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Par notre exposé des faits spirites, nous venons de le voir, la survivance est amplement démontrée. Aucune théorie autre que celle de l’intervention des défunts ne saurait expliquer certains phénomènes psychiques, sous leurs formes variées. Alf. Russell-Wallace l’a dit : « Le spiritisme est aussi bien démontré que la loi de gravitation. » Et W. Crookes répétait : «Le spiritisme est scientifiquement démontré.»
Au point de vue objectif ou extérieur, les preuves fournies par les apparitions et les matérialisations ne peuvent laisser aucun doute. Toutefois, dans l’ordre subjectif, en ce qui concerne les autres modes de manifestations, une difficulté subsiste : celle d’obtenir des Esprits, en nombre suffisant pour satisfaire les sceptiques, des preuves d’identité, des indications précises, que ne puissent connaître les assistants et vérifiables après coup.
On objecte souvent aux spirites que les communications, dans leur ensemble, ont un caractère trop vague, qu’elles sont dépourvues de renseignements, de révélations, de faits bien définis, susceptibles d’établir l’identité des manifestants et de forcer la conviction des chercheurs.
Certes, on ne peut méconnaître ces difficultés. Elles sont inhérentes à la nature même des choses et aux différences de milieu. Les êtres vivant sur un même plan comme les hommes, pourvus des mêmes sens, communiquent entre eux par des moyens divers qui sont autant d’éléments de certitude. Ces différents modes d’observation et de contrôle, applicables dans le milieu humain, nous voudrions les étendre au domaine de l’invisible, et nous exigeons de ses habitants des manifestations aussi probantes, d’une précision égale à celles qui assurent notre conviction dans l’ordre physique. Or, c’est là une chose presque irréalisable. L’habitant du plan invisible a beaucoup d’obstacles à vaincre pour se communiquer. Les moyens dont il dispose, pour nous éclairer et nous persuader sont restreints. Il ne peut se manifester sans médium, et le médium, inconsciemment, introduit presque toujours une part de lui-même, de sa mentalité, dans les phénomènes.
L’Esprit qui veut s’exprimer à l’aide d’organes étrangers, éprouve un grand embarras. Il ressemble à une personne qui s’entretiendrait avec nous dans une situation très incommode, lui enlevant l’usage de ses facultés. Il faut procéder avec lui avec ménagement, poser des questions claires, montrer de la patience, de la bienveillance, pour obtenir des résultats satisfaisants.
« Mes chers amis, » disait George Pelham à Hodgson et Hart[1], « ne me considérez pas avec l’œil d’un critique. Essayer de vous transmettre nos pensées au moyen de l’organisme d’un médium quelconque, c’est comme si on essayait de ramper dans le tronc d’un arbre creux. »
Robert Hyslop le répète à son fils[2] : « Toutes choses m’apparaissent si nettement, et, quand je viens ici pour te les exprimer, James, je ne puis pas. »
Ce que disaient les Esprits de Mme Piper, le guide de notre cercle l’affirmait en ces termes : « Dans l’espace, tout, pour nous, est ample, large, facile. Quand nous redescendons vers la terre, tout se restreint, tout se rétrécit. »
Une autre objection est celle-ci : Dans la plupart des cas d’identité signalés, les faits et les preuves au moyen desquels on a pu déterminer avec certitude la personnalité des manifestants, sont d’une nature commune et parfois même triviale. Or, l’expérience a démontré qu’il était presque impossible de procéder autrement, Les détails, considérés comme vulgaires et oiseux, paraissent être précisément les moyens les plus sûrs de se former un jugement sur les auteurs des phénomènes.
Dans un but de comparaison et de contrôle, le professeur Hyslop a fait établir « une ligne télégraphique entre deux des bâtiments de l’Université de Columbia, éloignés de 500 pieds, et a placé aux extrémités deux employés télégraphistes, par l’intermédiaire desquels des interlocuteurs inconnus l’un de l’autre devaient communiquer ensemble et établir leur identité. Dans ces conditions, se rapprochant de celles de la médiumnité – la distance tenant lieu ici de la différence de plan - le professeur a pu constater combien il était difficile d’établir l’identification d’une manière probante. Le résultat n’était atteint le plus souvent qu’au moyen des indications les plus vulgaires et de récits sans importance. Les procédés employés par les communiquants, constate le professeur, étaient absolument les mêmes que ceux adoptés par les Esprits dans le cas de Mme Piper, A propos des difficultés rencontrées par les opérateurs, M. Hyslop s’exprime ainsi[3] :
«
Tandis que je suivais ces expériences, je fus frappé de ce fait, que l’on
remarque également lorsque l’on n’a qu’un temps limité pour communiquer
téléphoniquement. Toute l’attention du communiquant est tendue par le désir
de choisir des incidents bien caractéristiques pour l’identification par un
ami particulier. Comme il se trouve limité par le temps pour choisir, il se
produit dans son esprit un combat intéressant et une confusion, dont tout le
monde peut se rendre compte par soi-même, lorsque l’on s’exerce à faire un
choix d’incidents dans ce but. Nous pouvons nous figurer la situation d’un
Esprit désincarné qui n’a que quelques minutes pour faire sa communication
et qui lutte probablement contre d’énormes difficultés, dont nous ne pouvons
nous faire une idée. »
Le professeur Hyslop est un observateur sagace et méthodique. Remarquons cependant qu’il n’a étudié jusqu’ici, en spiritisme, que des cas isolés. Une expérimentation de trente années nous a démontré que, malgré les difficultés inhérentes à tout mode de communication spirite, les preuves d’identité sont beaucoup plus abondantes qu’on ne le croit généralement. Dans certaines réunions privées, des preuves sont données chaque jour de la survivance de ceux que nous avons aimés ; mais ces preuves sont presque toujours tenues cachées, parce qu’elles touchent à la vie intime des expérimentateurs. Beaucoup, parmi ceux-ci, redoutent les critiques malveillantes et ne veulent pas livrer à des indifférents, à des sceptiques gouailleurs, les sentiments les plus sacrés, les secrets les plus intimes de leur cœur.
Souvent, des Esprits, inconnus des assistants, viennent donner des messages pour leurs parents encore vivants, messages qui contiennent parfois des traits originaux, des preuves sans réplique. Pourtant, la plupart de ces manifestations restent ignorées. On craint les railleries de savants superficiels et les préventions du vulgaire, toujours prêt à rejeter des faits qui dépassent le cercle des connaissances usuelles. Il en résulte que les manifestations les plus décisives arrivent rarement à la connaissance du public.
Dans le même sens, on constate beaucoup de circonspection et une grande retenue de la part des Esprits dans les réunions ouvertes. C’est surtout dans l’intimité de la famille et de quelques amis qu’on réunit les meilleurs éléments pour obtenir de bonnes preuves. L’affection et l’harmonie des pensées aidant, la confiance réciproque s’établit, et, avec elle, la sincérité et l’abandon. L’Esprit trouve là un ensemble de conditions fluidiques qui assurent à la transmission de sa pensée toute la clarté et la netteté nécessaires pour porter la conviction dans l’âme des assistants.
Les Esprits élevés ne se prêtent pas volontiers à nos exigences. Leurs communications ont toujours un caractère moral et impersonnel ; leur pensée plane trop haut au-dessus des sphères de l’individualité, pour qu’il ne leur soit pas pénible d’y redescendre. La plupart ont accompli sur la terre des vies de sacrifice, subi des existences douloureuses, prix de leur élévation ; ils n’aiment pas, en se nommant, à se parer de leurs mérites. Pour convaincre les sceptiques, ils ont d’autres ressources ; ils préfèrent introduire dans nos séances des Esprits plus inférieurs, des individualités que nous avons connues sur la terre et qui, par leur originalité, leur façon de parler, de gesticuler, de penser, nous fourniront des preuves satisfaisantes. Ainsi procédaient les guides de notre groupe. Sous leur direction, des Esprits assez vulgaires, mais animés de bonnes intentions : une marchande des quatre saisons, un forgeron de village, une vieille fille bavarde ; d’autres encore, parents décédés des membres du cercle, se manifestaient dans la trance par des traits caractéristiques et inimitables. Leur identité s’établissait par une variété de détails, de faits domestiques ; mais, tout en intéressant vivement ceux qui les avaient connus, ils seraient considérés comme fastidieux par d’autres et ne pourraient être publiés. La multiplicité et la répétition quotidienne des menus faits dont une existence est remplie, quoique impossibles à reproduire et à analyser, finissent par impressionner les plus réfractaires et, par triompher des doutes les plus tenaces.
Tous les jours, dans nombre de groupes, on obtient la révélation de noms, de dates, de faits inconnus et plus tard vérifiés exacts, mais on ne peut les vulgariser, parce qu’ils intéressent des personnes encore vivantes qui n’en autorisent pas la publication. Ou bien ce sont des instructions scientifiques, comme celles que relate Aksakof, dans le cas de M. Barkas, de Newcastle[4], et bien au-dessus de l’intelligence du sujet.
D’autres fois, ce sont des phénomènes d’écriture ; tels ceux qu’a signalés le même auteur[5], et des signatures authentiques de personnages que le médium n’a jamais vus, par exemple, celles du curé Burnier et du syndic Chaumontet, décédés depuis un demi-siècle, obtenues par Hélène Smith, de Genève[6]. M. le professeur Flournoy les attribue à un réveil de la subconscience du sujet ; c’est là, nous l’avons vu, une théorie ad hoc, fort commode pour expliquer ce que l’on ne comprend pas ou que l’on ne veut pas comprendre.
Dans Spirit Identity, Stainton Moses relate des faits remarquables d’identité, obtenus par la médiumnité scripturaire et appuyés sur des témoignages officiels. Il déclare posséder une centaine de cas de ce genre, et beaucoup d’expérimentateurs en pourraient dire autant[7].
Parmi ces nombreux phénomènes, on peut rappeler le cas cité par Light, du 27 mai 1899, et dû à la médiumnité de Mrs. Bessie Russell-Davies, de Londres :
«
Une demande de preuve d’identité, émanant de personnages attachés à la
cour de Vienne, avait été adressée à cette dame. Les questions étaient
renfermées sous un pli cacheté qui resta fermé. Après plusieurs jours de
recherches, le guide du médium revint avec cinq Esprits étrangers, qui dictèrent
une réponse dans une langue inconnue. Après examen, les demandeurs reconnurent
que cette langue était de l’ancien madgyar, langue connue seulement de
quelques érudits. Cette réponse était signée par cinq personnages ayant vécu
deux siècles auparavant, membres défunts de la famille hongroise qui avait
sollicité ce témoignage. »
Voici une autre preuve plus concluante, dans sa simplicité, que des manifestations tapageuses. Elle est extraite de l’ouvrage de Watson, publiciste américain : Spiritualism, its phenomenes, New-York, 1880.
«
Watson avait reçu une communication signée de son ami le général Th. Rivers.
Suivant l’habitude anglaise, le général avait apposé les initiales de ses
prénoms, parmi lesquelles figurait un W. Or, aucun de ses prénoms ne
comportait cette initiale. Par scrupule de vérité, Watson avait publié cette
signature sans modification, mais à regret et non sans quelque défiance, que
certains détails de la missive semblaient devoir dissiper. Les contradicteurs
de la presse ne se firent pas faute de relever l’erreur, raillant cet Esprit
qui ne savait pas son nom.
« Cependant, au cours d’une autre séance, le même Esprit confirma cette initiale, disant que sa mère en donnerait l’explication. La mère, questionnée, répondit que le W était une erreur. Mais alors l’Esprit intervint et dit : « Mère, tu trouves étrange que je signe un W ; rappelle-toi pourtant qu’en mon enfance j’étais si irritable que mes camarades m’appelaient « Wasp » (la guêpe). Ce surnom m’était resté, je l’avais adopté et j’en signais mes compositions. Regarde mes cahiers et mes livres d’école, et tu le trouveras. » Ce fut fait et trouvé correct. »
La Revista de Estudios psicologicos, de Barcelone (septembre 1900), publie le cas d’identité suivant, avec pièces à l’appui :
Trois
personnes, un professeur de mathématiques, un docteur en médecine et un ecclésiastique,
avaient prié M. Segundo Oliver, médium désintéressé, de leur fournir des
preuves de la réalité des Esprits. Après un instant de recueillement, sa main
traça mécaniquement les mots suivants : « Isidora, âge 50 ans, née à San Sébastian,
morte le 31 mars 1870 ; maladie cancer intestinal ; laissa trois fils ;
leurs noms et âges ; leurs noms et âges : P., 15 ans ; C., 19
ans ; M., 25 ans. »
A
ces détails, l’un des assistants reconnut l’Esprit de sa mère. Surpris et
ému, il lui demanda si elle avait quelques conseils à lui donner. Le médium
reprit le crayon ; mais, à sa stupéfaction, il traça, en quelques
minutes, le portrait d’une personne qui lui était inconnue, et dans lequel on
reconnut l’Esprit d’Isidora, qui, jamais, de son vivant, n’avait consenti
à se laisser photographier. Le médium n’a jamais appris le dessin, ni su
dessiner. Tous les assistants déclarèrent qu’ils n’avaient pensé à rien
de ce qui fut écrit et qu’il ne pouvait y avoir là un phénomène de
suggestion ni de lecture de pensée.
D’autre
part, M. G. Owen écrit ce qui suit dans le Spiritual Record : « Il y a
de cela douze ans, je comptais au nombre de mes amis intimes un sénateur de
Californie, fort connu, et qui était directeur d’une banque prospère à San
Jose. Le docteur Knox, c’est son nom, était un penseur profond et un partisan
résolu des théories matérialistes. Sentant approcher sa fin, il parlait
souvent du sommeil éternel. Je lui dis un jour : « Faisons un pacte, docteur :
si là-haut vous vous sentez vivre, vous tenterez le possible pour me
communiquer ces quelques mots : Je vis encore. » Après sa mort, en présence
d’un bon médium, je nettoyai une ardoise, y posai un crayon et tins
l’ardoise contre la surface inférieure de la table. Nous entendîmes le bruit
du crayon grattant sur l’ardoise et, en enlevant celle-ci, nous y trouvâmes
les lignes suivantes : « Ami Owen, bien que mes anciennes idées sur la vie
future soient bouleversées de fond en comble, ma désillusion, je l’avoue, a
été agréable, et je suis heureux, mon ami, de pouvoir vous dire : Je vis
encore. Votre ami toujours : W. Knox. » L’écriture était tellement conformé
à celle du défunt qu’elle a été reconnue comme authentique par le
personnel de la banque qu’il dirigeait de son vivant. »
Malgré les difficultés qu’elles éprouvent parfois à se manifester, les personnalités de G. Pelham et de Robert Hyslop sont des plus tranchées et ne se démentent jamais[8].
Le recteur d’Université, Oliver Lodge, dans les volumes XII et XIII des Proceedings, cite également plusieurs cas d’identité obtenus par lui, à l’aide de la faculté de Mme Piper. Un de ses oncles, décédé depuis vingt ans, rapporte des détails de sa jeunesse, complètement oubliés par tous les membres survivants de la famille ; on ne put les vérifier qu’après une longue et minutieuse enquête. Le père de sa femme, décédé, vint lui donner des détails précis sur sa mort, survenue dans des conditions émouvantes, avec des noms et des dates, entièrement effacés de sa mémoire, à lui, Lodge. Il rapporte d’autres traits remarquables d’identité émanant de plusieurs de ses amis défunts.
Le révérend Minot-Savage, orateur célèbre aux États-Unis, cite un cas touchant d’identification, qui se passe de commentaires[9] :
Au cours d’une de ses séances avec Mrs. Piper, une personnalité, disant être son fils, se présenta. Le médium ne l’avait jamais connu. « Papa - dit-il avec anxiété - je désirerais que, sans retard, tu ailles dans l’appartement que j’occupais. Tu ouvriras mon tiroir, et, parmi les nombreux papiers qu’il contient tu en trouveras que je te prie de détruire immédiatement. »
Bien que cette requête parût inexplicable au révérend Minot-Savage, pour qui son fils n’avait jamais eu de secret, il se rendit à Boston, rue Joy, dernier domicile du défunt, pénétra dans le logement qu’il n’avait jamais vu, et chercha dans le tiroir désigné. Il y trouva en effet des documents de grande importance, que le jeune homme n’aurait pas rendus publics pour tout au monde et qui justifiaient pleinement l’anxiété manifestée dans la communication.
Le fait suivant se passe à Saint-Paul (Brésil), chez le docteur O. Vidigal, habitant Allée du Triomphe, n° 2, avec sa famille composée de sa femme, de deux fils et de son vieux père. Sa mère était morte depuis trois mois[10] :
Le médium est une fillette de douze ans, petite Espagnole, orpheline de son père, prise comme domestique, le jour même, au bureau de l’émigration où elle venait d’arriver. Elle ne connaissait pas un mot de portugais, n’avait jamais vu la ville et jamais connu le docteur. M. Édouard Silva, ami de la famille, savait l’espagnol ; il eut, en parlant à la jeune domestique, l’idée spontanée de la magnétiser. L’enfant se laissa endormir et, en quelques instants, tomba en somnambulisme profond.
Elle prétendit voir son père, qui lui parlait et lui faisait savoir qu’une vieille dame, présente à ce moment, avait une communication à faire au docteur Vidigal. Elle fit une description si exacte de cette dame, que les familiers reconnurent la mère défunte du docteur.
L’Esprit ordonna à son fils d’aller dans sa chambre - personne n’y avait pénétré depuis sa mort, - de prendre dans la poche cousue d’un vêtement de soie noire, pendu au mur, la somme de 75.000 reis (500 francs) et de les remettre à son mari.
Après réflexion, le docteur Vidigal, accompagné du docteur Silva et d’autres témoins, pénétra, non sans peine, dans l’appartement, car la serrure était rouillée, et trouva les choses telles qu’elles lui avaient été indiquées.
D’autre part, M. Vincent Fornaro fait un récit détaillé des fantaisies de l’Esprit de « Baccala[11] », dont les preuves d’identité ont été faciles à établir.
Il était de son vivant commissionnaire. C’était un homme très gai, très spirituel et très débauché. Les communications s’en ressentaient, mais présentaient, malgré cela, un réel intérêt au point de vue expérimental, en raison des preuves d’identité présentées sous des formes variées et même par des matérialisations spontanées.
Parmi les nombreuses expériences faites avec « Baccala », M. Vincent Fornaro cite la plus impressionnante de toutes :
« Mon
père était gravement malade d’une terrible affection aux bronches, suite
d’influenza mal soignée. Les plus illustres médecins étaient venus. Les uns
nous broyaient le cœur par les plus funestes prévisions, les autres nous
soulageaient par de réconfortantes paroles d’espoir.
«
Nous ne vivions que pour conserver la vie de notre cher malade. Dans ces
douloureux souvenirs, Baccala eut sa part. Un soir, dans ce découragement qui
bouleverse l’âme et le cerveau, qui fait penser à l’impossible pour
s’accrocher à tout espoir, nous priâmes Baccala de nous mettre en
communication avec l’Esprit de l’un des plus renommés médecins, et il répondit
qu’il allait nous satisfaire immédiatement.
«
En effet, peu de temps après, les coups sur le guéridon nous avertirent
qu’un Esprit était présent. Nous demandâmes son nom ; il nous dit :
Domenico Cotugno ! - Baccala avait bien choisi... Nous priâmes l’Esprit de
Cotugno de visiter notre père et de nous dire la vérité, quelle qu’elle fût.
Mon père dormait ; à ce moment, il s’éveilla avec un sentiment de
regret, nous reprocha de l’avoir secoué ; et, encore tout ensommeillé,
ne s’apercevant pas qu’il n’y avait personne à côté de lui, il continua
à nous reprocher que nous le tournions et retournions en battant sur sa
poitrine et ses épaules. - Évidemment la visite s’effectuait, et nous étions
tremblants ; le cœur nous battait à se rompre, notre esprit était en suspens.
« Peu de temps après, le guéridon eut un léger mouvement; nous interrogeâmes, anxieux : il nous fut répondu un seul, horrible mot : Résignation ! - Nous comprîmes, et, quinze jours après, la maison était plongée dans le deuil. »
Le docteur Moutin, président de la Société d’études des phénomènes psychiques, de Paris, communique à la Revue scientifique et morale (mars 1901), le fait suivant :
« En
1884, à Marseille, pendant l’épidémie cholérique, j’assistai, à ses
derniers moments, une de mes parentes, qui fut emportée dans l’espace de
quelques heures. Avant de mourir, alors qu’elle ne pouvait déjà plus parler,
elle voulut me faire une communication, que je jugeais importante d’après ses
gestes désespérés. Enfin, réunissant ses efforts, elle articula deux fois le
mot « glace », en me désignant de la main celle qui ornait la cheminée de sa
chambre.
«
Son mari, M. J..., était en mer à ce moment. Prévenu à son retour et sachant
que la défunte avait la manie de cacher de l’argent un peu partout, il n’hésita
pas à enlever le fond de la glace, mais son examen fut sans résultat.
«
Quinze mois après, assistant à une séance chez Mme Décius Deo, à Avignon,
rue des Marchands, et cette dame étant entrancée, l’Esprit de Mme J...
m’interpella par sa bouche, m’appelant par mon prénom, que le médium ne
connaissait certainement pas : « Lucien ! je viens te dire ce que je
n’ai pu te faire connaître avant ma mort. J’avais placé une obligation de
500 francs de la Compagnie Fraissinet entre le verre et le fond du miroir qui
est dans la cuisine. Mon mari va déménager et peut-être vendre cet objet. Il
faut l’en informer. »
«
J’écrivis à M. J..., qui fit les recherches nécessaires, et trouva
l’obligation à l’endroit indiqué. »
Claire Galichon, dans ses Souvenirs et Problèmes spirites[12], rapporte qu’ayant évoqué Beethoven, elle demanda à l’Esprit qui s’était manifesté au nom du célèbre compositeur de lui donner une preuve de son identité, en lui parlant d’un fait pris dans sa vie et ignoré d’elle ainsi que de Mlle R., qui assistait à la séance.
L’Esprit répondit : « Volontiers. Voici : J’ai eu dans ma vie un grand amour et une profonde admiration : l’amour pour Juliette ; l’admiration, pour Napoléon. Oui, c’était pour lui que j’ai composé la Sinfonia eroïca. »
Ces deux assertions, qu’ignoraient Claire G. et Mlle R., sont exactes. Beethoven ne se maria pas, mais pendant plusieurs années il fut épris de Mlle Julie de Guicciardi, qui, plus tard, épousa le comte de Gallenberg.
On sait aussi que Beethoven avait été un admirateur du génie de Napoléon 1er et se l’était représenté comme un héros républicain (sic), réunissant en lui les plus grandes vertus patriotiques. Lorsqu’il commença à écrire sa Symphonie héroïque, il était décidé à lui donner le nom de Buonaparte, et il voulait la dédier au premier consul de la République française. Déjà sa dédicace était écrite quand, un jour, un de ses amis vint lui annoncer que le premier consul venait de se faire nommer empereur. Beethoven s’écria : « Allons, c’est un ambitieux comme tous les autres. » Au lieu de la simple inscription de son ouvrage : Buonaparte, il mit celle-ci : Sinfonia eroïca per festeggiare il souvenire d’un grand’uomo.
Certains Esprits révèlent leur identité, dans la trance, par un langage conventionnel ignoré du médium.
Tel est le cas de l’Esprit Forcade, qui se communiqua à l’abbé Grimaud, à Avignon, en 1899, au moyen de signes en usage parmi les sourds-muets et d’après une méthode spéciale dont il est l’inventeur. La manifestation eut lieu dans une réunion où, seul, cet ecclésiastique en pouvait comprendre le sens[13].
Aksakof[14] cite un cas analogue. L’Esprit d’une défunte, de son vivant sourde et muette, donne à son mari, par l’intermédiaire du médium, Mme Corwin, à Syracuse (E.-U.), une communication au moyen de l’alphabet des sourds-muets :
«
La scène était émouvante : le mari se tenait en face du médium en
trance et posait à sa femme diverses questions, par signes, et sa femme répondait
à ses pensées de la même manière, par l’intermédiaire d’un organisme étranger,
d’une personne qui n’avait jamais pratiqué ce mode de conversation. »
D’autres Esprits, victimes d’accidents, guident les personnes qui ont pour mission de retrouver leurs corps :
Un bateau ayant coulé dans le port d’Alger, en 1895, un homme s’était noyé et on n’avait pu retrouver son cadavre. Le commandant Courmes, de la marine de guerre, assistant dans cette ville à une réunion spirite, fit évoquer le noyé. Celui-ci répondit à l’appel, pénétra le médium, qui changea de voix et d’attitude et rit une narration, dont voici le sens : « Quand le bateau coula, j’étais sur l’échelle, je fus renversé ; ma jambe droite passa entre deux barreaux, et le bras de levier du corps produisit une fracture de la jambe qui ne me permit pas de me dégager. L’on retrouvera mon corps pris dans l’échelle quand on renflouera le bateau. Inutile de le chercher ailleurs[15]. »
Les manifestations par la table ne sont pas moins riches en preuves d’identité.
Le commandant P. Mantin (alias Dauvil), dans ses Vieilles Notes[16], rapporte le fait suivant, qui s’est produit dans la famille de sa femme, à l’île de la Réunion, en 1860. Il est appuyé par les témoignages de plusieurs de ses parents :
«
Un soir que la famille B... était réunie autour d’une table dans le grand
salon, en pleine lumière, un Esprit pria d’appeler M. A. B..., grand-père de
ma femme - laquelle n’était pas encore au monde - afin de lui faire une
communication très importante. M. A. B... fumait tranquillement sa pipe sous la
varangue, songeant à ses champs de cannes, à son usine, plus qu’aux Esprits,
auxquels il n’ajoutait pas foi. Alors on l’appela une seconde fois. « Venez,
cher père, l’Esprit vous attend pour vous dire son nom. - Laissez-moi en
paix, mes enfants, avec vos amusements. » Enfin l’une de ses filles vint le
supplier de rentrer au salon. « Allons, mon enfant, voir ce que me veut ton
Esprit, » et l’excellent homme s’approcha du guéridon, qu’entouraient
tous ses enfants, en prononçant la formule : « Esprit, que me
veux-tu ? » Et l’invisible dicta : « Cher Monsieur B.... je suis le
capitaine Régnier ; vous vous souvenez que j’ai chargé vos sucres sur
votre voilier le Bois Rouge, il y a deux mois, j’ai mis à la voile le
- date exacte, - vous le rappelez-vous ? - Oui. Eh bien ? – Eh bien, je
viens vous dire que votre voilier Bois Rouge s’est perdu corps et biens
dans la tempête sur les côtes rocheuses de Simon’s Bay au cap de Bonne-Espérance,
il y a dix jours : moi et tous mes matelots avons péri, et mon âme ne
pouvait quitter les flots, sur lesquels elle erre depuis ce jour-là. Je ne
serai tranquille qu’après vous avoir assuré que nous avons tout fait pour
sauver le navire, mais la mer était trop mauvaise et la volonté de Dieu
s’est accomplie, - Si le fait est vrai, répondit M. B..., c’est votre mort
et celle de vos braves marins que je déplore le plus, mais, jusqu’à preuve
du contraire, permettez-moi de douter de la véracité de cette triste nouvelle.
Si vous êtes noyé, comment pouvez-vous être là, dans cette table ? - C’est
pourtant la vraie vérité, dicta le guéridon en s’agitant, et en frappant
d’un pied rapidement, vous verrez, mon cher M. B..., que l’armateur de
Nantes vous confirmera la nouvelle dans quatre mois ; adieu, M. portez-vous
bien, vous et votre famille. » Et quatre mois juste après de soir-là, me
disait le cher aïeul de ma femme en me racontant cette histoire, trente-cinq
ans plus tard, car à cette époque nous n’avions pas comme aujourd’hui les
vapeurs qui nous apportent le courrier deux fois par mois, la perte du navire Bois
Rouge, de son équipage et du brave capitaine Régnier me fut réellement
confirmée. Que répondre à cela ? ajoutait philosophiquement le cher
vieillard. »
Voici un autre cas probant, attesté par W. Stead et reproduit par la Revue scientifique et morale du Spiritisme, de janvier 1904 :
Pendant
des semaines et des mois avant la mort de mon frère, nous causions de la
communion des Esprits, lorsqu’un matin il me demanda de lui donner un fragment
de poterie, des plumes et de l’encre, Il fit deux marques sur un des côtés
et une sur l’autre avec de l’encre, puis, cassant en deux le fragment, il
m’en donna un des morceaux, me recommandant de le garder avec soin, et peu de
temps après il cacha l’autre dans un endroit connu de lui seul, espérant
qu’après sa mort il pourrait revenir et me dire où
il était. Je pourrais alors les comparer, et cela prouverait qu’il
serait revenu se communiquer, sans que ma pensée pût intervenir, puisque
j’aurais complètement ignoré l’endroit de la
cachette. Après sa mort et après plusieurs essais, ma mère et moi nous
prîmes place à la table, et voici ce qui nous fut donné en appelant les
lettres de l’alphabet : « Vous trouverez ce fragment de terre cuite dans
le bureau, sous le tomahawk. – Benja[17]. »
J’allai
à son bureau, qui était resté fermé depuis sa mort, j’y trouvai le
fragment en question à l’endroit indiqué, et, en le rapprochant de celui que
j’avais gardé, je vis que les deux fragments s’adaptaient exactement
ensemble et que les signes dont ils avaient été revêtus concordaient sans
erreur possible.
« Je signalerai un autre incident, qui a pour moi autant de valeur que le précédent. Il m’écrivit une lettre vers la même époque où il m’avait donné le fragment de poterie, la cacheta et me dit que je n’avais pas à y répondre, qu’il m’en indiquerait le contenu. C’est encore par la méthode des coups frappés par la table que je connus le contenu de la lettre. Le voici : « Julia ! agis bien et sois heureuse ! - Benja. » C’était exact et ces mots étaient bien ceux que contenait la lettre. Je n’éprouve aucune hésitation à donner mon nom, car je ne dis que la vérité. »
La photographie des Esprits fournit aussi son contingent de preuves. La Revue du 15 janvier 1909 publie un article du même W. T. Stead intitulé : « Comment communiquer avec l’Au-delà ? » dans lequel nous relevons un passage ayant trait à la photographie des invisibles. Il débute ainsi :
« Je
m’empresse de désarmer le
lecteur sceptique en admettant qu’il n’y a rien de plus facile que de
truquer des photographies de ce genre et j’ajouterai qu’un prestidigitateur
peut toujours tromper l’observateur le plus vigilant et le plus défiant.
«
Les plaques dont je me sers en les développant moi-même et qui sont, de plus,
marquées, fourniraient quelque garantie contre les fraudes.
«
Mais si je crois à l’authenticité des photographies, c’est que je
m’appuie sur des arguments autrement concluants. La preuve de l’authenticité
d’une photographie d’un Esprit, c’est d’abord l’exécution d’un
portrait parfaitement reconnaissable de la personne défunte par un photographe
quel ne sait absolument rien de l’existence de cette personne et c’est
ensuite le fait qu’aucune forme visible n’est perçue par celui qui opère
ou qui assiste à l’opération.
«
J’ai obtenu de ces photographies non pas une fois seulement, mais à plusieurs
reprises.
«
Je n’en rapporterai ici qu’un seul cas.
«
Le photographe à qui sa médiumnité permet de photographier l’invisible est
un artiste déjà vieux, sans instruction. Cette particularité l’empêche même,
dans certaines circonstances, de s’occuper sérieusement de sa profession. Il
est clairvoyant et ce que j’appellerai clairaudiant.
«
Pendant la dernière guerre des Boers j’allais lui demander une séance,
curieux de savoir ce qui allait se passer. J’avais à peine pris place devant
le vieux bonhomme, qu’il me dit :
«
- J’ai eu une algarade l’autre jour. Un vieux Boer est venu dans mon
atelier. Il avait un fusil, et son regard farouche me causa une certaine
frayeur. « Va-t’en, lui dis-je, je n’aime pas les armes à feu. » Et il
s’en alla. Mais il est revenu, et le revoilà. Il est entré avec vous. Il
n’est plus armé de son fusil et son regard n’a plus rien de farouche.
Faut-il lui permettre de rester ?
«
- Certainement, répondis-je, vous croyez pouvoir le photographier ?
« -
Je ne sais pas, dit le vieux, j’essaierai.
« Je
m’assis devant l’objectif et l’opérateur prit le point. Je ne pouvais
rien voir, mais, avant l’enlèvement de la plaque, je demandai au photographe
:
«
- Vous lui avez parlé, l’autre jour. Pouvez-vous lui parler encore maintenant ?
«
- Oui, il est toujours derrière vous.
«
- Vous répondra-t-il, si vous l’interrogez ? - Je ne sais pas,
j’essaierai.
«
- Demandez-lui son nom.
«
Le photographe eut l’air d’adresser une question mentale et d’attendre la
réponse. Puis il fit :
«
- Il dit qu’il s’appelle Piet Botha.
«
- Piet Botha ? objectai-je avec un geste de doute. Je connais un Philippe,
un Louis, un Christian et je ne sais combien d’autres Botha, mais je n’ai
jamais entendu parier de ce Piet.
«
- Il dit que c’est son nom, répliqua le vieux d’un air bourru.
«
Quand il développa la plaque, j’y vis debout, derrière moi, un grand
gaillard hirsute, qui pouvait être aussi bien un Boer qu’un moujick. Je ne
dis rien, mais attendis jusqu’à la fin de la guerre et, à l’arrivée du général
Botha à Londres, je lui envoyai la photographie par l’intermédiaire de M.
Fischer, maintenant premier ministre de l’État d’Orange. Le lendemain, M.
Wessels, délégué d’un autre État, vint me voir.
«
- Où avez-vous pris cette photographie que vous avez donnée à M. Fischer?
«
Je lui rapportai exactement comment elle se trouvait en ma possession. Il hocha
la tête.
«
- Je ne crois pas aux revenants, mais dites-moi sérieusement d’où vous vient
ce portrait : cet homme-là n’a jamais connu William Stead. Cet homme-là
n’a jamais mis le pied en Angleterre.
«
- Je vous ai dit, répartis-je, comment je l’ai eue et vous pouvez ne pas me
croire, mais pourquoi vous monter comme cela ?
«
- Parce que, dit-il, cet homme-là est un de mes parents. J’ai son portrait
chez moi.
«
- Vraiment, m’écriai-je, est-il mort ?
«
- Il fut le premier commandant boer qui périt au siège de Kimberley... Pétrus
Botha, ajouta-t-il, mais nous l’appelions Piet pour abréger.
«
Cette photographie est restée en ma possession. Elle fut également identifiée
par les autres délégués des États libres qui avaient, eux aussi, connu Piet
Botha.
«
Or, ceci ne s’explique point par la télépathie. Il ne saurait y avoir non
plus ni hypothèse ni fraude. C’est par simple hasard que je demandai au
photographe de s’assurer si l’Esprit donnerait son nom. Personne en
Angleterre, pour autant que j’aie pu m’en convaincre, ne savait que Piet
Botha eût jamais existé. »
En maintes circonstances, des défunts contribuent, par leurs indications, au règlement de leurs affaires terrestres. Ils aident à retrouver des testaments cachés ou égarés.
Le docteur Cyriax, dans sa brochure, Die Lehre vom Geist, rapporte un fait de ce genre, auquel il a pris part :
«
Un jeune homme de Baltimore, nommé Roberts, avait été élevé par une de ses
tantes, riche célibataire, qui, l’ayant adopté, lui avait fait donner une éducation
complète et l’avait marié. Il était devenu père de famille, lorsque sa
tante mourut subitement. On ne trouva d’elle aucun testament et les parents
intéressés se mirent en devoir d’évincer K. Roberts. Celui-ci, fort,
perplexe, fut sollicité par quelques amis de consulter Mme Morill, médium à
test, qui évoqua la tante décédée. Cet Esprit fit savoir que le
testament était enfermé dans une armoire à litige, à l’étage supérieur
de leur villa. Ce ne fut qu’après avoir bouleversé tout le contenu de
l’armoire que l’on trouva, dans un bas, le document tel qu’il avait été
décrit. Personne au monde ne pouvait avoir la moindre idée de la cachette, le
médium moins que tout autre. L’Esprit, de la tante, seul, pouvait être en
mesure de donner ce renseignement. »
Aksakof rapporte un cas semblable, extrait des Proceedings, vol. XVI, p. 353 :
«
Le prince de Sayn-Wittgenstein-Berlesbourg obtint du général baron de Korff,
mort depuis quelques mois, une communication spontanée, dans laquelle il lui
enjoignait de désigner à sa famille l’endroit où, par malveillance, on
avait caché son testament. On découvrit ce document à la place indiquée par
l’Esprit[18].
Ajoutons à ces faits deux cas d’identité consistant en écritures ou conversations en langues ignorées du médium, publiés par E. Bozzano, dans les Annales des Sciences psychiques de janvier 1910.
Le premier cas fut rapporté par Myers, dans son ouvrage sur la Conscience subliminale (Proceedings of the S. P. R.,_ vol. IX, p. 124), et concerne un épisode d’écriture obtenue au moyen d’une fillette de onze ans, fille de M. Hugli Junor Brown, qui le publia dans un livre intitulé : The Holy Truth. Myers a personnellement connu le relateur et se porte garant de sa parfaite sincérité. Nous reproduisons le récit de ce dernier :
«
Un jour, me trouvant en promenade avec ma femme, je rencontrai un nègre que je
ne connaissais pas, mais que je compris être un Cafre, à cause de ses oreilles
largement perforées, ce qui est une coutume de cette race. Après l’avoir
interrogé dans sa langue native, ce qui l’avait beaucoup surpris, je lui
donnai mon adresse, l’invitant à venir me trouver. Il se présenta chez moi
juste au moment où nous faisions des expériences médiumniques. Je dis au
domestique de l’introduire, et je demandai si des Esprits de ses amis n’étaient
pas présents. La main de ma fille répondit en écrivant plusieurs noms cafres,
que je lus au nègre, et qu’il reconnut, en donnant des marques de vive
stupeur. Je demandai alors si les amis présents du nègre avaient quelque
message à lui communiquer ; aussitôt fut écrite une phrase en langage
cafre, dans laquelle se trouvaient des paroles inconnues de moi. Je les lus à
mon hôte, qui en comprit parfaitement la signification, sauf celle d’une
seule parole. J’essayai de la lui faire comprendre en la prononçant de
plusieurs manières différentes, mais en vain. Tout à coup la main de ma fille
écrivit : « Fais claquer ta langue. » - Je me rappelai alors un
claquement caractéristique qui doit habituellement accompagner la lettre t
dans le langage cafre, et je prononçai le mot selon la méthode indiquée, réussissant
à me faire comprendre immédiatement.
« Je dois faire observer que ma fille ne comprend pas un mot de cafre, étant née plusieurs années après que j’avais abandonné ces régions. Je demandai quel était l’Esprit qui dirigeait la main de ma fille, l’art d’écrire étant généralement inconnu aux Cafres, et il fut répondu que le message avait été dicté par un vieil ami à moi, H. S., à la demande des amis du Cafre. Or, H. S., personne bien élevée et cultivée, parlait couramment le cafre, ayant longtemps séjourné dans le Natal. A ce moment, j’expliquai à mon hôte que les Esprits de ses amis étaient présents, ce qui parut le terrifier. »
Le ministre plénipotentiaire de Serbie, à Londres, M. Chedo Mijatovitch, écrit ce qui suit au directeur du Light (1908), p. 136 :
«
Je ne suis pas spirite, mais je me trouve précisément sur la route qui y
conduit... et j’y suis entré grâce à une expérience personnelle, que je
crois de mon devoir de rendre publique. [Il raconte ici que plusieurs spirites
hongrois lui écrivirent, le priant de se rendre chez quelque médium réputé
de Londres pour se mettre en rapport, si possible, avec un ancien souverain
serbe et le consulter sur une certaine question.]
«
En ces jours-là justement », continue-t-il, « ma femme avait lu quelque chose
sur un certain M. Vango, doué, disait-on, de facultés médiumniques
remarquables, et c’est pour cette raison que je me rendis chez lui. Je ne
l’avais jamais vu, et certainement il ne m’avait jamais vu moi-même. Il
n’y a aucune raison de supposer qu’il ait eu des renseignements sur moi, ou
qu’il ait pu les deviner. A ma demande : s’il pouvait me mettre en rapport
avec l’Esprit auquel je pensais, il répondit avec modestie qu’il y réussissait
parfois, mais pas toujours, et que très souvent, au contraire, se manifestaient
des Esprits non désirés par l’expérimentateur. Ensuite, il se mit à ma
disposition, en me priant de concentrer ma pensée sur l’Esprit que je désirais.
«
Peu après, M. Vango s’endormit et commença : « Il y a ici l’Esprit
d’un jeune homme qui parait très anxieux de vous parler, mais il s’exprime
en une langue que je ne connais pas. » - Le souverain serbe sur lequel
j’avais concentré ma pensée était mort vers 1350, en âge mûr ; j’étais
cependant curieux de savoir qui était ce jeune Esprit anxieux de me parler, et
je demandai au médium de répéter au moins un mot prononcé par l’entité présente ;
il répondit qu’il essayerait. En disant cela, il avait incliné son buste
vers le mur, en face duquel il était assis, et s’était mis dans la position
d’un homme qui écoute. Puis, à ma grande stupeur, il commença lentement à
prononcer les paroles suivantes en langue serbe : « Molim vas pishite
moyoy materi Nataliyi da ye molim da mi oprosti », dont voici la traduction : «
Je te prie de vouloir écrire à ma mère Nathalie, en lui disant que
j’implore son pardon. » - Je compris naturellement qu’il s’agissait de
l’Esprit du jeune roi Alexandre. Je demandai alors à M. Vango d’en décrire
l’apparence, et lui, promptement : « Oh ! elle est horrible ;
son corps est criblé de blessures. »
«
Si une autre preuve avait été nécessaire pour me convaincre de l’identité
de l’Esprit communiquant, je l’obtins lorsque M. Vango dit : « L’Esprit désire
vous dire qu’il déplore amèrement ne pas avoir suivi votre conseil au sujet
d’un certain monument à ériger et aux mesures politiques à prendre à ce
propos. » - Ceci se rapporterait à un conseil confidentiel que j’avais donné
au roi Alexandre, deux ans avant son assassinat, et qu’il avait jugé,
intempestif à ce moment et pouvant n’être mis en action qu’au commencement
de l’année 1904. Je dois ajouter que M. Vango répéta les paroles serbes
d’une manière assez caractéristique, en prononçant syllabe par syllabe, et
en commençant par la dernière de chaque mot, pour revenir jusqu’à la première.
« Comme je publie le fait dans l’intérêt de l’a vérité, je n’hésite pas à signer de mon nom et de mon grade. » (Signé : Chedo Mijatovitch, ministre plénipotentiaire de Serbie à la Cour de Saint-James ; 3, Redchiffe-gardens, S. W. London.)
Enfin, M. D. Home, dans Life and Mission (pp. 19 à 22), décrit tout un ensemble de preuves d’identité, obtenues par la médiumnité voyante et auditive, et que nous croyons devoir reproduire[19] :
«
Pendant que j’habitais Springfield (Mass.), je fis une grave maladie, qui me
retint au lit pendant quelque temps. Un jour, au moment où le médecin venait
de me quitter, un Esprit vint se communiquer à moi et me délivra ce message :
« Vous prendrez cet après-midi le train pour Hartford ; il s’agit
d’une affaire importante pour les progrès de la cause. Ne questionnez pas, faites simplement ce que nous vous
disons. » Je fis part à ma famille de cet ordre étrange, et, malgré mon état
de faiblesse, je pris le train, ignorant complètement ce que j’allais faire
et le but d’un tel voyage.
«
Arrivé à Hartford, je suis abordé par un étranger, qui me dit : « Je n’ai
eu l’occasion de vous voir qu’une seule fois ; je ne crois pourtant pas me
tromper, vous êtes bien M. Home ? » Je répondis affirmativement,
ajoutant que j’arrivais à Hartford sans aucune idée de ce qu’on y voulait
de moi. « C’est drôle ! » reprit mon interlocuteur, « je venais
justement prendre le train pour aller vous chercher à Springfield. » Il
m’expliqua alors qu’une famille influente, bien connue, me faisait inviter
à lui rendre visite et à lui prêter mon concours pour les investigations
qu’elle désirait faire en matière de spiritisme. Le but du voyage commençait
donc à se dessiner ; mais le mystère restait tout aussi profond, quant aux
suites de cette aventure.
«
Une charmante promenade en voiture nous amena bientôt à destination. Le
maître de la maison, M. Ward Cheney, était justement devant sa porte, et il me
souhaita la bienvenue, disant qu’il n’avait pas espéré me voir arriver
avant le lendemain au plus tôt. Comme j’entrais dans le vestibule, mon
attention est attirée par le bruissement d’une lourde robe de soie. Je
regarde autour de moi et suis surpris de ne voir personne ; mais nous
passons alors dans un des salons, et je ne me préoccupe plus de cet incident.
«
Un peu après, j’aperçus dans le
vestibule une petite dame âgée, vêtue d’une robe de forte soie grise et
paraissant très affairée. Là était l’explication de ce mystère, j’avais
entendu, sans la voir, cette personne qui allait et venait par la maison.
«
Le frôlement de la robe s’étant fait entendre de nouveau et M. Cheney
l’ayant alors remarqué en même temps que moi, il me demanda d’où ce bruit
pouvait bien venir. « Oh ! » répondis-je, « c’est du
costume de soie grise de cette dame âgée que je vois dans le vestibule. Qui
est donc cette personne ? » L’apparition était, en effet, si
distincte que je ne mettais pas en doute que cette dame fût une créature en
chair et en os.
«
Le reste de la famille arrivant à cet instant, les présentations empêchèrent
M. Cheney de me répondre, et je n’eus pas l’occasion d’en apprendre
davantage pour le moment ; mais, le dîner ayant été servi, je fus
surpris de ne pas voir à table la dame à la robe de soie ; ma curiosité
en fut éveillée, et cette personne devint dès lors pour moi un sujet de préoccupation.
«
Lorsque la société quitta la salle à manger, j’entendis de nouveau le frôlement
de la robe de soie. Je ne voyais rien, mais j’entendis distinctement une voix
qui disait : « Je suis fâchée qu’on ait placé un cercueil sur le mien ;
je ne veux « pas qu’il y reste. » Ayant communiqué au chef de la famille et
à sa femme son étrange message, ils se regardèrent tous deux avec stupéfaction ;
puis M. Cheney, rompant le silence me dit qu’il reconnaissait parfaitement ce
costume, sa couleur et même son genre de soie épaisse ; « mais, »
ajouta-t-il, ce qui concerne le cercueil placé sur le sien est absurde et erroné.
» Cette réponse me rendit fort perplexe ; je ne savais plus que dire,
d’autant plus qu’avant la communication je ne m’étais pas douté
d’avoir eu affaire à une désincarnée ; je ne connaissais pas même les
rapports de famille ou d’amitié qui pouvaient exister entre la vieille dame
et les Cheney.
«
Une heure plus tard, j’entendis tout à coup la même voix, prononçant
exactement les mêmes paroles, mais en y ajoutant ceci : « En outre, Seth
n’avait pas le droit de couper cet arbre. » Ayant fait part à mon hôte de
ce nouveau message, il en devint tout soucieux. « Il y a là, » me dit-il,
« quelque chose de bien étrange ; mon frère Seth a fait
couper un arbre qui masquait la vue du vieux manoir, et nous avons toujours été
d’avis que la personne qui est censée vous parler n’aurait pas permis de
l’abattre si elle eût encore été de ce monde. Quant au reste du message, il
n’a pas l’ombre de bon sens. »
«
La même communication m’ayant été donnée dans la soirée pour la troisième
fois, je me heurtai de nouveau à un démenti formel, en ce qui concernait le
cercueil. J’étais sous le coup d’une impression fort pénible lorsque je me
retirai dans ma chambre. Je n’avais jamais reçu de message mensonger et même,
en admettant le bien-fondé de son grief, une pareille insistance, de la part
d’un Esprit désincarné, à ne pas vouloir qu’un autre cercueil fût placé
sur le sien, me semblait absolument ridicule.
«
Le matin venu, j’en exprimai à mon hôte mon profond désappointement; il me
répondit qu’il en était lui-même fort chagrin, mais qu’il allait me
prouver que cet Esprit - si c’était bien celui qu’il prétendait être -
s’était gravement trompé. « Nous allons nous rendre à notre caveau de
famille », me dit-il, et vous
verrez que, l’eussions-nous voulu, il n’aurait pas été-possible de placer
un autre cercueil au-dessus du sien.
»
«
Étant venus au cimetière, nous fîmes demander le fossoyeur, qui avait la clef
du caveau. Au moment où il allait ouvrir la porte, il parut faire une réflexion
et dit, d’un air un peu embarrassé, en se retournant vers M. Cheney : « Je
dois vous avertir, Monsieur, que, comme il restait justement une petite place
au-dessus du cercueil de Mme ***, j’y ai mis le petit cercueil de l’enfant
de L... Je pense que cela n’a pas d’importance, mais peut-être aurais-je
mieux fait de vous en prévenir. Ce n’est que depuis hier qu’il est placé là.
»
«
Jamais je n’oublierai le coup d’œil que me lança M. Cheney, lorsqu’il me
dit, en se tournant vers moi : « Mon Dieu,
c’est donc bien vrai ! »
« Le soir même, nous eûmes une nouvelle manifestation de l’Esprit, qui vint nous dire : « Ne croyez pas que j’attache la moindre importance au cercueil placé sur le mien ; on y empilerait toute une pyramide de cercueils que cela me serait parfaitement égal. Mon unique but était de vous prouver une fois pour toutes mon identité, de vous amener à la conviction absolue que je suis toujours un être vivant et raisonnable, la même E... que j’ai toujours été. C’est la seule raison qui m’a fait agir comme je l’ai fait. »
«
« «
Tous les faits que nous venons de citer sont entourés des garanties nécessaires pour en assurer l’authenticité. La plupart d’entre eux ont été soumis à la critique la plus rigoureuse. Nous aurions pu y joindre beaucoup d’autres cas semblables, si le cadre de ce travail ne nous imposait des limites restreintes.
En résumé, nous pouvons dire que les preuves de la survivance abondent pour ceux qui les recherchent d’un cœur sincère, avec intelligence et persévérance. Ainsi, la notion d’immortalité se dégage peu à peu des ombres accumulées par les sophismes et les négations, et l’âme humaine s’affirme dans sa réalité impérissable.
L’univers infini devient notre patrie éternelle. La vaste perspective des temps se déroule devant nos regards comme le champ de nos travaux, de nos études, de nos progrès. Et, quand cette certitude a pénétré dans notre esprit, aucun découragement, aucune crainte ne peut plus nous atteindre, ni dans cette vie, ni dans les vies innombrables que la destinée nous contraint à parcourir.
[1] Proceedings de la S. P. R., reproduits, par M. SAGE, Madame Piper, pp. 243, 244.
[2] Proceedings de la S. P. R., reproduits par M. SAGE, Madame Piper, pp. 243, 244.
[3] Expériences de M. Hyslop. Revue scientifique et morale, décembre 1902, p. 371.
[4] Animisme et Spiritisme, p. 332.
[5] Idem, pp. 555 à 559.
[6] Voir G. DELANNE, Recherches sur la médiumnité, p. 463.
[7] Voir STAITON MOSES, Enseignements spiritualistes, pp. 21 et suiv., et aussi L. DENIS, Problème de l'Être et de la Destinée.
[8] Voir Proceedings, vol. XII, XIII, XIV, XV (résumés dans chap. XIX, Trance, p. 313 et suiv.)
[9] Voir Annales des Sciences psychiques, 1er avril 1910.
[10] D'après les Annales des Sciences psychiques, 16 avril 1910.
[11]Voir Annales des Sciences psychiques, mai 1910. Cas d'identification recueillis par M. Bozzano.
[12] Pages 280 et suiv.
[13] Voir chap. XIX, p. 303.
[14]Animisme et Spiritisme, p. 542.
[15] Compte rendu du IVème Congrès international de psychologie, rapport du docteur Pascal, p. 710, et Lotus bleu, 27 octobre 1900, p. 277.
[16]Revue spirite, janvier et février 1903.
[17]Abréviation de Benjamin.
[18]AKSAKOF, Animisme et Spiritisme, p. 568.
[19] Voir aussi le Médium Home, par LOUIS GARDY, pp. 78 à 83.
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