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Chapitre II
Le
dynamo-psychisme essentiel passe dans l’évolution individuelle,
de l’inconscient au conscient
Jusqu'à présent, notre démonstration est restée
rigoureusement scientifique, basée totalement sur les faits ou des inductions
étroitement tirées des faits. Dans la suite, tout en suivant la
même méthode, nous serons amenés à laisser une marge
un peu plus large à l'hypothèse... Mais que le lecteur veuille
bien suspendre son jugement : tout se tient dans cet ouvrage. Aucun des détails
de ses enseignements ne doit être considéré isolément
et en dehors de la synthèse d'ensemble. Cette synthèse est telle,
nous le verrons plus loin, quelle s'impose en bloc, avec toute la force de la
vérité.
Pour Schopenhauer et pour de Hartmann, le conscient est inséparable des
représentations. Entre le conscient d'une part, et la volonté
ou l'inconscient d'autre part, existe, d'après eux, un abîme que
rien ne peut combler. Il y a, entre l'un et l'autre, une différenciation
essentielle.
Nous voulons démontrer, au contraire :
1° qu'il n'y a nul abîme entre l'inconscient et le conscient ; qu'ils
s'interpénètrent perpétuellement dans l'individu ; qu'ils
se conditionnent mutuellement.
2° Qu'il se fait un passage ininterrompu de l'inconscient au conscient ;
que l'inconscient primitif tend de plus en plus, par une évolution indéfinie
et ininterrompue, à devenir conscient.
1° Le conscient et l'inconscient s'interpénètrent
et se conditionnent réciproquement
Considérons l'inconscient : dans l'étude analytique de ses éléments
constitutifs, nous trouvons des éléments innés, que nous
étudierons plus loin et des éléments acquis. Ces derniers
ont d'abord été conscients ; puis du champ de la conscience ont
passé dans le champ de la subconscience et sont devenus cryptomnésiques.
Une part de la cryptomnésie subconsciente est faite ainsi d'anciennes
acquisitions conscientes, II y a donc un courant perpétuel du conscient
à l'inconscient, Considérons maintenant le conscient : dans l'étude
analytique de ses éléments constitutifs, nous avons trouvé
des éléments acquis, que nous connaissons bien, et des éléments
innés, qui sont plus obscurs. Ces derniers sont d'abord subconscients,
puis du champ de la subconscience, passent dans le champ de la conscience ;
de cryptopsychiques, ils deviennent psychiques.
Le fonds même de l'être conscient, sa caractéristique essentielle
sont faits des capacités subconscientes.
Le psychisme conscient est ainsi constitué en majeure partie par le subconscient
même, qui le conditionne et le dirige. II y a donc un courant perpétuel
de l'inconscient au conscient.
En somme double influence réciproque et perpétuelle, de l'inconscient
au conscient et du conscient à l'inconscient ; interpénétration
totale.
Non seulement l'abîme infranchissable n'existe pas, mais les connexions
sont absolument étroites et directes.
L'inconscient conditionnant le conscient perd, par cela même, en partie,
son caractère d'inconscient. Il se comporte alors, non comme de l'inconscient,
mais comme du conscient cryptoïde, tantôt actif, tantôt latent.
A son tour le conscient conditionne en partie l'inconscient, en reversant dans
son sein la masse de ses acquisitions psychologiques. Enfui ces acquisitions,
autrefois conscientes et devenues subconscientes, sont susceptibles, quand les
conditions sont favorables, de réintégrer le domaine du conscient.
Que conclure de tout cela ? Simplement ceci : ce que nous appelons par expérience
journalière « le conscient » n'est qu'une partie du conscient
; la partie accessible immédiatement, dans la limite de temps et d'espace
considérée ; mais une large part du conscient reste normalement
latente.
Ce que nous appelons par expérience journalière « l'inconscient
» n'est qu'une part de l'inconscient, du vrai, de celui qui reste inaccessible
et insondable. La majeure partie de l'inconscient arrive journellement à
la conscience dont elle forme le fonds individuel et qu'elle dirige. Elle n'est
même pas occulte ; elle garde simplement l'anonymat. Son activité
est à la fois journalière, constante et cryptoïde. Dès
lors nous allons facilement compléter notre démonstration.
2° Le dynamo-psychisme inconscient ou subconscient
tend a devenir un dynamo-sychisme conscient
Cette proposition capitale peut être établie par l'examen rationnel
du psychisme individuel.
L'analyse du subconscient supérieur nous permet de distinguer en lui
deux grandes catégories de capacités et de connaissances.
A) La première catégorie n'a pas d'analogie dans les capacités
et connaissances conscientes : elle comprend les facultés dites supra
normales et créatrices et les connaissances que ces facultés sont
susceptibles de procurer à l'Etre, indépendamment de ses moyens
habituels de savoir et de connaître.
Cette catégorie, cette portion du moi reste forcément mystérieuse
; elle tient à l'essence même de l'inconscient. Elle lui fait participer
à ce qu'il y a de divin dans l'univers et se dérobe encore à
notre investigation rationnelle comme à une complète interprétation.
B) La seconde catégorie comprend les facultés et connaissances
analogues, comme essence, aux facultés et connaissances conscientes et
n'en différant que par la variété et l'étendue.
Cette catégorie est plus facile à interpréter.
Nous constatons tout d'abord qu'elle est faite, pour une part, des expériences
psychologiques acquises consciemment ou même à notre insu et passées
intégralement dans la subconscience.
Tout se passe comme si la multitude des expériences journalières
avait pour but ou pour résultat un enrichissement ininterrompu, pendant
le cours de notre vie, de notre subconscient.
Aucun souvenir, aucune expérience psychologique ou vitale n'est perdue.
L'organisme, dans le cours de la vie, subit d'immenses modifications et, sans
doute, se renouvelle plusieurs fois, molécule par molécule. Les
états de conscience se succèdent, tous plus ou moins différents
les uns des autres. Une vie est faite en réalité d'une série
de vies : vies de la première enfance, de l'enfance, de l'adolescence,
de l'âge adulte et de la vieillesse ; vies distinctes, bien que réunies
par un fonds commun.
Ces vies successives sont plus ou moins affectées par les oublis, en
apparence définitifs, qui constituent, pour l'être, comme autant
de petites morts.
Mais, à travers le renouvellement des molécules organiques et
des états de conscience, persiste un psychisme supérieur et profond,
qui a enregistré tous ces états de conscience et qui les conserve
d'une manière indélébile.
Ils ne sont donc pas perdus, bien qu'ils restent en majeure partie latents.
Mais ce n'est pas tout : le psychisme subconscient, qui s'enrichit ainsi, dans
le cours de la vie, de tous les nouveaux états de conscience, ne fait
pas que les enregistrer : il se les assimile.
Toutes les acquisitions conscientes sont assimilées et transmuées
en facultés.
Cela est bien visible dans le cours de l'existence. L'Etre « se développe
», acquiert des facultés nouvelles ou plus marquées de sentir,
de connaître, de savoir. Le progrès psychologique ne peut être
que le résultat de cette transmutation des connaissances en facultés.
Or, cette transmutation est subconsciente. Elle ne se passe pas dans les molécules
cérébrales instables et éphémère ? ; elle
nécessite une élaboration continue et profonde dans la partie
permanente et essentielle de l'Etre, c'est-à-dire dans son dynamo-psychisme
subconscient.
Ainsi donc, peu importent les désagrégations perpétuelles
de la personnalité consciente. L'individualité subconsciente permanente
conserve le souvenir indélébile de tous les états de conscience
qui l'ont constituée. Elle tire de ces états de conscience, assimilés
par elle, de nouvelles capacités. Pendant le cours de la vie, le subconscient
individuel a fait ainsi un pas nouveau vers le conscient.
Nous avons, dès lors, une base ferme d'où partir pour aller, plus
haut et plus loin, à la découverte de la vérité.
La cryptopsychie n'est faite qu'en petite partie des expériences de la
vie présente. La majeure partie est innée. D'où provient-elle
donc ?
L'hypothèse explicative la plus « naturelle » et la plus
raisonnable est celle qui sera basée sur les faits : puisque la cryptopsychie
et la cryptomnésie sont faites, en partie, des expériences journalières,
passées dans la subconscience qu'elles enrichissent, il est légitime
d'inférer qu'elles sont faites totalement d'expériences passées.
Puisque donc, on ne trouve, dans le cours de notre existence, l'origine que
d'une partie seulement du trésor subconscient, on est autorisé
à chercher le complément de cette origine dans des expériences
antérieures et à reculer, au-delà de l'existence actuelle,
la cryptomnésie et la cryptopsychie de l'Etre.
Evidemment, cette induction est formidable. A beaucoup de lecteurs, elle paraîtra
de prime abord, sinon absurde, du moins hors de proportion avec les faits sur
lesquels elle repose.
Seulement elle ne doit pas être considérée isolément.
Elle doit être associée à l'ensemble des démonstrations
précédentes.
Elle acquiert alors une force nouvelle. Il n'est pas difficile de comprendre
comment le dynamo-psychisme essentiel, en s'objectivant dans de nouvelles représentations
organiques, garde en lui la mémoire profonde des expériences réalisées
dans les représentations antérieures.
Si, au lieu d'une seule existence, on embrasse des séries d'existences
successives, on comprend immédiatement comment s'est faite l'acquisition
de la conscience en parlant de l'inconscient primitif.
Chacune des expériences, infiniment nombreuses et variées, s'est
gravée dans le dynamisme essentiel de l'Etre et s'est traduite par un
état de conscience : c'est-à-dire par un souvenir et par une capacité.
C'est ainsi que l'Etre passe, peu à peu, de l'inconscient au conscient.
L'induction palingénésique, d'ailleurs, ne se heurte à
aucune objection d'ordre scientifique. C'est en vain qu'on s'efforcerait d'en
trouver une seule dans la masse de nos connaissances.
Quant à l'oubli des existences antérieures, il est sans aucune
importance pour la science moderne. Le souvenir ne joue qu'un rôle secondaire
dans la psychologie normale ; l'oubli est toujours et partout. La majeure partie
des souvenirs disparaît au cours de l'existence. La mémoire de
la personnalité, mémoire cérébrale, est tout à
fait débile, infidèle, défaillante. Elle est mise en défaut
dans la vie régulière et normale ; elle l'est davantage encore
dans les états anormaux par les « états seconds »,
soit spontanés, soit hypnotiques ou médiumniques. Par contre,
au-dessus de cette mémoire cérébrale, partielle, éphémère,
existe la mémoire subconsciente, la mémoire de l'individualité
vraie et totale, mémoire infaillible et indestructible comme elle.
C'est dans cette mémoire essentielle que restent, gravés à
jamais, à la fois tous les événements de la vie actuelle
et tous les souvenirs, toutes les acquisitions conscientes de l'immense série
des vies antérieures.
A la lumière des deux propositions que nous venons d'établir,
nous sommes à même de comprendre complètement l'évolution
individuelle et de résoudre tous les problèmes naturalistes et
philosophiques relatifs à l'individu.
Sans doute, au point de vue métaphysique, notre conception accorde nécessairement
une large place encore à l'hypothèse, mais au point de vue psychologique,
elle ne laisse pas d'énigme qui ne soit éclaircie.
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