Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


III. L'ESPRIT ET SA FORME.


En tout homme vit un esprit.

Par esprit, il faut entendre l’âme revêtue de son enveloppe fluidique ; celle-ci a la forme du corps physique et participe de l’immortalité de l’âme, dont elle est inséparable.

De l’essence de l’âme nous ne savons qu’une chose, c’est qu’étant indivisible, elle est impérissable. L’âme se révèle par ses pensées et aussi par ses actes, mais, pour qu’elle puisse agir et frapper nos sens physiques, il lui faut un intermédiaire semi-matériel, sans quoi son action nous paraîtrait incompréhensible. Cet intermédiaire, c’est le périsprit, nom donné à son enveloppe fluidique, invisible, impondérable. Il faut chercher dans son action le secret des phénomènes spirites.

Le corps fluidique, que chaque homme possède en lui, est le transmetteur de nos impressions, de nos sensations, de nos souvenirs. Antérieur à la vie actuelle, survivant à la mort, c’est l’instrument admirable que l’âme se construit, se façonne elle-même à travers les temps ; c’est le résultat de son long passé. En lui se conservent les instincts, s’accumulent les forces, se groupent les acquisitions de nos multiples existences, les fruits de notre lente et pénible évolution.

La substance du périsprit est extrêmement subtile ; c’est la matière à son état le plus quintessencié ; elle est plus raréfiée que l’éther ; ses vibrations, ses mouvements, dépassent en rapidité et en pénétration ceux des substances les plus actives. De là, la facilité des Esprits à traverser les corps opaques, les obstacles matériels, et à franchir des distances considérables avec la rapidité de la pensée[1].

Insensible aux causes de désagrégation et de destruction qui affectent le corps physique, le périsprit assure la stabilité de la vie au milieu du renouvellement continuel des cellules. C’est le modèle invisible sur lequel passent et se succèdent les particules organiques, suivant des lignes de force dont l’ensemble constitue ce dessin, ce plan immuable reconnu par Claude Bernard comme nécessaire pour maintenir la forme humaine à travers les modifications constantes et le renouvellement des atomes.

L’âme se dégage de l’enveloppe charnelle, pendant le sommeil, comme après la mort. La forme fluidique peut alors être perçue par les voyants, dans les cas d’apparition des défunts ou des vivants extériorisés. Durant la vie normale, cette forme se révèle par ses radiations, dans les phénomènes où la sensibilité et la motricité s’exercent à distance. A l’état de dégagement pendant le sommeil, l’esprit agit parfois sur la matière; il produit des bruits, des déplacements d’objets. Enfin, il se manifeste après la mort, à des degrés divers de condensation, dans les matérialisations partielles ou totales, dans les photographies et les moulages, jusqu’au point de reproduire certaines difformités[2].

Tous ces faits le démontrent, le périsprit est un organisme fluidique complet ; c’est lui qui, durant l’existence terrestre, par le groupement des cellules, ou bien dans l’Au-delà, avec l’aide de la force psychique empruntée aux médiums, constitue, sur un plan déterminé, les formes, passagères ou durables, de la vie. C’est lui, et non le corps matériel, qui est le type primordial et persistant de la forme humaine[3].

M. H. Durville, secrétaire général de l’Institut magnétique, s’est livré à des expériences très démonstratives. Elles établissent que, dans les phénomènes d’extériorisation, c’est le double, dégagé du corps matériel par l’action magnétique, qui perçoit toutes les impressions, les transforme en sensations et les transmet au corps physique à l’aide du cordon fluidique qui les relie jusqu’à la mort[4].

Le double extériorisé d’un sujet endormi étant séparé du corps matériel et envoyé dans une autre chambre, les expériences suivantes ont été faites sur la vue, l’ouïe, l’odorat, le tact, le goût :

Un article de journal est lu par le double et répété par le sujet endormi dans la salle voisine. De même, des objets et des personnes sont perçus à distance par le double et décrits par le sujet.

Le double entend le tic-tac d’une montre ainsi que des paroles prononcées à voix basse près de lui. Un flacon d’ammoniaque est senti par le double, après d’autres odeurs ou parfums. Le double goûte l’aloès, le sucre, le sulfate de quinine, l’orange, etc., et en transmet les sensations gustatives, au corps.

Enfin, à propos du tact, M. Durville s’exprime ainsi :

« On sait que presque tous les sujets endormis magnétiquement sont insensibles, mais on ne sait pas où la sensibilité s’est réfugiée. Lorsque le sujet est extériorisé, la sensibilité rayonne toujours autour de lui ; et si on pince, si on brûle ou pique les zones sensibles, le sujet perçoit une vive douleur, quand il ne perçoit absolument rien lorsqu’on pique le corps. Il en est de même dans le dédoublement. Le sujet ne sent ni les piqûres ni les pincements que l’on fait au corps physique ; mais il éprouve une sensation désagréable et même douloureuse dès que l’on touche le double ou le cordon qui les relie. Ce phénomène se vérifie à toutes les séances et chez tous les sujets sans exception. »

La forme humaine, nous disent les invisibles, est celle de tous les esprits incarnés ou désincarnés vivant dans l’univers. Mais cette forme, rigide, compacte dans le corps physique, est flexible, compressible, au gré de la volonté, dans le périsprit. Elle se prête, dans une certaine mesure, aux exigences de l’esprit et lui permet, dans l’espace et suivant l’étendue de ses pouvoirs, de revêtir les apparences, les costumes qui furent siens dans le passé, avec ses attributs propres qui le font reconnaître. Cela se remarque souvent dans les cas d’apparition. La volonté crée ; son action sur les fluides est considérable. L’esprit avancé peut soumettre la matière subtile à des métamorphoses sans nombre.

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Le périsprit est un foyer de puissances. La force magnétique, que certains hommes projettent en abondance et qui peut, de près ou de loin, influencer, soulager, guérir, est une de ses propriétés. La force psychique, indispensable à la production des phénomènes spirites, a aussi son siège en lui.

Le corps fluidique n’est pas seulement un réceptacle de forces. C’est aussi le registre vivant où s’impriment les images et les souvenirs : sensations, impressions et faits, tout s’y fixe, tout s’y grave. Lorsque les conditions d’intensité et de durée sont trop faibles, les impressions n’arrivent pas jusqu’à notre conscience ; elles n’en sont pas moins enregistrées dans le périsprit, où elles restent latentes. Il en est de même des faits se rattachant à nos vies antérieures. L’être psychique, placé dans l’état de somnambulisme, dégagé partiellement du corps, peut en ressaisir l’enchaînement. Ainsi s’explique le phénomène de la mémoire.

Les vibrations du périsprit s’amoindrissent sous la chair ; elles retrouvent leur amplitude, dès que l’esprit se détache de la matière et reprend sa liberté. Sous l’intensité de ces vibrations, les impressions emmagasinées dans le périsprit reparaissent. Plus le dégagement est complet, plus le champ de la mémoire s’élargit. Les plus lointains souvenirs se réveillent. Le sujet peut revivre ses vies passées ; ainsi nous l’avons constaté bien des fois dans nos expériences. Des personnes, plongées, par une influence occulte, dans l’état somnambulique, reproduisaient les sentiments, les idées, les actes oubliés de leur vie actuelle, de leur prime jeunesse. Elles revivaient même des scènes de leurs vies antérieures, avec le langage, les attitudes, les opinions de l’époque et du milieu.

Il semble, dans ces cas, qu’une personnalité différente se montre, qu’une autre individualité se révèle.

Ces phénomènes, mal observés par certains expérimentateurs, ont pu donner naissance à la théorie des personnalités multiples coexistant dans une même enveloppe, chacune d’elles ayant son caractère et ses souvenirs propres. Sur cette théorie on a vu se greffer celle de la conscience subliminale ou de l’inconscient supérieur. En fait, c’est toujours la même individualité qui intervient sous les aspects, divers revêtus par elle à travers les siècles, et qu’elle reconstitue avec d’autant plus d’intensité, que l’influence magnétique subie est plus puissante et les liens corporels plus relâchés. Certaines expériences le démontrent : par exemple, celles du professeur Flournoy avec le médium Hélène Smith qui, à l’état de trance, se replace dans une de ses existences du douzième siècle, accomplie dans l’Inde[5] ; celles d’Esteva Marata et autres expérimentateurs espagnols sur des médiums entrancés[6]. Il convient d’y ajouter les études plus récentes et plus étendues du colonel A. de Rochas[7].

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Le degré de pureté de sa forme fluidique atteste la richesse ou l’indigence de l’âme. Éthérée, radieuse, elle peut s’élever jusqu’aux sphères divines, participer aux harmonies les plus sublimes ; opaque, ténébreuse, elle retombe dans les régions inférieures, elle nous rive aux mondes de lutte, de souffrance.

Par son périsprit, l’homme plonge dans les bas-fonds de la nature et a ses racines dans l’animalité ; par lui il tend aussi vers les mondes de lumière, où vivent les âmes angéliques, les purs esprits.

Notre état psychique est notre œuvre ; notre degré de perception, de compréhension, est le fruit de nos longs efforts. Nous sommes ce que nous nous sommes faits en parcourant le cycle immense de nos vies. Notre enveloppe fluidique, grossière ou subtile, obscure ou radiante, représente notre exacte valeur et la somme de nos acquisitions. Nos actes, nos pensées persistantes, la tension de notre volonté vers un but, toutes les volitions de notre être mental, ont une répercussion sur le périsprit et, suivant leur nature, basse ou élevée, généreuse ou sordide, en dilatent, en affinent ou en alourdissent la substance. Il en résulte que, par l’orientation constante de nos idées, de nos aspirations, de nos goûts, par nos agissements dans un sens ou dans l’autre, nous nous construisons peu à peu une enveloppe subtile, peuplée de belles et nobles images, ouverte aux sensations les plus délicates, ou bien une sombre demeure, une prison obscure, où, après la mort, l’âme, limitée dans ses perceptions, est ensevelie comme en un tombeau. Ainsi l’homme crée lui-même son bien ou son mal, sa joie ou sa peine. Lentement, de jour en jour, il édifie sa destinée. Son oeuvre est gravée en lui, visible pour tous dans l’Au-delà. C’est par cet admirable jeu des choses, simple et grandiose à la fois, que se réalise, dans le monde et dans les êtres, la loi de causalité ou de la conséquence des actes, qui n’est autre que l’accomplissement de la justice.

Par un effet des mêmes causes, dès cette vie, l’homme attire à lui les influences d’en haut, les radiations éthérées ou les grossiers effluves des Esprits de passion, de désordre. Là est la règle des manifestations spirites ; elle n’est autre que la loi même des attractions et des affinités. Selon le degré de subtilité de notre enveloppe et l’intensité de ses radiations, nous pouvons, dans les moments de dégagement, d’extase - ou même, pour quelques-uns, dans le recueillement et la méditation - entrer en rapport avec le monde invisible, percevoir les échos, recueillir les inspirations, entrevoir les splendeurs des mondes célestes, ou bien ressentir l’influence des Esprits de ténèbres.

[1] Voir GABRIEL DELANNE, l'Ame est immortelle, 1ère partie, l'Évolution animique, les fantômes des vivants.

[2] Voir AKSAKOF, Animisme et Spiritisme, p. 153.

[3] Le périsprit ou corps subtil était connu des anciens. La plupart des Pères de l'Église en affirment l'existence. Voir L. DENIS, Christianisme et Spiritisme, p. 454.

[4] Voir H. DURVILLE, le Fantôme des Vivants, un vol. Librairie du Magnétisme, 1910. Voir aussi Annales des Sciences psychiques, avril 1908.

[5]Voir Des Indes à la planète Mars, par TH. FLOURNOY, professeur de psychologie à l'Université de Genève, passim.

[6] Voir Compte rendu du Congrès spirite de 1900, p. 349

[7] Voir L. DENIS, le Problème de l'Être et de la Destinée, chap. XIV, pp. 264 et suiv.

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