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CONCLUSION
Si, maintenant, au terme de notre tâche, nous jetons
un coup d'oeil d'ensemble sur le chemin parcouru, nous trouvons une raison majeure
de croire à la fois au sens optimiste de l'univers et à la vérité
de l'interprétation, dans ses grandes lignes, que nous en avons donnée.
Une seule hypothèse, celle du dynamo-psychisme essentiel s'objectivant
en représentations et passant, de par ces représentations, de
l'inconscient au conscient, nous suffit pour tout comprendre, dans la seule
limite de nos facultés actuellement réalisées.
Considérons ce que permet cette hypothèse ; en physiologie, elle
rend compte, par la notion précise et démontrée d'un dynamisme
centralisateur et directeur, de l'édification de l'organisme, de sa forme
spécifique, de son fonctionnement, de son maintien, de ses réparations,
de ses métamorphoses embryonnaires, des lois de l'hérédité,
des actions dynamiques extra-corporelles, des phénomènes d'extériorisation,
des matérialisations idéoplastiques.
En psychologie, par la démonstration d'un psychisme supérieur
indépendant du fonctionnement cérébral et la distinction
du moi d'avec les états de conscience, elle interprète clairement
la complexité du mental, les différenciations entre la conscience
et la subconscience; explique toutes ces énigmes : dissociations de la
personnalité, modalités du psychisme subconscient, innéité,
cryptopsychie, crvptomnésie, inspiration, génie, instinct et intuition.
Elle interprète l'hypnotisme, le supra normal, le médiumnisme,
les actions mento-mentales, la télépathie et la lucidité.
Elle donne même la clé des états névropathiques et
de la folie essentielle, étals dont la pathogénie était
restée l'opprobre de la médecine.
En sciences naturelles, elle révèle le facteur essentiel et primordial
de l'évolution et remet à leur place exacte les facteurs classiques
d'adaptation et de sélection. Elle fait comprendre l'origine des espèces
et dégage les lois de la finalité naturelle, de la finalité
acquise.
En philosophie, enfin, elle donne de l'univers et de l'individu, de leur destinée
et de leur fin, une interprétation adéquate à tous les
faits ; débarrassée du verbalisme et des abstractions. Elle ébauche
la démonstration précise de la grande hypothèse métaphysique
sur la nature des choses.
Elle apporte au problème du mal, pierre d'achoppement de toutes les théologies,
une solution à la fois très simple, très claire et parfaitement
satisfaisante.
En révélant à l'individu la raison de ses souffrances,
elle lui confirme la légitimité de ses espérances de justice
et de bonheur et lui en affirme la réalisation dans le développement
indéfini de la conscience éternelle. Sans doute, dans toutes ces
explications et démonstrations, il ne faut chercher encore que les grandes
lignes, ne voir qu'une synthèse d'ensemble. Une immense quantité
de détails restent à connaître. Un formidable travail d'analyse
est tout entier à exécuter. Mais ce travail, qui semblait jusqu'à
présent dépasser les forces humaines, sera facilité désormais
par l'idée générale.
La doctrine de l'Inconscient au Conscient, sa systématisation bien établie
sera le fil d'Ariane, guide ténu, mais subtil et sûr.
Sans doute surtout, il reste à élucider les grandes énigmes
de la métaphysique ; mais dès maintenant, du moins, l’illusion
de l'inconnaissable est dissipée.
L'esprit humain connaît ses faiblesses actuelles, mais il sait aussi,
désormais, ses potentialités. Il ne cherchera plus la réponse
à ces grandes énigmes dans une intuition, forcément limitée
et faillible, ni dans de puériles « initiations » ni dans
des dogmes surannés. Il attend tout du développement ininterrompu
de la conscience. Il sait qu'il viendra un temps où cette conscience,
suffisamment vaste, sera capable, dans un effort suprême, de briser toutes
les limitations ; d'atteindre même l'inaccessible, de comprendre même
l'incompréhensible : la chose en soi ; l'infini ; Dieu.
En attendant et dès maintenant, l'esprit humain peut trouver, dans l'ébauche
de la philosophie scientifique, une satisfaction qu'il n'avait pas encore connue,
parce que cette ébauche découle d'un calcul de probabilité
basé sur tous les faits ; en accord avec tous les faits.
Il semble impossible qu'une erreur générale soit le résultat
de l'accord de faits ; que la conclusion soit fausse alors que tous les prémisses
sur lesquelles elle repose sont bien établis et irréfutables.
Comme l'a écrit Schopenhauer : « Le déchiffrement du monde
dans ses rapports à ce qui y apparaît doit trouver sa confirmation
en lui-même, dans l'unité qu'il établit entre les phénomènes
si divers de la nature, unité qu'on n'apercevrait pas sans lui. Lorsqu'on
se trouve en présence d'une écriture dont l'alphabet est inconnu,
on poursuit les essais d'explications jusqu'à ce qu'on soit arrivé
à une combinaison donnant des mots intelligibles et des phrases cohérentes.
Alors aucun doute ne demeure sur l'exactitude du déchiffrement ; car
il n'est pas possible d'admettre que l'unité établie entre tous
les signes de l'écriture soit l'oeuvre du pur hasard et qu'elle pût
être réalisée en donnant aux diverses lettres une valeur
toute autre. D'une manière analogue, le déchiffrement du monde
doit porter sa confirmation en lui-même. Il doit répandre une lumière
égale sur tous les phénomènes du monde et accorder ensemble
même les plus hétérogènes, de sorte que toute opposition
disparaisse entre les plus divers. Cette confirmation intrinsèque est
le critérium de l'interprétation ».
Comme Schopenhauer, nous réclamons, pour notre oeuvre, l'épreuve
de ce critérium. Qu'est-elle, en effet, notre oeuvre, sinon la suite
logique de la sienne, son adaptation à tous les faits nouveaux ? Nous
n'avons rien changé d'essentiel à sa philosophie : nous lui apportons
simplement l'ébauche d'une démonstration scientifique de sa vérité
et nous lui offrons son complément naturel : une réforme idéaliste
imposée par les découvertes contemporaines.
Ainsi compris, notre livre « De l'Inconscient au Conscient » ne
pouvait être qu'un plan et ce plan devra subir bien des retouches, être
peu à peu mis au point et complété.
Mais son mérite est d'indiquer, de laisser entrevoir, du moins, ce que
sera un jour, une fois parachevé, le monument de la philosophie scientifique,
la justesse de ses proportions, l'harmonie de son ensemble et sa beauté.
Cette beauté, cette harmonie, symboles de vérité, promettent
plus qu'une satisfaction de l'esprit et du coeur, comportent plus qu'une émotion
scientifique ou métaphysique : une émotion profondément
et intensément religieuse, dans toute la force et la bonne signification
du terme.
« La religion particulière aux philosophes, a écrit Averrhoes,
est d'étudier ce qui est ; car le culte le plus sublime qu'on puisse
rendre à Dieu est la connaissance de ses oeuvres, laquelle nous conduit
à le connaître lui-même dans toute sa réalité.
C'est là, aux yeux de Dieu, la plus noble des actions, tandis que l'action
la plus vile est de taxer d'erreur et de vaine présomption celui qui
rend à la divinité ce culte plus noble que tous les autres cultes
; qui l'adore par cette religion, la meilleure de toutes les religions. »
Sous l'égide de ces belles paroles, je présente avec confiance
mon livre, à titre égal, aux croyants, aux philosophes et aux
savants. Il s'adresse, en effet, par-dessus les divergences d'opinions ou de
méthodes, à tous ceux qui ont au coeur le culte de l'Idéal.
Taourirt-Paris 1915-1918
FIN
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