Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec

Chapitre VII
Les inductions psychologiques rationnelles basées sur le subconscient

Notre examen de la psycho-physiologie classique nous a fait saisir sur le vif l'erreur et l'illusion de la méthode ascendante, qui prétend partir des faits élémentaires pour interpréter les faits complexes.
Servons-nous donc hardiment de la méthode opposée, de la méthode descendante et considérons d'abord et avant tout les faits les plus complexes de la psychologie, c'est-à-dire les phénomènes subconscients.
La méthode nous donnera dans le domaine psychique ce qu'elle nous a donné dans le domaine physiologique : une lumière nouvelle, éblouissante, éclairant notre route et rendant simples, aisées, fécondes, toutes nos investigations.

1° Le subconscient est l'essence même de la psychologie individuelle

Lorsqu'on procède, sans idée préconçue et sans tenir compte des enseignements classiques, de leurs formules ou de leurs dogmes, à l'examen de la psychologie subconsciente, on éprouve une première et grande surprise : le subconscient nous paraît être l'essence même de la psychologie individuelle.
Ce qu'il y a de plus important dans le psychisme individuel est subconscient. Le fonds même du moi, sa caractéristique sont subconscients. Toutes les capacités innées sont subconscientes ; de même les facultés supérieures, l'intuition, le talent, le génie, l'inspiration artistique ou créatrice. Ces facultés sont cryptoïdes dans leur origine, cryptoïdes dans leurs manifestations, dont tout le mécanisme échappe en majeure partie à la volonté, à la direction normale et régulière de l'être et ne se révèlent que par la mise au jour, en dehors de la réglementation consciente, de produits intermittents et d'apparence spontanée.
Cette activité psychique subconsciente, formidable en elle-même, est doublée d'une mémoire plus formidable encore, mémoire toute puissante et infaillible, qui laisse bien loin derrière elle la pauvre mémoire consciente, si caduque, débile et bornée.
A côté du subconscient, le conscient n'apparaît plus que comme un psychisme restreint, limité et tronqué ; et encore ce psychisme est-il soumis, même pour ses manifestations les plus importantes, à cette portion cryptoïde du moi, qui en forme la caractéristique et le fonds.
Tout se passe, en un mot, comme si le conscient ne constituait qu'une partie, la plus faible, du moi ; partie entièrement conditionnée par la partie la plus importante, restée cryptoïde, dans les conditions ordinaires de la vie individuelle normale.
Une pareille constatation est pour la psychologie classique, qui considère le moi comme la somme des consciences des neurones, un insoluble mystère. Il est impossible, en partant de sa conception, de comprendre ou même de tenter une interprétation qui ne soit pas purement verbale, soit de la cryptopsychie, soit de la cryptonmésie.

2° L'impuissance de la psychologie classique en face de la cryptopsychie et de la cryptomnésie
La cryptopsychie, au point de vue de la psychologie individuelle apparaît comme un non-sens.
Comment une part de l'activité mentale échappe-t-elle à la disposition de l'individu ou ne lui est-elle accessible qu'irrégulièrement et par accidents ? Comment cette activité mentale involontaire et latente est-elle supérieure à l'activité mentale volontaire et consciente ?
Comment toutes les capacités supérieures : non seulement les facultés supra normales, mais aussi l'inspiration créatrice et le génie et tout ce qu'il y a d'essentiel au point de vue psychique dans l'intellect, lui sont-ils, en majeure partie, inaccessibles et inconnus ? Pourquoi, en un mot, sont-ils subconscients et non conscients ? Encore une fois, impossible de le comprendre dans la psychologie classique.
Se basant sur ces arguments. Myers n'avait pas eu de peine à montrer l'impossibilité de faire de la cryptopsychie le produit de l'évolution physiologique normale. Il y a en effet contradiction absolue dans la constatation de facultés à la fois très puissantes et très utiles et, en même temps, en majeure partie inutilisables par l'être dans la vie normale.
Passons maintenant à la cryptonmésie : la cryptonmésie, nous l'avons vu, serait pourvue d'une puissance prodigieuse, puissance qui ne connaîtrait pas de limites. Elle permettrait l’enregistrement fidèle de tout ce qui a frappé nos sens, soit consciemment, soit même à notre insu et assurerait à cet enregistrement un caractère indélébile.
Or, une pareille conception diffère du tout au tout des notions classiques de la mémoire.
La mémoire ordinaire est d'autant plus précise que le fait auquel elle se rapporte a frappé plus fortement l'attention de l'Etre et que ce fait est plus récent. Si le fait enregistré est, pour l'Etre, d'importance secondaire ou nulle, il disparaît bientôt et à jamais ; à moins, bien entendu, d'être conservé grâce à une association d'idées plus importantes, à laquelle il aurait été lié par hasard.
De même, si le fait enregistré est ancien, le souvenir en devient vague, confus, et finit à la longue par disparaître aussi, souvent totalement. C'est là un processus régulier, normal, conforme à tout ce que nous enseigne la physiologie : L'impression produite sur le cerveau est superficielle et éphémère pour les états de conscience d'intensité médiocre et cette impression, même pour les états de conscience plus importants, tend à s'effacer avec le temps.
Le Dantec[1] résume ainsi sa théorie psychologique de la mémoire : « il y a deux choses à considérer dans la mémoire au point de vue objectif :
1° Le fait que nous n'avons pas oublié une chose, que nous sommes susceptibles de nous la rappeler ;
2° L'opération qui consiste à nous en souvenir. La première chose consiste en une particularité histologique, la deuxième est corrélative d'un phénomène physiologique.

Exécutons une opération quelconque, mentale ou autre, un certain nombre de fois. Le chemin parcouru par le réflexe correspondant sera, en vertu de la loi d'assimilation fonctionnelle, consolidée par ce réflexe même ; il y aura donc dans notre système nerveux un certain nombre de modifications histologiques corrélatives de l'opération en question.
Tant que ces modifications histologiques persisteront, la mémoire histologique de l'opération en question persistera ; il suffira de la répéter de temps en temps pour entretenir par assimilation fonctionnelle cette mémoire histologique. Si l'on reste longtemps sans la répéter, la destruction plastique qui accompagne le repos des organes détruira cette particularité de notre système nerveux ; il y aura oubli ».
Quand l'oubli est complet et absolu, il est aussi irrémédiable. La mémoire histologique ayant disparu, il ne saurait subsister de mémoire psychologique. Cela semble évident et tels semblent bien être, en effet, le processus et les conditions de la mémoire ordinaire.
Or, la cryptomnésie est tout différente : elle se rapporte non seulement aux faits importants, mais aussi à des faits même sans importance, à des faits, qui parfois, n'ont même pas retenu l'attention consciente de l'Etre.
D'autre part, l'enregistrement des états de conscience, dans la mémoire occulte, n'est en rien subordonné à la question de temps. Cet enregistrement paraît indélébile. La gamme des souvenirs latents s'étend ainsi des détails les plus insignifiants, même enregistrés inconsciemment, aux faits les plus importants de notre vie consciente. Leur souvenir, même lorsqu'il semble à jamais disparu, inaccessible au moi normal, peut, dans les états anormaux, spécialement dans le somnambulisme ou le médiumnisme, reparaître intégralement au premier plan.
La cryptomnésie n'est pas seulement faite d'expériences extrinsèques, mais aussi d'expériences intrinsèques, pour ainsi dire. Elle est constituée non seulement par des souvenirs réels mais aussi par des souvenirs d'ordre imaginatif. L'imagination, qui joue dans le psychisme normal un rôle si considérable, créé ou réalise des faits fictifs qui, de même que les faits réels, sont enregistrés dans la cryptomnésie. De même, naturellement, toutes les émotions et tous les états d'âme.
En somme, tout ce qui a été dans le champ psychique, consciemment ou inconsciemment, peu importe, demeure, indestructible, même quand il semble à jamais perdu.
En vain, un temps très long s'est-il écoulé depuis cette acquisition psychique ou sensorielle ; en vain les cellules cérébrales, qui avaient vibré synchroniquement, ont-elles été, depuis lors, sans cloute, bien des fois renouvelées[2]. En dépit du temps et en dépit des changements, le souvenir intégral reste, gravé d'une manière indélébile, dans le subconscient.
Comment ? Pourquoi ? Mystère insoluble pour la physiologie classique.
Le souvenir subconscient intégral semble donc indépendant des contingences cérébrales. On a même cité des cas où il persistait, réapparaissant par éclairs, en dépit de la perte de la mémoire ordinaire par maladie du cerveau. Tel est le cas fameux de M. Hanna, bien caractéristique à ce sujet[3]. M. Hanna, à la suite d'une chute sur la tête, oublia totalement toute sa vie passée, toutes ses connaissances, tout son acquit et se trouva ramené à l'état psychologique d'un nouveau-né à qui on doit tout apprendre. Mais chose curieuse, si la mémoire avait disparu, la capacité d'apprendre était intacte. La rééducation fut très rapide et complète. Or, pendant cette rééducation, M. Hanna avait à chaque instant, constate M. Flournoy, « des rêves ou visions incompréhensibles pour lui, qu'il décrivait avec étonnement à ses parents et où ceux-ci reconnaissaient les souvenirs très exacts de localités où le patient avait été avant son accident ». Il y avait donc une mémoire latente, laquelle se manifestait évidemment aussi par la faculté de rapprendre très vite.
En somme, de l'étude de la cryptomnésie ressort avec évidence ce qui suit : tout se passe comme si l'état psychique qu'on nomme un souvenir, enregistré par les cellules cérébrales, et destiné à disparaître bientôt avec elles, éphémère comme elles, était enregistré, en même temps, dans « quelque chose » de permanent, dont ce souvenir sera dorénavant partie intégrante et permanente elle-même.
Retenons bien cette constatation. Nous en comprendrons plus tard seulement toute l'importance. Qu'il nous suffise, pour le moment, d'établir une première induction, induction imposée par les faits :
— La présence, dans l'Etre, de facultés puissantes et étendues, mais subconscientes, louant dans le psychisme individuel le rôle principal bien que cryptoïde, conditionnant ce psychisme individuel tout en échappant en majeure partie à la connaissance et à la volonté normales et directes ;
— La constatation d'une mémoire subconsciente différente de la mémoire normale, plus sûre et plus étendue que cette dernière et semblant presque sans limites ; ces faits nous entraînent au-delà du cadre des notions classiques sur le moi, son origine, ses fins et ses destinées.
Il n'y a rien dans les connaissances classiques, dans ce que nous avions pensé définitivement établi par les sciences naturelles, par la physiologie ou la psychologie, qui permette de se rendre compte des phénomènes subconscients, qui ne soit en opposition flagrante avec ces phénomènes.
En un mot, cette induction formidable nous met en présence d'un point d'interrogation plus formidable encore. Nous sommes amenés impérieusement à nous demander si la psychophysiologie classique n'est pas purement et simplement un monument d'erreurs ?
Dès lors, nous avons le devoir de considérer de près tous ses enseignements, et d'examiner surtout, a la lumière des faits, son fameux dogme, le dogme fondamental sur lequel elle repose entièrement, celui du parallélisme psychophysiologique.
Il importe de rechercher ce parallélisme partout où il était affirmé, et de voir s'il peut s'adapter aux faits subconscients.

3° Absence de parallélisme entre le subconscient, part et l’état du développement du cerveau, l'hérédité, les acquisitions sensorielles ou intellectuelles, d'autre part
« Le développement psychique, nous enseigne-t-on tout d'abord, accompagne régulièrement le développement du cerveau et il est proportionnel à ce développement pendant l'enfance et jusqu'à la maturité ».
Or, le psychisme subconscient a précisément, parmi ses caractéristiques, d'apparaître, souvent avec toute son importance, bien avant l'épanouissement complet du cerveau.
Sans parler même du subconscient dit supra normal, relativement plus fréquent chez les enfants que chez l'adulte, la précocité des manifestations du génie, surtout en art, est une notion banale et dont il n'est pas besoin de rappeler les exemples si connus. L'apparition du génie avant le développement complet du cerveau est un fait contraire à la théorie du parallélisme psychophysiologique.
Autre constatation, plus importante encore. Le développement psychique, en ce qui concerne le subconscient, apparaît indépendant des conditions héréditaires ; indépendant des acquisitions sensorielles et de l'effort nécessaire pour les acquisitions intellectuelles conscientes.
D'où proviennent, en effet, les capacités subconscientes ?
Ces capacités, qui se manifestent dans le génie, le talent ou l'inspiration, ne sont pas acquises ; elles sont innées. Le travail, l'entraînement ou l'effort répété peuvent, dans une certaine mesure, les développer. Ils ne peuvent pas les créer.
Comment comprendre les capacités innées ?
L'échec des tentatives d'interprétation, soit par l'hérédité, soit par la conformation cérébrale, est aujourd'hui définitif.
Les exemples d'hérédité psychique bien nette et bien établie sont tout à fait exceptionnels.
Le plus connu est celui de la famille de Jean Sébastien Bach, laquelle présenta, de 1550 à 1846, 29 musiciens éminents. Mais s'agit-il bien d'hérédité ? Il faudrait, pour le démontrer, éliminer d'abord d'autres facteurs : l'ambiance, l'éducation, les traditions familiales, l'entraînement collectif, etc.
Ce qui est extraordinaire, ce n'est pas que l'on rencontre, ça et là, quelques cas de soi-disant hérédité psychique ; c'est bien plutôt qu'on en rencontre si peu, en regard surtout de la fréquence et de la banalité de l'hérédité physique. Le fait est là :
Le rôle de l'hérédité est aussi effacé et secondaire en psychologie qu'il est important et prédominant en physiologie. Certaines dispositions, surtout d'ordre artistique, sont parfois héréditaires : mais les hautes facultés psychiques, le talent, et le génie ne proviennent pas plus des ascendants qu'ils ne se transmettent aux descendants. C'est là une constatation courante.
Les différences entre l'hérédité physique et l'hérédité psychique sont trop importantes pour être rattachées à des causes-physiologiques. Comment expliquer que deux frères puissent se ressembler physiquement et n'avoir rien de commun moralement ?
Les inégalités psychiques si considérables entre les êtres voisins par les conditions de naissance, de vie et d'éducation ne sont en rien corrélatives à des inégalités physiques.
Les physiologistes n'en sont plus à rechercher la cause de ces inégalités dans le poids, le volume ou la conformation du cerveau ; mais ils invoquent des variations, imperceptibles et inappréciables, du tissu cérébral ; des causes inaperçues, des influences diverses, pathologiques ou autres, pendant la vie intrautérine ; des conditions ignorées de la génération, des formations généalogiques ou autres, compliquées, etc.. toutes hypothèses qui n'ont même pas, en leur faveur, un commencement de démonstration.
En somme, par le fait qu'il est à la fois inné et non héréditaire, le subconscient apparaît comme indépendant de l'organisation anatomique du cerveau, comme il l'est des acquisitions intellectuelles et de l'effort qu'elles nécessitent. Par le fait qu'il apparaît souvent dès l'enfance, il semble indépendant de l'épanouissement complet du cerveau.
Voilà donc déjà un point établi : il n'y a pas parallélisme psychophysiologique entre l'apparition et le développement du subconscient et le développement individuel des centres nerveux.
Continuons notre investigation.

4° Absence de parallélisme entre le subconscient et l'activité cérébrale

« L'activité psychique, enseigne-t-on ensuite, est proportionnelle à l’activité des centres nerveux ».
Là, le raisonnement est très simple et très clair. S'il est un axiome que la physiologie ne peut nier sans se nier elle-même, c'est le suivant : « Le rendement d'un organe, de puissance donnée, est rigoureusement proportionnel au degré d'activité de cet organe ».
C'est précisément en se basant sur le parallélisme psychophysiologique apparent qu'on avait conclu, d'abord, de l'étude analytique du psychisme conscient, que le moi est la fonction du cerveau ; ou du moins ne peut pas être séparé du cerveau : « Nous ne pouvons pas plus, écrivait Haeckel, séparer notre âme individuelle du cerveau que le mouvement volontaire de nos bras ne peut être séparé de la contraction de nos muscles[4]»
Or, dans le psychisme subconscient, le parallélisme n’existe plus. Si nous faisons momentanément abstraction des produits de l'activité automatique du cerveau, qui constituent une sorte de subconscience inférieure, on ne peut plus trouver aucun rapport entre l’importance des manifestations du subconscient actif ou supérieur et le degré d'activité cérébrale.
Au contraire, le subconscient supérieur se montre d'autant plus actif que l'organe cérébral l'est moins.
Il apparaît et prend toute son importance, non pas dans un effort psychologique volontaire, mais dans l'inaction ou le repos du cerveau ; dans les états de distraction, de rêve ou même de sommeil, sommeil naturel, ou sommeil artificiel.
Beaunis[5] qui a étudié le subconscient non pas en psychologue, mais en physiologiste, fait cette remarque : « le travail inconscient ne fatigue pas comme le travail conscient... aussi me permettrai-je de dire à tous ceux qui, savants, littérateurs, artistes, vivent surtout par le cerveau : laissez travailler l’inconscient, il ne se fatigue jamais ».
On se demande, après cela, comment un physiologiste de la valeur de Beaunis n'a pas vu les formidables conséquences d'une pareille constatation.
Ces conséquences sont cependant inéluctables : le psychisme subconscient est entièrement et spécifiquement distinct de l'effort volontaire.
L'effort ne peut rien pour créer le psychisme subconscient. Il peut tout au plus amorcer son activité, l'orienter dans un sens donné ; mais c'est tout. Loin de le favoriser ensuite, il le gêne et la cessation de l'effort est la condition même des productions intuitives, artistiques ou géniales.
Tandis que, d'ailleurs, l'effort intellectuel est intermittent comme tout effort et que le fonctionnement cérébral exige de longues et régulières périodes de repos, le subconscient reste permanent dans ses capacités. Non seulement il ne disparaît pas par ce repos du cerveau, mais il prend tout son essor dans les états de torpeur cérébrale, de rêve, de distraction. C'est dans ces états très divers, mais toujours caractérisés essentiellement par l'absence de travail et d'effort que l'inspiration se déroule dans toute son ampleur et toute sa spontanéité.
On ne saurait trop insister sur ce fait de la dissociation des productions subconscientes d'avec l'activité du cerveau et d'avec l'effort volontaire.
Tout se passe, pour ces productions subconscientes, comme si elles étaient tout à fait indépendantes de la physiologie cérébrale.

5° Absence de parallélisme entre la cryptomnésie et la physiologie cérébrale
Tout autant que dans la cryptopsychie, le parallélisme est absent dans la cryptomnésie. Comme nous l'avons déjà longuement établi, l'enregistrement, la conservation, le rappel à la connaissance des états de mémoire subconscients ne dépendent en rien de l'effort, et sont indépendants, strictement, des conditions et contingences de la mémoire cérébrale normale.
De plus, la mémoire subconsciente est infiniment plus vaste, plus étendue, plus profonde que la mémoire normale. Enfin et surtout la mémoire subconsciente est indélébile comme acquit alors que la mémoire cérébrale est éphémère, comme le sont les neurones eux-mêmes auxquels elle est attachée.
Nulle part, on le voit, il n'y a, pour le subconscient, trace de parallélisme psychophysiologique.

6° Absence de localisations cérébrales pour le subconscient
Continuons notre examen :
« Les facultés psychologiques, dit-on encore, dépendent de localisations précises et nettes ».
Est-il besoin de faire remarquer qu'il est impossible de trouver, pour les facultés subconscientes, de localisation cérébrale. Pour que cette recherche paraisse même absurde a priori, il faut bien que l'on sente toute l'absence de parallélisme psychophysiologique quand il s'agit du subconscient. Passons :

7° Absence de parallélisme entre le subconscient et les capacités sensorielles

« L'activité psychique, affirme-t-on aussi, est étroitement conditionnée par l'étendue des capacités organiques. Elle en est strictement inséparable. Les éléments qu'utilise l'intelligence lui viennent des sens. La portée des sens limite ainsi, la portée du psychisme. »
Autant de mots, autant d'erreurs en ce qui concerne le subconscient.
L'origine des capacités subconscientes n'est pas sensorielle ; car ces capacités sont innées. La portée des capacités subconscientes déborde de partout le cadre des capacités sensorielles.
L'inspiration supérieure, l'intuition, le génie sont indépendants, totalement, des acquisitions.

8° Absence de parallélisme entre les capacités organiques et le subconscient supra normal
Le supra normal enfin, prouve que le psychisme subconscient dépasse toutes les capacités organiques, puisqu'il se manifeste, même sans elles ou en dehors d'elles.
Les phénomènes d'extériorisation nous révèlent un dynamo-psychisme séparable de l'organisme. C'est là la négation même du parallélisme classique !
Il n'y a pas de parallélisme psycho-anatomique : l'action sensorielle peut se révéler en dehors des organes des sens : l'action motrice peut s'exécuter en dehors des muscles ; l'action psychique peut se dérouler en dehors du cerveau !
Il n’y a pas de parallélisme psychophysiologique : le fonctionnement apparent, sensoriel, moteur ou intellectuel peut être supprimé ou inerte. Le corps du sujet, dont la sensibilité s'exerce à distance est, généralement, pendant ce temps, profondément anesthésié. Ses muscles exécutent parfois, pendant l'extériorisation motrice, quelques vagues mouvements réflexes associés ; mais ces contractions synergiques, d'ailleurs non constantes, ne représentent jamais un effort concordant à l'effet. Quant à ses centres nerveux, ils sont plongés dans un état d'annihilation, variant de l'engourdissement vague à la « transe » spéciale, sorte de coma transitoire pendant lequel toutes les fonctions, excepté celles de la vie végétative, sont totalement supprimées.
Plus cette annihilation fonctionnelle est profonde, plus remarquables apparaissent souvent les manifestations métapsychiques. Plus l'extériorisation, la sécession d'avec l'organisme est complète, plus les phénomènes se montrent élevés et complexes :
S'agit-il de vision à distance ou de télépathie ? Les cas les plus remarquables sont ceux qui dépassent le plus, dans les proportions les plus invraisemblables, la portée des sens.
S'agit-il de matérialisation idéoplastique ? Les formations ont d'autant plus d'activité propre et d'autonomie apparente qu'elles sont mieux distinctes et séparées du médium.
En somme, comme je l'avais exposé dans l'Etre Subconscient, la démonstration classique en faveur du parallélisme psychophysiologique, dans le fonctionnement, dit normal de l'Etre, se retourne totalement contre ce parallélisme dans le fonctionnement dit supra normal :
Celte démonstration négative tient dans la triple formule :
— Pas de corrélation entre l'anatomo-physiologie et les manifestations métapsychiques.
— Activité métapsychique en raison inverse de l'activité fonctionnelle.
— Activité métapsychique (sensible, dynamique, motrice, intellectuelle, idéoplastique) séparable de l'organisme même.
Tout se passe, avec évidence, on peut l'affirmer sans réserve, comme s'il n'y avait pas, pour le subconscient supra normal, de parallélisme psychophysiologique.

9° Le subconscient déborde l'organisme et le conditionne

D'ailleurs, le subconscient porte, en lui-même, une preuve suprême de cette vérité : non seulement, en effet, il dépasse, dans ses manifestations, toutes les contingences dynamiques et matérielles ; mais encore il les conditionne.
C'est ce que nous avons vu en psychologie, puisque le psychisme conscient n'est qu'une part, la plus faible, du psychisme total et est véritablement conditionné par le psychisme subconscient qui constitue le fond même de l'être pensant, sa caractéristique essentielle.
C'est ce qui est plus évident encore en physiologie, où nous avons pu démontrer que la substance organique se résout dans un dynamisme supérieur et que ce dynamisme supérieur a son idée directrice dans le subconscient. L'idée directrice subconsciente se montre même, dans les états supra normaux, capable de désorganiser momentanément la substance organique pour la reconstituer dans des représentations différentes. Il est donc certain que l'organisme, loin d'être, comme l'enseignait la théorie matérialiste, le générateur de l'idée est au contraire conditionné par l'idée et n'apparaît que comme un produit idéoplastique de ce qu'il y a d'essentiel dans l'être, c'est-à-dire son psychisme subconscient.
Mais ce n'est pas tout encore : ce subconscient, qui a en lui les capacités directrices et centralisatrices du moi, dans toutes ses représentations, a aussi le pouvoir de s'élever au-dessus de ces représentations mêmes.
Les facultés de télépathie, d'action mento-mentale ou de lucidité sont des facultés qui échappent aux représentations parce qu'elles échappent précisément aux conditions dynamiques ou matérielles qui les régissent. Le subconscient est au-dessus du cadre même des représentations, c'est-à-dire du temps et de l'espace, dans l'intuition, le génie et dans la lucidité.
Ainsi, la thèse que Carl du Prel avait soutenue dans des oeuvres admirables d'intuition ; que Myers avait basée sur une documentation solide et nous-mêmes sur un raisonnement qui n'a pas été réfuté, s'offre maintenant, dans toute son ampleur, à l'examen et à la discussion des savants et des penseurs de bonne foi. On peut l'affirmer sans réserve : il y a, dans l'Etre vivant, un dynamo-psychisme qui constitue l'essentiel du moi, et qui ne peut absolument pas se ramener au fonctionnement des centres nerveux. Ce dynamo-psychisme essentiel n'est pas conditionné par l'organisme ; bien au contraire, tout se passe comme si l'organisme et le fonctionnement cérébral étaient conditionnés par lui.

10° Conclusions de l'examen synthétique de la psychophysiologie
Telles sont les premières conclusions essentielles d'une psychophysiologie intégrale, basée sur tous les faits ; mais spécialement sur les faits les plus élevés et les plus complexes ; imposée par la connaissance approfondie du subconscient ; mais s'adaptant aisément, comme nous le montrerons plus loin, à l'ensemble des faits plus simples, qu'elle éclaire complètement.
La science offre ainsi les matériaux de bon aloi qu'il suffira de réunir, de coordonner et de classer pour substituer, à l'indescriptible chaos de la psychophysiologie classique, un édifice harmonieux basé sur ces deux solides piliers :
— Notion d'un dynamisme supérieur conditionnant le complexus organique.
— Notion d'un psychisme supérieur indépendant des contingences cérébrales et coordonnant la multiplicité des états de conscience.
Mais, avant de tenter l'oeuvre de synthèse, nous devons chercher, dans les systèmes connus, ce que nous offre la philosophie.

[1] Dantec : Le déterminisme biologique.

[2] En tous cas l'impression s'en est effacée et a disparu.

[3] Sidy and Goodhart : Multiple personality.

[4] Haeckel : Le Monisme.

[5] Cité par M. Dwelshauvers.

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