|
Chapitre
III
Synthèse de l’individu
1° Représentations primordiales et secondaires
La conception rationnelle de l'individu, conception en accord avec tous les
faits, est la suivante : pour la genèse de l'individu, le dynamo-psychisme
essentiel s'objective en représentations primordiales hiérarchisées
et se conditionnant les unes les autres. Les représentations primordiales
sont, d'après nos connaissances actuelles :
Le mental,
Le dynamisme vital,
La substance organique unique[1]
Ces représentations primordiales se constituent elles-mêmes en
représentations secondaires : le mental en états de conscience
et pensées ; la substance unique en organes et cellules. Les représentations
primordiales sont des cadres qui restent les mêmes de la naissance à
la mort du groupement individuel.
Les représentations secondaires, au contraire sont en perpétuel
état de renouvellement. Les cellules du complexus organique naissent,
meurent, se succèdent avec une grande rapidité. Les états
de conscience et les pensées se succèdent de même, s'associant,
s'opposant, convergeant ou divergeant dans un chaos formidable, que seule
ordonne et régularise la direction du moi.
Les derniers termes des représentations, cellules ou pensées
ont, dans l'ensemble, leur autonomie, leur dynamisme propre, leur conscience
ébauchée.
Les cellules ou pensées sont des « tout », des dynamo-psychismes
parcellaires, des monades[2].
Les hiérarchies qui se constatent entre les représentations
principales existent aussi, dans leur cadre, pour les représentations
secondaires. Il y a une hiérarchie des tissus et une hiérarchie
des groupements mentaux. Enfin, dans les cadres des représentations
primordiales, cadres fixes et immuables pour la durée du groupement
vital, il y a, pour les représentations secondaires, possibilité
de représentations différentes des représentations accoutumées.
Ainsi les tissus et organes de la substance unique peuvent se constituer en
représentations formelles nouvelles dans les matérialisations
métapsychiques. Ainsi les représentations mentales peuvent se
constituer en personnalités secondes dans le psychisme anormal.
Dès lors tout devient clair, soit dans la conception de l'individu,
soit dans les particularités multiples de sa physiologie ou de sa psychologie.
Reprenons maintenant notre analyse de l'individu et de ses représentations.
Etudions-les en détail.
2° Corps et dynamisme vital
Le corps, objectivation inférieure, représentation idéoplastique
du moi, ne joue plus le rôle primordial et essentiel que lui assignait
la psychophysiologie classique.
Les phénomènes connus de physiologie supra normale semblent
établir que les diverses modalités anatomiques de l'organisme
se ramènent à une représentation unique : la substance
primordiale, qui n'est pas de la substance nerveuse, osseuse, musculaire,
etc. mais qui est purement et simplement la substance.
Il y a là un champ d'études formidablement vaste. L'étude
des modalités organiques devra être ainsi reprise sur un plan
tout nouveau.
Cette substance organique est édifiée, développée,
maintenue, réparée par le dynamisme vital, principe d'activité
supérieure qui le conditionne.
Nous avons suffisamment démontré, dans l'étude de l'individualité
physiologique, la réalité du dynamisme vital conçu comme
indépendant du complexus organique et comme principe organisateur et
directeur de ce complexus pour n'avoir pas à revenir sur cette démonstration.
Le dynamisme vital, d'autre part, a son existence propre, autonome, distincte
de celle des principes dynamo-psychiques supérieurs de l'individu,
démontrée par ses limitations, limitations dans l'espace et
le temps, auxquelles échappent les principes supérieurs.
Sa puissance organisatrice, directrice, réparatrice ne dépasse,
dans ses manifestations apparentes, ni la naissance ni la mort de l'organisme
qu'elle conditionne. Elle leur est liée, du moins, de toute évidence,
dans des limites étroites.
Dans l'édification de l'organisme, le dynamisme vital subit une double
influence : l'influence du dynamo-psychisme supérieur du moi et l’influence
héréditaire liée à la substance même, soit
: l’influence idéoplastique active de l'Etre et l'influence idéoplastique
passive, l'empreinte idéale marquée dans la substance par les
générateurs.
Schopenhauer concevait déjà le processus de l'édification
organique comme relevant réellement de l'idéoplastie active
: « Les parties du corps doivent correspondre parfaitement aux principaux
appétits par lesquels se manifeste la volonté ; elles doivent
en être l'expression visible. Les dents, l'oesophage et le canal intestinal
sont la faim objectivée ; de même, les parties génitales
sont l'instinct sexuel objectivé ; les mains qui saisissent, les pieds
rapides correspondent à l'exercice déjà moins immédiat
de la volonté qu'ils représentent.
De même que la forme humaine en général correspond à
la volonté humaine en général, la forme individuelle
du corps, très caractéristique et très expressive par
conséquent, dans son ensemble et dans toutes ses parties, correspond
à une modification individuelle de la volonté, à un caractère
particulier. »
Ce que nous devons ajouter simplement à cette conception de l'idéoplastie
active, c'est que l'objectivation du dynamo-psychisme essentiel n'est pas
immédiatement et primitivement une objectivation dans la matière.
Elle est d'abord mentale. Puis, l'objectivation mentale se transpose en objectivation
dynamique et l'objectivation dynamique crée à son tour la représentation
organique.
Quant à l’idéoplastie passive, l'empreinte idéale
génératrice, c'est toute l'hérédité. Elle
joue un rôle très important dans l'édification de l'organisme,
parce que, au niveau évolutif actuel, la volonté directrice
du moi n'est pas capable de modifier les grandes fonctions physiologiques.
Le corps et le dynamisme vital forment, dans le groupement individuel, comme
un « bloc inférieur », autonome, sur lequel le contrôle
du « bloc supérieur » n'est que partiel et relatif.
L'influence de l'idéoplastie active n'en est pas moins capitale. C'est
elle qui assure à l'organisme sa destination et sa fin et qui adapte
la cérébration, chez l'homme, au rôle normal qu'elle devra
remplir.
Sans la direction supérieure, l'action du dynamisme vital, chez les
êtres évolués et spécialement dans l'humanité,
peut être déviée, faussée ou impuissante ; n'aboutir
qu'à des formations avortées ou monstrueuses.
La formation embryonnaire de l'organisme, somme toute, apparaît comme
une « matérialisation » régulière et normale
tandis que la matérialisation métapsychique n’est qu’une
formation idéoplastique irrégulière et anormale. L'édification
de l'organisme peut se faire, d'ailleurs, normalement en dehors des conditions
habituelles qui président à la génération des
êtres les plus évolués.
Dans la parthénogenèse, dans la reproduction par boutures, le
groupement des monades organiques et dynamiques se fait sans la conjonction
d'un spermatozoïde et d'un ovule. Ces faits, en apparence déconcertants,
peuvent aisément se comprendre avec les notions nouvelles :
ils prouvent simplement que le conditionnement corporel et dynamique du groupement
individuel ne réside pas exclusivement dans la fécondation[3].
Une fois constitué, le dynamisme vital représente comme un emmagasinement,
une provision de forces, étroitement limité dans sa durée
comme dans sa puissance : dans sa durée, car ses capacités de
réparation organique diminuent avec la maturité et n'empêchent
pas le corps de se désagréger peu à peu dans l'usure
de la vieillesse.
Dans sa puissance, car une lésion organique trop grave surpasse, même
avant le terme final, ses capacités réparatrices et amène
la fin prématurée du groupement corporel.
Il est remarquable que la limitation du dynamisme vital soit plus marquée
chez les êtres supérieurs que chez les êtres inférieurs.
Il est d'ailleurs possible qu'il y ait moins, chez ces derniers, puissance
plus forte que spécialisation moins étroite.
En tout cas, l'étude du dynamisme vital chez les êtres inférieurs,
végétaux ou protozoaires, nécessitera une étude
spéciale, à cause de ses différences de propriétés
et d'action.
Ce qui paraît certain, c'est que, chez l'être évolué,
l'action réparatrice du dynamisme vital est infiniment plus faible
que chez l'être inférieur, à cause de la centralisation
étroite qui détourne, au profit presque exclusif des éléments
nobles de l'organisme, du système nerveux, l'activité majeure
de ce dynamisme[4].
Elle est loin d'avoir cette puissance prodigieuse que l'on note chez certains
invertébrés, et même chez les vertébrés
inférieurs, et qui se manifeste jusque dans la régénération
de membres ou même de viscères.
Telle qu'elle est, elle est certainement susceptible de merveilles insoupçonnées,
et s'il est prématuré d'envisager une thérapeutique nouvelle,
basée sur la connaissance approfondie du dynamisme vital, il est permis
d'en prévoir la possibilité.
Le rôle et la fin du « bloc inférieur » corps et
dynamisme vital, dans le groupement individuel, semblent être de limiter
l'activité du moi, de la spécialiser pour ainsi dire, de la
déterminer dans un sens étroit. Tout se passe comme si chaque
existence terrestre, chaque objectivation organique ou, si l'on veut, chaque
« incarnation » était, pour l'activité de l'Etre,
une limitation dans le temps, dans l'espace et dans les moyens. Ce serait
comme une contrainte à une tâche étroite et spécialisée,
à un effort quasi exclusif dans une seule direction. Nette au point
de vue physiologique, la limitation est plus nette encore au point de vue
psychologique.
Cette limitation est la cause de l'impuissance des facultés supra normales.
Elle est la cause de la difficulté des manifestations de l'inspiration
supérieure, intuitive, créatrice ou géniale. Elle est
la cause de l'oubli, pour l'Etre, pendant la vie organique, de l'immense majorité
des expériences acquises en tant que souvenirs ; la cause enfin de
l'ignorance de sa situation réelle.
En effet, l'organe cérébral est indispensable pour le fonctionnement
psychologique dans ses rapports avec le monde extérieur. Or, cet organe
n'est capable que d'une activité restreinte et d'une capacité
restreinte d'emmagasinement et de mémoire. A mesure que les impressions
passagères subies s'effacent, la mémoire de ces impressions
tend à disparaître elle-même de la conscience normale.
Cela est très net dans le cours d'une seule existence. A plus forte
raison, d'une existence à l'autre, le cerveau nouvellement acquis ne
peut plus vibrer harmonieusement avec les impressions passées et celles-ci,
dans la vie normale, n'arrivent pas, sauf rares exceptions, au seuil de la
conscience.
Ces oublis ne sont qu'apparents, puisque les souvenirs restent, intégralement
conservés, dans la mémoire essentielle de l'Etre. Leur résultat,
dans les phases inférieures de l'évolution, est d'ailleurs heureux
: l'oubli nécessite des expériences multiples et dans des conditions
toujours nouvelles.
Il empêche, en outre, l'Etre d'être gêné ou détourné
dans sa voie. Il est, comme la mort elle-même, un facteur favorisant
de l'évolution[5].
D'autre part, la non disponibilité habituelle des facultés propres
à l'inconscient : instinct, intuition ou facultés supra normales
impose l'effort réfléchi constant et favorisa aussi l'évolution.
3° Les représentations mentales et le moi
Nous venons de considérer le bloc intérieur du groupement constitutif
de l'individu : le corps et le dynamisme vital.
Considérons maintenant le bloc supérieur, le dynamo psychisme
mental et le moi.
C'est en lui que réside tout ce qu'il y a d'essentiel dans l'Etre :
les facultés innées, les dispositions intellectuelles et les
capacités primordiales.
La monade centrale, le moi réel, est la source et le principe du génie
créateur, de l’inspiration. Elle joue le rôle directeur
et centralisateur dans la synthèse psychologique.
Elle assure la permanence individuelle, en dépit du perpétuel
renouvellement des états de conscience dans une vie et des changements
de personnalité d'une existence à l'autre.
Elle conserve la mémoire intégrale de toutes les acquisitions
et se les assimile.
Elle développe ainsi peu à peu, par cette assimilation, la conscience
qui représente et synthétise toutes les réalisations.
En elle réside toute la conscience latente, faite d'un formidable passé
d'innombrables expériences, d'innombrables acquisitions, d'innombrables
réalisations.
Le mental que dirige le moi est fait des états de conscience non encore
assimilés par lui, mais qu'il gouverne et dont il se sert. Il y a là
un groupement formidable de « dynamo-psychismes élémentaires
», de monades intellectuelles, à un niveau élevé
d'évolution et ayant un degré déjà marqué
d'autonomie, d'activité propre, d'individualisation.
Ces éléments forment, dans la synthèse psychique, des
groupements secondaires déterminés par l'affinité, des
associations qui toutes visent à l'autonomie. Il y a ainsi, dans le
psychisme, deux courants perpétuels : un courant divergent centrifuge
et décentralisateur, une tendance à l'anarchie ou à la
polyarchie et une tendance centripète, centralisatrice et dominatrice
qui est celle du moi.
Le groupement général est lui-même déterminé
par l'affinité. Ce sont les tendances, le niveau évolutif du
moi et ses aspirations déterminées par révolution antérieure
qui vont grouper les éléments psychiques dans la formation d'un
nouvel être.
Pendant la durée du groupement corporel, il faut le répéter,
car il s'agit là d'un fait primordial, le psychisme total est lié,
pour ses manifestations dans ses rapports avec le monde extérieur,
au psychisme cérébral et limité par lui. L'expression
de la pensée et toutes les manifestations de l'activité mentale
doivent emprunter le canal cérébral et ce canal, étroit
et dirigé dans un sens donné, limite et détermine dans
ce sens toute l'activité du moi.
L'association étroite du groupement implique donc une diminution de
l'activité du moi : tandis que la séparation d'avec le bloc
inférieur en implique l'élargissement.
Le psychisme total est donc différent du psychisme de la vie normale,
limité par les conditions cérébrales.
Il y a, dans cette conception, un point sur lequel il est nécessaire
d'appeler spécialement l'attention, pour éviter de fausses et
désastreuses interprétations ; c'est sur la subordination du
psychisme cérébral au psychisme supérieur. Elle ne doit
absolument pas être comprise dans le sens qu'il y aurait dans l'Etre
deux êtres distincts, différents d'essence et de destinée.
Pareille équivoque est malheureusement, jusqu'à présent,
presque constante.
Elle domine les systèmes de Schopenhauer et de de Hartmann.
« Consolons-nous, écrivait de Hartmann, d'avoir un esprit si
pratique et si bas, si peu poétique et si peu religieux ; il y a au
fond de chacun de nous, un merveilleux inconscient qui rêve et qui prie
pendant que nous travaillons à gagner notre vie. »
C'est dans la même erreur que tombent certains mystiques, qui enseignent
gravement que les actes conscients, même les plus méritoires
ou les plus coupables, n'ont que peu d'importance, parce qu'ils ne proviennent
pas de l'Etre intérieur et n'ont pas de répercussion sur lui.
Cela est radicalement faux. Le moi n'est pas double. Il est unique. Mais pendant
la vie terrestre, les contingences cérébrales ne permettent
que la manifestation restreinte et tronquée du psychisme total. Cette
limitation dissimule à l'Etre, non seulement son essence métaphysique,
mais aussi la part la plus considérable de ses réalisations
conscientielles.
Quand, dans les états anormaux, la portion subconsciente et latente
se manifeste plus ou moins nettement, elle crée l’illusion dualiste,
précisément parce qu'elle apparaît toute différente
du psychisme normal, étant en dehors et au-dessus de ses limitations
temporaires.
Mais, conscient et subconscient constituent une seule et même individualité,
dans laquelle les répercussions de l'un à l'autre sont corrélatives
et perpétuelles.
Il est d'ailleurs très difficile, faute d'un critérium bien
défini, de préciser quelles sont, dans l'Etre, les limites de
l'apport du subconscient et dans quelle mesure cet apport est conditionné
par les facteurs organiques et l'hérédité cérébrales
Dans l'existence permanente et indestructible de l'individu, il y aurait,
d'après les notions ci-dessus, des alternatives perpétuelles
de « vie associée » et de « vie dissociée
».
Les phases de vie associée, de vie organique et matérielle comportent
un travail d'analyse, de perfectionnements de détails, un acheminement
à la conscience par des efforts restreints, efforts dirigés
dans le sens spécial imposé par la présente objectivation
; efforts solidaires, par conséquent, des efforts des autres «
monades » constitutives de l'organisme dynamique et matériel.
Les phases de vie dissociée comportent un travail de recueillement,
d'assimilation profonde et intime, de synthèse.
Myers croyait en outre au développement spécial, pendant ces
phases de « désincarnation », des facultés dites
supra normales. Ces facultés, qui tiennent de l'essence divine de l'inconscient,
doivent être, en réalité, immuables. Mais il est par contre
fort possible que l'Etre apprenne, en dehors de ses existences terrestres,
à se servir de ces facultés supra normales, à les comprendre
suffisamment pour les soumettre, peu à peu, à sa volonté.
L'hypothèse est grandiose. Il appartient aux recherches futures, dans
le domaine du métapsychisme, de l'étudier et peut-être
de le confirmer.
Ce qu'on peut, dès maintenant, induire avec plus de certitude, c'est
que l'Etre, dans ses phases de désincarnation, libéré
des contingences cérébrales, peut et doit, lorsqu'il est arrivé
à un niveau suffisant de conscience et de liberté[6]
se connaître lui-même de mieux en mieux. Son passé lui
serait accessible dans les seules limites de son évolution actuellement
réalisée et il serait à même de préparer
consciemment son avenir.
4° Inductions métaphysiques sur l'origine
et la fin de l'individualisation
Ce paragraphe ne saurait avoir de prétention scientifique. Les hypothèses
qui le constituent n'ont d'autre but que d'offrir matière à
discussion.
a) L'origine de l'individu
A l'origine de l'évolution, dans la mesure où nous pouvons concevoir
cette origine, il n'y a ni conscience, ni individualisation. C'est ce que
Schopenhauer exprimait dans ces termes :
« Ainsi nous avons vu, au degré le plus bas, la volonté
nous apparaître comme une poussée aveugle, comme un effort mystérieux
et sourd, éloigné de toute conscience immédiate. C'est
l'espèce la plus simple et la plus faible de ses objectivations. En
tant que poussée aveugle et effort inconscient, elle se manifeste dans
toute la nature inorganique, dans toutes les forces premières, dont
c'est le rôle de la physique et de la chimie de chercher à connaître
les lois, et dont chacune nous apparaît, dans des millions de phénomènes,
tout à fait semblables et réguliers, ne portant aucune trace
de caractère individuel. »
On peut admettre que l’individualisation commence partout ou apparaît,
dans l’inconscient primitif, un rudiment de conscience.
Ce rudiment de conscience est d'abord infime, inappréciable. Il existe
cependant déjà, sans doute, dès que se manifeste dans
l'univers, une ébauche d'organisation ; plutôt, peut-être,
que ne le croyait Schopenhauer.
Quoiqu'il en soit, dès que ce rudiment de conscience est acquis, il
demeure indélébile, et ira, désormais, en s accroissant
sans cesse à l'infini.
Ainsi se constituent de par l'accession rudimentaire à la conscience,
des monades individuelles. On peut conserver ce vieux mot de monade, en ne
lui attribuant que le sens général d'individualité dynamo-psychique,
parcelle du dynamo-psychisme universel créateur ; ayant, comme lui,
toutes les potentialités de réalisation et le caractère
de permanence divine.
La réalisation des monades, puis leur évolution, sont la résultante
de l'effort continu du dynamo-psychisme inconscient dans sa tendance à
la conscience, effort qui nécessite un travail immense d'analyses et
de rapports.
De ce travail perpétuel d'analyses et de rapports résultent
les groupements de monades qui constituent toute la représentation
organisée de l'univers.
Il n'y a ainsi, dans l'universalité des choses, que des monades éternelles
et des groupements temporaires de monades, des « représentations
» éphémères.
Ce qu'on appelle la formation d'un Etre ne serait ainsi que l'association
complexe, la formation d'un groupement.
Ce qu'on appelle la mort d'un Etre ne serait en réalité que
la dissociation d'un groupement. Ce n'est pas l'anéantissement des
monades constitutives qui vont, suivant les affinités déterminées
par le passé, ou les nécessités requises pour l'évolution
future, constituer un nouvel Etre par un nouveau groupement.
Ces monades ou individus sont toujours identiques en potentialité,
mais non en réalisation. Grâce au rudiment de conscience acquise,
la poussée évolutive devient de plus en plus accessible aux
« rapports ». Les facteurs d'adaptation et de sélection
commencent à jouer leur rôle. Ces facteurs imposent l'effort
: effort d'abord purement réflexe, puis instinctif, puis réfléchi
et l'effort amène forcément l'inégalité, inégalité
de conscience, c'est-à-dire inégalité de réalisation.
Toutefois, les inégalités des parties évoluantes se trouvent
largement restreintes et atténuées par leur solidarité
originelle et essentielle.
Grâce à cette solidarité toute puissante, l'accession
à la conscience ne saurait être purement individuelle : elle
demeure fatalement collective, dans une très large mesure.
Ainsi, l'évolution des monades plus conscientes favorise l'évolution
des monades moins conscientes ; mais de même le retard de ces dernières
freine, pour ainsi dire, l'évolution des premières.
Cette solidarité, évidente dans toute la collectivité
des êtres et dans tout l'univers, est surtout visible dans ces associations
complexes qui constituent les colonies animales et surtout dans ces associations
hiérarchisées qui constituent les êtres vivants et que
nous avons déjà étudiées.
b) L'avenir de l'individu
Si maintenant, après avoir considéré l'évolution
passée et présente, nous essayons de deviner ce que sera son
avenir, nous sommes conduits naturellement à une induction capitale.
Les reversions du conscient dans l'inconscient éclairant de plus en
plus ce dernier, il arrivera nécessairement un moment où il
n'aura plus rien de mystérieux ni d'obscur.
A ce que nous appellerons le sommet de l'évolution, autant qu'on puisse
concevoir ce sommet, la séparation apparente, la scission temporaire
entre le conscient et le subconscient n'existera plus. Tout ce qui constitue
l'Etre, comme capacités et comme connaissances, tout son formidable
passé lui seront dès lors accessibles, intégralement,
directement, régulièrement, normalement. De même les capacités
supra normales seront soumises à la volonté consciente.
L'Etre subconscient aura disparu : il n’y aura plus que l'Etre conscient.
Son essence métaphysique restera la même, mais aura acquis la
connaissance d'elle-même et la connaissance du tout. Alors, mais alors
seulement, le dynamopsychisme essentiel méritera d'être appelé
Volonté.
Si nous ne craignions pas de nous égarer par trop dans le domaine métaphysique,
nous pourrions nous permettre une autre induction encore, mais induction qu'il
faut se contenter de signaler discrètement et sous toutes réserves.
L'élargissement, infiniment vaste, de la conscience de l'Etre doit
avoir pour résultat fatal de faire éclater, pour ainsi dire,
les cadres factices et transitoires de l'individualisation.
Dès lors, les monades reviendront à l'unité originelle
dont elles étaient sorties.
Mais cette unité, synthèse de toutes les consciences, les absorbera
tout en les laissant, dans son sein, indélébiles et éternelles.
Arrivée à son summum, chaque conscience individuelle se sera
« élargie » jusqu'à embrasser la conscience totale
: elle sera devenue la conscience totale elle-même.
Le « sommet » de l'évolution pourrait donc être imaginé
comme une sorte de « nirvana conscient».
[1] Les écoles dites occultistes qui, par des méthodes intuitives ou mystiques sont arrivées, chose curieuse, à des systématisations assez voisines, décrivent les diverses représentations primordiales comme pourvues chacune d'une apparence concrète, d'un substratum organique ou fluidique.
[2] C'est ce que les expériences célèbres du docteur Carrel ont positivement démontré pour les cellules.
[3] Il y a une singulière analogie, qu'il nous soit permis de le faire remarquer en passant, entre les reproductions par boutures et surtout par bourgeonnement, et les matérialisations métapsychiques. La matérialisation s'opère souvent, nous l'avons vu, par une sorte de bourgeonnement ou de prolongement dans la substance unique du médium, ce bourgeonnement s'épanouissant en un Etre ou un fragment d'Etre. La différence réside dans la durée ; mais ce n'est là que question de modalité et de temps. Rien ne dit qu'on n'arrivera pas à séparer la matérialisation du médium, comme la bouture ou le bourgeon de la souche originelle, et à lui donner une existence séparée ! Impossible dira-t-on ! Non l'insensé serait celui qui, connaissant ce que nous savons, affirmerait l'impossibilité du fait.
[4] Il n'est pas absurde de penser que la diminution artificielle prolongée de la centralisation nerveuse, si elle était possible, par exemple par un état d'hypnose particulier à longue échéance, permettrait une puissance réparatrice et thérapeutique inattendue du dynamisme vital. Cette puissance se manifeste d'ailleurs, par exception, dans des états anormaux, par exemple dans les guérissons dites miraculeuses.
[5] Voir la 3e partie.
[6] Nous avons montré, dans « l'être subconscient » que la liberté et la conscience sont corrélatives l'une de l'autre.
Téléchargement | Bulletin nous écrire | LAgora Spirite |