Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


Chapitre II
Le problème de la physiologie supranormale

Personne, aujourd'hui n'ignore plus ce qu'est la physiologie dite supra normale.
Elle se manifeste, chez des sujets spécialement doués et entraînés, appelés médiums, par des effets dynamiques et matériels, inexplicables par le jeu régulier de leurs organes, et dépassant leur champ d'action.
Les phénomènes les plus importants et les plus complexes de la physiologie dite supra normale sont les phénomènes dits de matérialisation et de dématérialisation.
Conformément à notre méthode, ce sont les seuls que nous nous efforcerons tout d'abord de comprendre et d'expliquer pour, ensuite, adapter la solution du problème aux faits moins importants du même ordre, tels que les mouvements d'objets sans contact.
1° Les matérialisations
Je n'ai pas l'intention de faire ici une étude historique ou critique des matérialisations, étude que le lecteur trouvera dans tous les ouvrages spéciaux.
Ouvrages et travaux à compléter :

Aksakoff : Animisme et spiritisme.
J. Bisson : Les Phénomènes dits de matérialisation.
Crookes : Recherche sur les phénomènes du Spiritualisme.
Delanne : les apparitions matérialisées.
D'espérance : Au pays de l'ombre.
Flammarion : Les forces naturelles inconnues.
Maxwell : Les Phénomènes psychiques.
Richet : Etudes sur les matérialisations de la villa Carmen.
De Schrenck-Notzing : Matérialisations-phénomènes.
De Rochas : Oeuvres complètes.


J'apporterai simplement ma contribution personnelle à l'analyse et à la synthèse de ce phénomène d'une importance primordiale, puisque, plus sûrement, plus complètement que tout autre, il bouleverse de fond en comble les fondements de la physiologie.
Le processus des matérialisations peut se résumer ainsi : du corps du médium sort, s'extériorise une substance d'abord amorphe ou polymorphe. Cette substance se constitue en représentations diverses, généralement représentations d'organes plus ou moins complexes.
Nous pouvons donc considérer successivement :
1° La substance : substratum des matérialisations ;
2° Ses représentations organisées.
La substance s'extériorise soit sous la forme gazeuse ou vaporeuse, soit sous la forme liquide ou solide.
La forme vaporeuse est la plus fréquente et la plus connue. Auprès du médium se dessine ou s'agglomère une sorte de vapeur visible, de brouillard souvent relié à son organisme par un lien ténu de la même substance. Puis, il se produit comme une condensation, en divers points de ce brouillard, par un processus que M. Le Cour a comparé ingénieusement à la formation supposée des nébuleuses.
Ces points de condensation prennent enfin l'apparence d'organes, dont le développement s'achève très rapidement.
Sous sa forme liquide ou solide, la substance productrice des matérialisations est plus accessible à l'examen. Son organisation est parfois plus lente. Elle reste relativement longtemps à l'état amorphe et permet de se faire une idée précise de la genèse même du phénomène.
Elle a été observée, sous cette forme, chez plusieurs médiums, spécialement chez le fameux médium Eglinton[1] . Mais c'est chez le médium Eva que la genèse de la substance solide se produit surtout avec une intensité extraordinaire. Le lecteur devra se reporter au livre de Mme Bisson et à celui du docteur de Schrenck-Notzing pour trouver décrits les aspects innombrables de la substance solide.
Ayant entraîné et éduqué Eva, Mme Bisson a pu à loisir, pendant de longues années de recherches, étudier le phénomène dont l'importance était restée insoupçonnée. Le livre de Mme Bisson apparaît ainsi comme une vraie mine de documents généreusement offerts aux savants et aux philosophes.
L’ouvrage du docteur de Sclhrenck-Notzing est un exposé méthodique et complet, présenté avec art, clair, précis, documenté, de ses études sur le médium Eva. Il contient aussi les observations d'expériences similaires entreprises par lui avec un autre médium, pourvu de facultés identiques à celles d'Eva.
J'ai eu l'honneur et l'avantage, grâce à l'amabilité et au dévouement de Mme Bisson, d'étudier avec elle Eva pendant un an et demi, à des séances bihebdomadaires qui ont eu lieu d'abord chez elle, puis ensuite, pendant une série de trois mois consécutifs, exclusivement dans mon propre laboratoire[2] .
Après Eva, j'ai pu constater des phénomènes assez analogues, quoique élémentaires, chez des sujets neufs, que je m'efforçais d'entraîner à donner des matérialisations.
Je vais donner simplement un résumé synthétique de mes expériences et observations : c'est uniquement mon témoignage que j'apporte dans ce livre, témoignage concordant pleinement avec celui d'un très grand nombre d'hommes de science, spécialement médecins, aujourd'hui certains de l'authenticité du phénomène, alors que la plupart étaient partis d'un scepticisme absolu.
Les matérialisations dont je vais parler, j'ai pu les voir, les toucher, les photographier.
J'ai maintes fois suivi le phénomène de son origine à sa terminaison ; car il se formait, se développait et disparaissait à mes yeux.
Quelque inattendue, quelque étrange, quelque impossible que semble pareille manifestation, je n'ai plus le droit d'émettre un doute sur sa réalité.
Le mode opératoire, pour l'obtention des matérialisations, avec Eva, est très simple : le médium est mis en état d'hypnose, état superficiel, mais comportant néanmoins l'oubli de la personnalité normale ; après qu'on l'a fait asseoir dans le cabinet noir. Le cabinet noir des matérialisations n'a d'autre but que de soustraire le médium endormi aux influences perturbatrices ambiantes et spécialement à l'action de la lumière. Il permet ainsi de garder dans la salle un éclairage suffisant pour bien observer le phénomène.
Les phénomènes se produisent — quand ils se produisent, — au bout d'un temps variable, parfois très court, parfois très long, une heure et plus. Ils débutent toujours par des sensations douloureuses du médium. Cette dernière pousse des soupirs, des plaintes intermittentes, rappelant tout à fait celles d'une femme en couches. Ces plaintes atteignent leur paroxysme au moment même du commencement apparent du phénomène. Elles diminuent ou cessent quand il est entièrement formé.
L'apparition de la substance est annoncée, généralement, par la présence de taches liquides blanches, lumineuses, de la dimension d'un pois à celle d'une pièce de cinq francs, disséminées çà et là sur le sarrau noir du médium, principalement du côté gauche.
Cette manifestation constitue un phénomène prémonitoire, survenant assez longtemps, parfois trois quarts d'heure à une heure, avant les autres phénomènes. Elle manque quelquefois et il arrive quelquefois aussi qu'elle ne soit suivie d'aucune autre manifestation. La substance, proprement dite, se dégage de tout le corps du médium, mais spécialement des orifices naturels et des extrémités du corps, sommet de la tête, bout des seins, extrémités des doigts.
L'issue la plus fréquente, la plus facile à observer est l'issue par la bouche ; on voit alors la substance s'extérioriser de la surface interne des joues, du voile du palais et des gencives.
La substance se présente sous un aspect variable ; tantôt, et c'est le plus caractéristique, celui d'une pâte malléable, véritable masse protoplasmique ; tantôt celui de fils nombreux et menus ; tantôt celui de cordons de grosseur ; diverse, de rayons étroits et rigides ; tantôt celui de bande large et étalée : tantôt celui de membrane ; tantôt celui dune étoffe, d'un tissu mince, à contours indéfinis et irréguliers. La plus curieuse de ces apparences est celle d'une membrane largement étalée, pourvue de franges, de bourrelets et dont l'aspect général rappelle tout à fait celle de l'épiploon. En somme, la substance est essentiellement amorphe, ou plutôt essentiellement polymorphe.
L'abondance de la substance extériorisée est des plus variable - tantôt infime, tantôt considérable, avec toutes les transitions. Dans certains cas elle recouvre entièrement le médium comme d'un manteau.
La substance peut présenter trois couleurs différentes : blanche, noire et grise.
La couleur blanche est la plus fréquente, peut-être parce qu'elle est la plus facile à observer. Il y a parfois issue simultanée de substance des trois couleurs. La visibilité de la substance est très variable. Cette visibilité peut s'accentuer ou diminuer lentement à diverses reprises. Au contact, la substance donne des impressions très variables, impressions généralement en rapport avec la forme momentanée qu'elle revêt. Elle semble molle et un peu élastique quand elle s'étale : dure, noueuse ou fibreuse quand elle forme des cordons.
Parfois elle donne la sensation d'une toile d'araignée frôlant la main des observateurs. Les fils de la substance sont à la fois rigides et élastiques.
La substance est mobile. Tantôt elle évolue lentement, monte, descend, se promène sur le médium, ses épaules, sa poitrine, ses genoux, par un mouvement de reptation qui rappelle celui d'un reptile ; tantôt ses évolutions sont brusques et rapides ; elle apparaît et disparaît comme un éclair.
La substance est extrêmement sensible, et sa sensibilité se confond avec celle du médium hyperesthésié. Tout attouchement retentit douloureusement sur ce dernier. Si l'attouchement est tant soit peu brutal ou prolongé, le médium accuse une douleur qu'il compare à celle que produirait un choc sur sa chair à vif.
La substance est sensible même aux rayons lumineux. Une lumière, surtout si elle est brusque et inattendue, provoque un ébranlement douloureux du sujet.
Toutefois, rien n'est plus variable que cet effet de la lumière. Dans certains cas, la substance tolère même la grande lumière du jour. L'éclair du magnésium provoque un soubresaut du médium, mais il est supporté et permet les photographies instantanées.
Il est difficile de distinguer, dans les effets de la lumière sur la substance, ou dans ses répercussions sur le médium, ce qui est phénomène douloureux ou réflexe pur ; douleur ou réflexe gênent néanmoins les investigations. C'est ainsi que, jusqu'à présent, la cinématographie des phénomènes n'a pu être obtenue. A la sensibilité, la substance joint une sorte d'instinct, rappelant l'instinct de la conservation chez les invertébrés. La substance paraît avoir toute la méfiance d'un animal sans défense ou dont la seule défense consiste à rentrer dans l'organisme du médium dont elle est issue. Elle craint les contacts, toujours prête à se dérober et à se résorber.
La substance a une tendance immédiate, irrésistible à l'organisation. Elle ne demeure pas longtemps à l'état originel. Il arrive fréquemment que l'organisation est tellement rapide qu'elle ne laisse pas voir la substance primordiale. D'autres fois on voit, simultanément, la substance amorphe et des représentations plus ou moins complètes englobées dans sa masse ; par exemple un doigt pendant au milieu de franges de substance. On voit même des têtes, des visages, enveloppés de substance.
J'arrive maintenant aux représentations.
Elles sont des plus diverses.
Quelquefois, ce sont des formations inorganiques indéterminées ; mais, le plus souvent, ce sont des formations organiques, variables comme complexité et comme perfection.
On sait que différents observateurs, Crookes et Richet entre autres, ont décrit des matérialisations complètes. Il s'agissait non pas de fantômes, dans le sens propre du mot, mais d'êtres ayant momentanément toutes les particularités vitales d'êtres vivants, dont le coeur battait, le poumon respirait, dont l'apparence corporelle était parfaite.
Je n'ai pas observé, hélas, pareil phénomène ; par contre, j'ai vu, assez fréquemment, des représentations complètes d'un organe, par exemple d'un visage, d'une main ou d'un doigt.
Dans les cas les plus parfaits, l'organe matérialisé a toutes les apparences et propriétés biologiques d'un organe vivant. J'ai vu des doigts admirablement modelés, avec leurs ongles : j'ai vu des mains complètes, avec os et articulations ; j'ai vu un crâne vivant, dont je palpais les os, sous une épaisse chevelure. J'ai vu des visages bien formés, des visages vivants, des visages humains !
Dans de nombreux cas, ces représentations se sont faites, développées entièrement à mes yeux, du commencement à la fin du phénomène. J'ai vu maintes fois, par exemple, de la substance sortir des doigts, reliant entre eux les doigts de chaque main ; puis, le médium écartant ses mains, la substance s'allonger, former d'épais cordons, s'étaler, constituer des franges semblables à des franges épiploïques. Enfin, au milieu de ces franges, apparaître, par une représentation progressive, des doigts, ou une main, ou un visage, parfaitement organisés.
Dans d'autres cas, j'ai été témoin d'une organisation analogue, après issue de la substance par la bouche.
En voici un exemple pris dans mon cahier de notes : « De la bouche descend lentement, jusque sur les genoux d'Eva, un cordon de substance blanche, de la largeur approximative de deux doigts : ce ruban prend, à nos yeux, les formes les plus variables : tantôt il s'étale sous la forme d'un large tissu membraneux perforé, avec des vides et des renflements ; tantôt il se ramasse et se rétrécit, puis se renfle, puis s'étire de nouveau. Çà et là, de la masse, partent des prolongements, des espèces de pseudopodes et ces pseudopodes revêtent parfois, pendant quelques secondes, la forme de doigts, l'ébauche de mains, puis rentrent dans la masse. Finalement, le cordon se ramasse sur lui-même, s'allonge sur les genoux d'Eva ; puis son extrémité se relève, se détache du médium et s'avance près de moi. Je vois alors cette extrémité s'épaissir sous forme d'un renflement, d'un bourgeonnement terminal et ce bourgeonnement terminal s'épanouit en une main parfaitement modelée. Je touche cette main. Elle donne une sensation normale ; je sens les os, je sens les doigts munis de leurs ongles. Puis la main se rétrécit, diminue, disparaît au bout du cordon. Le cordon fait encore quelques évolutions, se rétracte et rentre dans la bouche du médium. »
En même temps que la forme solide, on peut observer la forme vaporeuse de la substance ; elle sort alors de la surface du corps du médium sous une forme invisible et impalpable, sans doute à travers les mailles de son vêtement, et se condense à la surface de ce dernier. On voit alors comme un petit nuage qui s'agglomère en une tache blanche sur le sarrau noir, au niveau de l'épaule, de la poitrine ou des genoux. La tache grandit, s'étale, puis elle prend les contours ou les reliefs d'une main ou d'un visage.
Quel que soit son mode de formation, le phénomène ne reste pas toujours en contact avec le médium. On l'observe souvent tout à fait en dehors de lui.
L'exemple suivant est typique à cet égard :
« Une tête apparaît tout à coup, à environ 75 centimètres de la tête d'Eva, au-dessus d'elle et à sa droite. C'est une tête d'homme, de dimension normale, bien formée, avec ses reliefs habituels. Le sommet du crâne et le front sont parfaitement matérialisés. Le front est large et haut ; les cheveux taillés en brosse et abondants, châtains ou noirs. Au-dessous des arcades sourcilières, les contours s'estompent ; on ne voit bien que le front et le crâne.
« La tête se dérobe un instant derrière le rideau ; puis reparaît dans les mêmes conditions ; mais la face, incomplètement matérialisée, est masquée par une bande de substance blanche. J'avance la main ; je passe mes doigts à travers les cheveux touffus et je palpe les os du crâne... Un instant après, tout avait disparu.»
Les formations manifestent donc une certaine autonomie, et cette autonomie est physiologique autant qu'anatomique.
Les organes matérialisés ne sont pas inertes, mais biologiquement vivants. Une main bien constituée, par exemple, a les capacités fonctionnelles d'une main normale. J'ai été, maintes fois, intentionnellement touché par une main ou saisi par des doigts.
Les plus remarquables matérialisations que j'ai été à même d'observer sont celles qui ont été produites, dans mon laboratoire, par Eva, pendant 3 mois consécutifs, dans l'hiver de 1917-1918. Dans des séances bihebdomadaires, faites en collaboration avec Mme Bisson. M. le Médecin inspecteur général Calmette, M. Jules Courtier, M. Le Cour, nous avons obtenu une série de documents du plus grand intérêt. Nous avons vu, touché, photographié des représentations de visages et de têtes, formées aux dépens de la substance originelle. Ces représentations se sont faites à nos yeux, les rideaux constamment entrouverts. Tantôt elles provenaient de l'organisation d'un cordon de substance solide issu du médium, tantôt elles provenaient, par formation progressive, d'un brouillard de substance vaporeuse condensé au devant d'Eva, ou à ses côtés.
Dans le premier cas, on voyait fréquemment, sur la matérialisation terminée, des rudiments plus ou moins importants du cordon originel de substance.
Les formes matérialisées, dont, les photographies ont été présentées dans ma conférence sur la physiologie dite supra normale, étaient remarquables à divers points de vue.
1° Elles avaient toujours les trois dimensions. J'ai pu m'en assurer, dans le cours des séances, par la vue et plusieurs fois par le toucher. Le relief est d'ailleurs évident dans les clichés stéréoscopiques que j'ai pu prendre.
2° Les divers visages de cette série présentaient quelques analogies avec de grandes variétés :
Variétés dans les traits de la physionomie ;
Variétés dans les dimensions de la forme, plus petites que nature mais de grandeur variable d'une séance à l'autre, et dans le cours d'une même séance ;
Variétés dans la perfection des traits, tantôt très réguliers, tantôt défectueux ;
Variétés dans le degré de matérialisation, parfois complet ; parfois incomplet, avec rudiments de substance ; parfois seulement ébauché.
J'appelle l'attention sur l'intérêt, à tous points de vue, des rudiments de substance. L'importance des rudiments en « embryologie métapsychique » est comparable à leur importance en embryologie normale. Ils sont les témoins de l'origine et de la genèse des formations.
Les formes avaient d'autant plus d'autonomie qu'elles étaient mieux matérialisées. Elles évoluaient autour d'Eva, parfois assez loin d'elle. L'une des figures se montra en premier lieu à l'ouverture du rideau, de grandeur naturelle, avec une apparence de vie remarquable et une grande beauté.
Dans une autre séance, je pus percevoir avec mes mains, à travers le rideau du cabinet noir, le contact d'un corps humain qui faisait onduler le rideau (Eva était étendue sur son fauteuil, entièrement visible et ses mains étaient tenues).
Inutile de dire que les précautions habituelles avaient été prises rigoureusement pendant les séances en mon laboratoire. En entrant dans la salle des séances, où je pénétrais seul dans l'intervalle, le médium était, devant moi, entièrement déshabillé, revêtu d'un maillot complet que l'on cousait dans le dos et aux poignets. La chevelure, la cavité buccale étaient visitées par moi et par mes collaborateurs, avant et après les séances. On faisait asseoir Eva à reculons dans le fauteuil d'osier du cabinet noir ; ses mains restaient toujours visibles et tenues en dehors des rideaux ; une lumière très suffisante éclairait constamment la salle des séances. Je ne dis pas seulement : « II n'y a pas eu de fraude » ; je dis : « Il n'y avait pas possibilité de fraude[3]. » Du reste, je ne saurais trop le répéter : presque toujours les matérialisations se sont faites sous mes yeux et j'ai observé toute leur genèse et tout leur développement.
Les formations organiques bien constituées, ayant toutes les apparences de la vie, sont assez souvent remplacées par des formations incomplètes. Le relief manque fréquemment et les formes sont plates. Il arrive qu'elles soient partiellement plates et partiellement en relief. J'ai vu, dans certains cas, une main ou un visage apparaître plats, puis, sous mes yeux, prendre les trois dimensions, soit incomplètement, soit complètement. Les dimensions, dans le cas de formations incomplètes, sont quelquefois plus petites que nature. Ce sont parfois de véritables miniatures.
Le caractère incomplet des formations, au lieu de se manifester par une altération dans les dimensions de grandeur, de largeur ou d'épaisseur, se présente assez souvent sous la forme lacunaire. Les matérialisations sont de dimension normale mais offrent des lacunes dans leur structure.
Le docteur de Schrenck-Notzing, en prenant les photographies stéréoscopiques simultanément de face, de profil et de dos, a vu que, généralement, les premières sont seules à révéler une matérialisation complète ; la région dorsale restant à l'état d'amas de substance amorphe. Il a observé également, parfois, dans les régions même bien matérialisées, des vides, soit laissés tels quels, soit dissimulés sous un revêtement uniforme de substance.
J'ai fait personnellement la même remarque.
Il n'est pas douteux que les voiles flottants, les turbans et ornements analogues dont se revêtent si souvent les « fantômes » ne masquent des défectuosités ou des lacunes de leur organisme néo-formé.
Il y a du reste toutes les transitions possibles entre les formations organiques complètes et incomplètes ; et les changements, encore une fois, s'effectuent souvent sous les yeux des observateurs.
A côté de ces formations complètes ou incomplètes, il faut signaler une catégorie bizarre de formations. Ce sont moins des organes que des imitations plus ou moins réussies ou plus ou moins grossières d'organes. Ce sont de véritables simulacres. On peut observer tous les simulacres, simulacres de doigt, n'ayant de cet organe que la forme générale, sans chaleur, sans souplesse, sans articulations ; des simulacres de visage semblant des images, des découpages ou des masques ; des touffes de cheveux adhérentes à des formations indéfinies, etc.
Les simulacres, dont l'authenticité métapsychique est indéniable (et ce point est capital), ont déconcerté et troublé maints observateurs. « On dirait, s'écriait M. de Fontenay, qu'une sorte de génie malfaisant se moque des observateurs. »
En réalité, ces simulacres s'expliquent facilement. Ils sont le produit d'une force dont le rendement métapsychique est médiocre, qui dispose de moyens d'exécution plus médiocres encore et qui fait ce qu'elle peut. Elle réussit rarement, précisément parce que son activité, orientée hors de ses voies habituelles, n'a plus la sûreté que donne, dans l'acte physiologique, l'entraînement biologique normal.
Il faut noter d'ailleurs, pour bien comprendre ce qui se passe alors, que la physiologie normale présente elle-même parfois aussi ses simulacres. A côté des formations organiques bien venues, des productions foetales accomplies, il y a des fausses couches, des monstruosités, des représentations aberrantes. Rien de plus curieux, à cet égard, que ces néoplasies bizarres, appelées kystes dermoïdes, dans lesquelles on retrouve des cheveux, des dents, des organes divers, des viscères et même des formations foetales plus ou moins complètes.
Comme la physiologie normale, la physiologie dite supra normale a ses produits bien venus et ses produits avortés, ses monstruosités, ses productions dermoïdes. Le parallélisme est complet.
Un phénomène aussi curieux, au moins, que l'apparition des formations matérialisées, c'est leur disparition. Cette disparition est parfois instantanée ou quasi instantanée. En moins d'une seconde, la formation dont la présence avait été constatée par la vue et le contact, disparaît.
Dans d'autres cas, la disparition se fait par degrés. On observe le retour à la substance originelle puis la résorption de la substance dans le corps du médium, comme elle en était sortie et avec les mêmes modalités. Dans d'autres cas enfin, on voit la disparition se faire peu à peu, non par retour à la substance, mais par diminution progressive des caractères sensibles. La visibilité de la formation diminue lentement ; les contours de l'ectoplasme pâlissent, s'effacent et tout disparaît.
Pendant tout le temps que dure le phénomène de matérialisation, la formation est en rapport physiologique et psychologique évident avec le médium. Le rapport physiologique est parfois appréciable sous forme d'un mince cordon de substance qui relie la forme au médium et qu'on peut comparer au cordon ombilical qui relie l'embryon à la mère. Même lorsqu'on ne voit pas le cordon, le rapport physiologique est toujours intime. Toute impression reçue par l'ectoplasme se répercute au médium et réciproquement. L'extrême sensibilité réflexe de la formation se confond étroitement avec celle du médium. Tout prouve, en un mot, que l'ectoplasme, c'est le médium même, partiellement extériorisé. Je ne parle, bien entendu, qu'au point de vue physiologique, car je n'envisage pas, en ce moment, le côté psychologique pur de la question.
Tels sont les faits. Reste à les interpréter, si possible. Il ne saurait s'agir, bien entendu, de prétendre, en quelques mots et sans plus tarder, définir ce qu'est la vie ! Qu'il nous suffise d'abord et avant tout, de poser nettement les termes du problème.

2° L'unité de substance organique
Le premier terme est relatif à la constitution même de la matière vivante.
L'examen de la physiologie supra normale confirme à ce point de vue l'examen approfondi de la physiologie normale ; ils tendent tous deux à établir la conception de l’unité de la substance organique. Dans nos expériences, nous avons vu, avant tout, s'extérioriser du corps du médium une substance unique, amorphe, d'où dérivaient ensuite les diverses formations idéoplastiques. Cette substance unique, nous l'avons vue maintes fois, je le répète, s'organiser sous nos yeux, se transformer sous nos yeux. Nous avons vu une main sortir d'un amas de substance ; une masse blanche devenir un visage : nous avons vu, en quelques instants, la représentation d'une tête, faire place à la représentation d'une main ; nous avons pu, par le témoignage concordant de la vue et du toucher percevoir le passage de la substance amorphe inorganique à une représentation formelle organique, ayant momentanément tous les attributs de la vie, représentation complète en chair et en os, suivant l'expression populaire. Nous avons vu ces représentations disparaître, se fondre en la substance originelle puis se résorber en un instant dans le corps du médium. Donc, dans la physiologie supra normale, il n'y a pas, comme substratum des formations organiques diverses, des substances diverses, substances osseuses, musculaires, viscérales, nerveuses, etc. ; il y a simplement de la substance, la substance unique, base, substratum de la vie organisée.
Dans la physiologie normale, il en est exactement de même ; mais cela est moins apparent. C'est cependant évident dans certains cas. Le même phénomène, nous l'avons dit, qui se passe dans le cabinet noir des séances, se passe dans la chrysalide close de l'insecte. L'histolyse réduit en grande partie ses organes et ses parties diverses en une substance unique, substance destinée à matérialiser les organes et parties diverses de la forme adulte. C'est le même phénomène dans les deux physiologies. L'assimilation est légitime et elle est complète.
A cette conception de l'unité de matière organique, on ne saurait rien opposer, sinon des apparences.
L'apparence de la physiologie banale, de l'expérience journalière d'abord ; cette apparence ne prouve rien et nos observations démontrent précisément qu'elle est purement illusoire. Puis il y a l'apparence physico-chimique. Elle est tout aussi trompeuse.
Sans doute, les analyses de la substance manquent. L'impossibilité morale de faire subir au médium, extériorisant sa substance, une amputation qui pourrait le blesser grièvement ou le tuer, nous arrêtera toujours. Nous ignorons donc la constitution exacte de cette substance. Est-elle décomposable en les différents corps simples que l'on trouve dans le corps de l'être vivant, carbone, oxygène, hydrogène, azote, fer, phosphore ? Réalise-t-elle l'unité atomique absolue ? Nous n'en savons rien. Peu importe. Ce qui est essentiel, c'est qu'elle réalise l'unité biologique.
Conclusion. — Tout se passe en biologie comme si l’être physique était essentiellement constitué par une substance primordiale unique, dont les formations organiques ne sont que de simples représentations.
L'unité essentielle de la substance organique est ainsi le premier terme du problème de la biologie.

3° L'évidence d’un dynamisme supérieur
Le deuxième terme est inclus dans la nécessité d'admettre l'existence d’un dynamisme supérieur, organisateur, centralisateur et directeur.
La nécessité de cette notion ressort de toutes nos connaissances physiologiques.
Nous avons dit que seule la notion de ce dynamisme permet de comprendre l'organisation vitale, la forme spécifique, l'édification de l'organisme, le maintien de la personnalité et les réparations organiques. Nous avons vu surtout la notion de ce dynamisme supérieur imposée par l'étude du développement embryonnaire et post-embryonnaire et spécialement par l'étude des métamorphoses. Enfin nous l'avons vu définitivement et absolument démontrée par les dématérialisations et rematérialisations de l'insecte dans sa chrysalide ou du médium dans le cabinet noir.
Là, plus de doute, plus de discussion possible : les faits prouvent que les molécules constitutives du complexus organique n'ont pas de spécificité absolue ; que leur spécificité relative leur vient uniquement du moule dynamique ou idéal qui les conditionne, qui en fait de la substance viscérale, musculaire, nerveuse, etc. et leur attribue une forme, une situation et une fonction définies.
Tout se passe en un mot, dans la physiologie normale ou supra normale, comme si le complexus organique était édifié, organisé, dirigé et maintenu par un dynamisme supérieur. Et c'est là le deuxième terme du problème biologique.

4° Conditionnement du dynamisme par l'idée
II est un troisième terme, et c'est le plus important : le dynamisme directeur obéit lui-même à une idée directrice. Celte idée directrice se retrouve dans toutes les créations biologiques, soit qu'il s'agisse de la constitution normale d'un organisme, soit qu'il s'agisse d'une matérialisation anormale plus ou moins complexe. Elle révèle un but bien défini. L'idée directrice n'aboutit pas toujours pleinement à ce but. Le résultat de son activité est souvent imparfait ; nous la voyons, soit en physiologie normale, soit en physiologie supra normale donner tantôt des produits bien venus, tantôt des produits avortés ou monstrueux ; tantôt même des simulacres ; mais qu'elle aboutisse ou non, l'idée directrice se retrouve toujours. Cela est tellement évident, que le mot juste a été trouvé, d'instinct pour ainsi dire, pour s'appliquer aux phénomènes de matérialisation : c'est le mot «idéoplastie » auquel on a joint le mot de téléplastie impliquant le phénomène en dehors même de l'organisme décentralisé ou dématérialisé.
Que veut dire ce mot « idéoplastie » ? Il veut dire modelage par l'idée de la matière vivante. La notion de l'idéoplastie imposée par les faits est capitale ; l'idée n'est plus une dépendance, un produit de la matière. C'est au contraire l'idée qui modèle la matière, lui procure sa forme et ses attributs.
En d'autres termes, la matière, la substance unique, se résout, en dernière analyse, dans un dynamisme supérieur qui la conditionne et ce dynamisme est lui-même sous la dépendance de l'Idée.
Or, cela, c'est le renversement total de la physiologie matérialiste. Comme le dit Flammarion dans son livre admirable : Les forces naturelles inconnues, ces manifestations « confirment ce que nous savons d'autre part : que l'explication purement mécanique de la nature est insuffisante ; et qu'il y a dans l'univers autre chose que la prétendue matière. Ce n'est pas la matière qui régit le monde : c'est un élément dynamique et psychique. » Oui, les matérialisations idéoplastiques démontrent que l'être vivant ne saurait plus être considéré comme un simple complexus cellulaire. L'être vivant nous apparaît, avant tout, comme un dynamopsychisme et le complexus cellulaire qui constitue son corps n'apparaît plus que comme un produit idéoplastique de ce dynamo psychisme. Ainsi les formations matérialisées dans les séances médiumniques relèvent du même processus biologique que la génération. Elles sont ni plus ni moins miraculeuses, ni plus ni moins supra normales ; ou, si l'on veut, elles le sont également : c'est le même miracle idéoplastique qui forme aux dépens du corps maternel, les mains, le visage, les viscères, tous les tissus, l'organisme entier du foetus ou, aux dépens du corps du médium, les mains, le visage ou l'organisme entier d'une matérialisation.
Cette singulière analogie entre la physiologie normale et la physiologie dite supra normale se retrouve jusque dans les détails. Voici ces principaux détails : l'ectoplasme est relié au médium par un lien nourricier, véritable cordon ombilical, comparable à celui qui relie l'embryon à l'organisme maternel. Dans certains cas, les formations matérialisées se présentent comme dans un oeuf de substance.
L'exemple suivant de mon cahier de notes est caractéristique : « sur les genoux du médium apparaît une tache blanche qui, très rapidement constitue une masse, ronde, irrégulière, ressemblant à une boule de neige ou de laine blanche. A nos yeux la masse s'entrouvre, se partage en deux parties reliées par une bande de substance ; dans l'une des parties est inclus un visage de femme dont les traits sont admirablement modelés. Les yeux, spécialement, ont une expression de vie intense. Au bout de quelques instants, le phénomène s'efface, diminue peu à peu de visibilité et disparaît. J'ai vu également, maintes fois, une main se présenter, enveloppée d'une membrane qui rappelait trait pour trait la membrane placentaire.
L'impression, à la vue et au contact, était tout à fait celle que donne, dans un accouchement dystocique, la présentation de la main, la poche des eaux étant intacte.
Une autre analogie avec l'accouchement est celle de la douleur. Les gémissements et les efforts du médium en transe rappellent étrangement ceux de la femme en couche.
L'assimilation que nous proposons entre la physiologie normale et la physiologie dite supra normale est donc légitime, car elle découle de l'examen même des faits. Toutefois, elle soulève de sérieuses objections que nous allons discuter rapidement.
Tout d'abord, peut-on objecter, si la physiologie normale et la physiologie supra normale relèvent d'un même processus biologique, d'où vient leur diversité apparente ? Pourquoi l'une est-elle régulière : l'autre exceptionnelle, soustraite aux contingences habituelles, celles de temps, d'espace, de conditions génératrices, etc. ? Nous répondrons que la physiologie dite normale est le produit de l'activité organique telle que l'a faite l'évolution. L'idée directrice et créatrice se détermine normalement dans un sens donné, le sens de l'évolution de l'espèce ; se conforme au sens de cette évolution.
La physiologie supra normale, au contraire, est le produit d'une activité idéoplastique orientée dans un sens divergent, par un effort anormal de l'idée directrice.
Pour expliquer cette activité divergente, en dehors des contingences habituelles, il n'est nul besoin d'invoquer une capacité miraculeuse ou supra normale. La logique scientifique comme la logique philosophique sont d'accord pour recourir à une explication plus simple et plus satisfaisante : les capacités idéoplastiques anormales, tous les pouvoirs d'apparence mystérieuse sur la matière, prouvent simplement ceci : les lois qui président au monde matériel n'ont pas la rigueur inflexible et absolue que l’on croyait ; elles n'ont qu'une valeur relative. Elles peuvent donc être temporairement ou accidentellement modifiées ou suspendues.

5° Les modalités secondaires de la physiologie supranormale
Ces notions sur le processus et les faits de matérialisation étant établies, il nous sera désormais facile, conformément à notre méthode, de comprendre les faits moins complexes de physiologie dite supra normale, faits restes inexplicables, tant qu'on a voulu les considérer primitivement ou isolément.
Les phénomènes de télékinésie ou de mouvements sans contact, sont explicables par l'action du dynamisme vital extériorisé et obéissant à une impulsion subconsciente. Les expériences d'Ochorowicz[4] ont établi nettement la genèse du phénomène. Elles ont démontré l'importance, à ce point de vue, des matérialisations élémentaires et ébauchées, des fils de substance, des rayons rigides, parfois visibles, parfois invisibles, sortant des doigts du médium et servant de substratum à son dynamisme extériorisé.
Les faits de télékinésie, pour être moins complexes, ne sont guère moins importants que les matérialisations. Je ne crois pas devoir les décrire et je renvoie simplement le lecteur aux ouvrages spéciaux[5] . Voici, par exemple, les conclusions que donne M. Courtier, de deux de ces expériences.
1° « A la quatrième séance de 1905, une table pesant 7 kilos chargée, au milieu de son plateau, d'un poids de 10 kilos, fut complètement soulevée, pendant plusieurs secondes, à deux reprises. Elle le fut de nouveau à la sixième séance, alors que les pieds de la table, au voisinage du sujet étaient engainés...
Au moment du soulèvement de la table, M. D'Arsonval et M. Ballet contrôlaient absolument les (pieds et les genoux d'Eusapia et aucun contact n'a été exercé sur les pieds de la table... Nous devons également retenir les soulèvements complets des tables en fin de séances, alors que tout le monde est debout, dans des conditions de contrôle, dont la sténographie a conservé les détails circonstanciés et précis.
Les tables se soulèvent alors à des hauteurs plus grandes qu'au cours des séances, jusqu'à 0 m. 80 et 1 mètre du sol, les mains et les pieds du sujet étaient rigoureusement contrôlés. »
2° Mouvements d'avance et de recul du guéridon : « Ce guéridon avance et recule... lorsqu'il s'avance vers elle, on peut imaginer que malgré les plus sévères précautions pour éviter la fraude, elle use d'un fil quelconque assez fin pour demeurer invisible et qu'elle attire le meuble par ce moyen... Mais comment expliquer le recul du guéridon ? Supposons qu'un des contrôleurs prenne la place d'Eusapia et agisse par les moyens ordinaires. On n'imagine qu'un procédé : ce serait de tenir en main une tige rigide quelconque et de repousser l'objet à l'aide de cette tige. Mais une tige rigide, si mince fût-elle, ne pourrait, comme un fil, échapper à la vue des observateurs attentifs au phénomène. Il ne saurait être question, bien entendu, d'un recul obtenu par la réflexion d'un fil sur une poulie ou quelque aspérité d'une muraille, mécanisme nécessitant une installation.
L'appareil d'enregistrement était, bien entendu, absolument passif, et, d'autre part, toute hypothèse d'hallucination collective doit être écartée, puisque les déplacements du meuble marquaient automatiquement leur trace sur le cylindre de Marey. Notons enfin qu'il ne s'agit pas ici de phénomènes d'attraction ou de répulsion analogues à ceux des aimants, toujours brusques et de direction invariable. Le guéridon est transporté avec une lenteur relative ; ses trajectoires sont curvilignes, compliquées. Il évite les obstacles pour atteindre le terme de sa course ».
Si j'ai cité ces observations des savants expérimentateurs de l'Institut psychologique, ce n'est pas à cause de leur importance, qui est faible en (présence de l'extrême variété et de la complexité de la télékinésie : c'est uniquement à titre d'exemple indéniable et irréfutable.)
Les phénomènes de stigmatisation, de modifications trophiques cutanées par suggestion ou autosuggestion ne sont que des phénomènes élémentaires d’idéoplastie, infiniment plus simples, quoique de même ordre, que les phénomènes de matérialisation.
Les guérisons dites miraculeuses sont le fruit de la même idéoplastie, orientée, par suggestion ou auto suggestion, dans un sens favorable aux réparations organiques et concentrant pour un temps, dans ce but, toute la puissance du dynamisme vital. Il faut remarquer que la force idéoplastique subconsciente réparatrice est beaucoup plus active chez les animaux inférieurs que chez l'homme ; sans doute parce que chez ce dernier, la fonction cérébrale accapare et détourne à son profit la majeure partie de la force vitale. Il n'y a pas de miracle, dans le retour accidentel à l'organisation humaine des actions dynamiques et idéoplastiques qui sont la règle au bas de l'échelle animale Les phénomènes de mimétisme, si fréquents également dans l'animalité et si mystérieux dans leur
mécanisme, peuvent aussi s'expliquer par l'idéoplastie subconsciente. L'instinct provoquerait simplement l'idéoplastie dans un sens favorable, et les effets de celle dernière seraient ensuite facilités et fixés par les facteurs de sélection et d'adaptation[6].
Nous pouvons résumer d'une manière frappante, dans le tableau ci-après la conception nouvelle mise en face de la conception classique.

6° Les conceptions physiologiques de l'individu - Résumé

Conception classique
L’organisme est un simple complexus cellulaire. Le dynamisme vital n'est que la résultante synthétique des processus biologiques et du fonctionnement physiologique.
Phénomène vital primordial : mystère.
Forme spécifique : mystère.
Formation de l'organisme : mystère.
Maintien de l'organisme : hypothèses vagues et insuffisantes.
Séparation de l'organisme : hypothèses vagues et insuffisantes:
Développement embryonnaire : mystère.
Développement post-embryonnaire : mystère.
Métamorphoses : mystère.
Histolyse de l'insecte : mystère.

Manifestations sensorielles en dehors des organes des sens : mystère.
Manifestations motrices en dehors des muscles : mystère.
Manifestations idéoplastiques : mystère.
Matérialisations : mystère.

Conception nouvelle
Le complexus organique, son fonctionnement physiologique et tous les processus vitaux sont conditionnés par un dynamisme supérieur.
Tous ces phénomènes s'expliquent aisément par l'action du dynamisme supérieur, action génératrice, directrice, centralisatrice, conservatrice et réparatrice.
La notion concrète de ce dynamisme doit être substituée à la notion abstraite de l'idée directrice.

Ces phénomènes s'expliquent par l'action extra-organique du dynamisme vital.
Le dynamisme conditionne l'organisme au lieu d'être conditionné par lui. Il peut donc se séparer de lui et même le désorganiser partiellement pour le réorganiser dans des formes, des représentations différentes et distinctes.
On le voit, le mystère qui régnait sur toute la physiologie nous apparaît quelque peu éclairci. La triple notion, déduite naturellement et logiquement des faits : celle de l'unité de substance, du dynamisme organisateur et du conditionnement de ce dynamisme par l’idée nous ont fait faire un pas décisif dans la marche vers la vérité. Mais que d'inconnues à dégager encore ! Quelle est l'origine, la fin, la nature exacte du dynamo-psychisme organisateur, centralisateur et directeur du complexus cellulaire ? Comment ce dynamo-psychisme mystérieux se trouve-t-il être en puissance dans l'ovule fécondé, la bouture ou le bourgeon dont va surgir un nouvel être ? Quels sont en un mot, ses rapports exacts avec tous les processus vitaux ?
Nous avons parlé du pouvoir idéoplastique. Mais, ce pouvoir, quel est-il au juste ? L'idée directrice, les capacités idéoplastiques qui se révèlent en physiologie normale ou supra normale ne dépendent pas de la conscience, dans laquelle nous avons l'habitude de résumer, de localiser tout notre « moi ». Elles surgissent des profondeurs d'un Inconscient mystérieux et impénétrable.
La volonté consciente et directrice de l'être n'a pas d'action sur les grandes fonctions organiques et elle n'intervient pas dans les matérialisations idéoplastiques. Celles-ci, produites aux dépens de la substance de l'être, semblent cependant parfois, sinon toujours, être formées ou dirigées en dehors de lui, par des entités distinctes de lui. Donc, dira-t-on, parler d'idéoplastie, de modelage de la matière par l'idée, de dynamo-psychisme subconscient organisateur, c'est simplement reculer le mystère, ce n'est pas le supprimer.
L'énigme, plus lointaine n'en est pas moins insoluble.
Insoluble, nullement.
Ce qui est vrai, encore une fois, c'est qu'à partir des données élémentaires, quoique essentielles, que nous avons fait ressortir de notre démonstration, le problème biologique se complique formidablement.
Il n'embrasse plus seulement la physiologie, mais la psychologie, toutes les sciences naturelles et la philosophie.
En un mot, il ne s'agit plus seulement de la vie, mais de la constitution et de l'évolution de l'univers et de l'individu.
Avant de compléter le chapitre de la physiologie, nous devons donc nous soumettre à une nouvelle application, plus vaste encore, de notre méthode synthétique. Interrogeons la psychologie, puis la philosophie : les réponses partielles qui nous manquent encore nous seront données par la réponse générale à la grande énigme, but de notre travail.

[1] Delanne : Les apparitions matérialisées. Tome II, pp. 642 et suivantes.

[2] Le résultat de ces travaux a fait l'objet d'une conférence au Collège de France, sons le titre : La physiologie dite supra normale. On trouve cette conférence, illustrée de 24 photogravures, dans le « Bulletin de l'Institut psychologique » de janvier-juin 1918, 143, boulevard Saint-Michel, Paris.

[3] Je suis d'ailleurs heureux de déclarer qu'Eva a toujours fait preuve, en ma présence, d'une probité expérimentale absolue. La résignation intelligente et dévouée avec laquelle elle se soumet à toutes les contraintes et subit les épreuves vraiment pénibles de sa médiumnité méritent, de la part des hommes de science dignes de ce nom, une sincère et grande reconnaissance

[4] Annales des sciences psychiques

[5] Lire spécialement le lumineux rapport de M. Courtier, sur les expériences faites par l'Institut psychologique, avec le médium Eusapia Paladino, en 1905, 1906, 1907, dans le local même de l'Institut, par MM. D'Arsonval, Gilbert Ballet, M. et Mme Curie, Bergson, Ch. Richet, de Gramont

[6] Voir, à ce propos, les Miracles de la volonté, de E. Duchatel et Warcollier.

 

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