Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec

QUATRIEME CATEGORIE

Visions de fantômes humains, s’étant réalisées en dehors de toute coïncidence télépathique, et perçues collectivement par les hommes et les animaux


Les faits appartenants à cette catégorie sont relativement fréquents et ont une importance théorique, parce qu’ils revêtent souvent la valeur de cas d’identification spirite.
Je rapporterai d’abord deux épisodes de date plutôt ancienne, en les résumant.

48º Cas. – (Visuel.) – Dans son livre sur la voyante de Prevost, le Dr Justinus Kerner parle d’une apparition que la voyante avait aperçue fréquemment auprès d’elle pendant plus d’un an. Il observe à ce propos que, chaque fois que la voyante annonçait la présence de l’apparition, un chien lévrier appartenant à la famille se comportait de façon à laisser supposer qu’il la voyait aussi. Il allait aussitôt auprès de quelqu’une des personnes présentes, comme s’il avait voulu lui demander protection, en hurlant parfois lamentablement. Depuis le jour où il vit l’apparition pour la première fois, il ne voulut plus rester seul la nuit.

49º Cas. – (Visuel-auditif.) – Sous le titre : Apparitions réelles de ma femme après sa mort (Chemnitz, 1804), le Dr Woetzel publia un livre qui produisit beaucoup d’impression en son temps. Il raconte qu’un soir, quelques semaines après la mort de sa femme, comme il se trouvait dans sa chambre, il sentit soudain autour de lui un vent tourbillonnant, quoique les portes et les fenêtres fussent fermées. La lumière s’était éteinte, pendant qu’un battant de l’alcôve s’était ouvert. A la faible lumière qui régnait dans la chambre, Woetzel avait aperçu la forme de sa femme, qui lui avait dit d’une voix faible : Charles, je suis immortelle, nous nous reverrons. L’apparition se répéta une autre fois et, dans cette dernière circonstance, le chien du docteur Woetzel avait tourné autour de l’endroit où se trouvait l’apparition, en remuant joyeusement la queue.
Dans ce dernier cas, étant donné que, dans les deux faits que je viens de citer, les premiers à éprouver l’hallucination ont été respectivement la voyante et le Dr Woetzel, on peut soutenir raisonnablement l’hypothèse que les deux percipients avaient, ensuite, servi d’agents, en transmettant aux animaux une forme hallucinatoire ayant germé dans leur cerveau. En tout cas, cette hypothèse ne détruirait pas l’importance des faits en question, à notre point de vue, puisque cette solution du problème prouverait également de manière catégorique que des phénomènes de transmission télépathique entre l’homme et l’animal se produisent, ce qui constitue le but essentiel de cette classification.
Ceci dit, il importe de faire état que l’hypothèse dont nous nous occupons ne parvient à expliquer que les seuls cas dans lesquels la vision hallucinatoire a été perçue précédemment par l’homme, et dans les autres cas où l’antériorité appartient certainement aux animaux.
Je remarque enfin que l’hypothèse en question, bien que librement exploitée par de nombreux chercheurs dans le domaine des études métapsychiques, est loin d’être fondée. Au contraire, elle constitue une grossière erreur, puisque – sauf de rares exceptions confirmant la règle – on ne connaît guère d’exemple d’hallucinations collectives entre créatures humaines, qui tirent leur origine d’un influx contagieux de transmission télépathique de la pensée. Je sais bien que dans les traités de pathologie d’hallucination collective – surtout dans les foules, par « contagion mystique » - mais tout cela se réalise exclusivement par suggestion verbale et jamais par transmission télépathique de la pensée, ce qui équivaut à déclarer qu’un abîme existe entre les deux ordres de faits.
Par surcroît, il faut retenir que, même dans les expériences hypnotiques où existe entre l’hypnotiseur et le sujet un « rapport psychique » fermement établi, il est très rare que l’hypnotiseur parvienne à provoquer à distance, chez le sujet, des formes hallucinatoires à l’aide de la transmission télépathique de pensée, alors qu’il en obtient à volonté au moyen de la suggestion verbale.
L’importance théorique de ces observations n’échappera à personne et je me flatte que les futurs chercheurs oeuvrant dans le domaine des sciences métapsychiques en tiendront compte. Parmi les investigateurs modernes, il n’est guère que le professeur Charles Richet qui reconnaisse l’absurdité d’expliquer, par la transmission de pensée, les cas de visions ou perceptions surnormales d’ordre collectif ; ce qui doit être signaler à son honneur.

50º Cas.
– (Visuel) – Le cas suivant a été communiqué à la Society for P. R., par Alexandre Aksakof ; je l’extrais des Proceedings de la Société, vol. X, p. 328.
En 187…, Mme T… se trouvait, un jour, chez ses voisins de campagne, M. et Mme B…, à P…, leur propriété, gouvernement de Twer. La conversation s’engagea sur un événement tragique qui eut lieu dans la famille des T…, et qui finit par le suicide d’un des parents de Mme T… Tout à coup, elle le vit apparaître dans la chambre contiguë au salon où ils se trouvaient et dont la porte était ouverte. Au même moment, le chien de la maîtresse de la maison, qui était couché à ses pieds, se redressa et commença à aboyer furieusement dans la direction de la porte. M. et Mme B… ne virent rien car ils tournaient le dos à cette porte et Mme T… ne leur dit rien de ce qu’elle avait vu.
Confirmation de ce récit par une lettre du témoin, Mme B… écrite le 15 octobre 1891 :
C’était en 187…, à notre propriété. Nous étions trois : Mme T…, notre voisine, qui était venue nous voir, mon mari et moi. Nous nous trouvions dans le petit salon de notre maison de campagne, non loin d’une porte ouverte donnant sur ma chambre à coucher, éclairée par une grande fenêtre. Mme T… était assise sur une couchette, en face de cette porte. Moi, j’étais assise auprès d’elle sur un tabouret, de même en face de la porte. Mon mari se trouvait dans un coin, de façon qu’il ne voyait pas cette porte. A mes pieds était couché mon chien Beppo, la tête tournée vers la sortie. Nous parlions de l’événement qui venait d’avoir lieu dans la famille des T…, où la femme, entraînée par la passion abandonna ses enfants et son mari, et où celui-ci, dans son désespoir, se brûla la cervelle. Mon mari accusait la femme, Mme T… accusait le mari, qu’elle avait toujours beaucoup estimé. Pourtant, dans ce cas, elle ne l’excusait pas. Tout à coup, elle se tut et le chien, relevant la tête, se mit à hurler et voulut se précipiter vers la porte ouverte de la chambre à coucher. Tout son poil se hérissa. L’animal s’échappait de mes mains comme pour se jeter sur quelqu’un. J’avais grand’peine à le retenir. Mon mari voulait le battre et moi je le défendais. Ni moi, ni lui, nous ne vîmes rien, hors la colère de notre chien. Mme T… se taisait et quand l’animal se calma, elle proposa de passer dans la salle où se trouvait son mari. Bientôt M. et Mme T… partirent et ce n’est que plus tard, quand j’allai leur faire une visite à leur campagne, que Mme T… me dit qu’elle avait vu, au-devant de la porte de ma chambre à coucher, le fantôme de celui qu’elle accusait – vêtu de blanc, et avec une expression de désespoir dans ses mouvements, comme lui reprochant qu’elle fût aussi contre lui. « Votre Beppo a vu la même chose, me dit-elle. Il était furieux et voulait se jeter sur cette apparition ». J’ai constaté la fureur de Beppo, mais je n’ai pas vu l’apparition.
Signé : N.B.

Dans cet épisode encore, la mimique agressive du chien qui aboie furieusement et veut se lancer contre quelqu’un dans la direction de la porte, où Mme T… aperçoit, en même temps, l’apparition du défunt qu’elle avait accusé, tend à faire admettre que l’animal a pu voir l’apparition.
En effet, les chiens n’agissent ainsi que contre des intrus qu’ils ne connaissent pas.
Dans ce cas, la vision ayant été simultanée, on pourrait avancer la possible hypothèse d’une forme hallucinatoire qui serait née dans le cerveau de Mme T... et aurait été transmise télépathiquement au chien. Mais il me semble que les explications fournies antérieurement par moi sont suffisantes pour exclure cette hypothèse gratuite, ce qui équivaut à reconnaître l’aspect véridique du cas d’apparition d’un mort blâmé par Mme T…

51º Cas. – (Visuel-auditif-collectif.) – Je recueille le passage suivant dans un autre récit fort remarquable, de M. Alexandre Aksakoff, publié dans les Proceedings of the S.P.R., vol. X, p. 387-391. J’ajouterai, pour la pleine compréhension de l’événement, que le cas rapporté ici se réfère à l’histoire des apparitions réitérées d’une jeune fille appelée Palladia, morte à quinze ans. Le relateur, M. Mamtchitch, en a été aussi le principal percipient :
En 1858, je demeurais chez mes parents, dans une campagne du gouvernement de Poltava. Une dame de notre connaissance était venue passer chez nous quelques jours avec ses deux filles. Quelque temps après leur arrivée, comme je me réveillais à l’aube, je vis Palladia (je dormais dans une aile séparée où j’étais tout seul). Elle se tenait devant moi, à cinq pas à peu près, et me regardait avec un sourire joyeux. S’étant rapprochée de moi, elle me dit deux mots : « J’ai été, j’ai vu », et tout en souriant, disparut. Ce que signifiaient ces paroles, je ne pus le comprendre. Dans ma chambre dormait avec moi mon setter. Dès que j’aperçus Palladia, mon chien hérissa le poil et avec un glapissement, sauta sur mon lit. Se pressant contre mon corps, il regardait dans la direction où je voyais Palladia. Le chien n’aboyait pas, tandis qu’ordinairement, il ne laissait entrer personne dans la chambre sans aboyer ou grogner. Et, toutes les fois que mon chien voyait Palladia, il se blottissait contre moi, comme y cherchent un refuge.
Quand Palladia disparut, je descendis dans la maison et ne dis rien à personne de cet incident. Le soir du même jour, la fille aînée de la dame qui se trouvait chez nous me raconta qu’une chose étrange lui était arrivée le matin : « M’étant réveillée de grand matin, me dit-elle, j’ai senti comme si quelqu’un se tenait au chevet de mon lit et j’entendis distinctement une voix me disant : « Ne me crains pas, je suis bonne et aimante. » Je tournai la tête, mais je n’aperçus rien. Ma mère et ma sœur dormaient tranquillement. Cela m’a fort étonné car jamais rien de pareil ne m’est arrivé. » Sur quoi, je répondis que bien des choses inexplicables nous arrivent. Seulement un an plus tard, alors que j’étais déjà son fiancé, je lui fis part de l’apparition et des paroles de Palladia le même jour. N’était-ce pas elle qui était venue la voir aussi ? Je dois ajouter que j’avais vu alors cette demoiselle pour la première fois et que je ne pensais pas de tout que j’allais l’épouser.
Mrs. Mamtchitch confirme ainsi ce récit :
5 mai 1891
Je me rappelle très bien que le 10 juillet 1885, lorsque nous étions en visite chez les parents de M. E. Mamtchitchi, je m’étais réveillé à l’aube du jour, car il avait été convenu, entre ma sœur et moi, que nous irions faire une promenade matinale. M’étant soulevée sur le lit, je vis maman et ma sœur dormaient, et en ce moment, je sentis comme si quelqu’un se tenait à mon chevet. M’étant tournée à demi – car je craignais de trop regarder – je ne vis personne. M’étant recouchée, j’entendis immédiatement derrière et au-dessus de ma tête une voix de femme me disant doucement, mais distinctement : « Ne me crains pas, je suis bonne et aimante », et encore toute une phrase que j’oubliais à l’instant même. Immédiatement après, je m’habillai et allai me promener. Il est étrange que ces paroles ne m’effrayèrent pas du tout.

Dans ce récit, la meilleure démonstration que le chien a eu la même vision que son maître est fournie par la terreur qu’il éprouva devant la manifestation. M. Mamtchitch dit que le chien avait bondi sur son lit, le poil hérissé sur le dos, en tremblant, en gémissant et s’était accroupi sur son corps, en regardant avec étonnement dans la direction où son maître voyait « Palladia ». Il ajoute que l’animal avait l’habitude de gronder et d’aboyer contre qui que ce fût. Or, la terreur insolite éprouvée par le chien montre d’une façon incontestable que, non seulement il voyait le fantôme de « Palladia », mais qu’il comprenait instinctivement qu’il ne se trouvait pas devant une personne vivante. S’il en avait été autrement, il eût accueilli l’intruse en grondant et en menaçant.
A un autre point de vue, - qui n’est pas celui dont nous nous occupons dans cet ouvrage, je remarque que le récit d’où j’ai tiré l’épisode qu’on vient de lire constitue un excellent exemple d’identification spirite dans lequel le fantôme de « Palladia », laquelle avait été, de son vivant, liée au juge Mamtchitch par des rapports d’affection, fournit des preuves nombreuses et admirables au sujet de la présence spirituelle de cette personnalité.

51º Cas. – (Visuel, avec antériorité de l’animal sur l’homme.) – Cet épisode fait partie de l’intéressante relation transmise par M. le professeur Alexander, de l’Université de Rio-de-Janeiro, à M. Myers et a trait au phénomène psychique dont l’auteur lui-même avait été témoin :

Proceedings of the S.P.R., vol. VII, p. 183.
Dans ce cas, les aboiements de terreur émis par le chien montrent bien qu’il apercevait quelque chose d’anormal. La circonstance, théoriquement importante, que cela se produisît avant que les deux jeunes filles eussent aperçu le fantôme d’un de leurs familiers dans la direction vers laquelle l’animal grondait exclut définitivement l’hypothèse par laquelle on voudrait expliquer les manifestations dont il s’agit, c’est-à-dire un phénomène de transmission télépathique, aux animaux, de formes hallucinatoires créées par la mentalité des personnes présentes.

53º Cas – (Visuel, avec antériorité de l’animal sur l’homme.) – Je l’extrais des Proceedings of the S.P.R., vol. X page 327. Mr. H. E. S., qui ne désire pas qu’on publie son nom, écrit ce qui suit :
8 août 1892,
Vers l’année 1874, alors que je n’avais que dix-huit ans, je me trouvais dans la maison de mon père et, un matin d’été, je m’étais levé vers cinq heures afin d’allumer le feu et préparer le thé. Un gros chien de race bull-terrier, qui avait l’habitude de m’accompagner partout, se trouvait à côté de moi tandis que je m’occupais du feu. A un certain moment je l’entendis émettre un sourd grondement et je le vis regarder dans la direction de la porte. Je me tourn… Ensuite, une nuit qu’il faisait très noir, comme nous étions assis sous la véranda, l’aboiement lent et monotone d’un chien, enchaîné dehors, attira notre attention. Nous le trouvâmes regardant en l’air quelque chose que M. Davis ni moi nous ne pûmes apercevoir. Les jeunes filles cependant déclarèrent qu’elles voyaient une forme spirituelle bien connue qui se tenait en face du chien, et l’aboiement exprimait bien réellement un grand effarement.
Plus tard, quand la famille habitait la maison d’en bas, la plus jeune des filles, presque encore un bébé à cette époque, appela l’attention de son père sur quelqu’un qui se tenait près de la porte : « Un homme ! Un homme ! » disait-elle, mais pour d’autres yeux que les siens, aucun homme n’était visible. Et enfin, avant qu’elle pût réussir à nous faire voir ce qui, à sa propre vue, était si évident, son expression devint celle d’un étonnement intense, et elle articula son « Tout parti ! » habituel, qui dans son langage enfantin, signifiait que quelque chose avait disparu.
ai de ce côté et, à ma grande terreur, j’aperçus une figure humaine haute et ténébreuse dont les yeux flamboyants se dirigeaient vers moi. Je jetai un cri d’alarme et je tombai à la renverse sur le sol. Mon père et mes frères accoururent immédiatement, croyant que des voleurs avaient pénétré dans la maison. Je leur racontai ce que j’avais vu. Ils jugèrent que la vision n’avait eu d’autre source que mon imagination troublée à la suite d’une maladie récente. Mais pourquoi alors le chien aurait-il perçu quelque chose, lui aussi ? Le chien en question voyait parfois des choses qui étaient invisibles pour moi. Il se lançait contre elles en faisant le geste de mordre en l’air. Il me regardait ensuite d’une certaine façon comme s’il voulait me dire : « N’as-tu donc pas vu ? »
Dans ce cas, comme dans celui qui précède, le rapporteur-percipient, qui à ce moment-là était occupé à allumer le feu – opération peu propre à favoriser des hallucinations – s’était retourné et avait vu le fantôme parce que son chien s’était mis à gronder d’une manière menaçante. Il est donc difficile de douter qu’il y eût une apparition objective dans ce point de la chambre vers lequel l’animal grondait. D’autre part, le fait que l’animal a été le premier à la signaler et qu’il l’a accueillie comme les chiens ont l’habitude d’accueillir les personnes intruses, mettent hors de conteste que l’animal avait aperçu le même fantôme humain, perçu un instant après par le maître.

54º Cas – (Visuel-collectif.) – Extrait de Phantasms of Living, vol. II, p. 197.
Le cas que je viens relater et celui qui le suivra ont trait à des localités hantées. Ils appartiendraient, en conséquence, à la VIe catégorie de cette classification. Néanmoins, étant donné que dans les localités en question il ne se produisait d’autres phénomènes psychiques que l’apparition d’une figure humaine, il m’a semblé opportun de leur assigner la présente catégorie.
2 mars 1884,
En 1875, ma sœur et moi, nous étions alors âgées de treize ans, nous revenions de chez nous en voiture, un jour d’été, vers quatre heures de l’après-midi, lorsque tout à coup, nous vîmes flotter, au-dessus d’une haie, une forme de femme qui glissait sans bruit en travers de la route. Cette forme était blanche, en position oblique et à quelque dix pieds du sol.
Le cheval s’était soudainement arrêté et tremblait tellement de frayeur que nous n’avions plus aucune action sur lui. Je m’exclamai, en m’adressant à ma sœur : « Voyez-vous cela ? » Elle me répondit qu’elle le voyait et adressa ma même question au fils Caffrey qui était dans la voiture.
Cette forme franchit la haie, traversa la route et passa par-dessus un champ, puis nous la perdîmes entièrement de vue au delà d’une plantation. Je crois que nous l’observâmes pendant deux minutes. Elle ne toucha jamais le sol, mais flotta toujours à une faible distance de terre.
En arrivant à la maison, nous racontâmes à notre mère ce que nous avions vu. Nous avions la certitude que ce n’était ni une erreur, ni une illusion de nos sens, ni un hibou, ni rien de cette nature.
Je n’ai jamais rien vu de semblable, je n’ai eu aucune autre vision soit avant, soit depuis. Nous étions tous trois en bonne santé, il faisait beau temps et personne ne nous avait suggéré l’idée d’une apparition avant le passage de celle-là.
Plus tard, nous apprîmes que l’on supposait que cette route était hantée, plusieurs habitants de la contrée y avaient vu une apparition.
Violet et Sidney Montgomery.

Ici, l’apparition a été vue par trois personnes simultanément et par un cheval qui s’était arrêté tout à coup, tremblant et effrayé, au point de devenir insensible à l’action du cocher. Je ne pense pas qu’il faille encore insister sur le fait qu’en des circonstances analogues à celles que j’ai successivement exposées, il serait absurde d’avancer à nouveau des doutes sur la supposition que les animaux aperçoivent réellement les mêmes visions qui sont perçues par les hommes. Je n’ignore pas qu’à un point de vue rigoureusement scientifique, nous n’avons pas, en de pareilles circonstances, la « preuve absolue » nécessaire pour appuyer l’hypothèse en question. Je ne l’ignore nullement. Mais je ferai remarquer que cette objection n’a pas non plus une valeur absolue, et, qu’au contraire, elle se transforme en sophisme, en face de l’accumulation imposante de « preuves relatives ».
Je rappelle que le fantôme aperçu avait été vu déjà par plusieurs personnes dans la même localité alors que les trois personnes qui se trouvaient dans la voiture l’ignoraient, ce qui exclue entièrement l’hypothèse de l’« attention expectante ». Il ne reste donc plus qu’à reconnaître la nature, d’une certaine manière objective, du fantôme, qui appartient à la classe des hantises.

55º Cas. – (Visuel, avec antériorité de l’animal sur l’homme.) – Je le trouve dans les Phantasms of the Living (vol. II, p. 197). Le nom de la dame qui raconte ce fait n’est pas donné, mais il est connu des membres du Conseil de Direction de la Society for P.R. – Miss K… écrit :
C’était un soir d’hiver de l’année 18.., je me trouvais dans ma chambre, assise au coin du feu, entièrement absorbée à caresser ma petite chatte favorite. Elle se tenait blottie sur mes genoux, dans une attitude presque rêveuse, les yeux à demi fermés, comme assoupie.
Quoiqu’il n’y eût pas de lumière dans la chambre, les reflets du feu éclairaient parfaitement tous les objets. La pièce où nous trouvions avait deux portes, dont l’une donnait dans un appartement provisoirement fermé. L’autre, placée vis-à-vis de la première, ouvrait sur le couloir.
Ma mère m’avait quittée depuis quelques minutes et le fauteuil confortable et antique, avec un dossier très haut, qu’elle occupait, restait vide à l’autre coin de la cheminée. Ma petite chatte, la tête appuyée sur mon bras, semblait de plus en plus somnolente et je pensais à aller me coucher. Tout à coup, je m’aperçus que quelque chose d’inattendu avait troublé la tranquillité de ma favorite. Elle venait de cesser brusquement son ronron et donnait des signes évidents d’une inquiétude croissante. Je m’étais courbée sur elle en m’efforçant de la calmer par mes caresses, quand tout à coup elle se leva sur ses quatre pattes et commença à souffler fortement, en faisant le gros dos et la queue grosse, dans une attitude de défi et de terreur.
Cette manière d’agir me fit lever la tête à mon tour et j’aperçus avec frayeur une figure petite, laide, ridée, de vieille mégère, qui occupait le fauteuil de ma mère. Elle tenait les mains sur les genoux et inclinait le corps de façon à porter sa tête auprès de la mienne. Les yeux pénétrants, luisants, mauvais, me fixaient, immobiles. Il me semblait que c’était le diable qui me regardait par ses yeux. Ses vêtements et l’ensemble de son aspect semblaient ceux d’une femme de la bourgeoisie française, mais je ne me souciais pas de cela, car ses yeux aux prunelles si étrangement dilatées et d’une expression si méchante absorbaient toute la force de mes poumons, mais ces yeux maléfiques me fascinaient et me coupaient la respiration. Je ne pouvais pas en détourner le regard et encore moins me lever.
En attendant, je tâchais de maintenir fortement la chatte, mais celle-ci paraissait ne vouloir pas rester dans cet horrible voisinage. Après quelques efforts désespérés, elle parvint à se libérer, et en sautant sur les chaises, les tables, tout ce qu’elle trouvait devant elle, elle s’élança à plusieurs reprises et avec une violence extrême contre les châssis supérieurs de la porte qui donnait dans l’appartement fermé. Ensuite, en se tournant vers l’autre porte, elle recommença à se ruer contre elle avec une rage redoublée. Ma terreur s’était ainsi augmentée : tantôt je regardais cette mégère dont les yeux maléfiques continuaient à se fixer sur moi, tantôt je suivais des yeux ma chatte, qui devenait de plus en plus frénétique. A la fin, l’idée épouvantable que l’animal était peut-être devenu enragé eut pour effet de me rendre le souffle et je commençai à crier de toutes mes forces.
Maman accourut en tout hâte. Aussitôt qu’elle eût ouvert la porte, la chatte sauta littéralement sur sa tête, et pendant une bonne demi-heure, elle continua à courir, du haut en bas de l’escalier, comme si quelqu’un la poursuivait. Je me tournai pour montrer à ma mère la cause de mon épouvante. Tout avait disparu.
En de pareilles circonstances, il est bien difficile d’apprécier la durée du temps ; toutefois, j’estime que l’apparition a persisté pendant quatre à cinq minutes.
On apprit ensuite que cette maison avait jadis appartenu à une femme qui s’était pendue dans cette chambre même.
Signé: Miss K.
Le général K., frère de la percipiente, confirme le récit ci-dessus. Pour d’autres renseignements à ce sujet, je renvoie au Journal of the S.P.R., vol. III, p. 268-271.
Ce cas est incontestablement remarquable, soit en lui-même, puisqu’il s’agit d’un phénomène de hantise et est en rapport avec le suicide d’une veille dame qui s’était produit dans cette même chambre, soit à cause du paroxysme de terreur vraiment exceptionnel dans lequel était entrée la malheureuse chatte à la vue du fantôme répugnant qui avait surgi tout à coup devant elle. Je dis « fantôme » sans plus, ne sachant vraiment pas quelle autre chose on pourrait imaginer pour expliquer la frayeur extraordinaire qui avait envahi la chatte ; frayeur qui ne se calma même pas après la disparition de la cause qui l’avait provoqué.
On peut ajouter que dans ce cas aussi, la percipiente ignorait le drame qui avait eu lieu dans cette chambre, ce qui fait que, même si la chatte n’avait pas été la première percipiente, mlle K. n’aurait pas pu s’auto-suggestionner dans les sens de provoquer en elle-même une hallucination du fantôme.

56º Cas – (Visuel-collectif) – Je l’extrais des Annales des Sciences Psychiques, 1907, pages 67 et 72, et 1911, page 161. Il se rapporte aux fameuses expériences classiques du professeur Ochorowocz, avec le médium Mlle Stanislawa Tomczyk. Dans son compte rendu du 16 janvier 1909, il raconte :
… A la plupart des séances précédentes, prirent part, en qualité de témoins sans voix consultative, mes deux chiens, un grand terre-neuve et un petit épagneul de race bâtarde. Etant bien élevés, ils ne me gênaient de rien et se couchaient tranquillement par terre près d’un fauteuil, éloigné de cinq mètres du divan où se faisaient la plupart des expériences.
Au moment où la somnambule déclara que la petite Stasia venait de s’asseoir sur ce fauteuil, l’épagneul couché en face, se mit à grogner.
Je me retourne et je vois le chien fixant de son regard le fauteuil. Le terre-neuve dormait et n’y faisait pas attention. Il ne pouvait pas, du reste, voir le fauteuil. Mais l’épagneul répéta son grognement trois fois, en soulevant seulement la tête et sans bouger. Il ne se calme que lorsque la somnambule déclara que la petite n’y était plus.

Un peu plus loin, dans le compte rendu de la séance du 19 janvier 1909 (page 72), le Dr Ochorowicz relate cet autre incident, dont une chatte est la protagoniste :
Les commencements de la matérialisation du double paraissent se confirmer par l’attitude d’une chatte blanche qui se trouvait dans la salle à manger. Elle fixe avec un effroi visible l’endroit, sous la table, où devait se trouver la petite Stasia. A plusieurs reprises, elle tourne son regard de ce côté, puis se sauve effrayée et s’oublie dans un coin, ce qu’elle ne fait jamais.
Dans le compte rendu du 17 octobre 1911 Annales, 1911, p. 161, on rencontre un troisième incident du même genre, dont le protagoniste est une chienne du Saint-Bernard. Voici ce que dit le Dr Ochorowicz :
Je suis assise près de ma table de travail, Mlle Tomczyk est en face de moi et nous causons. Tout à coup, ma jeune chienne, de la race de Saint-Bernard, qui était couchée sous la table à mes pieds, se lève et commence à grogner, en regardant un coin de canapé qui se trouve derrière moi. Elle s’avance lentement comme effrayée et se met à aboyer, tout en fixant le même point, où il n’y a rien.
Mlle Tomczyk eut à ce moment un frisson, qu’elle attribua à l’attitude incompréhensible de la chienne.
- Elle voit peut-être quelque chose ?…
- C’est sans doute la petite Stasia – dis-je en plaisantant – qui est venue nous rejoindre… Prenons le petit guéridon.
Mlle Tomczik applique sa main gauche, et nous attendons… Le guéridon s’approche de moi comme pour me saluer avec joie.
- C’est bien toi, petite Stasia.
- Oui, répond la table…
Alors je décide de faire une première séance le surlendemain…La « petite Stasia » se manifeste, mais elle est si faiblement matérialisée que la somnambule la perçoit à peine, alors que la chienne ne la voit pas du tout…
Les épisodes que nous venons de rapporter et dans lesquels les animaux ayant vu le fantôme de la « petite Stasia » sont trois, lorsque le médium lui-même, à l’état normal ne parvint à le voir et n’y put parvenir qu’en des conditions somnambuliques, porterait à montrer que les animaux supérieurs, non seulement partagent bien avec l’homme la possession de facultés supranormales subconscientes, mais encore sont à même de les exercer presque normalement. Sans nier cette possibilité, il faut cependant remarquer ceci : dans le cas de manifestations télépathiques, il s’agit effectivement de l’exercice d’une faculté supranormale subconsciente, puisque toute manifestation télépathique est déterminée par un message psychique transmis par le Moi intégral, ou spirituel, de l’agent et saisi par le Moi intégral, ou spirituel du percipient, qui le passa à son Moi conscient, ou incarné, en forme de projection hallucinatoire-véridique, seule forme accessible à une personnalité de cette nature. Mais dans le cas des expériences que nous venons de citer, on pourrait encore expliquer les faits sans sortir de l’exercice de la vision terrestre, puisque, dans ces cas, le fantôme de la « petite Stasia » parvenait à se matérialiser d’une manière plus ou moins vague, à tel point qu’on est parvenu à le photographier. Pour expliquer ces faits, il suffirait donc de supposer que les pupilles de ces animaux soient sensibles aux rayons ultra-violets, comme une plaque photographique, et que, par conséquent, ils parviennent à apercevoir de leurs yeux corporels ce qui demeure invisible pour les yeux humains.

57º Cas. – (Visuel-collectif, avec différence de perceptions.) – Il figure dans les Annales des Sciences Psychiques, 1911, page 55.
M. M.-G. Llewellyn, un écrivain anglais connu, commence par prévenir les lecteurs qu’il n’est pas spirite et qu’il ne sait rien du spiritisme. Il n’a jamais assisté à des séances médiumniques, il n’a jamais lu des livres ou des revues traitant de ces questions, jusqu’à ces derniers temps. Seulement, on lui a assuré, de différents côtés, qu’il est un « sensitif ». Après ces prémisses, il poursuit :
Une nuit, que je n’oublierai jamais, j’étais dans mon état ordinaire de santé, très tranquille. J’avais couché depuis peu et je me trouvais dans ce doux état d’esprit qui constitue le demi-sommeil. La chambre restait plongée dans la plus complète obscurité, puisque j’avais éteint la lumière électrique et tiré en outre les rideaux amples et épais qui couvraient les deux grandes fenêtres. Mon petit chat, qui dormait toujours sur mon lit, s’y trouvait comme d’habitude, et reposait paisiblement.
Pendant que je me tenais ainsi, les yeux à demi clos, j’aperçus, apparaissant soudain, en haut de la paroi, à droite (le côté où j’étais tourné), un long trait de lumière, d’un bleu clair et charmant. Il se mouvait dans la direction de la fenêtre de droite, et je le regardais d’un œil fasciné.
« Que c’est étrange ! – pensai-je. Je n’ai jamais vu le clair de la lune entre de cette façon quand ces rideaux sont fermés et puis, c’est un bleu qui n’est pas celui du clair de lune – il se meut d’une façon bizarre !… Qu’est-ce que cela peut bien être ?… Mais, naturellement, ce doit être un clair de lune, et peut- être y a-t-il des nuages qui passent sur la lune. »
La lumière, d’un bleu que je n’avais jamais observé auparavant et que je n’ai revu depuis, continuait à errer dans la chambre, toujours du même côté, près du plafond et je regardais stupidement le haut de la porte, sur laquelle pendait une lourde portière rouge, comme si la lumière avait pu traverser une muraille !
Enfin je sautai du lit, j’ouvris les rideaux et les volets et je regardai par la fenêtre. Mon regard étonné ne rencontra qu’une obscurité impénétrable. Pas de lune, pas une étoile, pas la moindre clarté ! Je ne pouvais voir ni la route, ni la rangée d’arbres qui s’y trouvait - rien. Les lanternes des rues sont éteintes de bonne heure dans la localité que j’habite, et les ténèbres étaient absolues.
« Pouvait-ce être quelqu’un avec une lanterne ou un projecteur ? » ne demandai-je, encore étonné, en revenant à mon lit. Je n’étais pas de tout apeuré et l’idée ne m’était pas venue qu’il pût y avoir en tout cela quelque chose de surnaturel.
Pendant que je me torturais ainsi la cervelle, le chat sauta tout à coup en bas du lit, le poil tout hérissé, les yeux étincelants, et, d’un bond, il fut à la porte, où il commença à griffer rageusement la portière, tout en émettant les cris les plus épouvantables que j’entendisse jamais chez un animal. J’étais bien un peu effrayé. Toutefois, même alors, je ne songeai à rien de surnaturel, je pensai seulement que le chat était devenu fou tout à coup. Ce nouvel événement m’avait fait complètement oublier la lumière bleu.
Je souffrais tellement en voyant la terreur de la pauvre bête que je la pris dans mes bras et je tâchai de la calmer. Tout tremblant, le petit chat se serrait contre moi en cachant sa tête et il semblait être en proie à la terreur la plus intense. Je le caressai et le cajolai et il se calma un peu, petit à petit ; mais à mon grand étonnement, il se tenait d’un côté du lit, en regardant avec terreur, les yeux flamboyants, le poil de nouveau hérissé. Je ne voyais rien, pourtant je suis absolument convaincu que le chat apercevait quelque chose, rien ne pourrait ébranler ma conviction.
Se sentant en sûreté dans mes bras, maintenant que le choc de l’horrible spectacle – quel qu’il fût – était passé, le pauvre Fluff allongeait le cou et regardait en bas vers le tapis, en suivant les mouvements de l’ennemi, comme si celui-ci, invisible pour moi, allait et venait le long du lit, en tournant devant la toilette. La « chose », quelle qu’elle fût, était sur le parquet et ne faisait aucune tentative pour monter sur le lit. Si « cela » s’était approché de nous, je suis sûr que Fluff serait mort de peur sur le coup. Je regardai à mon tour dans la direction du regard du chat, mais je ne voyais rien que le tapis !
Sans doute, je ne dois pas oublier que j’ai vu la lumière bleue, alors que le chat dormait. On pourrait supposer que ma peur de la lumière a été communiquée au chat ; mais alors que je n’avais aucune peur ; je trouvai même qu’il s’agissait d’une chose naturelle…
En tout cas, ce que non chat a vu devait être un objet bien horrible, car Fluff est le plus tranquille, le plus gentil petit animal que j’aie jamais connu. Pendant assez longtemps, nous crûmes même qu’il était muet, puisqu’on n’entendait jamais sa voix.
Au sujet de cette intéressante relation, je m’empresse d’abord de faire observer que la terreur extraordinaire manifestée par le chat ne doit pas nécessairement nous porter à croire qu’il ait vu quelque chose d’horrible. De nombreux exemples attestent que les animaux sont saisis d’une frayeur irrésistible en présence de tout fantôme, même absolument angélique. Ce qui détermine leur terreur est l’intuition instinctive qu’ils se trouvent en face d’un phénomène supranormal.
Quant à l’autre phénomène de la luminosité errante que M. Llewellyn avait précédemment observée, elle sert à appuyer la genèse supranormale de la manifestation perçue par l’animal. Elle démontre en effet, qu’au cours de cette nuit et dans ce lieu, se produisaient réellement des manifestations supranormales dont un chat et sont maître ont été les spectateurs, de manière différente. Nous avons dit que cette différence de perceptions, très fréquente dans idiosyncrasies spéciales des percipients, en vertu desquelles une même manifestation supranormale peut ne pas affecter sous la forme visuelle la mentalité d’une personne, mais lui être partiellement transmissible sous une forme auditive, tactile, olfactive, émotionnelle. Ce ne sont lá, en effet, que des modes différents sous lesquels peut se transformer, indifféremment, la même impulsion télépathico-spirite, qui, pour passer de la subconscience à la conscience, ne peut que suivre la « voie de moindre résistance » tracée par les idiosyncrasies sensorielles propres à chacun des percipients.
Toute cela se rapporte aux manifestations supranormales perçues collectivement par l’entremise de sens différents. Mais le même phénomène peut se produire pour les manifestations supranormales perçues collectivement par l’entremise d’un même sens, comme il est arrivé dans le cas rapporté par M. Llewellyn. Et ces différences dans la forme de la perception d’un phénomène sont assez fréquentes dans les manifestations métapsychiques. Je me rappelle qu’au cours des séances avec William Stainton Moses, il arrivait fréquemment qu’à l’endroit où le médium apercevait une entité spirituelle, les témoins voyaient une colonne lumineuse et parfois une simple bande lumineuse errant sur la paroi, assez souvent colorée en bleu, comme dans l’exemple que nous venons de citer. Celui-ci peut donc parfaitement être expliqué de la même façon, en supposant que l’animal ait aperçu un fantôme là où son maître n’apercevait qu’une bande errante bleuâtre.

58º Cas. – (Visuel-collectif.) – Ce cas fut publié par les mêmes Annales des Sciences Psychiques 1907, p. 423. Il fait partie intégrante de l’histoire mystérieuse de « Noula », rapportée par le colonel de Rochas. Il s’agit d’une jeune dame ruse de haute lignée, descendant des princes de Radziwill, qui apercevait constamment à côté d’elle un fantôme féminin, qu’elle appelait « Noula » et dont la réalité objective a été prouvée par le fait qu’il fut photographié à plusieurs reprises. La première fois que « Noula » apparut, elle fut aperçue, tout d’abord, par le cheval de la dame à qui l’on doit le récit de cet épisode :
… J’ai toujours vécu avec ce double personnage que j’appelle Noula ! Lorsque j’étais enfant je ne le voyais pas, mais toujours, dans mes jeux, il y avait pour moi l’impression que je n’étais pas seule. On m’entendait toujours répondre à des questions qui semblaient, aux autres, forgées par mon imagination. A qui répondais-je ? Je ne sais et je n’ai nullement le souvenir des faits dont je vous parle. Mon père, lorsqu’on me soumit aux médecins, se rappela parfaitement le fait. Ce que je puis vous affirmer, c’est que je ne prenais aucun plaisir à jouer avec les autres enfants, me suffisant parfaitement seule. Du reste, seule, je ne l’étais pas.
Je vis Noula lorsque je sortais de l’enfance, et bientôt jeune fille. Sa première apparition eut lieu un certain jour que j’étais à cheval avec mon père, qui m’accompagnait toujours. Elle me sembla si étonnante qu’au début je crus à une hallucination.
Ordinairement, je montais un cheval habitué à moi et dressé pour la selle. Ce jour-là, j’eus la fantaisie de monter un cheval étalon n’ayant jamais été monté encore. Tout d’abord je pus le maîtriser, puis, un caprice le prenant, il partit avec rapidité. Que se passa-t-il ? Je ne sais, mais, soudainement, il redevint doux et, devant mes yeux, j’aperçus Noula ! Noula, très distinctement ! Je crus un instant qu’une personne, me voyant en danger, avait arrêté mon cheval et je voulus la remercier. Mon père me rejoignit alors et commençait à me gronder doucement sur ma fantaisie, lorsque, me regardant, il me vit si changée qu’il eut une sensation étrange, que je ressens quelquefois encore : c’est la sensation d’un vide immense, comme si je me sentais dans l’air. Il avait beau me rappeler, je ne répondais pas. Il put me prendre dans ses bras, me descendre, j’avais toujours ce regard fixe et ces yeux dilatés qui l’effrayaient tant. Cela dure peut-être une minute, et cependant ce fut très long. Lorsque je sortis d’un tel état, mon premier mot fut : « Tu l’as vue, dis ? » Mon père ne comprenait pas et ses yeux me regardaient avec tant d’inquiétude que je devinai tout de suite sa pensée. Je lui racontais alors ce qui s’était produit et, avec sa logique de mathématicien, il conclut que la frayeur m’avait causé une hallucination. Mais je sentais, moi, que non ! Seulement, je voulais le rassure ; il avait si peur pour moi !
Nous rentrâmes alors sans nouvel accident. Je faisais tous mes efforts pour paraître gaie et cependant j’avais peur ! En entrant, mon père me conduisit à ma chambre, car il voyait bien que j’étais souffrante. Il s’éloigna un instant pour me laisser à ma toilette. Et là quand je fus seule, elle revint ! Mes cris rappelèrent mon père qui fit venir notre docteur, car lui ne voyait rien. Et quand il arriva, ce bon docteur me procura un peu de calme en m’administrant quinze gouttes d’opium, qui eurent pour résultat de me faire sommeiller.
Voici, monsieur, la première visite de Noula… Et depuis ce temps Noula devint de plus en plus distincte pour moi, surtout depuis que je m’affaiblis, car la tristesse de ma vie influe fâcheusement sur mon état de santé. Je suis très anémiée et frêle. Noula, elle, est fort et bien portante.
J’interromps ici l’intéressant récit d’où j’ai prélevé l’incident qu’on vient de lire ; ce qui s’ensuit ne rentre pas, à vrai dire, dans le cadre du sujet dont nous nous occupons. J’ajouterai seulement que la dame dont il s’agit, dans l’espoir que le colonel de Rochas pût la délivrer de ce fantôme obsédant, partit pour la France : malheureusement, en arrivant à Varsovie, elle tomba malade et mourut.
De l’ensemble de l’incident exposé, il résulte que le cheval avait perçu le fantôme de « Noula » avant la jeune fille et que l’apparition du fantôme avait exercé immédiatement une influence tranquillisante sur l’animal. Or, comme cet effet est diamétralement opposé à ce que détermine d’ordinaire la vision d’un fantôme sur les animaux, il faut donc en déduire que le fait s’est produit conformément à la volonté du fantôme lui-même, qui s’était évidemment proposé de sauver d’un grave danger la jeune fille avec laquelle il était en rapport.
Mais comment expliquer la présence et la persistance de ce fantôme mystérieux ? M. de Rochas hésite entre l’hypothèse d’un phénomène de « dédoublement de la percipiente » et celle d’un cas de « vampirisme ». En faveur de la première hypothèse, on peut citer l’observation de la narratrice, qu’au moment où « Noula » lui était apparue, elle avait éprouvé une étrange sensation de vide immense, simultanée au sentiment de planer en l’air – observation qui donnerait effectivement à supposer un phénomène de « dédoublement ». Toutefois, dans ce cas, la percipiente aurait dû voir l’image spectrale d’elle-même et nos pas celle d’une autre personne, physiquement très différente d’elle, puisque la percipiente était blonde, grêle, pâle, alors que « Noula » apparaissait brune, forte et saine. En tenant compte de ce détail, la sensation de vide perçue par la percipiente devrait s’expliquer en l’atribuant au fait d’une soustraction de force vitale de son organisme, par l’entité qui se manifestait.
Quant à l’hypothèse d’un cas de « vampirisme », exercé par « Noula » sur la percipiente, M. de Rochas l’examine en tenant compte surtout du dépérissement progressif de la santé de ladite dame, dépérissement que l’on pouvait raisonnablement attribuer à une soustraction persistante de force vitale exercée par le fantôme de « Noula ». Cette dernière devrait alors être envisagée comme une entité spirituelle basse, encore désireuse de vivre, qui, ayant trouvé, dans la constitution organico-fonctionnelle de la dame un sujet à qui soutirer de la force vitale, s’en serait saisie afin de se procurer la joie de se sentir encore liée au milieu terrestre, en revivant son existence par reflet. On connaît quelques exemples scientifiquement étudiés qui suggèrent cette hypothèse, mais il ne s’agit, pour le moment, que de cas très rares et qui sont susceptibles d’être expliqués autrement. Ils ne constituent pas une « hypothèse de travail » quelconque et encore moins une théorie nette et bien définie du genre de celle que les occultistes ont bâtie sur le « vampirisme ». Il vaut donc mieux suspendre tout jugement à ce sujet, en abandonnant la solution du problème à ceux qui viendront après nous.

Pour neuf autre cas appartenant à cette catégorie, je renvoie aux ouvrages et publications suivantes :


59º Cas. – Proceedings of the S.P.R., vol. V, p. 470. - (Visuel-auditif-collectif.)
60º Cas – Proceedings of the S.P.R., vol. VI, p. 247-248. – (Visuel-collectif.)
61º Cas – Proceedings of the S.P.R., vol. X, p. 329-330. – (Visuel-collectif.)
62º Cas – Light, 1903, p. 141 – (Audictif-collectif, avec antériorité de l’animal sur l’homme.)
63º Cas – Journal of the S.P.R., vol III, p. 241-245-246-248-249-250-252-325-326-327. – (Visuel-auditif-téléknésique-collectif, avec antériorité de l’animal sur l’homme, Hantise.)
64º Cas – Journal of the S.P.R., vol. IV, p. 139. – (Visuel-collectif.)
65º Cas – Journal of the S.P.R., vol. IV, p. 215. – (Visuel-collectif.)
66º Cas – Journal of the S.P.R., vol. VIII, p. 309. – (Visuel-collectif.)
67º Cas – Journal of the S.P.R., vol. IX, p. 245. – (Visuel-collectif-successif.)




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