Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


Chapitre XXII : Quelques grands médiums modernes

Il y a toujours une certaine monotonie quand on écrit sur les signes physiques de l'intelligence extérieure parce qu'ils empruntent des formes stéréotypées limitées dans leur nature. Ils suffisent amplement à leur objet qui est de démontrer la présence de puissances invisibles inconnues de la science matérielle mais tant leurs méthodes de production que les résultats conduisent à une répétition sans fin. Cette manifestation en soi, qui se produit effectivement dans tous les pays du monde, devrait convaincre quiconque réfléchit sérieusement à la question qu'il est en présence de lois stables et qu'il ne s'agit pas d'une succession sporadique de miracles mais d'une science réelle en train de se constituer. C'est par leur mépris ignorant et arrogant de ce fait que les adversaires ont péché. « Ils ne comprennent pas qu'il y a des lois », écrivit Madame Bisson après quelques tentatives imbéciles de certains docteurs de la Sorbonne pour produire de l'ectoplasme dans des conditions qui annulent leur propre expérience. Comme on le verra à la lumière de ce qui est arrivé, un grand médium physique sait produire la Voix Directe sans l'aide de ses cordes vocales, la télékinésie ou mouvement d'objets à distance, des coups frappés ou percussion d'ectoplasme, des lévitations, des apports ou transports d'objets éloignés, des matérialisations soit de visages soit de membres soit de personnages entiers, des conversations et des messages écrits en état de transe, des messages écrits sur des ardoises fermées, et des phénomènes lumineux qui prennent de nombreuses formes.
L'auteur a vu personnellement à de nombreuses reprises toutes ces manifestations et comme elles lui ont été montrées par les principaux médiums de son temps, il se risque à modifier la forme de cette histoire en parlant des sensitifs les plus récents à partir de sa connaissance et de ses observations personnelles.
On sait que certains cultivent un don et certains un autre, tandis que ceux qui peuvent exhiber toute la gamme des formes de pouvoirs ne sont en général pas aussi versés dans chacun que celui, ou celle, qui s'est spécialisé dans un en particulier. Vous disposez de telle quantité de pouvoir psychique et vous pouvez soit tout jeter dans un seul canal profond, soit tout disperser sur plusieurs canaux superficiels. Périodiquement, un homme miracle apparaît, comme D. D. Home, qui porte en lui toute la gamme de la médiumnité – mais c'est rare.
Le plus grand médium sous transe que connaisse l'auteur s'appelle Mme Osborne Leonard. Le mérite exceptionnel de son don est qu'il est, en règle générale, ininterrompu. Il n'est pas coupé par de longues pauses ou des intervalles inopportuns, mais il s'écoule comme si la personne censée parler était effectivement présente. La procédure habituelle est la suivante : Mme Leonard, une dame distinguée, agréable, douce et entre deux âges, sombre dans le sommeil à partir de quoi sa voix change complètement et ce qui sort d'elle-même prétend provenir de son petit contrôleur, Feda. Le contrôleur parle avec une voix aiguë et s'exprime dans un anglais plutôt médiocre plein de petits sous-entendus et de plaisanteries qui donnent l'impression qu'il s'agit d'une enfant douce, aimable et intelligente. Elle sert de porte-parole à l'esprit qui attend mais l'esprit intervient aussi quelquefois, ce qui conduit à des changements brusques de la première personne du singulier à la troisième, comme ceci : « Je suis ici, Père. Il dit qu'il veut parler. Je vais si bien et je suis si heureuse. Il dit qu'il trouve si merveilleux de pouvoir vous parler... » Et ainsi de suite.
Quand elle est à son meilleur, c'est une expérience merveilleuse. Une fois, l'auteur a reçu une longue série de messages prétendant traiter du sort futur du monde, à travers la main et la voix de son épouse dans son propre cercle, chez lui. Quand il rendit visite à Mme Leonard, il n'en dit mot, pas plus qu'il n'avait alors parlé de cela en public. Pourtant, il venait à peine de s'asseoir et de poser le calepin sur lequel il se proposait de prendre des notes. sur ce qui allait arriver que son fils annonça sa présence et parla sans guère s'arrêter pendant une heure. Au cours de ce long monologue, il montra une connaissance intime de tout ce qui était venu par le cercle de l'auteur, ainsi que des petits détails de la vie familiale, totalement étrangers au médium. Durant tout l'entretien, il ne commit aucune erreur de fait et pourtant beaucoup de faits furent mentionnés. Un court passage de la partie la moins personnelle peut être citée ici en exemple :
« Il y a tant de faux progrès du genre mécanique ou matériel. Ce ne sont pas des progrès. Si vous construisez une automobile pour parcourir mille kilomètres cette année, vous en construirez une autre pour parcourir deux mille kilomètres l'année prochaine. Aucune n'est meilleure pour autant. Nous voulons des progrès réels –comprendre le pouvoir du cerveau et de l'esprit et se rendre compte du fait qu'il existe effectivement un monde des esprits.
On pourrait apporter tant d'aide de notre côté si seulement les gens sur la terre se mettaient en situation de l'accepter, mais nous ne pouvons obliger ceux qui ne sont pas prêts à recevoir notre aide. C'est votre travail de préparer les gens pour nous. Certains sont d'une ignorance si désespérante ; mais semez la graine, même si vous ne voyez rien venir.
Les membres du clergé ont des idées tellement bornées et tellement prisonnières d'un système qui devrait être suranné ! C'est comme si on servait le dîner de la semaine dernière au lieu d'en faire un nouveau. Nous voulons une nourriture spirituelle fraîche, pas un réchauffé de vieille nourriture. Nous savons combien le Christ est merveilleux. Nous nous rendons compte de Son amour et de Son pouvoir. Il peut nous aider, vous et nous. Mais Il le fera en allumant de nombreux feux pas en remuant toujours les vieilles cendres.
Voilà ce que nous désirons – le feu de l'enthousiasme sur les deux autels de l'imagination et de la connaissance. Les Églises ont reçu le bon enseignement mais elles ne l'ont pas mis en pratique.
On doit être capable de démontrer sa connaissance spirituelle sous une forme pratique. Le plan sur lequel vous vivez est un plan pratique où l'on s'attend à ce que vous mettiez en oeuvre votre connaissance et votre foi. Sur notre plan, la connaissance et la foi sont action – on pense une chose et immédiatement on la met en pratique mais sur la terre il y a tant de gens qui disent qu'une chose est juste mais qui ne la font jamais. L'Église enseigne mais ne met pas en pratique son propre enseignement. Le tableau noir est parfois utile, vous savez. C'est cela qu'il vous faut. Vous devriez enseigner, puis faire la démonstration au tableau. Ainsi, les phénomènes physiques sont réellement très importants. Il y en aura quelques-uns dans ce bouleversement. Il est difficile pour nous de nous manifester physiquement maintenant car la grande masse de la pensée collective est contre nous et non l'inverse. Mais quand le bouleversement viendra, les gens seront secoués et ils sortiront de leur attitude égoïste, ignorante et antagoniste envers nous, ce qui ouvrira immédiatement la voie à une démonstration beaucoup plus complète que ce que nous avons pu donner jusqu'ici.
Aujourd'hui, c'est comme si nous devions abattre un mur et nous perdons quatre-vingt-dix pour cent de notre puissance en cognant et en essayant de trouver un point faible dans ce mur d'ignorance à travers lequel nous pourrions nous glisser jusqu'à vous. Mais beaucoup d'entre vous travaillent du marteau et du ciseau, de votre côté, pour nous faire entrer. Vous n'avez pas construit le mur et vous nous aidez à le traverser. Dans quelque temps vous l'aurez tant affaibli qu'il s'écroulera et au lieu de nous glisser à travers avec difficulté nous apparaîtrons ensemble dans un groupe glorieux. Ce sera l'apothéose – la rencontre de l'esprit et de la matière. »
Si la vérité du spiritualisme dépendait des seuls pouvoirs de Mme Leonard, l'affaire serait jouée car elle a vu bien des centaines de consultants et a rarement manqué de donner entière satisfaction. Il y a pourtant beaucoup de clairvoyants dont les pouvoirs sont un peu inférieurs à ceux de Mme Leonard mais qui l'égaleraient peut-être s'ils montraient la même retenue dans leur emploi. Aucune rétribution ne poussera jamais Mme Leonard à prendre plus de deux consultants par jour et c'est à cela, sans aucun doute, qu'elle doit l'excellence soutenue de ses résultats.
Parmi les clairvoyants que l'auteur a utilisés à Londres, M. Vout Peters a droit à une place de choix. Une très remarquable preuve nous est parvenue par son intermédiaire en une occasion qui est racontée ailleurs[1]. Un autre excellent médium est Mme Annie Brittain. Pendant la guerre l'auteur avait coutume d'envoyer des personnes en deuil chez ce médium et il classait les lettres dans lesquelles elles relataient leur expérience. Le résultat est tout à fait remarquable. Sur les cent premiers cas, quatre-vingts réussirent totalement à se mettre en contact avec l'objet de leur demande. Dans certains cas, le résultat fut probant au-delà de toute espérance et le réconfort donné aux demandeurs ne saurait guère être exagéré. Le renversement de sentiment quand la personne endeuillée découvre brusquement que la mort n'est pas silencieuse mais qu'une voix encore faible, parlant avec des accents très joyeux, peut revenir, est extraordinaire. Une dame a écrit qu'elle était tout à fait décidée à quitter la vie car l'existence lui semblait si pâle et si vide mais elle est sortie du salon de Mme Brittain le coeur plein d'un nouvel espoir. Quand on entend dire que pareil médium a été traîné devant un tribunal de police, insulté par des policiers ignorants et condamné par un magistrat encore plus ignorant, on a vraiment le sentiment de vivre dans l'un des âges sombres de l'histoire du monde.
Comme Mme Leonard, Mme Brittain a une bienfaisante petite enfant familière du nom de Belle. Au cours de ses recherches étendues, l'auteur a fait la connaissance de beaucoup de ces petites créatures en diverses parties du monde, découvrant en toutes le même caractère, la même voix et les mêmes manières plaisantes. Cette ressemblance montrerait à elle seule à tout être pensant que quelque loi générale est mise en oeuvre. Feda, Belle, Iris, Harmony, entre autres, gazouillent de leur voix de fausset et le monde se porte mieux de par leur présence et leur aide.
Mlle McCreadie est une autre clairvoyante notable de Londres qui appartient à l'ancienne école et apporte avec elle une atmosphère de religion qui manque parfois ailleurs. Il y en a beaucoup d'autres mais aucune recension ne serait complète sans une allusion à l'enseignement remarquable et très élevé en provenance de Jean et des autres contrôleurs de Mme Hester Dowden, fille du fameux érudit shakespearien. Il faut également citer le capitaine Bartlett, dont les merveilleux dessins et messages écrits ont permis à M. Bligh Bond de mettre au jour les ruines de deux chapelles à Glastonbury, si profondément enfouies que seul un clairvoyant aurait pu définir leur position exacte. Les lecteurs de The Gate of Remembrance (Le portail du souvenir) comprendront toute la force de ce remarquable épisode.
Les phénomènes de Voix Directe diffèrent de la simple clairvoyance et du discours en état de transe en ceci que les sons ne semblent pas venir du médium mais s'extériorisent souvent à une distance de plusieurs mètres, qu'ils continuent à retentir quand sa bouche est pleine d'eau et qu'ils éclatent même en deux ou trois voix simultanées. Dans ces cas-là, on utilise une trompette en aluminium pour amplifier la voix et aussi, comme le supposent certains, pour former une petite chambre noire dans laquelle les véritables cordes vocales utilisées par l'esprit peuvent se matérialiser. C'est un fait intéressant et qui a provoqué bien des doutes chez ceux dont l'expérience est limitée, que les premiers sons ressemblent en général à la voix du médium. Ceci disparaît très vite et la voix devient soit neutre soit peut ressembler de près à celle du défunt. Il se peut que la raison de ce phénomène réside dans le fait que l'ectoplasme à partir duquel les phénomènes sont produits est tiré du médium et conserve certaines de ses particularités jusqu'à ce que la force extérieure prenne les commandes.
Il est bon que les sceptiques ne perdent pas leur patience et attendent les développements. J'ai connu un enquêteur ignorant et entêté qui a pris une fraude pour certaine en remarquant la ressemblance des voix et qui a torpillé toute la séance par un jeu de mains brutal alors que s'il avait attendu, ses doutes se seraient bien vite envolés.
L'auteur a eu, avec Mme Wriedt, cette expérience et il a entendu la Voix Directe, accompagnée de coups frappés sur la trompette, en pleine lumière du jour, avec le médium assis à plusieurs mètres de distance. Ceci règle le sort de l'idée selon laquelle le médium dans le noir peut changer de place. Il n'est pas inhabituel d'avoir deux ou trois voix d'esprits qui parlent ou qui chantent simultanément, ce qui est fatal à la théorie du ventriloquisme. La trompette est souvent ornée d'une petite marque de peinture lumineuse et on peut la voir s'élancer hors d'atteinte des mains du médium. Dans la maison de M. Dennis Bradley, l'auteur a eu l'occasion de voir la trompette illuminée tourner en rond et frapper le plafond comme un phalène aurait pu le faire. On demanda ensuite au médium (Valiantine) de se mettre debout sur sa chaise et on constata que, la trompette à la main, il ne parvenait pas à toucher le plafond le bras tendu. Un cercle de huit personnes y assistait et peut en témoigner.
Mme Wriedt est née à Détroit il y a environ cinquante ans et elle est peut-être mieux connue en Angleterre que n'importe quel autre médium américain. La réalité de ses pouvoirs sera jugée au mieux par une brève description des résultats obtenus. A l'occasion d'une visite qu'elle fit à l'auteur, chez lui, à la campagne, elle tint une séance avec lui, son épouse et son secrétaire dans une pièce bien éclairée. On chanta un hymne et avant la fin du premier couplet une cinquième voix, d'excellente qualité, nous rejoignit et poursuivit jusqu'à la fin. Les trois observateurs étaient prêts à déposer que Mme Wriedt elle-même avait chanté tout le temps. Lors de la réunion du soir, une série d'amis se présenta avec tous les signes possibles confirmant leur identité. L'un des participants fut approché par son père, mort récemment, qui commença par la toux dure et sèche qui avait fait son apparition lors de sa dernière maladie. Il examina la question soulevée par un legs de la façon la plus parfaitement rationnelle. Un ami de l'auteur, un Anglo-Indien assez irritable, se manifesta, dans la mesure où une voix le peut, reproduisant exactement la façon de parler, donnant son nom et faisant allusion à des faits de sa vie. Un autre participant reçut la visite de quelqu'un qui prétendait être sa grand-tante. Le lien de parenté fut nié, mais en se renseignant chez lui, on découvrit qu'il avait effectivement eu une tante de ce nom décédée alors qu'il était encore enfant. Il faut étendre la télépathie très loin pour rendre compte de pareils faits.
En tout, l'auteur a eu des expériences avec au moins vingt sujets qui produisaient la Voix Directe et il a été très frappé par les différences dans le volume du son entre les divers médiums. Il est souvent si faible que c'est avec difficulté qu'on parvient à distinguer le message. Il y a peu d'expériences plus douloureuses que de tendre l'oreille pour entendre dans l'obscurité à côté de soi les accents haletants, pénibles et hachés qui signifieraient tant de choses si seulement on pouvait les distinguer. D'un autre côté, l'auteur a connu l'embarras considérable que l'on éprouve lorsque dans la chambre surpeuplée d'un hôtel de Chicago, une voix éclate qui ne peut se comparer qu'au rugissement d'un lion. Cette fois-là, le médium était un jeune et mince Américain qui aurait été tout à fait incapable de produire pareil son avec ses organes normaux. Entre ces deux extrêmes, toutes les variations de volume et de vibration peuvent se rencontrer.
George Valiantine, déjà cité, viendrait peut-être en second si l'auteur devait établir une liste des grands médiums à Voix Directe avec qui il a eu des expériences. Il a été examiné par le comité du Scientific American et récusé sous le prétexte qu'un appareillage électrique montrait qu'il quittait sa chaise chaque fois que la voix résonnait. L'exemple donné plus haut par l'auteur dans lequel la trompette tournait hors de portée du médium, est une preuve positive que ses résultats ne dépendent pas du fait qu'il quitte ou non son siège et que les effets dépendent non seulement de la façon dont la voix est produite mais encore davantage de ce qu'elle dit. Ceux qui ont lu le livre de Dennis Bradley Towards the Stars (Vers les étoiles) ainsi que son ouvrage suivant qui raconte une longue série de séances qui eut lieu à Kingston Vale, s'apercevront qu'aucune explication possible ne rendra compte de la médiumnité de Valiantine sauf le fait patent qu'il possède des pouvoirs psychiques exceptionnels. Ils sont très variables, en fonction des conditions, mais à leur mieux, ils se situent très haut. Tout comme Mme Wriedt, il n'entre pas dans un état de transe et pourtant on ne saurait qualifier son état de normal. Il y a des états de semi-transe qui attendent encore les travaux des futurs chercheurs.
M. Valiantine est un industriel d'une petite ville de Pennsylvanie. C'est un homme doux et aimable, et comme il est dans la force de l'âge, c'est une carrière très utile qui s'étend encore devant lui.
En tant que médium à matérialisation, Jonson de Toledo, qui résida par la suite à Los Angeles, se détache nettement, dans la mesure de l'expérience de l'auteur. On devrait peut-être accoler à son nom celui de sa femme puisqu'ils travaillaient ensemble. La singularité du travail de Jonson est qu'il est bien en vue de chaque membre du cercle, assis en dehors du cabinet, tandis que sa femme se tient près du cabinet et supervise les opérations. Celui qui cherche un compte rendu très complet d'une des séances de Jonson le trouvera dans l'ouvrage de l'auteur Our Second American Adventure (Notre seconde aventure américaine) ; sa médiumnité est également traitée à fond par l'amiral Usborne Moore[2]. L'amiral, qui fut l'un des plus grands chercheurs psychiques, participa à maintes séances avec Jonson et obtint la coopération d'un ancien chef des services secrets américains qui établit une surveillance et ne trouva rien à reprocher à ce médium. Quand on se souvient qu'à l'époque, Toledo était une petite ville et que parfois jusqu'à vingt personnalités différentes se manifestaient au cours d'une seule séance, on se rendra compte que jouer tous ces rôles présente des difficultés insurmontables. A l'occasion de la séance à laquelle assista l'auteur, une longue succession de personnes sortit, une par une, d'un petit cabinet. Il y avait des vieux et des jeunes, des hommes, des femmes et des enfants. La lumière en provenance d'une lampe rouge suffisait pour que les participants voient nettement les silhouettes mais elle était insuffisante pour qu'on distingue les traits en détail. Certains personnages restèrent dehors pendant pas moins de vingt minutes et conversèrent librement avec le cercle, répondant à toutes les questions qu'on leur posait. Aucun homme ne peut donner à un autre un chèque en blanc pour son honnêteté et garantir que non seulement il est honnête mais qu'il le sera toujours. L'auteur peut seulement dire qu'en cette occasion particulière, il a été parfaitement convaincu de la nature authentique des phénomènes et qu'il n'a aucune raison d'en douter pour n'importe quelle autre occasion.
Jonson est un homme puissamment bâti, et bien qu'il approche maintenant de la vieillesse, ses pouvoirs psychiques sont encore inégalés. Il est le centre d'un cercle à Pasadena, près de Los Angeles, qui se réunit toutes les semaines pour mettre à profit ses remarquables pouvoirs. Le regretté professeur Larkin, l'astronome, était un habitué du cercle et avait assuré l'auteur de sa parfaite confiance dans l'honnêteté du médium et de son travail.
La matérialisation a pu être plus courante dans le passé qu'actuellement. Ceux qui lisent des livres comme le Materialised Apparitions de Brackett, ou There is no Death de Mlle Marryat (Apparitions matérialisées – Il n'y a pas de mort), affirmeraient le contraire. Mais à notre époque, la matérialisation complète est très rare. L'auteur était présent lors de la prétendue matérialisation par un certain Thompson, à New York, mais les opérations n'emportèrent pas la conviction et peu après l'homme était arrêté pour trucage dans des circonstances qui ne laissent aucun doute quant à sa culpabilité.
Il y a certains médiums qui, sans se spécialiser particulièrement, peuvent montrer une large gamme de manifestations surnaturelles. Parmi tous ceux que l'auteur a connus, il donnerait la préséance pour la variété et la cohérence à Mlle Ada Besinnet, de Toledo, en Amérique, et à Evan Powell, autrefois de Merthyr Tydvil, dans le pays de Galles. Tous deux sont d'admirables médiums et des personnes bonnes et aimables qui méritent les dons merveilleux qui leur ont été accordés. En ce qui concerne Mlle Besinnet, les manifestations comprennent la Voix Directe, deux et souvent davantage s'exprimant en même temps. Un contrôleur masculin nommé Dan possède une remarquable voix de baryton et quiconque l'a entendue ne peut pas douter une seconde qu'elle est indépendante de l'organe de la demoiselle. Une voix de femme se joint parfois à celle de Dan pour faire un duo des plus mélodieux. Un autre trait caractéristique de ce médium est un remarquable sifflement pour lequel il semble n'y avoir aucune pause qui permette de reprendre son souffle. Il y a aussi la production de lumières très brillantes. Elles semblent être des petits objets solides et lumineux et l'auteur connut une fois la curieuse impression d'en avoir un sur la moustache. Si une grosse luciole s'y était installée, l'effet aurait été à peu près le même. Les Voix Directes de Mlle Besinnet, quand elles prennent la forme de messages – mis à part le travail des contrôleurs – ne sont pas fortes et sont même souvent à peine audibles. Cependant, le plus remarquable de tous ses pouvoirs est l'apparition de visages fantômes qui se montrent dans une tache de lumière devant les participants. Il semblerait que ce soit de simples masques car ils ne donnent aucune impression de profondeur. Dans la plupart des cas, ils représentent des visages imprécis qui ressemblent parfois à celui du médium, quand la santé de la demoiselle ou la puissance du cercle est faible. Quand les conditions sont bonnes, ils sont totalement dissemblables. L'auteur a vu en deux occasions des visages qu'il peut jurer avoir reconnus, l'un était celui de sa mère et l'autre celui de son neveu, Oscar Hornung, un jeune officier tué pendant la guerre. Ils étaient aussi nets et visibles que dans la vie. D'un autre côté, il y a eu des soirs où on ne pouvait pas obtenir la moindre identification nette, bien que parmi les visages il y en eût certains qu'on ne peut guère qualifier autrement que du terme d'angéliques, tellement ils étaient beaux et purs[3].
Au même niveau que Mlle Besinnet, on trouve M. Evan Powell avec la même variété de pouvoirs quoique pas toujours de la même sorte. Les phénomènes lumineux de Powell sont aussi bons. Sa production de voix est meilleure. L'auteur a entendu les voix d'esprits aussi fort qu'une conversation humaine normale, et il se rappelle une occasion où trois d'entre elles parlaient simultanément, une à Lady Cowan, une à Sir James Marchant et une à Sir Robert McAlpine. Les déplacements d'objets sont courants pendant les séances de Powell et, une fois, un socle de trente kilogrammes resta suspendu pendant quelque temps au-dessus de la tête de l'auteur. Evan Powell insiste toujours pour être soigneusement attaché pendant ses séances, ce qui est fait, en vue affirme-t-il, de sa propre protection puisqu'on ne peut le tenir pour responsable de ses mouvements quand il se trouve en état de transe. Cela jette un éclairage intéressant sur la nature possible de certaines dénonciations de scandale. Il y a pas mal de preuves qui montrent non seulement que le médium peut, inconsciemment ou sous l'influence ou la suggestion de l'assistance, se mettre dans une situation fausse, mais que des forces mauvaises qui sont soit malveillantes soit activement opposées au bon travail accompli par les spiritualistes, pourront posséder le corps en transe et lui faire faire des choses suspectes de façon à discréditer le médium. Quelques remarques pleines de bon sens, fondées sur une expérience personnelle, ont été énoncées par le professeur Haraldur Nielsson, d'Islande, lors d'un commentaire sur un cas où un membre du cercle avait commis une fraude parfaitement absurde, et un esprit avait admis par la suite que c'était le résultat de son intervention active[4]. Dans l'ensemble on peut dire que, parmi tous les médiums vivant actuellement en Angleterre, Evan Powell possède les dons spirituels les plus larges. Il prêche la doctrine du spiritualisme à la fois par lui-même et sous contrôle, et il peut en lui-même exhiber presque toute la gamme des phénomènes. Il est dommage que son commerce de charbon dans le Devonshire l'empêche de rester constamment à Londres.
La médiumnité psychographique constitue une manifestation remarquable. Elle est possédée à un haut degré par Mme Pruden, de Cincinnati, qui lors de son récent séjour en Grande-Bretagne a montré ses merveilleux pouvoirs à un grand nombre de gens. L'auteur a participé à plusieurs séances avec elle et a expliqué les procédures en détail. Comme le passage est court et peut éclairer la question pour le non-initié nous le citons ici :
« C'est notre bonne fortune de renouer le contact avec le très grand médium qu'est Mme Pruden, de Cincinnati, qui était venue à Chicago à mes conférences. Nous eûmes une séance au Blackstone Hotel grâce à la courtoisie de son hôte, M. Holmyard, et les résultats ont été splendides. Cette aimable dame, d'un certain âge, aux manières maternelles, possède le don particulier de l'écriture sur ardoise que je n'ai jamais examiné auparavant.
J'avais entendu dire qu'il existait des ardoises truquées mais elle désirait vivement utiliser les miennes et m'a permis d'examiner les siennes avec soin. Elle fait un cabinet noir en recouvrant la table d'un drap et tient l'ardoise dessous, tandis que vous pouvez tenir l'autre coin. Son autre main est libre et en vue. L'ardoise est double avec un petit bout de mine au milieu.
Au bout d'une demi-heure la rédaction commence. C'est un sentiment des plus étranges que de tenir l'ardoise et de sentir le grincement et la vibration de la mine qui fait son travail à l'intérieur. Chacun de nous avait écrit une question sur un bout de papier et l'avait jeté par terre, soigneusement plié, dans l'ombre du drap afin que les forces psychiques disposent de conditions correctes pour leur travail qui est toujours gêné par la lumière.
Bientôt, chacun de nous eut une réponse à sa question sur l'ardoise, et on nous permit de ramasser nos papiers pliés pour voir s'ils n'avaient pas été ouverts. La pièce, je dois le dire, était éclairée par la lumière du jour et le médium n'aurait pas pu se pencher sans que nous le remarquions.
Ce matin-là, 'j'avais du travail, en partie spirituel en partie matériel, avec un inventeur français, le Dr Gelbert. Je demandai dans ma question si c'était avisé. La réponse sur l'ardoise fut : « Faites confiance au Dr Gelbert. Kingsley. » Je n'avais pas mentionné le nom du Dr Gelbert dans ma question et Mme Pruden ne savait rien de cette affaire.
Ma femme reçut un long message d'une amie chère, signé de son nom. Le nom était une vraie signature. En somme, c'était une démonstration parfaitement convaincante. Des coups frappés avec netteté et précision ponctuèrent sans cesse notre conversation[5]. »
La méthode et le résultat général sont les mêmes que ceux employés et obtenus par M. Pierre Keeler, des États-Unis. L'auteur n'a pas réussi à organiser une séance avec ce médium mais un ami qui le fit obtint des résultats qui placent la vérité des phénomènes au-delà de toute mise en question. Il reçut des réponses de telle sorte que l'explication favorite, c'est-à-dire que le médium voit les feuilles de papier, est écartée. Toute personne ayant participé à une séance avec Mme Pruden saura qu'elle ne se penche jamais et que les feuilles de papier restent aux pieds de chacun des participants. Une autre forme remarquable de médiumnité est la vision dans le cristal où les images sont effectivement visibles au regard du participant. L'auteur n'a rencontré ce phénomène qu'une seule fois où le médium était une dame du Yorkshire. Les images étaient nettes et précises et se succédaient après un intervalle de flou. Elles ne semblaient pas se rapporter à des événements passés ou à venir mais consistaient en petites perspectives, en visages sombres et autres sujets du même genre.
Telles sont quelques-unes des formes variées du pouvoir de l'esprit qui nous sont accordées pour servir d'antidote au matérialisme. Les formes les plus élevées de toutes ne sont pas physiques mais on les trouvera dans les écrits inspirés d'hommes comme Davis, Stainton Moses ou Vale Owen. On ne répétera jamais trop que le simple fait qu'un message nous parvienne d'une manière surnaturelle n'est pas une garantie qu'il est élevé ou vrai. La personne suffisante et pleine d'illusions, le raisonneur frivole et le trompeur volontaire existent tous du côté invisible de la vie et tous pourront transmettre leurs communications sans valeur par l'intermédiaire d'agents peu critiques. Chaque message doit être passé au crible et pesé et beaucoup seront laissés de côté, mais le résidu mérite notre attention la plus respectueuse. Pourtant, même le meilleur ne sera jamais définitif et il est souvent amendé, comme dans le cas de Stainton Moses quand il atteignit l'Autre Monde. Ce grand maître admit alors, à travers Mme Piper, qu'il y avait des points sur lesquels il avait été mal informé. Les médiums cités ont été choisis pour représenter leurs diverses catégories mais il y en a beaucoup d'autres qui mériteraient d'être examinés en détail si la place ne manquait pas. L'auteur a participé à plusieurs séances avec Sloan et avec Phoenix, de Glasgow ; tous deux possèdent des pouvoirs remarquables qui couvrent presque toute la gamme des dons spirituels et tous deux sont, ou étaient, des hommes très détachés du monde ne possédant qu'un saint dédain des choses de cette vie. Mme Falconer d'Edimbourg, est également un médium à transe aux pouvoirs considérables. Parmi la génération précédente, l'auteur a connu Husk et Craddock, tous deux ayant eu leurs heures brillantes et leurs moments faibles. Mme Susanna Harris a également fourni de bonnes preuves quant aux phénomènes physiques, tout comme Mme Wagner de Los Angeles, tandis que chez les amateurs John Ticknor, de New York, et M. Nugent, de Belfast, sont parmi les tout premiers des médiums à transe.
En relation avec John Ticknor, l'auteur citera une expérience qu'il fit et rapporta dans les Proceedings de la Society for Psychical Research américaine, organisme qui a été bloqué dans le passé par des non-conducteurs presque autant que son cousin d'Angleterre. En l'occurrence, l'auteur nota soigneusement le pouls de M. Ticknor à l'état normal, quand il était sous le contrôle du colonel Lee, un des esprits qui le guidait, et quand il se trouvait sous l'influence de Faucon Noir, un contrôleur indien peau-rouge. Les chiffres étaient respectivement de 82, 100 et 118.
Mme Robert Johnson est un autre médium aux résultats inégaux qui, à son mieux, manifeste un pouvoir remarquable avec la Voix Directe. L'élément religieux fait défaut à ses séances et les facétieux jeunes gens du Nord qui y assistent créent une ambiance qui amuse les participants mais qui repoussera ceux qui approchent la question avec des sentiments de solennité. La voix profonde aux accents écossais du contrôleur de Glasgow, David Duguid, lui-même célèbre médium pendant sa vie terrestre, dépasse toute imitation possible par la gorge d'une femme, et ses remarques débordent de dignité et de sagesse. Le Rév. Dr Lamond m'a assuré que Duguid, au cours d'une de ses séances, lui avait remis en mémoire un incident qui s'était produit pendant sa vie – preuve suffisante de la réalité de cette individualité.
Il n'y a pas de phénomène psychique plus curieux et plus spectaculaire que l'apport. C'est tellement ahurissant qu'on a du mal à persuader les sceptiques de sa possibilité et même le spiritualiste peut à peine lui accorder crédit jusqu'à ce que des exemples se présentent à lui. Le premier contact de l'auteur avec la connaissance occulte est dû en grande partie au général Drayson qui, à l'époque – il y a bientôt quarante ans – recevait par un médium amateur une succession ininterrompue d'apports les plus curieux – des lampes indiennes, des amulettes, des fruits frais, entre autres. Un phénomène si stupéfiant et qu'on peut facilement simuler,! C'en était trop pour un débutant et il en fut plutôt retardé qu'encouragé dans ses progrès. Pourtant, depuis lors, l'auteur a fait la connaissance du rédacteur en chef d'un journal connu qui se servit du même médium après la mort du général Drayson ; il continua, dans des conditions identiques, à obtenir des apports semblables. L'auteur a donc été forcé de reconsidérer ses conceptions et de croire qu'il avait sous-estimé à la fois l'honnêteté du médium et l'intelligence du participant.
M. Bailey, de Melbourne, semble être un très remarquable médium à apport et l'auteur ne croit guère à ce soi-disant scandale, à Grenoble. Bailey lui-même affirme avoir été victime d'une conspiration religieuse et, au vu de sa longue série de réussites, cela est plus vraisemblable que l'hypothèse selon laquelle il aurait introduit, de façon mystérieuse, un oiseau vivant dans la salle de séance où il savait qu'il serait dévêtu et examiné. L'explication des chercheurs psychiques selon  laquelle l'oiseau était dissimulé dans ses intestins est l'exemple typique des absurdités que sait produire l'incrédulité. L'auteur a eu une expérience d'apport avec Bailey qu'il est certainement impossible d'écarter par une fausse explication de ce genre. En voici le récit :
« Nous plaçâmes ensuite M. Bailey dans le coin de la pièce, nous baissâmes la lumière des lampes sans les éteindre et nous attendîmes. Presque tout de suite, il se mit à respirer très péniblement, comme quelqu'un en état de transe, et il dit bientôt quelque chose dans une langue étrangère qui m'était inintelligible. Un de nos amis, M. Cochrane, reconnut que c'était de l'hindou et il répondit immédiatement ; quelques phrases furent échangées. La voix dit ensuite en anglais qu'il était un contrôleur hindou qui servait à faire venir les apports pour le médium et qu'il espérait être capable de nous en faire venir un. « Le voici », dit-il un instant plus tard, et la main du médium se tendit avec quelque chose dedans. On ouvrit la lumière en grand et nous découvrîmes qu'il s'agissait d'un nid d'oiseau tout à fait parfait, magnifiquement construit à partir de fibres très fines mêlées de mousse.
Il mesurait environ cinq centimètres de haut et ne portait aucune trace d'aplatissement qui aurait résulté d'une dissimulation. Le diamètre devait mesurer huit centimètres. Au milieu, se trouvait un petit oeuf blanc avec de minuscules taches brunes. Le médium, ou plutôt le contrôleur hindou agissant à travers le médium, plaça l'oeuf dans sa paume et le brisa ; il laissa échapper un peu d'albumen. Il n'y avait pas trace de jaune. « Nous n'avons pas le droit d'interférer avec la vie, dit-il. S'il avait été fécondé nous n'aurions pas pu le prendre. » Il prononça ces paroles avant de le briser, de telle sorte qu'il connaissait J'état de l'oeuf, ce qui semble assurément remarquable.
- D'où venait-il ? demandai-je.
- Des Indes.
- De quel oiseau s'agit-il ?
- On l'appelle Moineau de la jungle.
Le nid resta en ma possession et je passai une matinée avec M. Chubb au muséum local afin de m'assurer s'il s'agissait réellement du nid de cet oiseau. Il paraissait trop petit pour un moineau des Indes et cependant nous ne pouvions trouver aucun nid ni aucun oeuf des espèces australiennes qui lui ressemble. Certains autres nids et oeufs de M. Bailey ont été effectivement identifiés. On ne saurait nier que s'il est concevable qu'on puisse importer ces oiseaux et les acheter ici, c'est réellement une insulte à la raison que de supposer que des nids avec des veufs frais dedans puissent également se trouver sur le marché. Par conséquent, je ne peux que soutenir l'expérience beaucoup plus étendue et les tests élaborés du Dr MacCarthy de Sydney, et affirmer que je crois que M. Charles Bailey est en définitive un vrai médium, avec un don très remarquable pour les apports.
Il n'est que juste de dire qu'en rentrant à Londres, j'emportai avec moi une des tablettes assyriennes de Bailey ; au British Museum, on la déclara fausse. Après enquête, il s'avéra que ces faux sont fabriqués par certains Juifs dans un faubourg de Bagdad – et autant qu'on le sache, uniquement là. La question n'est donc pas plus avancée. Pour l'agent transporteur, il est du moins possible que le faux, baigné dans un magnétisme humain, soit plus susceptible d'être manipulé que les originaux pris dans un tumulus. Bailey a produit au moins une centaine de ces objets et aucun officier des douanes n'a pu dire comment ils avaient pu pénétrer dans le pays. D'un autre côté, Bailey m'a dit nettement que les tablettes étaient entrées par le Bristish Museum, si bien que je crains de ne pouvoir l'absoudre d'une altération de la vérité – et c'est ici que réside la grande difficulté qu'il y a à décider dans son cas. Mais il faut toujours se rappeler que la médiumnité physique n'a aucune relation, dans un sens ou dans l'autre, avec le caractère personnel, pas plus que le don de poésie[6]. »
Les critiques qui citent sans cesse le scandale de Bailey[7] oublient qu'immédiatement avant l'expérience de Grenoble il avait subi une longue série de tests à Milan au cours desquels les enquêteurs avaient pris la décision extrême et injustifiable d'observer le médium en secret alors qu'il se trouvait dans sa chambre. Le comité, qui était composé de neuf médecins et hommes d'affaires, ne put trouver aucun défaut en dix-sept séances, même quand le médium fut mis dans un sac. Ces séances ont duré de février à avril 1904 et ont fait l'objet d'un rapport complet du professeur Marzorati. Considérant ce succès, on a fait trop grand cas de l'accusation ultérieure en France. Si on montrait envers les « scandales » le même scepticisme et le même esprit d'analyse qu'envers les phénomènes, l'opinion publique serait orientée de façon plus juste.
Le phénomène d'apport paraît si incompréhensible à nos cerveaux que l'auteur a demandé, profitant d'une occasion, à un esprit contrôleur s'il ne pouvait pas dire quelque chose qui jetterait un peu de lumière sur la question. La réponse fut : « Il met en jeu certains facteurs qui dépassent votre science humaine et qui ne pourraient vous être expliqués. En même temps, vous pouvez prendre comme analogie grossière le cas de l'eau qui se transforme en vapeur. Cette vapeur, invisible, peut être amenée ailleurs pour être réassemblée en une eau visible. » Il s'agit là, comme il est dit, d'une analogie plutôt que d'une explication mais elle semble néanmoins convenable. Il faut ajouter, ainsi que cela figure dans la citation, que non seulement M. Stanford, de Melbourne, mais encore le Dr MacCarthy, un des grands médecins de Sydney, ont mené une longue série d'expériences avec Bailey et qu'ils sont convaincus de l'authenticité de ses pouvoirs.
Les médiums cités n'épuisent en aucun cas la liste de ceux avec qui l'auteur a eu l'occasion d'expérimenter et il ne peut quitter le sujet sans parler de l'ectoplasme d'Eva, qu'il a tenu dans ses doigts, ni des brillantes luminosités de Frau Silbert, qu'il a vues éclater comme une couronne aveuglante hors de sa tête. Il espère en avoir assez dit pour montrer que la succession des grands
médiums n'est pas éteinte pour quiconque est honnête dans sa quête et aussi pour assurer le lecteur que ces pages sont écrites par quelqu'un qui n'a épargné aucun effort pour acquérir une connaissance pratique de ce qu'il étudie. Quant à l'accusation de crédulité qui est invariablement adressée par le non-réceptif à tous ceux qui se forment une opinion positive sur le sujet, l'auteur affirme solennellement qu'au long de sa longue carrière d'enquêteur, il ne peut se rappeler un seul cas où il a été montré clairement qu'il avait été trompé sur un point important ni qu'il aurait donné une garantie d'honnêteté à une démonstration qui se serait par la suite révélée clairement malhonnête. Un homme crédule ne passe pas vingt années à lire et à expérimenter avant d'en arriver à des conclusions arrêtées.
Aucun rapport sur la médiumnité physique ne serait complet s'il ne faisait mention des remarquables résultats obtenus par « Margery », nom adopté pour ses prestations publiques par Mme Crandon, l'épouse superbe et douée de l'un des premiers chirurgiens de Boston. Cette dame a montré ses pouvoirs psychiques il y a quelques années et l'auteur a joué un rôle important en attirant l'attention de la Commission du Scientific American sur son cas. Ce faisant, il l'exposa très involontairement volontairement à bien des ennuis que son mari et elle-même supportèrent avec une patience extraordinaire. Il est difficile de dire ce qui fut le plus ennuyeux : Houdini, l'illusionniste, avec ses théories absurdes et imbéciles sur une fraude, ou les participants « scientifiques » comme le professeur McDougall, de Harvard, qui après cinquante séances, à la fin desquelles, à chaque fois, il signait pour garantir les merveilles enregistrées, se trouva encore incapable de donner un avis précis et se contenta de vagues insinuations. Les choses n'ont pas été arrangées par l'intervention de M. E. J. Dingwall, de la S.P.R. de Londres, qui proclamait la vérité de la médiumnité dans des lettres privées mais niait ses convictions au cours des réunions publiques. Ces soi-disant « experts » sortirent de l'affaire sans grand crédit mais plus de deux cents participants de bon sens eurent assez de jugeote et d'honnêteté pour témoigner véridiquement sur ce qui s'était passé sous leurs yeux. L'auteur ajoutera qu'il a lui-même participé à une séance de Mme Crandon et qu'il a été convaincu, autant qu'on puisse l'être en une seule séance, de la vérité et de l'étendue de ses pouvoirs.
Dans cet exemple, le contrôleur, qui prétendait se nommer Walter, le frère défunt de la dame, manifeste une individualité très marquée avec un fort sens de l'humour et une grande maîtrise de la langue idiomatique. La production de voix est directe, dans une voix masculine qui semble opérer à quelques centimètres en avant du front du médium. Les pouvoirs se sont développés progressivement, leur gamme s'élargissant continuellement jusqu'à maintenant où ils ont presque atteint les limites de la médiumnité. Les sonnettes électriques qui sonnent sans contact ont été expérimentées à satiété, jusqu'à ce qu'on se dise que personne à part un sourd absolu ou un expert scientifique, ne pouvait plus nourrir le moindre doute à ce sujet. Les mouvements d'objets à distance, les esprits lumineux, les tables qui se soulèvent, les apports et enfin la production d'ectoplasme dans une bonne lumière rouge, tous ces phénomènes se sont succédé tour à tour. Le patient travail du Dr et de Mme Crandon sera sûrement récompensé et leur nom demeurera vivant dans l'histoire de la science psychique ainsi que, dans une catégorie bien différente, celui des calomniateurs.
Parmi toutes les formes de médiumnité, la plus haute et la plus riche, quand on peut s'y fier, est celle qu'on appelle écriture automatique ; car, si la forme est pure, il semble que nous ayons trouvé en elle une méthode directe pour recueillir l'enseignement de l'Au-delà. Malheureusement, il s'agit d'une méthode qui se prête facilement à l'illusion, car il est certain que le subconscient du cerveau de l'homme possède de nombreux pouvoirs que nous ne connaissons encore qu'imparfaitement. Il est impossible de toujours accepter sincèrement n'importe quel écrit automatique à cent pour cent comme étant l'énonciation d'une vérité de l'Au-delà. Le vitrail colorera toujours la lumière qui le traverse et notre organisme humain ne sera jamais clair comme le cristal. La véridicité de tout spécimen particulier de ce genre d'écrit ne doit pas dépendre d'une simple assertion mais de détails probants et d'une dissemblance générale d'avec la mentalité du scripteur et d'une similitude avec l'esprit de celui qui est censé l'inspirer. Quand, par exemple, dans le cas du défunt Oscar Wilde, vous obtenez de longues communications qui sont non seulement caractéristiques de son style mais qui contiennent des allusions constantes à des épisodes mal connus de sa vie et qui, finalement, sont rédigées de sa propre main, on doit admettre que les preuves sont terriblement fortes. On constate actuellement dans tous les pays de langue anglaise un grand débordement de ce genre de messages. Il y en a de bons, de mauvais et d'indifférents mais les bons contiennent beaucoup de matériaux qui portent toutes les marques de l'inspiration. Le chrétien ou le juif pourront bien se demander pourquoi on admet que des parties de l'Ancien Testament ont été écrites de cette façon et que les exemples modernes sont traités avec mépris. « Et il lui advint un message qui venait d'Elie le prophète, qui disait, » etc. (II Chroniques XXI 12) est l'une des nombreuses allusions qui montrent l'usage ancien de cette forme particulière de communion avec les esprits.
De tous les exemples récents, aucun ne se compare en dignité et en plénitude avec les écrits automatiques du Rév. George Vale Owen, dont le grand message The Life Beyond The Veil (la Vie  au-delà du voile) exercera sans doute une influence aussi permanente que celle de Swedenborg. Un point intéressant, souligné par le Dr A. J. Wood, est que même sur les questions les plus subtiles et les plus complexes, il y a une étroite ressemblance entre l'oeuvre de ces deux voyants, et pourtant il est certain que Vale Owen est très peu familier des écrits du grand maître suédois. George Wale Owen est un personnage tellement hors du commun dans l'histoire du spiritualisme moderne, qu'une brève notice à son sujet peut n'être pas déplacée. Né à Birmingham en 1869, il étudie au Midland Instituts et au Queen's College, dans cette même ville. Après des postes de vicaire à Seaforth, à Fairfield et dans les bas quartiers de Scotland Road, à Liverpool, où il acquiert une vaste expérience au milieu des pauvres, il devient curé d'Orford, à côté de Warrington, où son énergie joue un rôle essentiel dans l'érection d'une nouvelle église. Il y restera vingt ans, à oeuvrer dans sa paroisse qui apprécie profondément son ministère. Il rencontre quelques manifestations psychiques et finalement se trouve lui-même poussé à exercer son pouvoir latent d'écriture inspirée ; les messages prétendent provenir d'abord de sa mère puis sont continués par certains esprits élevés, des anges, venus à sa suite. L'ensemble constitue un exposé de la vie après la mort et la substance d'une philosophie et de conseils donnés par les auteurs invisibles qui, aux yeux de l'auteur, portent tous les signes extérieurs d'une origine supérieure. Le récit est digne et altier, exprimé dans un anglais légèrement archaïque qui lui donne une curieuse saveur tout à fait particulière.
Certains extraits de ces messages ont paru dans divers journaux, attirant d'autant plus l'attention qu'ils étaient de la plume d'un curé de l'Église Établie. Le manuscrit a fini par être remarqué par le défunt Lord Northcliffe qui en fut fort impressionné ainsi que par l'abnégation de son auteur qui refusait toute rémunération pour sa publication. Elle se fit chaque semaine dans le journal dominical de Lord Northcliffe, le Weekly Dispatch et jamais on ne vit les plus hauts enseignements du spiritualisme apportés aussi directement aux masses. Incidemment, cela montre que la politique de la presse dans le passé a été non seulement faite d'ignorance et d'injustice mais que, du point de vue inférieur de son propre intérêt, la presse s'est réellement trompée car la diffusion du Dispatch a beaucoup augmenté durant l'année où le manuscrit a été publié. De tels agissements semblent pourtant très choquants aux yeux d'un évêque très conservateur et M. Vale Owen, comme tous les réformateurs religieux, devient un objet de haine et subit la persécution voilée de la part de ses supérieurs ecclésiastiques. Comme cette force le pousse et que l'ensemble de la communauté spiritualiste l'attire, il abandonne bravement son gagne-pain et se lance, lui et sa famille, à la merci de ce que la providence jugera bon de lui commander, sa bonne épouse participant totalement à cette décision qui n'est pas une chose facile pour un couple déjà plus très jeune. Après une brève tournée de conférences en Amérique et une autre en Angleterre, M. Vale Owen préside actuellement aux destinées d'une congrégation spiritualiste à Londres, où son magnétisme attire un public considérable. Dans un excellent portrait, M. David Gow a écrit de Vale Owen :
« La grande et mince silhouette du ministre, son pâle visage ascétique éclairé par de grands yeux brillants de tendresse et d'humour, son allure modeste, ses paroles tranquilles chargées du magnétisme de la sympathie, tout cela révèle pleinement quelle sorte d'homme il est. Cela dévoile une âme d'une rare dévotion, restée saine et douce grâce à un aimable sens de l'humour et une conception pratique du monde. Il parait davantage animé par l'esprit d'un Erasme ou d'un Melanchton que par celui du rude Luther. Peut-être que l'Église n'a pas besoin de Luther aujourd'hui.»
Si l'auteur a incorporé ces quelques informations au titre de son expérience personnelle c'est parce qu'il est honoré de l'amitié intime de M. Vale Owen depuis quelques années et s'est trouvé en mesure d'étudier et de garantir la réalité de ses pouvoirs psychiques.
L'auteur ajoutera volontiers qu'il a réussi à obtenir une Voix Directe indépendante, en séance avec son épouse. La voix était grave et masculine ; elle provenait d'un point situé à environ un mètre au-dessus de nos têtes et ne prononça qu'une brève salutation parfaitement audible. On espère que des développements ultérieurs permettront d'obtenir des résultats intéressants. Pendant des années, l'auteur a obtenu, dans son cercle familier, par les mains et la voix de son épouse, des messages inspirés d'une nature très élevée et souvent très probante. Ils sont cependant trop personnels et intimes pour être examinés dans une étude générale de la question.

[1] The New Revelations, p. 53.

[2] Glimpses of the Next State, p. 195, 322.

[3]On trouvera diverses appréciations et expériences à propos de cette médiumnité dans Our American Adventure, de l’auteur, p. 124‐132 ; dans Glimpses of the Next State, de l’amiral Moore, p. 226, 312 ; et enfin dans le rapport de M. Hewat McKenzie dans Psychic Science, avril 1922

[4]Psychic Science, juillet 1925.

[5] Psychic Science, juillet 1925.

[6]The Wanderings of a Spiritualist (Tribulations d’un spiritualiste), p. 103‐105.

[7] Annals of Psychical Science, vol. IX.

 

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