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BUT ET METHODE
Cet ouvrage est la suite logique de mes études sur l'Etre
Subconscient.
Son but est de comprendre, dans une synthèse plus complète et
plus vaste, l'évolution collective et l'évolution individuelle.
Sa réalisation s'inspire du même procédé : exprimer
les idées avec le plus de simplicité, le plus de clarté
et le plus de concision qu'il soit possible ; éviter les longues analyses
ou les développements : écarter surtout les digressions faciles,
à caractère imaginatif ou poétique. J'ai voulu, avant tout,
faire oeuvre de synthèse et cette synthèse doit être considérée
en elle-même, en dehors et au-dessus des détails négligés
ou volontairement omis. Il n'est pas, en effet, une seule des questions envisagées
qui ne nécessiterait, pour être approfondie, l'effort de toute
une vie. C'est là l'œuvre propre des analystes et je la leur abandonne.
La mienne est tout autre, puisqu'elle vise, avant tout, à la recherche
idéale d'une vaste conception de philosophie générale,
basée sur les faits.
Evidemment, une telle philosophie ne saurait avoir, dans l'état actuel
des connaissances et de la conscience humaine, d'autre prétention que
de constituer un essai, une ébauche ou, si l'on veut, un plan dont les
grandes lignes et quelques détails sont seuls précisés.
De même qu'elle est forcément incomplète, cette philosophie
ne saurait être pleinement originale. La plupart des solutions qu'elle
propose, se retrouvent forcément, çà et là, plus
ou moins nettes ou plus ou moins déformées, les divers systèmes
naturalistes ou métaphysiques.
La conception générale de cet ouvrage est celle qui, après
avoir inspiré la plupart des grands systèmes métaphysiques,
a trouvé son exposition la plus nette et la plus concrète dans
l'oeuvre de Schopenhauer. Ses prémisses sont donc identiques ; mais son
développement et ses conclusions sont totalement différents ;
mon travail, en effet, tend précisément à combler l'abîme
qui, pour Schopenhauer, sépare l'Inconscient du Conscient. De là,
une interprétation tout autre de l'évolution universelle et individuelle.
Cette interprétation, au lieu de conduire au pessimisme, guide, je ne
dirai pas à l'optimisme (le terme étant déconsidéré
et équivoque), mais à l'idéal invétéré
de l'humanité, idéal conforme à ses espérances éternelles,
les plus hautes et les plus sereines, de justice, de bonheur et de permanence
individuelle.
Mais l'originalité vraie de la philosophie idéaliste que j'expose
ici, la seule qu'elle revendique hautement, c'est d'être scientifique.
Au lieu d'être enfermée dans un cadre dogmatique ou mystique, ou
de tenir dans des formules purement intuitives ou aprioritiques, elle est basée
sur une démonstration positive.
C'est à titre de philosophie scientifique, et à ce titre seulement,
qu'elle doit être étudiée et discutée.
Pour édifier ma démonstration, je me suis efforcé de tenir
compte de tous les faits connus, soit, dans les sciences naturelles et la biologie
générale, soit dans les données relatives à la constitution
physiologique et psychologique de l'individu. Dans le choix des grandes hypothèses
explicatives, j'ai recherché, avant tout, celles qui présentaient
le double caractère d'être logiquement déduites des faits
et capables de s’adapter à tous les faits d'un même groupe.
Mon but constant a été d'arriver à des hypothèses
de plus en plus vastes et de plus en plus générales ; jusqu'à
découvrir, si possible, une hypothèse suffisamment vaste et suffisamment
générale pour servir à l'interprétation globale
de l'évolution individuelle et universelle.
Cette méthodologie générale ne saurait donner prise à
la critique.
Mais j'ai été amené, peu à peu, par la force des
choses, à inaugurer d'abord timidement, puis à adopter systématiquement,
une méthodologie d'ordre secondaire, quoique néanmoins fort importante,
sur laquelle je dois nécessairement m'expliquer dès maintenant.
En examinant les diverses sciences biologiques ou psychologiques, en étudiant
les inductions, les déductions et les hypothèses classiques tirées
de leurs données et admises par la généralité des
savants contemporains, j'ai été frappé des très
graves erreurs évidentes dues à l'oubli des principes de la méthodologie
générale exposés ci-dessus.
Il n'est pas une seule des grandes hypothèses classiques sur l'évolution,
sur la constitution de l'individu physique ou psychique, sur la vie et sur la
conscience, qui soit capable de s'adapter à tous les faits évolutifs,
à tous les faits physiologiques ou à tous les faits psychologiques
à plus forte raison n'en est-il aucune susceptible d'embrasser l'ensemble
synthétique de l'évolution collective et individuelle
Bien mieux, la plupart de ces hypothèses sont, évidemment et sûrement,
en opposition, je le démontrerai, avec des faits bien établis.
Cherchant l'origine première et la cause de ces erreurs de généralisation,
j'ai été amené à les trouver, avant tout, dans le
choix des faits, primordiaux sur lesquels ont été basées
les inductions et les hypothèses qui constituent la charpente de la philosophie
scientifique contemporaine. C'est que, dans toutes les sciences, mais spécialement
en biologie et en psychologie, le choix des faits, en vue d'une explication
synthétique, est susceptible de conduire à des méthodes
antagonistes et par suite à des conceptions des choses divergentes et
même opposées. On peut concevoir idéalement deux méthodes
principales découlant ainsi du choix des faits.
La première de ces méthodes part du principe qu'il faut toujours,
en sciences, aller du simple au complexe. Elle prend donc, comme point de départ,
les faits les plus élémentaires, s'efforce de les comprendre ;
puis passe aux phénomènes un peu plus complexes du même
ordre, en leur appliquant la formule explicative déduite de l'élude
approfondie des premiers et ainsi de suite, de la base au sommet.
La deuxième de ces méthodes part du principe qu'il n'existe, pour
un ordre de faits quelconques, d'explication vraie que celle qui est susceptible
de s'adapter à tous les faits de cet ordre. Elle cherchera, avant tout,
une explication capable de s'appliquer aux phénomènes les plus
complexes, car cette explication sera facilement étendue, à fortiori,
aux phénomènes plus simples et moins élevés et sera
forcément conforme à toutes les données acquises.
La méthode va ainsi du sommet à la base.
Il arrive fréquemment, bien entendu, que la seconde méthode aboutisse
à une impossibilité. C'est que les données de fait sont
insuffisantes. Elle avoue alors purement et simplement son impuissance et se
réserve, dédaignant les petites explications de détails,
forcément insuffisantes puisqu'elles n'envisagent qu'une face du problème.
De ces deux méthodes, la première, avant tout analytique, convient
à la science pure. La deuxième, avant tout synthétique,
est celle de la pure philosophie.
Or, quand il s'agit de questions ressortant à la fois de la science et
de la philosophie, on doit se demander quelle est celle de ces deux méthodes
qu'il faut adopter.
Une fois une vérité bien établie, il importe peu que l'explication
connue des phénomènes divers parte de la base ou du sommet, soit
ascendante ou descendante ; la synthèse étant assurée,
il n'est plus possible de s'égarer. Mais lorsqu'il s'agit précisément
de rechercher la vérité et d'asseoir la synthèse, il est
indispensable de faire un choix et d'examiner avec soin quelle est la méthode
la plus sûre et la plus féconde.
La première méthode est presque exclusivement employée.
Son usage repose sur un dogme indiscuté de la science contemporaine.
Voyons cependant d'un peu près, avant de nous décider, quelques-uns
des premiers résultats, actuellement établis, qu'elle a donnés.
Dans l'étude philosophique des phénomènes de la vie, si
l'on va du sommet à la base, de l'homme à l'animalité supérieure,
de l'animalité supérieure à l'animalité inférieure,
on est conduit à admettre que la conscience est ce qu'il y a de plus
important dans la vie ; parce que c'est ce qu'il y a de plus important chez
l'homme.
Nous sommes donc amenés à trouver que la conscience, avec tout
ce qui s'y rattache, s'étend, en se rétrécissant peu à
peu, jusqu'aux animaux les moins évolués, chez lesquels elle existerait
déjà à l'état d'ébauche.
Si, au contraire, nous allons de la base au sommet, la conclusion que nous devons
tirer des phénomènes de la vie est tout opposée. C'est
ce que Le Dantec, entre autres, s'est efforcé de faire ressortir[1].
Chez l'animal très inférieur, les réactions chimiques du
milieu suffisent à déterminer les phénomènes vitaux.
La méthode « ascendante » permet donc d'affirmer que dans
tous les phénomènes de la vie, même chez les animaux supérieurs,
il est inutile de chercher autre chose que le résultat de réactions
chimiques. La forme spécifique d'un animal elle-même, nous le verrons,
est pour Le Dantec, simple fonction de ces réactions.
Chez les plastides, existe un étroit déterminisme chimique et
il n'y a pas de motif pour leur attribuer de la volonté ou de la liberté.
Conclusion : le déterminisme biochimique est le même dans toute
la série animale et la volonté ou la liberté, même
chez l'homme, ne sont que des illusions.
La notion d'une conscience animale est superflue chez les plastides. Si donc
elle existe chez les animaux supérieurs, ce n'est qu'à titre d’épiphénomène
concordant aux réactions chimiques qui constitueraient le phénomène
essentiel.
Enfin, l'animal très inférieur, tel que l'éponge ou le
corail, n'étant, de toute évidence, qu'un simple complexus de
vies élémentaires, on doit en inférer que même l'animal
très complexe et très évolué, très centralisé
en apparence, n'est cependant lui-même qu'un complexus analogue, existant
et se maintenant de lui-même par affinité ou cohésion moléculaires,
sans le secours d'un dynamisme supérieur et indépendant.
Tel est le raisonnement et telles sont les conclusions de la méthode
« ascendante ». Ces conclusions sont-elles vraies ou sont-elles
fausses ?
Le raisonnement est rigoureux et impeccable. Si les conclusions sont fausses,
c'est seulement parce que la méthode est mauvaise.
Nous verrons, en réalité, par toute la suite de cet ouvrage, que,
en dépit de la rigueur du raisonnement, les résultats de la méthode
sont inacceptables et souvent absurdes.
C'est ce qu'il est facile d'établir dès maintenant, sans sortir
du domaine de la biologie. Voici un exemple d'induction absurde et inévitable
de la méthode ascendante : celui de la sensibilité.
Nous connaissons par expérience que nous sommes possesseurs de la sensibilité.
Nous en induisons que la sensibilité appartient à l'humanité.
Partant de ce sommet pour descendre l'échelle animale, nous jugeons que
l'animal supérieur possède également la sensibilité,
parce que ses manifestations de douleur ou de plaisir se rapprochent de nos
propres manifestations.
Si nous continuons à descendre l'échelle animale, les manifestations
sont moins nettes et, pour les animaux inférieurs, deviennent d'une interprétation
douteuse.
« Les signes de la douleur, dit Richet[2], ne suffisent pas à affirmer la douleur. Qu'à une grenouille
décapitée on pince la patte : elle se débattra, avec tous
les signes extérieurs de la douleur, tout à fait comme si elle
souffrait. Qu'on coupe en deux un lombric, les deux tronçons vont se
débattre convulsivement. Dira-t-on qu'ils souffrent tous les deux, ou
bien, ce qui me paraît beaucoup plus rationnel, ne pensera-t-on pas que
le traumatisme a déterminé une violente action réflexe
? »
Donc, si nous attribuons de la sensibilité aux êtres les moins
élevés de l'échelle animale, c'est par une induction descendante.
Noire raisonnement va du sommet à la base.
Suivons la marche inverse : si nous examinons d'abord, en faisant abstraction
de notre expérience personnelle, des animaux très inférieurs,
nous serons portés logiquement à leur dénier la sensibilité,
puisque toutes leurs réactions peuvent s'expliquer par des réflexes.
La sensibilité au plaisir ou à la douleur est, chez eux, une hypothèse
inutile, et, conformément au principe méthodologique de l'économie
des hypothèses, elle doit être écartée.
Mais alors, pourquoi admettre cette sensibilité chez les animaux plus
élevés ?
Tout peut aussi s'expliquer par des réflexes. Comme dit Richet, le cri
d'un chien que l'on frappe peut n'être à la rigueur qu'un mouvement
réflexe ! Et ce raisonnement n'est pas absurde, puisque c'était
précisément celui des Cartésiens.
Cependant, poussé jusqu'à la négation de la sensibilité
humaine, il devient insoutenable. Il incite alors à mettre, comme Descartes,
l’homme en dehors de l'animalité ; ce qui est évidemment
une grossière et dangereuse erreur.
Donc, la méthode qui consiste à partir de la base pour expliquer
l’un des phénomènes vitaux essentiels est prise en flagrant
délit d'erreur. Elle est donc suspecte pour tous les autres. Sans doute,
objectera-t-on, la méthode contraire peut aussi induire en erreur : «
Témoin, dit Le Dantec, la fameuse observation de Carter, dans laquelle
une amibe guettait à la sortie du corps maternel une jeune acinète
sur le point d'éclore. L'acinète est un protozoaire muni, à
l'état adulte, de tentacules venimeux particulièrement dangereux
pour l'amibe ; mais ces tentacules n'existent pas chez l'acinète jeune
et l'amibe observée par Carter savait ( !! ) que la jeune acinète
qui allait sortir du corps de sa mère serait comestible pendant les premiers
temps de son existence.»
L'erreur est comique ; mais qui ne voit de suite qu'elle est absolument insignifiante
au point de vue philosophique et qu'elle disparaît d'elle-même devant
les connaissances nouvelles relatives à l'instinct. Cette erreur, ne
portant que sur un point de détail, n'atteint en rien l'induction descendante
qui accorde une conscience relative à toute l'animalité.
Même si c'était arbitrairement que l'induction s'étendait
à l'animalité inférieure, cela serait sans importance :
il n'y a pas d'inconvénient sérieux à attribuer à
cette animalité, fut-ce arbitrairement, une conscience et une sensibilité
rudimentaires.
Au contraire, les erreurs de la méthode ascendante sont formidables,
puisqu'elles iraient jusqu'à refuser aux animaux supérieurs cette
conscience et cette sensibilité !
On voit combien Auguste Comte avait raison quand il disait : « Dès
qu'il s'agit des caractères de l'animalité, nous devons partir
de l'homme, et voir comment ils se dégradent peu à peu, plutôt
que de partir de l'éponge et de chercher comment ils se développent.
La vie animale de l'homme nous aide à comprendre celle de l'éponge,
mais la réciproque n'est pas vraie ».
De la biologie, passons à la psychologie. Considérons, par exemple,
les phénomènes dits de subconscience qui tiendront une si large
place dans mon travail.
Là, surtout nous verrons étalée l'opposition entre les
deux méthodes.
Dans une étude parue dans les Annales des sciences psychiques, j'avais
préconisé la méthode synthétique, pour l'étude
philosophique des phénomènes de subconscience. Je m'étais
efforcé de montrer que, seule, l'étude des phénomènes
les plus complexes permettrait de comprendre l'ensemble de la question ; tandis
que l'étude, si approfondie fut-elle, des phénomènes élémentaires,
serait toujours incapable d'apporter le moindre éclaircissement. Je concluais
que, au point de vue philosophique bien entendu, seule étaient vraiment
capitales l'étude et la compréhension des phénomènes
supérieurs[3].
Cet exposé méthodologique m'a valu de vives attaques, spécialement
de la part de M. Boirac[4]. Comme faisait Le Dantec pour les phénomènes biologiques, affirme
que l’on doit étudier et interpréter, de la base au sommet,
les phénomènes élémentaires d'abord, puis les phénomènes
de plus en plus complexes.
A l'appui de son idée, il apporte la comparaison suivante : vouloir comprendre
les phénomènes subconscients élevés, avant de comprendre
les plus élémentaires, est aussi illogique que de vouloir comprendre
le phénomène de la foudre en boule avant d'avoir compris les principes
élémentaires de l'électricité.
A cela je pourrais répondre que c'est autre chose d'étudier les
phénomènes de l'électricité et même les soumettre
à des applications pratiques, et autre chose de comprendre l'essence
de l'électricité. Notre compréhension de l’électricité,
notre compréhension philosophique ne repose et ne reposera que sur des
hypothèses provisoires, tant qu'on n'en aura pas compris les manifestations
les plus complexes.
Aussi bien, rien de plus facile que d'opposer comparaison à comparaison
! En voici une autre, que j'emprunterai à J. Loeb :
« Heureux les physiciens, s'écriait Loeb, de n'avoir jamais connu
la méthode de recherches des coupes et des colorations ! Que fut-il advenu
si, par fortune, une machine à vapeur fût tombée dans les
mains d'un physicien histologiste ? Que de milliers de coupes, en surface et
en épaisseur, diversement colorées et recolorées, que de
dessins, que de figures, sans arriver sans doute à apprendre que la machine
est une machine à feu et qu'elle sert à transformer la chaleur
en mouvement[5]! ».
Cette comparaison met en lumière le caractère distinctif des deux
méthodes :
La méthode d'analyses restreintes, d'études approfondies de détails
à une grande importance scientifique ; elle est sans valeur philosophique.
La méthode de synthèse générale est la seule qui
importe à la philosophie scientifique parce que seule elle fait ressortir
ce qu'il y a de vraiment important dans un ordre de faits.
Ce qu'il a de vraiment important, dans la machine à vapeur, c'est la
chaudière et le mécanisme moteur. Quand on aura compris ce mécanisme,
il ne sera vraiment pas difficile de comprendre le rôle des pièces
accessoires, des roues et des freins. Mais ce serait folie de vouloir comprendre
la locomotive par une étude, si complète fût-elle, d'un
boulon détaché de la machine ou d'un rayon d'une roue !
Aux « physiciens histologistes » font évidemment pendant
les psychistes cantonnés dans l'étude systématique des
petits faits. Les uns et les autres aboutissent à la même impuissance.
Je conclus : au point de vue philosophique (le seul auquel je me place), dans
un ordre de faits donné, seule importe la compréhension des faits
les plus élevés, parce qu'elle comporte, à fortiori, celle
de tous les autres. Seule, par conséquent, est féconde la méthode
descendante qui part systématiquement de ces faits élevés.
Du reste, on juge l'arbre à ses fruits : c'est grâce à cette
méthode, nous le verrons, qu'on arrive à expliquer tous les phénomènes
de la vie et de la conscience, toute l'évolution collective et individuelle,
à comprendre même le sens de l'univers.
Avec la méthode analytique et ascendante, au contraire, on ne voit rien,
on n'arrive à rien, sinon à des erreurs de généralisation
formidables, celles qui ont vicié toute la philosophie contemporaine
: quand toutefois l'on ne se perd pas purement et simplement dans un verbalisme
insignifiant.
En voulant tirer, de phénomènes élémentaires, des
enseignements généraux, on en arrive à dénier aux
animaux la sensibilité et à réduire la conscience au rôle
d'épiphénomène.
En prenant comme base, dans l'étude des faits psychologiques, les petites
manifestations hypnoïdes ou hystériformes, on n'aboutit qu'à
ramener toute la psychologie subconsciente, même supérieure, à
l'automatisme ou à la suggestibilité.
Pire encore, par fidélité aveugle à une méthode
stérilisante, de très bons esprits sont fatalement voués
à l'impuissance et gaspillent leur temps et leur peine à fabriquer
ou à renouveler des étiquettes : à défaut de l'idée
générale qui se dérobe, ils inventent le pithiatisme ou
la métagnomie...
La méthode que nous avons choisie nous offre, comme guides, deux critériums
essentiels, un critérium critique et un critérium pratique.
Le critérium critique nous permettra de considérer comme fausse
et de rejeter, sans plus ample examen, toute explication ou hypothèse
qui, dans un ordre de faits connexes, ne s'adapte qu'à une partie de
ces faits et non à tous les faits, spécialement aux plus complexes.
Le critérium pratique nous imposera, dans un ordre de faits connexes,
l’étude systématique et immédiate des faits les plus
élevés et les plus complexes.
Qu'il s'agisse de l'évolution universelle et des théories naturalistes,
de l'individualité physiologique ou psychologique, ou même des
plus hautes questions philosophiques, nous nous attaquerons, tout d'abord, aux
faits les plus importants, qui sont les seuls importants ; négligeant
momentanément la poussière des faits élémentaires
et simples, qui s'expliqueront d'eux-mêmes ensuite.
Au lieu de piétiner dans cette menue poussière des faits élémentaires
qui retarde indéfiniment, en l'obscurcissant, la marche ascendante, nous
nous élancerons, par bonds, sur les sommets ; d'où nous pourrons
ensuite, après nous être instruits par un large regard d'ensemble
sur tout le domaine accessible, redescendre à loisir et sans peine, pour
en explorer tous les recoins.
Notre travail est tout naturellement divisé en deux parties principales
:
Le livre Ier est une étude critique des théories classiques relatives
à l'évolution, à l'individualité physiologique,
à l'individualité psychologique et aux principales philosophies
évolutives ; en même temps qu'un aperçu des inductions essentielles
du livre II.
Le livre IIe est l'exposé même de notre philosophie scientifique.
Livre premier
L’Univers et l’individu d’après les théories
scientifiques et philosophiques classiques (étude critiques)
[1] Le Dantec : Déterminisme biologique
[2] Richet : Psychologie générale.
[3] Il faut remarquer expressément que, en ce qui concerne le subconscient, phénomènes élémentaires et phénomènes complexes sont également inexpliqués. Que l'on prenne les uns ou les autres pour point de départ, on va toujours de l'inconnu à l’inconnu. Le principe cartésien ne saurait donc être objecté à notre méthode.
[4] Boirac : Annales des Sciences psychiques et l'Avenir des études psychiques
[5] Cité par Dastre.
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