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Chapitre VII
Les inductions psychologiques rationnelles basées sur le subconscient
Notre examen de la psycho-physiologie classique nous a fait
saisir sur le vif l'erreur et l'illusion de la méthode ascendante, qui
prétend partir des faits élémentaires pour interpréter
les faits complexes.
Servons-nous donc hardiment de la méthode opposée, de la méthode
descendante et considérons d'abord et avant tout les faits les plus complexes
de la psychologie, c'est-à-dire les phénomènes subconscients.
La méthode nous donnera dans le domaine psychique ce qu'elle nous a donné
dans le domaine physiologique : une lumière nouvelle, éblouissante,
éclairant notre route et rendant simples, aisées, fécondes,
toutes nos investigations.
1° Le subconscient est l'essence même de la psychologie individuelle
Lorsqu'on procède, sans idée préconçue et sans tenir
compte des enseignements classiques, de leurs formules ou de leurs dogmes, à
l'examen de la psychologie subconsciente, on éprouve une première
et grande surprise : le subconscient nous paraît être l'essence
même de la psychologie individuelle.
Ce qu'il y a de plus important dans le psychisme individuel est subconscient.
Le fonds même du moi, sa caractéristique sont subconscients. Toutes
les capacités innées sont subconscientes ; de même les facultés
supérieures, l'intuition, le talent, le génie, l'inspiration artistique
ou créatrice. Ces facultés sont cryptoïdes dans leur origine,
cryptoïdes dans leurs manifestations, dont tout le mécanisme échappe
en majeure partie à la volonté, à la direction normale
et régulière de l'être et ne se révèlent que
par la mise au jour, en dehors de la réglementation consciente, de produits
intermittents et d'apparence spontanée.
Cette activité psychique subconsciente, formidable en elle-même,
est doublée d'une mémoire plus formidable encore, mémoire
toute puissante et infaillible, qui laisse bien loin derrière elle la
pauvre mémoire consciente, si caduque, débile et bornée.
A côté du subconscient, le conscient n'apparaît plus que
comme un psychisme restreint, limité et tronqué ; et encore ce
psychisme est-il soumis, même pour ses manifestations les plus importantes,
à cette portion cryptoïde du moi, qui en forme la caractéristique
et le fonds.
Tout se passe, en un mot, comme si le conscient ne constituait qu'une partie,
la plus faible, du moi ; partie entièrement conditionnée par la
partie la plus importante, restée cryptoïde, dans les conditions
ordinaires de la vie individuelle normale.
Une pareille constatation est pour la psychologie classique, qui considère
le moi comme la somme des consciences des neurones, un insoluble mystère.
Il est impossible, en partant de sa conception, de comprendre ou même
de tenter une interprétation qui ne soit pas purement verbale, soit de
la cryptopsychie, soit de la cryptonmésie.
2° L'impuissance de la psychologie classique en face de la cryptopsychie
et de la cryptomnésie
La cryptopsychie, au point de vue de la psychologie individuelle apparaît
comme un non-sens.
Comment une part de l'activité mentale échappe-t-elle à
la disposition de l'individu ou ne lui est-elle accessible qu'irrégulièrement
et par accidents ? Comment cette activité mentale involontaire et latente
est-elle supérieure à l'activité mentale volontaire et
consciente ?
Comment toutes les capacités supérieures : non seulement les facultés
supra normales, mais aussi l'inspiration créatrice et le génie
et tout ce qu'il y a d'essentiel au point de vue psychique dans l'intellect,
lui sont-ils, en majeure partie, inaccessibles et inconnus ? Pourquoi, en un
mot, sont-ils subconscients et non conscients ? Encore une fois, impossible
de le comprendre dans la psychologie classique.
Se basant sur ces arguments. Myers n'avait pas eu de peine à montrer
l'impossibilité de faire de la cryptopsychie le produit de l'évolution
physiologique normale. Il y a en effet contradiction absolue dans la constatation
de facultés à la fois très puissantes et très utiles
et, en même temps, en majeure partie inutilisables par l'être dans
la vie normale.
Passons maintenant à la cryptonmésie : la cryptonmésie,
nous l'avons vu, serait pourvue d'une puissance prodigieuse, puissance qui ne
connaîtrait pas de limites. Elle permettrait l’enregistrement fidèle
de tout ce qui a frappé nos sens, soit consciemment, soit même
à notre insu et assurerait à cet enregistrement un caractère
indélébile.
Or, une pareille conception diffère du tout au tout des notions classiques
de la mémoire.
La mémoire ordinaire est d'autant plus précise que le fait auquel
elle se rapporte a frappé plus fortement l'attention de l'Etre et que
ce fait est plus récent. Si le fait enregistré est, pour l'Etre,
d'importance secondaire ou nulle, il disparaît bientôt et à
jamais ; à moins, bien entendu, d'être conservé grâce
à une association d'idées plus importantes, à laquelle
il aurait été lié par hasard.
De même, si le fait enregistré est ancien, le souvenir en devient
vague, confus, et finit à la longue par disparaître aussi, souvent
totalement. C'est là un processus régulier, normal, conforme à
tout ce que nous enseigne la physiologie : L'impression produite sur le cerveau
est superficielle et éphémère pour les états de
conscience d'intensité médiocre et cette impression, même
pour les états de conscience plus importants, tend à s'effacer
avec le temps.
Le Dantec[1]
résume ainsi sa théorie psychologique de la mémoire : «
il y a deux choses à considérer dans la mémoire au point
de vue objectif :
1° Le fait que nous n'avons pas oublié une chose, que nous sommes
susceptibles de nous la rappeler ;
2° L'opération qui consiste à nous en souvenir. La première
chose consiste en une particularité histologique, la deuxième
est corrélative d'un phénomène physiologique.
Exécutons une opération quelconque, mentale ou autre, un certain
nombre de fois. Le chemin parcouru par le réflexe correspondant sera,
en vertu de la loi d'assimilation fonctionnelle, consolidée par ce réflexe
même ; il y aura donc dans notre système nerveux un certain nombre
de modifications histologiques corrélatives de l'opération en
question.
Tant que ces modifications histologiques persisteront, la mémoire histologique
de l'opération en question persistera ; il suffira de la répéter
de temps en temps pour entretenir par assimilation fonctionnelle cette mémoire
histologique. Si l'on reste longtemps sans la répéter, la destruction
plastique qui accompagne le repos des organes détruira cette particularité
de notre système nerveux ; il y aura oubli ».
Quand l'oubli est complet et absolu, il est aussi irrémédiable.
La mémoire histologique ayant disparu, il ne saurait subsister de mémoire
psychologique. Cela semble évident et tels semblent bien être,
en effet, le processus et les conditions de la mémoire ordinaire.
Or, la cryptomnésie est tout différente : elle se rapporte non
seulement aux faits importants, mais aussi à des faits même sans
importance, à des faits, qui parfois, n'ont même pas retenu l'attention
consciente de l'Etre.
D'autre part, l'enregistrement des états de conscience, dans la mémoire
occulte, n'est en rien subordonné à la question de temps. Cet
enregistrement paraît indélébile. La gamme des souvenirs
latents s'étend ainsi des détails les plus insignifiants, même
enregistrés inconsciemment, aux faits les plus importants de notre vie
consciente. Leur souvenir, même lorsqu'il semble à jamais disparu,
inaccessible au moi normal, peut, dans les états anormaux, spécialement
dans le somnambulisme ou le médiumnisme, reparaître intégralement
au premier plan.
La cryptomnésie n'est pas seulement faite d'expériences extrinsèques,
mais aussi d'expériences intrinsèques, pour ainsi dire. Elle est
constituée non seulement par des souvenirs réels mais aussi par
des souvenirs d'ordre imaginatif. L'imagination, qui joue dans le psychisme
normal un rôle si considérable, créé ou réalise
des faits fictifs qui, de même que les faits réels, sont enregistrés
dans la cryptomnésie. De même, naturellement, toutes les émotions
et tous les états d'âme.
En somme, tout ce qui a été dans le champ psychique, consciemment
ou inconsciemment, peu importe, demeure, indestructible, même quand il
semble à jamais perdu.
En vain, un temps très long s'est-il écoulé depuis cette
acquisition psychique ou sensorielle ; en vain les cellules cérébrales,
qui avaient vibré synchroniquement, ont-elles été, depuis
lors, sans cloute, bien des fois renouvelées[2]. En dépit du temps et en dépit des changements, le souvenir intégral
reste, gravé d'une manière indélébile, dans le subconscient.
Comment ? Pourquoi ? Mystère insoluble pour la physiologie classique.
Le souvenir subconscient intégral semble donc indépendant des
contingences cérébrales. On a même cité des cas où
il persistait, réapparaissant par éclairs, en dépit de
la perte de la mémoire ordinaire par maladie du cerveau. Tel est le cas
fameux de M. Hanna, bien caractéristique à ce sujet[3]. M. Hanna, à la suite d'une chute sur la tête, oublia totalement
toute sa vie passée, toutes ses connaissances, tout son acquit et se
trouva ramené à l'état psychologique d'un nouveau-né
à qui on doit tout apprendre. Mais chose curieuse, si la mémoire
avait disparu, la capacité d'apprendre était intacte. La rééducation
fut très rapide et complète. Or, pendant cette rééducation,
M. Hanna avait à chaque instant, constate M. Flournoy, « des rêves
ou visions incompréhensibles pour lui, qu'il décrivait avec étonnement
à ses parents et où ceux-ci reconnaissaient les souvenirs très
exacts de localités où le patient avait été avant
son accident ». Il y avait donc une mémoire latente, laquelle se
manifestait évidemment aussi par la faculté de rapprendre très
vite.
En somme, de l'étude de la cryptomnésie ressort avec évidence
ce qui suit : tout se passe comme si l'état psychique qu'on nomme un
souvenir, enregistré par les cellules cérébrales, et destiné
à disparaître bientôt avec elles, éphémère
comme elles, était enregistré, en même temps, dans «
quelque chose » de permanent, dont ce souvenir sera dorénavant
partie intégrante et permanente elle-même.
Retenons bien cette constatation. Nous en comprendrons plus tard seulement toute
l'importance. Qu'il nous suffise, pour le moment, d'établir une première
induction, induction imposée par les faits :
— La présence, dans l'Etre, de facultés puissantes et étendues,
mais subconscientes, louant dans le psychisme individuel le rôle principal
bien que cryptoïde, conditionnant ce psychisme individuel tout en échappant
en majeure partie à la connaissance et à la volonté normales
et directes ;
— La constatation d'une mémoire subconsciente différente
de la mémoire normale, plus sûre et plus étendue que cette
dernière et semblant presque sans limites ; ces faits nous entraînent
au-delà du cadre des notions classiques sur le moi, son origine, ses
fins et ses destinées.
Il n'y a rien dans les connaissances classiques, dans ce que nous avions pensé
définitivement établi par les sciences naturelles, par la physiologie
ou la psychologie, qui permette de se rendre compte des phénomènes
subconscients, qui ne soit en opposition flagrante avec ces phénomènes.
En un mot, cette induction formidable nous met en présence d'un point
d'interrogation plus formidable encore. Nous sommes amenés impérieusement
à nous demander si la psychophysiologie classique n'est pas purement
et simplement un monument d'erreurs ?
Dès lors, nous avons le devoir de considérer de près tous
ses enseignements, et d'examiner surtout, a la lumière des faits, son
fameux dogme, le dogme fondamental sur lequel elle repose entièrement,
celui du parallélisme psychophysiologique.
Il importe de rechercher ce parallélisme partout où il était
affirmé, et de voir s'il peut s'adapter aux faits subconscients.
3° Absence de parallélisme entre le subconscient, part et l’état
du développement du cerveau, l'hérédité, les acquisitions
sensorielles ou intellectuelles, d'autre part
« Le développement psychique, nous enseigne-t-on tout d'abord,
accompagne régulièrement le développement du cerveau et
il est proportionnel à ce développement pendant l'enfance et jusqu'à
la maturité ».
Or, le psychisme subconscient a précisément, parmi ses caractéristiques,
d'apparaître, souvent avec toute son importance, bien avant l'épanouissement
complet du cerveau.
Sans parler même du subconscient dit supra normal, relativement plus fréquent
chez les enfants que chez l'adulte, la précocité des manifestations
du génie, surtout en art, est une notion banale et dont il n'est pas
besoin de rappeler les exemples si connus. L'apparition du génie avant
le développement complet du cerveau est un fait contraire à la
théorie du parallélisme psychophysiologique.
Autre constatation, plus importante encore. Le développement psychique,
en ce qui concerne le subconscient, apparaît indépendant des conditions
héréditaires ; indépendant des acquisitions sensorielles
et de l'effort nécessaire pour les acquisitions intellectuelles conscientes.
D'où proviennent, en effet, les capacités subconscientes ?
Ces capacités, qui se manifestent dans le génie, le talent ou
l'inspiration, ne sont pas acquises ; elles sont innées. Le travail,
l'entraînement ou l'effort répété peuvent, dans une
certaine mesure, les développer. Ils ne peuvent pas les créer.
Comment comprendre les capacités innées ?
L'échec des tentatives d'interprétation, soit par l'hérédité,
soit par la conformation cérébrale, est aujourd'hui définitif.
Les exemples d'hérédité psychique bien nette et bien établie
sont tout à fait exceptionnels.
Le plus connu est celui de la famille de Jean Sébastien Bach, laquelle
présenta, de 1550 à 1846, 29 musiciens éminents. Mais s'agit-il
bien d'hérédité ? Il faudrait, pour le démontrer,
éliminer d'abord d'autres facteurs : l'ambiance, l'éducation,
les traditions familiales, l'entraînement collectif, etc.
Ce qui est extraordinaire, ce n'est pas que l'on rencontre, ça et là,
quelques cas de soi-disant hérédité psychique ; c'est bien
plutôt qu'on en rencontre si peu, en regard surtout de la fréquence
et de la banalité de l'hérédité physique. Le fait
est là :
Le rôle de l'hérédité est aussi effacé et
secondaire en psychologie qu'il est important et prédominant en physiologie.
Certaines dispositions, surtout d'ordre artistique, sont parfois héréditaires
: mais les hautes facultés psychiques, le talent, et le génie
ne proviennent pas plus des ascendants qu'ils ne se transmettent aux descendants.
C'est là une constatation courante.
Les différences entre l'hérédité physique et l'hérédité
psychique sont trop importantes pour être rattachées à des
causes-physiologiques. Comment expliquer que deux frères puissent se
ressembler physiquement et n'avoir rien de commun moralement ?
Les inégalités psychiques si considérables entre les êtres
voisins par les conditions de naissance, de vie et d'éducation ne sont
en rien corrélatives à des inégalités physiques.
Les physiologistes n'en sont plus à rechercher la cause de ces inégalités
dans le poids, le volume ou la conformation du cerveau ; mais ils invoquent
des variations, imperceptibles et inappréciables, du tissu cérébral
; des causes inaperçues, des influences diverses, pathologiques ou autres,
pendant la vie intrautérine ; des conditions ignorées de la génération,
des formations généalogiques ou autres, compliquées, etc..
toutes hypothèses qui n'ont même pas, en leur faveur, un commencement
de démonstration.
En somme, par le fait qu'il est à la fois inné et non héréditaire,
le subconscient apparaît comme indépendant de l'organisation anatomique
du cerveau, comme il l'est des acquisitions intellectuelles et de l'effort qu'elles
nécessitent. Par le fait qu'il apparaît souvent dès l'enfance,
il semble indépendant de l'épanouissement complet du cerveau.
Voilà donc déjà un point établi : il n'y a pas parallélisme
psychophysiologique entre l'apparition et le développement du subconscient
et le développement individuel des centres nerveux.
Continuons notre investigation.
4° Absence de parallélisme entre le subconscient et l'activité
cérébrale
« L'activité psychique, enseigne-t-on ensuite, est proportionnelle
à l’activité des centres nerveux ».
Là, le raisonnement est très simple et très clair. S'il
est un axiome que la physiologie ne peut nier sans se nier elle-même,
c'est le suivant : « Le rendement d'un organe, de puissance donnée,
est rigoureusement proportionnel au degré d'activité de cet organe
».
C'est précisément en se basant sur le parallélisme psychophysiologique
apparent qu'on avait conclu, d'abord, de l'étude analytique du psychisme
conscient, que le moi est la fonction du cerveau ; ou du moins ne peut pas être
séparé du cerveau : « Nous ne pouvons pas plus, écrivait
Haeckel, séparer notre âme individuelle du cerveau que le mouvement
volontaire de nos bras ne peut être séparé de la contraction
de nos muscles[4]»
Or, dans le psychisme subconscient, le parallélisme n’existe plus.
Si nous faisons momentanément abstraction des produits de l'activité
automatique du cerveau, qui constituent une sorte de subconscience inférieure,
on ne peut plus trouver aucun rapport entre l’importance des manifestations
du subconscient actif ou supérieur et le degré d'activité
cérébrale.
Au contraire, le subconscient supérieur se montre d'autant plus actif
que l'organe cérébral l'est moins.
Il apparaît et prend toute son importance, non pas dans un effort psychologique
volontaire, mais dans l'inaction ou le repos du cerveau ; dans les états
de distraction, de rêve ou même de sommeil, sommeil naturel, ou
sommeil artificiel.
Beaunis[5]
qui a étudié le subconscient non pas en psychologue, mais en physiologiste,
fait cette remarque : « le travail inconscient ne fatigue pas comme le
travail conscient... aussi me permettrai-je de dire à tous ceux qui,
savants, littérateurs, artistes, vivent surtout par le cerveau : laissez
travailler l’inconscient, il ne se fatigue jamais ».
On se demande, après cela, comment un physiologiste de la valeur de Beaunis
n'a pas vu les formidables conséquences d'une pareille constatation.
Ces conséquences sont cependant inéluctables : le psychisme subconscient
est entièrement et spécifiquement distinct de l'effort volontaire.
L'effort ne peut rien pour créer le psychisme subconscient. Il peut tout
au plus amorcer son activité, l'orienter dans un sens donné ;
mais c'est tout. Loin de le favoriser ensuite, il le gêne et la cessation
de l'effort est la condition même des productions intuitives, artistiques
ou géniales.
Tandis que, d'ailleurs, l'effort intellectuel est intermittent comme tout effort
et que le fonctionnement cérébral exige de longues et régulières
périodes de repos, le subconscient reste permanent dans ses capacités.
Non seulement il ne disparaît pas par ce repos du cerveau, mais il prend
tout son essor dans les états de torpeur cérébrale, de
rêve, de distraction. C'est dans ces états très divers,
mais toujours caractérisés essentiellement par l'absence de travail
et d'effort que l'inspiration se déroule dans toute son ampleur et toute
sa spontanéité.
On ne saurait trop insister sur ce fait de la dissociation des productions subconscientes
d'avec l'activité du cerveau et d'avec l'effort volontaire.
Tout se passe, pour ces productions subconscientes, comme si elles étaient
tout à fait indépendantes de la physiologie cérébrale.
5° Absence de parallélisme entre la cryptomnésie et la
physiologie cérébrale
Tout autant que dans la cryptopsychie, le parallélisme est absent dans
la cryptomnésie. Comme nous l'avons déjà longuement établi,
l'enregistrement, la conservation, le rappel à la connaissance des états
de mémoire subconscients ne dépendent en rien de l'effort, et
sont indépendants, strictement, des conditions et contingences de la
mémoire cérébrale normale.
De plus, la mémoire subconsciente est infiniment plus vaste, plus étendue,
plus profonde que la mémoire normale. Enfin et surtout la mémoire
subconsciente est indélébile comme acquit alors que la mémoire
cérébrale est éphémère, comme le sont les
neurones eux-mêmes auxquels elle est attachée.
Nulle part, on le voit, il n'y a, pour le subconscient, trace de parallélisme
psychophysiologique.
6° Absence de localisations cérébrales pour le subconscient
Continuons notre examen :
« Les facultés psychologiques, dit-on encore, dépendent
de localisations précises et nettes ».
Est-il besoin de faire remarquer qu'il est impossible de trouver, pour les facultés
subconscientes, de localisation cérébrale. Pour que cette recherche
paraisse même absurde a priori, il faut bien que l'on sente toute l'absence
de parallélisme psychophysiologique quand il s'agit du subconscient.
Passons :
7° Absence de parallélisme entre le subconscient et les capacités
sensorielles
« L'activité psychique, affirme-t-on aussi, est étroitement
conditionnée par l'étendue des capacités organiques. Elle
en est strictement inséparable. Les éléments qu'utilise
l'intelligence lui viennent des sens. La portée des sens limite ainsi,
la portée du psychisme. »
Autant de mots, autant d'erreurs en ce qui concerne le subconscient.
L'origine des capacités subconscientes n'est pas sensorielle ; car ces
capacités sont innées. La portée des capacités subconscientes
déborde de partout le cadre des capacités sensorielles.
L'inspiration supérieure, l'intuition, le génie sont indépendants,
totalement, des acquisitions.
8° Absence de parallélisme entre les capacités organiques
et le subconscient supra normal
Le supra normal enfin, prouve que le psychisme subconscient dépasse toutes
les capacités organiques, puisqu'il se manifeste, même sans elles
ou en dehors d'elles.
Les phénomènes d'extériorisation nous révèlent
un dynamo-psychisme séparable de l'organisme. C'est là la négation
même du parallélisme classique !
Il n'y a pas de parallélisme psycho-anatomique : l'action sensorielle
peut se révéler en dehors des organes des sens : l'action motrice
peut s'exécuter en dehors des muscles ; l'action psychique peut se dérouler
en dehors du cerveau !
Il n’y a pas de parallélisme psychophysiologique : le fonctionnement
apparent, sensoriel, moteur ou intellectuel peut être supprimé
ou inerte. Le corps du sujet, dont la sensibilité s'exerce à distance
est, généralement, pendant ce temps, profondément anesthésié.
Ses muscles exécutent parfois, pendant l'extériorisation motrice,
quelques vagues mouvements réflexes associés ; mais ces contractions
synergiques, d'ailleurs non constantes, ne représentent jamais un effort
concordant à l'effet. Quant à ses centres nerveux, ils sont plongés
dans un état d'annihilation, variant de l'engourdissement vague à
la « transe » spéciale, sorte de coma transitoire pendant
lequel toutes les fonctions, excepté celles de la vie végétative,
sont totalement supprimées.
Plus cette annihilation fonctionnelle est profonde, plus remarquables apparaissent
souvent les manifestations métapsychiques. Plus l'extériorisation,
la sécession d'avec l'organisme est complète, plus les phénomènes
se montrent élevés et complexes :
S'agit-il de vision à distance ou de télépathie ? Les cas
les plus remarquables sont ceux qui dépassent le plus, dans les proportions
les plus invraisemblables, la portée des sens.
S'agit-il de matérialisation idéoplastique ? Les formations ont
d'autant plus d'activité propre et d'autonomie apparente qu'elles sont
mieux distinctes et séparées du médium.
En somme, comme je l'avais exposé dans l'Etre Subconscient, la démonstration
classique en faveur du parallélisme psychophysiologique, dans le fonctionnement,
dit normal de l'Etre, se retourne totalement contre ce parallélisme dans
le fonctionnement dit supra normal :
Celte démonstration négative tient dans la triple formule :
— Pas de corrélation entre l'anatomo-physiologie et les manifestations
métapsychiques.
— Activité métapsychique en raison inverse de l'activité
fonctionnelle.
— Activité métapsychique (sensible, dynamique, motrice,
intellectuelle, idéoplastique) séparable de l'organisme même.
Tout se passe, avec évidence, on peut l'affirmer sans réserve,
comme s'il n'y avait pas, pour le subconscient supra normal, de parallélisme
psychophysiologique.
9° Le subconscient déborde l'organisme et le conditionne
D'ailleurs, le subconscient porte, en lui-même, une preuve suprême
de cette vérité : non seulement, en effet, il dépasse,
dans ses manifestations, toutes les contingences dynamiques et matérielles
; mais encore il les conditionne.
C'est ce que nous avons vu en psychologie, puisque le psychisme conscient n'est
qu'une part, la plus faible, du psychisme total et est véritablement
conditionné par le psychisme subconscient qui constitue le fond même
de l'être pensant, sa caractéristique essentielle.
C'est ce qui est plus évident encore en physiologie, où nous avons
pu démontrer que la substance organique se résout dans un dynamisme
supérieur et que ce dynamisme supérieur a son idée directrice
dans le subconscient. L'idée directrice subconsciente se montre même,
dans les états supra normaux, capable de désorganiser momentanément
la substance organique pour la reconstituer dans des représentations
différentes. Il est donc certain que l'organisme, loin d'être,
comme l'enseignait la théorie matérialiste, le générateur
de l'idée est au contraire conditionné par l'idée et n'apparaît
que comme un produit idéoplastique de ce qu'il y a d'essentiel dans l'être,
c'est-à-dire son psychisme subconscient.
Mais ce n'est pas tout encore : ce subconscient, qui a en lui les capacités
directrices et centralisatrices du moi, dans toutes ses représentations,
a aussi le pouvoir de s'élever au-dessus de ces représentations
mêmes.
Les facultés de télépathie, d'action mento-mentale ou de
lucidité sont des facultés qui échappent aux représentations
parce qu'elles échappent précisément aux conditions dynamiques
ou matérielles qui les régissent. Le subconscient est au-dessus
du cadre même des représentations, c'est-à-dire du temps
et de l'espace, dans l'intuition, le génie et dans la lucidité.
Ainsi, la thèse que Carl du Prel avait soutenue dans des oeuvres admirables
d'intuition ; que Myers avait basée sur une documentation solide et nous-mêmes
sur un raisonnement qui n'a pas été réfuté, s'offre
maintenant, dans toute son ampleur, à l'examen et à la discussion
des savants et des penseurs de bonne foi. On peut l'affirmer sans réserve
: il y a, dans l'Etre vivant, un dynamo-psychisme qui constitue l'essentiel
du moi, et qui ne peut absolument pas se ramener au fonctionnement des centres
nerveux. Ce dynamo-psychisme essentiel n'est pas conditionné par l'organisme
; bien au contraire, tout se passe comme si l'organisme et le fonctionnement
cérébral étaient conditionnés par lui.
10° Conclusions de l'examen synthétique de la psychophysiologie
Telles sont les premières conclusions essentielles d'une psychophysiologie
intégrale, basée sur tous les faits ; mais spécialement
sur les faits les plus élevés et les plus complexes ; imposée
par la connaissance approfondie du subconscient ; mais s'adaptant aisément,
comme nous le montrerons plus loin, à l'ensemble des faits plus simples,
qu'elle éclaire complètement.
La science offre ainsi les matériaux de bon aloi qu'il suffira de réunir,
de coordonner et de classer pour substituer, à l'indescriptible chaos
de la psychophysiologie classique, un édifice harmonieux basé
sur ces deux solides piliers :
— Notion d'un dynamisme supérieur conditionnant le complexus organique.
— Notion d'un psychisme supérieur indépendant des contingences
cérébrales et coordonnant la multiplicité des états
de conscience.
Mais, avant de tenter l'oeuvre de synthèse, nous devons chercher, dans
les systèmes connus, ce que nous offre la philosophie.
[1] Dantec : Le déterminisme biologique.
[2] En tous cas l'impression s'en est effacée et a disparu.
[3] Sidy and Goodhart : Multiple personality.
[4] Haeckel : Le Monisme.
[5] Cité par M. Dwelshauvers.
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