Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec

Chapitre IV
Réalisation du souverain bien

Dans l'évolution telle que nous l'avons comprise, la réalisation progressive du souverain bien apparaît avec une évidence indiscutable.
Alors que le pessimisme rationnel provenait d'une vue fragmentaire, et par conséquent faussée de l'univers, les conclusions contraires, toutes d'un idéalisme optimiste, ressortent de sa vision étendue et complète.
Cette vision synthétique permet, avant tout, la solution aisée et totale du problème du mal.
Tout d'abord, avec l'idée palingénésique, le mal n'a plus l'importance absolue, intégrale, définitive, qui lui était attribuée. Le mal n’a jamais qu'une importance relative et il est toujours réparable.
Considérons le plus grand des maux apparents : la mort.
La mort non seulement n'est plus « le roi des épouvantements » mais elle perd totalement le caractère de malédiction que lui avait imprimé l'aveuglement de la créature, bornée par ses organes grossiers et enfermée dans les limites de l'illusion matérielle.
Dans l'évolutionnisme palingénésique, la mort n'est plus un mal, sauf quand elle est prématurée et apporte une gêne et un retard dans l'évolution individuelle.
Intercalée dans le jeu normal de la vie éternelle, survenant à son heure, quand l'organisme a donné tout son rendement, la mort est la grande régulatrice. Elle place l'individu, nous l'avons déjà dit, dans des conditions d'effort successif très variées et empêche ainsi le développement conscientiel dans un sens unilatéral. La mort a un autre rôle encore, non moins utile, bien que l'Etre aveugle se refuse généralement à en comprendre la nécessité ou même se révolte contre elle ; la mort brise des liens qui, sans elle, tendraient précisément à maintenir l'Etre dans la voie unique de sa dernière vie ; dans la limitation même dont il a subi l'empreinte.
Sans doute cette brisure est douloureuse ; elle sépare brutalement l'Etre de ses habitudes, de ses moyens et de ses affections ; mais ce sacrifice, relatif et réparable, est indispensable au progrès.
La brisure est loin d'ailleurs d'être toujours un mal ; en même temps qu'elle prive l'être de ces moyens bienfaisants, elle l'arrache aussi aux contingences nuisibles, à la jalousie, à la haine, à la maladie, à l'impuissance ; ou simplement à une ambiance stérilisatrice. Elle force l'Etre de laisser, avec un organisme usé, des habitudes transmuées désormais en routine stérile.
Un autre mal apparent, de même ordre que la mort, c'est l'ignorance où est l'Etre incarné de sa situation réelle, et l'oubli du passé, du long passé. Comme la mort, et nous l'avons déjà démontré, cette ignorance, cet oubli sont les conditions essentielles du progrès évolutif.
Ce qui est vrai de la mort et de l'ignorance est vrai de tous les maux.
Avec l'idée palingénésique, le mal, on ne saurait trop le répéter, perd le caractère d'absolu, d'irréparable qui le rendait insupportable.
Envisagé à la lumière de cette idée, le monde, la vallée des misères et des larmes, apparaît sous un aspect tout différent.
Sans doute, la douleur est encore partout ; mais la douleur permanente n'est plus. Il n'y a plus de catastrophes totales. De même qu'il n'y a pas d'anéantissement, il n'y a pas de mal absolu dans l'évolution palingénésique. Il y a de mauvaises vies, comme dans une vie isolée il y a de mauvais jours : mais, somme toute, les contingences heureuses ou malheureuses s'équilibrent dans l'ensemble et sont sensiblement égales pour tous.
Dès lors, on comprend le pourquoi et le comment du mal. Le mal n'est pas le résultat de la volonté, de l'impuissance ou de l'imprévoyance d'un créateur responsable.
Le mal n'est pas davantage le résultat d'une déchéance.
Le mal est l'accompagnement inévitable de l'éveil de la conscience. L'effort nécessaire pour le passage de l'inconscient au conscient ne peut pas ne pas être douloureux, Chaos, tâtonnements, luttes, souffrances ; tout cela est la conséquence de l'ignorance primitive et de l'effort pour en sortir. L'évolution n'est que la constatation de ces tâtonnements, de ces luttes, de ces souffrances. Mais si elle a sa base dans l'inconscience, l'ignorance et le mal, elle a son sommet dans la lumière, le savoir, le bonheur.
Le mal, en un mot, n'est que la mesure de l'infériorité des êtres et des mondes.
Il est, dans les phases inférieures de leur évolution, la rançon de ce bien suprême : l'acquisition de la conscience.
Le mal n'ayant qu'un caractère essentiellement provisoire, il n'est pas difficile de se faire une idée de ce que sera le bien futur, réalisé dans les phases supérieures de l'évolution.
Tout d'abord, aura disparu l'idée de l'anéantissement. On ne craindra plus la mort, ni pour les siens, ni pour soi. On l'envisagera comme aujourd'hui on envisage le repos de la fin de la journée, c'est-à-dire comme une simple condition, d'ailleurs bienfaisante, de l'activité du lendemain.
On n'aura du reste, nulle raison de désirer sa venue prématurée, car la vie sera marquée par une large prédominance d'événements heureux, et une grande raréfaction des occasions de souffrance.
La maladie sera vaincue ; les accidents exceptionnels. La vieillesse, retardée, ne sera plus la hideuse dévastatrice, empoisonnant l'existence de ses tares ou de ses infirmités. Au lieu de commencer ses ravages, comme maintenant, avant même la maturité, elle ne surviendra que dans les dernières années, laissant à l'homme, jusqu'au bout, ses forces physiques et intellectuelles, sa santé et son enthousiasme»
L'organisme se sera, au fur et à mesure du développement conscientiel, sinon transformé, du moins perfectionné et idéalisé. Le type de beauté physique sera la règle, avec une variété infinie empêchant toute monotonie.
Les causes de souffrance, dues à la nature, aux nécessités vitales et physiologiques, à un état social et humain encore digne des sauvages, seront très atténuées, grâce aux progrès de tout ordre.
Les souffrances morales auront, elles-mêmes, diminué de fréquence et d'importance. On conçoit mal, dans une humanité évoluée, les peines sans nombre dues aujourd'hui à la haine, à la jalousie, à l'amour. On ne conçoit plus l'amour comme autre chose que ce qu'il devrait être : une source de joies ; alors qu'il est actuellement la grande cause de souffrances et trop souvent assimilable à la pire des maladies mentales !
Les souffrances qu'on peut appeler d'ordre philosophique, enfin, disparaîtront par le seul fait que l'humanité aura des choses, de la destinée et de la fin de l'univers, de sa propre destinée et de sa propre fin, une vision nette, précise et vraie.
En même temps que la diminution et la raréfaction des causes de souffrance, se manifestera, naturellement et nécessairement, un accroissement corrélatif des couses de joie.
Le développement intuitif et conscientiel, psychique et métapsychique, esthétique et moral décupleront les émotions heureuses ; ils rendront possible et certaine une moisson de bonheur encore insoupçonnée.
La réalisation du souverain bien, en un mot, accompagnera, nécessairement et inévitablement la réalisation de la souveraine conscience et de la souveraine justice.

 

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