Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


Préface

Le champ de la science médicale a été cultivé par plus de trois millions d'hommes, et, après tant de travail et de labeur, pas une vérité mère n'a été découverte, pas une certitude n'est venue surgir au milieu des doutes pour ennoblir cet art. Ah ! C'est assez ; cessez donc, médecins, de poursuivre votre œuvre ; abandonnez cette terre maudite que vous avez en vain voulu rendre féconde. Ne voyez-vous pas que toutes les sciences ont marché, excepté la vôtre, usant bien moins d'hommes ? Ne voyez-vous pas tout se rajeunir ou changer de formes autour de votent vous, vous restez couverts de la rouille des siècles passés ? Des germes féconds sont partout répandus sur la surface du globe, et seuls, au milieu du mouvement général, vous restez immobiles ; les hiéroglyphes de vos maîtres sont indéchiffrables à vous-mêmes, et vous le savez bien. N'ayant plus la vertu des premiers temps, vous ne trouvez que des paroles amères pour les hommes qui cherchent dans la sincérité de leur coeur à vous ramener aux vrais principes. La science est à votre porte, et vous ne voulez pas lui ouvrir ; elle vous supplie, et vous l'insultez ; plusieurs d'entre vous l'ont outragée, l'ont frappée même, et cette fille divine ne cesse de vous implorer. Ouvrez-lui donc enfin. C'est Hygie, chassée par vous et qui revient dans votre temple ; son voile est levé, vous ne pouvez méconnaître ses traits. Le charlatanisme impur lui a dit déjà : Viens ici ! Elle y est venue, et des guérisons surprenantes sont venues confondre votre raison. Elle s'est retirée bientôt de ces lieux qui n'étaient point faits pour elle, car ces nouveaux prêtres ne pouvaient ni la comprendre ni la servir. Désolée, elle vous implore de nouveau ; c'est de vous qu'elle a besoin, vous qui connaissez l'homme physique jusque dans ses moindres ressorts. Ecoutez-la donc cette fois, craignez de nouveau son éloignement. Songez que c'est de la France que doivent partir les vérités destinées à éclairer les hommes et à les rendre meilleurs et plus humains.
Relevez donc les autels de votre Dieu et soyez de nouveau les ministres de ses décrets.
Une découverte, grande comme le monde, sera, quand vous le voudrez, renfermée dans votre temple, pour ne plus en sortir.
Vous serez supérieurs à tous les autres hommes, car vous saurez plus qu'eux ; vous calmerez les alarmes et ferez cesser les craintes et les douleurs, la mort même, au lieu de vous suivre, fuiront à votre approche.
Proférez-vous le mensonge à la vérité, les ténèbres à la lumière ? Voulez-vous continuer de verser inutilement des flots de sang humain ? Si c'est de l'or que vous voulez, la vérité vous en donnera plus que l'erreur, et les larmes que vous ferez répandre, ne seront plus les larmes du désespoir, mais celles de la joie.
Sans doute il faut qu'on meure, mais que l'on ne meure point avant l'âge et victime d'assassinats ; lorsqu'on saura que la nature rappelait à elle la créature qu'elle avait faite infirme, sans que vous ayez en rien rapproché le terme fatal, on se courbera sous le niveau sans vous maudire et sans blasphémer contre Dieu.
Que ne puis-je, dépouillant par la pensée cette masse d'êtres humains grouillant dans la grande cité, vous la montrer telle qu'elle est ! Apercevez-vous les traces de vos instruments ? Voyez-vous ces vésicatoires, ces sétons, ces cautères, ces ulcères, ces bras sans muscles, ces poitrines amaigries, cette peau livide et flétrie, ces cancers ; le pus sortir de ces émonctoires comme de ces poitrines que la phtisie dévore ? Celui-ci rongé par des dartres, cet autre l'écume à la bouche et se roulant dans la fange. Ceux-ci, jeunes encore, n'ont plus de dents, plus de cheveux, leurs yeux distinguent à peine les objets et il faut que l'optique vienne à leur secours. D'autres ont des hernies, des engorgements scrofuleux !...
Y a-t-il un de ces corps qui n'ait reçu quelques unes de vos cruelles atteintes, et n'ait dans le sang quelques-uns de vos poisons ? L'air semble vicié par l'odeur qu'exhale sans cesse cette population confiée à vos soins et à votre sagesse. Mais, sans dépouiller cette génération, ne voyez-vous pas ces gibbosités, ces corps courbés, atrophiés, déviés, ces membres amputés ? Tant de maladies, que vous n'avez su ni empêcher ni guérir, n'éclaireront donc jamais vos esprits ? Sont-ce là les signes d'une vengeance divine ou plutôt n'existez-vous que pour montrer aux hommes leur néant et l'impuissance de votre savoir ?
Dieu ! Prends enfin pitié de la race humaine que tu as formée à ton image ! Fais descendre un rayon de ta divine intelligence dans le coeur de tant d'hommes que le mauvais génie inspire. Entend ma voix suppliante, et si je ne puis les toucher les rappeler à la vérité, ôte-moi ce feu qui me dévore et le cri de ma conscience, sans cela je croirai que tu m'as fait le plus malheureux de tous les hommes !
Hélas ! J'appelle en vain de meilleurs jours, je ne dois point les voir ! Le temps viendra pourtant pour la vérité que j'enseigne : les germes en sont déposés dans le coeur de quelques hommes. L'avenir m'apparaît par la pensée, j'y pénètre, je vois une science plus brillante que celle qui nous éclaire, car lumière se répandra sur l'immensité ; la destinée de l'homme ne sera plus un problème, et l'art de le conserver aura la sanction universelle.

Baron du POTET.

 

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