Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec



Chapitre II
Explication des difficultés évolutives

Si nous reprenons chacune des difficultés de l'évolution dans le transformisme classique, nous les verrons disparaître à la lumière de la conception que nous venons d'exposer.
On comprend ce qu'est l’apparition d'un monde et son évolution, formidable matérialisation du dynamo-psychisme universel.
— On comprend comment le plus peut sortir du moins : puisque l'immanence créatrice, qui est forcément à l'essence même des choses, possède toutes les capacités potentielles de réalisation.
— On comprend l’origine des espèces et des instincts par l'élan vital de l'immanence créatrice. L'évolution est ainsi marquée par une véritable matérialisation de l'idée, matérialisation progressive discontinue ; poussée d'abord anarchique et inconsciente, puis subconsciente et « lucide », conforme aux nécessités évolutives, s'effectuant d'après une sorte de finalité acquise, quoique irraisonnée, et finalement, dans l'avenir, consciente et voulue.
— On comprend les transformations brusques créatrices des espèces, et la cristallisation immédiate et définitive des caractères essentiels des nouvelles espèces, par le fait que la poussée créatrice serait discontinue, sinon en fait, du moins en apparence et en apparence intermittente.
A la question : pourquoi la poussée créatrice est-elle intermittente ? Il est facile en effet de répondre : elle n'est intermittente que dans ses manifestations apparentes : elle est continue, quoique latente dans l'intervalle de ses manifestations.
Ainsi l'apparition d'une espèce nouvelle est préparée et déterminée par une élaboration subconsciente, qui passe inaperçue. Elle se fait peu à peu dans l'Idée directrice avant d'être brusquement transposée dans la matière.
Ce fait n'a rien d'extraordinaire : s'il est vrai que la nature ne fasse pas de saut, il n'en est pas moins certain que, dans la nature, toute manifestation d'activité semble intermittente, précédée et suivie d'un repos apparent, pendant lequel se prépare, d'une manière obscure, un renouveau d'activité.
On peut comparer l’oeuvre de la nature à celle d'un artiste. La comparaison ne sera pas vaine et illusoire ; elle sera vraiment instructive, parce que le travail de la nature, comme le travail de l'artiste, est basé, avant tout, sur l'inconscient. L'un et l'autre affectent des modalités de même ordre.
Premier cas : l'artiste accueille ses inspirations subconscientes sans les provoquer, sans les contrôler, sans les juger, dans toute leur variété et leur intégrité. Ses productions seront caractérisées par une sorte d'exubérance luxuriante, incoordonnée et anarchique. Ce sera alors l'oeuvre de la critique de faire une sélection : quelques-unes seulement des productions de l'artiste iront à la postérité ; la plupart tomberont dans l'oubli ou resteront inaperçues et avortées.
C'est ce qui se passe dans la nature, pour la phase primaire de l'évolution : la poussée créatrice est d'abord anarchique et désordonnée. Une luxuriance formidable de formes primaires, végétaux ou animaux inférieurs, apparaît ainsi. Mais alors les forces naturelles, représentées par les facteurs classiques de l'évolution, font leur oeuvre de sélection et ne laissent subsister qu'une partie des formes primitives.
Deuxième cas : L'artiste ne dirige toujours pas consciemment, en majeure partie, ses inspirations ; il les subit. Mais ces inspirations ne sont plus anarchiques ; elles obéissent, dans une large mesure, aux suggestions inaperçues et multiples de l' « ambiance » où vit l'artiste ; aux désirs intimes réfléchis et irréfléchis, aux ambitions et aux besoins ; aux mille contingences du temps, du milieu et de la race, qu'il subit sans s'en douter. L'oeuvre subconsciente de l'artiste, même si elle n'est pas voulue par un acte précis de volonté, sera cependant ordonnée dans une large mesure et régularisée, concentrée pour ainsi dire. Il y aura pourtant place encore, à côté de réalisations magnifiques, pour des erreurs, des exagérations ou des oublis, des tâtonnements, etc..
D'autre part, l'influence ambiante nécessitera une longue maturation dans la subconscience, pour la mise au jour des productions nouvelles. Les oeuvres de l'artiste seront intermittentes et inégales. Ainsi en est-il dans la nature, depuis le premier degré de réalisation conscientielle. Les créations ne sont plus exubérantes et anarchiques. Les apparitions intermittentes des principales espèces et des instincts sont conformes aux nécessités ambiantes et aux besoins vitaux, obéissent à la finalité acquise. Mais il y a encore, tout comme dans l'oeuvre de l'artiste, à côté de réalisations géniales, des erreurs, des imperfections, des oublis, des exagérations, des tâtonnements...
Enfin troisième cas : L'artiste contrôle ses productions, et ces productions sont conformes, d'une façon parfaite, au sens esthétique, à l'élévation intellectuelle et morale, à l'éducation supérieure, à tout ce qui fait un génie à la fois lumineux, créateur et conscient. Cet artiste là n'existe pas encore. De même cette phase idéale n'est pas encore réalisée dans la nature.
Le génie conscient et la création supérieure, vraiment divinisée, seront le résultat de l'évolution future qui achèvera de résorber l'inconscient dans le conscient ; réalisera les formes de vie rigoureusement conformes à la loi supérieure, enfin dégagée et précise ; évitera les tâtonnements, les erreurs et le mal : connaîtra tout et pourra tout.
En somme : l'évolution collective, comme l'évolution individuelle, peut être résumée dans la formule : passage de l'inconscient au conscient.
Dans l'individu, l'être apparent, soumis à la naissance et à la mort, limité dans ses capacités, éphémère dans sa durée, n'est pas l'être réel ; il n'en est que la représentation illusoire, atténuée et fragmentaire.
L'être réel, apprenant peu à peu à se connaître lui-même et à connaître l'univers, c'est l'étincelle divine, en voie de réaliser sa divinité, infinie dans ses potentialités, créatrice, éternelle.
Dans l'univers manifesté, les différentes apparences des choses ne sont, elles-mêmes, que la représentation illusoire, atténuée et restreinte de l'unité divine se réalisant dans une évolution indéfinie.
La constitution des mondes et des individus n'est ainsi que la réalisation progressive de la conscience éternelle, par la multiplicité progressive de créations temporaires ou d'objectivations.

 

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