Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec

Chapitre III
Synthèse de l’individu

1° Représentations primordiales et secondaires
La conception rationnelle de l'individu, conception en accord avec tous les faits, est la suivante : pour la genèse de l'individu, le dynamo-psychisme essentiel s'objective en représentations primordiales hiérarchisées et se conditionnant les unes les autres. Les représentations primordiales sont, d'après nos connaissances actuelles :
Le mental,
Le dynamisme vital,
La substance organique unique[1]
Ces représentations primordiales se constituent elles-mêmes en représentations secondaires : le mental en états de conscience et pensées ; la substance unique en organes et cellules. Les représentations primordiales sont des cadres qui restent les mêmes de la naissance à la mort du groupement individuel.
Les représentations secondaires, au contraire sont en perpétuel état de renouvellement. Les cellules du complexus organique naissent, meurent, se succèdent avec une grande rapidité. Les états de conscience et les pensées se succèdent de même, s'associant, s'opposant, convergeant ou divergeant dans un chaos formidable, que seule ordonne et régularise la direction du moi.
Les derniers termes des représentations, cellules ou pensées ont, dans l'ensemble, leur autonomie, leur dynamisme propre, leur conscience ébauchée.
Les cellules ou pensées sont des « tout », des dynamo-psychismes parcellaires, des monades[2].
Les hiérarchies qui se constatent entre les représentations principales existent aussi, dans leur cadre, pour les représentations secondaires. Il y a une hiérarchie des tissus et une hiérarchie des groupements mentaux. Enfin, dans les cadres des représentations primordiales, cadres fixes et immuables pour la durée du groupement vital, il y a, pour les représentations secondaires, possibilité de représentations différentes des représentations accoutumées. Ainsi les tissus et organes de la substance unique peuvent se constituer en représentations formelles nouvelles dans les matérialisations métapsychiques. Ainsi les représentations mentales peuvent se constituer en personnalités secondes dans le psychisme anormal.
Dès lors tout devient clair, soit dans la conception de l'individu, soit dans les particularités multiples de sa physiologie ou de sa psychologie. Reprenons maintenant notre analyse de l'individu et de ses représentations. Etudions-les en détail.

2° Corps et dynamisme vital
Le corps, objectivation inférieure, représentation idéoplastique du moi, ne joue plus le rôle primordial et essentiel que lui assignait la psychophysiologie classique.
Les phénomènes connus de physiologie supra normale semblent établir que les diverses modalités anatomiques de l'organisme se ramènent à une représentation unique : la substance primordiale, qui n'est pas de la substance nerveuse, osseuse, musculaire, etc. mais qui est purement et simplement la substance.
Il y a là un champ d'études formidablement vaste. L'étude des modalités organiques devra être ainsi reprise sur un plan tout nouveau.
Cette substance organique est édifiée, développée, maintenue, réparée par le dynamisme vital, principe d'activité supérieure qui le conditionne.
Nous avons suffisamment démontré, dans l'étude de l'individualité physiologique, la réalité du dynamisme vital conçu comme indépendant du complexus organique et comme principe organisateur et directeur de ce complexus pour n'avoir pas à revenir sur cette démonstration.
Le dynamisme vital, d'autre part, a son existence propre, autonome, distincte de celle des principes dynamo-psychiques supérieurs de l'individu, démontrée par ses limitations, limitations dans l'espace et le temps, auxquelles échappent les principes supérieurs.
Sa puissance organisatrice, directrice, réparatrice ne dépasse, dans ses manifestations apparentes, ni la naissance ni la mort de l'organisme qu'elle conditionne. Elle leur est liée, du moins, de toute évidence, dans des limites étroites.
Dans l'édification de l'organisme, le dynamisme vital subit une double influence : l'influence du dynamo-psychisme supérieur du moi et l’influence héréditaire liée à la substance même, soit : l’influence idéoplastique active de l'Etre et l'influence idéoplastique passive, l'empreinte idéale marquée dans la substance par les générateurs.
Schopenhauer concevait déjà le processus de l'édification organique comme relevant réellement de l'idéoplastie active : « Les parties du corps doivent correspondre parfaitement aux principaux appétits par lesquels se manifeste la volonté ; elles doivent en être l'expression visible. Les dents, l'oesophage et le canal intestinal sont la faim objectivée ; de même, les parties génitales sont l'instinct sexuel objectivé ; les mains qui saisissent, les pieds rapides correspondent à l'exercice déjà moins immédiat de la volonté qu'ils représentent.
De même que la forme humaine en général correspond à la volonté humaine en général, la forme individuelle du corps, très caractéristique et très expressive par conséquent, dans son ensemble et dans toutes ses parties, correspond à une modification individuelle de la volonté, à un caractère particulier. »
Ce que nous devons ajouter simplement à cette conception de l'idéoplastie active, c'est que l'objectivation du dynamo-psychisme essentiel n'est pas immédiatement et primitivement une objectivation dans la matière. Elle est d'abord mentale. Puis, l'objectivation mentale se transpose en objectivation dynamique et l'objectivation dynamique crée à son tour la représentation organique.
Quant à l’idéoplastie passive, l'empreinte idéale génératrice, c'est toute l'hérédité. Elle joue un rôle très important dans l'édification de l'organisme, parce que, au niveau évolutif actuel, la volonté directrice du moi n'est pas capable de modifier les grandes fonctions physiologiques. Le corps et le dynamisme vital forment, dans le groupement individuel, comme un « bloc inférieur », autonome, sur lequel le contrôle du « bloc supérieur » n'est que partiel et relatif.
L'influence de l'idéoplastie active n'en est pas moins capitale. C'est elle qui assure à l'organisme sa destination et sa fin et qui adapte la cérébration, chez l'homme, au rôle normal qu'elle devra remplir.
Sans la direction supérieure, l'action du dynamisme vital, chez les êtres évolués et spécialement dans l'humanité, peut être déviée, faussée ou impuissante ; n'aboutir qu'à des formations avortées ou monstrueuses.
La formation embryonnaire de l'organisme, somme toute, apparaît comme une « matérialisation » régulière et normale tandis que la matérialisation métapsychique n’est qu’une formation idéoplastique irrégulière et anormale. L'édification de l'organisme peut se faire, d'ailleurs, normalement en dehors des conditions habituelles qui président à la génération des êtres les plus évolués.
Dans la parthénogenèse, dans la reproduction par boutures, le groupement des monades organiques et dynamiques se fait sans la conjonction d'un spermatozoïde et d'un ovule. Ces faits, en apparence déconcertants, peuvent aisément se comprendre avec les notions nouvelles :
ils prouvent simplement que le conditionnement corporel et dynamique du groupement individuel ne réside pas exclusivement dans la fécondation[3].
Une fois constitué, le dynamisme vital représente comme un emmagasinement, une provision de forces, étroitement limité dans sa durée comme dans sa puissance : dans sa durée, car ses capacités de réparation organique diminuent avec la maturité et n'empêchent pas le corps de se désagréger peu à peu dans l'usure de la vieillesse.
Dans sa puissance, car une lésion organique trop grave surpasse, même avant le terme final, ses capacités réparatrices et amène la fin prématurée du groupement corporel.
Il est remarquable que la limitation du dynamisme vital soit plus marquée chez les êtres supérieurs que chez les êtres inférieurs. Il est d'ailleurs possible qu'il y ait moins, chez ces derniers, puissance plus forte que spécialisation moins étroite.
En tout cas, l'étude du dynamisme vital chez les êtres inférieurs, végétaux ou protozoaires, nécessitera une étude spéciale, à cause de ses différences de propriétés et d'action.
Ce qui paraît certain, c'est que, chez l'être évolué, l'action réparatrice du dynamisme vital est infiniment plus faible que chez l'être inférieur, à cause de la centralisation étroite qui détourne, au profit presque exclusif des éléments nobles de l'organisme, du système nerveux, l'activité majeure de ce dynamisme[4].
Elle est loin d'avoir cette puissance prodigieuse que l'on note chez certains invertébrés, et même chez les vertébrés inférieurs, et qui se manifeste jusque dans la régénération de membres ou même de viscères.
Telle qu'elle est, elle est certainement susceptible de merveilles insoupçonnées, et s'il est prématuré d'envisager une thérapeutique nouvelle, basée sur la connaissance approfondie du dynamisme vital, il est permis d'en prévoir la possibilité.
Le rôle et la fin du « bloc inférieur » corps et dynamisme vital, dans le groupement individuel, semblent être de limiter l'activité du moi, de la spécialiser pour ainsi dire, de la déterminer dans un sens étroit. Tout se passe comme si chaque existence terrestre, chaque objectivation organique ou, si l'on veut, chaque « incarnation » était, pour l'activité de l'Etre, une limitation dans le temps, dans l'espace et dans les moyens. Ce serait comme une contrainte à une tâche étroite et spécialisée, à un effort quasi exclusif dans une seule direction. Nette au point de vue physiologique, la limitation est plus nette encore au point de vue psychologique.
Cette limitation est la cause de l'impuissance des facultés supra normales. Elle est la cause de la difficulté des manifestations de l'inspiration supérieure, intuitive, créatrice ou géniale. Elle est la cause de l'oubli, pour l'Etre, pendant la vie organique, de l'immense majorité des expériences acquises en tant que souvenirs ; la cause enfin de l'ignorance de sa situation réelle.
En effet, l'organe cérébral est indispensable pour le fonctionnement psychologique dans ses rapports avec le monde extérieur. Or, cet organe n'est capable que d'une activité restreinte et d'une capacité restreinte d'emmagasinement et de mémoire. A mesure que les impressions passagères subies s'effacent, la mémoire de ces impressions tend à disparaître elle-même de la conscience normale.
Cela est très net dans le cours d'une seule existence. A plus forte raison, d'une existence à l'autre, le cerveau nouvellement acquis ne peut plus vibrer harmonieusement avec les impressions passées et celles-ci, dans la vie normale, n'arrivent pas, sauf rares exceptions, au seuil de la conscience.
Ces oublis ne sont qu'apparents, puisque les souvenirs restent, intégralement conservés, dans la mémoire essentielle de l'Etre. Leur résultat, dans les phases inférieures de l'évolution, est d'ailleurs heureux : l'oubli nécessite des expériences multiples et dans des conditions toujours nouvelles.
Il empêche, en outre, l'Etre d'être gêné ou détourné dans sa voie. Il est, comme la mort elle-même, un facteur favorisant de l'évolution[5].
D'autre part, la non disponibilité habituelle des facultés propres à l'inconscient : instinct, intuition ou facultés supra normales impose l'effort réfléchi constant et favorisa aussi l'évolution.

3° Les représentations mentales et le moi
Nous venons de considérer le bloc intérieur du groupement constitutif de l'individu : le corps et le dynamisme vital.
Considérons maintenant le bloc supérieur, le dynamo psychisme mental et le moi.
C'est en lui que réside tout ce qu'il y a d'essentiel dans l'Etre : les facultés innées, les dispositions intellectuelles et les capacités primordiales.
La monade centrale, le moi réel, est la source et le principe du génie créateur, de l’inspiration. Elle joue le rôle directeur et centralisateur dans la synthèse psychologique.
Elle assure la permanence individuelle, en dépit du perpétuel renouvellement des états de conscience dans une vie et des changements de personnalité d'une existence à l'autre.
Elle conserve la mémoire intégrale de toutes les acquisitions et se les assimile.
Elle développe ainsi peu à peu, par cette assimilation, la conscience qui représente et synthétise toutes les réalisations.
En elle réside toute la conscience latente, faite d'un formidable passé d'innombrables expériences, d'innombrables acquisitions, d'innombrables réalisations.
Le mental que dirige le moi est fait des états de conscience non encore assimilés par lui, mais qu'il gouverne et dont il se sert. Il y a là un groupement formidable de « dynamo-psychismes élémentaires », de monades intellectuelles, à un niveau élevé d'évolution et ayant un degré déjà marqué d'autonomie, d'activité propre, d'individualisation.
Ces éléments forment, dans la synthèse psychique, des groupements secondaires déterminés par l'affinité, des associations qui toutes visent à l'autonomie. Il y a ainsi, dans le psychisme, deux courants perpétuels : un courant divergent centrifuge et décentralisateur, une tendance à l'anarchie ou à la polyarchie et une tendance centripète, centralisatrice et dominatrice qui est celle du moi.
Le groupement général est lui-même déterminé par l'affinité. Ce sont les tendances, le niveau évolutif du moi et ses aspirations déterminées par révolution antérieure qui vont grouper les éléments psychiques dans la formation d'un nouvel être.
Pendant la durée du groupement corporel, il faut le répéter, car il s'agit là d'un fait primordial, le psychisme total est lié, pour ses manifestations dans ses rapports avec le monde extérieur, au psychisme cérébral et limité par lui. L'expression de la pensée et toutes les manifestations de l'activité mentale doivent emprunter le canal cérébral et ce canal, étroit et dirigé dans un sens donné, limite et détermine dans ce sens toute l'activité du moi.
L'association étroite du groupement implique donc une diminution de l'activité du moi : tandis que la séparation d'avec le bloc inférieur en implique l'élargissement.
Le psychisme total est donc différent du psychisme de la vie normale, limité par les conditions cérébrales.
Il y a, dans cette conception, un point sur lequel il est nécessaire d'appeler spécialement l'attention, pour éviter de fausses et désastreuses interprétations ; c'est sur la subordination du psychisme cérébral au psychisme supérieur. Elle ne doit absolument pas être comprise dans le sens qu'il y aurait dans l'Etre deux êtres distincts, différents d'essence et de destinée.
Pareille équivoque est malheureusement, jusqu'à présent, presque constante.
Elle domine les systèmes de Schopenhauer et de de Hartmann.
« Consolons-nous, écrivait de Hartmann, d'avoir un esprit si pratique et si bas, si peu poétique et si peu religieux ; il y a au fond de chacun de nous, un merveilleux inconscient qui rêve et qui prie pendant que nous travaillons à gagner notre vie. »
C'est dans la même erreur que tombent certains mystiques, qui enseignent gravement que les actes conscients, même les plus méritoires ou les plus coupables, n'ont que peu d'importance, parce qu'ils ne proviennent pas de l'Etre intérieur et n'ont pas de répercussion sur lui. Cela est radicalement faux. Le moi n'est pas double. Il est unique. Mais pendant la vie terrestre, les contingences cérébrales ne permettent que la manifestation restreinte et tronquée du psychisme total. Cette limitation dissimule à l'Etre, non seulement son essence métaphysique, mais aussi la part la plus considérable de ses réalisations conscientielles.
Quand, dans les états anormaux, la portion subconsciente et latente se manifeste plus ou moins nettement, elle crée l’illusion dualiste, précisément parce qu'elle apparaît toute différente du psychisme normal, étant en dehors et au-dessus de ses limitations temporaires.
Mais, conscient et subconscient constituent une seule et même individualité, dans laquelle les répercussions de l'un à l'autre sont corrélatives et perpétuelles.
Il est d'ailleurs très difficile, faute d'un critérium bien défini, de préciser quelles sont, dans l'Etre, les limites de l'apport du subconscient et dans quelle mesure cet apport est conditionné par les facteurs organiques et l'hérédité cérébrales Dans l'existence permanente et indestructible de l'individu, il y aurait, d'après les notions ci-dessus, des alternatives perpétuelles de « vie associée » et de « vie dissociée ».
Les phases de vie associée, de vie organique et matérielle comportent un travail d'analyse, de perfectionnements de détails, un acheminement à la conscience par des efforts restreints, efforts dirigés dans le sens spécial imposé par la présente objectivation ; efforts solidaires, par conséquent, des efforts des autres « monades » constitutives de l'organisme dynamique et matériel.
Les phases de vie dissociée comportent un travail de recueillement, d'assimilation profonde et intime, de synthèse.
Myers croyait en outre au développement spécial, pendant ces phases de « désincarnation », des facultés dites supra normales. Ces facultés, qui tiennent de l'essence divine de l'inconscient, doivent être, en réalité, immuables. Mais il est par contre fort possible que l'Etre apprenne, en dehors de ses existences terrestres, à se servir de ces facultés supra normales, à les comprendre suffisamment pour les soumettre, peu à peu, à sa volonté.
L'hypothèse est grandiose. Il appartient aux recherches futures, dans le domaine du métapsychisme, de l'étudier et peut-être de le confirmer.
Ce qu'on peut, dès maintenant, induire avec plus de certitude, c'est que l'Etre, dans ses phases de désincarnation, libéré des contingences cérébrales, peut et doit, lorsqu'il est arrivé à un niveau suffisant de conscience et de liberté[6] se connaître lui-même de mieux en mieux. Son passé lui serait accessible dans les seules limites de son évolution actuellement réalisée et il serait à même de préparer consciemment son avenir.

4° Inductions métaphysiques sur l'origine et la fin de l'individualisation
Ce paragraphe ne saurait avoir de prétention scientifique. Les hypothèses qui le constituent n'ont d'autre but que d'offrir matière à discussion.

a) L'origine de l'individu
A l'origine de l'évolution, dans la mesure où nous pouvons concevoir cette origine, il n'y a ni conscience, ni individualisation. C'est ce que Schopenhauer exprimait dans ces termes :
« Ainsi nous avons vu, au degré le plus bas, la volonté nous apparaître comme une poussée aveugle, comme un effort mystérieux et sourd, éloigné de toute conscience immédiate. C'est l'espèce la plus simple et la plus faible de ses objectivations. En tant que poussée aveugle et effort inconscient, elle se manifeste dans toute la nature inorganique, dans toutes les forces premières, dont c'est le rôle de la physique et de la chimie de chercher à connaître les lois, et dont chacune nous apparaît, dans des millions de phénomènes, tout à fait semblables et réguliers, ne portant aucune trace de caractère individuel. »
On peut admettre que l’individualisation commence partout ou apparaît, dans l’inconscient primitif, un rudiment de conscience.
Ce rudiment de conscience est d'abord infime, inappréciable. Il existe cependant déjà, sans doute, dès que se manifeste dans l'univers, une ébauche d'organisation ; plutôt, peut-être, que ne le croyait Schopenhauer.
Quoiqu'il en soit, dès que ce rudiment de conscience est acquis, il demeure indélébile, et ira, désormais, en s accroissant sans cesse à l'infini.
Ainsi se constituent de par l'accession rudimentaire à la conscience, des monades individuelles. On peut conserver ce vieux mot de monade, en ne lui attribuant que le sens général d'individualité dynamo-psychique, parcelle du dynamo-psychisme universel créateur ; ayant, comme lui, toutes les potentialités de réalisation et le caractère de permanence divine.
La réalisation des monades, puis leur évolution, sont la résultante de l'effort continu du dynamo-psychisme inconscient dans sa tendance à la conscience, effort qui nécessite un travail immense d'analyses et de rapports.
De ce travail perpétuel d'analyses et de rapports résultent les groupements de monades qui constituent toute la représentation organisée de l'univers.
Il n'y a ainsi, dans l'universalité des choses, que des monades éternelles et des groupements temporaires de monades, des « représentations » éphémères.
Ce qu'on appelle la formation d'un Etre ne serait ainsi que l'association complexe, la formation d'un groupement.
Ce qu'on appelle la mort d'un Etre ne serait en réalité que la dissociation d'un groupement. Ce n'est pas l'anéantissement des monades constitutives qui vont, suivant les affinités déterminées par le passé, ou les nécessités requises pour l'évolution future, constituer un nouvel Etre par un nouveau groupement.
Ces monades ou individus sont toujours identiques en potentialité, mais non en réalisation. Grâce au rudiment de conscience acquise, la poussée évolutive devient de plus en plus accessible aux « rapports ». Les facteurs d'adaptation et de sélection commencent à jouer leur rôle. Ces facteurs imposent l'effort : effort d'abord purement réflexe, puis instinctif, puis réfléchi et l'effort amène forcément l'inégalité, inégalité de conscience, c'est-à-dire inégalité de réalisation.
Toutefois, les inégalités des parties évoluantes se trouvent largement restreintes et atténuées par leur solidarité originelle et essentielle.
Grâce à cette solidarité toute puissante, l'accession à la conscience ne saurait être purement individuelle : elle demeure fatalement collective, dans une très large mesure.
Ainsi, l'évolution des monades plus conscientes favorise l'évolution des monades moins conscientes ; mais de même le retard de ces dernières freine, pour ainsi dire, l'évolution des premières.
Cette solidarité, évidente dans toute la collectivité des êtres et dans tout l'univers, est surtout visible dans ces associations complexes qui constituent les colonies animales et surtout dans ces associations hiérarchisées qui constituent les êtres vivants et que nous avons déjà étudiées.

b) L'avenir de l'individu
Si maintenant, après avoir considéré l'évolution passée et présente, nous essayons de deviner ce que sera son avenir, nous sommes conduits naturellement à une induction capitale.
Les reversions du conscient dans l'inconscient éclairant de plus en plus ce dernier, il arrivera nécessairement un moment où il n'aura plus rien de mystérieux ni d'obscur.
A ce que nous appellerons le sommet de l'évolution, autant qu'on puisse concevoir ce sommet, la séparation apparente, la scission temporaire entre le conscient et le subconscient n'existera plus. Tout ce qui constitue l'Etre, comme capacités et comme connaissances, tout son formidable passé lui seront dès lors accessibles, intégralement, directement, régulièrement, normalement. De même les capacités supra normales seront soumises à la volonté consciente.
L'Etre subconscient aura disparu : il n’y aura plus que l'Etre conscient. Son essence métaphysique restera la même, mais aura acquis la connaissance d'elle-même et la connaissance du tout. Alors, mais alors seulement, le dynamopsychisme essentiel méritera d'être appelé Volonté.
Si nous ne craignions pas de nous égarer par trop dans le domaine métaphysique, nous pourrions nous permettre une autre induction encore, mais induction qu'il faut se contenter de signaler discrètement et sous toutes réserves.
L'élargissement, infiniment vaste, de la conscience de l'Etre doit avoir pour résultat fatal de faire éclater, pour ainsi dire, les cadres factices et transitoires de l'individualisation.
Dès lors, les monades reviendront à l'unité originelle dont elles étaient sorties.
Mais cette unité, synthèse de toutes les consciences, les absorbera tout en les laissant, dans son sein, indélébiles et éternelles. Arrivée à son summum, chaque conscience individuelle se sera « élargie » jusqu'à embrasser la conscience totale : elle sera devenue la conscience totale elle-même.
Le « sommet » de l'évolution pourrait donc être imaginé comme une sorte de « nirvana conscient».

[1] Les écoles dites occultistes qui, par des méthodes intuitives ou mystiques sont arrivées, chose curieuse, à des systématisations assez voisines, décrivent les diverses représentations primordiales comme pourvues chacune d'une apparence concrète, d'un substratum organique ou fluidique.

[2] C'est ce que les expériences célèbres du docteur Carrel ont positivement démontré pour les cellules.

[3] Il y a une singulière analogie, qu'il nous soit permis de le faire remarquer en passant, entre les reproductions par boutures et surtout par bourgeonnement, et les matérialisations métapsychiques. La matérialisation s'opère souvent, nous l'avons vu, par une sorte de bourgeonnement ou de prolongement dans la substance unique du médium, ce bourgeonnement s'épanouissant en un Etre ou un fragment d'Etre. La différence réside dans la durée ; mais ce n'est là que question de modalité et de temps. Rien ne dit qu'on n'arrivera pas à séparer la matérialisation du médium, comme la bouture ou le bourgeon de la souche originelle, et à lui donner une existence séparée ! Impossible dira-t-on ! Non l'insensé serait celui qui, connaissant ce que nous savons, affirmerait l'impossibilité du fait.

[4] Il n'est pas absurde de penser que la diminution artificielle prolongée de la centralisation nerveuse, si elle était possible, par exemple par un état d'hypnose particulier à longue échéance, permettrait une puissance réparatrice et thérapeutique inattendue du dynamisme vital. Cette puissance se manifeste d'ailleurs, par exception, dans des états anormaux, par exemple dans les guérissons dites miraculeuses.

[5] Voir la 3e partie.

[6] Nous avons montré, dans « l'être subconscient » que la liberté et la conscience sont corrélatives l'une de l'autre.

 

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