![]() |
|
MESDAMES, MESSIEURS,
Bien des personnes qui sintéressent au Spiritisme témoignent souvent le regret de navoir quune connaissance très imparfaite de la biographie dAllan Kardec et de ne savoir où trouver, sur celui que nous appelons le Maître, les renseignements quelles désireraient connaître. Puisque cest pour honorer Allan Kardec et fêter sa mémoire que nous sommes aujourdhui réunis, puisquun même sentiment de vénération et de reconnaissance fait vibrer tous nos curs à légard du Fondateur de la philosophie spirite, permettez-moi, pour essayer de répondre à un si légitime désir, de vous entretenir quelques instants de ce Maître aimé, dont les travaux sont universellement connus et appréciés, et dont la vie intime, lexistence laborieuse sont à peine soupçonnées.
Sil a été facile, à tous les chercheurs consciencieux, de se rendre compte de la haute valeur et de la grande portée de luvre dAllan Kardec par la lecture attentive de ses ouvrages, les éléments faisant défaut jusquà ce jour, bien peu ont pu pénétrer dans la vie de lhomme privé, et le suivre pas à pas dans laccomplissement de sa tâche si grande, si glorieuse et si bien remplie. Non seulement la biographie dAllan Kardec est peu connue, mais elle est encore à écrire. Lenvie et la jalousie ont semé sur elle les erreurs les plus manifestes, les calomnies les plus grossières, les plus éhontées. Je vais donc essayer de vous montrer, sous un jour plus vrai, le Grand Initiateur dont nous sommes fiers dêtre les disciples.
Vous savez tous que notre ville peut shonorer, à juste titre, davoir vu naître dans ses murs ce penseur hardi autant que méthodique ; ce philosophe sage, clairvoyant et profond, ce travailleur obstiné, dont le labeur a ébranlé lédifice religieux du vieux monde, et préparé les nouvelles assises devant servir de base à lévolution et à la rénovation de notre société caduque, en la poussant vers un idéal plus sain, plus élevé, vers un avancement intellectuel et moral assuré. Cest à Lyon, en effet, que le 3 octobre 1804 est né dune vieille famille lyonnaise du nom de Rivail celui qui devait plus tard illustrer le nom dAllan Kardec et lui acquérir tant de droits à notre profonde sympathie, à notre filiale reconnaissance.
Voici à ce sujet un document positif et officiel : « Le 12 vendémiaire de lan XIII, acte de naissance de Denizard-Hippolyte-Léon Rivail, né hier soir à 7 heures, fils de Jean-Baptiste-Antoine Rivail, homme de loi, juge, et de Jeanne Duhamel, son épouse, demeurant à Lyon, rue Sala, 76[1]. Le sexe de lenfant a été reconnu masculin. Témoins majeurs : Syriaque-Frédéric Dittmar, directeur de létablissement des eaux minérales de la rue Sala, et Jean-François Targe, même rue Sala, sur la réquisition du médecin Pierre Radamel, rue Saint-Dominique n° 78. Lecture faite, les témoins ont signé, ainsi que le Maire de la division du Midi. »
Le président du Tribunal, signé : Mathiou
Pour extrait conforme : Le Greffier du Tribunal, signé : Malhuin
Le jeune Rivail fut baptisé le 15 juin de lannée suivante, comme en fait foi lextrait suivant, dont M. Leymarie a bien voulu nous donner loriginal : «Extrait des Registres de Baptême de la paroisse de Saint-Denis en Bresse[2], diocèse de Lyon. Le quinze du mois de juin de lannée mil huit cent cinq a été baptisé en cette paroisse Hippolyte Léon Denizard né à Lyon, le trois octobre mil huit cent quatre, fils de Jean-Baptiste Antoine Rivail, homme de loi et de Jeanne Louise Duhamel, parrain Pierre Louis Perrin, marraine Suzanne Gabrielle Marie Vemier demeurant en la ville de Bourg. Signé Barthe curé, pour copie conforme délivrée le vingt-huit octobre mil huit cent treize.» Signé : Chassin, curé[3].
Le futur fondateur du Spiritisme reçut dès son berceau un nom aimé et respecté et tout un passé de vertus, dhonneur, de probité ; bon nombre de ses ancêtres sétaient distingués dans le barreau et la magistrature, par leur talent, leur savoir et leur scrupuleuse probité. Il semblait que le jeune Rivail devait rêver, lui aussi, des lauriers et des gloires de sa famille. Il nen fut rien, car dès sa première jeunesse il se sentit attiré vers les sciences et la philosophie.
Rivail Denizard fit à Lyon ses premières études, il compléta ensuite son bagage scolaire à Yverdun (Suisse) auprès du célèbre professeur Pestalozzi, dont il devint bientôt un des disciples les plus éminents et le collaborateur intelligent et dévoué. Il sétait adonné, de tout cur, à la propagation du système déducation, qui eut une si grande influence sur la réforme des études en France et en Allemagne. Dès lâge de 14 ans il expliquait à ses petits camarades, moins avancés que lui, les leçons du maître, lorsque ceux-ci ne les avaient pas comprises alors que son intelligence, si ouverte et si active, les lui avait fait saisir au premier énoncé. Cest à cette école que se sont développées les idées qui devaient plus tard faire de lui un observateur attentif, méticuleux, un penseur prudent et profond. Les ennuis quil éprouva, au début, lui catholique en pays protestant, le portèrent, de bonne heure, à aimer la tolérance, et firent de lui un véritable homme du progrès, un libre penseur avisé, voulant comprendre dabord, avant de croire ce quon lui enseignait.
Très souvent, alors que Pestalozzi était appelé par les gouvernements, un peu de tous côtés, pour fonder des instituts semblables à celui dYverdun, il confia à Denizard Rivail le soin de le remplacer dans la direction de son école ; lélève devenu maître avait dailleurs, avec les droits les plus légitimes, les capacités voulues pour mener à bien la tâche qui lui était confiée. Il était bachelier ès-lettres et ès-sciences, docteur en médecine ayant fait toutes ses études médicales et présenté brillamment sa thèse[4] ; linguiste distingué, il connaissait à fond et parlait couramment lallemand et langlais; il connaissait aussi le hollandais et pouvait facilement sexprimer dans cette langue. Denizard Rivail était un grand et beau garçon, aux manières distinguées, dhumeur gaie dans lintimité, bon et serviable. La conscription layant pris pour le service militaire, il se fit exempter et deux ans après vint à Paris pour fonder, 35, rue de Sèvres, un établissement semblable à celui dYverdun. Pour cette entreprise, il sétait associé avec un de ses oncles, frère de sa mère, qui était son bailleur de fonds.
Dans le monde des lettres et de lenseignement quil fréquentait à Paris, Denizard Rivail rencontra Mlle Amélie Boudet, qui était institutrice avec diplôme de 1ère classe. Petite, très bien faite cependant, gentille et gracieuse, riche par ses parents et fille unique, intelligente et vive, par son sourire et ses qualités elle sut se faire remarquer de M. Rivail en qui elle devina, sous lhomme aimable à la gaieté franche et communicative, le penseur savant et profond alliant une grande dignité au meilleur savoir-vivre. Létat civil nous apprend que : « Amélie Gabrielle Boudet, fille de Julien-Louis Boudet, propriétaire et ancien notaire, et de Julie Louise Seigneat de Lacombe, est née à Thiais (Seine) le 2 frimaire an IV (23 novembre 1795). » Mademoiselle Amélie Boudet avait donc neuf ans de plus que M. Rivail, mais en apparence elle en avait dix de moins lorsque le 6 février 1832, à Paris fut établi le contrat de mariage de Hippolyte-Léon Denizard Rivail, chef de lInstitut technique, rue de Sèvres (Méthode de Pestalozzi), fils de Jean-Baptiste Antoine et de dame Jeanne Duhamel, domiciliés à Château-du-Loir, avec Amélie-Gabrielle Boudet, fille de Julien-Louis et de dame Julie-Louise Seigneat de Lacombe, domiciliés à Paris, 35, rue de Sèvres.
Lassocié de M. Rivail avait la passion du jeu ; il ruina son neveu en perdant de grosses sommes à Spa et à Aix-la-Chapelle. M. Rivail demanda la liquidation de lInstitut, et il revint 45 000 fr à chacun deux au partage. Cette somme fut placée par M. et Mme Rivail chez un de leurs amis intimes, négociant, qui fit de mauvaises affaires et dont la faillite ne laissa rien aux créanciers. Loin de se décourager par ce double revers, M. Rivail se mit courageusement à louvrage ; il trouva et put tenir trois comptabilités qui lui rapportaient environ 7 000 fr par an, et, sa journée terminée, ce travailleur infatigable faisait le soir, à la veillée, des grammaires, des arithmétiques, des volumes pour les hautes études pédagogiques ; il traduisait des ouvrages anglais et allemands et préparait tous les cours de Levy-Alvarès suivis par des élèves des deux sexes du faubourg Saint-Germain. Il organisa aussi chez lui, rue de Sèvres, des cours gratuits de chimie, de physique, dastronomie, danatomie comparée, qui étaient très suivis, de 1835 à 1840. Voilà lhomme que le serpent de la calomnie a cherché par mille moyens à salir de sa bave ; voilà celui quun dramaturge dune jalousie féroce a voulu faire passer pour avoir été le directeur dun théâtre à femmes ? En fait de théâtre, voici celui sur lequel agissait M. Léon Rivail. Membre de plusieurs sociétés savantes, notamment de lacadémie royale dArras, il fut couronné, au concours de 1831, pour un mémoire remarquable ayant pour thème : « Quel est le système détude le plus en harmonie avec les besoins de lépoque ? »
Parmi ses nombreux ouvrages, il convient de citer par ordre chronologique : Plan proposé pour lamélioration de linstruction publique en 1828 ; en 1829, daprès la méthode de Pestalozzi, il publiait, à lusage des mères de famille et des professeurs : Cours pratique et théorique darithmétique; en 1831, il fit paraître la Grammaire française classique ; en 1846, Manuel des examens pour les brevets de capacité : solutions raisonnées des questions et problèmes darithmétique et de géométrie; en 1848 fut publié le Catéchisme grammatical de la langue française ; enfin, en 1849, nous trouvons M. Rivail, professeur au Lycée Polymathique où il fait des cours de physiologie, dastronomie, de chimie, de physique. Dans un ouvrage très estimé, il résume ses cours, puis il édite : Dictées normales des examens de lHôtel de Ville et de la Sorbonne ; Dictées spéciales sur les difficultés orthographiques. Voilà ce quil a produit ; combien des folliculaires masqués qui ont osé attaquer ce grand travailleur pourraient en montrer autant ? Ces divers ouvrages ayant été adoptés par lUniversité de France et se vendant grandement, M. Rivail put se constituer, grâce à eux et son labeur opiniâtre, une modeste aisance. Comme on peut en juger par ce trop rapide aperçu, M. Rivail était admirablement préparé pour la rude tâche quil allait avoir à remplir et faire triompher. Son nom était connu et respecté, ses travaux justement appréciés, bien avant même quil immortalisât celui dAllan Kardec.
Poursuivant sa carrière pédagogique, M. Rivail eût pu vivre heureux, honoré et tranquille, sa fortune étant reconstituée par son labeur acharné et le brillant succès qui avait couronné ses efforts, mais sa mission lappelait à une tâche plus lourde, à une uvre plus grande et, comme nous aurons souvent loccasion de le constater, il se montra toujours à la hauteur de la mission glorieuse qui lui était réservée. Ses instincts, ses aspirations eussent poussé M. Rivail vers le mysticisme, mais son éducation, son jugement sain, son observation méthodique le tinrent également à labri des emballements irraisonnés et des négations non justifiées.
De bonne heure il soccupa des phénomènes du Magnétisme ; il avait tout au plus 19 ans lorsque, vers 1823, il se sentit poussé à étudier les phases du somnambulisme dont les mystères troublants étaient pour lui du plus haut intérêt. Cest donc en parfaite connaissance de cause quil écrira un jour dans sa Revue Spirite de mars 1858, page 92 : «Le Magnétisme a préparé les voies du Spiritisme, et les rapides progrès de cette dernière doctrine sont incontestablement dus à la vulgarisation des idées sur la première. Des phénomènes du magnétisme, du somnambulisme et de lextase aux manifestations spirites, il ny a quun pas ; leur connexion est telle, quil est pour ainsi dire impossible de parler de lun sans parler de lautre. Si nous devions rester en dehors de la science magnétique, notre cadre serait incomplet, et lon pourrait nous comparer à un professeur de physique qui sabstiendrait de parler de la lumière. Toutefois, comme le magnétisme a déjà parmi nous des organes spéciaux justement accrédités, il deviendrait superflu de nous appesantir sur un sujet traité avec la supériorité du talent et de lexpérience ; nous nen parlerons donc quaccessoirement, mais suffisamment pour montrer les rapports intimes de deux sciences qui, en réalité, nen font quune. »
Mais nanticipons pas ; nous nen sommes pas encore là. Allan Kardec na pas encore trouvé la voie qui le conduira a limmortalité. Ce fut en 1854 que M. Rivail entendit parler pour la première fois des tables tournantes, dabord par M. Fortier, magnétiseur, avec lequel il était en relation pour ses études sur le magnétisme. M. Fortier lui dit un jour : « Voici qui est bien plus extraordinaire, non seulement on fait tourner une table en la magnétisant, mais on la fait parler ; on linterroge et elle répond ». « Ceci, répliqua M. Rivail, est une autre question : jy croirai quand je le verrai, et quand on maura prouvé quune table a un cerveau pour penser, des nerfs pour sentir, et quelle peut devenir somnambule ; jusque-là, permettez-moi de ny voir quun conte à dormir debout. »
Tel était au début létat desprit de M. Rivail, tel nous le retrouverons souvent, ne niant rien de parti pris, mais demandant des preuves et voulant voir et observer pour croire ; tels devons-nous nous montrer toujours dans létude si captivante des manifestations de lau-delà. Jusquà présent, nous navons eu à nous occuper que de M. Rivail, professeur émérite, auteur pédagogique renommé ; mais, à cette époque de sa vie, de 1854 à 1856, un nouvel horizon souvre pour ce penseur profond, pour cet observateur sagace ; alors le nom de Rivail rentre dans lombre pour faire place à celui dAllan Kardec que la renommée portera sur tous les coins du globe, que rediront tous les échos et que chérissent tous nos curs.
Voici comment Allan Kardec nous apprend ses doutes, ses hésitations et aussi sa première initiation : « Jen étais donc à la période dun fait inexpliqué en apparence, contraire aux lois de la nature, et que ma raison repoussait. Je navais encore rien vu ni rien observé ; les expériences faites en présence de personnes honorables et dignes de foi me confirmaient dans la possibilité de leffet purement matériel, mais lidée dune table parlante nentrait pas encore dans mon cerveau. Lannée suivante, cétait au commencement de 1855, je rencontrai M. Carlotti, un ami de vingt cinq ans, qui mentretint de ces phénomènes pendant plus dune heure avec lenthousiasme quil apportait à toutes les idées nouvelles. M. Carlotti était Corse, dune nature ardente et énergique ; javais toujours estimé en lui les qualités qui distinguent une grande et belle âme, mais je me défiais de son exaltation. Le premier il me parla de lintervention des Esprits, et il augmenta mes doutes. Vous serez un jour des nôtres, me dit-il. Je ne dis pas non, lui répondis-je ; nous verrons cela plus tard.
A quelque temps de là, vers le mois de mai 1855, je me trouvai chez la somnambule Mme Roger, avec M. Fortier, son magnétiseur ; jy rencontrai M. Pâtier et Mme Plainemaison, qui me parlèrent de ces phénomènes dans le même sens que M. Carlotti, mais sur un tout autre ton. M. Pâtier était un fonctionnaire public, dun certain âge, homme très instruit, dun caractère grave, froid et calme; son langage, posé, exempt de tout enthousiasme, fit sur moi une vive impression, et, quand il moffrit dassister aux expériences qui avaient lieu chez Mme Plainemaison, rue Grange-Batelière n° 18, jacceptai avec empressement. Rendez-vous fut pris pour le mardi[5] mai à huit heures du soir. Ce fut là, pour la première fois, que je fus témoin du phénomène des tables tournantes, sautantes et courantes, et cela dans des conditions telles que le doute nétait pas possible.
Jy vis aussi quelques essais très imparfaits décriture médianimique sur une ardoise à laide dune corbeille. Mes idées étaient loin dêtre arrêtées, mais il y avait là un fait qui devait avoir une cause. Jentrevis, sous ces futilités apparentes et lespèce de jeu que lon faisait de ces phénomènes, quelque chose de sérieux et comme la révélation dune nouvelle loi que je me promis dapprofondir. Loccasion soffrît bientôt dobserver plus attentivement que je navais pu le faire. A lune des soirées de Mme Plainemaison, je fis connaissance de la famille Baudin, qui demeurait alors rue Rochechouart. M. Baudin moffrit dassister aux séances hebdomadaires qui avaient lieu chez lui, et auxquelles je fus, dès ce moment, très assidu. Cest là que je fis mes premières études sérieuses en Spiritisme, moins encore par révélations que par observations. Jappliquai à cette nouvelle science, comme je lavais fait jusqualors, la méthode de lexpérimentation ; je ne fis jamais de théories préconçues : jobservais attentivement, je comparais, je déduisais les conséquences : des effets je cherchais à remonter aux causes par la déduction, lenchaînement logique des faits, nadmettant une explication comme valable que lorsquelle pouvait résoudre toutes les difficultés de la question. Cest ainsi que jai toujours procédé dans mes travaux antérieurs depuis lâge de quinze ou seize ans. je compris tout dabord la gravité de lexploration que jallais entreprendre ; jentrevis dans ces phénomènes la clef du problème si obscur et si controversé du passé et de lavenir de lhumanité, la solution de ce que javais cherché toute ma vie : cétait, en un mot, toute une révolution dans les idées et dans les croyances ; il fallait donc agir avec circonspection, et non légèrement ; être positiviste et non idéaliste, pour ne pas se laisser aller aux illusions.
Un des premiers résultats de mes observations fut que les Esprits, nétant autres que les âmes des hommes, navaient ni la souveraine sagesse ni la souveraine science ; que leur savoir était borné au degré de leur avancement, et que leur opinion navait que la valeur dune opinion personnelle. Cette vérité, reconnue dès le principe, me préserva du grave écueil de croire à leur infaillibilité, et mempêcha de formuler des théories prématurées sur le dire dun seul ou de quelques-uns. Le seul fait de la communication avec les Esprits, quoi quils puissent dire, prouvait lexistence dun monde invisible ambiant ; Cétait déjà un point capital, un champ immense ouvert à nos explorations, la clef dune foule de phénomènes inexpliqués ; le second point, non moins important, était de connaître létat de ce monde, ses murs, si lon peut sexprimer ainsi ; je vis bientôt que chaque Esprit, en raison de sa position personnelle et de ses connaissances, men dévoilait une phase, absolument comme on arrive à connaître létat dun pays en interrogeant les habitants de toutes les classes et de toutes les conditions, chacun pouvant nous apprendre quelque chose, et aucun, individuellement, ne pouvant nous apprendre tout ; cest à lobservateur de former lensemble à laide des documents recueillis de différents côtés, collationnés, coordonnés et contrôlés les uns par les autres. Jagis donc avec les Esprits, comme je laurais fait avec des hommes ; ils furent pour moi, depuis le plus petit jusquau plus grand, des moyens de me renseigner et non des révélateurs prédestinés. »
A ces renseignements puisés dans les uvres posthumes dAllan Kardec, il convient dajouter quau début M. Rivail, loin dêtre un enthousiaste de ces manifestations et absorbé par ses autres occupations, fut sur le point de les abandonner, ce quil eût fait peut-être sans les pressantes sollicitations de MM. Carlotti, René Taillandier, membre de lAcadémie des sciences, Tiedeman-Manthèse, Sardou Père et fils, Didier, éditeur, qui suivaient depuis cinq ans létude de ces phénomènes et avaient réuni cinquante cahiers de communications diverses quils ne parvenaient pas à mettre en ordre. Connaissant les vastes et rares aptitudes à synthétiser de M. Rivail, ces Messieurs lui remirent les cahiers en lui demandant den prendre connaissance et de les mettre au point. Ce travail était ardu et exigeait beaucoup de temps, en raison des lacunes et des obscurités de ces communications, et le savant encyclopédiste se refusait à cette tâche ennuyeuse et absorbante en raison de ses autres travaux.
Un soir, son Esprit protecteur Z lui donna par un médium une communication toute personnelle, dans laquelle il lui disait, entre autres choses, lavoir connu dans une précédente existence, alors quau temps des Druides ils vivaient ensemble dans les Gaules ; il sappelait alors Allan Kardec, et, comme lamitié quil avait eue pour lui navait fait que saccroître, il lui promettait de le seconder dans la tâche très importante pour laquelle on le sollicitait et dont il viendrait facilement à bout. M. Rivail se mit donc à luvre ; il prit les cahiers, les annota avec soin, après une lecture attentive, écarta les redites et mit à leur rang chaque dictée, chaque rapport de séance ; il signala les lacunes à combler, les obscurités à éclaircir, prépara les demandes voulues pour arriver à ce résultat.
« Jusqualors, dit-il lui-même, les séances chez M. Baudin navaient aucun but déterminé ; jentrepris dy faire résoudre les problèmes qui mintéressaient au point de vue de la philosophie, de la psychologie et de la nature du monde invisible ; jarrivais à chaque séance avec une série de questions préparées et méthodiquement arrangées ; il y était toujours répondu avec précision, profondeur et dune façon logique. Dès ce moment, les réunions eurent un tout autre caractère ; parmi les assistants se trouvaient des personnes sérieuses qui y prirent un vif intérêt, et sil marrivait dy manquer, on était comme désuvré, les questions futiles avaient perdu leur attrait pour le plus grand nombre. Je navais dabord en vue que ma propre instruction ; plus tard, quand je vis que tout cela formait un ensemble et prenait les proportions dune doctrine, jeus la pensée de les publier pour linstruction de tout le monde. Ce sont ces mêmes questions qui, successivement développées et complétées, ont fait la base du Livre des Esprits. »
En 1856, M. Rivail suivit les réunions spirites qui se tenaient rue Tiquetonne, chez M. Roustan, avec Mlle Japhet, somnambule, qui obtenait comme médium des communications très intéressantes à laide de la corbeille à bec ; il fit contrôler par ce médium les communications obtenues et mises en ordre précédemment. Ce travail eut dabord lieu aux séances ordinaires ; mais sur la demande des Esprits, et pour quil fût apporté plus de soins, plus dattention à ce contrôle, il fut poursuivi dans des séances particulières. « Je ne me contentai pas de cette vérification, dit encore Allan Kardec, les Esprits men avaient fait la recommandation. Les circonstances mayant mis en rapport avec dautres médiums, chaque fois que loccasion se présentait, jen profitais pour proposer quelques-unes des questions qui me semblaient les plus épineuses. Cest ainsi que plus de dix médiums ont prêté leur assistance pour ce travail. Cest de la comparaison et de la fusion de toutes ces réponses, coordonnées, classées et maintes fois remaniées dans le silence de la méditation, que je formai la première édition du Livre des Esprits, qui parut le 18 avril 1857. »
Sous format dun grand in-4° en deux colonnes, une pour les demandes, une en regard pour les réponses ; lauteur, au moment de le publier, fut très embarrassé pour savoir comment il le signerait, soit de son nom Denizard-Hippolyte-Léon Rivail, ou sous un pseudonyme. Son nom étant très connu du monde scientifique en raison de ses travaux antérieurs et pouvant amener une confusion, peut-être même nuire au succès de son entreprise, il adopta le parti de le signer du nom dAllan Kardec que, lui avait révélé son guide, il portait au temps des Druides. Louvrage eut un tel succès que la première édition fut bientôt épuisée. Allan Kardec le réédita en 1858 sous la forme actuelle, in-12, revu, corrigé et considérablement augmenté[6].
Le 25 mars 1856, Allan Kardec était dans son cabinet de travail en train de compulser ses communications et de préparer le Livre des Esprits, lorsquil entendit des coups répétés se produire contre la cloison; il en chercha la cause sans la découvrir, puis il se remit à louvrage. Sa femme, entrant vers 10 heures, entendit les mêmes bruits ; ils cherchèrent, mais sans succès, doù ils pouvaient bien provenir. M. et Mme Kardec demeuraient alors rue des Martyrs, n° 8, au deuxième étage, au fond de la cour. « Le lendemain étant un jour de séance chez M. Baudin, écrit Allan Kardec, je racontai le fait, et en demandai lexplication:
Dem. : Vous avez entendu le fait que je viens de citer ; pourriez-vous me dire la cause de ces coups, qui se sont fait entendre avec tant de persistance ?
Rép. : Cétait ton Esprit familier.
Dem. : Dans quel but venait-il frapper ainsi ?
Rép. : Il voulait se communiquer à toi.
Dem. : Pourriez-vous me dire qui il est et ce quil me voulait ?
Rép. : Tu peux le lui demander à lui-même, car il est ici.
Dem. : Mon Esprit familier, qui que vous soyez, je vous remercie dêtre venu me visiter; voudriez-vous me dire qui vous êtes ?
Rép. : Pour toi, je mappellerai la Vérité, et tous les mois, ici, pendant un quart dheure, je serai à ta disposition.
Dem. : Hier, quand vous avez frappé pendant que je travaillais, aviez-vous quelque chose de particulier à me dire ?
Rép. : Ce que javais à te dire était sur le travail que tu faisais ; ce que tu écrivais me déplaisait et je voulais te faire cesser.
Remarque : Ce que jécrivais était précisément relatif aux études que je faisais sur les Esprits et leurs manifestations.
Dem. : Votre désapprobation portait-elle sur le chapitre que jécrivais ou sur lensemble du travail ?
Rép. : Sur le chapitre dhier je ten fais juge ; relis-le ce soir, tu reconnaîtras tes fautes et tu les corrigeras.
Dem. : Je nétais pas moi-même très satisfait de ce chapitre, et je lai refait aujourdhui ; est-ce mieux ?
Rép. : Cest mieux, mais pas assez bien. Lis de la troisième à la trentième ligne, et tu reconnaîtras une grave erreur.
Dem. : Jai déchiré ce que javais fait hier !
Rép. : Cette déchirure nempêche pas la faute de subsister relis et tu verras.
Dem. : Le nom de Vérité que vous prenez, est-il une allusion à la vérité que je cherche ?
Rép. : Peut-être, ou du moins cest un guide qui te protégera et taidera.
Dem. : Puis-je vous évoquer chez moi ?
Rép. : Oui, pour tassister par la pensée ; mais pour des réponses écrites chez toi, ce nest pas de longtemps que tu pourras en obtenir.
Dem. : Pourriez-vous venir plus souvent que tous les mois ?
Rép. : Oui, mais je ne promets quune fois par mois jusquà nouvel ordre.
Dem. : Avez-vous animé quelque personnage connu sur la terre ?
Rép. : je tai dit que pour toi jétais la Vérité ; ce nom pour toi voulait dire discrétion ; tu nen sauras pas davantage. »
De retour chez lui, Allan Kardec sempressa de relire ce quil avait écrit et put constater la grave erreur quen effet il avait commise. Le délai dun mois fixé entre chaque communication de lEsprit Vérité fut rarement observé, il se manifesta fréquemment à Allan Kardec, mais non chez lui où, pendant un an environ, il ne put recevoir aucune communication daucun médium, et, chaque fois quil espérait obtenir quelque chose, il était entravé par une cause quelconque et imprévue qui venait sy opposer.
Ce fut le 30 avril 1856, chez M. Roustan, par Mlle Japhet, médium, quAllan Kardec reçut la première révélation de la Mission quil avait à remplir ; cet avis, dabord assez vague, fut précisé le 12 juin 1856 par lentremise de Mlle Aline C., médium. Le 6 mai 1857, Mme Cardone, par linspection des lignes de la main dAllan Kardec, lui confirma les deux précédentes communications quelle ignorait enfin, le 12 avril 1860, chez Dehan, par lintermédiaire de M. Crozet, médium, cette mission fut à nouveau confirmée dans une communication spontanée, obtenue en labsence dAllan Kardec. Il en fut de même au sujet de son pseudonyme de nombreuses communications venues des points les plus divers vinrent contrôler et corroborer la première communication obtenue à cet égard. Pressé par les événements et par les documents quil avait en sa possession, Allan Kardec avait, en raison du succès du Livre des Esprits, formé le projet de créer un journal spirite ; il sétait adressé à M. Tiedeman pour lui demander son concours pécuniaire, mais celui-ci nétait pas décidé de prendre part à cette entreprise. Allan Kardec demanda à ses Guides, le 15 novembre 1857, par lentremise de Mme E. Dufaux, ce quil devait faire. Il lui fut répondu de mettre son idée à exécution et de ne sinquiéter de rien.
« Je me hâtai de rédiger le premier numéro, dit Allan Kardec, et je le fis paraître le 1er janvier 1858, sans en avoir rien dit à personne. Je navais pas un seul abonné, et aucun bailleur de fonds. Je le fis donc entièrement à mes risques et périls, et neus pas lieu de men repentir, car le succès dépassa mon attente. A partir du 1er janvier, les numéros se succédèrent sans interruption et, comme lavait prévu lEsprit, ce journal devint pour moi un puissant auxiliaire. Je reconnus plus tard quil était heureux pour moi de navoir pas eu de bailleur de fonds, car jétais plus libre, tandis quun étranger intéressé aurait pu vouloir mimposer ses idées et sa volonté, et entraver ma marche ; seul je navais de comptes à rendre à personne, quelque lourde que fût ma tâche comme travail. »
Et cette tâche devait aller en augmentant toujours en travail et en responsabilités, en luttes incessantes contre des entraves, des embûches, des périls de toutes sortes ; mais, à mesure que la peine devenait plus grande, la lutte plus âpre, cet énergique travailleur sélevait aussi à la hauteur des événements qui ne le surprirent jamais, et pendant onze années, dans cette Revue Spirite, que nous venons de voir commencer si modestement, il tint tête à tous les orages, à toutes les compétitions, toutes les jalousies, qui ne lui furent pas épargnées, ainsi quil nous lapprend lui-même, et comme lannonce lui en avait été faite lorsque sa mission lui fut révélée. Cette communication et les réflexions dont Allan Kardec la annotée nous montrent sous un jour peu flatteur la situation à cette époque, mais elles font ressortir aussi la grande valeur du Fondateur du Spiritisme et son mérite davoir pu en triompher.
Médium, Mlle Aline C., 12 juin 1856 :
Dem. : Quelles sont les causes qui pourraient me faire échouer. Serait-ce linsuffisance de mes capacités ?
Rép. : Non ; mais la mission des réformateurs est pleine décueils et de périls ; la tienne est rude, je ten préviens, car cest le monde entier quil sagit de remuer et de transformer. Ne crois pas quil te suffise de publier un livre, deux livres, dix livres, et de rester tranquillement chez toi ; non, il te faudra payer de ta personne : tu soulèveras contre toi des haines terribles ; des ennemis acharnés conjureront ta perte ; tu seras en butte à la calomnie, à la trahison même de ceux qui te sembleront les plus dévoués ; tes meilleures instructions seront méconnues et dénaturées ; plus dune fois tu succomberas sous le poids de la fatigue : en un mot, cest une lutte presque constante que tu auras à soutenir, et le sacrifice de ton repos, de ta tranquillité, de ta santé, et même de ta vie, car tu ne vivras pas longtemps. Eh bien ! plus dun recule quand, au lieu dune route fleurie, il ne trouve sous ses pas que des ronces, des pierres aiguës et des serpents. Pour telles missions, lintelligence ne suffit pas. Il faut dabord, pour plaire à Dieu, de lhumilité, de la modestie et du désintéressement, car il abat les orgueilleux, les présomptueux. Pour lutter contre les hommes, il faut du courage, de la persévérance et une fermeté inébranlable ; il faut aussi de la prudence et du tact pour conduire les choses à propos et ne pas en compromettre le succès par des mesures ou des paroles intempestives ; il faut enfin du dévouement, de labnégation, et être prêt à tous les sacrifices. Tu vois que ta mission est subordonnée à des conditions qui dépendent de toi. »
ESPRIT VÉRITÉ
Remarque (cest Allan Kardec qui sexprime ainsi) : « Jécris cette note au 1er janvier 1867, dix ans et demi après que cette communication ma été donnée, et je constate quelle sest réalisée en tous points, car jai éprouvé toutes les vicissitudes qui my sont annoncées. Jai été en butte à la haine dennemis acharnés, à linjure, à la calomnie, à lenvie et à la jalousie ; des libelles infâmes ont été publiés contre moi ; mes meilleures instructions ont été dénaturées ; jai été trahi par ceux en qui javais mis ma confiance, payé dingratitude par ceux à qui javais rendu service. La Société de Paris a été un foyer continuel dintrigues ourdies par ceux qui se disaient pour moi, et qui en me faisant bonne mine par devant, me déchiraient par derrière. Ils ont dit que ceux qui prenaient mon parti étaient soudoyés par moi avec largent que je recueillais du Spiritisme. Je nai plus connu le repos ; plus dune fois jai succombé sous lexcès du travail, ma santé a été altérée et ma vie compromise. Cependant, grâce à la protection et à lassistance des bons Esprits qui mont sans cesse donné des preuves manifestes de leur sollicitude, je suis heureux de reconnaître que je nai pas éprouvé un seul instant de défaillance ni de découragement, et que jai constamment poursuivi ma tâche avec la même ardeur, sans me préoccuper de la malveillance dont jétais lobjet. Daprès la communication de lEsprit Vérité, je devais mattendre à tout cela, et tout sest vérifié. »
Lorsquon connaît toutes ces luttes, toutes les turpitudes auxquelles Allan Kardec fut en butte, combien il grandit à nos yeux et combien son triomphe éclatant acquiert de mérite et de splendeur ! Que sont-ils devenus, ces jaloux, ces pygmées qui cherchaient à lui barrer la route ? Pour la plupart, leur nom est inconnu ou néveille plus aucun souvenir ; loubli les a repris et pour toujours ensevelis sous ses ombres, tandis que celui dAllan Kardec, le vaillant lutteur, le pionnier hardi, passera à la postérité avec son auréole de gloire si légitimement acquise. Voici comment Allan Kardec envisageait la lutte pour le triomphe du Spiritisme et comment il voulait, prêchant dexemple, que les spirites répondent aux attaques des adversaires de la doctrine.
R. S. 1858, p. 293 : « On nous a plusieurs fois demandé pourquoi nous ne répondions pas, dans notre journal, aux attaques de certaines feuilles dirigées contre le Spiritisme en général, contre ses partisans, et quelquefois même contre nous. Nous croyons que, dans certains cas, le silence est la meilleure réponse. Il est dailleurs un genre de polémique dont nous nous sommes fait une loi de nous abstenir, cest celle qui peut dégénérer en personnalité ; non seulement elle nous répugne, mais elle nous prendrait un temps que nous pouvons employer plus utilement, et serait fort peu intéressante pour nos lecteurs, qui sabonnent pour sinstruire et non pour entendre des diatribes plus ou moins spirituelles ; or, une fois engagé dans cette voie, il serait difficile den sortir, cest pourquoi nous préférons ne pas y entrer, et nous pensons que le Spiritisme ne peut quy gagner en dignité. Nous navons jusqua présent quà nous applaudir de notre modération ; nous nen dévierons pas, et ne donnerons jamais satisfaction aux amateurs de scandale... »
R. S. 1858, p. 294 : « Remarquons encore que, parmi les critiques, il y a beaucoup de gens qui parlent sans connaître la chose, sans sêtre donné la peine de lapprofondir ; pour leur répondre, il faudrait sans cesse recommencer les explications les plus élémentaires et répéter ce que nous avons écrit, chose que nous croyons inutile. Il nen est pas de même de ceux qui ont étudié et qui nont pas du tout compris, de ceux qui veulent sérieusement séclairer, qui soulèvent des objections en connaissance de cause et de bonne foi sur ces terrains nous acceptons la controverse, sans nous flatter de résoudre toutes les difficultés, ce qui serait trop présomptueux. La science Spirite est à son début, et ne nous a pas encore dit tous ses secrets, quelque merveilles quelle nous ait dévoilées. Quelle est la science qui na pas de faits encore mystérieux et inexpliqués ? Nous confesserons donc sans honte notre insuffisance sur tous les points auxquels il ne nous sera pas possible de répondre. Ainsi, loin de repousser les objections et les questions, nous les sollicitons, pourvu quelles ne soient pas oiseuses et ne nous fassent pas perdre notre temps en futilités, parce que ce nest pas un moyen de séclairer. Cest là ce que nous appelons une polémique utile et elle le sera toujours quand elle aura lieu entre gens sérieux qui se respecteront assez pour ne pas sécarter des convenances. On peut penser différemment et ne sen estimer pas moins. »
R. S. 1859, p. 67 : « Nous dirons également peu de chose pour ce qui nous touche personnellement ; si ceux qui nous attaquent ostensiblement ou par dessous mains, croient nous troubler, ils perdent leur temps ; sils pensent nous barrer le chemin, ils se trompent également, puisque nous ne demandons rien, et naspirons à rien quà nous rendre utile dans la limite des forces que Dieu nous a données quelque modeste que soit notre position, nous nous contentons de ce qui, pour beaucoup, serait de la médiocrité ; nous nambitionnons ni rang, ni fortune, ni honneurs ; nous ne recherchons rien, ni le monde, ni ses plaisirs ; ce que nous ne pouvons avoir ne nous cause aucun regret : nous le voyons avec la plus complète indifférence ; cela nest pas dans nos goûts, par conséquent, nous ne portons envie à aucun de ceux qui possèdent ces avantages, si avantages il y a, ce qui à nos yeux est une question, car les puériles jouissances de ce monde nassurent pas une meilleure place dans lautre, loin de là ; notre vie est toute de labeur et détude, consacrant au travail jusquaux instants du repos : il ny a pas là de quoi faire des jaloux. Nous apportons, comme tant dautres, notre pierre à lédifice qui sélève : mais nous rougirions de nous en faire un échelon pour arriver à quoi que ce soit ; que dautres en apportent plus que nous ; que dautres travaillent autant que nous et mieux que nous, nous le verrons avec une joie sincère ; ce que nous voulons avant tout, cest le triomphe de la vérité, de quelque part quelle vienne, nayant pas la prétention davoir seul la lumière ; sil doit en rejaillir quelque gloire, le champ est ouvert à tout le monde, et nous tendrons la main à tous ceux qui, dans cette rude carrière, nous suivront loyalement, avec abnégation et sans arrière-pensée personnelle.
Nous savions bien quen arborant ouvertement le drapeau des idées dont nous nous sommes fait un des propagateurs, en bravant les préjugés, nous nous attirerions des ennemis, toujours prêts à décocher des traits envenimés contre quiconque lève la tête et se met en évidence ; mais il y a cette différence entre eux et nous, cest que nous ne leur en voulons pas du mal quils cherchent à nous faire, parce que nous faisons la part de la faiblesse humaine, et cest en cela que nous croyons leur être supérieur ; on sabaisse par lenvie, la haine, la jalousie et toutes Les mesquines passions ; on sélève par loubli des offenses. Cest là la morale spirite ; ne vaut-elle pas celle des gens qui déchirent leur prochain ? Cest celle que nous ont dictée les Esprits qui nous assistent, et lon peut juger par là sils sont bons ou mauvais. Elle nous montre les choses den haut si grandes et celles den bas si petites quon ne peut que plaindre ceux qui se torturent volontairement pour se donner quelque éphémère satisfaction damour-propre. »
La Société Parisienne des études spirites avait été fondée le 1er avril 1858. Jusque-là, les réunions avaient eu lieu chez Allan Kardec, rue des Martyrs, avec Mlle E. Dufaux comme principal médium ; son salon pouvait contenir de quinze à vingt personnes, il en réunit bientôt plus de trente. Se trouvant alors trop à létroit et ne voulant pas imposer toutes les charges à Allan Kardec, quelques-uns des auditeurs proposèrent de former une société spirite et de louer un local où auraient lieu les réunions. Mais il fallait, pour pouvoir se réunir, se faire reconnaître par la préfecture et y être autorisé. M. Dufaux, qui connaissait personnellement le préfet de police dalors, se chargea des démarches à cet effet, et, grâce au ministre de lIntérieur, le général X, qui était favorable aux idées nouvelles, lautorisation fut obtenue en quinze jours, alors que par la filière ordinaire elle eût demandé des mois sans grande chance daboutir. La Société fut alors régulièrement constituée et se réunit tous les mardis dans le local quelle avait loué au Palais-Royal, galerie de Valois. Elle y resta un an, du 1er avril 1858 au 1er avril 1859. Nayant pu y demeurer plus longtemps, elle se réunit tous les vendredis dans un des salons du restaurant Douix, au Palais-Royal, galerie Montpensier, du 1er avril 1859 au 1er avrIl 1860, époque où elle sinstalla dans un local à elle, rue et passage Sainte-Anne, 59. Après avoir rendu compte des conditions dans lesquelles la société sest formée et de la tâche quil a eu à remplir, Allan Kardec sexprime ainsi (Revue Spirite, 1859, p. 169) :
« Jai apporté dans mes fonctions, que je puis dire laborieuses, toute lexactitude et tout le dévouement dont jai été capable ; au point de vue administratif, je me suis efforcé de maintenir dans les séances un ordre rigoureux, et de leur donner un caractère de gravité sans lequel le prestige dassemblée sérieuse eût bientôt disparu. Maintenant que ma tâche est terminée et que limpulsion est donnée, je dois vous faire part de la résolution que jai prise de renoncer pour lavenir à toute espèce de fonction dans la Société, même celle de directeur des études : je nambitionne quun titre, celui de simple membre titulaire, dont je serai toujours heureux et honoré. Le motif de ma détermination est dans la multiplicité de mes travaux, qui augmentent tous les jours par lextension de mes relations, car, outre ceux que vous connaissez, jen prépare dautres plus considérables, qui exigent de longues et laborieuses études, et nabsorberont pas moins de dix années ; or ceux de la Société ne laissent pas de prendre beaucoup de temps, soit pour la préparation, soit pour la coordination et la mise au net et réclament une assiduité souvent préjudiciable à mes occupations personnelles, et que rend indispensable linitiative presque exclusive que vous mavez laissée. Cest à cette cause, Messieurs, que je dois davoir si souvent pris la parole, regrettant bien souvent que les membres éminemment éclairés que nous possédons nous privassent de leurs lumières. Depuis longtemps déjà javais le désir de me démettre de mes fonctions : je lai exprimé dune manière très explicite en diverses circonstances, soit ici, soit en particulier, à plusieurs de mes collègues, et notamment à M. Ledoyen. Je laurais fait plus tôt sans la crainte dapporter de la perturbation dans la Société : en me retirant au milieu de lannée, on aurait pu croire à une défection, et il ne fallait pas donner cette satisfaction à nos adversaires. Jai donc accompli ma tâche jusquau bout ; mais aujourdhui que ces motifs nexistent plus, je mempresse de vous faire part de ma résolution afin de ne point entraver le choix que vous ferez. Il est juste que chacun ait sa part des charges et des honneurs. » Hâtons-nous dajouter que cette démission ne fut pas acceptée et quAllan Kardec fut réélu à lunanimité moins une voix et un bulletin blanc. Devant ce témoignage de sympathie, il sinclina et conserva ses fonctions.
En septembre 1860, Allan Kardec fit un voyage de propagande dans notre région ; voici comment il en fait mention à la Société parisienne des études spirites (Revue Spirite, novembre 1860, p. 329) : « M. Allan Kardec rend compte du résultat du voyage quil vient de faire dans lintérêt du Spiritisme, et se félicite de la cordialité de laccueil quil a reçu partout, et notamment à Sens, Mâcon, Lyon, Saint-Étienne. Il a constaté, partout où il sest arrêté, les progrès considérables de la doctrine; mais ce qui est surtout digne de remarque, cest que, nulle part, il na vu quon en fît un amusement ; partout on sen occupe dune manière sérieuse, et partout on en comprend la portée et les conséquences futures. Il y a sans doute beaucoup dopposants, dont les plus acharnés sont les opposants intéressés, mais les railleurs diminuent sensiblement ; voyant que leurs sarcasmes ne mettent pas les rieurs de leur côté, et quils favorisent plus quils narrêtent le progrès des croyances nouvelles, ils commencent à comprendre quils ny gagnent rien et dépensent leur esprit en pure perte, cest pourquoi ils se taisent. Un mot bien caractéristique semble être partout à lordre du jour, cest celui-ci : « Le Spiritisme est dans lair » à lui seul il peint létat des choses. Mais cest surtout à Lyon que les résultats sont les plus remarquables. Les spirites y sont nombreux dans toutes les classes, et, dans la classe ouvrière, ils se comptent par centaines. La doctrine spirite a exercé parmi les ouvriers la plus salutaire influence au point de vue de lordre, de la morale et des idées religieuses ; en résumé, la propagation du Spiritisme marche avec la rapidité la plus encourageante. »
Au cours de ce voyage Allan Kardec prononça un discours magistral au banquet qui eut lieu le 19 septembre 1860 ; en voici quelques passages bien faits pour nous intéresser, nous qui aspirons à remplacer dignement ces ouvriers de la première heure : R. S. 1860, p. 300 : « La première chose qui ma frappé, cest le nombre des adeptes ; je savais bien que Lyon en comptait beaucoup, mais jétais loin de me douter que le nombre était aussi considérable, car cest par centaines quon les compte, et bientôt, je lespère, on ne pourra plus les compter. Mais, si Lyon se distingue par le nombre, il ne le fait pas moins par la qualité, ce qui vaut mieux encore. Partout je nai rencontré que des spirites sincères, comprenant la doctrine sous son véritable point de vue. Il y a, Messieurs, trois catégories dadeptes : les uns qui se bornent à croire à la réalité des manifestations, et qui cherchent avant tour les phénomènes ; le Spiritisme est simplement pour eux une série de faits plus ou moins intéressants. Les deuxièmes y voient autre chose que les faits, ils en comprennent la portée philosophique ; ils admirent la morale qui en découle, mais ils ne la pratiquent pas : pour eux la charité chrétienne est une belle maxime, mais voilà tout. Les troisièmes, enfin, ne se contentent pas dadmirer la morale : ils la pratiquent et en acceptent toutes les conséquences. Bien convaincus que lexistence terrestre est une épreuve passagère, ils tâchent de mettre à profit ces courts instants pour marcher dans la voie du progrès que leur tracent les Esprits, en sefforçant de faire le bien et de réprimer leurs mauvais penchants ; leurs relations sont toujours sûres, car leurs convictions les éloignent de toute pensée du mal ; la charité est en toute chose la règle de leur conduite, ce sont là les vrais Spirites ou mieux les Spirites chrétiens.
Eh bien ! Messieurs, je vous le dis avec bonheur, je nai encore rencontré ici aucun adepte de la première catégorie ; nulle part je nai vu quon soccupât du Spiritisme par pure curiosité ; nulle part je nai vu quon se servît des communications pour des sujets futiles ; partout le but est grave, les intentions sérieuses, et, si jen crois ce qui mest dit, il y en a beaucoup de la troisième catégorie. Honneur donc aux Spirites lyonnais dêtre aussi largement entrés dans cette voie progressive, sans laquelle le Spiritisme serait sans objet ! Cet exemple ne sera pas perdu ; il aura ses conséquences, et ce nest pas sans raison, je le vois, que les Esprits mont répondu lautre jour, par lun de vos médiums les plus dévoués, quoique lun des plus obscurs, alors que je leur exprimais ma surprise « Pourquoi ten étonner ? Lyon a été la ville des martyrs la foi y est vive; elle fournira des apôtres au Spiritisme. Si Paris est la tête, Lyon sera le cur. » Cette opinion dAllan Kardec sur les spirites lyonnais de son époque est pour nous un grand honneur, mais elle doit être aussi une règle de conduite. Ces éloges, tous les Spirites doivent sefforcer de les mériter à leur tour en approfondissant les leçons du Maître et surtout en y conformant leur conduite. Noblesse oblige, dit un adage; sachons tous nous en souvenir toujours et tenir haut et ferme le drapeau du Spiritisme. Mais Allan Kardec ne se contentait pas de jeter des fleurs à nos aimés, il leur donnait surtout de sages conseils que nous devons méditer à notre tour.
R. S., 1860, p. 303 : « Lenseignement venant des Esprits, les différents groupes, aussi bien que les individus, se trouvent sous linfluence de certains esprits qui président à leurs travaux ou les dirigent moralement ; si ces Esprits ne saccordent pas, la question est de savoir quel est celui qui mérite le plus de confiance ; ce sera évidemment celui dont la théorie ne peut soulever aucune objection sérieuse, en un mot celui qui, sur tous les points, donne le plus de preuves de sa supériorité. Si tout est bon, rationnel dans cet enseignement, peu importe le nom que prend lEsprit, et sous ce rapport la question didentité est tout à fait secondaire. Si, sous un nom respectable, lenseignement pèche par les qualités essentielles, vous pouvez hardiment en conclure que cest un nom apocryphe et que cest un Esprit imposteur ou qui samuse. Règle générale : Le nom nest jamais une garantie ; la seule, la véritable garantie de supériorité, cest la pensée et la manière dont elle est exprimée. Les esprits trompeurs peuvent tout imiter, tout, excepté le vrai savoir et le vrai sentiment.
Il arrive souvent que, pour faire adopter certaines utopies, des Esprits font parade dun faux savoir et pensent en imposer en puisant dans larsenal des mots techniques tout ce qui peut fasciner celui qui croit trop facilement. Ils ont encore un moyen plus certain, cest daffecter les dehors de la vertu ; à la faveur des grands mots de charité, de fraternité, dhumilité, ils espèrent faire passer les plus grossières absurdités, et cest ce qui arrive très souvent quand on nest pas sur ses gardes ; il faut donc éviter de se laisser prendre aux apparences aussi bien de la part des Esprits que de celle des hommes ; or, je lavoue, cest là une des plus grandes difficultés ; mais on na jamais dit que le Spiritisme fût une science facile ; il a ses écueils, que lon ne peut éviter que par lexpérience. Pour éviter de tomber dans le piège, il faut dabord se garder de lenthousiasme qui aveugle, de lorgueil qui porte certains médiums à se croire seuls les interprètes de la vérité ; il faut tout examiner froidement, tout peser mûrement, tout contrôler, et si lon se défie de son propre jugement, ce qui est souvent le plus sage, il faut en référer à dautres, selon le proverbe que quatre yeux voient mieux que deux ; un faux amour-propre, ou une obsession peuvent seuls faire persister dans une idée notoirement fausse, ce que le bon sens de chacun repousse. » Voilà les conseils si sages et si pratiques que donnait celui quon a voulu faire passer pour un enthousiaste, un mystique, un halluciné, et cette règle de conduite établie au début na pas encore été infirmée, ni par lobservation ni par les événements ; cest toujours la voie la plus sûre, la plus sage, la seule à suivre par ceux qui veulent soccuper du Spiritisme.
Allan Kardec travaillait alors au Livre des Médiums qui parut dans la première quinzaine de janvier 1861 chez MM. Didier et Cie, libraires-éditeurs. Le Maître en expose en ces termes la raison dêtre dans la Revue Spirite, 1861, p. 6 : « Nous avons cherché, dans ce travail, fruit dune longue expérience et de laborieuses études, à éclairer toutes les questions qui se rattachent à la pratique des manifestations ; il contient, daprès les Esprits, lexplication théorique des divers phénomènes et des conditions dans lesquelles ils peuvent se produire ; mais la partie concernant le développement et lexercice de la médiumnité a surtout été de notre part lobjet dune attention toute spéciale. Le Spiritisme expérimental est entouré de beaucoup plus de difficultés quon ne le croit généralement, et les écueils quon y rencontre sont nombreux ; cest ce qui cause tant de déceptions chez ceux qui sen occupent sans avoir lexpérience et les connaissances nécessaires. Notre but a été de prémunir contre ces écueils qui ne sont pas toujours sans inconvénients pour quiconque saventure avec imprudence sur ce terrain nouveau. Nous ne pouvions négliger un point si capital, et nous lavons traité avec un soin égal à son importance. »
Le Livre des Médiums avait été précédé dun ouvrage moins étendu : Instruction pratique sur les manifestations spirites «contenant lexposé complet des conditions nécessaires pour communiquer avec les Esprits et les moyens de développer la faculté médiatrice chez les médiums ». Lorsque lédition de ce volume fut épuisée, Allan Kardec le remplaça par le Livre des Médiums actuel qui est encore le vade-mecum de tous ceux qui veulent se livrer avec fruit à létude du Spiritisme expérimental; cest encore le guide le plus sûr pour ceux qui veulent explorer sans danger le terrain de la médiumnité. Il na rien paru de mieux depuis et les auteurs qui ont abordé le même sujet nont fait que suivre les grandes lignes de ce magistral ouvrage.
Pendant lannée 1861, Allan Kardec fait un nouveau voyage spirite à Sens, Mâcon et Lyon, et il constate que dans notre ville le Spiritisme a déjà atteint la virilité. R. S. 1861, p. 290 : « Ce nest plus en effet, dit-il, par centaines que lon y compte les Spirites, comme il y a un an : cest par milliers, ou, pour mieux dire, on ne les compte plus et lon estime quen suivant les mêmes progressions, dans un an ou deux ils seront plus de trente mille. Le Spiritisme sy est recruté dans toutes les classes, mais cest surtout dans la classe ouvrière quil sest propagé avec le plus de rapidité, et cela nest pas étonnant : cette classe étant celle qui souffre le plus, elle se retourne du côté où elle trouve le plus de consolation. Vous qui criez contre le Spiritisme, que ne lui en donnez-vous autant : elle se tournerait vers vous ; mais au lieu de cela, vous voulez lui ôter ce qui laide à porter son fardeau de misère ; cest le plus sûr moyen de vous aliéner ses sympathies et de grossir les rangs qui vous sont opposés. Ce que nous avons vu de nos yeux est tellement caractéristique et renferme un si grand enseignement, que nous croyons devoir donner aux travailleurs la plus large part de notre compte rendu. « Lannée passée il ny avait quun seul centre de réunion, celui des Brotteaux, dirigé par Dijoux, chef datelier, et sa femme ; depuis il sen est formé sur différents points de la ville, à la Guillotière, à Perrache, à la Croix-Rousse, à Vaise, à Saint-Just, etc., sans compter un grand nombre de réunions particulières. A peine y avait-il deux ou trois médiums assez novices ; aujourdhui il y en a dans tous les groupes, et plusieurs sont de première force ; dans un seul groupe nous en avons vu cinq écrire simultanément. Nous avons également vu une jeune personne très bon médium voyant, et chez laquelle nous avons pu constater cette faculté développée à un très haut degré. Cest beaucoup sans doute que les adeptes se multiplient, mais ce qui vaut mieux encore que le nombre, cest la qualité. Eh bien ! Nous déclarons hautement que nous navons nulle part vu des réunions spirites plus édifiantes que celles des ouvriers lyonnais, sous le rapport de lordre, du recueillement et de lattention quils apportent aux instructions de leurs guides spirituels ; il y a là des hommes, des vieillards, des femmes, des jeunes gens, des enfants même, dont la tenue respectueuse contraste avec leur âge ; jamais un seul na troublé un instant le silence de nos réunions souvent fort longues ; ils semblaient presque aussi avides que leurs parents de recueillir nos paroles. Ce nest pas tout ; le nombre des métamorphoses morales est, chez les ouvriers, presque aussi grand que celui des adeptes ; des habitudes vicieuses réformées, des passions calmées, des haines apaisées, des intérieurs devenus paisibles, en un mot les vertus les plus chrétiennes développées, et cela par la confiance désormais inébranlable que les communications spirites leur donnent en lavenir auquel ils ne croyaient pas ; cest un bonheur pour eux dassister à ces instructions doù ils sortent réconfortés contre ladversité ; aussi en voit-on qui sy rendent de plus dune lieue par tous les temps, hiver comme été, et qui bravent tout pour ne pas manquer une séance ; cest quil ny a pas chez eux une foi vulgaire, mais une foi basée sur une conviction profonde, raisonnée et non aveugle. »
A loccasion de ce voyage, un banquet réunit à nouveau sous la présidence dAllan Kardec les membres de la grande famille spirite lyonnaise. Le 19 septembre 1860, les convives étaient à peine une trentaine ; le 19 septembre 1861, leur nombre était de cent soixante « représentant les différents groupes qui se considèrent tous comme les membres dune même famille, et entre lesquels il nexiste pas lombre de jalousie et de rivalité, ce que, dit le Maître, nous sommes bien aise de faire remarquer en passant. La majorité des assistants était composée douvriers, et tout le monde a remarqué lordre parfait qui na cessé de régner un seul instant ; cest que les vrais spirites mettent leur satisfaction dans les joies du cur et non dans les plaisirs bruyants. »
Le 14 octobre de la même année nous trouvons AIlan Kardec à Bordeaux, où, comme dans toutes les villes où il passe, il sème la bonne nouvelle et fait germer la foi en lavenir. Rendant compte de létat du Spiritisme à Bordeaux, Allan Kardec sexprime ainsi : R. S. 1861, p. 337 : « Si Lyon a fait ce quon pourrait appeler son pronunciamento en fait de Spiritisme, Bordeaux nest pas resté en arrière, car il veut, lui aussi, prendre rang un des premiers dans la grande famille... Ce nest pas en quelques années, cest en quelques mois que la doctrine y a pris des proportions importantes dans toutes les classes de la société. Constatons dabord un fait capital, cest que là, comme à Lyon et comme dans beaucoup dautres villes que nous avons visitées, nous avons vu la doctrine envisagée au point de vue le plus sérieux, et dans ses applications morales ; là, comme ailleurs, nous avons vu dinnombrables transformations, de véritables métamorphoses ; des caractères qui ne sont plus reconnaissables ; des gens qui ne croyaient plus à rien, ramenés aux idées religieuses par la certitude de lavenir, maintenant palpable pour eux. Cela donne la mesure de lesprit qui règne dans les réunions spirites, déjà très multipliées ; dans toutes celles où nous avons assisté, nous y avons vu le recueillement le plus édifiant, un air de bienveillance mutuelle entre les assistants ; on se sent dans un milieu sympathique qui inspire la confiance. » Sadressant à ce public bordelais qui lui est si sympathique et voulant lui témoigner sa reconnaissance, Allan Kardec sexprime ainsi : R. S. 1861, p. 340 : « Si je suis heureux de cet accueil cordial, cest que jy vois un hommage rendu à la doctrine que nous professons et aux bons Esprits qui nous lenseignent, bien plus quà moi personnellement qui ne suis quun instrument dans les mains de la Providence. Convaincu de la vérité de cette doctrine et du bien quelle est appelée à produire, jai tâché den coordonner les éléments ; je me suis efforcé de la rendre claire et intelligible pour tous ; cest toute la part qui men revient, aussi ne men suis-je jamais posé comme le créateur : lhonneur tout entier en est aux Esprits ; cest donc à eux seuls que doivent se reporter les témoignages de votre gratitude, et je naccepte les éloges que vous voulez bien me donner que comme un encouragement à poursuivre ma tâche avec persévérance. Dans les travaux que jai faits pour atteindre le but que je me suis proposé, jai sans doute été aidé par les Esprits, ainsi quils me lont dit plusieurs fois, mais sans aucun signe extérieur de médiumnité. Je ne suis donc point médium dans le sens vulgaire du mot, et aujourdhui je comprends quil est heureux pour moi quil en soit ainsi. Par une médiumnité effective, je naurais écrit que sous une même influence; jaurais été porté à naccepter comme vrai que ce qui maurait été donné, et cela peut-être à tort ; tandis que, dans ma position, il convenait que jeusse une liberté absolue de prendre le bon partout où il se trouve et de quelque côté quil vînt; jai donc pu faire un choix des divers enseignements, sans préventions, et avec une entière impartialité. Jai beaucoup vu, beaucoup étudié, beaucoup observé, mais toujours dun oeil impassible, et je nambitionne rien de plus que de voir lexpérience que jai acquise mise à profit par les autres, auxquels je suis heureux de pouvoir éviter les écueils inséparables de tout noviciat.
Si jai beaucoup travaillé et si je travaille tous les jours, jen suis bien largement récompensé par la marche si rapide de la doctrine, dont les progrès dépassent tout ce quil était permis despérer, par les résultats quelle produit, et je suis heureux de voir que la ville de Bordeaux non seulement ne reste pas en arrière dans ce mouvement, mais se dispose à marcher à la tête par le nombre et la qualité des adeptes. Si lon considère que le Spiritisme doit sa propagation à ses propres forces, sans lappui daucun des auxiliaires qui font dordinaire les succès, et malgré les efforts dune opposition systématique, ou plutôt à cause même de ces efforts, on ne peut sempêcher dy voir le doigt de Dieu. Si ses ennemis sont puissants[7], puisquils nont pu en paralyser lessor, il faut donc convenir quil est plus puissant queux, et que comme le serpent de la fable ils usent en vain leurs dents contre une lime dacier. »
R. S. 1861, p. 341 : «La force du Spiritisme a deux causes prépondérantes : la première, cest quil rend heureux ceux qui le connaissent, le comprennent et le pratiquent ; or, comme il y a beaucoup de gens malheureux, il recrute une innombrable armée parmi ceux qui souffrent. Veut-on lui enlever cet élément de propagation ? Quon rende les hommes tellement heureux moralement et matériellement, quils naient plus rien à désirer, ni en ce monde ni dans lautre ; nous ne demandons pas mieux, puisque le but sera atteint. La seconde, cest quil ne repose sur la tête daucun homme quon puisse abattre ; puisquil na point de foyer unique quon puisse éteindre, son foyer est partout, parce que partout il y a des médiums qui peuvent communiquer avec les Esprits ; quil ny a pas de famille qui nen puisse trouver dans son sein, et que cette parole du Christ saccomplit : Vos fils et vos filles prophétiseront et ils auront des visions ; parce quenfin le Spiritisme est une idée, et quil ny a point de barrières impénétrables à lidée, ni assez hautes pour quelle ne les puisse franchir. On a tué le Christ, on a tué ses apôtres et ses disciples ; mais le Christ avait lancé dans le monde lidée chrétienne, et cette idée a triomphé de la persécution des césars omnipotents... »
R. S., p. 343 : " Si les ennemis du dehors ne peuvent rien contre le Spiritisme, il nen est pas de même de ceux du dedans, je veux dire de ceux qui sont plus spirites de nom que de fait, sans parler de ceux qui nont du Spiritisme que le masque. Le plus beau côté du Spiritisme, cest le côté moral ; cest par ses conséquences morales quil triomphera, car là est sa force, par-là il est invulnérable. Il inscrit sur son drapeau : Amour et charité et devant ce palladium plus puissant que celui de Minerve, car il vient du Christ, lincrédulité elle-même sincline. Que peut-on penser dune doctrine qui conduit les hommes à saimer comme des frères ? Si lon nadmet pas la cause, du moins on respectera leffet ; or, le meilleur moyen de prouver la réalité de leffet, cest den faire lapplication à soi-même, cest de montrer aux ennemis de la doctrine, par son propre exemple, quelle rend réellement meilleur ; mais comment faire croire quun instrument peut produire lharmonie, sil rend des sons discordants ? De même comment persuader que le Spiritisme doit conduire à la concorde si ceux qui le professent ou qui sont censés le professer, ce qui est tout un pour les adversaires, se jettent la pierre ? Si une simple susceptibilité damour-propre, de préséance, suffit pour les diviser ? Nest-ce pas le moyen de se faire renvoyer son propre argument ? Les ennemis Les plus dangereux du Spiritisme sont donc ceux qui le font mentir à lui-même, en ne pratiquant pas la loi queux-mêmes viennent proclamer. Il y aurait puérilité à faire dissidence pour des nuances dopinion ; il y aurait malveillance évidente, oubli du premier devoir du vrai Spirite, de se séparer pour une question personnelle, car le sentiment de la personnalité est le fruit de lorgueil et de légoïsme. »
R. S. 1860, p. 299 : « Les adversaires du Spiritisme ne le combattent que parce quils ne le comprennent pas ; cest à nous, cest aux vrais Spirites, à ceux qui voient dans le Spiritisme autre chose que des expériences plus ou moins curieuses, de le faire comprendre et de le répandre en prêchant dexemple autant que de paroles. Le Livre des Esprits a eu pour résultat den faire voir la portée philosophique ; si ce livre a quelque mérite, il serait présomptueux à moi de men glorifier, car la doctrine quil renferme nest point ma création ; tout lhonneur du bien quil a fait revient aux Esprits sages qui lont dicté et qui ont bien voulu se servir de moi. Je puis donc en entendre léloge sans que ma modestie en soit blessée et sans que mon amour-propre en soit exalté. Si javais voulu men prévaloir, jen aurais assurément revendiqué la conception, au lieu de lattribuer aux Esprits ; et si lon pouvait douter de la supériorité de ceux qui y ont coopéré, il suffirait de considérer linfluence quil a exercée en si peu de temps, par la seule puissance de la logique et sans aucun des moyens matériels propres à surexciter la curiosité. »
En dehors des voyages et des travaux dAllan Kardec, cette année 1861 restera mémorable dans les annales du Spiritisme par un fait tellement monstrueux, quil semble presque incroyable, je veux parler de lautodafé qui eut lieu à Barcelone et par lequel furent brûlés, par la torche des inquisiteurs, trois cents ouvrages spirites. M. Maurice Lachâtre était à cette époque établi libraire à Barcelone ; en relations et communauté didées avec Allan Kardec, il lui demanda de lui adresser un certain nombre douvrages spirites pour les mettre en vente et faire de la propagande à la philosophie nouvelle. Les ouvrages, au nombre de trois cents environ, furent expédiés dans les conditions ordinaires, avec une déclaration régulière du contenu des colis. A leur arrivée en Espagne les droits de douane furent réclamés au destinataire, et perçus par les agents du gouvernement espagnol, mais la livraison des colis neut pas lieu : lévêque de Barcelone, ayant jugé ces livres pernicieux pour la foi catholique, fit confisquer lexpédition par le Saint-Office. Puisquon ne voulait pas remettre ces ouvrages au destinataire, Allan Kardec en réclama le retour, mais sa réclamation resta sans effet, et lévêque de Barcelone, se faisant policier de la France, motiva son refus par la réponse suivante : «LÉglise catholique est universelle et, ces livres étant contraires à la foi catholique, le gouvernement ne peut consentir à ce quils aillent pervertir la morale et la religion des autres pays.» Et non seulement les livres ne furent pas rendus, mais les droits de douane restèrent entre les mains du fisc espagnol. Allan Kardec aurait pu soulever une action diplomatique, et obliger le gouvernement espagnol à faire le retour des ouvrages. Mais les Esprits len dissuadèrent, lui représentant quil était préférable, pour la propagande du Spiritisme, de laisser cette ignominie suivre son cours.
Renouvelant les fastes et les bûchers du Moyen-Age, lévêque de Barcelone fit brûler en place publique, par la main du bourreau, les ouvrages incriminés. Voici, à titre de document historique, le procès-verbal de cette infamie cléricale: «Ce jour, neuf octobre mil huit cent soixante et un, à dix heures et demie du matin, sur lesplanade de la ville de Barcelone, au lieu où sont exécutés les criminels condamnés au dernier supplice, par ordre de lévêque de cette ville, ont été brûlés trois cents volumes et brochures sur le Spiritisme savoir :
La Revue Spirite, directeur Allan Kardec,
La Revue Spiritualiste, directeur Piérart,
Le Livre des Esprits, par Allan Kardec,
Le Livre des Médiums, par Allan Kardec,
Quest-ce que le Spiritisme ? par Allan Kardec,
Fragment de Sonate dicté par lesprit de Mozart,
Lettre dun catholique sur le Spiritisme, par le Dr Grand,
LHistoire de Jeanne dArc, dictée par elle-même à Mlle Ermance Dufaux,
La Réalité des Esprits démontrée par lécriture directe, par le baron de Guldenstubbé.
Ont assisté à lautodafé :
- Un prêtre revêtu des habits sacerdotaux, portant la croix dune main et une torche de lautre main,
- Un notaire chargé de rédiger le procès-verbal de lautodafé,
- Le clerc du notaire,
- Un employé supérieur de ladministration des douanes,
- Trois mozos (garçons) de la douane, chargés dentretenir le feu,
- Un agent de la douane représentant le propriétaire des ouvrages condamnés par lévêque.
Une foule innombrable encombrait les promenades et couvrait lesplanade où se dressait le bûcher. Quand le feu eut consumé les trois cents volumes ou brochures spirites, le prêtre et ses aides se retirèrent couverts par les huées et les malédictions de nombreux assistants qui criaient : A bas lInquisition ! Plusieurs personnes se sont ensuite approchées du bûcher et en ont recueilli des cendres.»
Ce serait amoindrir lhorreur de tels actes que den accompagner le récit de commentaires ; constatons seulement quà la lueur de ce bûcher, le Spiritisme prit un essor inespéré dans toute lEspagne, et, comme lavaient prévu les Esprits, il y recruta un nombre incalculable dadhérents. Nous ne pouvons donc, comme le fit Allan Kardec, que nous réjouir de limmense réclame que cet acte odieux fit au Spiritisme. Mais, à propos de la propagande que nous devons faire nous-même à notre philosophie, nous ne devrons jamais oublier ces conseils du Maître dans la Revue Spirite, 1863, p. 367:
« Le Spiritisme sadresse à ceux qui ne croient pas ou qui doutent, et non à ceux qui ont une foi et à qui cette foi suffit; il ne dit à personne de renoncer à ses croyances pour adopter les nôtres, et en cela il est conséquent avec les principes de tolérance et de liberté de conscience quil professe. Par ce motif, nous ne saurions approuver les tentatives faites par certaines personnes pour convertir à nos idées le clergé de quelque communion que ce soit. Nous répétons donc à tous les Spirites : Accueillez avec empressement les hommes de bonne volonté ; donnez la lumière à ceux qui la cherchent, car avec ceux qui croient vous ne réussirez pas ; ne faites violence à la foi de personne, pas plus du clergé que des laïcs, car vous venez ensemencer les champs arides ; mettez la lumière en évidence pour que ceux qui voudront la voir la regardent ; montrez les fruits de larbre et donnez-en à manger à ceux qui ont faim et non à ceux qui se disent rassasiés. » Ces conseils, comme tous ceux dAllan Kardec, sont clairs, simples et surtout pratiques ; à nous de nous en souvenir et den faire notre profit à loccasion.
Lannée 1862 fut fertile en travaux favorables à la diffusion du Spiritisme. Le 15 janvier parut lexcellente petite brochure de propagande : le Spiritisme à sa plus simple expression : «Le but de cette publication, dit Allan Kardec, est de donner, dans un cadre très restreint, un historique du Spiritisme et une idée suffisante de la doctrine des Esprits, pour mettre à même den comprendre le but moral et philosophique. Par la clarté et la simplicité du style, nous avons cherché à la mettre à la portée de toutes les intelligences. Nous comptons sur le zèle de tous les vrais spirites pour aider à la propagation.» Cet appel fut entendu, car la petite brochure se répandit à profusion, et beaucoup doivent à cet excellent travail davoir compris le but et la portée du Spiritisme.
R. S. 1863, p. 70 : «Lorsque nous eûmes fait la petite brochure : Le Spiritisme à sa plus simple expression, nous demandâmes à nos guides spirituels quel effet elle produirait. R nous fut répondu : Elle produira un effet auquel tu ne tattends pas, cest-à-dire que tes adversaires seront furieux de voir une publication destinée, par son extrême bon marché, à être répandue en masse et à pénétrer partout. Il ta été annoncé un grand déploiement dhostilités, ta brochure en sera le signal. Ne ten préoccupe pas, tu connais la fin. Ils se fâchent en raison de la difficulté de refuser tes arguments. Puisquil en est ainsi, dîmes-nous, cette brochure qui devait être vendue 25 centimes sera donnée pour deux sous. Lévénement a justifié ces prévisions, et nous nous en félicitons. »
A loccasion du 1er janvier 1862, Allan Kardec ayant reçu des Spirites lyonnais une adresse sympathique, dont les témoignages de gratitude et de respect étaient appuyés de nombreuses signatures, près de 200, le Maître fit à nos aimés la réponse suivante, qui était également adressée à tous les Spirites de France et de lÉtranger :
«Mes chers freres et amis de Lyon,
Ladresse collective que vous avez bien voulu menvoyer à loccasion de la nouvelle année ma causé une bien vive satisfaction, en me prouvant que vous avez conservé de moi un bon souvenir mais ce qui ma fait le plus de plaisir dans cet acte spontané de votre part, cest de trouver parmi les nombreuses signatures qui y figurent, des représentants dà peu près tous les groupes, parce que cest un signe de lharmonie qui règne entre eux. je suis heureux de voir que vous avez parfaitement compris le but de cette organisation dont vous pouvez déjà apprécier les résultats, car il doit être évident pour vous maintenant quune société unique eût été à peu près impossible. Je vous remercie, mes bons amis, des vux que vous formez pour moi ; et ce sont ceux que Dieu écoute. Soyez donc satisfaits, car il les exauce chaque jour en me donnant la joie inouïe, dans létablissement dune nouvelle doctrine, de voir celle à laquelle je me suis dévoué, grandir et prospérer de mon vivant avec une merveilleuse rapidité ; je regarde comme une grande faveur du ciel dêtre témoin du bien quelle fait déjà. Cette certitude, dont je reçois journellement les plus touchants témoignages, me paye avec usure de toutes mes peines, de toutes mes fatigues ; je ne demande à Dieu quune grâce, cest de me donner la force physique nécessaire pour aller jusquau bout de ma tâche, qui est loin dêtre achevée ; mais, quoi quil arrive, jaurai toujours la consolation dêtre assuré que la semence des idées nouvelles, maintenant répandue partout, est impérissable ; plus heureux que beaucoup dautres, qui nont travaillé que pour lavenir, il mest donné den voir les premiers fruits. Si je regrette une chose, cest que lexiguïté de mes ressources personnelles ne me permette pas de mettre à exécution les plans que jai conçus pour son avancement, plus rapide encore ; mais, si Dieu, dans sa sagesse, a cru devoir en décider autrement, je léguerai ces plans à nos successeurs qui, sans doute, seront plus heureux. Malgré la pénurie des ressources matérielles, le mouvement qui sopère dans lopinion a dépassé toute espérance ; croyez bien, mes frères, quen cela votre exemple naura pas été sans influence. Recevez donc nos félicitations pour la manière dont vous savez comprendre et pratiquer la doctrine.
Au point où en sont les choses aujourdhui, et à voir la marche du Spiritisme à travers les obstacles semés sur sa route, on peut dire que les principales difficultés sont vaincues ; il a pris son rang et sest assis sur des bases qui défient désormais les efforts de ses adversaires. On se demande comment une doctrine qui rend heureux et meilleur peut avoir des ennemis ; cela est naturel ; létablissement des meilleures choses froisse toujours des intérêts en commençant ; nen a-t-il pas été ainsi de toutes les inventions et découvertes qui ont fait révolution dans lindustrie ? Celles qui sont regardées aujourdhui comme des bienfaits dont on ne pourrait plus se passer nont-elles pas eu des ennemis acharnés ? Toute loi qui réprime un abus na-t-elle pas contre elle tous ceux qui vivent des abus ? Comment voudriez-vous quune doctrine qui conduit au règne de la charité effective ne soit pas combattue par tous ceux qui vivent dégoïsme ? Et vous savez sils sont nombreux sur la terre ! Dans le principe, ils ont espéré le tuer par la raillerie ; aujourdhui ils voient que cette arme est impuissante, et que sous le feu des sarcasmes il a continué sa route sans broncher; ne croyez pas quils vont savouer vaincus ; non, lintérêt naturel est plus tenace ; reconnaissant que cest une puissance avec laquelle il faut désormais compter, ils vont lui livrer des assauts plus sérieux, mais qui ne serviront quà mieux prouver leur faiblesse. Les uns lattaqueront directement en paroles et en actions et le poursuivront jusque dans la personne de ses adhérents, quils essayeront de décourager à force de tracasseries, tandis que dautres, en sous-main et par des voies détournées, chercheront à le miner sourdement. Tenez-vous pour avertis que la lutte nest pas terminée, je suis prévenu quils vont tenter un suprême effort ; mais soyez sans crainte, le gage du succès dans cette devise, qui est celle de tous les vrais Spirites : Hors la charité point de salut, arborez-la hautement. Car elle est la tête de Méduse pour les égoïstes. La tactique déjà mise en oeuvre par les ennemis des Spirites, mais quils vont employer avec une nouvelle ardeur, cest dessayer de les diviser en créant des systèmes divergents et en suscitant parmi eux la défiance et la jalousie. Ne vous laissez pas prendre au piège, et tenez pour certain que quiconque cherche par un moyen, quel quil soit, à rompre la bonne harmonie ne peut avoir une bonne intention. Cest pourquoi je vous invite à mettre la plus grande circonspection dans la formation de vos groupes, non seulement pour votre tranquillité mais dans lintérêt même de vos travaux.
La nature des travaux spirites exige le calme et le recueillement ; or point de recueillement possible si lon est distrait par des discussions et lexpression de sentiments malveillants. Il ny aura pas de sentiments malveillants sil y a fraternité ; mais il ne peut y avoir fraternité avec des égoïstes, des ambitieux, des orgueilleux. Avec des orgueilleux, qui se froissent et se blessent de tout, des ambitieux qui seront déçus sils nont pas la suprématie, des égoïstes qui ne pensent quà eux, la zizanie ne peut tarder de sintroduire, et de là, la dissolution. Cest ce que voudraient nos ennemis et ce quils cherchent à faire. Si un groupe veut être dans des conditions dordre, de tranquillité et de stabilité, il faut quil y règne un sentiment fraternel. Tout groupe ou société qui se formera sans avoir la charité effective pour base na pas de vitalité ; tandis que ceux qui seront fondés selon le véritable esprit de la doctrine se regarderont comme les membres dune même famille, qui, ne pouvant habiter tous sous le même toit, demeurent en des endroits différents. La rivalité entre eux serait un non-sens ; elle ne saurait exister là où règne la vraie charité, car la charité ne peut sentendre de deux manières. Reconnaissez donc le vrai Spirite à la pratique de la charité en pensées, en paroles et en actions, et dites-vous que quiconque nourrit en son âme des sentiments danimosité, de rancune, de haine, denvie ou de jalousie, se ment à lui-même sil prétend comprendre et pratiquer le Spiritisme. Légoïsme et lorgueil tuent les sociétés particulières, comme ils tuent les peuples et la société en général... »
Tout serait à citer dans ces conseils aussi justes que pratiques, mais il faut nous borner en raison du temps dont nous avons à disposer. Sur la demande des Spirites de Lyon et de Bordeaux, Allan Kardec fit en septembre et octobre un long voyage de propagande, semant partout la bonne nouvelle et prodiguant ses conseils à ceux-là seulement qui les lui demandaient. Linvitation faite par les groupes lyonnais était couverte de cinq cents signatures. Un ouvrage spécial a rendu compte de ce voyage de plus de six semaines, pendant lequel le Maître présida plus de cinquante réunions dans vingt villes où il reçut partout le plus cordial accueil et fut heureux de constater les immenses progrès du Spiritisme. Au sujet des voyages dAllan Kardec, certaines influences hostiles ayant répandu le bruit quils étaient faits aux frais de la Société parisienne des études spirites, sur le budget de laquelle il prélevait également tous ses frais de correspondance et dentretien, le Maître réfute ainsi cette erreur :
« Plusieurs personnes, surtout en province, avaient pensé que les frais de ces voyages étaient supportés par la Société de Paris ; nous avons dû relever cette erreur quand loccasion sen est présentée : à ceux qui pourraient encore la partager, nous rappellerons ce que nous avons dit dans une autre circonstance (numéro de juin 1862, p. 167, Revue Spirite), que la Société se borne à pourvoir à ses dépenses courantes et na point de réserves ; pour quelle pût amasser un capital, il lui faudrait viser au nombre ; cest ce quelle ne fait pas et ne veut pas faire, parce que la spéculation nest pas son but et que le nombre najoute rien à limportance des travaux ; son influence est toute morale et dans le caractère de ses réunions, qui donnent aux étrangers lidée dune assemblée grave et sérieuse ; cest là son plus puissant moyen de propagande. Elle ne pourrait donc pourvoir à une pareille dépense. Les frais de voyage, comme tous ceux que nécessitent nos relations pour le Spiritisme, sont pris sur nos ressources personnelles et nos économies accrues du produit de nos ouvrages, sans lequel il nous serait impossible de subvenir à toutes les charges qui sont pour nous la conséquence de luvre que nous avons entreprise. Cela dit sans vanité, mais uniquement pour rendre hommage à la vérité et pour lédification de ceux qui se figurent que nous thésaurisons.»
En 1862, Allan Kardec fit aussi paraître une Réfutation des critiques contre le Spiritisme au point de vue du matérialisme, de la Science et de la Religion. Mis en cause et pris à partie à différentes reprises par M. le curé Marouzeau, qui non seulement lattaquait en chaire, mais qui publiait des libelles contre le Spiritisme et son fondateur, Allan Kardec lui répond : R. S. 1863, p. 219 « Je suis un homme positif, sans enthousiasme, jugeant tout froidement ; je raisonne daprès les faits et je dis : puisque les Spirites sont plus nombreux que jamais, malgré la brochure de M. Marouzeau et toutes les autres, malgré tous les sermons et mandements, cest que les arguments quon y fait valoir nont pas persuadé les masses, quils ont produit un effet contraire ; or, juger la valeur de la cause par ses effets, je crois que cest de la logique élémentaire ; dès lors à quoi bon les réfuter ? Puisquils nous servent au lieu de nous nuire, nous devons nous garder dy mettre obstacle... Lorsque je traite dune manière générale des questions soulevées par quelque adversaire, ce nest pas pour le convaincre, je ny tiens nullement, et encore moins pour le faire renoncer à sa croyance que je respecte quand elle est sincère, cest uniquement pour linstruction des Spirites, et parce que jy trouve un point à développer ou à éclaircir. Je réfute les principes et non les individus ; les principes restent et les individus disparaissent; cest pour cela que je minquiète peu des personnalités qui peut-être demain ne seront plus, et dont on ne parlera plus quelle que soit limportance quelles cherchent à se donner. Je vois lavenir bien plus que le présent, lensemble et les choses importantes plus que les faits isolés ou secondaires. »
Pour mettre les Spirites en garde contre toutes les attaques de quelque part quelles viennent, si véhémentes, si injustes soient-elles, Allan Kardec les prévient que : R. S. 1863, p. 69 «Une véritable croisade a lieu en ce moment contre le Spiritisme, ainsi que cela nous avait été annoncé ; de divers côtés on nous signale des écrits, des discours et même des actes de violence et dintolérance ; tous les Spirites doivent sen réjouir, car cest la preuve évidente que le Spiritisme nest pas une chimère. Ferait-on autant de tapage pour une mouche qui vole ? Ce qui suscite surtout cette grande colère, cest la prodigieuse rapidité avec laquelle lidée nouvelle se propage malgré tout ce quon fait pour larrêter.»
R. S. 1863, p. 70 : « Tout ce qui se passe a été prévu et devait être pour le bien de la cause. Quand vous verrez quelque grande manifestation hostile, loin de vous en effrayer, réjouissez-vous-en, car il a été dit : Le grondement de la foudre sera le signal de lapproche des temps prédits. Priez alors, mes frères ; priez surtout pour vos ennemis, car ils seront pris de vertige. Mais tout nest pas encore accompli ; la flamme du bûcher de Barcelone na pas monté assez haut. Si elle se renouvelle quelque part, gardez-vous de léteindre, car plus elle sélèvera, plus, semblable à un phare, elle sera vue de loin, et restera dans le souvenir des âges. Laissez donc faire, et nulle part nopposez la violence à la violence; souvenez-vous que le Christ a dit à Pierre de remettre son épée au fourreau. Nimitez pas les sectes qui se sont entredéchirées au nom dun Dieu de paix, que chacun appelait en aide à ses fureurs. La vérité ne se prouve point par les persécutions, mais par le raisonnement ; les persécutions ont de tout temps été larme des mauvaises causes, et de ceux qui prennent le triomphe de la force brutale pour celui de la raison. La persécution est un mauvais moyen de persuasion ; elle peut momentanément abattre le plus faible, le convaincre, jamais ; car, même dans la détresse où on laura plongé, il sécriera comme Galilée dans sa prison : E pur si muove ! Avoir recours à la persécution, cest prouver que lon compte peu sur la puissance de sa logique. Nusez donc jamais de représailles, à la violence opposez la douceur et une inaltérable tranquillité ; rendez à vos ennemis le bien pour le mal ; par-là vous donnerez un démenti à leurs calomnies et les forcerez de reconnaître que vos croyances sont meilleures quils ne le disent. »
Pour nous faire une idée de la virulence des attaques dont le Spiritisme et Allan Kardec étaient lobjet, en plus de tous les sermons, mandements, excommunications, dont lÉglise Romaine avait le monopole, les polémiques et les libelles les plus éhontés étaient également mis en oeuvre ; pour nous en rendre compte, relevons le passage suivant dune brochure publiée à Alger, par un ancien officier, ex-représentant du peuple en 1848, qui, en 1863, occupait ses loisirs à déblatérer contre le Spiritisme et Allan Kardec. Après avoir essayé détablir par des calculs ultra fantaisistes quAllan Kardec devait se faire un revenu annuel net de 250 000 fr sans compter la vente des Livres des Esprits et des Médiums, il ajoute : « Au train dont marche lépidémie, la moitié de la France sera bientôt spirite, si cela nest déjà fait, et comme on ne peut être bon Spirite si lon nest au moins associé libre et abonné à la Revue, il y a probabilité que sur 20 millions dhabitants dont se compose cette moitié, il y aura 5 millions dassociés et autant dabonnés à la Revue. Conséquemment, le revenu des présidents et vice-présidents des Sociétés spirites sera de 100 millions par an, et celui de M. Allan Kardec, propriétaire de la Revue et souverain pontife, 388 millions. Si le Spiritisme gagne lautre moitié de la France, ce revenu sera doublé, et, si lEurope se laisse infester, ce ne sera plus par millions quil faudra compter, mais bien par milliards. Eh bien ! Naïfs Spirites! Que pensez-vous de cette spéculation basée sur votre simplicité ? Eussiez-vous jamais cru que, du jeu des tables tournantes, il pût sortir de pareils trésors, et êtes-vous édifiés maintenant sur lardeur que mettent à fonder des sociétés les propagateurs de la doctrine ? Na-t-on pas raison de dire que la sottise humaine est une mine inépuisable à exploiter... »
Tous les jésuites ne portent pas la soutane et Basile, même parmi les laïcs, a de nombreux adeptes ; plus loin, ce pamphlétaire ajoute : « Un autre effet du Spiritisme est de transformer la foi, qui est un acte de libre arbitre et de volonté, en une aveugle crédulité. Ainsi pour faire réussir la spéculation du Spiritisme ou des tables tournantes, M. Allan Kardec prêche une doctrine dont la tendance est la destruction de la Foi, de lEspérance et de la Charité. Cependant que le monde chrétien se rassure, le Spiritisme ne prévaudra pas contre lÉglise : on reconnaîtra toute la valeur dun principe religieux (comme dit Mgr lévêque dAlger, dans sa lettre du 13 février 1863, aux curés de son diocèse), car il suffit à lui seul pour vaincre tous les tâtonnements, toutes les oppositions et toutes les résistances. Mais y a-t-il de vrais spirites ? Nous le nierons tant quun homme sentira que lEspérance nest pas éteinte dans son cur. Quy a-t-il donc dans le Spiritisme ? Rien quun spéculateur et des dupes. Et du jour où lautorité temporelle comprendra sa solidarité avec lautorité morale et se bornera seulement à interdire les publications spirites, cette immorale spéculation tombera pour ne plus se relever. »
Voilà avec quelles armes des adversaires, sans scrupules, prétendaient dénaturer et combattre le Spiritisme et le réduire à néant. Où sont-ils ces tombeurs, qui devaient le faire rentrer sous terre ; où sont-ils, ces Don Quichotte, qui prétendaient lexterminer destoc et de taille ? Hélas ! Curés, moines, monseigneurs, publicistes sont ensevelis dans la poussière du temps ; loubli na même pas épargné leurs noms ; il nen reste rien, quun pénible souvenir, et le Spiritisme, sans même riposter à leurs attaques, nen a pas moins sûrement poursuivi sa marche constante vers le progrès, vers lavenir et la vérité. Répondant, en bloc, à toutes les attaques dont il fut abreuvé, Allan Kardec nous dira en décembre 1868 : R. S. 1868, p. 371 « On a beaucoup parlé du produit que je retirais de mes ouvrages ; personne de sérieux assurément ne croit à mes millions, malgré laffirmation de ceux qui disaient tenir de bonne source que javais un train princier, des équipages à quatre chevaux et que chez moi on ne marchait que sur des tapis dAubusson (Revue de juin 1862, page 179). Quoi quen ait dit, en outre, lauteur dune brochure que vous connaissez, et qui prouve, par des calculs hyperboliques, que mon budget des recettes dépasse la liste civile du plus puissant souverain de lEurope, parce que, en France seulement, vingt millions de Spirites sont mes tributaires (Revue 1863, page 175), il est un fait plus authentique que ses calculs, cest que je nai jamais rien demandé à personne, et que personne ne ma jamais rien donné pour moi personnellement : en un mot, que je ne vis aux dépens de personne puisque, sur les sommes qui mont été volontairement confiées dans lintérêt du Spiritisme, aucune parcelle na été distraite à mon profit[8]. Quiconque a vu notre intérieur jadis et le voit aujourdhui, peut attester que rien nest changé à notre manière de vivre depuis que je moccupe de Spiritisme ; elle est tout aussi simple maintenant quelle était autrefois. Il est donc certain que mes bénéfices, si énormes soient-ils, ne servent pas à nous donner les jouissances du luxe. Est-ce donc que jaurais la manie de thésauriser pour avoir le plaisir de contempler mon argent ? Je ne pense pas que mon caractère et mes habitudes aient jamais pu le faire supposer. A quoi donc cela passe-t-il ? Du moment que cela ne me profite pas, plus la somme est fabuleuse, plus la réponse est embarrassante. Un jour, on en saura le chiffre exact, ainsi que lemploi détaillé, et les faiseurs dhistoires en seront pour leurs frais dimagination ; aujourdhui je me borne à quelques données générales pour mettre un frein à des suppositions ridicules. Je dois à cet effet entrer dans quelques détails intimes dont je vous demande pardon, mais qui sont nécessaires. De tout temps, nous avons eu de quoi vivre, très modestement, il est vrai, mais ce qui eût été peu pour certaines gens, nous suffisait, grâce à nos goûts et à nos habitudes dordre et déconomie. A notre petit revenu venait sajouter en supplément le produit des ouvrages que jai publiés avant le Spiritisme, et celui dun modeste emploi que jai dû quitter quand les travaux de la doctrine ont absorbé tout mon temps. Le Spiritisme, en me tirant de lobscurité, est venu me lancer dans une nouvelle voie ; en peu de temps je me suis trouvé entraîné dans un mouvement que jétais loin de prévoir. Lorsque je conçus lidée du Livre des Esprits, mon intention était de ne point me mettre en évidence et de rester inconnu ; mais, promptement débordé, cela ne ma pas été possible : jai dû renoncer à mes goûts de retraite, sous peine dabdiquer luvre entreprise et qui grandissait chaque jour; il ma fallu en suivre limpulsion et en prendre les rênes. Si mon nom a maintenant quelque popularité, ce nest assurément pas moi qui lai recherchée, car il est notoire que je ne la dois ni à la réclame, ni à la camaraderie de la presse, et que je nai jamais profité de ma position et de mes relations pour me lancer dans le monde, alors que cela meût été facile. Mais, à mesure que luvre grandissait, un horizon plus vaste se déroulait devant moi, et en reculait les bornes ; je compris alors limmensité de ma tâche, et limportance du travail qui me restait à faire pour la compléter ; les difficultés et les obstacles, loin de meffrayer, redoublèrent mon énergie ; je vis le but, et je résolus de latteindre avec lassistance des bons Esprits, je sentais que je navais pas de temps à perdre, et je ne le perdis ni en visites inutiles, ni en cérémonies oiseuses ; ce fut luvre de ma vie ; jy donnai tout mon temps, jy sacrifiai mon repos, ma santé, parce que lavenir était écrit devant moi en caractères irrécusables.
Sans nous écarter de notre genre de vie, cette position exceptionnelle ne nous en a pas moins créé des nécessités auxquelles mes seules ressources ne me permettaient pas de pourvoir. Il serait difficile de se figurer la multiplicité des dépenses quelle entraîne, et que jaurais évitées sans cela. Eh bien ! Messieurs, ce qui ma procuré ce supplément de ressources, cest le produit de mes ouvrages, je le dis avec bonheur, cest avec mon propre travail, avec le fruit de mes veilles que jai pourvu, en majeure partie du moins, aux nécessités matérielles de linstallation de la doctrine. Jai ainsi apporté une large quote-part à la caisse du Spiritisme ; ceux qui aident à la propagation des ouvrages ne pourront donc pas dire quils travaillent à menrichir, puisque le produit de tout livre acheté, de tout abonnement à la Revue profite à la doctrine et non à un individu. Loin de moi, messieurs, la pensée de tirer la moindre vanité de ce que je viens de vous exposer ; il a fallu la persévérance de certaines diatribes pour mengager, quoique à regret, à rompre le silence sur quelques-uns des faits qui me concernent... La seule chose qui mimportait pour le moment, cétait que vous fussiez édifiés sur la destination des fonds que la Providence fait passer par mes mains ; quelle quen soit lorigine, je ne me considère que comme le dépositaire, même de ceux que je gagne, à plus forte raison de ceux qui me sont confiés. »
En avril 1864, Allan Kardec publia lImitation de lEvangile selon le spiritisme contenant lexplication des maximes morales du Christ, leur application et leur concordance avec le Spiritisme. Le titre de cet ouvrage fut modifié par la suite ; cest aujourdhui lEvangile selon Le Spiritisme.
Le 20 août 1864, Allan Kardec fait en Suisse un voyage dagrément ; il visite tour à tour Neuchâtel, Berne, Zimmerwald, le lac de Thoune, Interlaken, Oberland, la vallée de Lauterbrunnen, la cascade du Staubach, la vallée de Grindelwald, le lac de Brieutz doù il va admirer la cascade de Giesbach ; Fribourg, ses orgues et le pont suspendu sur la Sarine, puis revenant par Lausanne, Vevey, le château de Chillon dont il parcourt les souterrains, il arrive à Genève par le lac Léman, et rentre à Paris le 4 septembre, pour repartir aussitôt en Belgique, où lappellent les sollicitations des nombreux Spirites de Bruxelles et dAnvers. Visitant lexposition dAnvers, il dit avoir admiré une toile représentant : une scène dintérieur de paysans spirites. Allan Kardec prononce alors à Anvers un magistral discours dont les passages suivants sont à retenir : R. S. 1864, p. 322 «Jaurais certes le droit de menorgueillir de laccueil qui mest fait dans les différents centres que je vais visiter, si je ne savais que ces témoignages sadressent bien moins à lhomme quà la doctrine dont je ne suis que lhumble représentant, et doivent être considérés comme une profession de foi, une adhésion à nos principes ; cest ainsi que je les envisage en ce qui me concerne personnellement. »
R. S. 1864, p. 324 : « Jai dit que je nétais que le représentant de la doctrine, Quelques explications sur son véritable caractère appelleront naturellement votre attention sur un point essentiel que lon na peut-être pas suffisamment considéré jusquà présent. Certes, en voyant la rapidité du progrès de cette doctrine, il y aurait plus de gloire à men dire le créateur ; mon amour-propre y trouverait son compte, mais je ne dois pas faire ma part plus grande quelle ne lest; loin de le regretter, je men félicite, car alors la doctrine ne serait quune conception individuelle, qui pourrait être plus ou moins juste, plus ou moins ingénieuse, mais qui par cela même perdrait de son autorité. Elle pourrait avoir des partisans, faire école peut-être comme beaucoup dautres, mais à coup sûr elle naurait pu acquérir en quelques années le caractère duniversalité qui la distingue. »
Examinant quel a été son rôle dans lavènement du Spiritisme, Allan Kardec le réduit aux proportions suivantes : R. S. 1864.3 p. 328 : « Ce nest, dit-il, ni celui dinventeur, ni celui de créateur ; jai vu, observé, étudié les faits avec soin et persévérance ; je les ai coordonnés et jen ai déduit les conséquences : voilà toute la part qui me revient ; ce que jai fait, un autre aurait pu le faire à ma place. En tout ceci, jai été un simple instrument des vues de la Providence, et je rends grâces à Dieu et aux bons Esprits davoir bien voulu se servir de moi ; cest une tâche que jai acceptée avec joie, et dont je mefforce de me rendre digne en priant Dieu de me donner les forces nécessaires pour laccomplir selon sa sainte volonté. Cette tâche cependant est lourde, plus lourde que personne ne peut le croire et si elle a pour moi quelque mérite, cest que jai la conscience de navoir reculé devant aucun obstacle, ni aucun sacrifice ; ce sera luvre de ma vie jusquà mon dernier jour, car devant un but aussi important, tous les intérêts matériels et personnels seffacent comme les points devant linfini. »
Exposant aux Spirites belges ses vues sur les groupes et sociétés spirites, il rappelle ce que déjà il avait dit à Lyon en 1861 : « Mieux vaut donc dans une ville cent groupes de dix à vingt adeptes, dont aucun ne sarroge la suprématie sur les autres, quune seule société qui les réunirait tous. Ce fractionnement ne peut nuire en rien à lunité des principes, dès lors que le drapeau est unique et que tous marchent au même but. » R. S. 1864, p. 308. Les sociétés nombreuses ont leur raison dêtre au point de vue de la propagande, mais pour les études sérieuses et suivies, il est préférable den faire lobjet des groupes intimes.
Le 1er août 1865, Allan Kardec fit paraître un nouvel ouvrage : Le Ciel et lEnfer ou la Justice divine selon le Spiritisme. R. S. 1865, p. 287 : « La première partie de cet ouvrage, intitulée Doctrine, contient lexamen comparé des diverses croyances sur le ciel et lenfer, les anges et les démons, les peines et les récompenses futures ; le dogme des peines éternelles y est envisagé dune manière spéciale et réfuté par des arguments tirés des lois mêmes de la nature, et qui en démontrent non seulement le côté illogique, déjà signalé cent fois, mais limpossibilité matérielle. Avec les peines éternelles tombent naturellement les conséquences quon avait cru pouvoir en tirer. La seconde partie renferme de nombreux exemples à lappui de la théorie, ou mieux qui ont servi à établir la théorie. »
Les succès étonnants du Spiritisme, son développement presque incroyable, lui suscitent de nombreux ennemis, et, à mesure quil grandit, grandit aussi la tâche dAllan Kardec, Le Maître a une volonté de fer, une puissance de combativité extraordinaire ; cest un travailleur infatigable ; debout en toute saison dès 4 heures et demie, il répond à tout, aux polémiques véhémentes dirigées contre le Spiritisme, contre lui-même ; aux nombreuses correspondances qui lui sont adressées, à la direction de la Revue Spirite et de la Société parisienne des études spirites, à lorganisation du Spiritisme, à la préparation de ses ouvrages. A ce surmenage physique et intellectuel, sa santé sépuise, et à plusieurs reprises les Esprits doivent le rappeler à lordre afin de lobliger à ménager sa santé. Mais il sait quil ne doit durer que dix années en tout; de nombreuses communications lont prévenu de ce terme et lui ont même annoncé que sa tâche ne se finira que dans une nouvelle existence qui suivra de près sa prochaine désincarnation ; aussi ne veut-il perdre aucun instant pour donner au Spiritisme tout ce qui est en son pouvoir de force, de vitalité.
R. S. 1866.1 p. 172 : « Pendant la dernière maladie que nous avons faite dans le courant davril 1866, nous étions sous lempire dune somnolence et dune absorption presque continuelles ; dans ces moments-là nous rêvions constamment à des choses insignifiantes, et auxquelles nous ne prêtions aucune attention ; mais la nuit du 24 avril, la vision offrit un caractère si particulier que nous en fûmes vivement frappés. Dans un lieu qui ne rappelait rien à notre souvenir et qui ressemblait à une rue, se trouvait une réunion dindividus qui causaient ensemble ; dans le nombre, quelques-uns seulement nous étaient connus en rêve, mais sans que nous puissions les désigner nominativement. Nous considérions cette foule et nous cherchions à saisir lobjet de la conversation, lorsque tout à coup parut dans langle dune muraille une inscription en petits caractères, brillants comme du feu, et que nous nous efforcions de déchiffrer ; elle était ainsi conçue : Nous avons découvert que le caoutchouc roulé sous la roue fait une lieue en dix minutes pourvu que la route... Pendant que nous cherchions la fin de la phrase, linscription seffaça peu à peu, et nous nous réveillâmes. Dans la crainte doublier ces singulières paroles, nous nous hâtâmes de les transcrire. Quel pouvait être le sens de cette vision, que rien absolument dans nos pensées ni dans nos préoccupations ne pouvait avoir provoquée ? Ne nous occupant ni dinventions ni de recherches industrielles, ce ne pouvait être un reflet de nos idées. Puis, que voulait signifier ce caoutchouc qui, roulé sous une roue, fait une lieue en dix minutes ? Était-ce la révélation de quelque nouvelle propriété de cette substance ? Serait-elle appelée à jouer un rôle dans la locomotion ? Voulait-on nous mettre sur la voie dune découverte ? Mais pourquoi sadresser à nous plutôt quà des hommes spéciaux, ayant les loisirs de faire les études et les expériences nécessaires ? Cependant ce rêve était trop caractéristique, trop spécial, pour être rangé parmi les rêves de fantaisie; il devait avoir un but ; quel était-il ? Cest ce que nous cherchions inutilement. » Sil eût été donné à Allan Kardec de vivre quelques années de plus, il aurait pu se rendre compte de la réalité et de limportance de ce rêve et du rôle primordial réservé au caoutchouc dans la locomotion des bicyclettes dont la vitesse dépasse souvent celle rêvée et de son emploi dans les pneus des autos qui dans leur course vertigineuse sont arrivés à quintupler souvent cette vitesse.
En 1867, Allan Kardec a fait un rapide voyage à Bordeaux, Tours et Orléans, puis il se remet à la besogne pour publier en janvier 1868 la Genèse, les Miracles et les Prédictions selon le Spiritisme. Cet ouvrage est des plus importants, car il est, au point de vue scientifique, la synthèse des quatre volumes déjà parus.
Allan Kardec soccupe ensuite dun projet dorganisation du Spiritisme par lequel il espère donner plus de vigueur, plus daction à la philosophie dont il sest fait lapôtre ; il cherche à en développer le côté pratique et lui faire rapporter ses fruits. Le but constant de ses préoccupations est de savoir qui le remplacera dans son oeuvre, car il sent que sa fin est prochaine et la constitution quil élabore a précisément pour but de pourvoir aux besoins futurs de la Doctrine Spirite[9].
Dès les premières années du Spiritisme, Allan Kardec avait acheté, avec le produit de ses ouvrages pédagogiques, 2 666 mètres carrés de terrain, avenue de Ségur, derrière les Invalides ; cet achat ayant épuisé ses ressources, il fit au Crédit foncier un emprunt de 50 000 francs pour faire construire sur ce terrain six petites maisonnettes avec jardin ; il nourrissait la douce espérance de se retirer dans lune delles, la villa Ségur, et den faire après lui une maison de retraite où pourraient se réfugier sur leurs vieux jours les défenseurs indigents du Spiritisme.
En 1869, la Société Spirite était en voie de réorganisation et allait être reconstituée sur de nouvelles bases en société anonyme, au capital de 40 000 francs, divisé en quarante parts de 1 000 francs pour lexploitation de la librairie et de la Revue Spirite et des ouvrages dAllan Kardec. La nouvelle société devait sinstaller le 1er avril, dans la rue de Lille, au n° 7. Allan Kardec, dont le bail, passage Sainte-Anne, était sur le point dêtre terminé, comptait se retirer à la villa Ségur pour travailler plus activement aux ouvrages qui lui restaient à écrire et dont le plan et les documents étaient déjà réunis. Il était donc dans tous ses préparatifs de changement de domicile nécessité par lextension de ses nombreux travaux, lorsque le 31 mars la maladie de cur qui le minait sourdement eut raison de sa robuste constitution et lenleva comme un coup de foudre à laffection de ses disciples. Cette perte fut immense pour le Spiritisme, qui voyait disparaître en lui son fondateur et son puissant propagateur et jeta dans une profonde consternation tous ceux qui lavaient connu et lavaient aimé.
« M.Hippolyte-Léon-Denizard Rivail-Allan Kardec est décédé à Paris, 59, passage Sainte-Anne, IIe arrondissement et mairie de la Banque, le 31 mars 1869, à lâge de 65 ans, succombant de la rupture dun anévrisme. » Quelques instants après, la dépêche suivante apprenait aux Spirites lyonnais la fatale nouvelle : « Monsieur Allan Kardec est mort, on lenterre vendredi. » Cette mort si prompte, si imprévue fut une douloureuse surprise pour tous les amis de ce grand penseur et jeta dans une douloureuse stupeur ses nombreux disciples. Les deux lettres suivantes, adressées à M. Finet, nous donneront, avec des détails sur la mort dAllan Kardec et sur ses funérailles, une faible idée de létat desprit de tous, de la douleur profonde de chacun, et des unanimes regrets qui accompagnèrent la dépouille mortelle dAllan Kardec à sa dernière demeure :
Paris, le 31 mars 1869
Amis,
Maintenant que je suis un peu plus calme, je vous écris ; en vous envoyant ma dépêche, jai peut-être agi un peu brutalement, mais il me semblait que vous deviez savoir de suite cette mort. Voici quelques détails : il est mort ce matin entre onze heures et midi, subitement, en donnant un numéro de la Revue à un commis de librairie qui venait de lacheter ; il sest affaissé sur lui-même sans proférer une seule parole ; il était mort ; il était seul chez lui, rue Sainte-Anne, rangeant ses livres et papiers pour son déménagement qui était commencé et qui devait se terminer demain, son concierge, monté aux cris de la bonne et du commis, la relevé, rien, plus rien ; Delanne, accouru en toute hâte, la frictionné, magnétisé, mais en vain, cétait fini.
Je viens de le voir, jai pénétré dans lentrée toute encombrée dustensiles de ménage ; la porte de la salle des séances grande ouverte ma laissé voir le désordre dun apprêt pour le départ ; introduit dans le petit salon que vous connaissez bien, avec son tapis rouge et ses meubles antiques, jai tout dabord aperçu Mme Kardec assise à la place du canapé faisant face à la cheminée ; M. Delanne à ses côtés ; en face deux, sur deux matelas jetés à terre, auprès de la porte de la petite salle à manger, gisait le corps, restes inanimés de celui que nous aimions tous. Sa tête, couverte à son sommet par un mouchoir blanc, noué sous le menton, laissant voir la face entière, semblant reposer doucement et goûter le plaisir doux et calme du devoir accompli. Rien de hideux navait marqué le passage de la mort; moins le souffle, il dormait. Sur son corps étendu, était jetée une couverture en laine blanche qui vers les épaules laissait apercevoir le collet de sa robe de chambre, seul vêtement quil eût quand il a été frappé ; à ses pieds, jetés, au hasard du déchaussé, ses pantoufles et ses bas semblaient avoir encore la chaleur de son corps. Cétait triste, et pourtant, un sentiment de douce quiétude pénétrait lâme ; tout dans la maison était désordre, chaos, mort ; et tout y semblait calme, riant et doux forcément, en face de ces restes, on songeait à lavenir.
Je vous ai dit que cétait vendredi que nous lenterrions, nous ne savons pas encore à quelle heure ; ce soir son corps est veillé par Desliens et Tailleur ; demain par Delanne et Morin. On est à la recherche de ses papiers, de ses volontés dernières, en tant quil les ait écrites ; dans tous les cas, lenterrement sera purement civil. Je vous écrirai et vous donnerai des détails de la cérémonie. Demain, je crois, on doit aviser à nommer un comité des spirites les plus attachés à la cause, ceux qui peuvent le mieux connaître ses besoins afin dattendre et de savoir ce quil y aura à faire.
Tout à vous de cur.
Votre ami,
Signé : Muller
Paris, le 4 avril 1869
Amis,
Une bien grande feuille : la remplirai-je ce soir ? Courbaturé, rompu, je commence à peine à revenir dune émotion bien naturelle, nest-ce pas ? Il me semble avoir rêvé, et pourtant, je nai et je ne puis avoir la triste consolation de lillusion. Cest bien une réalité ; vérité brutale, sanctionnée par un fait : mais je suis ainsi fait que ma pensée ne peut saccoutumer à lidée quil nest plus. Quil nest plus, comprenez bien ce que ma plume veut dire ; car ce que pense mon cur dément ce quelle exprime. Pourtant cest bien vrai ; vendredi nous avons, au champ du repos, conduit la dépouille mortelle ; et le lugubre bruit de la terre recouvrant son cercueil sest répercuté dans les échos de mon cur ; que vous dirai-je ?... que jai souffert et nai point pleuré !
Mon intention, la triste cérémonie funèbre accomplie, était de vous écrire aussitôt, mais ma pensée paralysée et mon corps abattu nont point voulu que mon cur eût ce doux soulagement; je nai pu ! Voici, autant que mes souvenirs peuvent être exacts, les détails de la cérémonie : à midi précise, le convoi se mettait en marche un corbillard modeste, seul, ouvrait la marche, entraînant après lui, doucement pressée, la foule bien nombreuse de tous ceux qui avaient pu se trouver à ce dernier rendez-vous. Le deuil était conduit par M. Levent, vice-président de la Société ; à sa gauche, M. Tailleur, à sa droite, M. Morin ; après venaient les médiums, le comité, la Société tout entière ; puis la foule des amis, des sympathisants ; ensuite les intéressés de tout genre, les officieux et les désuvrés fermaient la marche ; en tout, mille à douze cents personnes.
Le convoi a suivi la rue de Grammont, traversé les grands boulevards, la rue Laffitte, Notre-Dame-de-Lorette, rue Fontaine, les boulevards extérieurs (Clichy) et a fait son entrée au cimetière Montmartre, au milieu de la foule de ceux qui lavaient précédé ; bien loin, là-bas, plus loin encore, au fond du cimetière, une fosse béante attendait, à lenvi, les curieux rompant les rangs pour venir prendre place dans lespoir des discours (pauvres gens) ; la corde du fossoyeur enroule la bière qui descend lentement au fond de labîme : un grand silence se fait ! Le vice-président savance sur le bord du gouffre et sa voix touchante, pénétrée, convaincue, au nom de la Société, demande au mort ses conseils et lui dit, non pas adieu, mais au revoir. Camille Flammarion sur un tertre élevé, placé là par le hasard, prend la parole, au nom de la science unie au Spiritisme, et dune façon énergique, affirme aux yeux de tous la foi qui lanime. Ensuite vint Delanne qui, parlant au nom de nos frères de province, a promis à lEsprit que tous suivraient la voie par lui si laborieusement tracée. Un quatrième et dernier discours a été prononcé par notre collègue M. Barrot. Chaque orateur sadressant à lEsprit Allan Kardec, lui disait : Veille sur nous, veille sur tes oeuvres, toi qui possèdes aujourdhui toute ta liberté.
Rien dans les paroles des orateurs ne ressemblait à ces tristes oraisons funèbres qui désespèrent le cur par ces mots : Adieu, je ne te reverrai plus. Loin de nous cette triste pensée, le Spiritisme nous donne une plus large part de consolation et tous les discours prononcés sur la tombe du Maître furent terminés par ces rassurantes paroles : Au revoir, ami bien cher à nos curs, au revoir dans un monde meilleur, puissions-nous, comme toi, accomplir notre mission sur la terre.
Bientôt la foule se dispersa, allant à ses affaires ou à ses réflexions. La Société devait se réunir au local de la rue Sainte-Anne, pour solliciter une évocation: chacun de son côté sy rendit avec empressement. Six communications furent obtenues.
Tout à vous.
Signé Muller
Ainsi que le dit M. Muller, quatre discours furent prononcés sur la tombe du Maître : le premier par M. Levent, au nom de la Société Spirite de Paris, le second par M. Camille Flammarion, qui ne fit pas seulement une esquisse du caractère de M. Allan Kardec et du rôle de ses travaux dans le mouvement contemporain, mais encore et surtout un exposé de la situation des sciences physiques au point de vue du monde invisible, des forces naturelles inconnues, de lexistence de lâme et de son indestructibilité. M. Alexandre Delanne prit ensuite la parole au nom des Spirites des centres éloignés, puis M. E. Muller, au nom de la famille et de ses amis, adressa au cher défunt les dernières paroles dadieu. Nous ne savons pour quelles raisons M. Muller attribue à son collègue Barrot le discours si vibrant quil avait lui-même prononcé au nom de la famille, nous nen chercherons point la cause, elle tient probablement à ce que lun était le pseudonyme de lautre. Des quatre discours dont il vient dêtre parlé, nous croyons devoir reproduire celui prononcé par M. Levent au nom de la Société Spirite de Paris :
« Messieurs,
Je viens au nom de la Société Spirite de Paris dont jai lhonneur dêtre vice-président, exprimer ses regrets de la perte cruelle quelle vient de faire en la personne de son vénéré Maître, M. Allan Kardec, mort subitement avant-hier mercredi, dans les bureaux de la Revue. A vous, messieurs, qui, chaque vendredi, vous réunissiez au siège de la Société, je nai nul besoin de rappeler cette physionomie, à la fois bienveillante et austère, ce tact parfait, cette justesse dappréciation, cette logique supérieure et incomparable qui nous semblait inspirée. A vous qui partagiez tous les jours de la semaine les travaux du Maître, je ne retracerai pas ses labeurs continuels, ses correspondances avec les quatre parties du monde qui, toutes, lui envoyaient des documents sérieux, classés aussitôt dans sa mémoire et recueillis pieusement pour être soumis au creuset de sa haute raison et qui forment, après un travail délaboration scrupuleuse, les éléments de ces précieux ouvrages que vous connaissez tous.
Ah ! Si, comme à nous, il vous était donné de voir dans cette masse de matériaux accumulés dans le cabinet de travail de cet infatigable penseur, si, avec nous, vous aviez pénétré dans le sanctuaire de ses méditations, vous verriez ces manuscrits, les uns presque terminés, les autres en cours dexécution, dautres enfin à peine ébauchés, épars çà et là, et qui semblent dire : où donc est notre Maître, toujours si matinal à luvre !
Ah ! Plus que jamais, vous vous écrieriez aussi, avec des accents de regrets tellement amers, quils en seraient presque impies : faut-il que Dieu ait rappelé à lui lhomme qui pouvait encore faire tant de bien ; lintelligence si pleine de sève, le phare enfin, qui nous a tirés des ténèbres et nous a fait voir ce monde nouveau bien autrement vaste, bien autrement admirable, que celui quimmortalisa le génie de Christophe Colomb ? Ce monde, dont il avait à peine commencé à nous faire la description, et dont nous pressentions déjà les lois fluidiques et spirituelles. Mais rassurez-vous, messieurs, par cette pensée tant de fois démontrée et rappelée par notre président : Rien nest inutile dans la nature, tout a sa raison d être, et ce que Dieu fait est toujours bien fait. Ne ressemblons pas à ces enfants indociles, qui, ne comprenant pas les décisions de leur père, se permettent de le critiquer et parfois de le blâmer.
Oui, messieurs, jen ai la conviction profonde et je vous lexprime hautement: le départ de notre cher et vénéré Maître était nécessaire ! Ne serions-nous pas dailleurs des ingrats et des égoïstes, si, ne pensant quau bien quil nous faisait, nous oubliions le droit quil avait acquis daller prendre quelque repos dans la céleste patrie, où tant damis, tant dâmes délite lattendaient et sont venues le recevoir après une absence qui, à eux aussi, a paru bien longue.
Oh ! Oui, cest joie, cest grande fête là-haut, et cette joie na dégal que la tristesse et le deuil que nous cause son départ parmi nous, pauvres exilés, dont le temps nest pas encore venu ! Oui, le Maître avait accompli sa mission ! Cest à nous quil appartient de poursuivre son oeuvre, à laide des documents quil nous a laissés, et de ceux, plus précieux encore, que lavenir nous réserve ; la tâche sera facile, soyez-en sûrs, si chacun de nous ose saffirmer courageusement ; si chacun de nous a compris que la lumière quil a reçue doit être propagée et communiquée à ses frères ; si chacun de nous, enfin, a la mémoire du cur envers notre regretté président, et sait comprendre le plan dorganisation qui a nus le dernier cachet à son oeuvre.
Nous continuerons donc tes labeurs, cher Maître, sous ton effluve bienfaisant et inspirateur ; reçois-en ici la promesse formelle. Cest la meilleure marque daffection que nous puissions te donner. Au nom de la Société Parisienne des Études Spirites, nous te disons non adieu, mais au revoir, à bientôt. »
Du discours de M. E. Muller rappelons aussi les passages suivants qui méritent de retenir notre attention : « Je parle au nom de sa veuve, de celle qui fut sa compagne fidèle et heureuse., pendant trente-sept ans dun bonheur sans nuages et sans mélange, de celle qui partagea ses croyances et ses travaux, ainsi que ses vicissitudes et ses joies ; qui, restée seule aujourdhui, est fière de la pureté des murs, de lhonnêteté absolue et du désintéressement sublime de son époux. Cest elle qui nous donne à tous lexemple du courage, de la tolérance, du pardon des injures et du devoir scrupuleusement accompli. Je parle aussi au nom de tous les amis, présents ou absents, qui ont suivi, pas à pas, la carrière laborieuse quAllan Kardec a toujours honorablement parcourue; de ceux qui veulent honorer sa mémoire, en rappelant quelques traits de sa vie. Et dabord, je veux dire pourquoi son enveloppe mortelle a été conduite ici directement, sans pompe et sans autres prières que les vôtres ! Était-il besoin de prières pour celui dont toute la vie ne fut quun long acte de piété, damour pour Dieu et pour lhumanité ? Ne fallait-il pas que tous puissent se joindre à nous dans cette commune démarche qui affirme notre estime et notre affection ! »
La tolérance absolue était la règle dAllan Kardec. Ses amis, ses disciples appartiennent à toutes les religions : israélites, mahométans, catholiques et protestants de toutes sectes ; à toutes les classes : riches, pauvres, savants, libres-penseurs, artistes, ouvriers, etc. Tous ont pu venir jusquici, grâce à cette mesure qui nengageait aucune conscience et qui sera dun bon exemple. Dans cette assistance si nombreuse, si complexe, les regrets étaient unanimes et chacun avait à cur de rendre hommage au grand philosophe que fut Allan Kardec dont le nom brillera à travers les âges, comme un puissant météore à laurore du Spiritisme.
Mme Allan Kardec avait 74 ans à la mort de son époux; elle lui survécut jusquen 1883. Le 21 janvier elle séteignit, à lâge de 89 ans, sans héritier direct, nayant pas eu denfant. On aurait tort de croire quen raison de ses travaux, Allan Kardec devait être un personnage toujours froid, austère ; il nen est rien cependant : ce grave philosophe, après avoir discuté les points les plus ardus de la psychologie ou de la métaphysique transcendantale, se transformait subitement en rieur bon enfant et bon vivant, sachant se mettre à portée de tous, même des plus humbles, et ayant un talent tout particulier, pour distraire les invités quil recevait à sa table, et auxquels il savait, si gentiment, faire partager sa gaieté communicative. Dans une vieille correspondance, retrouvée à linstant par un heureux hasard, je relève les passages suivants, écrits sur Allan Kardec par un de ses commensaux[10] :
«Les lettres anonymes, les trahisons, les insultes et le dénigrement systématique suivaient ce laborieux, ce génie bienfaisant, et lui faisaient, moralement, des blessures inguérissables ; bâti pour vivre cent ans il avait un cur de sensitif ; linjustice, surtout celle des spirites bavards et inconsidérés, lui perçait le cur et fut la cause de lanévrisme qui lemporta à 65 ans, alors quil avait encore tant à faire. Levé à 4 heures et demie du matin, en toutes saisons, il écrivait pour faire face à la correspondance, à ses compositions nouvelles, aux réceptions, aux séances du vendredi. Souvent il venait nous voir, aux moments de fatigue et, assis à ma table, il riait comme jadis, trouvant des anecdotes charmantes, des mots gaulois pour nous distraire, et stimulés, nous mêlions notre note à la sienne. Après, il reprenait gaiement sa chaîne. Tous les dimanches, surtout dans les derniers jours de sa vie, il conviait des amis à dîner, à sa villa Ségur; alors ce grave philosophe, après avoir discuté avec des docteurs les points les plus hardis et les plus controversés de la doctrine, singéniait pour nous distraire ; il se faisait enfant, tout simplement pour procurer une douce gaieté à ses convives, et il avait un génie spécial pour le faire dignement, sobrement, gentiment, en y mêlant une note particulière damicale bonhomie. Pendant le repas, on annonçait parfois un plat spécial venu de très loin ; on lapportait avec des précautions minutieuses et chacun de le considérer avec respect. Le moment venu, il enlevait le couvercle, et se présentait une chose minuscule que gravement il partageait entre 10 et 12 convives. Alors le Maître qui jouissait de la stupéfaction générale, se riait de notre surprise et nous expliquait ce quétait ce mets, sa provenance, le mode denvoi, sa nécessité, son pourquoi, avec des considérations ingénieuses et savantes, qui nous charmaient et nous prouvaient que le Maître eût pu devenir un grand naturaliste.
Que de fois nous avons appris que bien des éprouvés avaient trouvé auprès de lui secours moral efficace et secours matériel qui ne létait pas moins ; de cela il ne disait mot, celant à loubli ses bonnes oeuvres. Les obligés furent trop souvent des ingrats, la reconnaissance étant un fardeau trop lourd à porter pour certaines natures insuffisamment évoluées. Il nous disait : Plus nous irons, et plus ceux qui se dévoueront à notre cause auront besoin de patience, doubli des injures et délever haut leur cur et leur intelligence pour ne point sabandonner au souci et à la désespérance. Sils résistent avec énergie, les bons guides les aideront à porter le bon et le salutaire fardeau. Il avait raison : lexpérience layant renseigné, il fut de ceux qui ont porté leur croix tout le long du calvaire, qui les conduisit à la mort corporelle, et qui cependant ont résisté à tout ce qui pouvait les énerver et les contraindre à tout abandonner. »
Tous les journaux de lépoque se sont occupés de la mort dAllan Kardec et ont essayé den supputer les conséquences. Voici, à titre de mémoire, ce quécrivait à ce sujet M. Pagès de Noyez dans le Journal de Paris du 3 avril 1869 : Celui qui, si longtemps, occupa le monde scientifique et religieux sous le pseudonyme dAllan Kardec, avait pour nom Rivail et est décédé à lâge de 65 ans. Nous lavons vu couché sur un simple matelas, au milieu de cette salle des séances quil présidait depuis de longues années; nous lavons vu, la figure calme, comme séteignent ceux que la mort ne surprend pas, et qui, tranquilles sur le résultat dune vie honnêtement et laborieusement remplie, laissent comme un reflet de la pureté de leur âme sur ce corps quils abandonnent à la matière.
Résignés dans la foi dune vie meilleure et la conviction de limmortalité de lâme, de nombreux disciples étaient venus donner un dernier regard à ces lèvres décolorées qui, hier encore, leur parlaient le langage de la terre. Mais ils avaient déjà la consolation doutre-tombe ; lesprit dAllan Kardec était venu leur dire quels avaient été ses déchirements, quelles ses impressions premières, quels de ses prédécesseurs dans la mort étaient venus aider son âme à se dégager de la matière. Si "le style, cest lhomme", ceux qui ont connu Allan Kardec vivant ne peuvent quêtre émus par lauthenticité de cette communication spirite.
La mort dAllan Kardec est remarquable par une coïncidence étrange. La Société formée par ce grand vulgarisateur du Spiritisme venait de prendre fin. Le local abandonné, les meubles disparus, plus rien ne restait dun passé qui devait renaître sur des bases nouvelles. A la fin de la dernière séance, le président avait fait ses adieux ; sa mission remplie, il se retirait de la lutte journalière pour se consacrer tout entier à létude de la philosophie spiritualiste. Dautres, plus jeunes - des vaillants ! - devaient continuer luvre et, forts de leur virilité, imposer la vérité par leur conviction.
A quoi bon raconter les détails de la mort ? Quimporte la façon dont linstrument est brisé, et pourquoi consacrer une ligne à ces morceaux désormais rentrés dans limmense mouvement des molécules ? Allan Kardec est mort à son heure. Par lui est clos le prologue dune religion vivace qui, irradiant chaque jour, aura bientôt illuminé lhumanité. Nul mieux quAllan Kardec ne pouvait mener à bonne fin cette oeuvre de propagande à laquelle il fallait sacrifier les longues veilles qui nourrissent lesprit, la patience qui enseigne à la longue, labnégation qui brave la sottise du présent pour ne voir que le rayonnement de lavenir. Allan Kardec, par ses oeuvres, aura fondé le dogme pressenti par les sociétés les plus anciennes. Son nom, estimé comme celui dun homme de bien, est dès longtemps vulgarisé par ceux qui croient et par ceux qui craignent. Il est difficile de réaliser le bien sans froisser les intérêts établis. Le Spiritisme détruit bien des abus, il relève bien des consciences endolories en leur donnant la conviction de lépreuve et la consolation de lavenir.
Les Spirites pleurent aujourdhui lami qui les quitte, parce que notre entendement matériel, pour ainsi dire, ne peut se plier à cette idée de passage ; mais, le premier tribut payé à cette infériorité de notre organisme, le penseur relève la tête, et vers ce monde invisible quil sent exister au-delà du tombeau, il tend la main à lami qui nest plus, convaincu que Esprit nous protège toujours. Le Président de la Société Spirite de Paris est mort, mais le nombre des adeptes saccroît tous les jours, et les vaillants que le respect pour le Maître laissait au second rang, nhésiteront pas à saffirmer pour le bien de la grande cause. Cette mort, que le vulgaire laissera passer indifférente, nen est pas moins un grand fait dans lhumanité. Ce nest plus le sépulcre dun homme, cest la pierre tumulaire comblant ce vide immense que le matérialisme avait creusé sous nos pieds et sur lequel le Spiritisme répand les fleurs de lespérance. »
Un point sur lequel je nai pas attiré votre attention, mais que je dois signaler en terminant, cest la charité vraiment chrétienne dAllan Kardec ; de lui on peut dire que la main gauche ignora toujours le bien que faisait la main droite, et que celle-ci ne connut pas non plus les morsures que faisaient à lautre ceux pour qui la reconnaissance est un fardeau trop lourd à supporter. Lettres anonymes, insultes, trahisons, dénigrements systématiques, rien ne fut épargné cependant à ce vaillant lutteur, à cette âme virile et grande, entrée tout dun bloc dans Iimmortalité.
La dépouille mortelle dAllan Kardec navait été déposée que provisoirement au cimetière de Montmartre. A la suite dune entente entre la Société et Mme veuve Allan Kardec, une place fut achetée au cimetière du Père-Lachaise, et un monument ayant la forme dun dolmen reçut les restes de notre Maître bien-aimé et le corps de son épouse est venu ly rejoindre.
Cest là que depuis le 31 mars 1870 se réunissent tous les ans, au même jour, les disciples fidèles dAllan Kardec, heureux de pouvoir lui donner ce gage de leur affection et de leur reconnaissance. Pour honorer sa mémoire, comme elle le mérite, efforçons-nous de suivre ses conseils et surtout de pratiquer ses vertus. Cest dans ce but que je réitère à nos amis ce pressant appel que je leur adressais déjà dans Le Spiritisme à Lyon :
« Nos aînés, ceux que la mort a déjà couchés si nombreux dans le sillon, étaient avant tout imbus des principes dAllan Kardec; ils avaient reçu directement les leçons et les principes du Fondateur de la Philosophie Spirite, et ils sefforçaient de les mettre en pratique en y conformant leur conduite. Étudiant avant tout la morale spirite, ils y cherchaient la foi raisonnée qui éclaire et console, et la force contre les épreuves de lexistence, contre les adversités méritées ou voulues qui nous accompagnent sur cette terre dépreuves. Pour eux, le phénomène spirite avait, certes, le mérite dêtre la base de lédifice spirite, mais la morale qui découlait du phénomène lui était de beaucoup supérieure. Depuis, les recherches scientifiques, ou prétendues telles, ont porté les expérimentateurs vers le côté phénoménologique ; on sattache beaucoup plus à la manifestation tangible quà la sanction morale qui en résulte, et en agissant de la sorte, à mon avis, on délaisse la proie pour lombre. Aussi la croyance raisonnée, la foi ardente et sincère, le sentiment du devoir vont saffaiblissant, remplacés par une curiosité maladive, incapable des nobles dévouements, des élans généreux et de cette ardeur de prosélytisme dont nous trouvons tant dexemples dans la conduite de nos aînés. Revenons, mes amis, aux sentiments de nos devanciers, à leur foi éclairée et consciente, à leur désintéressement ; étudions avant tout la Philosophie Spirite pour la mieux connaître et y conformer notre conduite. Redevenons les adeptes de la troisième catégorie dont parlait Allan Kardec. Ne recherchons dans le Spiritisme quun moyen de nous perfectionner, de nous améliorer et non un tréteau pour débiter des boniments et battre monnaie. Soyons les fidèles disciples dAllan Kardec ; souvenons-nous que le Maître a dit: "Il ne sert à rien de croire aux manifestations spirites si lon ne conforme sa conduite à ses principes" ; le véritable spirite est celui dont on peut dire - "Il vaut mieux aujourdhui quhier." Que tel soit le seul jugement quon puisse porter sur nous, si nous voulons être dignes de nos devanciers, si nous voulons rester les véritables disciples dAllan Kardec. Haut les curs, mes amis, unissons-nous, soutenons-nous, aidons-nous dans la recherche du bien et du beau, pour le triomphe de la justice et de la vérité, et pour la diffusion toujours plus grande de la Philosophie Spirite telle que nous lenseigna Allan Kardec. »
[1] La maison où naquit Allan Kardec a disparu lors de lélargissement et du redressement de la rue Sala de 1840 à 1852, à la suite des inondations de 1840.
[2] Eglise Saint-Denis de la Croix-Rousse qui ne faisait alors pas partie de Lyon.
[3] Ce document est établi sur papier timbré coûtant 25 centimes.
[4] Ces renseignements me furent fournis par M. G. Leymarie en 1896.
[5] Cette date est restée en blanc sur le manuscrit dAllan Kardec.
[6] La 2ème édition parut en avril 1860, la 3ème en août 1860, la 4ème en février 1861, soit trois éditions en moins d'un an.
[7] Ceux du Spiritisme.
[8] Ces sommes s'élevaient à cette époque au total de 14 100 fr dont l'emploi, au profit exclusif de la doctrine, est justifié par les comptes.
[9] Ce travail très important est publié dans la Revue Spirite de décembre 1868, c'est comme un testament philosophique d'Allan Kardec et l'indication de la ligne de conduite à suivre pour assurer la bonne marche et le triomphe définitif du Spiritisme.
[10] M. P. G. Leymarie.
Chaînes des Sites de lU.S.F.F. | Téléchargement | Bulletin nous écrire | LAgora Spirite | Actualités |