Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec



DEUXIEME PARTIE
L'évolution universelle

Chapitre I
Le passage de l’inconscient au conscient dans l’univers

Si l'évolution, considérée dans son ensemble, constitue aujourd'hui l’une des grandes hypothèses scientifiques les mieux établies, elle présente encore néanmoins, dans sa systématisation et dans sa philosophie, de sérieuses difficultés.
Le principe même de l'évolutionnisme, basé sur les preuves capitales tirées des sciences naturelles, défie toute réfutation tentée de bonne foi.
Par contre il est, dans la doctrine transformiste, telle qu'elle a été enseignée jusqu'à présent, des points faibles, de graves lacunes sur lesquelles spéculent ses adversaires. Ne pouvant plus ou n'osant plus attaquer l'évolutionnisme de front, ils gardent ainsi l'espoir d'en venir à bout par des voies détournées.
Il ne serait donc pas seulement puéril, il serait dangereux, au point de vue philosophique, de nier ou de dissimuler ces points faibles ou ces lacunes. Il importe, au contraire, en les mettant en pleine lumière, de chercher leur raison d'être et leur explication.
Les objections faites à l'évolutionnisme ne sont pas, je le répète, des objections de principe. Elles ne visent pas le fait même de révolution. Elles sont néanmoins redoutables, parce qu'elles ébranlent les deux piliers sur lesquels on avait basé le transformisme, c'est-à-dire ses notions classiques de causalité et de modalité.
C'est tout le mécanisme de l'évolution qui se trouve être maintenant sujet à révision. Ce mécanisme, on le sait, relevait de deux grandes hypothèses : l'hypothèse darwinienne et l'hypothèse lamarckienne.
L'hypothèse darwinienne attribuait un rôle essentiel à la sélection naturelle, c'est-à-dire à la survivance des plus aptes dans la lutte pour la vie ; les plus aptes étant ceux qui se distinguent de leurs congénères par un avantage physique ou psychologique relativement aux nécessités vitales ambiantes, et cet avantage étant apparu par hasard.
L'hypothèse lamarckienne accordait un rôle capital à l’influence du milieu, à l'usage ou au non-usage des organes ; au besoin, créateur de nouvelles fonctions et de nouveaux organes.
Ces deux causes classiques, parfaitement conciliables ou même complémentaires l'une de l'autre, impliquaient nécessairement la notion de modifications lentes, insensibles et innombrables, pour la formation progressive des diverses espèces, depuis la ou les formes primitives et élémentaires jusqu'à l'homme.
A ces deux hypothèses générales sont venues s'ajouter, de nos jours, d'innombrables théories secondaires, destinées soit à établir des lois particulières, telles que celles de l'hérédité ; soit à combattre les objections, sans cesse renaissantes et multipliées, que l'analyse rigoureuse des faits apportait à la conception classique du transformisme. Parmi ces théories, les unes se rattachent au darwinisme, les autres au lamarckisme, les autres éclectiquement aux deux systèmes. Les unes ne comportent que des explications purement mécaniques : les autres s'élèvent aux conceptions dynamiques ; quelques-unes enfin empiètent sur le domaine métaphysique[1].
Sur toutes, on peut porter le même jugement d'ensemble : elles font preuve d'une ingéniosité prodigieuse et d'une impuissance plus prodigieuse encore.
Je ne discuterai ni ces théories, ni leurs explications prétendues des difficultés du transformisme.
Les arguments innombrables, pour ou contre le transformisme, pour ou contre le naturalisme classique, qu'on a invoqués çà et là, ne sauraient comporter, tant qu'ils restent d'ordre secondaire, de conviction, ni de conclusion.
Fidèle à la méthode que j'ai exposée ci-dessus, je négligerai ces arguments de détails et considérerai seules, immédiatement et directement, les difficultés essentielles et primordiales, c'est-à-dire les seules difficultés réelles du transformisme. Peu importent les imperfections secondaires de l'édifice naturaliste ; il s'agit de voir si le corps même de cet édifice, sa charpente et ses clés de voûte, sont solides ou débiles.
Les difficultés capitales du transformisme classique sont au nombre de cinq.
En voici l'énumération :
1° Les facteurs classiques sont impuissants à faire comprendre l'origine même des espèces.
2° Les facteurs classiques sont impuissants à faire comprendre l’origine des instincts.
3° Les facteurs classiques sont incapables d'expliquer les transformations brusques créatrices de nouvelles espèces.
4° Les facteurs classiques sont incapables d'expliquer « la cristallisation » immédiate et définitive des caractères essentiels des nouvelles espèces ou des nouveaux instincts ; le fait que ces caractères, dans leurs grandes signes, sont acquis très rapidement et, une fois acquis, restent immuables.
5° Les facteurs classiques sont impuissants à résoudre la difficulté générale d'ordre philosophique relative à révolution qui, du simple fait sortir le complexe et du moins fait sortir le plus.
Etudions successivement ces cinq difficultés essentielles.


 

[1] Consulter surtout Delage et Goldsmith : Les théories de l'Evolution (Flammarion, éditeur). — Deperret : Les transformations du monde animal.

 

Chapitre suivant




Téléchargement | Bulletin
nous écrire | L’Agora Spirite