Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


Chapitre VIII - Automatisme moteur

Le lecteur qui m'a suivi jusqu'ici, n'aura pas manqué de s'apercevoir qu'il existe un vaste groupe de phénomènes d'une très grande importance dont je ne me suis pas encore occupé. L'automatisme moteur, quoique moins familier au grand public que les fantômes que j'ai groupés sous le nom d'automatisme sensoriel, embrasse un ensemble de phénomènes, en réalité, plus fréquents et plus importants.
Nous avons déjà rencontré plus d'un exemple d'automatisme moteur au cours de cet ouvrage, en premier lieu et sous une forme très développée, dans le chapitre II, à propos de la multiplication de la personnalité. Nous y avons cité de nombreux exemples d'effets moteurs produits par le moi secondaire sans l'intervention du moi primitif, souvent même en dépit de sa résistance. Toute action motrice du moi secondaire est une action automatique par rapport au moi primitif. Et nous pouvons, par analogie, étendre l'usage de ce mot et qualifier d'automatiques non seulement les actes post-épileptiques mais encore, les manies, en tant que ces actes sont accomplis en dehors de l'initiative de la personnalité primitive présumée normale. Ce n'est pas de ces phénomènes dégénératifs que nous nous occuperons dans le présent chapitre. L'automatisme qui en forme le sujet est un  phénomène évolutif dont je vais donner une définition plus précise en définissant, en même temps, les rapports qu'il présente avec les phénomènes moteurs dissolutifs qui occupent une si large place dans les connaissances populaires.
Mais avant d'aller plus loin, je crois devoir formuler ici, d'une façon plus distincte, une thèse qui nous a déjà été suggérée plus d'une fois pendant que nous avions affaire à des groupes spéciaux de nos phénomènes : on peut s'attendre à ce que des phénomènes vitaux supra-normaux se manifestent, autant que possible, par les mêmes voies que les phénomènes vitaux anormaux ou morbides, lorsque les mêmes centres et les mêmes  synergies se trouvent mis en oeuvre.
Pour illustrer le sens de cette thèse, je reprendrai une remarque, formulée depuis longtemps par Gurney et par moi, à propos des « fantômes des vivants » ou des hallucinations véridiques produites (ainsi que nous l'avions soutenu) non par un état particulier du cerveau du sujet mais, par une action télépathique d'un agent éloigné. Nous avons observé que, lorsqu'une hallucination ou une image subjective doit être provoquée par cette énergie éloignée, elle sera probablement provoquée avec le plus de facilité de la même manière que les hallucinations morbides consécutives à une lésion cérébrale. Nous avons montré par de nombreux arguments que tel était, en effet, le cas aussi bien en ce qui concerne le mode d'évolution du fantôme dans le cerveau du sujet que, quant à la façon dont il se présente à ses sens.
Je me propose ici de généraliser ce principe en montrant que, s'il existe en nous un moi secondaire tendant à se manifester à l'aide de moyens physiologiques, il est probable que sa voie d'extériorisation la plus courte, le chemin le plus commode au point de vue de sa manifestation en action visible, se trouvera souvent le long d'un trajet que les processus morbides de désintégration ont montré comme étant la voie de la moindre résistance, ou bien, en modifiant la métaphore, nous pouvons supposer d'avance que la séparation entre le moi primaire et secondaire se fera le long d'une surface que les dissociations morbides de nos synergies psychiques ont déjà montré une tendance à suivre. Si l'épilepsie, la folie, etc., tendent à dissocier nos facultés d'une façon déterminée, l'automatisme doit être capable de le dissocier à son tour d'une façon à peu près analogue.
Les sauvages prennent l'épilepsie pour de l'inspiration. Ils ont raison en tant que, l'épilepsie est une destruction temporaire de la personnalité à la suite de sa propre instabilité tandis que, l'inspiration est considérée comme une soumission temporaire de la  personnalité envahie par une puissance extérieure. Dans le premier cas, pour me servir d'une métaphore, il y a combustion spontanée ; dans le second, il s'agit d'un embrasement par un feu céleste. Pour parler moins métaphoriquement, l'explosion et l'épuisement des centres nerveux supérieurs doivent avoir quelque chose de commun, quelle que soit la nature du stimulus qui a rompu leur stabilité.
Mais comment distinguer ce qui est supra-normal de ce qui n'est qu'anormal ? Qu'est-ce qui nous fait dire que, dans ces états aberrants, il y a quelque chose en dehors de l'hystérie, de l'épilepsie, de la folie ?
Dans les chapitres précédents, nous avons déjà répondu en partie à cette question. Le lecteur aura dû, déjà, se familiariser avec le point de vue qui considère toutes les activités psychiques et physiologiques comme tendant nécessairement, soit à l'évolution, soit à la dissolution. Et maintenant, laissant complètement de côté toute spéculation téléologique, je le prierai de supposer hypothétiquement qu'un nisus évolutif, quelque chose que nous pouvons nous représenter comme un effort vers le développement, vers l'adaptation, vers la rénovation personnels, puisse être discerné, particulièrement, du côté psychique des formes supérieures de la vie. Notre question : supra-normal ou anormal ? reçoit alors la transformation suivante : évolutif ou dissolutif ? Et, en étudiant successivement tous les phénomènes psychiques, nous aurons à nous demander si chacun d'eux constitue l'indice d'une simple dégénérescence de forces déjà acquises ou bien « la promesse et la possibilité », sinon la possession actuelle, de puissances non reconnues encore, ou inconnues. C'est ainsi, par exemple, que la télépathie constitue sûrement un pas en avant dans la voie de l'évolution. ( Pour éviter tout malentendu, je dois dire que je ne songe nullement à nier que la télépathie (ou son corollaire la télergie) puisse, sous certains rapports, être plus fréquente ou plus puissante parmi les sauvages que parmi nous-mêmes. Les processus évolutifs ne sont pas nécessairement continus. L'acquisition par nos ancêtres d'organisation inférieure du sens de l'odorat, par exemple, a été un pas en avant dans la voie de l'évolution. Mais le sens de l'odorat a probablement atteint son degré d'énergie le plus élevé chez des races antérieures à l'homme et il a sensiblement diminué de puissance, même dans le court intervalle qui sépare l'homme civilisé des sauvages qui nous sont contemporains. Si cependant, une modification quelconque de notre milieu rendait le sens de l'odorat de nouveau utile, sa ré-acquisition n'en constituerait pas moins un processus évolutif, vu que l'évolution avait été interrompue.
Le fait de pouvoir lire les pensées nées dans d'autres esprits, sans intermédiaire des sens spéciaux, indique manifestement la possibilité d'une extension très vaste des forces psychiques. Et toute nouvelle connaissance relative aux conditions dans lesquelles l'action télépathique est susceptible de se produire nous servira de point de départ d'une grande valeur pour la détermination du caractère évolutif ou dissolutif d'états psychiques peu familiers. ( Je ne veux pas dire que tous les états psychiques peu familiers soient nécessairement évolutifs ou dissolutifs d'une façon quelconque. Je préfère supposer qu'il existe des états qui seraient mieux désignés sous le nom d'allotropiques, c'est-à-dire des modifications dans l'arrangement des éléments nerveux dont dépend notre identité consciente, sans que tel état soit plus supérieur à tel autre, que ne l'est le charbon par  rapport au graphite ou inversement. Mais il peut y avoir des états où, pour parler métaphoriquement, le charbon devient diamant, ce qui constitue un progrès dû à la substitution de la structure cristalline à la structure amorphe.)
II résulte, par exemple, de nos connaissances relatives à la télépathie que, l'aspect superficiel de certaines phases de l'évolution psychique peut, de même que l'aspect superficiel de certaines phases de l'évolution physiologique, affecter la forme soit d'une inhibition, soit d'une perturbation, dont la première implique une dynamogénie latente tandis que, la seconde masque l'évolution. Le sujet hypnotisé traverse une phase de léthargie avant d'entrer dans la phase où il se trouve en communauté de sensations avec l'opérateur et, la main de l'automate passe par une phase de mouvements in-coordonnés qui ressemblent presque à des mouvements choréiques avant d'acquérir la faculté de l'écriture facile et intelligente. De même, le développement d'une dent peut être précédé par une phase de douleur indéfinie qui serait de nature à faire croire à la formation d'un abcès, si la dent, elle-même, ne se montrait pas plus tard. Des exemples encore plus frappants de la perturbation qui masque l'évolution pourraient être tirés de l'histoire de l'organisme humain évoluant vers la maturité ou, préparant la naissance d'un nouvel organisme destiné à lui succéder.
C'est ainsi que des analogies, aussi bien physiologiques que psychiques, nous défendent de conclure au caractère dégénératif d'une psychose donnée, tant qu'un examen serré de ses résultats n'aura pas montré que cette psychose ne constitue pas, en réalité, un élargissement des facultés humaines, une nouvelle porte ouverte à la perception de la vérité objective ; autrement dit, un phénomène évolutif.
En ce qui concerne, en particulier, les mouvements, nous n'avons aucune raison de prétendre que ceux qui ne dépendent pas de la volonté consciente sont moins importants et moins significatifs que ceux qui en dépendent. Nous constatons, au contraire, que dans notre région organique, les mouvements indépendants de la volonté consciente sont les plus importants, quoique les mouvements volontaires, à l'aide desquels l'homme cherche à se procurer de la nourriture et à se défendre de ses ennemis soient, eux aussi, d'une très grande importance pratique : il faut, en effet, que l'homme vive et se multiplie avant d'étudier et d'apprendre. Mais, il faut se garder de confondre ce qui est important au point de vue de la vie pratique immédiate, avec ce qui l'est au point de vue de la science dont la vie pratique, elle-même, dépend en dernière analyse. Du moment que le problème de l'existence matérielle et de la multiplication cesse de dominer tous les autres, nous commençons à changer notre estimation relative des valeurs et à trouver que ce ne sont pas les phénomènes les plus imposants en apparence et les plus évidents mais bien, les moins perceptibles et les plus petits, qui sont susceptibles de nous révéler de nouvelles sources de connaissances. Et, je voudrais persuader  nos lecteurs que, tel est le cas, aussi bien en psychologie qu'en physique.
Je dois dire tout de suite que, quelques-uns des mouvements automatiques dont nous aurons à nous occuper, certaines manifestations et écritures obtenues pendant l'état de  « possession » appartiennent, à mon avis, aux phénomènes les plus importants que l'homme ait jamais observés. Nous allons les passer successivement en revue, montrer les liens qui les rattachent les uns aux autres et dégager, en même temps que leur signification, le degré de certitude que nous pouvons considérer comme acquis, en ce qui concerne les phénomènes en question.
Un premier caractère commun à toutes les manifestations automatiques, malgré les différences qui les séparent sous tous les autres rapports, consiste dans leur indépendance : ce sont, ce que les médecins appellent, des phénomènes idiognomoniques, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas symptomatiques d'une autre affection et, ne constituent pas l'expression accidentelle d'une modification plus profonde. Le simple fait, par exemple, qu'un homme écrit un message dont il n'est pas l'auteur conscient ne prouve rien, pris en lui-même, quant à l'état de celui qui écrit: ce dernier peut être parfaitement sain et ne présenter, à part ce phénomène de l'écriture inconsciente, aucun autre phénomène anormal accessible à l'observation. Ce caractère, que confirment l'observation et l'expérience, différencie les automatismes de tous les autres phénomènes en apparence analogues. C'est ainsi que nous pouvons comprendre  dans notre catégorie  les émissions automatiques de mots et de phrases ; tandis que la vocifération continue et épuisante de la manie aiguë étant un phénomène purement symptomatique, se trouve en dehors de cette catégorie, de même que le cri hydrocéphalique qui, lui aussi, loin d'être un phénomène indépendant, est déterminé par une lésion définie. Nous comprendrons encore dans notre catégorie, certains mouvements simples des mains, coordonnés en vue de l'acte de l'écriture ; mais en seront exclus, par définition, les mouvements choréiques, symptomatiques d'un certain état morbide du système nerveux ou, des mouvements que nous pouvons, si nous voulons, appeler idiopathiques, en tant que constituant une maladie indépendante.
Or, les mouvements automatiques dont nous nous occupons ne sont pas idiopathiques Mais, idiognomoniques ; ils peuvent être associés à certains états de l'organisme ou favorisés par eux mais, ils ne sont pas plus un symptôme d'une autre maladie qu'ils ne constituent, à eux-mêmes, une maladie.
Un autre caractère commun à tous ces phénomènes est qu'ils constituent des mouvements automatiques, porteurs ou transmetteurs de messages et, avertisseurs ; ce qui ne veut pas dire que les messages qu'ils apportent proviennent tous de sources extérieures à l'esprit du sujet ; il en est probablement ainsi dans certains cas mais le plus souvent, les messages ont leurs sources dans la personnalité-même de l'automate et, dans ce dernier cas, ce sont des messages qu'une couche quelconque d'une personnalité transmet à une autre couche de la même personnalité et qui, créés dans la région profonde de l'être humain, se manifestent à la surface sous forme d'actes, de visions, de rêves, de mots tout prêts, sans qu'il existe la moindre perception du processus qui a présidé à leur élaboration.
Considérons, par exemple, une de ces expériences de lecture de mouvements musculaires, improprement appelée lecture de pensées, qui sont sans doute familières à plus d'un de nos lecteurs et, supposons que j'aie à cacher une épingle qu'un lecteur expérimenté de mouvements musculaires doit découvrir en me tenant la main et en notant mes mouvements musculaires. J'ai caché, d'abord, l'épingle dans le tapis ; changeant d'idée je l'ai mise ensuite sur un rayon de la bibliothèque. Je fixe mon esprit sur ce dernier endroit, tout en ayant résolu de ne faire aucun mouvement susceptible de servir d'indication. L'autre prend ma main, me conduit vers le tapis d'abord, vers le rayon de la bibliothèque ensuite et, trouve l'aiguille. Qu'est-il arrivé dans ce cas ? Quels mouvements ai-je fait ?
Je n'ai fait aucun mouvement volontaire ou involontaire conscient mais, un mouvement inconscient involontaire, se trouvant sous la dépendance directe d'une idéation consciente. J'ai pensé fixement au rayon de la bibliothèque et, lorsque dans notre voyage à travers la pièce nous avons atteint cet endroit, j'ai fait un mouvement, disons plutôt qu'il s'est produit une contraction musculaire du bras, mouvement inconscient mais, suffisant pour fournir à la sensibilité délicate de mon guide, les indications dont il avait besoin. Tout ceci est actuellement admis et jusqu'à un certain point expliqué ; nous définissons ce phénomène en disant que, mon idéation consciente renfermait un élément moteur, lequel élément, tout en étant préservé d'une manifestation consciente, ne s'en est pas moins extériorisé sous  forme d'une contraction périphérique.
Mais il s'est produit quelque chose de plus. Avant que mon guide se fût arrêté devant le rayon de la bibliothèque, il s'était arrêté devant le tapis. Je n'avais plus aucune idée consciente de ce dernier  mais, l'idée de l'épingle dans le tapis a dû se réfugier dans ma région subconsciente  et, ce souvenir inconscient s'était révélé par une contraction périphérique, aussi distincte que celle qui correspondait à l'idée consciente de l'épingle placée sur le rayon de la bibliothèque.
La contraction était donc, en un certain sens, un mouvement automatique transmetteur d'un message ; l'extériorisation d'une idée qui, autrefois consciente, était devenue inconsciente à un degré très léger, il est vrai, puisqu'il aurait suffi d'un léger effort pour la ramener dans le champ de la conscience.
Mais il existe des cas où la démarcation entre les deux zones de la personnalité est très tranchée, au point que la communication de l'une à l'autre est tout à fait impossible. C'est ainsi que dans la suggestion post-hypnotique où l'on ordonne, par exemple, au sujet d'écrire, au réveil, des mots qui lui ont été suggérés pendant le sommeil hypnotique, nous assistons à des mouvements automatiques dont le sujet réveillé n'a aucune conscience. Mais il y a plus. Nous aurons plus bas de nombreux exemples de transformations de chocs psychiques en énergie musculaire d'un genre bizarre en apparence. Ces transformations de force, pour ainsi dire psychique en force physique, s'opèrent en nous d'une façon continue. Mais leur nature est généralement rendue obscure par le problème concernant la véritable efficacité de la volonté et, il ne serait pas sans intérêt de citer un ou deux exemples de ces transformations où il s'agit d'un processus automatique et, où nous nous trouvons en présence de l'équivalent moteur d'une émotion ou d'une sensation qui semble ne renfermer aucun élément moteur.
Un moyen facile, quoique grossier, de constater les transformations de ce genre nous est fourni par le dynamomètre. Il faut, d'abord, déterminer le degré de pression que le sujet est capable d'exercer sur le dynamomètre en le comprimant de toutes les forces dont il dispose à l'état ordinaire. Après un certain exercice, le maximum de force de pression devient à peu près constant et, il est alors possible de le soumettre à différentes influences et de mesurer le degré de réaction, c'est-à-dire le degré de compression en plus ou en moins, selon l'influence qu'il subit. J'amène un enfant au cirque ; il est assis à côté de moi, me tenant par la main ; on tire des coups de fusil et son étreinte devient plus serrée ; supposons qu'au lieu de tenir ma main, il cherche à serrer de toutes ses forces un dynamomètre et, que l'excitation brusque le rende capable de le comprimer plus fortement qu'il ne l'avait fait avant cette excitation : devons-nous considérer ce surplus de contraction musculaire comme automatique ou comme volontaire ?
M. Féré ( Sensation et mouvement, Paris, 1887, F. Alcan.) et d'autres ont montré que les excitations de tous genres, brusques ou prolongées, désagréables ou agréables, tendent à augmenter la force dynamométrique du sujet. En premier lieu, et le fait est d'une grande importance, la force moyenne avec laquelle s'exerce la compression est plus élevée chez l'homme cultivé que chez l'ouvrier, ce qui montre que, ce n'est pas tant une musculature bien développée qu'un cerveau plus ou moins actif, qui rend possible la concentration brusque de la force musculaire. M. Féré a constaté, en outre sur lui-même et sur certains de ses amis, que le simple fait d'écouter une lecture intéressante ou de donner libre cours à ses pensées dans un endroit isolé, que le simple acte de parler ou d'écrire produisent une augmentation incontestable de la compression, surtout dans la main droite. On obtient des effets de dynamogénie identiques chez des sujets hypnotisés, à l'aide de sons musicaux, de la lumière colorée, de la lumière rouge en particulier et même, par la simple suggestion hallucinatoire de la lumière rouge. « Toutes nos sensations, conclut M. Féré, sont accompagnées d'un développement d'énergie potentielle qui passe à l'état kinétique et s'extériorise en manifestations motrices,  qu'un procédé, même aussi grossier que celui du dynamomètre, est susceptible d'observer et d'enregistrer. »
Quelles sont les voies suivies par les messages pour arriver d'une couche de la personnalité à une autre ? Pour répondre à cette question, nous devons considérer, d'abord,  les messages exprimés par des paroles ou par l'écriture, c'est-à-dire par des moyens assez compliqués ; ceux qui affectent une forme plus rudimentaire. Or, le geste constitue le moyen de communication le plus élémentaire commun à l'homme et aux animaux ; et le son, lui-même, ne constitue qu'une forme spécialisée du geste. Les animaux supérieurs différencient leurs cris ; l'homme développe la parole  et, les impulsions aboutissant à la transmission de messages se résolvent toutes en mouvements : mouvements du gosier, mouvements de la main. Les gestes manuels se développent à leur tour, jusqu'à pouvoir produire le tracé grossier des objets et cette impulsion graphique, en se perfectionnant, se différencie dans deux directions : d'un côté, elle devient l'art plastique et pictural transmettant les messages à l'aide d'un symbolisme direct, opposé au symbolisme arbitraire et d'un autre côté, elle s'adapte aux lois de la parole et devient idéographique pour aboutir, peu à peu, au symbolisme arbitraire s'exprimant dans l'écriture alphabétique, l'arithmétique, l'algèbre, la télégraphie.
Existe-t-il, parmi les moyens de communication dont dispose le moi subliminal, des  procédés analogues à ceux que nous venons d'énumérer ? La chose est possible et, comme le moi subliminal commence son effort, à l'exemple du télégraphiste, avec la pleine connaissance de l'alphabet, il est vrai mais, en ne disposant que d'une force d'action faible et grossière sur le mécanisme musculaire, il paraît probable, a priori, que le moyen de communication le plus facile consistera dans une répétition de mouvements simples, arrangés de façon à correspondre aux lettres de l'alphabet.
Tout le monde a entendu parler, ne serait-ce que comme d'une chose ridicule, du phénomène mystérieux des « tables tournantes », des « esprits frappants », etc.. Voyons si les considérations qui précèdent ne seraient pas de nature à fournir, de ce phénomène, une explication suffisante reposant sur une base plus ou moins solide.
Quand une ou plusieurs personnes appartenant à cette catégorie spéciale qu'on désigne par le terme peu explicite et barbare de « médiums » se tiennent tranquillement, pendant quelque temps, les mains en contact avec un objet facile à mettre en mouvement et, qu'elles désirent que le mouvement de l'objet se produise, il arrive souvent que leur désir est réalisé. Quand elles désirent, en outre, que l'objet indique par ses mouvements les lettres de l'alphabet en frappant, par exemple, un coup pour a, deux coups pour b, etc., la chose se produit assez souvent et on obtient des réponses auxquelles personnes ne s'attendait. Jusqu'ici et, quelle que soit notre interprétation, nous nous trouvons en présence de faits faciles à reproduire et que chacun peut vérifier.
Mais en dehors de ces mouvements simples des tables tournantes et des réponses intelligibles des tables parlantes ; mouvements et réponses qu'on peut, à la rigueur, expliquer par la compression inconsciente qu'exercent les mains des personnes assises autour et, sans avoir besoin de postuler l'intervention de quelque force physique inconnue, certaines personnes prétendent qu'il se produit d'autres phénomènes physiques, que les tables se meuvent notamment dans une direction et avec une force qu'aucune pression inconsciente ne suffit à expliquer et, qu'elles donnent souvent des réponses qu'aucune action inconsciente, aucune des forces que nous connaissons ne paraît capable de provoquer. Et les spirites attribuent les mouvements et les réponses de cette dernière catégorie à l'action d'intelligences désincarnées.  Mais, si une table produit des mouvements sans que personne y touche, il n'y a pas de raison d'attribuer ces mouvements à l'intervention de mon grand-père décédé plutôt qu'à la mienne propre car, si l'on ne voit pas la façon dont j'aurais pu la mettre en mouvement moi-même, on ne voit pas plus comment cet effet aurait pu être produit par l'action de mon grand-père.
L'explication bien connue de Faraday d'après laquelle, les mouvements des tables tournantes seraient le résultat d'une sommation de plusieurs mouvements inconscients, vraie pour les cas les plus simples, laisse ouverte la question plus difficile concernant l'origine de ces messages intelligents transmis par des mouvements distincts et répétés d'objets facilement mobiles. Lorsqu'on dit que les mouvements affectent la forme du mot désiré et attendu, on ne tient compte que de la minorité des cas car le plus souvent, les réponses fournies par les tables sont des plus capricieuses et, nullement en rapport avec celles qu'on désirait et auxquelles on s'attendait. L'explication la plus plausible me paraît celle qui admettrait que ces réponses sont dictées, non par le moi conscient mais, par cette région profonde et cachée où s'élaborent des rêves fragmentaires et incohérents.
Or, les mouvements des tables constituent, dans une certaine mesure, la forme la plus simple, la moins différenciée de réponse motrice. C'est tout simplement un genre de geste, quoique de geste impliquant la connaissance de l'alphabet et, comme le geste, le mouvement de réponse est susceptible de se développer dans deux directions : le dessin automatique et la parole. Nous nous sommes déjà occupés en partie du premier au chapitre III et nous nous occuperons plus spécialement de la parole automatique au chapitre IX. Ici, nous ne ferons qu'indiquer brièvement la place qu'occupe chacune de ces formes de mouvement par rapport à d'autres manifestations analogues de l'automatisme.
Quelques-uns de nos lecteurs ont vu, sans doute, de ces dessins quelquefois en couleurs, dont les auteurs affirmaient les avoir dessinés sans aucun plan, sans avoir conscience de ce que faisait leur main. Cette affirmation pouvait être parfaitement vraie et les personnes qui la formulaient parfaitement saines. Les dessins ainsi faits s'accordent de façon curieuse avec ce que l'opinion que j'ai formulée nous autorise à attendre ; car ils présentent un mélange d'arabesques et d'idéographie, c'est-à-dire qu'ils ressemblent en partie à ces formes d'ornementation que trace la main de l'artiste lorsqu'elle se promène sur le papier sans plan défini et, d'un autre côté, ils rappellent les premières tentatives d'expression symbolique que l'on observe chez les sauvages qui ne possèdent pas encore d'alphabet. Comme l'écriture du sauvage, ils présentent des transitions insensibles du symbolisme pictural direct à une idéographie abrégée.
Mais avant d'aborder l'étude de l'écriture automatique proprement dite, il ne serait pas sans intérêt d'illustrer par quelques exemples, cette influence profonde qu'exerce le moi subliminal sur l'organisme tout entier et que nous considérons comme le principal facteur des manifestations automatiques. Les exemples les plus frappants et les plus connus sont ceux de Socrate et de Jeanne d'Arc : le démon du premier agissait principalement dans le sens de l’inhibition, tandis que chez la seconde, les voix qu'elle prétendait entendre déterminaient une impulsion à agir, conformément aux ordres qu'elles formulaient. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agissait donc bien, en dernière analyse, de manifestations motrices automatiques, quoique à première vue, l'élément sensoriel consistant en hallucinations auditives y semble jouer le principal rôle. Dans la plupart des autres cas de ce genre, l'élément moteur et l'élément sensoriel se trouvent mêlés d'une façon assez intime et leur séparation est souvent très difficile, sinon tout à fait impossible.
Quoi qu'il en soit, l'inhibition consistant dans l'arrêt brusque de l'action ou dans une incapacité soudaine d'action constitue la forme la plus simple, la plus rudimentaire de l'automatisme moteur ; elle constitue la voie naturelle par laquelle une impression forte, mais obscure, se manifeste au dehors. Telle est, par exemple, l'impression de l’alarme suggérée par quelque son ou quelque odeur vague perçus seulement par le moi subliminal ; l'automatisme moteur se présente alors comme déterminé par un souvenir subliminal, par un état d'hyperesthésie subliminale.
Une action accomplie d'une façon hésitante et incertaine, à cause de certaines objections qu'elle avait soulevées autrefois et qui ont complètement disparu de la mémoire supra-liminale ; des employés de chemin de fer arrêtant brusquement un train, parce qu'ils sont avertis par quelque chose dont ils ne se rendent pas compte et, qui n'est probablement que la perception subliminale d'un son ou d'une odeur, qu'un autre train se dirige à toute vitesse en sens inverse et qu'une catastrophe est inévitable ; des personnes évitant des obstacles et des dangers dans l'obscurité, grâce probablement à la perception subliminale d'une différence dans la pression atmosphérique, dans la résistance de l'air, perception qui, chez quelques-uns, est susceptible d'atteindre un degré d'acuité très élevé — telles sont les principales formes de l'inhibition motrice déterminée par le souvenir subliminal ou l'hyperesthésie subliminale.
A côté de ces formes, il en existe d'autres où il est impossible de relever la moindre sensation hyperesthésique et où l'avertissement reçu par le sujet est de nature plutôt  télesthésique, comme s'il s'agissait de l'intervention d'un véritable ange gardien. Tel est le cas du Dr Parsons qui, au moment d'entrer dans une pièce de son habitation, éprouva une sensation de stupeur qui l'immobilisa sur place et le força de retourner : il fit à peine quelques pas pour s'éloigner de la porte qui conduisait dans cette pièce qu'il entendit un coup de revolver et, une balle entra dans la pièce en question à travers la fenêtre qui donnait sur la rue ; comme il l'apprit plus tard, elle a été tirée par un individu qui croyait, depuis longtemps, avoir des griefs contre M. Parsons mais, que celui-ci ne croyait pascapable d'un acte pareil ( Proceedings S. P. R., XI, p, 459).
Parallèlement à ces cas d'inhibition motrice de nature, pour ainsi dire, télesthésique, nous avons un groupe de cas caractérisés par une impulsion motrice massive, entièrement indépendante d'un élément sensoriel quelconque. Nous ne mentionnerons brièvement, entre tant d'autres, que le cas de M. Thomas Garrisson qui, assistant avec sa femme à un office religieux, se lève subitement au milieu du sermon, sort du temple et, comme poussé par une impulsion irrésistible, fait dix-huit milles à pied pour aller voir sa mère qu'il trouve morte en arrivant. Or sa mère était encore relativement jeune (58 ans) et, non seulement il ne possédait aucun renseignement qui lui permît de soupçonner la mort imminente de sa mère mais, il ne la savait même pas malade (Journal S. P. R., VIII, p. 125).
Cette sensibilité spéciale à l'élément moteur d'une impulsion rappelle les susceptibilités spéciales aux différentes formes d'hallucinations ou de suggestions manifestées par différents sujets hypnotisés. Quelques-uns peuvent être rendus capables de voir, d'autres d'entendre, d'autres encore d'agir, conformément aux conceptions qu'on leur suggère. Le Dr Bérillon a même montré que certains sujets qui paraissaient, à première vue, absolument réfractaires à l'hypnotisation, n'en étaient pas moins capables d'obéir, même à l'état de veille, à une suggestion motrice. Tels étaient les cas d'un homme robuste, d'hommes et de femmes faibles et d'un sujet atteint d'ataxie locomotrice. C'est ainsi que l'abolition du contrôle supra-liminal sur certaines combinaisons musculaires n'exclut pas la suggestibilité motrice par rapport à ces combinaisons ; de même que l'abolition de la sensibilité supra-liminale dans une plaque d'anesthésie n'exclut pas la sensibilité subliminale au niveau de la même plaque. D'un autre côté, un contrôle supra-liminal spécialement bien développé favorise particulièrement la suggestibilité motrice ; par exemple les sujets sachant déjà chanter obéissent d'autant plus facilement aux suggestions se rapportant au chant. Nous devons donc attendre de nouvelles observations avant de pouvoir dire à l'avance si, chez un sujet donné, le message affectera la forme motrice ou la forme sensorielle.
Encore moins pouvons-nous expliquer la prédisposition spéciale de tel sujet à une ou plusieurs des formes communes d'automatisme moteur : parole automatique, écriture automatique, mouvements de tables, etc.. Ces formes de messages peuvent présenter les combinaisons les plus variées ; et le contenu d'un quelconque de ces messages peut-être soit fantastique et capricieux, soit véridique d'une façon quelconque.
Nous allons énumérer les différentes formes de messages moteurs subliminaux, autant que possible dans leur spécialisation croissante.
1° Nous avons, en premier lieu, les impulsions motrices massives (le cas de M. Garisson) intermédiaires aux affections coenesthésiques et aux impulsions motrices proprement dites. Dans les cas de ce genre, il n'existe pas d'impulsion à un mouvement spécial d'un membre. Mais, celle d'atteindre un certain endroit par les moyens ordinaires.
2° Viennent ensuite, dans l'ordre de spécialisation, les impulsions musculaires subliminales simples qui donnent naissance aux mouvements de tables et phénomènes analogues.
3° On peut citer, en troisième lieu, l'exécution musicale commencée subliminalement ; les cas de cette catégorie présentent une certaine difficulté, le seuil de la conscience des exécutants musicaux étant très vague et indéfini (« Dans le doute, jouez avec vos doigts, non avec votre tête»).
4° Le quatrième groupe est constitué par les cas de dessin et de peinture automatiques. Ce groupe curieux de messages n'a que rarement un contenu télépathique et se rapproche plutôt des cas de génie et d'autres formes non télépathiques de faculté subliminale.
5° L'écriture automatique à laquelle sera consacrée le reste de ce chapitre forme le cinquième groupe.
6° La parole automatique qui ne présente pas en soi une forme plus développée de message moteur que l'écriture automatique est souvent accompagnée de modifications profondes de la mémoire ou de la personnalité qui se rapprochent de l' « inspiration » et de la « possession », ces deux mots signifiant, malgré la différence de leur sens théologique, la même chose au point de vue de la psychologie expérimentale.
7° Je puis clore cette énumération par un groupe de phénomènes moteurs que je ne mentionnerai ici qu'en passant, sans en tenter une explication ; il s'agit de ces mouvements télékinésiques des objets dont l'existence réelle est encore sujette à contestation.
En comparant cette liste des manifestations automatiques motrices avec celle des manifestations automatiques sensorielles que j'ai donnée dans le chapitre VI, nous trouverons, à la base de chacune d'elles, une certaine tendance générale. Les automatismes sensoriels commencent par des sensations vagues, non spécialisées, qui deviennent ensuite plus définies et se spécialisent en suivant l'ordre des sens connus, pour dépasser finalement les formes de spécialisation ordinaires, pour embrasser dans un acte de perception, en apparence non analysable, une vérité plus complète que toutes celles que nos formes de perception spécialisées sont capables de nous fournir. Les messages moteurs les plus élémentaires présentent, à leur tour, un caractère des plus vagues ; eux aussi naissent des modifications de l'état organique général du sujet ou coenesthésiques, et les premières impulsions télépathiques vagues hésitent, apparemment, entre plusieurs modes d'expression. Ils traversent ensuite une phase de spécialisation définie pour aboutir, comme dans l'écriture automatique, à un acte de perception non analysable dont tout élément moteur a disparu.
Abordons maintenant l'étude de l'écriture automatique. Par ses expériences sur l'écriture obtenue pendant les différentes phases du sommeil hypnotique, Gurney a ouvert cette longue série de recherches qui, conduites indépendamment par le Pr Pierre Janet en France, ont bientôt acquis une haute importance psychologique et médicale. Le principal intérêt consiste dans ce fait incontestable qu'il est possible de créer artificiellement de nouvelles personnalités temporaires, écrivant des choses complètement étrangères au caractère de la personnalité primitive et que celle-ci n'a jamais connues. Il est à remarquer, en outre, que ces personnalités artificielles tiennent obstinément à leurs noms fictifs et se refusent à admettre qu'elles ne constituent que des aspects et des portions du sujet pris dans son ensemble. On doit se souvenir de ce fait lorsque la prétention persistante à quelque identité spirituelle, disons avec Napoléon, est mise en avant à titre d'argument pour attribuer une série de messages à cette source spéciale. L'étude de ces automatismes auto-suggérés est riche en enseignements intéressants et, les discussions que renferment mes précédents chapitres se rapportent à un grand nombre de points qui devraient être
familiers à tous ceux qui veulent être à même de comprendre les phénomènes moteurs plus avancés et plus difficiles.
Pour que l'étude de ces cas avancés donne des résultats plus ou moins concluants, il faut s'efforcer sans cesse d'en augmenter le nombre, d'enrichir nos collections. Encouragé par les écrits de M. Moses, j'ai recherché, depuis 27 ans, des cas de ce genre et crois me trouver à l'heure actuelle, en possession de 50 observations personnelles d'écriture automatique idiognomonique. Quoique la plupart de ces observations ne présentent pas grand intérêt et soient peu probantes, elles ne m'en paraissent pas moins suffisantes pour admettre que les effets observés sur des personnes saines se prêtent à des conclusions plus adéquates que celles tirées de l'observation de malades d'hôpital ou, que tant d'auteurs formulent par ouï dire. Dans deux cas, l'habitude de l'écriture automatique développée en dépit de mon interdiction, par des personnes sur lesquelles je n'avais aucune influence, s'est montrée jusqu'à un certain degré, en inspirant aux sujets la conviction obstinée que les bagatelles qu'ils écrivaient étaient aussi véridiques qu'importantes. Dans les autres cas, il ne s'est produit rien de pareil et, non seulement les sujets qu'ils concernent ne présentaient aucune maladie ni trouble qu'on pût considérer comme la cause de l'automatisme mais, plusieurs d'entre eux présentaient une santé physique et intellectuelle au-dessus de la moyenne.
En ce qui concerne le contenu des messages automatiques, il varie selon les sources apparentes de ces derniers. On peut, sous ce rapport, distinguer les variétés suivantes :
A. Le message peut avoir sa source dans l'esprit du sujet lui-même et, tirer son contenu soit des ressources de sa mémoire ordinaire, soit de celles de sa mémoire subliminale plus étendue ; la dramatisation du message, c'est-à-dire son attribution à un esprit autre que celui du sujet ressemble, dans ces cas, à la dramatisation des rêves et de la suggestion  hypnotique.
B. Le contenu du message peut avoir sa source dans l'esprit d'une autre personne encore vivante, cette personne étant consciente, ou non, de la suggestion qu'elle transmet.
C. Le message peut être inspiré par une intelligence désincarnée d'un type inconnu, en tous cas, autre que celle de l'agent invoqué. On peut classer sous cette rubrique, les messages attribués d'un côté aux « mauvais esprits » ; d'un autre côté, à des « guides » et des « gardiens » d'une bonté et d'une sagesse surhumaines.
D. En dernier lieu, il est possible que le message provienne, d'une façon plus ou moins directe, de l'esprit de l'agent- même (un ami décédé) qu'il semble invoquer.
Mon principal effort tend naturellement à montrer qu'il existe des messages appartenant à d'autres catégories que la catégorie A dans laquelle la plupart des psychologues voudraient les ranger tous. Quant à moi, quoique réservant un certain nombre de messages aux autres groupes, je ne suis pas moins fermement convaincu que la plupart d'entre eux représentent des effets du travail subliminal de l'esprit du sujet seul. Il ne s'ensuit pas que ces messages présentent, pour nous, moins d'intérêt ou de nouveauté. Au contraire, ils forment un passage instructif, indispensable de l'ancienne introspection psychologique aux méthodes plus hardies sur lesquelles je me propose d'insister. L'action subliminale de l'esprit qu'ils révèlent diffère de l'activité supra-liminale d'une façon qu'il est impossible de prévoir ni d'expliquer. On dirait qu'il existe des tendances subliminales se répandant dans certaines directions obscures et, qui sont aux traits individuels de la personne dont nous réussissons quelquefois à entrevoir les profondeurs, ce que les courants profonds de l'océan sont aux vagues et aux vents qui s'agitent à sa surface.
Je ne ferai que mentionner, ici, un autre point d'une importance fondamentale, en rapport avec la puissance du moi subliminal. Il est évident, notamment, que des messages dont le contenu est formé par des faits que l'automate connaît ou prétend connaître, ne peuvent avoir leur origine que dans son esprit à lui. Mais la proposition contraire n'est pas vraie au même degré, autrement dit des messages dont le contenu est formé par des faits que l'automate ne connaît pas, ne tirent pas nécessairement leur origine d'un esprit autre que le sien. Si le moi subliminal est capable d'acquérir des connaissances supra-normales, il peut arriver à ce résultat par des moyens autres que l'impression télépathique ayant sa source dans un esprit étranger au sien. Il peut assimiler sa nourriture supra-normale par un procédé plus direct, la digérer toute crue. S'il est possible que le sujet reçoive des connaissances de ce genre, grâce à l'influence exercée sur lui par d'autres esprits incarnés ou non, il n'est pas moins possible qu'il les acquière à la suite d'une perception clairvoyante ou, d'une absorption active de faits situés bien au-delà de sa portée supra-liminale.
Il arrive souvent à ceux qui poursuivent, pendant des années, des recherches peu familières au public, que des points de vue qui, au début, n'avaient provoqué que des attaques et des objections, finissent par être admis peu à peu tandis que le chercheur intéressé à de nouvelles idées s'aperçoit à peine du revirement qui s'est produit dans l'opinion concernant les anciennes. Les lecteurs des premiers volumes des « Comptes rendus de la société de Recherches Psychiques » seront souvent à même de constater ces progrès de l'opinion. Dans son livre : « Des Indes à la planète Mars ; études sur un cas de somnambulisme avec glossolalie » (Paris et Genève, 1900), M. Flournoy nous montre d'une façon remarquable les changements qui se sont produits en psychologie durant ces vingt dernières années. Ce livre qui est un modèle d'impartialité d'un bout à l'autre renferme, pour la plus grande partie, une critique destructive des phénomènes quasi supra-normaux dont il s'occupe. Mais, il ne laisse pas de montrer quelle foule de conceptions  empruntées à ce domaine, le psychologue compétent considère, aujourd'hui, comme établies et prouvées alors qu'il y a vingt ans, la science officielle aurait à peine supporté la moindre allusion à ce sujet.
Je dois relever tout d'abord un point important qui corrobore d'une façon décisive, une constatation que j'ai faite moi-même il y a longtemps et qui, à l'époque, aurait paru fantastique à plus d'un de nos lecteurs. Affirmant la continuité potentielle de la mentation subliminale (contrairement à ceux qui prétendaient qu'il n'existe que des émergences accidentelles de la pensée subliminale, analogues à des rêves détachés et incohérents), j'ai dit qu'on serait bientôt obligé de pousser cette notion du moi subliminal continu jusqu'à ses dernières conséquences, si l'on ne voulait pas admettre la possibilité d'une direction et d'une possession extérieures continues. Or, toute la discussion concernant le sujet de M. Flournoy tourne autour de ce point. Nous nous trouvons incontestablement en présence de séries continues et complexes de pensées et de sentiments évoluant au-dessous du seuil de la conscience de Mlle « Hélène Smith ». Cette mentation  sublimale est-elle due à un degré quelconque à l'activité d'esprits, autres que celui de Mlle Smith ? Telle est la question principale ; mais elle se complique d'une question secondaire, celle de savoir si des incarnations précédentes de Mlle Smith, si d'autres phases de son histoire spirituelle affectant maintenant des rapports complexes avec le passé, sont pour quelque chose dans cette multitude de personnalités qui semblent lutter les unes avec les autres pour s'exprimer à travers l'organisme sain.
Mlle Smith, il importe de le dire sans tarder, n'a jamais été un médium payé. Au moment où M. Flournoy composait son livre, elle occupait une belle situation dans une grande maison de commerce de Genève et donnait des séances à ses amis, tout simplement parce que l'exercice de ses facultés médiumistiques lui faisait plaisir et qu'elle s'intéressait beaucoup à leur explication.
Son organisme, je le répète, est réputé par elle-même et par d'autres comme parfaitement sain. Mlle Smith, dit M. Flournoy, déclare catégoriquement qu'elle est saine de corps et d'esprit, parfaitement équilibrée et répudie avec indignation l'idée que le rôle de médium tel qu'elle le remplit soit susceptible d'entraîner une anomalie nuisible ou le moindre danger.
« Je suis si peu anormale, écrit-elle, que je n'ai jamais été aussi clairvoyante, aussi lucide, aussi capable d'un jugement rapide sur n'importe quel point que depuis que je remplis le rôle de médium. » Personne ne semble discuter cette appréciation que les faits qui se sont révélés au fur et à mesure des progrès faits par MIle Smith confirment, en effet, pleinement.
« II est en effet incontestable, continue M. Flournoy (p. 41), que Mlle Smith a une tête extrêmement bien organisée et, au point de vue des affaires par exemple, elle dirige admirablement bien le rayon très important et très compliqué à la tête duquel elle se trouve dans le magasin où elle est employée ; de sorte que lui attribuer un état morbide pour la seule raison qu'elle est un médium équivaut, tout au moins, à l'énoncé d'une pétition de principe inadmissible, puisque la nature de ce qui constitue et caractérise un médium est encore obscure et sujette à discussion.
« II est clair qu'il existe, parmi les savants, des esprits étroits et bornés, forts chacun dans sa spécialité mais, prêts à jeter l'anathème sur tout ce qui ne s'accorde pas avec leurs idées préconçues et, à traiter de morbide, de pathologique, de fou tout ce qui diffère du type normal de la nature humaine, tel qu'ils le conçoivent, d'après le modèle de leur propre personnalité.
« Mais en premier lieu, le critère essentiel d'après lequel nous devons apprécier la valeur d'un être humain nous est fourni, non par son état de bonne et de mauvaise santé, ni par le degré de sa ressemblance avec d'autres individus mais, par la façon dont il accomplit sa tâche spéciale, dont il s'acquitte des fonctions qui lui incombent et par ce qu'on peut attendre et espérer de lui. Je ne sache pas que les facultés psychiques de Mlle Smith l'aient jamais empêchée d'accomplir aucun de ses devoirs ; elles l'y ont plutôt aidée, car son activité normale et consciente a souvent trouvé une assistance inattendue dans ses inspirations subliminales et dans ses manifestations automatiques.
« En deuxième lieu, il est loin d'être démontré que l'état de médium soit un phénomène pathologique ; c'est sans doute un phénomène anormal, en ce sens qu'il est rare, exceptionnel mais, rareté ne signifie pas morbidité. Le peu d'années pendant lesquelles ces phénomènes ont été étudiés sérieusement et scientifiquement ne suffisent pas pour nous permettre de nous prononcer sur leur nature. Il est intéressant à noter que, dans les pays où les études de ce genre ont été poussées le plus loin, en Amérique et en Angleterre, l'opinion qui prédomine chez les savants ayant le plus approfondi la matière n'est nullement défavorable au médiumnisme ; et que loin de considérer ce dernier comme un cas spécial d'hystérie, ils voient en lui une faculté supérieure, avantageuse, saine, dont l'hystérie est une manifestation de dégénérescence, une parodie pathologique, une caricature morbide. »
Les phénomènes que présente cette sensitive (à laquelle M. Flournoy donne le pseudonyme d'Hélène Smith) apparaissent, à première vue, comme variés et multiples mais, cette variété ne tarde pas à se montrer plus apparente que réelle et il est facile de constater qu'ils peuvent s'expliquer par l'autosuggestion.
Nous constatons d'abord les irruptions de toutes sortes d'éléments subliminaux dans la vie supra-liminale. Ainsi que le dit M. Flournoy (p. 45) : « phénomènes d'hypermnésie, divination, découverte mystérieuse d'objets perdus, inspirations heureuses, pressentiments exacts, intuitions justes bref, automatismes téléologiques de tous genres : elle possède, à un haut degré, cette petite monnaie du génie qui constitue une compensation plus que suffisante des inconvénients résultant de ces distractions et de ces absences momentanées qui accompagnent ses visions et qui, le plus souvent, passent inaperçues. »
Au cours de séances où des transformations plus profondes ne présentent aucun inconvénient, elle subit une sorte d'auto-hypnotisation qui produit des états léthargiques et somnambuliques variés. Et quand elle se trouve seule et à l'abri de toute interruption, elle a des visions spontanées pendant lesquelles elle s'approche de l'état d'extase. Elle éprouve pendant les séances des hallucinations positives et négatives ou des anesthésies systématisées de sorte que, par exemple, elle cesse de voir quelque personne présente, plus spécialement celle qui doit être le destinataire des messages qui s'élaborent au cours de la séance. « On dirait qu'une incohérence, comme celle qui caractérise les rêves et les songes, préside au travail préliminaire de désagrégation grâce à laquelle, les perceptions normales se trouvent arbitrairement divisées ou absorbées par la personnalité subconsciente en quête de matériaux pour composer les hallucinations qu'elle prépare. » Ensuite, la séance commencée, le seul acteur est le guide d'Hélène, Léopold (pseudonyme de Cagliostro) qui parle et écrit par son intermédiaire et qui, fort probablement, n'est en réalité que la forme la plus développée de sa personnalité secondaire.
Hélène, en effet, a parfois l'impression de devenir momentanément Léopold (p. 117). M. Flournoy compare cette sensation avec l'expérience de M. Hill Tout (Proceedings S. P. R., XI, p. 399) qui se sent devenir son propre père qui se manifeste à travers lui. « Léopold, dit M. Flournoy, manifeste certainement un côté très honorable et aimable du caractère de Mlle Smith et, en le prenant pour « guide », elle a suivi des inspirations qui sont incontestablement parmi les plus élevées de sa nature » ( p. 134 ).
La haute qualité morale de ces communications automatiques sur lesquelles M. Flournoy insiste tant, est un phénomène digne de considération. Je ne veux pas dire par-là qu'il paraisse spécialement étrange dans le cas de Mlle Smith. Elle apparaît (s'il est permis de s'exprimer ainsi en décrivant un médium) comme une personne ayant l'esprit remarquablement bien réglé.
On n'est pas étonné de voir son moi subliminal aussi exempt de reproche que son moi supra-liminal. Mais en réalité, la remarque que fait ici M. Flournoy est d'une application beaucoup plus large. La haute valeur morale, presque universelle, des manifestations automatiques primitives considérées soit comme des communications spirituelles, soit comme provenant du sujet lui-même, n'a pas encore été, que je sache, suffisamment mise en lumière, ni expliquée d'une façon satisfaisante. Je vais mentionner deux points qui m'ont frappé tout spécialement et qu'il me paraît intéressant de relever : en premier lieu, j'ai lu de nombreux sermons et autres attaques contre le « spiritisme », nom par lequel on désigne généralement toutes les manifestations automatiques et, je ne me rappelle pas un seul exemple où l'on ait cité à l'appui de ces attaques, quelque passage à tendance immorale, basse, cruelle ou impure ; les attaques ont toujours été de ce genre qui, aux yeux du philosophe, est plutôt élogieux pour les écrits attaqués car il semble (et ceci est le deuxième point sur lequel je veux attirer l'attention) qu'aucune des différentes églises en conflit n'ait réussi à détourner, en faveur de ses dogmes, les preuves fournies par les messages automatiques. Les différents controversistes, lorsqu'ils étaient sincères, en ont bien admis l'élévation morale mais, partant de points de vue opposés, s'accordaient à en déplorer le relâchement théologique.
La doctrine de la réincarnation, ou des vies successives traversées par chaque âme sur cette planète, inspire la plupart des communications reçues par Mlle Smith.
Le fait seul que Platon et Virgile partageaient cette doctrine montre qu'elle ne renferme rien qui soit contraire à la meilleure raison et aux instincts les plus élevés de l'homme. Il n'est certes pas facile d'établir une théorie posant la création directe d'esprits à des phases d'avancement aussi diverses que celles dans lesquelles ces esprits entrent dans la vie terrestre sous forme d'hommes mortels ; il doit exister une certaine continuité, une certaine forme de passé spirituel. Pour le moment, nous ne possédons aucune preuve en faveur de la réincarnation et, notre devoir est de montrer que son affirmation dans un cas donné, celui de Mlle Smith par exemple, constitue un argument en faveur de l'autosuggestion plutôt que de l'inspiration extérieure.
Toutes les fois que les hommes civilisés ont reçu ce qu'ils considéraient comme une Révélation, (qui dans son expression première a généralement été quelque peu fragmentaire) ils se sont naturellement appliqués à la compléter et à la systématiser dans la mesure du possible. Et ce faisant, ils visaient trois buts : a) ils voulaient comprendre le plus de mystères possible de l'univers; b) ils voulaient justifier, autant que possible, la conduite du Ciel envers les hommes et c) s'approprier, dans la mesure du possible, le bénéfice et les faveurs que les croyants devaient pouvoir retirer de la révélation. Pour toutes ces raisons, la doctrine de la réincarnation a été très en faveur dans plus d'une contrée et à plus d'une époque. Mais, dans aucun cas, elle ne paraît plus propre à remplir les buts qu'on lui assignait que dans la révélation (pour l'appeler ainsi) à travers l'écriture automatique.
Pour citer un exemple historique : Un prédicateur vigoureux de la foi nouvelle connu sous le nom d'Allan Kardec, a repris la doctrine de la réincarnation en la remplaçant (d'après ce qu'il est permis de croire) par la suggestion assez forte exercée sur l'esprit de différents écrivains automatiques et, l'a exposée dans des ouvrages dogmatiques qui ont exercé une grande influence, surtout parmi les nations latines, grâce à leur clarté, à leur symétrie, à leur bon sens intrinsèque. Mais, les données recueillies étaient absolument insuffisantes et, le Livre des Esprits doit être considéré comme un essai prématuré de formuler une nouvelle religion, de systématiser une science naissante.
Je crois, avec M. Flournoy, que l'étude de cet ouvrage a dû influencer directement ou non l'esprit de Mlle Smith et provoquer chez elle, la croyance à ces incarnations antérieures à son sort et à ses sensations actuels.
D'une façon générale, chaque incarnation, si la dernière a été bien employée, constitue un certain progrès dans l'existence générale de l'être. Si une vie terrestre a été mal employée, la vie terrestre suivante peut fournir la possibilité d'une expiation ou d'un exercice plus large d'une vertu spéciale qui n'a été acquise que d'une façon imparfaite. C'est ainsi que la vie actuelle de Mlle Smith, dans une position plutôt humble, peut-être considérée comme une expiation pour l'excès d'orgueil dont elle avait fait preuve dans sa dernière incarnation, lorsqu'elle était Marie-Antoinette. Mais, cette mention concernant Marie-Antoinette nous met sur la voie du risque que fait courir cette théorie, en favorisant les prétentions des sujets, de descendre d'une lignée illustre d'ancêtres spirituels. Pythagore prétendait que son moi passé n'était incarné que dans un héros secondaire, Euphorbe. Mais de nos jours, Anna Kinghlund et Edward Maitland prétendaient n'avoir été, rien moins que la Vierge Marie et saint Jean-Baptiste. Et Victor Hugo, qui était naturellement porté à ces auto-multiplications, s'empara de la plupart des personnages marquants de l'antiquité qu'il put rattacher les uns aux autres dans un ordre chronologique. Dans chaque cas, la personnification présente des traits frappants ; mais dans chaque cas aussi, il suffit d'une analyse plus ou moins attentive pour écarter l'idée qu'on se trouve en présence d'une personnalité ayant réellement vécu à une époque antérieure et habité une autre planète et, pour nous faire voir dans tous ces faits des effets de  « cryptomnésie », (mot par lequel M. Flournoy désigne la mémoire subliminale) et de cette faculté d'invention subliminale qui nous est déjà suffisamment connue.
M. Flournoy n'a pas été le premier à s'occuper de Mlle Smith. Avant lui, M. Lefébure de Genève a publié sur le même sujet, dans les Annales des sciences psychiques, mars-avril 1897 et mai-juin 1897, des articles dans lesquels il s'efforçait de prouver le caractère supra-normal de la faculté de Mlle Smith qu'il croyait vraiment possédée par des esprits et admettait la réalité de ses incarnations antérieures ainsi que de son langage extra-terrestre ou martien. Après avoir lu ces articles, je les ai laissés de côté comme trop peu concluants, surtout à cause des considérations sur le langage sur lequel M. Lefébure semblait insister le plus, lesquelles me parurent factices au point d'autoriser le doute sur tous les arguments formulés par un auteur qui était capable de croire que les habitants d'une autre planète parlaient une langue ressemblant en tous points à l'idiome français et comprenant des mots tels que quisa pour quel, quisè pour quelle, vétéche pour voir, véche pour ver, véritables expressions fantastiques de nursery. Comme preuve de la consistance et de la réalité du langage extra-terrestre, M. Lefébure cite le fait suivant : « l'un des premiers mots que nous ayons eus, métiche, signifiant monsieur, se retrouve plus tard avec le sens de homme ». C'est-à-dire que par une imitation naïve de l'usage français, Hélène, après avoir transformé monsieur en métiche, changea les messieurs en cèe mètichè. Et l'auteur admet que cette langue a surgi indépendamment de toutes les influences qui ont formé la grammaire terrestre en général et la langue française en particulier ! Et, même après que M. Flournoy eut réfuté cette absurdité, j'ai vu des journaux parler de cette langue martienne comme d'un phénomène étonnant ! Ils semblent croire que, si l'évolution d'une autre planète a abouti à l'apparition de la vie consciente, cette vie consciente doit être telle que nous pouvons tous y entrer sans difficulté, un livre de conversation d'Ollendorff à la main : « eni cée métiché oné qudé »  — « ici les hommes (messieurs) sont bons », etc..
A celui qui étudie l'automatisme, tout ceci suggère irrésistiblement l'idée d'un travail subliminal accompli par le sujet lui-même. C'est un cas de « glossolalie » et nous ne connaissons pas de cas moderne, depuis le cas demi-mythique des Miracles des Cévennes où, un langage de ce genre ait été autre chose qu'un baragouinage. Je m'étais trouvé en possession de plusieurs écrits hiéroglyphiques faits automatiquement, avec cette assurance qu'ils représentaient l'écriture japonaise ou celle d'un ancien dialecte du Nord de la Chine ; mais des experts non prévenus, auxquels j'ai soumis ces écrits, ont vite fait de montrer qu'il ne représentaient que des réminiscences vagues de paraphes ornant des plateaux à thé venant de l'Orient.
Il me semble tout à fait impossible qu'un cerveau puisse recevoir télépathiquement, ne serait-ce que des fragments d'une langue qu'il n'a pas apprise. On peut dire, d'une façon générale, que tout ce qui est élaboré, fini, hardi semble être de facture subliminale : tandis que tout ce qui nous vient véritablement de l'extérieur est fragmentaire, embrouillé, timide.
La particularité la plus intéressante de la langue martienne est sa formation exclusivement française ; ce qui prouverait qu'elle n'a pu être élaborée que par un esprit auquel le français seul est familier. Or, Mlle Smith qui, entre parenthèses, est loin d'être une linguiste, avait pris, étant enfant, quelques leçons d'allemand ; ce qui nous conduirait à cette curieuse supposition que, la langue martienne a été inventée par quelque élément de sa personnalité, antérieurement aux leçons d'allemand.
« Ce fait de la nature primitive des différentes élucubrations hypnoïdales de Mlle Smith, dit M. Flournoy (p. 45) et ,les différents âges de la vie auxquels elles appartiennent, me semblent constituer un des points psychologiques les plus intéressants de son médiumnisme, en ce qu'il tend à montrer que ces personnalités secondaires sont probablement, quant à leur origine et en partie tout au moins, des phénomènes de réversion par rapport à la personnalité ordinaire ; des survivances ou des retours momentanés à des phases inférieures dépassées, depuis un temps plus ou moins long et qui normalement, auraient dû être absorbées par le développement de l'individu, au lieu de se manifester extérieurement en proliférations bizarres. De même que la tératologie éclaire l'embryologie qui, à son tour, explique la tératologie et que les deux réunies éclairent à leur tour l'anatomie, de même on peut espérer que l'étude des faits de médiumnisme nous fournira, un jour, une vue exacte et féconde concernant la psychogénèse normale et qui, à son tour, nous permettra de mieux comprendre les apparences de ces phénomènes singuliers ; de sorte que, finalement, la psychologie gagnera une conception meilleure et plus exacte de la personnalité humaine. »
La faculté dont il s'agit ici : celle d'évoquer des états émotionnels depuis longtemps disparus me semble, en tous cas, éminemment caractéristique du génie poétique et artistique. L'artiste doit souvent aspirer à vivre dans le passé avec plus d'intensité que dans le présent, à sentir de nouveau ce qu'il avait senti autrefois et même, à revoir ce qu'il avait vu jadis. Des souvenirs visuels et auditifs poussés à leur vivacité absolue deviennent des hallucinations visuelles et auditives ; et ce point d'hallucination absolue, peu d'artistes sont désireux ou capables de l'atteindre. Mais la mémoire émotionnelle et affective peut, chez quelques natures privilégiées, recouvrer toute son ancienne netteté, pour le plus grand profit de l'art et même, lorsque l'homme lui-même est devenu plus capable de sentir, les émotions revécues ( semblables en cela à certains souvenirs-images optiques) peuvent dépasser les émotions originales.
Mais retournons à Mlle Smith. Une de ses incarnations précédentes a été celle d'une princesse Hindoue et cette incarnation offre un problème linguistique d'un genre un peu différent. Elle écrivait certaines lettres sanscrites, prononçait certains mots sanscrits, mélangés, il est vrai, à un baragouin quasi-sanscrit et ne dépassant pas ce qu'un bon oeil et une bonne mémoire auraient pu retenir après avoir feuilleté pendant quelques heures une grammaire sanscrite. Hélène pourtant, dont la bonne foi est attestée de tous côtés et qui elle-même croyait certainement le plus sincèrement du monde à l'hypothèse spirite, affirme n'avoir jamais consulté ni vu de grammaire sanscrite. D'un autre côté, il résulte des recherches minutieuses faites par M. Flournoy, que les incidents de l'histoire, ou pseudo-histoire hindoue, sur lesquels repose le récit de cette incarnation, font partie d'un passage du livre rare et épuisé de Marlés sur l'Inde, livre que Mlle Smith affirme n'avoir jamais vu, ce qui paraît d'ailleurs plus que probable. ( Voir cependant Nouvelles observations du même auteur (p. 212-213), d'où il résulterait qu'un monsieur, dans la maison duquel Mlle Smith, avait l'habitude de donner des séances et, possédait une grammaire sanscrite qui se trouvait dans la pièce même où les séances avaient lieu. Dans le même livre (p. 206-210), M. Flournoy montre qu'il existe d'autres sources que le livre de Marlés (lequel se trouve d'ailleurs dans les deux principales librairies de Genève) d'où Mlle Smith aurait pu tirer ses renseignements sur l'Inde ; et il relève (p. 2o3-2o6) dans le roman hindou de nombreuses contradictions internes qui le rendent incompatible avec toute hypothèse de réincarnation.) Cette connaissance se manifeste de façon à indiquer une grande familiarité avec les choses d'Orient et, les sons et les gestes quasi-hindous sont employés avec beaucoup de vraisemblance.
Je n'ai pas besoin d'entrer dans les détails de l'incarnation plus moderne et plus accessible de Marie-Antoinette.
Dans les faits déjà cités, ce problème se trouve réduit à sa forme la plus simple ; et je vais formuler ici, aussi brièvement que possible, une théorie que M. Flournoy n'a pas invoquée. Je suis d'accord avec lui pour considérer tout ce roman hindou comme fantastique. Mais, je n'en conclus pas que Mlle Smith a dû voir, sans en avoir conscience, l'Histoire de Marlés et une grammaire sanscrite et je considère comme possible, que les faits que renferme le livre de Marlés et la grammaire soient arrivés à sa connaissance par clairvoyance, à travers son moi subliminal.
Je passe de ces romans incarnationnistes à certains phénomènes moindres mais tout aussi intéressants, que M. Flournoy qualifie d'automatismes téléologiques. « Un jour, dit M. Flournoy (p. 55), que Mlle Smith se proposait de descendre un objet grand et lourd qui se trouvait sur un rayon assez élevé, elle fut empêchée de le faire, son bras élevé étant resté en l'air pendant quelques secondes comme pétrifié et incapable de mouvement. Elle considéra ce fait comme un avertissement et renonça à son projet. A une séance ultérieure, Léopold certifia que ce fut lui qui empêcha son bras de saisir l'objet car, il était trop lourd pour elle et lui aurait causé quelque accident. Une autre fois, un commis qui cherchait en vain, depuis quelque temps, certain échantillon, demande à Hélène si elle ne savait pas ce qu'il était devenu. Mécaniquement et sans réflexion, celle-ci répond qu'il a été envoyé à M. J. (un client de la maison). En même temps elle vit, à une certaine hauteur du parquet, le nombre 18 tracé en grands chiffres noirs et elle ajouta inconsciemment : « il y a 18 jours de cela ». Ceci était tout à fait improbable mais, ne s'en était pas moins montré exact. Léopold n'avait aucun souvenir de ce fait et ne semble pas avoir été l'auteur de cet automatisme cryptomnésique. »
Mlle Smith a encore vu l’apparition de Léopold lui barrant un chemin qu'elle se proposait de prendre et cela dans des circonstances telles que, si elle avait pris ce chemin, il est fort probable qu'elle aurait eu à le regretter.
La question suivante est celle de savoir si une faculté supra-normale quelconque se manifeste dans les phénomènes que nous présente le cas de Mlle Smith. Il paraît y exister un certain degré de télépathie (p. 363 et suivantes), comme dans cette séance où elle vit un village situé sur une colline couverte de vignes et un vieillard habillé en « demi-monsieur » descendant la colline, le long d'un sentier caillouté ; pressée de donner les noms du village et du monsieur, elle écrivit pour le premier « Chessenaz » et pour le second  Chaumontet syndic » ; quelques jours après, elle revit le même monsieur, accompagné d'un autre qu'elle disait être le curé du village dont elle écrivit le nom : « Burnier-salut ». Il résulte des renseignements qui furent pris plus tard que Chessenaz est un village inconnu situé dans la Haute-Savoie, à 26 kilomètres de Genève, qu'un nommé Jean Chaumontet a été syndic de ce village en 1838 et 1839 et un nommé André Burnier curé de 1824 à 1841 ; les deux noms figurent sur un grand nombre d'actes de naissance, etc. ; les signatures données par Mlle Smith ressemblent beaucoup aux signatures authentiques de ces deux personnages. Mlle Smith avait bien eu, autrefois, des connaissances dans les environs de Chessenaz. Mais, ne se rappelle pas avoir jamais vu ce village ; elle ne croit même pas en avoir entendu parler, pas plus que des deux noms du syndic et du curé. Ces deux noms sont pourtant assez répandus dans la région et, il est possible qu'au cours de ses visites, ses amis lui aient montré quelque acte portant ces deux signatures, lesquelles (nous pouvons l'affirmer, puisque sa probité est au-dessus de tout soupçon) auront complètement disparu de sa mémoire supra-liminale.
Ce cas de M. Flournoy, qu'on peut bien considérer comme un cas classique, présente un exemple frappant du libre essor et de l'activité incessante du moi subliminal indépendants de toute influence extérieure. L'élément télépathique, s'il existe, y est relativement peu important. Ce que nous observons, chez Mlle Hélène Smith, ressemble à une sorte d'exagération de la faculté constructive subliminale ; à une hypertrophie de génie sans cette originalité innée de l'esprit qui fait, même des rêves d'un R.-L. Stevenson, une source de plaisir pour des milliers de lecteurs.
Pour nous, des cas de ce genre, quelques curieux qu'ils soient, ne forment qu'une introduction à des automatismes d'un caractère plus profond. Dans notre tentative de tracer les séries évolutives des phénomènes attestant l'existence de facultés humaines de plus en plus élevées, le moindre incident télépathique, la preuve la plus banale, pourvu qu'elle soit une preuve de communications reçues sans l'intermédiaire des sens, d'un esprit incarné ou désincarné, dépassent en importance les ramifications et les productions les plus complexes de l'esprit de l'automate lui-même.
Nous possédons toute une série de cas où des expériences faites avec la planchette ont Révélé, d'une façon incontestable, l'intervention d'un élément télépathique ; d'une influence à distance exercée inconsciemment par des personnes présentes, sur l'esprit des opérateurs et, provoquant de leur part, des mouvements automatiques enregistrés par la table, soit que celle-ci donnât les noms des personnes au moment où leurs portraits étaient regardés par les assistants, soit qu'elle devinât le nombre des pièces de monnaie qui se trouvaient dans la poche d'un assistant alors que, celui-ci n'était pas suffisamment fixé lui-même sur ce nombre, soit qu'elle désignât à l'avance et la somme d'argent que telle personne devait recevoir à titre d'étrennes d'un ami et le nom de ce dernier. Même dans les cas où la personne intéressée semblait ignorer le fait annoncé par la table et la concernant, il était facile de s'assurer que cette personne avait, du fait en question, une connaissance tout à fait subliminale.
Le fait le plus frappant de ce genre est celui de M. et de Mme Newnham qui se sont livrés à des expériences qui consistaient, pour cette dernière, à écrire des réponses à des questions formulées par le premier, également par écrit, sans qu'elle ait jamais entendu ni vu une seule de ces questions.. Ces expériences ont été répétées pendant un temps suffisamment long et, si quelques-unes des réponses écrites par Mme Newnham n'ont aucun rapport avec les questions auxquelles elles étaient destinées, le nombre des réponses exactes et justes n'en reste pas moins encore très considérable et autorise à conclure qu'il s'agissait là de quelque chose de plus qu'une simple coïncidence (Voir Proceedings S. P. R., IX, p. 61-64).
Jusqu'ici, nous n'avons que des cas où l'action télépathique s'exerçait entre des personnes rapprochées, réunies dans la même pièce. Dans le cas de Mme Kirby qui habitait Santa Cruz en Californie, les mouvements automatiques de la table ont révélé des faits concernant des personnes habitant Plymouth en Angleterre, notamment la soeur d'un domestique de Mme Kirby, qui prenait part aux expériences et qui lui était connu sous un nom d'emprunt, son vrai nom ayant été également révélé par la table (Proceedings S. P. R., IX, p. 48).
À côté de ces cas de communications entre vivants, il en existe d'autres où le message semble venir d'une personne décédée alors qu'en réalité elle a, le plus souvent, sa source dans l'esprit d'une des personnes présentes. Tel est le cas souvent cité de M. Lewis, (Proceedings S. P. R., IX, p. 64) auquel un médium qui ne pouvait, en aucune façon, être au courant des affaires de famille de M. Lewis qu'il ne connaissait même pas, communiqua, par l'intermédiaire d'une table, un message provenant d'une des soeurs de ce dernier, morte à l'âge de 2 ans, avant que M. Lewis fût né. Tel est encore, le cas de M. Long, ( Proceedings S. P. R., IX, p. 65) auquel un médium communiqua un message d'un ancien domestique, le nom de ce dernier ayant été orthographié d'une façon inexacte et, le message portant que le domestique était mort depuis 14 ou 15 ans alors qu'il résultait des renseignements pris plus tard que, au moment où le message a été communiqué à M. Long, le domestique était encore vivant. On peut encore ranger dans la même catégorie le cas communiqué à M. Barrett ( Proceedings S. P. R., II, p. 236) et concernant un médium qui, ayant prié une jeune fille de sa connaissance de penser à une personne quelconque, décrivit automatiquement certains faits qui concernaient cette personne.
Au cours d'une séance de spiritisme qui a eu lieu chez le Dr Barallos de Rio De Janeiro, la table annonça qu'un vase renfermant de l'acide phénique s'était brisé à 8 heures du soir dans l'appartement de la belle-soeur du docteur, qui assistait également à la séance. Sa maison était située assez loin du domicile de son beau-frère. En rentrant chez elle, elle a pu constater que le fait était vrai, ou à peu près. Elle apprit également que ses filles qui étaient restées à la maison, en entendant du bruit dans une chambre voisine où couchait un enfant atteint de variole et, où se trouvait également le vase d'acide phénique, sont entrées précipitamment dans cette chambre en s'écriant : « Le vase d'acide phénique est brisé. » II est possible et, c'est aussi l'explication du Pr Alexander de Rio De Janeiro qui nous a communiqué ce cas, que l'impression émotionnelle qu'ont éprouvée les jeunes filles en poussant cette exclamation, ait exercé une influence télépathique sur leur mère et consécutivement sur la table, en amenant à la surface le message que la première a reçu subconsciemment ( Journal S. P. R., VI, p. 112-115).
Nous avons ensuite toute une série de cas qui offrent un champ intéressant à la discussion des deux hypothèses rivales : celle de la cryptomnésie et celle de l'influence exercée par des esprits. Ce sont, par exemple, les cas observés par M. Wedgwood ( Journal S. P. R., V, p. 174 et Proceedings S. P. R., IX, p. 99-109) et dans lesquels il a même joué un rôle actif, en ce sens que lui, qui n'a jamais présenté de manifestations d'automatisme, a participé à des séances d'écriture automatique en compagnie d'une jeune fille qui, elle, était sujette à des impulsions automatiques. L'écriture obtenue dans ces cas constituait la relation de faits concernant des personnages historiques, morts depuis plus ou moins longtemps, plus ou moins célèbres, en tous cas inconnus à M. Wedgwood et à sa partenaire, à cette dernière surtout, qui avait très peu lu et possédait sur toutes choses des connaissances plus qu'insuffisantes. La seule explication possible de ces cas est que M. Wedgwood, cousin et beau-père de Charles Darwin, savant bien connu lui-même ayant beaucoup lu et possédant des connaissances très étendues, pouvait bien ne pas avoir un souvenir supra-liminal des personnages historiques qui traçaient, par l'intermédiaire de sa main, les événements de leur vie mais, qu'il pouvait très bien s'agir d'une émergence de souvenirs subliminaux. Ces cas montrent toutes les difficultés que présente la théorie des souvenirs oubliés. On verra qu'avec un automate de bonne foi on peut, à force de patience, arriver à une solution satisfaisante de la question ; il suffit qu'il nous fournisse, avec des partenaires différents, une série de communications assez longue, dont l'examen nous permettra de constater jusqu'à quel point, les faits que ces communications relatent ont été vus ou entendus et oubliés ensuite. Des communications pareilles fournies par d'autres automates nous mettront à même de tirer une conclusion générale quant à la source de ces faits rétro-cognitifs, si le souvenir oublié ne suffit pas à les expliquer toutes. Le fait le plus important, sous ce rapport, consiste dans le récit absolument véridique, je crois, donné par M. Stainton Moses, dans « Spirit Identity, » d'une série de messages communiqués par des compositeurs de musique et relatant les principaux événements de la vie de chacun d'eux, à peu près tels qu'on peut les trouver dans n'importe quel dictionnaire biographique. Si de pareils messages nous étaient présentés par des automates d'une probité douteuse ou incapables de nous fournir la preuve d'autres messages qui ne pouvaient, en aucune façon, être préparés d'avance, nous n'aurions qu'à ne pas en tenir compte. Mais, dans le cas de M. Moses comme dans celui de la jeune fille des expériences de M. Wedgwood et, à un degré encore plus prononcé, nous avons tant de preuves incontestables de l'existence de facultés subliminales que nous pouvons considérer ces biographies musicales comme faisant partie des séries qui nous intéressent en ce moment. Leur nature particulière a excité la curiosité de M. Moses et de ses amis qui ont été informés par des « guides », qu'il s'agissait réellement de messages provenant des esprits en question mais, que ces esprits ont rafraîchi les souvenirs de leur vie terrestre en consultant des sources d'informations imprimées. Ceci équivaut à ruiner la preuve qu'on veut fournir. Si un esprit est capable de consulter sa biographie imprimée, d'autres esprits le peuvent également et l'esprit incarné de l'automate aussi bien que les autres. C'est ce dont M. Moses se rendait compte, puisqu'il me racontait que la sensation subjective qu'il éprouvait en écrivant ces biographies, était différente de celle que faisait naître en lui la communication directe et réelle avec un esprit.
De ces récits historiques portant sur des faits éloignés dans le temps, je passe aux messages provenant de personnes récemment décédées et qui renferment un élément personnel plus prononcé. Cet élément est constitué surtout par l’écriture. Or, la preuve de l'identité fournie par la ressemblance des écritures peut être assez concluante. Mais, dans l'appréciation de cette ressemblance, on doit tenir compte des considérations suivantes : d'abord, la ressemblance est souvent affirmée et admise après un examen superficiel et insuffisant. Pour qu'il n'y ait pas de doute à ce sujet, il faut, sinon recourir à l'avis d'un expert, examiner minutieusement les trois écritures : l'écriture automatique du même sujet et celle du sujet à l'état normal, celle de la personne qui est l'auteur présumé du message. Ceci se rapporte aux cas où le sujet n'a jamais vu l'écriture de la personne décédée. Dans les cas, au contraire, où il connaît cette écriture, nous devons nous rappeler, en deuxième lieu, qu'un sujet hypnotisé peut souvent imiter n'importe quelle écriture connue plus facilement qu'à l'état de veille et que nous pouvons, par conséquent, avoir souvent affaire à une faculté mimétique du sujet subliminal se manifestant dans les messages, sans intervention aucune du moi supra-liminal.
Je citerai maintenant quelques cas dont le principal intérêt consiste dans l'annonce d'une mort inconnue au médium. - Tel est le cas observé par le Dr Liébeault ( Phantasms of the Living, I, p. 293) se rapportant à une jeune fille américaine qui, lors d'un séjour à Nancy, apprend, par le moyen de l'écriture automatique, la mort d'une de ses amies restée en Amérique. Renseignements pris, le fait fut trouvé vrai, l'amie en question étant morte le Jour-même où l'annonce en a été reçue à Nancy. Dans le cas de M. Aksakoff, une jeune fille, Mlle Stramon, habitant Wilna en Russie, est informée de la mort d'un jeune homme habitant la Suisse et dont elle avait autrefois refusé la main. D'après le message qui, ainsi qu'on l'a appris plus tard, était parvenu cinq heures après la mort, celle-ci aurait été occasionnée par un « engorgement de sang ». Or, il s'agissait en réalité de suicide. Dans une lettre que la jeune fille reçut trois jours plus tard de son père qui se trouvait, à ce moment-là, en Suisse, il était également dit que la cause de la mort avait été un engorgement de sang alors que, l'auteur de la lettre ne pouvait ne pas savoir la cause exacte de la mort. M. Aksakoff suppose que la personne décédée a dû agir, d'un côté, sur Mlle Stramon en lui faisant parvenir le message automatique et d'un autre côté, sur le père de la jeune fille, en l'empêchant de donner dans sa lettre, la cause exacte de la mort ( Proceedings S. P. R., VI, p. 343-48).
Le cas de M. W... est des plus curieux. ( Proceedings S. P. R., VIII, p. 242-248) Homme sérieux, magistrat, il assiste un jour à une séance de « tables parlantes » où on lui apprend qu'il possède le don de l'écriture automatique. Aussitôt, il se met à l'oeuvre et après avoir acquis la conviction qu'il possédait réellement ce don, il l'exerce toutes les fois que l'occasion se présente et souvent, avec des résultats surprenants ; il obtient, à l'aide de l'écriture automatique, des renseignements sur un grand nombre d'affaires qui l'intéressent : état de santé de personnes absentes, mort imminente de personnes malades que les médecins ne croyaient nullement en danger, détournement de succession malgré les dénégations de la personne inculpée, description de l'extérieur et des circonstances de la vie et de la mort de personnes qu'il n'a jamais vues ni connues mais auxquelles, une autre personne présente à la séance se contentait de penser, etc., etc.. On voit que quelques-uns de ces messages peuvent s'expliquer par l'hypothèse de la télesthésie subliminale, d'autres par celle de la télépathie ayant sa source dans l'esprit de personnes vivantes, d'autres encore semblaient provenir de l'esprit de personnes décédées.
Le cas suivant, publié par M. Aksakoff, montre jusqu'à quel point les personnes décédées peuvent continuer à être au courant des choses terrestres. Une jeune fille russe, Schura, (diminutif d'Alexandrine) s'empoisonna à l'âge de 17 ans, après avoir perdu son fiancé Michel qui, arrêté comme révolutionnaire, perdit la vie en tentant de s'évader. Le frère de Michel, Nicolas, était, au moment où a été prise cette observation, étudiant à l'Institut Technologique. Un jour, une dame de Wiessler et sa fille (dont la première s'occupait beaucoup de spiritisme), qui ne connaissaient que très peu la famille de Michel et de Nicolas et, dont les relations avec Schura et sa famille remontaient déjà à une époque éloignée, sans avoir été jamais très suivies, reçoivent par l'intermédiaire d'une table, un message de Schura leur enjoignant de prévenir, sans retard, la famille de Nicolas, que leur fils court le même danger dont a péri son frère. En présence des hésitations de ces deux dames, Schura devient de plus en plus insistante, prononce des paroles de colère dont elle avait l'habitude de se servir de son vivant et, pour leur fournir une preuve de son identité, va jusqu'à apparaître à Sophie un soir, la tête et les épaules encadrées d'un cercle lumineux. Ceci ne suffit pas encore à décider Mme von Wiessler et sa fille. Enfin, un jour, Schura leur fait savoir que tout est fini, que Nicolas va être arrêté et qu'elles auront à se repentir de ne pas lui avoir obéi. Les deux dames se décident alors à porter tous ces faits à la connaissance de la famille de Nicolas qui, très satisfaite de la conduite de ce dernier, ne prête aucune attention à ce qu'on vient lui raconter. Deux années se passent sans incidents, lorsqu'on apprend un jour, que Nicolas vient d'être arrêté pour avoir pris part à des réunions révolutionnaires qui avaient eu lieu à l'époque- même des apparitions et des messages de Schura (Proceedings S. P. R,, VI, p. 349-353).
Le cas suivant est, pour ainsi dire, unique dans son genre. Il relate le succès d'une expérience directe, d'un message projeté avant et communiqué après la mort, par un homme qui considérait que l'espoir d'une existence certaine après la mort valait bien un effort résolu, quelque en soit le résultat. Le frère de Mme Finney ( Proceedings S. P. R., VIII, p. 248-251) se fit apporter, quelques mois avant sa mort, une brique qu'il marqua à l'encre d'une certaine façon et, la cassant ensuite en deux, en donna une moitié à sa soeur, lui disant qu'il lui communiquerait, après sa mort à lui, l'endroit où serait cachée l'autre moitié de la brique, ainsi que le contenu d'une lettre cachetée qui se trouverait cachée dans le même endroit. Après le décès de son frère, Mme Finney reçut, par l'intermédiaire d’une table, les communications qui lui avaient été promises concernant aussi bien, le contenu de la lettre que l'endroit où elle était cachée avec la moitié de la brique. Ces communications étaient absolument exactes.
Des expériences de ce genre peuvent être tentées par tout le monde. Et je dois ajouter que ce sont les expériences avec l'écriture automatique, la cristalloscopie, etc., plutôt que celles concernant les apparitions spontanées, qui sont capables de nous fournir une information réelle quant au degré où les esprits désincarnés gardent une connaissance des choses terrestres.
Avant de clore ce chapitre, essayons de nous rendre compte du chemin que nous avons parcouru jusqu'ici et du point où nous en sommes. Nous constaterons, ici, que les phénomènes moteurs n'ont fait que confirmer et étendre les résultats que l'étude des phénomènes sensoriels nous avait déjà fait entrevoir. Nous avons déjà attiré l'attention sur le degré variable d'extension des facultés subliminales, aussi bien dans le sommeil qu'à l'état de veille. Nous avons vu une intensification hyperesthésique d'une faculté ordinaire aboutir à la télesthésie et à la télépathie dont des personnes vivantes ou décédées constituaient le point de départ. A côté de ces facultés qui, dans l'hypothèse d'une existence indépendante de l'âme, nous paraissaient susceptibles d'une explication suffisante, nous avons noté, aussi, l'existence d'une faculté pré-cognitive d'un genre tel, qu'aucun fait scientifique connu n'est capable de nous l'expliquer.
Au cours de l'étude des automatismes moteurs, nous avons trouvé un troisième groupe de cas qui confirment, de tous points, les résultats que nous a fournis l'analyse des automatismes moteurs dans le sommeil et à l'état de veille. Des preuves, à ce point convergentes supposent, pour être mises en doute, une hardiesse de négation peu commune. Mais, les automatismes moteurs nous ont encore appris quelque chose de plus. A la fois plus énergiques et plus persistants que les automatismes sensoriels, ils nous mettent en présence de certains problèmes que la nature superficielle et fugitive des impressions sensorielles nous permettait, en quelque sorte, d'esquiver. C'est ainsi que, lors de la discussion du mécanisme des fantômes visuels et auditifs, deux conceptions rivales se sont offertes à notre choix : celle de l’influence télépathique et celle de l’invasion psychique.  Nous disions qu'il faut admettre, ou une action exercée par l'agent sur l'esprit du sujet percevant, stimulant les trajets sensoriels du cerveau de ce dernier, de telle sorte que l'impression s'extériorise sous forme d'une quasi-perception ou bien, une modification opérée par l'agent dans cette portion de l'espace où une apparition est discernée, peut-être par plusieurs sujets à la fois.
A ce moment-là, c'est l'hypothèse de l'influence télépathique qui nous a paru la plus naturelle, la moins extrême des deux, peut-être parce que, les images auxquelles nous avions affaire étaient si vagues et obscures. Mais à présent, au lieu des hallucinations flottantes, nous avons, devant nous, des impulsions fortes et durables qui semblent venir des profondeurs de l'être et qui, à l'exemple de la suggestion hypnotique, sont capables de surmonter les résistances et les répugnances du sujet qui ne connaît pas de repos tant qu'il n'a pas agi conformément à cette impulsion. Nous pouvons encore, si nous le voulons, parler d'influence télépathique mais maintenant, ce terme sera difficile à distinguer de l'invasion psychique. Cette forte, quoique bizarre en apparence, innervation motrice correspond, en réalité, aussi exactement que possible, à l'idée que nous avons de l'invasion ; invasion, non plus de l'espace seul où se trouve le sujet mais, de son corps et de ses
facultés. Cette invasion se prolongeant suffisamment, peut devenir de la possession et, elle unit et intensifie à la fois, les-deux hypothèses précédentes : celle de l'action télépathique sur l'esprit du sujet et celle de la présence fantasmogénique dans son entourage. Ce qui apparaissait d'abord comme une simple influence, tend à devenir une direction persistante ; ce qui apparaissait d'abord comme une simple incursion dans le milieu du sujet devient une incursion dans son organisme-même. Ce léger progrès, de l'état vague à une clarté relative de la conception, pose devant nous toute une série de problèmes nouveaux. Mais, comme nous devions nous y attendre, quelques-uns de nos phénomènes antérieurs peuvent servir à nous faire comprendre des phénomènes plus avancés.
Dans les cas de dédoublement de la personnalité, pour commencer par ceux-là, nous avons vu survenir les mêmes phénomènes, alors qu'aucune autre personnalité que celle du sujet n'était en jeu. Nous avons vu une partie du moi subliminal dominer partiellement ou temporairement l'organisme entier, soit en dirigeant, par exemple, les mouvements d'un seul bras, soit en dirigeant temporairement tout le système nerveux ; et, tout ceci avec des degrés variables de déplacement de la personnalité primitive.
II en est de même de la suggestion post-hypnotique. Nous avons vu le moi subliminal recevoir l'ordre d'écrire, par exemple,  « Il a cessé de pleuvoir » et écrire immédiatement ces mots, en dehors de la volonté consciente du sujet et, cette fois aussi, avec des degrés variables de déplacement du moi éveillé. De ces cas à celui de Mme Newnham, il n'y a qu'un pas à faire. Le moi subliminal de cette dernière mettant en oeuvre des facultés supra-normales et faisant un certain effort de son côté, acquiert la connaissance de certains faits provenant de l'esprit de M. Newnham et se sert de sa main pour les écrire automatiquement. Le grand problème qui se pose à ce propos, est celui de savoir comment Mme Newnham acquiert la connaissance des faits en question, plutôt que celui de la façon dont elle parvient à les écrire.
Mais à mesure que nous avançons, il devient de plus en plus difficile de limiter le problème aux activités du moi subliminal de l'automate. Nous ne pouvons pas toujours affirmer qu'une partie de la personnalité du sujet arrive à la connaissance supra-normale par un effort personnel. Les preuves en faveur de l'influence, ou de l'action télépathique du dehors, semblent s'accumuler de plus en plus. Dans le cas Kirby par exemple, (voir plus haut) on peut supposer que l'esprit de la soeur avait exercé, sur le frère, une action télépathique du dehors, qui aboutissait à des mouvements automatiques, absolument semblables à ceux qui naissent du dedans. De quel mécanisme s'agit-il donc ici ? Devons-nous supposer que le moi subliminal de l'automate exécute les mouvements, obéissant à un ordre ou à une influence extérieure ? Ou bien l'agent extérieur qui envoie le message télépathique exécute-t-il, lui-même, les mouvements télékinétiques accompagnant le message ? (point que nous n'avons pas encore discuté mais qui est d'une importance capitale) Devons-nous supposer qu'eux aussi sont effectués par le moi subliminal du
sujet, sous la direction d'un esprit extérieur, incarné ou désincarné ? ou bien sont-ils effectués directement par cet esprit extérieur ?
Il est impossible de dire laquelle de ces deux hypothèses est la plus facile. A un certain point de vue, il paraît plus simple de nous en tenir, autant que possible, à cette vera causa qu'est le moi subliminal de l'automate et, de recueillir des observations attestant l'existence, en lui, d'une Faculté capable de produire des effets physiques s'étendant au-delà de l'organisme. Nous possédons bien, à ce sujet, des observations fragmentaires et, même Mme Newnham (je le dis en passant) croyait que sa plume, en écrivant les messages qu'elle recevait télépathiquement de son mari, était mise en mouvement par autre chose que l'action musculaire des doigts qui la tenaient. D'un autre côté, il paraît inconséquent d'attribuer à l'action d'un esprit extérieur, des impulsions et
impressions qui appartiennent en propre à l'automate lui-même et, en même temps, de se refuser à attribuer à la même action extérieure des phénomènes qui se passent en dehors de l'organisme de l'automate et qui se présentent à lui comme des faits objectifs, aussi extérieurs à son être que la chute d'une pomme sur le sol.
En réfléchissant sur ces points et en admettant ce genre d'interaction entre l'esprit de l'automate et un esprit extérieur, incarné ou désincarné, nous obtenons une variété vraiment déconcertante de combinaisons possibles entre ces deux facteurs ; variété d'influences de la part de l'esprit actif ; variété d'effets se manifestant dans l'esprit et dans l'organisme du sujet passif.
Qu'est-ce qui produit ces influences et qu'est-ce qui se trouve déplacé ou remplacé par ces influences ? De quelle façon deux esprits peuvent-ils coopérer dans la possession et la direction d'un seul et même organisme ?
Ces derniers mots : « possession et direction », nous rappellent le grand nombre de traditions et de croyances relatives aux effets que les esprits des personnes décédées peuvent faire naître grâce à la possession et à la direction qu'ils exercent sur les vivants. A ces croyances anciennes et vagues, nous nous efforcerons de donner, dans le chapitre suivant, une forme aussi exacte et aussi stable que possible. Et, remarquez avec quelle disposition entièrement nouvelle de l'esprit nous abordons cette tâche. L'étude de la « possession » n'est plus pour nous, comme pour le savant civilisé ordinaire, une simple recherche archéologique ou anthropologique de formes de superstition complètement étrangères à la pensée saine et systématique. Au contraire, cette étude découle directement de notre argumentation précédente ; elle nous est absolument nécessaire, aussi bien pour la compréhension de faits déjà connus, qu'en vue de la découverte de faits encore inconnus. Nous sommes obligés d'examiner certains phénomènes définis du monde spirituel, afin de pouvoir expliquer certains phénomènes définis du monde matériel.

 

Chapitre suivant




Téléchargement | Bulletin
nous écrire | L’Agora Spirite