Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec

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CHAPITRE IV
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ESPRITS SOUFFRANTS.

LE CHATIMENT.

Exposé général de l'état des coupables à leur entrée dans le monde des Esprits dicté à la Société Spirite de Paris, en octobre 1860.

Les Esprits méchants, égoïstes et durs, sont, aussitôt après la mort, livrés à un doute cruel sur leur destinée présente et future ; ils regardent autour d'eux, ils ne voient d'abord aucun sujet sur lequel puisse s'exercer leur méchante personnalité, et le désespoir s'empare d'eux, car l'isolement et l'inaction sont intolérables aux mauvais Esprits ; ils ne lèvent pas leurs regards vers les lieux habités par les purs Esprits ; ils considèrent ce qui les entoure, et bientôt frappés de l'abattement des Esprits faibles et punis, ils s'attachent à eux comme à une proie, s'armant du souvenir de leurs fautes passées, qu'ils mettent sans cesse en action par leurs gestes dérisoires. Cette moquerie ne leur suffisant pas, ils plongent sur la terre comme des vautours affamés ; ils cherchent parmi les hommes, l'âme qui ouvrira un plus facile accès à leurs tentations ; ils s'en emparent, exaltent sa convoitise, tâchent d'éteindre sa foi en Dieu, et lorsque enfin, maîtres d'une conscience, ils voient leur proie assurée, ils étendent sur tout ce qui approche leur victime, la fatale contagion.

Le mauvais Esprit qui exerce sa rage est presque heureux ; il ne souffre que dans les moments où il n'agit pas, et dans ceux aussi où le bien triomphe du mal.

Cependant, les siècles s'écoulent ; le mauvais Esprit sent tout à coup les ténèbres l'envahir ; son cercle d'action se resserre ; sa conscience, muette jusqu'alors, lui fait sentir les pointes acérées du repentir. Inactif, emporté par le tourbillon, il erre, sentant, comme dit l'Ecriture, le poil de sa chair se dresser de frayeur ; bientôt un grand vide se fait en lui ; le moment est venu, il doit expier : la réincarnation est là, menaçante ; il voit, comme dans un mirage, les épreuves terribles qui l'attendent ; il voudrait reculer, il avance, et précipité dans le gouffre béant de la vie, il roule effaré jusqu'à ce que le voile de l'ignorance retombe sur ses yeux. Il vit, il agit, il est encore coupable ; il sent en lui je ne sais quel souvenir inquiet, quels pressentiments qui le font trembler, mais ne le font pas reculer dans la voie du mal. A bout de forces et de crimes, il va mourir. Etendu sur un grabat, ou sur son lit, qu'importe ! l'homme coupable sent, sous son apparente immobilité, se remuer et vivre un monde de sensations oubliées. Sous ses paupières fermées, il voit pointer une lueur, il entend des sons étranges ; son âme qui va quitter son corps s'agite impatiente, tandis que ses mains crispées essayent de s'accrocher aux draps ; il voudrait parler, il voudrait crier à ceux qui l'entourent : Retenez-moi ! je vois le châtiment ! Il ne peut ; la mort se fixe sur ses lèvres blêmies, et les assistants disent : Le voilà en paix !

Cependant, il entend tout ; il flotte autour de son corps qu'il ne voudrait pas abandonner ; une force secrète l'attire ; il voit, il reconnaît ce qu'il a déjà vu. Eperdu, il s'élance dans l'espace où il voudrait se cacher. Plus de retraite ! plus de repos ! d'autres Esprits lui rendent le mal qu'il a fait, et châtié, raillé, confus à son tour, il erre, et il errera jusqu'à ce que la divine lueur glisse dans son endurcissement et l'éclaire, pour lui montrer le Dieu vengeur, le Dieu triomphant de tout mal, qu'il ne pourra apaiser qu'à force de gémissements et d'expiations.

GEORGES.

Jamais tableau plus éloquent, plus terrible et plus vrai n'a été tracé du sort du méchant ; est-il donc nécessaire d'avoir recours à la fantasmagorie des flammes et des tortures physiques ?

NOVEL.

(L'Esprit s'adresse au médium, qui l'avait connu de son vivant.)

Je vais te raconter ce que j'ai souffert quand je suis mort. Mon Esprit, retenu à mon corps par des liens matériels, a eu grand-peine à s'en dégager, ce qui a été une première et rude angoisse. La vie que j'avais quittée à vingt-quatre ans était encore si forte en moi que je ne croyais pas à sa perte. Je cherchais mon corps, et j'étais étonné et effrayé de me voir perdu au milieu de cette foule d'ombres. Enfin la conscience de mon état, et la révélation des fautes que j'avais commises dans toutes mes incarnations, me frappèrent tout à coup ; une lumière implacable éclaira les plus secrets replis de mon âme, qui se sentit nue, puis saisie d'une honte accablante. Je cherchais à y échapper en m'intéressant aux objets nouveaux, et pourtant connus, qui m'entouraient ; les Esprits radieux, flottant dans l'éther, me donnaient l'idée d'un bonheur auquel je ne pouvais aspirer ; des formes sombres et désolées, les unes plongées dans un morne désespoir, les autres ironiques ou furieuses, glissaient autour de moi et sur la terre à laquelle je restais attaché. Je voyais s'agiter les humains dont j'enviais l'ignorance ; tout un ordre de sensations inconnues, ou retrouvées, m'envahirent à la fois. Entraîné comme par une force irrésistible, cherchant à fuir cette douleur acharnée, je franchissais les distances, les éléments, les obstacles matériels, sans que les beautés de la nature, ni les splendeurs célestes pussent calmer un instant le déchirement de ma conscience, ni l'effroi que me causait la révélation de l'éternité. Un mortel peut pressentir les tortures matérielles par les frissons de la chair, mais vos fragiles douleurs, adoucies par l'espérance, tempérées par les distractions, tuées par l'oubli, ne pourront jamais vous faire comprendre les angoisses d'une âme qui souffre sans trêve, sans espoir, sans repentir. J'ai passé un temps dont je ne peux apprécier la durée, enviant les élus dont j'entrevoyais la splendeur, détestant les mauvais Esprits qui me poursuivaient de leurs railleries, méprisant les humains dont je voyais les turpitudes, passant d'un profond accablement à une révolte insensée.

Enfin, tu m'as appelé, et pour la première fois un sentiment doux et tendre m'a apaisé ; j'ai écouté les enseignements que te donnent tes guides ; la vérité m'a pénétré, j'ai prié : Dieu m'a entendu ; il s'est révélé à moi par sa clémence, comme il s'était révélé par sa justice.

NOVEL.

AUGUSTE MICHEL.

(Le Havre, mars 1863.)

C'était un jeune homme riche, viveur, jouissant largement et exclusivement de la vie matérielle. Quoique intelligent, l'insouciance des choses sérieuses était le fond de son caractère. Sans méchanceté, plutôt bon que mauvais, il était aimé de ses compagnons de plaisir, et recherché dans la haute société pour ses qualités d'homme du monde ; sans avoir fait de mal, il n'avait point fait de bien. Il est mort d'une chute de voiture dans une promenade. Evoqué quelques jours après sa mort par un médium qui le connaissait indirectement, il donna successivement les communications suivantes :

8 mars 1863. - Je suis à peine dégagé de mon corps ; aussi je puis difficilement vous parler. La terrible chute qui fit mourir mon corps met mon Esprit dans un grand trouble. Je suis inquiet de ce que je vais être, et cette incertitude est cruelle. L'affreuse souffrance que mon corps a éprouvée n'est rien en comparaison du trouble où je suis. Priez pour que Dieu me pardonne. Oh ! quelle douleur ! oh ! grâce, mon Dieu ! quelle douleur ! Adieu.

18 mars. - Je vous suis déjà venu, mais je n'ai pu vous parler que très difficilement. Encore en ce moment je puis avec peine me communiquer à vous. Vous êtes le seul médium à qui je puisse demander des prières pour que la bonté de Dieu me sorte du trouble où je suis. Pourquoi souffrir encore quand mon corps ne souffre plus ? Pourquoi cette douleur affreuse, cette terrible angoisse existe-t-elle toujours ? Priez, oh ! priez pour que Dieu m'accorde le repos... Oh ! quelle cruelle incertitude ! Je suis encore attaché à mon corps. Je ne peux que difficilement voir où je puis être ; mon corps est là, et pourquoi y suis-je toujours ? Venez prier sur lui pour que je sois dégagé de cette étreinte cruelle. Dieu voudra bien, je l'espère, me pardonner. Je vois les Esprits qui sont près de vous, et par eux, je puis vous parler. Priez pour moi.

6 avril. - C'est moi qui viens vers vous vous demander de prier pour moi. Il fallait venir sur le lieu où gît mon corps, prier le Tout-Puissant de calmer mes souffrances. Je souffre ! oh ! je souffre ! allez en ce lieu ; il le faut, et adressez au Seigneur une prière pour qu'il me donne le pardon. Je vois que je pourrai être plus tranquille, mais je reviens sans cesse vers l'endroit où l'on a déposé ce qui a été moi.

Le médium ne se rendant pas compte de l'insistance de l'Esprit qui le sollicitait d'aller prier sur sa tombe, avait négligé de le faire. Il y fut néanmoins plus tard, et y reçut la communication ci-après :

11 mai. - Je vous attendais. J'espérais le moment où vous viendriez au lieu où mon Esprit semble rivé à son enveloppe, implorer le Dieu de miséricorde pour que sa bonté calme mes souffrances. Vous pouvez me faire du bien par vos prières ; ne vous ralentissez pas, je vous en supplie. Je vois combien ma vie a été opposée à ce qu'elle devait être ; je vois les fautes que j'ai commises. J'ai été un être inutile dans le monde ; je n'ai fait aucun bon emploi de mes facultés ; ma fortune n'a servi qu'à satisfaire mes passions, mes goûts de luxe et ma vanité ; je n'ai songé qu'aux jouissances du corps et non à mon âme. La miséricorde de Dieu descendra-t-elle sur moi, pauvre Esprit qui souffre encore de mes fautes terrestres ? Priez pour qu'il me pardonne, et que je sois délivré des douleurs que je ressens encore. Je vous remercie d'être venu prier sur moi.

8 Juin. - Je puis vous parler, et je remercie Dieu de le permettre. J'ai vu mes fautes, et j'espère que Dieu me pardonnera. Suivez toujours votre vie selon la croyance qui vous anime, car elle vous réserve pour plus tard un repos que je n'ai pas encore. Merci de vos prières. Au revoir.

L'insistance de l'Esprit pour qu'on allât prier sur sa tombe est une particularité remarquable, mais qui a sa raison d'être si l'on considère combien étaient tenaces les liens qui le retenaient à son corps, et combien la séparation était longue et difficile, par suite de la matérialité de son existence. On comprend qu'en se rapprochant du corps, la prière pouvait exercer une sorte d'action magnétique plus puissante pour aider au dégagement. L'usage presque général de prier auprès des corps des décédés, ne viendrait-il pas de l'intuition inconsciente que l'on a de cet effet ? L'efficacité de la prière, dans ce cas, aurait un résultat à la fois moral et matériel.

REGRETS D'UN VIVEUR.

(Bordeaux, 19 avril 1862.)

30 juillet. - Je suis à présent moins malheureux, car je ne sens plus la chaîne qui m'attachait à mon corps ; je suis libre enfin, mais je n'ai point satisfait à l'expiation ; il faut que je répare le temps perdu, si je ne veux voir prolonger mes souffrances. Dieu, je l'espère, verra mon repentir sincère et voudra bien m'accorder son pardon. Priez encore pour moi, je vous en supplie.

Hommes, mes frères, j'ai vécu pour moi seul ; aujourd'hui je l'expie et je souffre ! Que Dieu vous fasse la grâce d'éviter les épines auxquelles je me déchire. Marchez dans la voie large du Seigneur et priez pour moi, car j'ai abusé des biens que Dieu prête à ses créatures !

Celui qui sacrifie aux instincts brutaux l'intelligence et les bons sentiments que Dieu a mis en lui, s'assimile à l'animal qu'il maltraite souvent. L'homme doit user avec sobriété des biens dont il est dépositaire ; il doit s'habituer à ne vivre qu'en vue de l'éternité qui l'attend, et par conséquent se détacher des jouissances matérielles. Sa nourriture ne doit avoir d'autre but que sa vitalité ; son luxe doit se subordonner aux besoins stricts de sa position ; ses goûts, ses penchants naturels même doivent être régis par la plus forte raison, sans quoi il se matérialise au lieu de s'épurer. Les passions humaines sont un lien étroit qui s'enfonce dans les chairs : ne le resserrez donc pas. Vivez, mais ne soyez pas viveurs. Vous ne savez pas ce qu'il en coûte quand on retourne dans la patrie ! Les passions terrestres vous dépouillent avant de vous quitter, et vous arrivez au Seigneur nus, entièrement nus. Ah ! couvrez-vous de bonnes oeuvres ; elles vous aideront à franchir l'espace qui vous sépare de l'éternité. Manteau brillant, elles cacheront vos turpitudes humaines. Enveloppez-vous de charité et d'amour, vêtements divins que rien n'enlève.

Instruction du guide du médium. - Cet Esprit est dans une bonne voie puisque au repentir il ajoute des conseils pour se mettre en garde contre les dangers de la route qu'il a suivie. Reconnaître ses torts est déjà un mérite, et un pas de fait vers le bien ; c'est pourquoi sa situation, sans être heureuse, n'est plus celle d'un Esprit souffrant. Il se repent ; il lui reste la réparation qu'il accomplira dans une autre existence d'épreuve. Mais avant d'en arriver là, savez-vous quelle est la situation de ces hommes à la vie toute sensuelle qui n'ont donné à leur esprit d'autre activité que celle d'inventer sans cesse de nouvelles jouissances ? L'influence de la matière les suit au-delà de la tombe, et la mort ne met pas un terme à leurs appétits que leur vue, aussi bornée que sur la terre, cherche en vain les moyens de satisfaire. N'ayant jamais cherché la nourriture spirituelle, leur âme erre dans le vide, sans but, sans espoir, en proie à l'anxiété de l'homme qui n'a devant lui que la perspective d'un désert sans bornes. La nullité de leurs occupations intellectuelles pendant la vie du corps, amène naturellement la nullité du travail de l'Esprit après la mort ; ne pouvant plus satisfaire le corps, il ne leur reste rien pour satisfaire l'Esprit ; de là un mortel ennui dont ils ne prévoient pas le terme, et auquel ils préféreraient le néant ; mais le néant n'existe pas ; ils ont pu tuer le corps, mais ils ne peuvent tuer l'Esprit ; il faut donc qu'ils vivent dans ces tortures morales jusqu'à ce que, vaincus par la lassitude, ils se décident à jeter un regard vers Dieu.

LISBETH.

(Bordeaux, 13 février 1862.)

Un Esprit souffrant s'inscrit sous le nom de Lisbeth.

1. Voulez-vous me donner quelques détails sur votre position et la cause de vos souffrances ? - R. Sois humble de coeur, soumise à la volonté de Dieu, patiente dans les épreuves, charitable pour le pauvre, encourageante pour le faible, chaude de coeur pour toutes les souffrances, et tu ne subiras pas les tortures que j'endure.

2. Si les fautes opposées aux qualités que vous signalez vous ont entraînée, vous paraissez les regretter. Votre repentir doit vous soulager ? - R. Non ; le repentir est stérile quand il n'est que la conséquence de la souffrance. Le repentir productif est celui qui a pour base le regret d'avoir offensé Dieu, et l'ardent désir de réparer. Je n'en suis pas encore là, malheureusement. Recommandez-moi aux prières de tous ceux qui se consacrent aux souffrances ; j'en ai besoin.

Ceci est une grande vérité ; la souffrance arrache parfois un cri de repentir, mais qui n'est pas l'expression sincère du regret d'avoir fait mal, car si l'Esprit ne souffrait plus, il serait prêt à recommencer. Voilà pourquoi le repentir n'amène pas toujours la délivrance immédiate de l'Esprit ; il y dispose, voilà tout ; mais il lui faut prouver la sincérité et la solidité de ses résolutions par de nouvelles épreuves qui sont la réparation du mal qu'il a fait. Si l'on médite avec soin tous les exemples que nous citons, on trouvera dans les paroles, même des Esprits les plus inférieurs, de graves sujets d'instruction, parce qu'elles nous initient aux détails les plus intimes de la vie spirituelle. Tandis que l'homme superficiel ne verra dans ces exemples que des récits plus ou moins pittoresques, l'homme sérieux et réfléchi y trouvera une source abondante d'études.

3. Je ferai ce que vous désirez. Voulez-vous me donner quelques détails sur votre dernière existence ? Il peut en résulter un enseignement utile pour nous, et vous rendrez ainsi votre repentir productif.

(L'Esprit met une grande indécision à répondre à cette question et à quelques-unes des suivantes.)

R. Je suis née dans une condition élevée. J'avais tout ce que les hommes regardent comme la source du bonheur. Riche, j'ai été égoïste ; belle, j'ai été coquette, indifférente et trompeuse ; noble, j'ai été ambitieuse. J'ai écrasé de mon pouvoir ceux qui ne se prosternaient pas assez bas devant moi, et j'écrasais encore ceux qui se trouvaient sous mes pieds, sans penser que la colère du Seigneur écrase aussi, tôt ou tard, les fronts les plus élevés.

4. A quelle époque viviez-vous ? - R. Il y a cent cinquante ans, en Prusse.

5. Depuis ce temps, n'avez-vous fait aucun progrès comme Esprit ? - R. Non ; la matière se révoltait toujours. Tu ne peux comprendre l'influence qu'elle exerce encore malgré la séparation du corps et de l'Esprit. L'orgueil, vois-tu, vous enlace dans des chaînes d'airain dont les anneaux se resserrent de plus en plus autour du misérable qui lui abandonne son coeur. L'orgueil ! cette hydre aux cent têtes toujours renaissantes, qui sait moduler ses sifflements empoisonnés de telle sorte qu'on les prend pour une musique céleste ! L'orgueil ! ce démon multiple qui se plie à toutes les aberrations de votre Esprit, qui se cache dans les replis de votre coeur, pénètre dans vos veines, vous enveloppe, vous absorbe et vous entraîne à sa suite dans les ténèbres de la géhenne éternelle !... oui, éternelle !

L'Esprit dit qu'il n'a fait aucun progrès, sans doute parce que sa situation est toujours pénible ; mais la manière dont il décrit l'orgueil et en déplore les suites est incontestablement un progrès ; car assurément, de son vivant, ni peu après sa mort, il n'aurait pu raisonner ainsi. Il comprend le mal, et c'est déjà quelque chose ; le courage et la volonté de l'éviter lui viendront ensuite.

6. Dieu est trop bon pour condamner ses créatures à des peines éternelles ; espérez en sa miséricorde. - R. Il peut y avoir un terme ; on le dit, mais où ? Je le cherche depuis longtemps et ne vois que souffrance toujours ! toujours ! toujours !

7. Comment êtes-vous venue ici aujourd'hui ? - R. Un Esprit qui me suit souvent m'y a conduite. - Depuis quand voyez-vous cet Esprit ? - R. Il n'y a pas longtemps. - Et depuis quand vous rendez-vous compte des fautes que vous avez commises ? - R. (Après une longue réflexion.) Oui, tu as raison ; c'est alors que je l'ai vu.

8. Ne comprenez-vous pas maintenant le rapport qu'il y a entre votre repentir et l'aide visible que vous prête votre Esprit protecteur ? Voyez comme origine de cet appui, l'amour de Dieu, et comme but son pardon et sa miséricorde infinie. - R. Oh ! que je le voudrais ! - Je crois pouvoir vous le promettre au nom sacré de celui qui n'a jamais été sourd à la voix de ses enfants en détresse. Appelez-le du fond de votre repentir, il vous entendra. - R. Je ne peux pas ; j'ai peur.

9. Prions ensemble, il nous entendra. (Après la prière). Etes-vous encore là ? - R. Oui, merci ! Ne m'oublie pas.

10. Venez ici vous inscrire tous les jours. - R. Oui, oui, je reviendrai toujours.

Le guide du médium. - N'oublie jamais les enseignements que tu puises dans les souffrances de tes protégés, et surtout dans les causes de ces souffrances ; qu'elles vous servent à tous d'enseignement pour vous préserver des mêmes dangers et des mêmes châtiments. Purifiez vos coeurs, soyez humbles, aimez-vous, aidez-vous, et que votre coeur reconnaissant n'oublie jamais la source de toutes grâces, source intarissable où chacun de vous peut puiser avec abondance ; source d'eau vive qui désaltère et nourrit à la fois ; source de vie et de bonheur éternels. Allez-y, mes bien-aimés ; puisez-y avec foi ; jetez-y vos filets, et ils sortiront de ces ondes, chargés de bénédictions ; faites-en part à vos frères en les avertissant des dangers qu'ils peuvent rencontrer. Répandez les bénédictions du Seigneur ; elles renaissent sans cesse ; plus vous les verserez autour de vous, plus elles se multiplieront. Vous les tenez en vos mains, car en disant à vos frères : là sont les dangers, là sont les écueils ; suivez-nous pour les éviter ; imitez-nous, nous qui donnons l'exemple, vous répandez les bénédictions du Seigneur sur ceux qui vous écoutent.

Bénis soient vos efforts, mes bien-aimés. Le Seigneur aime les coeurs purs ; méritez son amour.

SAINT PAULIN.

Prince OURAN.

(Bordeaux, 1862.)

Un Esprit souffrant se présente sous le nom de Ouran, ci-devant prince russe.

D. Voulez-vous donner quelques détails sur votre situation ? - R. Oh ! bienheureux les humbles de coeur, le royaume des cieux leur appartient ! Priez pour moi. Bienheureux sont ceux qui, humbles de coeur, choisissent pour passer leurs épreuves une position modeste ! Vous ne savez pas, vous tous que l'envie dévore, à quel état est réduit un de ceux que vous appelez les heureux de la terre ; vous ne savez pas les charbons ardents qu'ils amassent sur leur tête ; vous ne savez pas les sacrifices que la richesse impose quand on veut en profiter pour le salut éternel ! Que le Seigneur me permette, à moi l'orgueilleux despote, de venir expier, parmi ceux que j'ai écrasés de ma tyrannie, les crimes que l'orgueil m'a fait commettre ! Orgueil ! redites ce mot sans cesse pour ne jamais oublier qu'il est la source de toutes les souffrances qui nous accablent. Oui, j'ai abusé du pouvoir et de la faveur dont je jouissais ; j'ai été dur, cruel, pour mes inférieurs qui devaient se plier à tous mes caprices, satisfaire toutes mes dépravations. J'avais voulu pour moi la noblesse, les honneurs, la fortune, et j'ai succombé sous le poids que j'avais pris au-dessus de mes forces.

Les Esprits qui succombent sont généralement portés à dire qu'ils avaient une charge au-dessus de leurs forces ; c'est un moyen de s'excuser à leurs propres yeux, et encore un reste d'orgueil : ils ne veulent pas avoir failli par leur faute. Dieu ne donne à personne au-delà de ce qu'on peut porter, il ne demande à personne plus qu'on ne peut lui donner ; il n'exige pas que l'arbre naissant porte les fruits de celui qui a toute sa croissance. Dieu donne aux Esprits la liberté ; ce qui leur manque, c'est la volonté, et la volonté dépend d'eux seuls ; avec la volonté, il n'est pas de penchants vicieux que l'on ne puisse vaincre ; mais, lorsqu'on se complaît dans un penchant, il est naturel qu'on ne fasse pas d'efforts pour le surmonter. Il ne faut donc s'en prendre qu'à soi des conséquences qui en résultent.

D. Vous avez la conscience de vos fautes ; c'est un premier pas vers l'amélioration. - R. Cette conscience est encore une souffrance. Pour beaucoup d'Esprits, la souffrance est un effet presque matériel, parce que, tenant encore à l'humanité de leur dernière existence, ils ne perçoivent pas les sensations morales. Mon Esprit s'est dégagé de la matière, et le sentiment moral a augmenté de tout ce que les sensations crues physiques avaient d'horrible.

D. Entrevoyez-vous un terme à vos souffrances ? - R. Je sais qu'elles ne seront pas éternelles ; le terme, je ne l'entrevois pas encore, il me faut auparavant recommencer l'épreuve.

D. Espérez-vous recommencer bientôt ? - R. Je ne sais pas encore.

D. Avez-vous le souvenir de vos antécédents ? Je vous le demande dans un but d'instruction. - R. Oui, tes guides sont là qui savent ce qu'il te faut. J'ai vécu sous Marc-Aurèle. Là, puissant encore, j'ai déjà succombé à l'orgueil, cause de toutes les chutes. Après avoir erré des siècles, j'ai voulu essayer d'une vie obscure. Pauvre étudiant, j'ai mendié mon pain, mais l'orgueil était là toujours ; l'Esprit avait acquis en science, mais non en vertu. Savant et ambitieux, j'ai vendu mon âme aux plus offrants, servant toutes les vengeances, toutes les haines. Je me sentais coupable, mais la soif des honneurs, des richesses, étouffait les cris de ma conscience. L'expiation a encore été longue et cruelle. Enfin j'ai voulu, dans ma dernière incarnation, recommencer une vie de luxe et de pouvoir ; pensant dominer les écueils, je n'ai pas écouté les avis : orgueil qui m'a conduit encore à me fier à mon propre jugement, plutôt qu'à celui des amis protecteurs qui ne cessent de veiller sur nous ; tu sais le résultat de cette dernière tentative.

Aujourd'hui, j'ai compris enfin, et j'espère en la miséricorde du Seigneur. Je mets à ses pieds mon orgueil terrassé et lui demande de charger mes épaules de son plus lourd fardeau d'humilité ; aidé de sa grâce, le poids m'en semblera léger. Priez avec moi et pour moi ; priez aussi pour que ce démon de feu ne dévore pas en vous les instincts qui vous élèvent vers Dieu. Frères en souffrance, que mon exemple vous serve, et n'oubliez jamais que l'orgueil est l'ennemi du bonheur, car de lui découlent tous les maux qui assaillent l'humanité et la poursuivent jusque dans les régions célestes.

Le guide du médium. - Tu as conçu des doutes sur cet Esprit, parce que son langage ne t'a pas paru d'accord avec son état de souffrance qui accuse son infériorité. Sois sans crainte : tu as reçu une instruction sérieuse ; tout souffrant que soit cet Esprit, il est assez élevé en intelligence pour parler comme il l'a fait. Il ne lui manquait que l'humilité sans laquelle aucun Esprit ne peut parvenir à Dieu. Cette humilité, il l'a conquise maintenant, et nous espérons qu'avec de la persévérance, il sortira triomphant d'une nouvelle épreuve.

Notre Père céleste est plein de justice en sa sagesse ; il tient compte des efforts que fait l'homme pour dompter ses mauvais instincts. Chaque victoire remportée sur vous-mêmes est un degré franchi de cette échelle dont un bout s'appuie sur votre terre, et dont l'autre s'arrête aux pieds du Juge suprême. Montez-les donc hardiment ; ils sont doux à franchir à ceux qui ont la volonté forte. Regardez toujours en haut pour vous encourager ! car malheur à celui qui s'arrête et retourne la tête ! Il est alors atteint d'éblouissements ; le vide qui l'entoure l'épouvante ; il se trouve sans force et dit : A quoi bon vouloir avancer encore ? j'ai si peu fait de chemin ! Non, mes amis, ne tournez pas la tête. L'orgueil est incorporé dans l'homme ; eh bien ! employez cet orgueil à vous donner de la force et du courage pour achever votre ascension. Employez-le à dominer vos faiblesses, et montez au sommet de la montagne éternelle.

PASCAL LAVIC.

(Le Havre, 9 août 1863.)

Cet Esprit se communique spontanément au médium, sans que celui-ci l'ait connu de son vivant, même de nom.

«Je crois en la bonté de Dieu qui voudra bien prendre en miséricorde mon pauvre Esprit. J'ai souffert, beaucoup souffert, et mon corps a péri en mer. Mon Esprit était toujours attaché à mon corps, et longtemps il a été errant sur les flots. Dieu...

(La communication est interrompue ; le lendemain, l'Esprit continue) :

«... a bien voulu permettre que les prières de ceux que j'ai laissés sur la terre me tirent de l'état de trouble et d'incertitude où mon Esprit était plongé. Ils m'ont longtemps attendu, et ils ont pu retrouver mon corps ; il repose à présent, et mon Esprit dégagé avec peine voit les fautes commises ; l'épreuve consommée, Dieu juge avec justice et sa bonté s'étend sur les repentants.

«Si longtemps, mon Esprit a erré avec mon corps, c'est que j'avais à expier. Suivez la droite route si vous voulez que Dieu retire promptement votre Esprit de son enveloppe. Vivez en l'amour de lui ; priez, et la mort, si affreuse pour certains, sera adoucie pour vous puisque vous savez la vie qui vous attend. J'ai succombé en mer, et longtemps ils m'ont attendu. Ne pouvoir me détacher de mon corps était pour moi une terrible épreuve ; c'est pourquoi j'ai besoin de vos prières, de vous qui êtes entrés dans la croyance qui sauve, de vous qui pouvez prier Dieu juste pour moi. Je me repens et j'espère qu'il voudra bien me pardonner. C'est le 6 août que mon corps a été retrouvé ; j'étais un pauvre marin, et j'ai péri il y a longtemps. Priez pour moi !»

PASCAL LAVIC.

D. Où avez-vous été retrouvé ? - R. Près de vous.

Le Journal du Havre du 11 août 1863 contenait l'article suivant, dont le médium ne pouvait avoir connaissance :

«Nous avons annoncé qu'on avait trouvé, le 6 de ce mois, un tronçon de cadavre échoué entre Bléville et La Hève. La tête, les bras et le buste étaient enlevés ; néanmoins son identité a pu être constatée par la chaussure encore attenante aux pieds. On a ainsi reconnu que c'était le corps du pêcheur Lavic qui a péri le 11 décembre à bord du bateau l'Alerte, enlevé devant Trouville par un coup de mer. Lavic était âgé de quarante-neuf ans, né à Calais. C'est la veuve du défunt qui a constaté l'identité.»

Le 12 août, comme on s'entretenait de cet événement dans le cercle où cet Esprit s'était manifesté pour la première fois, il se communiqua de nouveau spontanément :

«Je suis bien Pascal Lavic, et j'ai besoin de vos prières. Vous pouvez me faire du bien, car l'épreuve que j'ai subie a été terrible. La séparation de mon Esprit d'avec mon corps ne s'est faite que lorsque j'ai reconnu mes fautes ; et puis il ne s'en détachait pas entièrement : il le suivait sur la mer qui l'avait englouti. Priez donc Dieu de me pardonner ; priez-le qu'il me pardonne ; priez-le qu'il me donne le repos. Priez, je vous en supplie. Que cette terrible fin d'une existence terrestre malheureuse soit pour vous un enseignement bien grand ! Vous devez songer à la vie future et ne point manquer de demander à Dieu sa miséricorde. Priez pour moi ; j'ai besoin que Dieu me prenne en pitié.»

PASCAL LAVIC.

FERDINAND BERTIN.

Un médium, habitant Le Havre, évoquait l'Esprit d'une personne qui lui était connue. Cet Esprit répond : «Je veux me communiquer, mais je ne puis vaincre l'obstacle qu'il y a entre nous ; je suis obligé de laisser ces malheureux qui souffrent s'approcher de vous.» Il reçoit alors la communication suivante :

«Je suis dans un affreux abîme ! Aidez-moi... O mon Dieu ! qui me sortira de ce gouffre ?... Qui tendra une main secourable au malheureux que la mer engloutit ?... La nuit est si noire que j'ai peur... Partout le mugissement des vagues, et nulle parole amie pour me consoler et m'aider à ce moment suprême ; car cette nuit profonde, c'est la mort dans toute son horreur, et je ne veux pas mourir !... O mon Dieu ! ce n'est pas la mort à venir, c'est la mort passée !... Je suis à jamais séparé de ceux que j'aime... Je vois mon corps, et ce que j'éprouvais à l'instant n'est que le souvenir de l'affreuse angoisse de la séparation... Ayez pitié de moi, vous qui connaissez mes souffrances ; priez pour moi, car je ne veux pas ressentir, ainsi que je l'ai fait depuis cette nuit fatale, tous les déchirements de l'agonie ! C'est là pourtant ma punition ; je la pressens... Priez, je vous en conjure !... Oh !... la mer... le froid... je vais être englouti !... Au secours !... Ayez donc pitié ; ne me repoussez pas !... Nous nous sauverons bien à deux sur ce débris !... Oh ! je suffoque !... Les vagues vont m'engloutir, et les miens n'auront pas même la triste consolation de me revoir... Mais non ; je vois que mon corps n'est plus ballotté par les vagues... Les prières de ma mère seront entendues... Ma pauvre mère ! si elle pouvait se figurer son fils aussi misérable qu'il est en réalité, elle prierait mieux ; mais elle croit que la cause de ma mort a sanctifié le passé ; elle me pleure martyr, et non malheureux et châtié !... Oh ! vous qui savez, serez-vous sans pitié ? Non, vous prierez.

FRANÇOIS BERTIN.

Ce nom, tout à fait inconnu du médium, ne lui rappelait aucun souvenir ; il se dit que c'était sans doute l'Esprit de quelque malheureux naufragé qui venait se manifester spontanément à lui, ainsi que cela lui était déjà arrivé plusieurs fois. Il sut un peu plus tard que c'était en effet le nom d'une des victimes d'un grand désastre maritime qui avait eu lieu dans ces parages, le 2 décembre 1863. La communication avait été donnée le 8 du même mois, six jours après la catastrophe. L'individu avait péri en faisant des tentatives inouïes pour sauver l'équipage et au moment où il croyait son salut assuré.

Cet individu ne tenait au médium par aucun lien de parenté ni même de connaissance ; pourquoi donc s'est-il manifesté à lui plutôt qu'à quelque membre de sa famille ? C'est que les Esprits ne trouvent pas dans tout le monde les conditions fluidiques nécessaires à cet effet ; dans le trouble où il était, il n'avait d'ailleurs pas la liberté du choix ; il a été conduit instinctivement et attractivement vers ce médium, doué, à ce qu'il paraît, d'une aptitude spéciale pour les communications spontanées de ce genre ; il pressentait sans doute aussi qu'il y trouverait une sympathie particulière comme d'autres en avaient trouvé en pareilles circonstances. Sa famille, étrangère au Spiritisme, antipathique peut-être à cette croyance, n'eût pas accueilli sa révélation comme pouvait le faire ce médium.

Quoique la mort remontât à quelques jours, l'Esprit en subissait encore toutes les angoisses. Il est évident qu'il ne se rendait nullement compte de sa situation ; il se croyait encore vivant, luttant contre les flots, et cependant il parle de son corps comme s'il en était séparé ; il appelle au secours ; il dit qu'il ne veut pas mourir, et un instant après il parle de la cause de sa mort qu'il reconnaît être un châtiment ; tout cela dénote la confusion des idées qui suit presque toujours les morts violentes.

Deux mois plus tard, le 2 février 1864, il se communiqua de nouveau spontanément au même médium, et lui dicta ce qui suit :

«La pitié que vous avez eue pour mes souffrances si horribles m'a soulagé. Je comprends l'espérance ; j'entrevois le pardon, mais après le châtiment de la faute commise. Je souffre toujours, et si Dieu permet que, pendant quelques moments, j'entrevoie la fin de mon malheur, ce n'est qu'aux prières des âmes charitables, touchées de ma situation, que je dois cet adoucissement. O espérance, rayon du ciel, que tu es bénie quand je te sens naître en mon âme !... Mais, hélas ! l'abîme s'ouvre ; la terreur et la souffrance font s'effacer ce souvenir de la miséricorde... La nuit ; toujours la nuit !... l'eau, le bruit des vagues qui ont englouti mon corps, ne sont qu'une faible image de l'horreur qui environne mon pauvre Esprit... Je suis plus calme lorsque je puis être auprès de vous ; car de même qu'un terrible secret déposé dans le sein d'un ami soulage celui qui en était oppressé, de même votre pitié, motivée par la confidence de ma misère, calme mon mal et repose mon Esprit... Vos prières me font du bien ; ne me les refusez pas. Je ne veux pas retomber dans cet horrible rêve qui se fait réalité lorsque je le vois... Prenez le crayon plus souvent ; cela me fait tant de bien de me communiquer par vous !»

A quelques jours de là, ce même Esprit ayant été convoqué dans une réunion spirite, de Paris, il lui fut adressé les questions suivantes, auxquelles il répondit par une seule et même communication, et par un autre médium.

Qui vous a porté à vous manifester spontanément au premier médium auquel vous vous êtes communiqué ? - Combien y avait-il de temps que vous étiez mort quand vous vous êtes manifesté ? - Lorsque vous vous êtes communiqué, vous sembliez incertain si vous étiez encore mort ou vivant, et vous éprouviez toutes les angoisses d'une mort terrible ; vous rendez-vous maintenant mieux compte de votre situation ? - Vous avez dit positivement que votre mort était une expiation ; veuillez nous en dire la cause : ce sera une instruction pour nous et un soulagement pour vous. Par cet aveu sincère vous vous attirerez la miséricorde de Dieu que nous solliciterons par nos prières.

Réponse. - Il semble impossible au premier abord qu'une créature puisse souffrir aussi cruellement. Dieu ! qu'il est pénible de se voir constamment au milieu des vagues en furie, et de sentir sans cesse cette amertume, ce froid glacial qui monte, qui étreint l'estomac !

Mais à quoi bon toujours vous entretenir de tels spectacles ? Ne dois-je pas commencer par obéir aux lois de la reconnaissance en vous remerciant vous tous qui prenez à mes tourments un tel intérêt ! vous demandez si je me suis communiqué longtemps après ma mort ? Je ne puis facilement répondre. Pensez, et jugez dans quelle horrible situation je suis encore ! Cependant j'ai été amené près du médium, je crois, par une volonté étrangère à la mienne ; et, chose impossible à me rendre compte, je me servais de son bras avec la même facilité que je me sers du vôtre en ce moment, persuadé qu'il m'appartient. J'éprouve même à l'heure qu'il est une jouissance bien grande, ainsi qu'un allégement particulier, qui, hélas ! va bientôt cesser. Mais, ô mon Dieu ! j'aurai un aveu à faire ; en aurais-je la force ?

Après beaucoup d'encouragements, l'Esprit ajoute : J'ai été bien coupable ! ce qui me fait surtout de la peine, c'est que l'on croit que je suis un martyr ; il n'en est rien... Dans une précédente existence, j'ai fait mettre dans un sac plusieurs victimes et jeter à la mer... Priez pour moi !

Instruction de saint Louis sur cette communication :

Cet aveu sera pour cet Esprit une cause de grand soulagement. Oui, il a été bien coupable ! Mais l'existence qu'il vient de quitter a été honorable ; il était aimé et estimé de ses chefs ; c'est le fruit de son repentir et des bonnes résolutions qu'il avait prises avant de revenir sur la terre où il a voulu être humain autant qu'il avait été cruel. Le dévouement dont il a fait preuve était une réparation, mais il lui fallait racheter des fautes passées par une dernière expiation, celle de la mort cruelle qu'il a endurée ; il a voulu lui-même se purifier en subissant les tortures qu'il avait fait souffrir aux autres ; et remarquez qu'une idée le poursuit : le regret de voir qu'on le regarde comme un martyr. Croyez qu'il lui sera tenu compte de ce sentiment d'humilité. Désormais il a quitté la voie de l'expiation pour entrer dans celle de la réhabilitation ; par vos prières vous pouvez l'y soutenir, et l'y faire marcher d'un pas plus ferme et plus assuré.

FRANÇOIS RIQUIER.

François Riquier, homme très commun, était un vieil avare et vieux garçon, mort à C... en 1857, laissant une fortune assez considérable à des collatéraux. Il avait été jadis le propriétaire d'une dame qui l'avait totalement oublié depuis, et ignorait même s'il était encore de ce monde. En 1862, la fille de cette dame, qui est sujette à des crises de catalepsie suivies d'un sommeil magnétique spontané, et qui est en outre très bon médium écrivain, vit, dans ce sommeil, M. Riquier, qui, dit-elle, voulait s'adresser à sa mère. A quelques jours de là, puisqu'il s'était manifesté spontanément et avait témoigné le désir de parler à cette dame, on eut avec lui l'entretien suivant :

D. Que voulez-vous de nous ? - R. Mon argent qu'ils m'ont tout pris, les misérables, pour se le partager ! Ils ont vendu mes fermes, mes maisons, tout, pour se le partager. Ils ont dilapidé mon bien, comme s'il n'était pas à moi. Fais-moi rendre justice, car, moi, ils ne m'écoutent pas, et je ne veux pas voir de telles infamies. Ils disent que j'étais usurier, et ils gardent mon argent ! Pourquoi ne veulent-ils pas me le rendre, puisqu'ils trouvent qu'il est mal acquis ?

D. Mais vous êtes mort, mon bonhomme ; vous n'avez plus besoin d'argent. Demandez à Dieu d'avoir une nouvelle existence pauvre pour expier l'avarice de celle-ci. - R. Non, je ne pourrais pas vivre pauvre. Il faut mon argent pour me faire vivre. D'ailleurs je n'ai pas besoin de faire une autre vie, puisque je vis à présent.

D. (La question suivante est faite dans le but de le ramener à la réalité.) Souffrez-vous ? - R. Oh ! oui, je souffre des tortures pires que la maladie la plus cruelle, car c'est mon âme qui endure ces tortures. J'ai toujours présente à la pensée l'iniquité de ma vie, qui a été un sujet de scandale pour beaucoup. Je sais bien que je suis un misérable indigne de pitié ; mais je souffre tant qu'il faut m'aider à sortir de ce misérable état.

D. Nous prierons pour vous. - R. Merci ! Priez pour que j'oublie mes richesses terrestres, sans cela je ne pourrai jamais me repentir. Adieu et merci.

FRANÇOIS RIQUIER.

Rue de la Charité, n° 14.

Il est assez curieux de voir cet Esprit donner son adresse, comme s'il eût été encore vivant. La dame, qui l'ignorait, s'empressa d'aller la vérifier, et fut très surprise de voir que la maison indiquée était bien la dernière qu'il avait habitée. Ainsi, après cinq ans, il ne se croyait pas mort et se trouvait encore dans l'anxiété, terrible pour un avare, de voir son bien divisé entre ses héritiers. L'évocation, provoquée sans doute par quelque bon Esprit, a eu pour effet de lui faire comprendre sa position, et de le disposer au repentir.

CLAIRE.

(Société de Paris, 1861.)

L'Esprit qui a dicté les communications suivantes est celui d'une femme que le médium avait connue de son vivant, et dont la conduite et le caractère ne justifient que trop les tourments qu'elle endure. Elle était surtout dominée par un sentiment outré d'égoïsme et de personnalité qui se reflète dans la troisième communication, par sa prétention à vouloir que le médium ne s'occupe que d'elle. Ces communications ont été obtenues à diverses époques ; les trois dernières dénotent un progrès sensible dans les dispositions de l'Esprit, grâce aux soins du médium qui avait entrepris son éducation morale.

I. Me voici, moi, la malheureuse Claire ; que veux-tu que je t'apprenne ? La résignation et l'espoir ne sont que des mots pour celui qui sait qu'innombrables comme les cailloux de la grève, ses souffrances dureront pendant la succession des siècles interminables. Je peux les adoucir, dis-tu ? Quelle vague parole ! Où trouver le courage, l'espérance pour cela ? Tâche donc, cerveau borné, de comprendre ce qu'est un jour qui ne finit jamais. Est-ce un jour, une année, un siècle ? qu'en sais-je ? les heures ne le divisent point ; les saisons ne le varient pas ; éternel et lent comme l'eau qui suinte du rocher, ce jour exécré, ce jour maudit, pèse sur moi comme une châsse de plomb... Je souffre !... Je ne vois rien autour de moi que des ombres silencieuses et indifférentes... Je souffre !

Je le sais pourtant, au-dessus de cette misère règne Dieu, le père, le maître, celui vers lequel tout s'achemine. Je veux y penser ; je veux l'implorer.

Je me débats et je me traîne comme un estropié qui rampe le long du chemin. Je ne sais quel pouvoir m'attire vers toi ; peut-être es-tu le salut ? Je te quitte un peu calmée, un peu réchauffée ; comme un vieillard grelottant que ranime un rayon de soleil, mon âme glacée puise une nouvelle vie en t'approchant.

II. Mon malheur grandit chaque jour ; il grandit à mesure que la connaissance de l'éternité se développe en moi. O misère ! combien je vous maudis, heures coupables, heures d'égoïsme et d'oubli où méconnaissant toute charité, tout dévouement, je ne songeais qu'à mon bien-être ! Soyez maudits, arrangements humains ! vaines préoccupations des intérêts matériels ! Soyez maudits, vous qui m'avez aveuglée et perdue ! Je suis rongée par l'incessant regret du temps écoulé. Que te dirai-je, à toi qui m'écoute ? Veille sans cesse sur toi ; aime les autres plus que toi-même ; ne t'attarde pas dans les chemins du bien-être ; n'engraisse pas ton corps aux dépens de ton âme ; veille, comme disait le Sauveur à ses disciples. Ne me remercie pas de ces conseils, mon Esprit les conçoit, mon coeur ne les a jamais écoutés. Comme un chien fouaillé, la peur me fait ramper, mais je ne connais pas encore le libre amour. Sa divine aurore tarde bien à se lever ! Prie pour mon âme desséchée et si misérable.

III. Je viens te chercher jusqu'ici, puisque tu m'oublies. Tu crois donc que des prières isolées, mon nom prononcé, suffiront à l'apaisement de ma peine ? Non, cent fois non. Je rugis de douleur ; j'erre sans repos, sans asile, sans espoir, sentant l'éternel aiguillon du châtiment s'enfoncer dans mon âme révoltée. Je ris quand j'entends vos plaintes, quand je vous vois abattus. Que sont vos pâles misères ! que sont vos larmes ! que sont vos tourments que le sommeil suspend ! Est-ce que je dors, moi ? Je veux, entends-tu ? je veux que, laissant tes dissertations philosophiques, tu t'occupes de moi ; que tu en fasses occuper les autres. Je ne trouve pas d'expressions pour peindre l'angoisse de ce temps qui s'écoule, sans que les heures en marquent les périodes. A peine si je vois un faible rayon d'espérance, et cette espérance c'est toi qui me l'as donnée ; ne m'abandonne donc pas.

IV. L'Esprit de saint Louis. - Ce tableau n'est que trop vrai, car il n'est nullement chargé. On demandera peut-être ce qu'a fait cette femme pour être si misérable. A-t-elle commis quelque crime ? a-t-elle volé, assassiné ? Non ; elle n'a rien fait qui ait mérité la justice des hommes. Elle s'amusait, au contraire, de ce que vous appelez le bonheur terrestre ; beauté, fortune, plaisirs, adulations, tout lui souriait, rien ne lui manquait, et l'on disait en la voyant : Quelle femme heureuse ! et l'on enviait son sort. Ce qu'elle a fait ? elle a été égoïste ; elle avait tout, excepté un bon coeur. Si elle n'a pas violé la loi des hommes, elle a violé la loi de Dieu, car elle a méconnu la charité, la première des vertus. Elle n'a aimé qu'elle-même, maintenant elle n'est aimée de personne ; elle n'a rien donné, on ne lui donne rien ; elle est isolée, délaissée, abandonnée, perdue dans l'espace où personne ne pense à elle, personne ne s'occupe d'elle : c'est ce qui fait son supplice. Comme elle n'a recherché que les jouissances mondaines, et qu'aujourd'hui ces jouissances n'existent plus, le vide s'est fait autour d'elle ; elle ne voit que le néant, et le néant lui semble l'éternité. Elle ne souffre pas des tortures physiques : les diables ne viennent pas la tourmenter, mais cela n'est pas nécessaire : elle se tourmente elle-même, et elle souffre bien davantage, car ces diables seraient encore des êtres qui penseraient à elle. L'égoïsme a fait sa joie sur la terre : il la poursuit ; c'est maintenant le ver qui lui ronge le coeur, son véritable démon.

SAINT LOUIS.

V. Je vous parlerai de la différence importante qui existe entre la morale divine et la morale humaine. La première assiste la femme adultère dans son abandon, et dit aux pécheurs : «Repentez-vous, et le royaume des cieux vous sera ouvert.» La morale divine enfin, accepte tous les repentirs et toutes les fautes avouées, tandis que la morale humaine repousse celles-ci et admet, en souriant, les péchés cachés qui, dit-elle, sont à moitié pardonnés. A l'une la grâce du pardon, à l'autre l'hypocrisie. Choisissez, Esprits avides de vérité ! Choisissez entre les cieux ouverts au repentir, et la tolérance qui admet le mal qui ne dérange pas son égoïsme et ses faux arrangements, mais qui repousse la passion et les sanglots de fautes confessées au grand jour. Repentez-vous, vous tous qui péchez ; renoncez au mal, mais surtout renoncez à l'hypocrisie qui voile la laideur, du masque riant et trompeur des convenances mutuelles.

VI. Je suis maintenant calme et résignée à l'expiation des fautes que j'ai commises. Le mal est en moi et non hors de moi ; c'est donc moi qui dois changer et non pas les choses extérieures. Nous portons en nous notre ciel et notre enfer, et nos fautes, gravées dans la conscience, se lisent couramment au jour de la résurrection, et nous sommes alors nos propres juges, puisque l'état de notre âme nous élève ou nous précipite. Je m'explique : un Esprit souillé et alourdi par ses fautes ne peut concevoir ni désirer une élévation qu'il ne saurait supporter. Croyez-le bien : ainsi que les différentes espèces d'êtres vivent chacune dans la sphère qui lui est propre, ainsi les Esprits, selon le degré de leur avancement, se meuvent dans le milieu qui est celui de leurs facultés ; ils n'en conçoivent d'autre que lorsque le progrès, outil de la lente transformation des âmes, les enlève à leurs penchants rampants, et leur fait dépouiller la chrysalide du péché, afin qu'ils puissent voleter, avant de s'élancer, rapides comme des flèches, vers Dieu devenu le but unique et désiré. Hélas ! je me traîne encore, mais je ne hais plus, et je conçois l'ineffable bonheur de l'amour divin. Prie donc toujours pour moi, qui espère et attends.

Dans la communication suivante, Claire parle de son mari, dont elle avait eu beaucoup à souffrir de son vivant, et de la position où il se trouve aujourd'hui dans le monde des Esprits. Ce tableau qu'elle n'a pu achever elle-même, est complété par le guide spirituel du médium.

VII. Je viens à toi qui me laisses depuis si longtemps dans l'oubli ; mais j'ai acquis la patience, et je ne suis plus désespérée. Tu veux savoir quelle est la situation du pauvre Félix ; il erre dans les ténèbres, en proie au profond dénuement de l'âme. Son être superficiel et léger, souillé par le plaisir, a toujours ignoré l'amour et l'amitié. La passion ne l'a même pas éclairé de ses lueurs sombres. Je compare son état présent à celui d'un enfant inhabile aux actes de la vie, et privé du secours de ceux qui l'assistent. Félix erre avec effroi dans ce monde étranger où tout resplendit de l'éclat de Dieu qu'il a nié...

VIII. Le guide du médium. - Claire ne peut continuer l'analyse des souffrances de son mari sans les ressentir aussi ; je vais parler pour elle.

Félix qui était superficiel dans les idées comme dans les sentiments, violent parce qu'il était faible, débauché parce qu'il était froid, est rentré dans le monde des Esprits nu au moral comme il l'était au physique. En entrant dans la vie terrestre, il n'a rien acquis, et, par suite, il a tout à recommencer. Comme un homme qui s'éveille d'un long songe, et qui reconnaît combien vaine était l'agitation de ses nerfs, ce pauvre être, en sortant du trouble, reconnaîtra qu'il a vécu de chimères qui ont trompé sa vie ; il maudira le matérialisme qui lui a fait embrasser le vide, lorsqu'il croyait étreindre une réalité ; il maudira le positivisme qui lui faisait appeler les idées d'une vie future, rêveries ; les aspirations, folies et la croyance en Dieu, faiblesse. Le malheureux, en s'éveillant, verra que ces noms raillés par lui étaient la formule du vrai, et qu'au rebours de la fable, la chasse de la proie a été moins profitable que celle de l'ombre.

GEORGES.

Etudes sur les communications de Claire.

Ces communications sont surtout instructives en ce qu'elles nous montrent un des côtés les plus vulgaires de la vie : celui de l'égoïsme. Là ne sont point ces grands crimes qui épouvantent, même les hommes pervers, mais la condition d'une foule de gens qui vivent dans le monde, honorés et recherchés, parce qu'ils ont un certain vernis, et qu'ils ne tombent pas sous la vindicte des lois sociales. Ce ne sont point non plus, dans le monde des Esprits, des châtiments exceptionnels, dont le tableau fait frissonner, mais une situation simple, naturelle, conséquence de leur manière de vivre et de l'état de leur âme ; l'isolement, le délaissement, l'abandon, voilà la punition de celui qui n'a vécu que pour lui. Claire était, comme on l'a vu, un Esprit très intelligent, mais un coeur sec ; sur la terre, sa position sociale, sa fortune, ses avantages physiques lui attiraient des hommages qui flattaient sa vanité, et cela lui suffisait ; là elle ne rencontre que l'indifférence, et le vide se fait autour d'elle : punition plus poignante que la douleur, parce qu'elle est mortifiante, car la douleur inspire de la pitié, de la compassion : c'est encore un moyen d'attirer les regards, de faire occuper de soi, d'intéresser à son sort.

La sixième communication renferme une idée parfaitement vraie, en ce qu'elle explique l'obstination de certains Esprits dans le mal. On s'étonne d'en voir qui sont insensibles à la pensée, au spectacle même du bonheur dont jouissent les bons Esprits. Ils sont exactement dans la position des hommes dégradés qui se plaisent dans la fange et dans les joies grossières et sensuelles. Là ces hommes sont en quelque sorte dans leur milieu ; ils ne conçoivent pas les jouissances délicates ; ils préfèrent leurs haillons souillés aux vêtements propres et brillants, parce qu'ils y sont plus à leur aise ; leurs fêtes bachiques, aux plaisirs de la bonne compagnie. Ils se sont tellement identifiés avec ce genre de vie, qu'il est devenu pour eux une seconde nature ; ils se croient même incapables de s'élever au-dessus de leur sphère, c'est pourquoi ils y restent, jusqu'à ce qu'une transformation de leur être ait ouvert leur intelligence en développant en eux le sens moral, et les ait rendus accessibles à des sensations plus subtiles.

Ces Esprits, lorsqu'ils sont désincarnés, ne peuvent instantanément acquérir la délicatesse du sentiment, et, pendant un temps plus ou moins long, ils occuperont les bas-fonds du monde spirituel, comme ils ont occupé ceux du monde corporel ; ils y resteront tant qu'ils seront rebelles au progrès ; mais à la longue, avec l'expérience, les tribulations, les misères des incarnations successives, il arrive un moment où ils conçoivent quelque chose de mieux que ce qu'ils ont ; leurs aspirations s'élèvent ; ils commencent à comprendre ce qui leur manque, et c'est alors qu'ils font des efforts pour l'acquérir et s'élever. Une fois entrés dans cette voie, ils y marchent avec rapidité, parce qu'ils ont goûté d'une satisfaction qui leur paraît bien supérieure, et auprès de laquelle les autres n'étant que de grossières sensations, finissent par leur inspirer de la répugnance.

Dem. (A saint Louis.) Que faut-il entendre par les ténèbres où sont plongées certaines âmes souffrantes ? Seraient-ce là les ténèbres dont il est si souvent parlé dans l'Ecriture ? - R. Les ténèbres dont il s'agit sont en réalité celles qui sont désignées par Jésus et les prophètes, en parlant du châtiment des méchants. Mais ce n'est encore là qu'une figure destinée à frapper les sens matériels de leurs contemporains qui n'auraient pu comprendre la punition d'une manière spirituelle. Certains Esprits sont plongés dans les ténèbres, mais il faut entendre par là une véritable nuit de l'âme comparable à l'obscurité dont est frappée l'intelligence de l'idiot. Ce n'est pas une folie de l'âme, mais une inconscience d'elle-même et de ce qui l'entoure qui se produit aussi bien en face qu'en l'absence de la lumière matérielle. C'est surtout la punition de ceux qui ont douté de la destinée de leur être ; ils ont cru au néant, et l'apparence de ce néant vient faire leur supplice, jusqu'à ce que l'âme, faisant un retour sur elle-même, vienne briser avec énergie le réseau d'énervement moral qui l'a saisie ; de même un homme accablé par un rêve pénible, lutte à un moment donné, de toute la puissance de ses facultés, contre les terreurs, par lesquelles il s'est d'abord laissé dominer. Cette réduction momentanée de l'âme à un néant fictif, avec le sentiment de son existence, est une souffrance plus cruelle qu'on ne saurait l'imaginer, en raison de cette apparence de repos dont elle est frappée ; c'est ce repos forcé, cette nullité de son être, cette incertitude, qui font son supplice ; c'est l'ennui dont elle est accablée qui est le châtiment le plus terrible, car elle ne perçoit rien autour d'elle, ni choses, ni êtres ; ce sont pour elle de véritables ténèbres.

SAINT LOUIS.

(Claire.) Me voici. Je puis répondre aussi à la question posée sur les ténèbres, car j'ai erré et souffert longtemps dans ces limbes où tout est sanglots et misères. Oui, les ténèbres visibles dont parle l'Ecriture existent, et les malheureux qui, ayant terminé leurs épreuves terrestres, quittent la vie, ignorants ou coupables, sont plongés dans la froide région, ignorants d'eux-mêmes et de leurs destinées. Ils croient à l'éternité de leur situation, ils balbutient encore les mots de la vie qui les ont séduits, ils s'étonnent et s'effrayent de leur grande solitude ; c'est ténèbres, que ce lieu vide et peuplé, que cet espace où, emportés, gémissants, de pâles Esprits errent sans consolations, sans affections, sans aucun secours. A qui s'adresser ?... Ils sentent là l'éternité appesantie sur eux ; ils tremblent et regrettent les mesquins intérêts qui scandaient leurs heures ; ils regrettent la nuit qui, succédant au jour, emportait souvent leurs soucis dans un songe heureux. Les ténèbres sont pour les Esprits : l'ignorance, le vide et l'horreur de l'inconnu... Je ne puis continuer...

CLAIRE.

On a aussi donné de cette obscurité l'explication suivante :

Le périsprit possède, par sa nature, une propriété lumineuse qui se développe sous l'empire de l'activité et des qualités de l'âme. On pourrait dire que ces qualités sont au fluide périsprital ce qu'est le frottement pour le phosphore. L'éclat de la lumière est en raison de la pureté de l'Esprit ; les moindres imperfections morales la ternissent et l'affaiblissent. La lumière qui rayonne d'un Esprit est ainsi d'autant plus vive que celui-ci est plus avancé. L'Esprit étant, en quelque sorte, son porte-lumière, il voit plus ou moins selon l'intensité de la lumière qu'il produit ; d'où il résulte que ceux qui n'en produisent point sont dans l'obscurité.

Cette théorie est parfaitement juste quant au rayonnement du fluide lumineux par les Esprits supérieurs, ce qui est confirmé par l'observation ; mais là ne paraît pas être la cause véritable, ou du moins unique du phénomène dont il s'agit, attendu : 1° que tous les Esprits inférieurs ne sont pas dans les ténèbres ; 2° que le même Esprit peut se trouver alternativement dans la lumière et dans l'obscurité ; 3° que la lumière est un châtiment pour certains Esprits très imparfaits. Si l'obscurité où sont plongés certains Esprits était inhérente à leur personnalité, elle serait permanente et générale pour tous les mauvais Esprits, ce qui n'est pas, puisque des Esprits de la dernière perversité voient parfaitement, tandis que d'autres, qu'on ne peut qualifier de pervers, sont temporairement dans de profondes ténèbres. Tout prouve donc, qu'outre celle qui leur est propre, les Esprits reçoivent également une lumière extérieure qui leur fait défaut selon les circonstances ; d'où il faut conclure que cette obscurité dépend d'une cause ou volonté étrangère, et qu'elle constitue une punition spéciale pour des cas déterminés par la souveraine justice.

Dem. (à saint Louis.) D'où vient que l'éducation morale des Esprits désincarnés est plus facile que celle des incarnés ? Les rapports établis par le Spiritisme entre les hommes et les Esprits ont donné lieu de remarquer que ces derniers s'amendent plus rapidement sous l'influence des conseils salutaires que ceux qui sont incarnés, ainsi qu'on le voit par les cures d'obsessions.

R. (Société de Paris.) - L'incarné, par sa nature même, est dans un état de lutte incessante en raison des éléments contraires dont il est composé, et qui doivent le conduire à sa fin providentielle en réagissant l'un sur l'autre. La matière subit facilement la domination d'un fluide extérieur ; si l'âme ne vient réagir de toute la puissance morale dont elle est capable, elle se laisse dominer par l'intermédiaire de son corps, et suit l'impulsion des influences perverses dont elle est entourée, et cela avec une facilité d'autant plus grande que les invisibles qui l'étreignent, attaquent de préférence les points les plus vulnérables, les tendances vers la passion dominante.

Pour l'Esprit désincarné, il en est tout autrement ; il est encore, il est vrai, sous une influence semi-matérielle, mais cet état n'a rien de comparable à celui de l'incarné. Le respect humain, si prépondérant chez l'homme, est nul pour lui, et cette pensée ne saurait l'astreindre à résister longtemps aux raisons que son propre intérêt lui montre comme bonnes. Il peut lutter, et même généralement il le fait avec plus de violence que l'incarné, parce qu'il est plus libre, mais aucune vue mesquine d'intérêt matériel, de position sociale ne vient entraver son jugement. Il lutte par amour du mal, mais il acquiert bientôt le sentiment de son impuissance vis-à-vis de la supériorité morale qui le domine ; le mirage d'un avenir meilleur a plus d'accès sur lui, parce qu'il est dans la vie même où il doit s'accomplir, et que cette perspective n'est pas effacée par le tourbillon des plaisirs humains ; en un mot, n'étant plus sous l'influence de la chair, c'est ce qui rend sa conversion plus facile, lorsque surtout il a acquis un certain développement par les épreuves qu'il a subies. Un Esprit tout à fait primitif serait peu accessible au raisonnement, mais il en est autrement chez celui qui a déjà l'expérience de la vie. D'ailleurs, chez l'incarné, comme chez le désincarné, c'est sur l'âme, c'est par le sentiment qu'il faut agir. Toute action matérielle peut suspendre momentanément les souffrances de l'homme vicieux, mais elle ne peut détruire le principe morbide qui est dans l'âme ; tout acte qui ne tend pas à améliorer l'âme, ne peut la détourner du mal.

SAINT LOUIS.

 



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