Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


Chapitre III - La vie future

Négligeant maintenant ce vaste sujet, qui pourrait être si fertile en contestations, des modifications que les révélations nouvelles peuvent imposer au Christianisme, j'essayerai de retracer le sort qui attend l'homme après sa mort. L'évidence sur ce point est complète. De nombreux messages de l'Au-delà ont été reçus dans des pays différents à des époques éloignées, dont les fragments concernant ce monde ont pu être vérifiés ; il n'est que juste de supposer, me semble-t-il, que si ce que nous avons pu vérifier est vrai, alors ce qui échappe à notre contrôle l'est également. Quand, au surplus, nous trouvons une très grande conformité entre les messages et une non moins grande concordance dans les détails, lesquels n'ont pas le moindre rapport avec aucun système philosophique préexistant, alors je considère que la présomption de vérité est très forte. Il serait absurde d'admettre que quinze ou vingt messages de diverses sources que j'ai personnellement recueillis, qui sont tous similaires, seraient cependant tous faux ; de même qu'il serait stupide de supposer que les esprits diraient la vérité en parlant de notre monde et mentiraient en parlant du leur.
Je reçus dernièrement, dans la même semaine, deux descriptions de notre future existence, l'une par l'intermédiaire d'un proche parent d'un haut prélat, tandis que l'autre me vint par la femme d'un simple mécanicien écossais. Ces deux personnes ne se connaissaient nullement, et cependant leurs récits se ressemblent, au point d'être pratiquement identiques. (Voir document II).
Les messages, de façon générale, paraissent infiniment rassurants, soit que nous considérions notre propre destinée, soit celle de nos amis. Tous les trépassés sont d'accord pour déclarer que le passage dans l'autre monde est à la fois facile et sans souffrance, et suivi d'une profonde réaction de paix et de bien-être. L'individu se retrouve dans un corps spirituel, absolument semblable au précédent, sauf que toutes ses maladies, faiblesses ou difformités l'ont quitté. Ce corps attend ou flotte au côté de l'ancien corps, et est à la fois conscient de celui-ci et des personnes environnantes. A ce moment, le mort est plus près de la matière qu'il ne le sera désormais, et de là il s'ensuit que c'est à ce moment que la plupart des manifestations spirites se produisent, quand les pensées du mort, s'étant dirigées vers une personne éloignée, le corps spirituel suit ses pensées et apparaît à la personne en question. Sur une quantité de quelque deux cent cinquante cas, soigneusement consignés par M. Gurney, cent trente-quatre de ces apparitions se produisirent à ce moment même de dissolution, c'est-à-dire quand le nouveau corps spirituel, d'après ce que nous savons, est assez matériel pour être plus visible à l’œil d'un ami qu'il ne le deviendra plus tard.
Ces apparitions, cependant, sont très rares en comparaison du nombre total des morts. Je peux expliquer la plupart de ces abstentions, en disant que le mort est trop occupé par ses étonnantes expériences particulières, pour penser aux vivants. Il constate bientôt, à sa grande surprise, que, quels que soient ses efforts pour communiquer avec les vivants, sa voix et son toucher célestes sont l'un et l'autre incapables de faire aucune impression sur les organes humains, qui ne sont à l'unisson qu'avec des sens plus grossiers. C'est un sujet qui ouvre un vaste champ aux spéculations philosophiques ; une plus complète connaissance des rayons lumineux, qui émanent du spectre, ou de ces sons dont nous pouvons prouver l'existence par les vibrations d'un diaphragme (car ils sont trop ténus pour l'oreille des mortels), ne nous apportera pas de connaissances psychiques plus étendues. Laissant ceci de côté, nous suivrons les destinées de l'esprit qui s'en va. Il sait maintenant qu'il y a dans sa chambre d'autres êtres que les vivants qui y étaient à ses côtés, et parmi ceux-là, qui lui semblent aussi substantiels que ceux-ci, des figures familières lui apparaissent ; il sent les étreintes et les baisers de ceux qu'il a aimés et perdus. Alors, en leur compagnie, avec leur aide, et guidé par ces êtres radieux qui l'attendaient, il s'envole, à sa grande surprise, malgré tous les obstacles matériels, et s'élance vers sa nouvelle vie.

Ceci est un exposé très catégorique et répété avec une telle persistance, que celle-ci engage à la croyance. Cette théorie s'écarte déjà insensiblement de l'ancienne théologie. L'Esprit n'est pas un ange glorieux ou un réprouvé, c'est l'individu lui-même, avec tout ce qu'il comporte de force et de faiblesse, de sagesse et de folie, exactement comme il a conservé son apparence mortelle. Après une épreuve aussi prodigieuse, il ne serait pas étonnant que les plus frivoles et les plus insensés fussent transformés mais une telle impression s'émoussera vite, l'ancien naturel se réaffirmera dans le nouveau milieu, et les esprits frivoles survivront encore, ainsi que certains résultats de nos séances peuvent l'attester. Ensuite, avant d'entrer dans sa nouvelle vie, l'Esprit passe par une période d'inconscience qui varie dans son étendue, parfois si minime qu'elle existe à peine, d'autres fois pouvant être de quelques semaines ou mois. Raymond avoua que la sienne dura six jours ; dans un cas qui me fut personnellement révélé, le fait me fut confirmé ; M. Myers, d'autre part, raconte qu'il resta un certain temps dans un état d'insensibilité. J'imagine que la durée doit être en proportion de la somme de trouble ou de préoccupation mentale de cette vie: un repos prolongé sera le meilleur moyen d'en effacer les traces ; un petit enfant n'en aurait probablement aucun besoin. Ce dernier argument est une pure supposition mais il y a un nombre considérable de témoignages, quant à une période d'oubli succédant à la toute première impression de l'Au-delà et précédant la nouvelle existence.
Lorsque l'esprit s'éveille de son sommeil, il est faible comme l'enfant qui vient de naître. Bientôt cependant, la force revient et la nouvelle vie commence. Ceci nous amène à la considération du ciel et de l'enfer. L'idée de l'enfer, puis-je dire, s'est évanouie en entier, comme elle a depuis longtemps disparu des pensées de tout individu raisonnable. Cette odieuse conception, si blasphématoire pour le Créateur, est née de l'exagération de la phraséologie orientale, et peut avoir été de circonstance à une époque primitive, quand les hommes étaient effrayés par le feu, comme les bêtes sauvages sont effrayées par les voyageurs.
L'enfer, en tant que création permanente, n’existe pas. Cependant le concept de la punition, d'une expiation, du purgatoire en un mot, est confirmé par les récits de l'autre monde. Sans une telle conséquence, il n'y aurait pas de justice dans l'univers, car il serait impossible d'imaginer que le sort d'un Raspoutine serait le même que celui d'un Père Damien. Le châtiment est certain et très sérieux ; sous sa forme la moins sévère, il consiste dans la relégation des âmes plus viles dans des sphères inférieures ; ces âmes n'ignorent point que ce sont leurs mauvaises actions qui en sont cause, mais elles ont l'espoir que l'expiation et l'aide de ceux qui sont au-dessus d'elles les instruiront et les mettront au même niveau que les autres. Les esprits les plus élevés se dévouent à cette œuvre de salut. Miss Julia Ames, dans son magnifique ouvrage posthume, prononce ces mémorables paroles : « La plus grande joie du ciel est de faire le vide dans l'enfer. »
Abandonnons ces sphères d'épreuve, qui devraient plutôt être considérées comme un hôpital pour les âmes faibles, que comme une communauté pénitentiaire, et revenons aux récits de l'autre monde. Ils sont tous unanimes à décrire, sous un jour très séduisant, les conditions de vie de l'Au-delà, disant que les esprits se groupent selon leurs sympathies, que ceux qui s'aiment (ou ont des intérêts communs) se réunissent, que leur vie est très attrayante et remplie d'occupations, et qu'aucun d'eux ne voudrait revenir sur cette terre. Voici sûrement des nouvelles de grande joie, et je répète que ce n'est pas une vague question de foi ou d'espérance, car ces nouvelles sont confirmées par toutes les lois de l'évidence. En effet, si plusieurs témoins, sans rapport les uns avec les autres, font un récit similaire des mêmes faits, ce récit doit être tenu pour véridique. Si le récit en question nous parlait d'âmes glorieuses, dépouillées en un instant de toutes les faiblesses humaines, d'âmes dans une extase constante d'adoration autour du trône du Tout-Puissant, on pourrait le suspecter de n'être qu'un reflet de cette théologie populaire, que tous les médiums ont connue dans leur jeunesse. Or, les relations qui nous viennent de l'Au-delà diffèrent de toutes les doctrines préexistantes ; elles sont en outre renforcées, comme je l'ai déjà fait remarquer, par la persistance de leur teneur, et aussi par le fait qu'elles sont le produit ultime d'une longue série de phénomènes qui, tous, ont été reconnus exacts par ceux qui les ont méticuleusement examinés.
On peut objecter que la foi nous avait déjà donné l'assurance de l'immortalité de l'âme. Cependant, la foi si belle chez un individu a toujours été, lorsqu'elle est pratiquée collectivement, un argument à double tranchant ; cet argument serait sans réplique s'il n'y avait qu'une foi, et si les intuitions du genre humain étaient constantes. Avoir la foi, c'est proclamer sa croyance absolue en une chose impossible à démontrer. Un individu déclare : « Ma foi est ceci » ; un autre : « Ma foi est cela. » Ni l'un ni l'autre n'ont de preuves de ce qu'ils affirment et cependant ils en discutent toujours, soit mentalement, soit pratiquement. Si l'un est plus fort que l'autre, il est disposé à persécuter son adversaire jusqu'à ce qu'il le convertisse à la vraie foi. Parce que Philippe II ne concevait pas de foi autre que la sienne, il immola logiquement cent mille Maures dans l'espoir que leurs compatriotes confesseraient la Vérité Suprême. De nos jours, comme il a été reconnu que ce n'était pas une façon de proclamer ce que l'on ne pouvait prouver, nous en fûmes réduits à observer les faits, à en raisonner et à arriver ainsi à une entente mutuelle. C'est pourquoi le mouvement psychique a une valeur indiscutable ; ses fondements reposent sur quelque chose de plus solide que des textes, ou des traditions, ou es intuitions. C'est la religion, à un double point de vue, de deux mondes, sous sa formé la plus nouvelle, au lieu de ne résumer que les vieilles croyances d'un seul.
Nous ne savons pas assez de choses de la vie future, pour la décrire de façon aussi précise que, par exemple, un parterre à la française, si parfaitement rectiligne qu'on peut en embrasser la surface d'un seul coup d'œil. Il est probable que les messagers qui nous visitent sont tous, plus ou moins, en état de progression et représentent la même vague de vie que la marée qui s'éloigne de nos plages. Les communications proviennent habituellement d'esprits morts depuis peu, et tendant à s'affaiblir, comme cela se conçoit. Il est instructif, à ce propos, de rappeler que, d'après la tradition, les apparitions du Christ à ses disciples ou à Paul se produisirent peu d'années après sa mort et que les premiers chrétiens ne prétendent nullement l'avoir vu plus tard.
Les cas, donnant toutes preuves d'authenticité, où des esprits morts depuis longtemps se mirent en contact avec nous, ne sont pas nombreux. Il y en a un très intéressant dans la vie de M. Dawson Roger ; c'est celui d'un esprit qui prétendit se nommer Manton, être né à Lawrence Lydiard, puis avoir été enterré à Stoke Newington en 1677. Il fut clairement démontré depuis, qu'un homme de ce nom vécut et fut chapelain d'Olivier Cromwell. Autant que mes lectures me permettent de le constater, c'est le plus ancien esprit dont on ait signalé le retour ; ainsi que je l'ai déjà dit, ceux qui reviennent sont généralement morts depuis moins longtemps. Il résulte de là que ce que nous avons obtenu ne date que d'une génération, ou à peu près, et n'a pas une valeur d'ensemble, mais seulement partielle.
Les Esprits voient les choses sous un jour différent, suivant leur progression dans l'autre monde ; cela ressort des confidences de Miss Julia Ames. Accueillie au seuil de l'autre monde par de nouveaux arrivants comme elle, elle fut d'abord frappée par la nécessité d'instituer un bureau de communications, mais quinze ans plus tard, elle reconnut qu'en général pas un esprit sur un million ne désirait correspondre avec les vivants, depuis que leurs amis les avaient rejoints.
Sans doute, tous ces récits ne sont que fragmentaires ; cependant tels qu'ils sont, ils sont très substantiels et extraordinairement intéressants, puisque référant à notre destinée. Tous les esprits sont d'accord pour déclarer que la vie, dans l'autre monde, est de courte durée, et qu'ils traverseront successivement plusieurs phases d'évolution, entre lesquelles il y a apparemment plus de lien qu'entre nous et l'Au delà. Les esprits inférieurs ne peuvent s'élever, mais le contraire est possible. La vie future présente d'étroits rapprochements avec celle de ce monde ; elle est cependant bien davantage une vie spirituelle que corporelle, d'où sont bannies les préoccupations matérielles de nourriture, argent, sensualité, souffrances, etc. tandis que les arts, la musique, tout ce qui est du domaine intellectuel et scientifique y est cultivé. Les êtres sont habillés, comme on peut le supposer, car il n'y a aucune raison de renoncer à la décence sous de nouvelles apparences ; celles-ci sont d'ailleurs la reproduction des formes humaines perfectionnées, les jeunes gens arrivant à maturité et les vieillards recouvrant la jeunesse. La vie est organisée par communautés, d'après les attractions mutuelles des uns et des autres, l'esprit masculin trouvant sa véritable compagne quoiqu'il n'y ait pas de sexualité au sens vulgaire du mot et, par conséquent, pas d'enfantement. Les relations demeurant toujours les mêmes, ceux qui sont arrivés à un certain degré de développement s'y maintiennent ; on peut donc supposer que les nations sont toujours aussi rigoureusement divisées, ce qui n'est pas la conséquence de la diversité des langages, la pensée étant le seul moyen d'être en contact.
L'étroitesse des rapports entre des âmes qui sympathisèrent est démontrée par la façon dont Myers, Gurney et Roden Noel, tous amis et collaborateurs sur cette terre, communiquèrent avec Mrs. Rolland, à qui ils étaient parfaitement étrangers et, cependant, chaque message était bien caractéristique pour ceux qui connurent ces esprits de leur vivant. Cette étroitesse de relation est également affirmée par le cas des professeurs Verrall et Butcher, deux savants grecs, qui édifièrent ensemble ce qu'ils appellent le problème grec ; M. Gerald Balfour, analysant leur travail dans The Ear of Dionysius, conclut, avec toute l'autorité dont il jouit, qu'un tel résultat ne pouvait être obtenu que par eux, Verrall et Butcher, et personne autre. On doit remarquer, en passant, que ces divers exemples montrent clairement, ou que les esprits ont à leur disposition de nombreuses archives, ou que leurs facultés sont développées au point de les rendre omniscients. Aucun humain ne serait capable de faire autant de citations exactes, que les esprits dont les communications sont reproduites dans The Ear of Dionysius.
Voici, grossièrement esquissée, la vie de l'Au-delà dans ses plus simples manifestations, car tout n'y est pas simple et nous avons de faibles lueurs quant à des cercles inférieurs infinis, descendant dans les ténèbres, et à des cercles supérieurs infinis montant dans la gloire, tous progressifs, essentiels et intensément vivaces. Selon nos renseignements, aucune religion terrestre n'a de prépondérance sur une autre, tandis que les qualités individuelles et la perfectibilité y jouissent de grands avantages. Il y a aussi concordance dans les louanges décernées, aux religions inculquant la prière, l'élévation des cœurs et le mépris des choses terrestres. A ce point de vue, et non à un autre, comme secours spirituels, il est certain que toute forme de religion est d'une utilité indéniable. Si faire tourner un cylindre de cuivre oblige le Tibétain à admettre qu'il y a quelque chose au-dessus de ses montagnes et de plus précieux que ses buffles, cela n'est pas moins excellent. Nous ne devons pas être très sévères dans nos jugements sur de tels sujets.
Il y a une autre question digne d'être examinée ici, car elle est très surpre­nante et par là même s'impose à notre attention. C'est la constante affirmation de l'Au-delà que les nouveaux venus ne savent pas qu'ils sont morts et qu'un cer­tain temps parfois assez long s'écoulera avant qu'ils s'en rendent compte. Tous conviennent que cet état de perplexité est nuisible et retarde leur progression ; une certaine connaissance de cette vérité primordiale, dès ce bas monde, serait la seule façon d'obvier aux effets de cette période d'angoisse dans l'autre. Il n'est pas étonnant que les esprits regardent leurs nouvelles sensations comme un rêve étrange, en constatant combien ce qui les environne diffère des enseignements religieux ou scientifiques qui leur furent prodigués ; plus leurs opinions furent rigidement orthodoxes, plus il leur est difficile de s'adapter à leur nouveau milieu, avec tout ce qu'il implique.
Pour cette raison, et quelques autres encore, cette Nouvelle Révélation est une chose très nécessaire à l'humanité. Un point de moindre importance pratique est de persuader aux gens âgés qu'il est encore temps de perfectionner leurs facultés intellectuelles, car s'ils n'ont pas le temps d'user leurs fraîches connaissances en ce monde, celles-ci demeureront partie intégrante de leur bagage mental dans l'autre.
Quant aux plus infimes détails de la vie future, il est préférable sans doute de les négliger, pour la très bonne raison que ce sont d'infimes détails ; nous les connaîtrons par nous-mêmes bientôt, et ce ne serait que par vaine curiosité que nous interrogerions à leur sujet. Une chose est claire : il y a dans l'Au-delà des esprits plus élevés, pour lesquels la chimie synthétique celle qui, non seulement produit la substance, mais aussi la façonne pour en faire des objets est d'une pratique très courante. Nous les avons vus agir par l'intermédiaire des plus vulgaires médiums, de façon perceptible pour nos sens humains, clans certaines de nos séances. S'ils peuvent exécuter des simulacres dans notre atmosphère terrestre, au cours de nos séances, à plus forte raison pouvons-nous admettre que cette même opération leur sera aussi facile dans cet éther qui est leur propre milieu. On peut dire, de façon générale, qu'il leur est possible de reproduire quelque chose d'analogue à tout ce qui existe sur terre. Comment ils y arrivent peut bien être une matière de divination ou de spéculation pour les esprits moins avancés, comme le sont pour nous les phénomènes de la science moderne. Si l'un de nous était soudain sommé par un habitant d'un monde surhumain de lui expliquer exactement ce que c'est que le centre de gravité, ou encore le magnétisme, comme il serait embarrassé ! Mettons-nous donc alors dans la position d'un jeune ingénieur, tel que Raymond Lodge, qui tenta de reconstituer théoriquement ce qui se passe dans l'autre monde ; sa théorie peut très bien être contredite par quelque autre esprit, essayant lui aussi de deviner les phénomènes de l'Au-delà. Il peut avoir raison comme il peut avoir tort mais il s'efforce de son mieux de dire ce qu'il pense, comme nous ferions en semblable circonstance. Il croit donc que les chimistes en question peuvent tout produire, même des choses matérielles comme l'alcool et le tabac que pourraient réclamer des esprits non régénérés. Ceci a si fort diverti les critiques, que l'on croirait, en lisant leurs commentaires, que ce livre de quatre cents pages d'impression serrée ne contient que cette unique déclaration. Raymond a pu se tromper ou non ; la seule chose que ceci me démontre, c'est le courage intrépide et l'honnêteté du chroniqueur, qui savait quelle arme il allait fournir à ses ennemis.
Beaucoup de gens protestent que le nouveau monde, tel qu'il nous est décrit, est beaucoup trop matériel pour eux ; ce n'est pas ainsi qu'ils le désirent. Soit ! Il y a beaucoup de choses en ce monde qui ne s'accordent pas avec nos désirs et rien existent pas moins. Quand nous venons à examiner cette accusation de matérialisme et que nous essayons de construire quelque système qui satisferait les idéalistes, la tâche devient bien difficile. Devons-nous être de simples formes éthérées, flottant dans les airs ? Cela semblerait le principe. Toutefois, si les esprits dépouillaient dans la vie future leur corps mortel, leur individualité terrestre, alors ce serait donc que nous nous éteindrions ? Quelle serait l'impression d'une mère à qui apparaîtrait un être si impersonnel et si glorieux ? Elle dirait : « Cela n'est pas le fils que j'ai perdu, je veux ses cheveux d'or, son vivant sourire et ses attitudes qui me sont si familières. » C'est cela qu'elle veut, ce qu'elle retrouvera, je crois ; mais point par un système nous retranchant tout ce qui nous restait de matière et nous enlevant dans une vague région vaporeuse.
Par contre, une autre école de critiques objecte que, dans la vie future ainsi décrite, les sensations sont trop âpres, les émotions trop fortes, l'ambiance trop consistante, surtout si l'on considère que les unes et les autres sont faites d'éléments diaphanes par excellence. Rappelons-nous que tout est une question de comparaison.
Supposons un monde mille fois plus dense, plus lourd, plus terne que le nôtre, nous pouvons admettre qu'il semblerait à ses habitants comme celui-ci nous paraît à nous-mêmes, puisque sa force et sa contexture seraient en proportion. Si, cependant, ces individus étaient en contact avec nous, ils nous regarderaient comme des êtres extraordinairement aériens, vivant dans une atmosphère étrangement lumineuse et spirituelle Ils ne se rendraient pas compte que nous aussi, étant parfaitement adaptés à ce qui nous environne, nous sentons et agissons selon les mêmes lois qu'eux.

Si nous revenons maintenant à l'Au-delà qui nous domine autant que nous dominerions le monde imaginaire dont je viens de parler, il nous semble aussi que ces esprits comme nous les appelons, vivent comme des fantômes dans une atmosphère de vapeur. Nous oublions que là, tout est de même proportionné et en harmonie, de sorte que la région, où se meuvent et où habitent les esprits, qui nous semble du domaine du rêve, est aussi réelle pour eux que notre planète l'est pour nous, et que le corps astral est aussi tangible pour un autre Esprit que nos corps terrestres le sont pour nos amis.

 


 

 

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