Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


Chapitre V
Le témoignage de l’insecte

Il suffit de considérer avec attention l'insecte pour comprendre le néant des théories anciennes ou modernes sur la création des espèces ou sur leur évolution.
A la conception de transformations perpétuelles par des variations lentes et infinies, le témoignage de l'insecte oppose son apparition dès les premiers âges de la vie terrestre et, en tous cas, la stabilité essentielle de ses espèces, une fois apparues.
A la conception de révolution par les facteurs classiques de sélection et d'adaptation, le témoignage de l'insecte oppose l'abîme qui le sépare de sa larve, abîme dans lequel se perdent sans recours les théories darwiniennes ou lamarckiennes. Il oppose également le spectacle, par elles inexplicable, de ses instincts primaires, déconcertants et merveilleux.
A la conception de l'évolution par le jeu des agents extérieurs, le témoignage de l'insecte oppose ses transformations formidables, mais pour ainsi dire spontanées, dans une chrysalide close, soustraite, dans une très large mesure, à l'action de ces agents extérieurs.
A la conception de l'évolution continue et ininterrompue par « assimilation fonctionnelle », le témoignage de l'insecte oppose ses transformations et ses métamorphoses, ses altérations progressives ou régressives pendant sa vie larvaire. Il oppose, surtout, dans sa chrysalide, l'incroyable phénomène de l'histolyse, réduisant la plupart de ses organes en une bouillie amorphe avant les transformations imminentes.
Ce témoignage stupéfiant, en nous apprenant que ni les formidables modifications larvaires ni la mystérieuse histolyse ne compromettent en rien la morphologie future de l'insecte parfait, renverse toutes nos conceptions sur l'édification de l'organisme comme sur les transformations des espèces .
L'insecte nous offre ainsi, dans toute sa biologie, comme le symbole de ce qu'est en réalité, nous le verrons, l'évolution : il nous prouve que la cause essentielle de cette dernière ne doit être cherchée ni dans l'influence du milieu ambiant ni dans les réactions, vis-à-vis du milieu ambiant, de la matière organique ; mais qu'elle réside dans un dynamisme indépendant de cette matière organique, supérieur et directeur.
Il nous montre l'évolution s'effectuant surtout par une poussée intérieure, bien distincte de l'influence ambiante, par un effort primordial certain, mais encore mystérieux, et pour le naturalisme classique, absolument inexplicable.
Ce n'est pas tout : le témoignage incomparable de l'insecte, en même temps qu'il met en échec les théories naturalistes contemporaines, contredit également l'antique conception de la création providentielle.
En effet, la caractéristique principale de l'insecte, au point de vue psychologique, est de posséder l'instinct presque pur, presque sans trace d'intelligence. Or, il se trouve que cet instinct, pur et resté pur pendant les siècles des siècles, est marqué par une férocité raffinée, formidable, sans équivalent dans le reste de l'animalité et en même temps, pourtant, parfaitement innocente.
Cette férocité serait donc, s'il y avait un créateur responsable, l'oeuvre pure, l'oeuvre immaculée de ce créateur, dont la création apparaîtrait alors comme le miroir[1]...
On voit qu'il vaut la peine de considérer l'insecte et de mettre en valeur son témoignage. Si ce témoignage n'avait pas été si négligé, il aurait évité à la philosophie bien des erreurs. Malheureusement, comme dit Schopenhauer : « On ne comprend pas le langage de la nature, parce qu'il est trop simple ! »

[1] Un témoignage analogue à celui de l'insecte est celui de certaines espèces de mollusques ou de crustacés. Les animaux de ces espèces subissent, on le sait, avant d'arriver à l'état adulte, des modifications extraordinaires, par des adaptations très diverses. Et cependant le développement futur de ces animaux se poursuit, en dépit de leurs métamorphoses, comme assuré par un principe directeur, inaltéré et immanent.
Nous verrons que l'idéalisme philosophique, basé sur les faits, est complètement dégagé des vieilles conceptions de la théologie dogmatique.

 

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