue, au même moment, par le prêtre du village qu'habitaient M. von Driesen et son beau-père et, le but de cette apparition était, de solliciter le prêtre d'opérer la réconciliation entre le gendre et le beau-père.
Nous voyons, dans ces deux cas, des esprits occupés après leur mort, de devoirs et d'engagements, grands ou petits, qu'ils avaient assumés pendant la vie. Des liens de ce genre semblent favoriser ou, faciliter l'action des esprits sur les survivants. Pouvons-nous créer de ces liens, de façon à permettre aux âmes qui le désirent d'apparaître, de se manifester ? Il me semble que la chose est possible, jusqu'à certain point. Quand nous avons commencé à réunir notre collection, Edmond Gurney a été frappé du nombre très grand de cas où, le sujet nous informait qu'il s'était produit, entre lui et la personne décédée, un engagement en vertu duquel, celui qui mourrait le premier apparaîtrait à l'autre.  « Considérant, ajoute-t-il, le petit nombre de personnes qui prennent cet engagement, par rapport à celles qui ne le prennent pas, il est difficile de résister à la conclusion que, le fait d'avoir pris un engagement de ce genre possède une certaine efficacité. »
Or, sur les douze cas de cette catégorie cités dans Phantasms of the Living, nous en avons trois où, le fantôme était apparu à un moment où l'agent était encore en vie ; dans la plupart des autres, la détermination exacte du temps n'a pu être faite et, à propos de quelques-uns seulement, on sait avec certitude que, c'est bien après la mort de l'agent que son fantôme était apparu. Il en résulte que, l'existence d'une promesse ou d'un engagement peut agir efficacement, aussi bien sur le moi subliminal avant la mort que, (très probablement) sur l'esprit après la mort.
Cette conclusion est confirmée par d'autres cas dont, nous ne citerons ici, que deux. Dans le premier, il s'agit de l'accomplissement, par la personne décédée, d'un engagement immédiat. C'est le cas de M. Edwin Russel qui tenait la partie de basse dans le choeur de l'église Saint-Luc à San Francisco et, qui tomba un vendredi dans la rue, frappé d'une attaque d'apoplexie. Trois heures après sa mort, M. Reeves, le maître de chapelle, qui ne savait rien de ce qui était arrivé à sa basse et, qui était en train de choisir un Te Deum pour le dimanche suivant, vit le fantôme de M. Russel qui lui était apparu, tenant une main sur le front et lui tendant de l'autre, un rouleau de musique. L'apparition dura quelques secondes à peine, laissant M. Reeves effrayé et bouleversé. Ce n'est que plus tard, qu'il apprit la mort de M. Russel ; celui-ci devait, en effet, venir le lendemain chez son maître de chapelle, en vertu d'une promesse qu'il lui en avait faite quelques jours auparavant. Homme dévoué, sa dernière pensée aura été qu'il ne pourrait pas venir au rendez-vous e c'est probablement dans l'intention d'offrir sa démission de membre de la maîtrise,  en alléguant son mal de tête, qu'il s'était présenté chez M. Reeves[13].
Dans un autre cas, plus remarquable encore, un individu atteint de tuberculose avait échangé, avec une jeune fille dont il venait de faire la connaissance dans une station hivernale, la promesse que celui qui mourrait le premier apparaîtrait à l'autre « de façon à ne pas l'effrayer désagréablement ». Plus d'un an après il apparut, en effet, non pas à la jeune fille en question mais, à sa soeur et cela, au moment où celle-ci montait dans sa voiture ; la jeune fille qui se trouvait également dans la voiture n'avait rien vu. Renseignements pris, l'apparition s'était produite deux jours avant la mort du sujet, alors que celui-ci était déjà à l'agonie[14].
Ce cas suggère la réflexion suivante : lorsqu'on a fait la promesse d'apparaître après la mort, l'apparition ne doit pas, nécessairement, être vue par celui-là même auquel la promesse a été faite mais, par la première personne de son entourage, qui est la plus susceptible d'être impressionnée. Je passe maintenant aux cas où, la connaissance manifestée par les esprits se rapporte à l'aspect de leur corps après la mort ou, aux scènes au milieu desquelles il se trouve déposé temporairement ou, inhumé définitivement. Cette connaissance peut paraître vulgaire, indigne d'esprits transportés dans un monde supérieur. Mais il s'agit, le plus souvent, d'une confusion d'idées suivant une mort subite ou violente, rompant brusquement des affections profondes. Les cas de ce genre sont nombreux mais, je ne citerai que le suivant
M. D..., riche industriel, avait à son service un nommé Robert Mackenzie, qu'il avait littéralement tiré de misère et, qui en éprouvait pour son patron, une reconnaissance et une fidélité sans bornes. Un jour que M. D... se trouvait à Londres, il eut l'apparition de son  employé, (qui était attaché à la succursale de Glasgow) lequel était venu le supplier de ne pas croire à ce dont il allait être accusé. Et, l'apparition s'évanouit sans que M. D... eût été renseigné davantage sur le genre d'accusation qui pesait sur Robert. Il n'eut pas le temps de revenir de sa stupéfaction lorsque, Mme D... entra dans la pièce tenant une lettre à la main et, disant à son mari qu'elle venait de recevoir la nouvelle du suicide de Robert. C'était donc l'accusation qui pesait sur ce dernier et, jusqu’à nouvel ordre, M. D... était décidé à n'y pas croire. En effet, le courrier suivant lui apporta une lettre de son régisseur lui disant que, Robert s'était non pas suicidé comme on l'avait cru tout d'abord mais, empoisonné en avalant un flacon d'acide sulfurique qu'il avait pris pour de l'eau-de-vie. Après avoir, ensuite, consulté un dictionnaire de médecine, M. D... n'eut pas de peine à se rappeler que, l'aspect de l'apparition répondait exactement à celui décrit par ce dictionnaire, comme s'observant chez les individus empoisonnés par l'acide sulfurique[15].
Dans le cas de Mme Green, nous nous trouvons en face d'un problème intéressant. Deux femmes se noient dans des circonstances particulières. Un ami a, apparemment, une vision clairvoyante de la scène, non au moment où elle s'était passée mais, quelques heures plus tard, en même temps qu'une autre personne, portant le plus grand intérêt au sort des deux victimes, apprend l'événement. On peut donc supposer que la scène, clairvoyante en apparence, a été communiquée télépathiquement au premier sujet par un autre esprit vivant. Je pense, cependant, que la nature de la vision, aussi bien que, certaines analogies que nous ferons ressortir plus tard, au cours de notre exposé, rendent probable une conception différente, impliquant l'action simultanée des morts et des vivants. Je suppose, qu'un courant d'action peut partir d'une personne décédée mais, ne devient suffisamment puissant pour être perceptible au sujet que, lorsqu'il est renforcé par un courant d'émotion ayant pour point de départ, un esprit vivant.
Ce n'est qu'à la suite d'une accumulation progressive de faits que, j'en étais arrivé à croire que la supposition bizarre, attribuant aux esprits désincarnés la faculté de connaître le moment où la nouvelle de leur mort parvient à leurs amis, n'est pas tout à fait dépourvue de réalité. La possibilité, pour l'ami, de deviner par clairvoyance l'existence, dans sa proximité, d'une lettre annonçant cette mort, rend la preuve de cette connaissance assez difficile. Ainsi qu'il a été montré dans Phantasms of the Living, il peut s'agir d'un phénomène de clairvoyance, même dans les cas où la lettre ne présente, en elle-même, aucune importance. Existerait-il une action réciproque entre la sphère de connaissance de l'esprit vivant et celle de l'esprit désincarné de sorte que, l'intuition de l'un est, dans une certaine mesure, renforcée par celle de l'autre ?
Voici un exemple assez difficile mais typique de coïncidence, entre une apparition et l'arrivée de la nouvelle de la mort.
M. Tandy en visite chez un de ses amis, emporte chez lui un journal, encore entouré de sa bande et, pris au hasard, parmi ceux qui venaient d'arriver. Il rentre chez lui le soir, allume une bougie et se met à chercher dans sa bibliothèque, un livre dont il a besoin. Se retournant, par hasard, du côté de la fenêtre qui fait face à la bibliothèque, il aperçoit la figure d'un ancien ami qu'il n'a pas revu depuis plus de dix ans. Il s'approche de la fenêtre mais, la figure a disparu. Un peu plus tard, il ouvre son journal et, la première nouvelle qui lui tombe sous les yeux est l'annonce de la mort de l'ami en question[16].
Cet incident, pris isolément et, sans connexion apparente avec d'autres formes d'action manifestées par les morts, apparaît presque comme trop bizarre pour être inclus dans un groupe plus ou moins cohérent. Mais, sa compréhension nous est facilitée par certains autres cas où, le sujet éprouve une sensation de dépression inexplicable au moment de la mort de son ami survenant à distance, sensation qui persiste jusqu'à l'arrivée de la nouvelle quand, au lieu de devenir plus intense, elle s'évanouit subitement. Dans un ou deux cas de ce genre, l'apparition avait persisté jusqu'à l'arrivée de la nouvelle, pour se dissiper ensuite. Et, d'un autre côté, l'apparition semble, souvent, préparer l'esprit du sujet au choc qui l'attend. On peut en conclure que, dans les cas en question, l'attention de l'esprit est concentrée, d'une façon plus ou moins continue sur le survivant, jusqu'à ce que celui-ci reçoive la nouvelle. Ceci ne nous explique pas comment l'esprit apprend que la nouvelle est arrivée ; mais, dans cette hypothèse, la connaissance de ce genre nous apparaît comme moins bizarre et, moins isolée.
Et ici, je citerai un cas qui s'écarte tellement des types admis, qu'on serait tenté de le passer sous silence, comme incompréhensiblement absurde. Mais, on ne tardera pas à s'assurer qu'il a sa place toute marquée dans le groupe dont nous nous occupons en ce moment.
Il s'agit de deux jeunes filles, deux soeurs qui, après avoir veillé leur mère qui venait de mourir, se sont retirées dans leur chambre pour se reposer des émotions qu'elles venaient d'éprouver. Il était dix heures, environ, du soir. Tout d'un coup, elles entendent la voix de leur frère qui se trouve, à ce moment-là, dans un endroit distant de 700 kilomètres du lieu de leur résidence, chanter un duo avec une voix de soprano, avec l'accompagnement d'un harmonium. Elles ont pu distinguer nettement, non seulement la musique mais même, les paroles du chant. Elles apprirent plus tard que, ce soir-là, leur frère avait, en effet, prêté son concours à un concert de société et, qu'il avait réellement chanté avec un soprano, le morceau dont ses soeurs avaient entendu la musique et les paroles. Elles apprirent encore que, le télégramme qu'elles avaient envoyé à leur frère pour lui annoncer la mort de leur mère était arrivé, avant le commencement du concert et, ne lui avait été remis, exprès, qu'après qu'il eut fini son morceau[17].
Il est impossible d'expliquer ce cas autrement qu'en supposant que, c'est l'esprit de la mère qui s'était chargé de faire part à ses filles, qu'un retard était survenu dans la transmission de leur télégramme et, de leur montrer, indirectement, la cause de ce retard. Nous pourrions multiplier les cas où les apparitions présentent différents degrés de connaissance et de mémoire. Mais, nous préférons aborder un type plus commun où, l'apparition est impuissante à communiquer un message plus défini que celui qui est, d'ailleurs, le plus important de tous et qui concerne la persistance de sa vie et de son amour. Ces cas peuvent, cependant, être divisés en plusieurs catégories. Mais, chaque apparition, même momentanée, est un phénomène plus complexe que nous ne croyons. Nous devons donc, chercher quelques larges lignes de démarcation, de façon à obtenir des séries qui embrassent un grand nombre de propriétés différentes, tout en continuant, dans une certaine mesure, les séries que nous avions suivies jusqu'ici.
On peut établir une première division en apparitions personnelles et, apparitions locales ; les premières étant destinées à frapper l'esprit de certains survivants ; les secondes, attachées à des endroits déterminés, souvent, il est vrai, ayant aussi pour but, d'impressionner les survivants mais, susceptibles de dégénérer et de se résoudre en sons et visions, qui semblent exclure un but et une intelligence quelconques.
Considérons donc ces propriétés, sans nous attendre à ce que, nos séries présentent une simplicité logique car, il arrivera souvent que les caractères personnel et local seront confondus, comme dans les cas où le sujet recherché par l'apparition, habite une maison connue, familiale. Mais dans quelques cas, comme dans celui de l’égratignure rouge (voir plus haut) ou, celui de la comtesse Kapnist (voir plus haut), l'apparition se produit dans un milieu étranger et inconnu à la personne décédée. Ce sont les manifestations d'une forme supérieure et mieux développée qui s'observent dans les cas de ce genre. Parmi les apparitions plus brèves et moins développées, ces fréquentations, par les fantômes, de milieux inconnus, sont relativement rares. Dans les cas de cette catégorie ainsi que dans ceux où, l'apparition atteint le sujet en pleine mer, il n'y a que la personnalité du sujet qui soit capable de guider l'apparition dans ses recherches. Dans le cas de M. Keulemann[18], on voit son fils lui apparaître deux fois : au moment de la mort et après la mort ; on dirait que, la première fois, le fils avait cherché le père dans un milieu connu, la seconde fois, dans un milieu inconnu. Il existe encore des cas auditifs où, la parole fantomale se produit en des endroits que la personne décédée n'avait pas connus.
Un des caractères particulièrement, intéressants des apparitions est, leur collectivité occasionnelle, c'est-à-dire le fait que, plusieurs personnes peuvent simultanément voir une figure ou, entendre une voix fantomale. Ce n'est pas dans les cas supérieurs mais, dans ceux de simple hantise que la figure est vue, simultanément ou successivement, par plusieurs personnes. Je ne sais comment expliquer cette tendance apparente, à moins d'admettre que les esprits « familiers » sont plus « attachés à la terre » et pour ainsi dire, plus rapprochés de la matière que les autres. Mais, les exemples de collectivité abondent dans tous les groupes d'apparitions ; et, l'apparence irrégulière d'un caractère qui nous paraît aussi fondamental nous montre, précisément, à quel point peut varier le mécanisme interne, dans des cas qui nous semblent composés sur le même modèle.
J'aborde un groupe de cas, à la fois personnels et locaux quoique, avec prédominance de l'élément personnel. J'en citerai le suivant :
Il s'agit d'un M. Town dont l'apparition, sous forme d'un médaillon de grandeur naturelle, réfléchi sur la surface polie d'une armoire, a été vue un soir, six semaines après sa mort, dans une chambre éclairée au gaz et cela, simultanément par six personnes dont, ses deux filles, sa femme et trois domestiques et, de telle façon que, chacune de ces personnes avait aperçu l'apparition, indépendamment des autres, ce qui exclue toute possibilité de suggestion[19].
A côté de ce cas collectif où, l'apparition a été vue par la famille et les domestiques du défunt, dans sa propre maison, nous pourrions en citer beaucoup d'autres où, l'apparition n'a été vue que par une seule personne à la fois et où, l'élément personnel et l'élément local s'entremêlent dans des proportions variées. Tel est, par exemple, le cas du petit Gore Booth[20] qui vit, au bas d'un escalier de service qui faisait communiquer la maison avec la cuisine et, au seuil de celle-ci, c'est-à-dire dans un endroit où le défunt avait, pour ainsi dire, l'habitude de se tenir, un ancien domestique de la maison parti depuis quelque temps et, qu'il savait malade. Renseignements pris, l'apparition s'était produite deux heures après la mort du domestique en question et alors que, personne dans la maison, pas plus Gore Booth que les autres, n'était encore au courant de cet événement. Il faut ajouter que, la soeur de Gore Booth, qui avait accompagné son frère à la cuisine, n'a rien vu. Il est possible qu'il s'agisse, ici, d'une influence transmise par l'esprit du défunt à l'esprit du vivant et, qui ne s'est manifestée que, lorsque ce dernier se fut trouvé dans un endroit où le souvenir du décédé pouvait être évoqué facilement.
On peut rapprocher de ce cas, celui de Mme de Fréville[21], femme un peu excentrique qui aimait à fréquenter le cimetière et à rôder autour de la tombe de son mari et, qui a été aperçue, un soir, par un jardinier qui traversait le cimetière et cela, ainsi que la chose fut élucidée plus tard, 7 ou 8 heures après la mort de cette dame.
Il est de toute évidence que, cette dame ne pouvait, en aucune façon, avoir le désir d'apparaître au jardinier en question. Nous nous trouvons, plutôt, en présence d'un cas de hantise élémentaire, d'un commencement de ces réapparitions sans but et sans conscience, dans des endroits familiers, qui persistent souvent, pendant des années après la mort. Un cas, assez analogue, est celui du colonel Crealock[22] où, un soldat a été aperçu par son supérieur, quelques heures après sa mort, roulant et emportant son lit.
C'est en insistant sur ces cas intermédiaires aux apparitions porteuses de messages et aux hantises sans but que, nous arriverons, le plus facilement, à comprendre les hantises typiques qui, tout en constituant jusqu'à un certain point, un des phénomènes les plus populaires parmi ceux qui nous occupent, satisfont très difficilement l'observateur. C'est qu'il existe une tendance à trouver un rapport quelconque entre l'histoire de la maison hantée d'un côté et, les visions et sons vagues et souvent, variés, qui troublent et terrifient ses habitants vivants, d'un autre côté. Or nous devons, autant que possible, nous affranchir de cette idée d'après laquelle, un grand crime ou une grande catastrophe serait, dans tous les cas, la cause principale d'une hantise de ce genre. Tous les cas que nous connaissons sont de nature à infirmer cette idée. Il s'agit, presque toujours, d'une apparition vue par un étranger, quelques mois après la mort, sans raison apparente pour que l'apparition se produise à tel moment précis, plutôt qu'à un autre.
Je considère que, l'action continue de l'esprit désincarné constitue, le principal élément déterminant de ces apparitions. Mais, elle n'est pas le seul élément, en tant que les pensées et les émotions des personnes vivantes interviennent, souvent, dans une grande mesure, pour aider ou conditionner l'action indépendante des esprits. Je crois même qu'il est possible que, la fixation intense de mon esprit, par exemple, sur l'esprit d'une personne décédée, soit capable d'aider ce dernier à se manifester, à un moment donné, pas même à moi mais, à une personne plus sensible que moi.
Il existe, encore, un autre élément qui joue un certain rôle dans ces groupes d'apparitions vagues, ce rôle étant plus difficile à déterminer que, celui de l’action possible des esprits incarnés. Je parle des résultats possibles de l'activité mentale passée qui, d'après ce que nous savons, peuvent persister d'une façon, en quelque sorte perceptible, sans être renforcés de même que, persistent les résultats de l'ancienne activité corporelle. Cette question nous conduit à une autre plus vaste, celle de la connaissance posthume et des rapports entre les phénomènes psychiques et, le temps en général, que nous ne pouvons traiter dans ce chapitre. Nous tenions seulement à rappeler que, de telles possibilités existent et, qu'elles nous fournissent l'explication de certains phénomènes dans lesquels, des manifestations récentes de l'intelligence entrent, pour une part minime, comme par exemple, dans les prétendus cas de persistance, pendant des années, dans telle maison ou dans telle pièce, de sons n'ayant aucune signification.
Dans certains cas, cependant très peu nombreux il est vrai où, des sons de source inconnue sont entendus soit avant, soit après la mort d'une personne, il est permis de supposer qu'il s'agit de sons de bienvenue, analogues aux apparitions de bienvenue dont nous avons déjà parlé, autrement dit, d'une véritable manifestation de la personnalité. Les sons en question peuvent être non articulés et affecter la forme de bruits musicaux ou, imiter ceux que la personne décédée avait la coutume de produire (dans l'exercice de sa profession par exemple).
Mais, en excluant tous ces cas (assez singuliers en eux-mêmes) dont, la principale caractéristique consiste dans la production de sons non articulés, nous nous trouvons en présence de faits de hantise où, plusieurs personnes ont vu, dans la même maison, indépendamment l'une de l'autre, des figures fantomales qui, très souvent, quoique non toujours, ressemblaient les unes aux autres. Ces faits sont bien prouvés et incontestables mais, leur interprétation présente de grandes difficultés. Plusieurs hypothèses ont été formulées à ce sujet ; quant à moi, je considère que, lorsque le même fantôme est discerné par plus d'une personne à la fois, il s'agit d'une modification, dans cette portion de l'espace où le fantôme est perçu, sans que la matière, elle même qui occupe cet espace, ait subi une modification quelconque. Il ne peut donc pas être question d'une perception optique ou acoustique, de rayons de lumière réfléchis ou d'ondes sonores mis en mouvement ; mais, d'une forme inconnue de perception supra-normale qui n'agit pas, nécessairement, par les organes des sens terminaux. Je suis, en outre, porté à voir une certaine analogie entre ces récits de hantises et les fantômes de vivants que j'ai désignés sous le nom de psychorrhagiques. Il me semble qu'il se produit, dans chaque cas, un dégagement involontaire d'un élément de l'esprit, indépendamment du principal centre de la conscience. Ces  « hantises par les vivants », si l'on peut les appeler ainsi, où, par exemple, un homme est aperçu sous forme de fantôme se tenant devant sa cheminée sont, peut-être, susceptibles de se renouveler plus facilement  après que l'esprit s'est séparé du corps. Quant à la question du rôle que certaines maisons jouent dans la production d'apparitions, elle fait partie de la question  plus vaste  de la connaissance posthume ; autrement dit, nous n'avons pas affaire, ici, à des propriétés spéciales à ces maisons mais, à une branche du grand problème des rapports qui existent entre les phénomènes supra-normaux et le temps. Les manifestations qui se produisent dans les maisons hantées dépendent, pour ainsi dire,  d'un événement ancien. Quel est le genre de dépendance dans ce cas ? Ces manifestations sont-elles une conséquence ou un simple résidu ? S'agit-il d'une opération actuelle ou, seulement, d'une perception actuelle d'un événement déjà accompli ? Pouvons nous, dans les cas de ce genre, établir une distinction réelle entre une action continue et, une perception continue d'une action passée ? Il me semble qu'il existe une analogie étroite, quoique non évidente à première vue, entre ces phénomènes de hantise, ces sons et ces visions persistants et, certains phénomènes de cristalloscopie et d'écriture automatique qui, eux aussi, dépendent d'événements depuis longtemps accomplis, dont ils sont soit la conséquence, soit le résidu. Il existe des cas où, le rapport entre l'apparition de hantise et une personne depuis longtemps décédée paraît certain et d'autres où, il devient de moins en moins évident, jusqu'à ce qu'on ne se trouve plus en présence, que de scènes fantasmagoriques, qu'il est impossible d'attribuer à l'activité actuelle d'un esprit humain. Une vision, par exemple, comme celle d'une silhouette d'un animal fantasmagorique traversant un gué, si elle est vue, à la même place, par plusieurs observateurs indépendants, peut être considérée comme quelque chose de plus qu'une simple illusion subjective mais, la question de savoir ce que cette image signifie, en réalité, nous conduit à des théories concernant la permanence ou, la simultanéité de tous les phénomènes se déroulant au sein d'une âme universelle, située en dehors du temps.
Ces conceptions appartiennent aux plus élevées que notre esprit soit capable d'atteindre. Si nous pouvions les approcher de plus près, elles seraient de nature à influer très profondément sur l'idée même que nous avons de notre destinée éloignée. Il en sera peut-être ainsi un jour; pour le moment, nous devons nous contenter de jeter un simple coup d'oeil derrière le voile impénétrable qui était, jusqu'ici, tendu devant nos yeux. Il ne nous paraît ni nécessaire, ni même prudent de clore ce chapitre, sans ajouter quelques mots concernant le côté moral et esthétique du problème que nous y avons discuté. Celui qui se propose d'agir sur l'opinion et, de la pousser plus loin dans la voie de la vérité, doit commencer par se rendre compte de son état actuel. Or, ce que ce livre renferme de nouveau, est destiné à agir sur des préjugés d'un caractère moral aussi bien qu'intellectuel. Ce serait faire preuve de pédantisme que, de s'interdire de mentionner des questions d'ordre moral, lorsqu'on touche à des matières que la majorité de ceux qui pensent considèrent, plutôt, du point de vue moral que du point de vue scientifique. Lorsque des faits nouveaux, d'une importance aussi considérable, sont appelés à entrer profondément dans la conscience de notre race, ils doivent être cohérents et acceptables, aussi bien moralement qu'intellectuellement.
Nous discuterons la plupart des questions qui se rapportent à ce sujet dans notre chapitre final. Mais, un point se trouve, dès à présent, au-dessus de toute contestation et son importance est telle,  qu'il mérite qu'on y prête une certaine attention : c'est qu'il se dégage de tous les faits que nous avons cités, une conclusion qui, appliquée aux superstitions et aux terreurs humaines, constitue un dissolvant plus puissant que celui qu'aurait pu trouver un Lucrèce.
Dans toute cette longue série de récits, quelques complexes et bizarres que soient leurs détails, nous constatons que la nature de l'apparition varie, d'une certaine façon, selon son degré de netteté et son individualité. Des fantômes de revenants incohérents et inintelligents peuvent paraître inquiétants et d'un mauvais augure. Mais, à mesure qu'augmentent leur netteté, leur intelligence et leur individualité, ils deviennent des sources de joie et d'amour. Je ne me rappelle pas un seul cas authentique, de combinaison posthume d'intelligence et de méchanceté.
Lorsque nous nous occuperons de l'écriture automatique, nous aurons à nous demander d'où viennent les plaisanteries vulgaires et, les mystifications absurdes qui se trouvent associées aux phénomènes de ce genre. Nous aurons à agiter la question de savoir, s'il s'agit d'une sorte de rêve propre à l'automate lui-même. Aussi, ces mystifications et plaisanteries indiquent-elles l'existence d'intelligences désincarnées, du niveau de celle du chien ou du singe. Mais, d'un autre côté, toute cette vieille conception d'esprits méchants, de puissances malveillantes qui se trouve à la base du culte du diable et, de la plupart des terreurs surnaturelles et vagues, disparaît insensiblement de l'esprit, à mesure que nous étudions les faits que nous avons devant nous.
 Nos récits nous ont été communiqués par des hommes et des femmes représentant toutes les variétés de l'opinion moyenne et pourtant, tous ces récits convergent vers un seul but, qui est celui d'établir une différence profonde, entre le point de vue scientifique et le point de vue superstitieux, appliqués aux phénomènes spirituels. La terreur qui avait formé les théologies primitives se manifeste toujours chez le peuple, toutes les fois qu'on fait allusion à la possibilité de communication avec des âmes séparées des corps. Mais, la transformation de la terreur sauvage en curiosité scientifique constitue l'essence même de la civilisation. Tous nos faits tendent, incontestablement, à hâter cette transformation. Dans ce monde de l'esprit qui s'entrouvre pour nous je crois discerner, plutôt qu'une intensification, une désintégration de l'égoïsme, de la malveillance, de l'orgueil. Et n'est-ce pas le résultat naturel de l'évolution morale du monde ? Si l'homme égoïste est, selon l'expression de Marc Antonin « un abcès et un ulcère sur l'Univers », ces impulsions égoïstes ne doivent-elles pas, dans ce monde plus vaste, subir une décadence sûre, quoique pénible, vu qu'elles ne trouvent aucun appui ni support parmi les forces permanentes qui maintiennent le cours des choses ?

 

[1] Proceedings S. P. B., vol. V, p. 417.

[2] Phantasms of Living, I, p. 293.

[3]Nous devons rappeler que, dans certaines expériences, comme dans l'écriture automatique, l'impression se produit par le système moteur et non sensoriel du sujet, de sorte que, celui-ci ne s'en aperçoit jamais directement.

[4]Voir par exemple, le cas 500, dans Phantasms of the Living, II, p. 462.

[5] Phantasms, I, p. 512.

[6]Proceedings S. P. R, V, p. 403-408.

[7] II, p 52.

[8]Ph. Of the Liv., 1, p. 280.

[9] Ph. Of the Liv., II, p. 693.

[10] P. S. R., X, p. 387-91.

[11]Comme, par exemple, dans celui de Mme W... où, une tante mourante a la vision de sa petite nièce qui voit, au même moment, l'apparition de sa tante ; voir Phantasms of the Living, II, p. 253.

[12] Proceedings S.R. P., X, p. 380-382.

[13] Proceedings S. P. R., VIII, p. 214.

[14]Proceedings S. P. R., X, p. 284, cas de la comtesse Kapnist.

[15] Proceedings S. P. R. II, p. 95.

[16]Proceedings S. P. R., V, p. 409.

[17] Proceedings S. P. R., VIII, p. 220.

[18]Phantasms of the Living, I, p. 196.

[19] Phantasms of the Living, II, p. 213.

[20]Proceedings S. P. R., VIII, 173.

[21]Phantasms of the Living, I, p. 212.

[22]Proceedings S. P. R., V, p. 432.

 

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