Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec



CHAPITRE V
E. LA GENÈSE


Les miracles et les Prédications selon le spiritisme

Un an avant sa mort, plus exactement en janvier 1868, Allan Kardec publie son dernier grand livre. Après avoir établi les bases théoriques et pratiques de la doctrine, il lui reste encore à interpréter l'Ancien et le Nouveau Testament selon le spiritisme.
D'ailleurs, dès les premières lignes de son Introduction il écrit :
« Le nouvel ouvrage est un pas de plus en avant dans les conséquences et les applications du spiritisme. Il a pour objet l'étude de trois points diversement interprétés et commentés jusqu'à ce jour :
- la Genèse ;
- les miracles ;
- les prédications dans leurs rapports avec les lois nouvelles qui découlent de l'observation des phénomènes spirites. »

Il y aura donc trois grandes parties. Cependant, comme à l'accoutumée, Allan Kardec repasse en revue les principaux principes de la doctrine spirite. Pour le sujet qu'il traite, ce sont surtout les caractères de la révélation spirite l'intéressent. Nous en avions parlé longuement dans l’étude introductive, surtout au chapitre concernant les rapports entre le spiritisme et la religion. D'autre part, après avoir défini l'existence de Dieu, l'auteur emprunte quelques idées morales sur le thème du bien et du mal à son livre précédent : Le ciel et l'enfer. Ce n'est qu'ensuite qu'il interprète la Genèse.

Première Partie : La Genèse

« A l'origine, dit Allan Kardec, les peuples ne possédaient pas de science. Leur seul savoir était religieux. De sorte que les premiers livres sacrés ont été en même temps les premiers livres de science. » Mais, par la suite, l'humanité acquiert des éléments d'appréciation : ainsi, par exemple, « au lieu d'une Genèse imaginaire, on a une Genèse positive et en quelque sorte expérimentale ». La théorie physique, la science géologique viennent pour remplacer - ou corriger - les fables de l'Ancien Testament concernant la Genèse du monde. De sorte que « c'est la science qui est appelée à constituer la véritable Genèse d'après les lois de la nature ».
Certes, la science n'accorde pas plus d'importance à une religion qu'à une autre. Elle exclut tout dialogue car son terrain de recherches et ses méthodes ne sont pas ceux de la foi, mais ceux de l'expérience. Or le spiritisme, qui ressemble à la fois à la science par sa méthode de recherches et à la religion par son objet (Dieu et le monde des Esprits), doit reconnaître que « de toutes les Genèses antiques, celle qui se rapproche le plus des données scientifiques modernes, malgré les erreurs qu'elle renferme et qui sont, aujourd'hui, démontrées jusqu'à l'évidence, c'est incontestablement celle de Moïse ».
Allan Kardec reconnaît que la Bible renferme « de grandes et belles choses. L'allégorie y tient une place considérable, et sous ce voile, elle cache des vérités sublimes qui apparaissent si l'on cherche le fond de la pensée, car alors l'absurde disparaît ».
Après l'éloge, voici la confrontation critique de la lettre biblique avec la science. Or la « foi orthodoxe, dit Allan Kardec, s'en est émue, parce qu'elle a cru voir sa pierre d'assise enlevée ; mais qui devait avoir raison : de la science marchant prudemment et progressivement sur le terrain solide des chiffres et de l'observation, sans rien affirmer avant d'avoir la preuve en mains, ou d'une relation écrite à une époque où les moyens d'observation manquaient absolument ? »
Une première objection vient à l'esprit de l'auteur : « ... si la Bible est une révélation divine, Dieu s'est donc trompé ? Si elle n'est pas une révélation divine, elle n'a pas plus d'autorité, et la religion s'écroule faute de base ».
Le dilemme, pour un spirite, semble assez grand. Car « de deux choses l'une : ou la science a tort, ou elle a raison; si elle a raison, elle ne peut faire qu'une opinion contraire soit vraie ; il n'y a pas de révélation qui puisse l'emporter sur l'autorité des faits ».
Convaincu que la confrontation, bien que nécessaire, ne peut porter atteinte aux idées de Dieu, d'esprit et d'immortalité, Allan Kardec écrit :
« Les lois de la nature sont l'œuvre de Dieu ; elles ne peuvent être contraires aux religions fondées sur la vérité. La science accomplit donc sa mission par la force même des choses, et par une conséquence naturelle du développement de l'intelligence humaine qui, elle aussi, est une œuvre divine, et n'avance qu'avec la permission de Dieu en vertu des lois progressives qu'il a établies. Jeter l'anathème au progrès comme attentatoire à la religion, c'est donc aller contre la volonté de Dieu ; c'est de plus peine inutile, car tous les anathèmes du monde n'empêcheront pas la science de marcher, et la vérité de se faire jour. Si la religion refuse de marcher avec la science, la science marche toute seule. »
Dès lors, Allan Kardec suit les données de la science du XIXe siècle qui ont un rapport avec les propos de la Bible.
Un premier chapitre intitulé : Uranographie générale traite des problèmes de l'espace et du temps, de la matière, de la création, de soleils et de planètes, des étoiles et de la vie universelle.
Pour l'espace, afin de montrer son étendue infinie, Allan Kardec a l'intuition du rapport entre la vitesse et le temps. Ce n'est pas la vitesse de la lumière (300.000 km/sec.) qu'il utilise, mais celle de l'éternelle électrique - ce qui revient au même. Un homme lancé dans le cosmos à cette vitesse, voisine de la constante absolue d'Einstein, constate la contraction du temps et l'identité de l'espace : « Nous n'aurons pas avancé davantage » dit Allan Kardec. De la relativité de l'espace il passe à celle du temps. Par rapport à l'éternité, il est illusoire. Le matin et le soir, le commencement et la fin, c'est-à-dire la succession des choses disparaît dès qu'on se place dans l'infini éternel.
La matière, elle, est soumise à un mouvement universel. Malgré ses différents états, la matière appartient à la substance dite « fluidique », c'est-à-dire aux corps impondérables. C'est le cosmos ou matière cosmique des uranographes.
Ce fluide originaire, c'est l'éther. Il remplit l'espace cosmique. « A l'éther sont inhérentes les forces qui ont présidé aux métamorphoses de la matière, les lois immuables et nécessaires qui régissent le monde. A savoir : pesanteur, cohésion, affinité, attraction, magnétisme, électricité active... »
Remontant le temps, Allan Kardec aboutit à l'état d'éternité qui est signifié par Dieu.
Donc: « Le commencement absolu des choses remonte à Dieu. » L'éternité continue aussi après le temps.
De sorte que « nous sommes placés au milieu d'une infinité de mondes » et « au milieu d'une double infinité de durées antérieures et ultérieures ». La connaissance de la Nature amène le chercheur à la même conclusion, que la création est universelle, résultat d'une volonté divine.
La formation des soleils et des planètes est expliquée selon les données scientifiques en vigueur au XIXe siècle (Kant-Laplace). Le livre ignore donc la théorie de l'atome primitif ou des marées. Quant à la nature de la lune, Allan Kardec rappelle une hypothèse qui nous fait sourire.
La pluralité des mondes (planètes) est une preuve, pour Allan Kardec, de l'universalité de la création humaine.
« Une même famille humaine, dit-il, a été créée dans l'universalité des mondes, et les liens d'une fraternité encore inappréciée de votre part ont été donnés à ces mondes. Si ces astres qui s'harmonisent dans leurs vastes systèmes sont habités par des intelligences, ce n'est point par des êtres inconnus les uns des autres, mais bien par des êtres marqués au front de la même destinée qui doivent se rencontrer momentanément suivant leurs fonctions de vie, et se retrouver suivant leurs mutuelles sympathies ; c'est la grande famille des Esprits qui peuplent les terres célestes ; c'est le grand rayonnement de l'Esprit divin qui embrasse l'étendue des cieux, et qui reste comme type primitif et final de la perfection spirituelle. »
Une fois établie la nature cosmique, Allan Kardec s'occupe de notre globe terrestre. Dans l'esquisse géologique de la terre, il parle de l'état primitif du globe, des périodes (primaire, secondaire, tertiaire, diluvienne et post-diluvienne), pour arriver à la naissance de l'homme. Mais ce sont les théories sur l'origine de la terre qui semblent le plus intéressantes. L'auteur explique la théorie de Buffon qui suppose qu'une comète est passée à proximité du soleil et le fit éclater. C'est de cette masse éparpillée dans l'espace et tournant autour du soleil qu'est né notre monde.
Quant à la théorie de l'incrustation, émise par un paysan, elle n'est reproduite que pour son sens ésotérique.
Grâce à ses explications qui découlent d'une méthode expérimentale, la science contrôle les affirmations de la Bible. Dans un tableau comparatif, Allan Kardec essaie de donner aux six jours de la Genèse mosaïque leur vérité astronomique et géologique.

Au premier jour (le ciel, la terre et la lumière) correspond la période astronomique : agglomération de la matière cosmique universelle sur un point de l'espace en une nébuleuse qui a donné naissance, par la condensation de la matière sur divers points, aux étoiles, au soleil, à la terre, à la lune et à toutes les planètes. La terre est dans un état fluidique et incandescent. Atmosphère chargée d'eau en vapeur...
Au deuxième jour (le firmament, séparément des eaux) correspond la période primaire : durcissement de la surface de la terre par le refroidissement ; formation des couches granitiques ; atmosphère épaisse et brûlante ; absence de toute vie organique.
Au troisième jour (les eaux qui sont sous le firmament se rassemblent, les mers se forment, les plantes) correspond une période de transition : les couches sédimentaires, le soleil perce l'atmosphère brumeuse, les premières plantes (lichens, mousses, fougères, herbacées) et les premiers animaux marins (300 phytes, polypiers, crustacés...)
Au quatrième jour (le soleil, la lune et les étoiles) correspond la période secondaire: température moins brûlante, nouvelles espèces de plantes (les premiers arbres) et des poissons, animaux à coquille et surtout les grands reptiles aquatiques et amphibies.
Au cinquième jour (les poissons et les oiseaux) correspond la période tertiaire : soulèvement de la croûte solide, formation des continents, des mers, apparition des animaux gigantesques, ainsi que des animaux actuels. Enfin, la naissance des oiseaux.
Le sixième jour, celui de la création de l'homme suit le Déluge universel qui a eu lieu après la période tertiaire. C'est la période quaternaire (post-diluvienne) et qui se continue en ce moment.
Dans le tableau ci-dessus, Allan Kardec remarque que le jour biblique est en réalité pris au sens de période, durée, espace de temps indéterminé. Il faut donc suivre l'aspect logique de l'évolution, de la nébuleuse à l'homme. Dans ce sens, il n'y a pas de contradiction entre la science et la Genèse biblique.
Un autre point critiqué pour lequel Allan Kardec donne raison à la Bible contre la science, c'est l'anachronisme dans l'ordre que Moïse assigne à la création du soleil (qui suit la création de la lumière). Allan Kardec précise :
« Le soleil n'est point le principe de la lumière universelle, mais une concentration de l'élément lumineux sur un point, autrement dit du fluide qui, dans les circonstances données, acquiert les propriétés lumineuses. Ce fluide, qui est la cause, devait nécessairement exister avant le soleil, qui n'est qu'un effet. Le soleil est cause pour la lumière qu'il répand, mais il est effet par rapport à celle qu'il a reçue. »
En résumé :
« Ne rejetons donc pas la Genèse Biblique ; étudions-là, au contraire, comme on étudie l'histoire de l'enfance des peuples. C'est une épopée riche en allégorie dont il faut chercher le sens caché, qu'il faut commenter et expliquer à l'aide des lumières de la raison et de la science. »
Dans la création de l'homme, par exemple, la Bible parle d'Adam. Or, le mot hébreux haadam qui signifie homme a la même racine que le mot haadama, terre. La science vient et précise : l'homme est un corps matériel, le dernier anneau de l'animalité sur la terre. Or, la dernière science en date, le spiritisme, va au-devant et expérimente, positivement, l'élément spirituel qui anime la vie matérielle de l'homme... Il y a lieu d'admettre que la vie organique réside dans un principe inhérent à la matière, indépendant de la vie spirituelle qui est inhérente à l'Esprit. La source de ce dernier n'est pas dans l'élément cosmique universel (une sorte de transformation, comme la lumière, l'électricité, la chaleur). En réalité, en même temps que Dieu a créé des mondes matériels de toute éternité, il a également créé des êtres spirituels de toute éternité : sans cela les mondes matériels eussent été sans but. Le contraire est plus concevable.
Le corps matériel sert à l'habitat de l'esprit. Puisque celui-ci est le plus important, même « des corps de singes ont très bien pu servir de vêtements aux premiers esprits humains, nécessairement peu avancés, qui sont venus -s'incarner sur la terre... ».
Quand ce corps - vêtement, maison, etc. - meurt, l'Esprit s'en va. Il erre ou se réincarne dans une autre existence, la planète pouvant être autre que la terre. La mort du premier homme (en fait Allan Kardec parle d'une race adamique répandue sur les cinq continents) est en fait la mort spirituelle : expulsé du jardin primitif (le Paradis), Adam perd les biens qui résultent de l'avancement moral. « Le paradis terrestre, dont on a inutilement cherché les traces sur la terre, était donc la figure du monde heureux où avait vécu Adam, ou plutôt la race des Esprits dont il est la personnification. L'expulsion du paradis marque le moment où ces Esprits sont venus s'incarner parmi les habitants de ce monde, et le changement de situation qui en a été la suite. L'ange, armé d'une épée flamboyante, qui défend l'entrée du paradis, symbolise l'impossibilité où sont les Esprits des mondes inférieurs de pénétrer dans les mondes supérieurs avant de l'avoir mérité par leur épuration. »

Deuxième partie : Les miracles selon le spiritisme

I. Introduction

Avant de passer à l'interprétation des miracles de l'Evangile, Allan Kardec essaie d'expliquer la nature du miracle en général et de quelques faits surnaturels.
« Dans son acception étymologique, dit-il, le mot miracle (de mirari, admirer) signifie : admirable, chose extraordinaire, surnaturelle.
Dans son acception usuelle, le mot a perdu sa signification primitive. Le sens liturgique est celui de « dérogation aux lois de la nature, par laquelle Dieu manifeste sa puissance ». Le vulgaire en a adopté cette explication... « inexplicable. »
Or la science fait chaque jour des miracles : elle pénètre le monde surnaturel et restreint l'étendue de la zone du merveilleux, de l'inexplicable. Le spiritisme, à son tour, révèle - comme toute science - les nouvelles lois des phénomènes. Ces phénomènes se rattachent à l'existence des Esprits et à leur intervention dans le monde matériel ; or, c'est là, dit-on, qu'est le surnaturel.
« Mais alors, s'écrie Allan Kardec, il faudrait prouver que les Esprits et leurs manifestations sont contraires aux lois de la nature... »
Ce qui n'est pas prouvé. Les phénomènes spirites consistent dans les différents modes de manifestation des Esprits, soit pendant l'incarnation, soit à l'état d'erraticité. Nous jugeons l'Esprit par ses effets : or, la science spirite peut observer, expérimenter, analyser ces effets tout à fait dans l'ordre naturel des choses. Pour une plus ample explication, Allan Kardec renvoie à son Livre des Médiums. Il rappelle, néanmoins, que les médiums ne produisent absolument rien de surnaturel et qu'ils ne font aucun miracle. L'épithète de thaumaturges donné à certains médiums est impropre.
Mais Dieu ? Peut-il en faire ?
Certainement. Mais pourquoi en ferait-il ? Pour attester sa puissance. Or, sa puissance est déjà prouvée par l'œuvre de la création. De sorte que « les miracles n'étant pas nécessaires à la glorification de Dieu (qui ne fait rien de gratuit), rien, dans l'univers, ne s'écarte des lois générales ».
Il en résulte que ce n'est pas le surnaturel qui est nécessaire aux religions, mais bien le principe spirituel que l'on confond à tort avec le merveilleux, et sans lequel il n'y a pas de religion possible.
Avant de finir cette grande partie, Allan Kardec consacre un chapitre spécial au problème des Fluides. On sait que le fluide cosmique universel est... la matière élémentaire primitive, dont les modifications et transformations constituent l'innombrable variété des corps de la nature. Le fluide offre deux états distincts, celui d'éthérisation ou d'imponderabilité (état normal primitif), et celui de matérialisation ou de pondérabilité.
Il est évident que le premier état appartient au monde invisible et le second au monde visible. Les phénomènes dont ils donnent naissance sont psychiques ou matériels.
Cependant les Esprits, qui sont eux-mêmes fluidiques, considèrent l'état d'éthérisation du fluide comme une chose tangible (ce qui n'est pas possible à l'homme incarné). Alors, la qualification de fluides spirituels n'est pas rigoureusement exacte ; il n'y a de réellement spirituel que l'âme ou principe intelligent.
Quoi qu'il en soit, le périsprit est un des produits les plus importants du fluide cosmique ; c'est une condensation de ce fluide autour d'un foyer d'intelligence ou âme.
Grâce à cette définition du périsprit, Allan Kardec peut expliquer les faits réputés surnaturels.
En effet, le périsprit est l'organe sensitif de l'Esprit. Or, dans la double-vue, par exemple, l'Esprit ne voit plus par les yeux du corps, mais par les yeux de l'âme dans son enveloppe périspritale. L'Esprit quitte le corps mais il y revient, le lien fluidique n'étant rompu qu'avec la mort. Tous les phénomènes comme le somnambulisme naturel et magnétique, la catalepsie, la léthargie ou l'extase, ne sont autres que les manifestations de la vie spirituelle.
L'importance du fluide est très grande dans le spiritisme. Tout esprit agit directement sans intermédiaire sur un incarné, grâce aux propriétés du fluide. Il peut ainsi le guérir, calmer une souffrance, donner un conseil moral. Il s'agit, en somme, d'un contact direct entre le périsprit (fluidique) de l'esprit avec celui de l'incarné. Quand l'incarné est médium, cela signifie que son périsprit est plus éthéré et davantage capable de recevoir les signes du fluide invisible. Mais cela n'a rien de surnaturel ou de merveilleux : c'est aussi naturel qu'une loi physique.

II. Les miracles

« Les faits rapportés dans l'Evangile, et qui ont été jusqu'ici considérés comme miraculeux, appartiennent, pour la plupart, à l'ordre des phénomènes psychiques, c'est-à-dire de ceux qui ont pour cause première les facultés et les attributs de l'âme. » Ce qui semblait surnaturel au temps de Jésus est monnaie courante à notre époque, dit Allan Kardec.
En effet, si on connaît les principes du fluide périsprital, on peut expérimenter à volonté les manifestations «miraculeuses » et « surnaturelles » dont parle l'Evangile. « Sans rien préjuger sur la nature du Christ, qu'il n'entre pas dans le cadre de cette œuvre d'examiner, en ne le considérant, par hypothèse, que comme un esprit supérieur, on ne peut s'empêcher de reconnaître en lui un de ceux de l'ordre le plus élevé, et qu'il est placé par ses vertus bien au-dessus de l'humanité terrestre. »
Dès lors tout s'explique: en tant qu'Esprit supérieur, son âme ne devait tenir au corps que par les liens strictement indispensables; constamment dégagée, elle devait lui donner une double-vue... d'une pénétration exceptionnelle. De plus « la qualité de ces fluides (périspritaux ou psychiques) lui donnait une immense puissance magnétique secondée par le désir incessant de faire le bien ».
Une question :
« Dans les guérisons qu'il opérait, agissait-il comme médium ? Peut-on le considérer comme un puissant médium guérisseur ? »
La réponse est : Non. « Car le médium est un intermédiaire, un instrument dont se servent les Esprits désincarnés. Or, Christ n'avait pas besoin d'assistance, lui qui assistait les autres ; il agissait donc par lui-même, en vertu de sa puissance personnelle. » S'il recevait un influx étranger, ce ne pouvait être que Dieu : donc, le Christ, était médium de Dieu.
Ceci dit, Allan Kardec part à l'explication de quelques miracles opérés par Jésus. Il cite différents fragments de l'Evangile et en donne une interprétation globale.
Ainsi pour la double-vue de Jésus, il trouve plusieurs exemples : l'entrée de Jésus à Jérusalem (où il voit d'avance l'âne qui l'attend), le baiser de Judas (il sait qui sera le traître) la pêche miraculeuse (dans une eau qui semblait stérile à Pierre), etc... Allan Kardec s'appuie sur un texte évangélique : « Mais Jésus, connaissant leur pensée, leur dit... etc. », pour accorder à Jésus le pouvoir de la double vue.
Jésus opère également des guérisons. Il se contente de dire : « Votre foi vous a sauvés. » « On comprend qu'ici, dit Allan Kardec, la foi n'est pas la vertu mystique telle que certaines personnes l'entendent, mais une véritable force attractive. » De sorte que Jésus est une sorte de « pompe foulante » et le malade une « pompe aspirante » de fluide vivificateur. C'est de la médiumnité guérissante.
Quand il guérit des aveugles ou des paralytiques, Jésus dit: « Vos péchés vous seront remis. » Le spiritisme traduit : « Vous avez payé votre dette ; la cause de votre maladie est effacée par votre foi présente ; en conséquence, vous méritez d'être délivré de votre maladie. » Il s'agit donc d'une renaissance, car chaque homme a plusieurs existences. Sa maladie n'était que l'expiation d'un péché antérieur, dans un autre monde. On voit donc l'aspect à la fois moral de la guérison et celui spirituel d'une âme ayant eu plusieurs existences (thèse essentielle dans la doctrine spirite).
L'histoire de l'aveugle-né, guéri par Jésus et chassé ensuite de la synagogue (excommunié), donne à Allan Kardec l'occasion de parler du sort réservé aux spirites « donc la doctrine est celle du Christ interprétée selon les progrès des lumières actuelles ». Or, s'écrie Allan Kardec, n'a-t-on pas vu des prêtres dire, du haut de la chaire, qu'il valait mieux rester incrédule que de revenir à la foi par le spiritisme ? N'en a-t-on pas vu un dire à des malades qu'ils ne devaient pas se faire guérir par les spirites qui possèdent ce don parce que c'est un don satanique ? »
Quant au moyen employé pour guérir, il est évident que l'espèce de boue faite avec de la salive et de la terre ne pouvait avoir de vertu que par l'action du fluide guérisseur dont elle était imprégnée ; c'est ainsi que les substances les plus insignifiantes, l'eau par exemple, peuvent acquérir des qualités puissantes et effectives sous l'action du fluide spirituel ou magnétique, auquel elles servent de véhicule, ou, si l'on veut, de réservoir.
Donc, le but de la guérison évangélique est le bien et le renforcement de la foi. Or, « c'est aussi par le bien qu'il fait que le spiritisme prouve sa mission providentielle. Il guérit les maux physiques, mais il guérit surtout les maladies morales et ce sont là les plus grands prodiges par lesquels il s'affirme ».
Allan Kardec arrive enfin au grand mystère des résurrections accomplies par le Christ. En citant l'exemple de la fille de Jaïre et du fils de la veuve de Naïm, il écrit :
« Le fait du retour à la vie corporelle d'un individu, réellement mort, serait contraire aux lois de la nature, et, par conséquent, miraculeux. Or, il n'est pas nécessaire de recourir à cet ordre de faits pour expliquer les résurrections opérées par le Christ. » Mais il précise sa pensée :
« Il y a donc toute probabilité que, dans les deux exemples ci-dessus, il n'y avait que syncope ou léthargie. » A l'appui de son hypothèse, il cite encore Jésus : « Cette fille, dit le Christ, n'est pas morte ; elle n'est qu'endormie. »
Le « réveil » opéré par Jésus est dû à la grande puissance fluidique de cet Esprit unique. Le fluide est vivifiant, il ranime les sens engourdis. Donc : ... « Il y avait en réalité guérison et non résurrection dans l'acception du mot. »
Les autres explications concernant les miracles évangéliques sont de la même nature. La transfiguration (sur le mont Thabor) est due au rayonnement fluidique : la pureté du périsprit de Jésus a pu permettre à son Esprit de lui donner un éclat exceptionnel. La « tempête apaisée » est l'œuvre de l'Esprit de Jésus qui voyait l'absence de tout danger, pendant que le Christ dormait tranquillement. Pour la «multiplication des pains », Allan Kardec croit que la foule a été fascinée par sa parole et peut-être aussi par la puissante action magnétique qu'il exerçait sur elle... Mais tout ce que Jésus fait ou dit est très simple et ne s'écarte pas des lois de la nature.
Par contre, le fondateur du spiritisme ne pense pas que toute la terre ait été couverte de ténèbres pendant trois heures (lors de la mort de Jésus).
Pour « la disparition du corps de Jésus », Allan Kardec ne partage pas l'idée de ceux qui affirment que Jésus n'a jamais eu de corps charnel, mais seulement un état fluidique. Jésus a bien eu deux natures, matérielle et fluidique. Quant à savoir ce qu'est devenu le corps charnel, il ne peut répondre. C'est un vieux problème qui date du temps d'Apollinaire de Laodicée, le chef de la secte apollinariste, qui prétendait que le corps de Jésus était un corps impassible, descendu du ciel dans le sein de la Sainte Vierge. N'étant pas né, il ne pouvait être mort qu'en apparence. On sait que les apollinaristes ont été anathématisés au concile d'Alexandrie en 360 (ainsi qu'à Rome en 374 et Constantinople en 381).

III. Les prédications selon le spiritisme

Pour pouvoir prédire, il faut avoir la faculté de la prescience. Celle-ci ne se réduit guère à la simple prévision des événements (déduction des événements à venir de l'état présent).
Or, dit-on, les choses futures n'existent pas : elles sont encore dans le néant. Comment savoir qu'elles arriveront ? Comment parler d'une prescience du futur, comment prédire l'avenir ?
Allan Kardec procède par analogie. Un voyageur doit aller dans la montagne. Il ne sait pas quelle surprise l'attend pendant son chemin. Mais voici qu'il rencontre un autre voyageur qui descend de la même montagne. Celui-ci lui dira « à tel endroit vous verrez ceci, à tel autre cela, etc. » Pour le premier voyageur, tout a l'air d'une prédiction. Pour celui qui descend de la montagne c'est déjà du passé.
Les Esprits dématérialisés sont comme l'homme de la montagne, dit Allan Kardec : l'espace et la durée s'effacent pour eux... Les Esprits voient simultanément le commencement et la fin de la période.
Or, si une telle faculté, même restreinte, peut être dans les attributs de la créature, à quel degré de puissance ne doit-elle pas s'élever dans le Créateur qui embrasse l'infini ? Il vit l'éternel Présent. Il permet ainsi à des Esprits évolués de soulever le coin de ce présent qui échappe aux hommes et s'enfuit dans les ténèbres de l'avenir. Alors l'Esprit devient voyant, le principe de la vue étant en lui et non pas hors de lui.
Or, Jésus possédait cet attribut de l'âme qui est la faculté de pressentir les choses futures. Quand il dit : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point », il reconnaît leur vérité dans n'importe quel temps (c'est-à-dire dans l'éternel présent). Evidemment, depuis, les hommes ont bâti sur ces paroles des vérités «sectaires ». Cela, dit Allan Kardec, passera. Par contre, dans leur pureté les paroles du Christ restent toujours valables.
La prédication « d'un seul troupeau et un seul pasteur » reconnaît que toute union humaine se fera par le progrès qui surmonte les barrières : préjugés sociaux, politiques, religieux. Quand toutes les religions se convaincront qu'il n'y a qu'un seul Dieu dans l'univers, elles se tendront la main comme les serviteurs d'un même Maître.
L'annonce du Consolateur, dont nous avons parlé dans l'Etude introductive, est au centre de la prédication évangélique. Car, estime Allan Kardec, le Consolateur est le spiritisme, ce Troisième Testament que les Esprits dictent aux hommes.
Il y a aussi un autre point que le Christ n'a pu développer « C'est la grande et importante loi de la réincarnation. Là encore le spiritisme a son mot à dire.
Quant au jugement dernier qui serait en même temps le signe de la fin du monde, Allan Kardec corrige quelque peu le sens que des apôtres, tel saint Paul, ont pu lui donner. En fait, il n'y a pas un jugement dernier, mais « il y a des jugements généraux à toutes les époques de rénovation partielle ou totale de la population des mondes ». C'est la fin du vieux monde gouverné par les préjugés, l'orgueil, l'égoïsme, le fanatisme, l'incrédulité...
Comme conclusion à ses interprétations concernant l'Evangile, Allan Kardec fait l'éloge de la doctrine spirite, Troisième Testament qui, le premier, dit, avec le Christ :
« Hors la charité Pas de salut. »
C'est le principe d'union, de tolérance, qui ralliera les hommes dans un commun sentiment de fraternité.
A ce principe, il faut en ajouter un autre :
« Il n'y a de loi inébranlable que celle qui peut regarder la raison face à face à tous les âges de l'humanité. »
Le croyant selon le spiritisme, c'est le nouveau-né grâce à la science, à l'expérience physique et spirite. C'est l'homme de la génération nouvelle. Quant aux incrédules, ils seront un jour obligés d'ouvrir les yeux et de mettre autre chose à la place de leur rien.

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