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Depuis cinquante ans, une communication intime et fréquente
s’est établie entre le monde des hommes et celui des Esprits. Les voiles de
la mort se sont entr’ouverts ; au lieu d’une face lugubre, c’est un
visage souriant et bon qui nous est apparu. Les âmes ont parlé ; leur
langage a consolé bien des tristesses, apaisé bien des douleurs, relevé bien
des courages défaillants. La destinée humaine s’est révélée, non plus
dure, impitoyable, comme le voulaient d’antiques croyances, mais attirante, équitable,
éclairée pour tous des rayons de la divine miséricorde.
Le spiritisme s’est répandu. Il a envahi le monde.
D’abord méprisé, honni, il a fini par attirer l’attention, par éveiller
l’intérêt. Tous ceux que ne retenaient pas les lisières du préjugé et de
la routine et qui l’ont abordé avec franchise, ont été conquis par lui.
Maintenant, il pénètre partout, s’assied à toutes les tables, prend place
à tous les foyers. A ses appels, les vieilles forteresses séculaires, la
science et l’Eglise[1], elles-mêmes, hermétiquement
fermées jusqu’ici, abaissent leurs murailles, entre-bâillent leurs issues.
Bientôt il s’imposera comme un maître.
Qu’apporte-t-il avec lui ? Est-ce toujours et
partout l’espérance, la lumière, la vérité? A côté des consolations qui
tombent sur l’âme comme la goutte de rosée sur la fleur, à calé du rayon
qui dissipe les angoisses du chercheur et éclaire le chemin, n’y a-t-il pas
aussi une part d’erreurs et de déceptions ?
Le spiritisme sera ce que le feront les hommes. Similia
similibus ! Au contact de l’humanité, les vérités les plus hautes
se dénaturent parfois et se voilent. Elles peuvent devenir une source d’abus.
La goutte de pluie, suivant le point où elle tombe, reste perle ou devient
boue.
Une cause d’inquiétude pour nous, c’est la
tendance de certains adeptes à négliger le côté, élevé du spiritisme, la
source des purs enseignements et des hautes inspirations, pour se confiner dans
l’expérimentation terre à terre, dans la recherche exclusive du phénomène
physique.
On voudrait coucher le spiritisme dans le lit étroit
de la science officielle ; mais celle-ci, tout imprégnée des théories
matérialistes, répugne à cette alliance. L’étude de l’âme, déjà
difficile et profonde, est restée lettre close pour elle. Ses méthodes, dans
leur indigence, ne se prêtent pas davantage à l’étude, plus vaste, du monde
des Esprits. La science de l’invisible débordera toujours les méthodes
humaines. Il y a, dans le spiritisme, un côté, non le moindre, qui échappe au
contrôle, à l’analyse : c’est l’action de l’Esprit libre dans
l’espace ; c’est la nature des forces dont il dispose.
Lentement, une science nouvelle se dégage des études
spirites ; mais à l’esprit de recherche scientifique, il faut joindre
l’élévation de la pensée, le sentiment, les élans du cœur. Sans quoi, la
communion avec les Etres supérieurs devient irréalisable ; toute aide de
leur part, toute protection efficace fait défaut. Or, tout est là, dans
l’expérimentation. Il n’est pas de succès possible, pas de résultat assuré
sans l’assistance et la protection d’en haut. On ne l’obtient que par
l’entraînement mental, par une vie pure et digne.
Tout adepte doit savoir que la règle par excellence
des rapports avec l’invisible, c’est la loi des affinités et des
attractions. Dans ce domaine, celui qui cherche les choses basses les trouve et
s’abaisse avec elles ; celui qui aspire aux hautes cimes, les atteint tôt
ou tard et en fait un nouveau moyen d’ascension. Si vous voulez des
manifestations d’un ordre élevé, faites, effort pour vous élever vous-même.
L’expérimentation, en ce qu’elle a de beau et de grand, la communion avec
le monde supérieur ne réussit pas au plus savant, mais au plus digne, au
meilleur, à celui qui a le plus de patience, de conscience, de moralité !
En rapetissant le spiritisme, en lui imprimant un
caractère exclusivement expérimental, on croit donner satisfaction à
l’esprit positif du siècle, on espère attirer les savants vers ce qu’on a
nommé le psychisme. Par là, on réussit surtout à se mettre en rapport avec
les éléments inférieurs de l’au-delà, avec cette foule d’Esprits arriérés,
dont l’influence funeste enveloppe, opprime les médiums, les pousse à la
fraude, répand sur les expérimentateurs des effluves malfaisants et, souvent,
avec eux, l’erreur et la mystification.
Dans une ardeur de prosélytisme louable, sans doute,
quant au sentiment qui l’inspire, mais excessive et dangereuse dans ses conséquences,
on veut des faits à tout prix. Dans l’agitation nerveuse avec laquelle on
poursuit le phénomène, on en vient à proclamer vrais des faits fictifs ou
douteux. Par les dispositions mentales qu’on apporte dans les expériences, on
attire à soi les Esprits légers, qui pullulent autour de nous. Les
manifestations de mauvais goût, les obsessions se multiplient. Nombre d’expérimentateurs
deviennent victimes des énergies qu’ils croient maîtriser. Nombre de
spirites, de médiums, faute de méthode et d’élévation morale, deviennent
les instruments des forces inconscientes ou des Esprits mauvais.
Les abus sont nombreux, et les adversaires du
spiritisme trouvent là les éléments d’une critique perfide et d’un facile
dénigrement.
L’intérêt et la dignité de la cause commandent de
réagir contre cette expérimentation banale, contre cette marée montante de phénomènes
vulgaires, qui menace de submerger les sommets de l’idée.
«
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Le spiritisme représente une phase nouvelle de l’évolution
humaine. La loi qui, à travers les temps, a porté les différentes fractions
de l’humanité, longtemps séparées, à se rapprocher graduellement, cette
loi commence à faire sentir ses effets dans l’au-delà. Les modes de
correspondance qui relient les hommes vivants sur la terre s’étendent peu à
peu aux habitants du monde invisible, en attendant qu’ils atteignent, par des
procédés nouveaux, les familles humaines qui peuplent les terres de
l’espace.
Toutefois, dans les agrandissements successifs de son
champ d’action, l’humanité se heurte à de nombreuses difficultés. Les
rapports, en se multipliant, n’amènent pas toujours des résultats favorables
; ils présentent aussi des dangers, surtout en ce qui touche le monde occulte,
plus difficile à pénétrer, à analyser, que le nôtre. Là, comme ici, le
savoir et l’ignorance, la vérité et l’erreur, la vertu et le vice se mêlent,
avec cette aggravation que, tout en faisant sentir leur influence, ils restent
masqués à nos yeux. De là, la nécessité d’aborder le terrain de l’expérimentation
avec une extrême prudence, après de longues et
patientes études.
Il faut unir les connaissances théoriques à
l’esprit de contrôle et à l’élévation morale pour être apte à
discerner, dans le spiritisme, le bien du mal, le vrai du faux, la réalité de
l’illusion. Il faut se rendre compte du véritable caractère de la médiumnité,
des responsabilités qu’elle entraîne, des fins en vue desquelles elle nous
est accordée.
Le spiritisme n’est pas seulement la démonstration,
par les faits, de la survivance ; c’est aussi la voie par où les inspirations
du monde supérieur descendent sur l’humanité. A ce titre, il est plus
qu’une science ; c’est l’enseignement du ciel à la terre, la
reconstitution agrandie et vulgarisée des traditions secrètes du passé, le réveil
de cette école prophétique qui fût la plus célèbre école de médiums, de
l’Orient. Avec le spiritisme, les facultés qui furent autrefois le privilège
de quelques-uns, se répandent sur un grand nombre. La médiumnité se propage,
mais, à côté des avantages qu’elle procure, il ne faut pas se dissimuler
ses écueils et ses dangers.
En réalité, il y a deux spiritismes. L’un nous met
en communication avec les Esprits supérieurs et, aussi, avec les âmes chères
que nous avons connues sur la terre et qui firent la joie de notre existence.
Par lui s’effectue la révélation permanente, l’initiation de l’homme aux
lois suprêmes. C’est la source puissante de l’inspiration, la descente de
l’Esprit dans l’enveloppe humaine, dans l’organisme du médium qui, sous
l’influence sacrée, peut faire entendre des paroles de vie et de lumière,
sur la nature, desquelles on ne saurait se méprendre, car elles pénètrent et
réchauffent l’âme ; elles éclairent les obscurs problèmes de la
destinée. L’impression de grandeur qui se dégage de ces manifestations
laisse toujours une empreinte profonde dans les intelligences et dans les cœurs.
Ceux qui ne l’ont jamais ressentie ne peuvent comprendre ce qu’est le véritable
spiritisme.
Puis, il y a un autre genre d’expérimentation,
frivole, mondain, qui nous met en contact avec les éléments inférieurs du
monde invisible et tend à amoindrir le respect dû à l’au-delà. C’est une
sorte de profanation de la religion de la mort, de la manifestation solennelle
de ceux qui ont quitté l’enveloppe de chair.
Cependant, il faut le reconnaître, ce spiritisme de
bas étage a encore son utilité. Il nous familiarise avec tout un côté du
monde occulte. Les phénomènes vulgaires, les manifestations triviales
fournissent parfois des preuves éclatantes d’identité ; des traits
caractéristiques s’en dégagent et forcent la conviction des chercheurs. Mais
on ne doit s’y attacher que dans la mesure où cette étude nous est
profitable, où notre action peut s’exercer d’une manière efficace sur les
Esprits arriérés qui les produisent. Leur influence est malsaine et déprimante
pour les médiums. Il faut aspirer plus haut, monter par la pensée vers des régions
plus pures, vers les hautes demeures de l’esprit. Là seulement l’homme
trouve les véritables consolations, les secours, les forces spirituelles.
On ne saurait trop le rappeler. Dans ce domaine, nous
n’obtenons guère que les effets de notre ordre. Tout homme qui, par ses désirs,
par ses appels, entre en relations avec le monde invisible, attire fatalement à
lui des êtres en affinité avec son propre état mental et moral. Le vaste
empire des âmes est peuplé d’entités bienfaisantes et malfaisantes ;
elles s’étagent à tous les degrés de l’échelle infinie, depuis les âmes
les plus basses et les plus grossières, celles qui confinent à l’animalité,
jusqu’aux nobles et purs Esprits, messagers de lumière, qui vont porter à
tous les rivages du temps et de l’espace les radiations de la pensée divine.
Si nous ne savons ou ne voulons pas orienter nos aspirations, nos vibrations
fluidiques, vers les êtres supérieurs et obtenir leur assistance, nous restons
à la merci des influences mauvaises qui nous entourent ; dans bien des
cas, elles ont mené l’expérimentateur imprudent aux pires déceptions.
Si, au contraire, nous dégageant par la volonté des suggestions inférieures, éloignant de nous les préoccupations puériles, égoïstes, matérielles, nous cherchons dans le spiritisme un moyen d’élévation et de perfectionnement moral, alors nous pourrons entrer en communion avec les grandes âmes, messagères de vérité ; des fluides vivifiants, régénérateurs, descendront en nous ; des souffles puissants nous porteront jusqu’aux régions sereines d’où l’esprit contemple le spectacle de la vie universelle, la majestueuse harmonie des lois et des mondes.
[1] Voir l'ouvrage de Mgr CHOLLET, évêque de Verdun : Contribution de l'occultisme à l'anthropologie. Lethielleux, édit., Paris, sans date.
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