Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


PHOTOGRAPHIE DE LA PENSÉE


 

Le terme de « photographie de la pensée » paraît ne pouvoir être appliqué qu'à une partie des manifestations comprises dans cette classe d'expériences. En effet, pour obtenir plusieurs d'entre elles on ne pose pas devant l'appareil photographique ; la plaque est impressionnée directement, pendant que l'expérimentateur la tient, dans la plupart des cas, sur son front, en concentrant intensivement sa pensée sur l'image à extérioriser ; parfois ce qui est impressionné directement c'est le « papier sensibilisé » Ces dernières catégories de manifestations, obtenues sans l'aide de l'appareil photographique, sont désignées en Amérique sous le nom de « psychographies ». Mais comme ce terme est déjà employé pour les phénomènes de l'« écriture directe entre les ardoises », on a introduit, depuis quelque temps, pour désigner les phénomènes en question, le terme de « skotographies » (impression dans l'obscurité, par antithèse des photographies proprement dites, qui sont des impressions à la lumière). Ce terme a été proposé par Miss Felicia Scatcherd, qui s'est fait connaître dans cet ordre d'expériences.
A propos des « skotographies » comme à propos de « photographies de la pensée » il est à remarquer que les résultats obtenus lorsque l'expérimentateur se propose d'obtenir le phénomène, et qu'il concentre sa pensée sur une image donnée, se limitent à la reproduction d'images très simples, telles que des sphères, des triangles, des bouteilles, des bâtons, sans jamais parvenir à des images complexes, telles qu'un visage ou une forme humaine. Les meilleurs résultats, avec des reproductions de visages et de personnes, ont été obtenus fortuitement; c'est-à-dire lorsque l'expérimentateur ne se propose point d'obtenir une « photographie de la pensée », ou une « skotographie». Mais en ces circonstances on constate infailliblement que l'image restée gravée sur la plaque photographique avait, à ce moment-là, ou un instant auparavant, traversé l'esprit de l'expérimentateur. Tout cela démontre une fois de plus que dans les manifestations super-normales de la « psyché », la volonté constitue un obstacle à leur libre manifestation. En d'autres termes, cela démontre que les facultés super-normales de la psyché appartiennent à la partie intégrale subconsciente, et par conséquent, que la personnalité consciente ne peut les utiliser que de manière exceptionnelle et rudimentaire.
En employant, pour le moment, dans une signification générale le terme de « photographie de la pensée », je dirai que les premières tentatives de ce genre remontent à l'an 1896, lorsque le commandant Darget et l'un de ses amis, s'étant persuadés que la pensée était une force extériorisable, décidèrent d'essayer à concentrer leur pensée sur une image donnée, dans le but de la projeter sur une plaque photographique. Le 27 mai 1896, M. Darget a fixé sur la plaque sensibilisée l'image très nette d'une bouteille à laquelle il avait pensé avec une telle intensité qu'il s'était procuré un bon mal de tête.
L'expérience a été répétée le 5 juin de la même année, avec un plein succès. M. Darget écrit :
"M. Aviron m'ayant dit que pour écarter toute objection, due au hasard ou à une coïncidence, il serait intéressant d'obtenir encore une bouteille par le même procédé, nous convînmes d'essayer. Il ne manqua pas de me faire boire de sa même vieille eau-de-vie, ni moi de regarder longtemps la bouteille. Etant monté au cabinet noir, j'essayai du même procédé que précédemment, mettant mes doigts côté verre. Lorsque nous avons vu les doigts marqués, nous avons retiré la plaque, fixée et lavée, et enfin cherché la bouteille que nous avons trouvée.
Mais le lendemain, la photo tirée sur papier, ce qui nous a le plus frappés, a été une figure de femme avec une coiffe caractéristique. C'était, à n'en pas douter, un Esprit qui avait voulu se faire photographier" (Revue Scientifique et morale du Spiritisme, 1904, p. 643).
M. Darget a peut-être raison dans cette dernière remarque, puisque les deux expérimentateurs, non seulement ne pensaient pas du tout à des images de personnes, mais n'avaient jamais connu la femme dont la figure est restée imprimée sur la plaque, Seulement, quelques jours après, au cours d'une séance chez M. Léon Denis, l'écrivain spirite bien connu, on eut la manifestation d'une personnalité spirituelle qui déclara s'appeler Sophie et avoir été celle qui impressionna la plaque sensibilisée de Darget ; aidée en cela par d'autres esprits. Elle a été identifiée ensuite pour une marchande de légumes d'Amiens, appelée Sophie, morte quelque temps auparavant. La Revue Scientifique et morale du Spiritisme a reproduit la skotographie dont il s'agit, dans laquelle la figure de la femme est très visible, au-dessus de la forme de la bouteille.
En poursuivant ses expériences, M. Darget parvînt à obtenir la skotographie d'un bâton, ainsi qu'une forme plutôt vague d'un grand oiseau. Après cela, sa faculté sur-normale s'affaiblit rapidement, jusqu'à disparaître pour toujours.
A la même époque, l'américain Ingles Rogers a été amené par hasard à s'occuper de la photographie de la pensée. Comme il développait des plaques photographiques dans le cabinet noir, il lui arriva de fixer fortuitement une plaque sensibilisée qu'il avait devant lui, pendant qu'il rêvait intensivement à je ne sais quoi. Or, en développant la plaque qu'il avait fixée, il découvrit en elle une impression qui ne pouvait pas être accidentelle. Il décida de répéter l'expérience, en fixant une pièce de monnaie et en pensant intensivement à elle ; la pièce parut sur la plaque photographique. Il renouvela l'expérience, quelques jours après, en présence d'une Commission de médecins, en fixant un timbre poste, qui resta imprimé sur la plaque photographique.
Un an avant que Darget fit ses expériences, le colonel Albert de Rochas avait obtenu par hasard une « photographie de la pensée » avec Eusapia Paladino (expériences de l'Agnelas). Il en parle dans les termes suivants :
"Un jour M. de Watteville voulut, en ma présence, photographier Eusapia entre le comte de Gramont et le Dr Dariex. La pose ayant été prise, je plaisantai le Dr Dariex qui est de petite taille et qui s'était campé, la main dans son gilet : « Docteur, vous ressemblez à Napoléon ». La pose n'en fut pas moins conservée, mais ce que personne ne prévoyait, c'est le profil de Napoléon qui se détache d'une façon très nette sur le fond au-dessus de la borne-fontaine qui semble lui servir de piédestal, sans que rien ne pût nous expliquer cette apparence, malgré des essais successifs faits ensuite dans le même lieu.
Je me demande aujourd'hui si le nom de Napoléon n'éveilla pas chez Eusapia le souvenir d'un buste qu'elle avait vu et si ce souvenir ne coagula pas la matière fluidique qui émane presque constamment de ses points hypnogènes" (Annales des Sciences Psychiques, 1908, p. 283).
Cet autre cas, analogue au précédent, est aussi intéressant.
En 1905, M. F. C. Barnes, industriel australien très connu dans son pays, se rendit chez le médium photographe Boursnell, pour poser devant l'appareil, dans l'attente d'une manifestation personnelle. Au contraire, quand on développa la plaque, apparut sur la tête de M. Barnes le portrait très net de l'impératrice Elisabeth d'Autriche. Ce portrait existait tel quel dans le frontispice d'un ouvrage intitulé : The Martyrdom of an Empress. M. Barnes avait lu ce livre et pensait souvent à ce portrait et à la souveraine décédée qu'il représentait (Annales des Sciences Psychiques, 1912, p. 217-18).
Dans le cas d'Eusapia Paladino, M. de Rochas suppose logiquement qu'une matière fluidique, émise par ce médium, s'est « coagulée» autour de la pensée-image qu'on avait fait naître involontairement dans la mentalité du médium, en donnant lieu ainsi à une photographie de la pensée.
Dans le cas de Mr Barnes, les modalités d'extériorisation seraient un peu différentes, puisque l'image qui est restée imprimée sur la plaque photographique avait été produite, cette fois, dans la mentalité subconsciente de l'expérimentateur lui-même. On devrait donc admettre que les fluides dégagés par le médium sont parfois attirés par l'image extériorisée fournie par l'expérimentateur, pour se condenser d'une manière suffisante afin de rendre photographiable l'image.
Ces conclusions présentent une énorme valeur théorique. Il faut reconnaître en même temps qu'elles représentent « l'hypothèse la moins large » que l'on puisse formuler à cet égard. L'analyse comparée des faits ne fait d'ailleurs que démontrer la nécessité, la légitimité, la fermeté inébranlable de ces conclusions. Nous parlerons plus loin de certaines autres hypothèses secondaires, complémentaires de celle que nous venons d'exposer, et auxquelles on est contraint d'avoir recours pour se rendre compte des faits. Passons maintenant à citer quelques expériences du même genre, réalisées par Miss Félicia Scatcherd. Je remarquerai d'abord que cette expérimentatrice persévérante s'est occupée de radiographie, de photographie transcendantale et de skotographie pendant une quarantaine d'années ; elle était regardée comme une des personnes les plus compétentes dans cette catégorie de faits. Elle a expérimenté avec le commandant Darget, le Dr Baraduc, M. Guillaume de Fontenay, l'archidiacre Colley. Nous avons dit que c'est elle qui a proposé qu'on désignât du terme de « skotographies » les impressions sur-normales obtenues sans l'appareil photographique.
A propos de ses expériences avec l'archidiacre Colley, il est intéressant de signaler l'incident suivant, que Miss Scatcherd a rapporté au cours d'une conférence qu'elle a faite au siège de la London Spiritualist Alliance, le 3 février 1921. La revue Light la publié l'année même (p. 106), dans les termes suivants :
A titre d'exemple relativement au problème troublant de la « photographie de la pensée », Miss Scatcherd a relaté cet incident :
« L'archidiacre Colley était contrarié souvent par le fait que, dans les photographies transcendantales, la tête de l’ « esprit » est enveloppée d'un petit nuage circulaire, en forme d'auréole. Or il arriva qu'un jour il alla avec l'un de ses amis se faire photographier pour des raisons étrangères à toute recherche expérimentale. Au grand étonnement de l'archidiacre, sa tête apparut sur la plaque, enveloppée d'un petit nuage circulaire, pareil à un halo. Miss Scatcherd, qui était présente, demanda à l'archidiacre à quoi il avait songé au moment où il posait devant l'objectif. Il eut un instant d'hésitation ; puis il avoua que son esprit était à ce moment fortement préoccupé au sujet du sort d'un de ses amis qui traversait, à ce moment-là, une terrible crise morale ; aussi, pendant qu'il posait, il priait avec ferveur, en demandant de l'aide pour son ami. Miss Scatcherd remarqua alors : « J'espère que vous ne serez plus, à présent, contrarié par les auréoles spirites, et que vous reconnaîtrez la valeur technique extraordinaire de votre photographie. Les Saints ont été vus aussi entourés de la même auréole dont l'appareil photographique a révélé tout à l'heure l'existence autour de votre tête ».
Le Light reproduit la photographie en question, où l'on voit que l'auréole autour de la tête de l’archidiacre Colley est absolument analogue à celles qu'on remarque dans les photographies transcendantales.
On connaît d'ailleurs plusieurs autres photographies d'auréoles apparues autour de la tête de personnes qui étaient absorbées par de graves préoccupations au moment où elles posaient devant l'objectif. On devrait donc en arguer qu'en ces circonstances, l'auréole correspond à la substance fluidique, ou éthérique, dégagée par l'organe cérébral intensivement travaillé par la pensée ; de même que, dans les photographies avec l'intervention d'un médium et dans les apparitions de formes transcendantales, l'auréole correspond à la substance fluidique dégagée par le médium ; substance grâce à laquelle les images créées par la pensée des assistants, ou par la volonté des décédés, sont rendues photographiables.
Ce deuxième fait que j'extrais aussi des expériences de Miss Scatcherd, s'est réalisé spontanément en présence de l'archidiacre Colley, qui était un « sensitif » d'une rare puissance ; Miss Scatcherd, à son tour, était une « sensitive » très remarquable. Elle écrit :
"Le 5 juillet 1910, par suite d'un appel urgent, je m'empressai d'aller à la gare, où je pris le train pour Stokton Rugby, résidence de l'archidiacre Colley, me proposant de rentrer chez moi le soir même. Comme, au moment de mon départ, un orage allait éclater, je m'étais mis un léger imperméable sur la robe blanche que je portais à la maison. Le soir venu, il m'a été impossible de rentrer chez moi, par manque de trains pouvant me convenir et je passai la nuit au presbytère. Le lendemain matin, juste au moment du départ, l'archidiacre eut l'idée de me photographier dans le jardin. Il plaça une plaque dans le châssis de l'appareil, régla celui-ci, et puis il m'appela... Pendant la pose, d'ailleurs très courte, je me souvins tout à coup de mon départ précipité de la maison, sans même revêtir une robe de dehors, et je dis à moi-même: « Si j'avais mis mon corsage brodé, je paraîtrais moins ridicule dans la photographie »...
Quelques jours après, l'archidiacre m'envoya un exemplaire de la photo. Il n'avait eu d'autre intention que celle de se procurer un portrait de moi ; il avait donc été surpris en découvrant à côté de moi une forme spirituelle... Mais ce qui, par contre, me combla à mon tour d'étonnement, ce fut l'essai évident de reproduction sur mon buste du corsage brodé que j'avais tellement désiré au moment de la pose : corsage qui se trouvait bien rangé dans ma garde-robe.
J'ai employé sciemment le mot « essai », parce que le dessin de la broderie n'est pas visible ; mais on voit sur mon buste un corsage diaphane alors qu'en réalité je n'avais sur moi qu'une légère chemisette. Ce qui prouve qu'il s'agissait bien du corsage auquel j'avais pensé, c'est que celui apparu sur la plaque a justement les bords arrondis, tandis que tous mes autres corsages avaient les bord plats...
A titre de contre-épreuve, je revêtis la robe que j'avais lorsque la photo a été exécutée, et je me fis photographier afin de m'assurer si la chemisette en question ne contenait pas de coutures, des plis, ou d'autres combinaisons fortuites, pouvant échapper à l'œil nu, et ayant pu causer une image fictive de mon corsage ; mais je n'y ai absolument rien rencontré — ainsi que du reste je m'y attendais..." (Light, 1913, p. 356).
Dans un autre article de Miss Scatcherd sur le même sujet — article inséré dans le numéro de février 1921, p. 106, du Light — la photographie en question a été reproduite ; on y voit Miss Scatcherd debout ; elle est visible jusqu'au dessous des genoux. La photogravure est imparfaite, et la « forme spirituelle » est réduite à un petit nuage d'ectoplasme, mais le dessin diaphane du corsage inexistant est net et indubitable.
Cet autre incident raconté par Miss Scatcherd est curieux et intéressant. Le 24 février 1923, elle alla à Crew, chez les fameux médiums M. Hope et M. Buxton, avec lesquels elle se trouvait en rapports d'étroite amitié depuis seize ans. Elle avait apporté un paquet de plaques photographiques, tout en n'ayant pas l'intention de les employer, étant venue pour discuter au sujet d'une série projetée d'expériences au siège de la Society for Psychical Rescarch. Les trois interlocuteurs ne tombèrent pas d'accord sur certains points du projet ; aussi décidèrent-ils de s'en remettre au conseil de leurs « guides » spirituels, qui avaient l'habitude de se manifester au moyen de messages imprimés sur les plaques photographiques.
Miss Scatcherd sortit deux plaques du paquet qu'elle avait apporté, les signa, en y apposant aussi un signe spécial (qu'elle changeait chaque fois), et les introduisit dans les châssis, qui furent placés dans l'appareil photographique. Lorsqu'on eut exécuté les poses et qu'on eut développé les plaques, on trouva sur l'une d'elles le message désiré ; sur l'autre, au vif désappointement des médiums, apparut très nettement un couvercle de cercueil, derrière la figure de Miss Scatcherd. Celle-ci remarque à ce sujet :
"La forme étrange du « couvercle de cercueil » pris par l'ectoplasme qui s'était condensé derrière moi, n'est probablement qu'un nouvel exemple du fait, que la subconscience possède la faculté de créer et objectiver des images, faculté qui s'exerce si souvent dans les expériences de photographie transcendantale. Que l'on remarque, à cet égard, que lorsque, le samedi soir, je suis arrivée chez les médiums, j'y ai trouvé quelques personnes qui revenaient des obsèques d'un membre de l'Eglise Spiritualiste de Crew. D'autre part, la fille du médium, M. Buxton, avait, le même jour, rempli les fonctions de porteuse de la bière d'un enfant, décédé dans la maison en face. Lorsque, le lendemain, je posai pour la photographie, Miss Buxton se trouvait dans l'église anglicane pour assister aux obsèques de l'enfant en question" (Light, 1923, p. 252).
Il est évident que la circonstance des deux enterrements qui ont eu lieu à l'époque de l'expérience dont il s'agit, enterrements qui intéressaient les membres des familles des médiums, tend à prouver que le couvercle de cercueil apparu sur la plaque sensibilisée était dû à un phénomène de photographie de la pensée. Il est toutefois difficile d'indiquer quelle a été la subconscience qui a fourni la pensée-image dont il s'agit. Celle de Miss Buxton serait la plus indiquée, puisqu'elle était fille du médium, et qu'elle avait transporté au cimetière le cercueil de l'enfant ; mais Miss Buxton n'était pas à la maison au moment où l'expérience eut lieu. Cependant, comme elle assistait à l'enterrement de l'enfant décédé, cette circonstance serait favorable à la projection d'une pensée subconsciente dans le genre de celle qui est restée imprimée sur la plaque photographique.
On pourrait en outre supposer que, comme les mentalités des personnes vivant en ce milieu étaient toutes plus ou moins absorbées par l'événement le plus important de ce jour-là — celui des deux enterrements auxquels elles avaient pris part — il s'ensuivit que l'idée générale de « cercueil » était, pour ainsi dire, en l'air. Alors, grâce à la circonstance favorable de la présence des deux médiums, une image collective de cette nature parvint peut-être à s'objectiver et à se concréter d'une manière suffisante pour rester imprimée sur la plaque photographique.
Le Light reproduit la photographie dont nous avons parlé ; le couvercle de cercueil placé derrière le dos de Miss Scatcherd y est tout à fait net ; c'est bien un couvercle de cercueil ; pas de doute possible. Il me semble donc qu'il n'est possible de formuler d'autre hypothèse explicative en dehors de celle affirmant l'existence d'un rapport entre cause et effet : d'un côté, les enterrements qui avaient eu lieu dans le milieu où l'expérience fut réalisée ; de l'autre côté, le phénomène du couvercle de cercueil, apparu sur la plaque sensibilisée.
Je remarquerai encore, par rapport à l'authenticité du phénomène, que sur le coin gauche de la plaque reproduite par le Light apparaissent nettement les trois sigles que Miss Scatcherd y a placées, à titre de contrôle.
Ayant ainsi épuisé le sujet concernant l'un des phénomènes qui se sont produits dans les circonstances dont nous nous occupons, il me reste à parler de l'autre, consistant dans le message obtenu sur la plaque photographique.
Voici le texte du message, ou plus précisément, des deux messages reçus :
"Amis,
Je suis tout prêt à vous guider de mes conseils. N'acceptez pas de défis ; il serait vain d'attendre un bon traitement de ceux qui ont menti relativement à Stead ; ne vous flattez pas qu’ils vous épargnent. Archidiacre Colley."
"Mon cher Hope, Je suis avec l'archidiacre Colley. N'hésite pas, ne t'inquiète pas : va à Londres. W. T. Stead."
Miss Scatcherd fait remarquer que le premier message, signé de l'archidiacre Colley, est un parfait fac-similé de l'écriture du décédé. Elle note en outre que les mots ont menti ont été soulignés deux fois ; autre trait caractéristique très spécial de l'archidiacre qui, lorsque, dans une lettre, soulignait des mots le faisait deux fois.
Cette variété de messages photographiques se réalise assez souvent dans les expériences de photographie transcendantale ; elle est de nature à rouvrir le débat sur les modalités par lesquelles se produit la photographie transcendantale en général.
Il me faut observer à ce propos que les messages super-normaux photographiques ne sont pas obtenus uniquement lorsque la plaque est insérée dans l'appareil, mais souvent, quand la plaque est hors de l'appareil. Cette dernière modalité par laquelle le phénomène se réalise nous porte à supposer qu'aussi dans les cas dans lesquels la plaque est dans l'appareil, il ne s'agit pas de la photographie d'une écriture substantielle exposée à l'objectif, mais d'un message écrit directement sur la plaque sensibilisée ; peut-être à l'aide d'un minuscule rayon de lumière ultra-violette, servant de plume.
J'ajoute que le même fait se rencontre dans le cas des photographies transcendantales dans lesquelles on obtient des impressions de formes spirituelles et de formes de la pensée, même lorsque la plaque a été déposée hors de l'appareil photographique.
Il semblerait donc rationnel de conclure en affirmant qu'aussi dans le cas de la photographie transcendantale de « formes spirituelles » et de « formes de la pensée », tout contribue à démontrer que le phénomène ne se produit pas à l'aide d'images substantielles qui se présentent devant l'objectif photographique, mais plutôt au moyen d'une forme mystérieuse qui agit directement sur la plaque sensibilisée, en dessinant des formes humaines, ou en écrivant des messages.
M. James Coates, auteur du livre : Photographing the Invisible, qui s'est spécialisé dans l'étude des photographies transcendantales, termine ainsi un article qu'il a écrit sur ce sujet :
"En conclusion, nous avons appris ce qui suffit pour nous convaincre que nous savons bien peu de chose relativement aux modalités de la production des photographies super-normales. Nous avons en outre appris que les modalités supposées par lesquelles se réalisent ces photographies, modalités selon lesquelles la forme de l' « esprit » irait se placer en face de l'objectif, ne sont pas confirmées par l'examen des faits. En effet, lorsqu'on braque différents appareils photographiques, dont les objectifs convergent tous vers le même point, l'impression super-normale n'est saisie que par un seul, appareil, tandis que, si à cet endroit il y avait eu quelque chose de substantiel, tous les appareils auraient dû le saisir... J'espère avoir démontré dans ces articles que les procédés par lesquels se réalisent les photographies expérimentales sont certainement multiples, tandis que les dernières expériences démontrent que les intelligences qui opèrent ne sont pas obligées à employer des systèmes fixés d'avance..." (Light, 1921, p. 122).
En s'exprimant de la sorte, James Coates ne prétend pas nier l'existence de formes spirituelles authentiques de la pensée, qui soient substantielles, photographiables et photographiées. Il veut seulement faire comprendre que les intelligences qui opèrent parviennent à obtenir le phénomène en question sans devoir nécessairement recourir à l'objectivation d'images substantielles. Ce qui est incontestablement vrai.
De toute manière, pour être correct dans les déductions à tirer des faits, je remarquerai que la circonstance de plusieurs objectifs braqués sur le même point, où l'un seul d'entre eux saisit une image sur-normale, ne suffit pas à démontrer que dans ce point-là il n'y avait aucune forme, aucune image substantielle. Je rappellerai à ce sujet un cas que l'on lit dans un livre intitulé : From the other Side, publié en 1925 par M. J.H. Miller. Cet expérimentateur demanda à l'intelligence opérante en quoi consistaient les effets exercés par les « fluides »sur les plaques photographiques, elle répondit : « L'effet consiste en ceci, que la plaque indiquée devient plus sensibilisée que les autres ». Or cette explication, absolument rationnelle et acceptable, est théoriquement précieuse, parce qu'elle porte logiquement à arguer que, si « la plaque indiquée devient plus sensibilisée que les autres », ce fait explique admirablement pour quelles causes, dans la circonstance des objectifs photographiques braqués tous sur le même point, une seule plaque entre toutes reste impressionnée par l'image substantielle existant là.
D'ailleurs, un fait concourt à démontrer que, s'il est vrai que certaines prétendues photographies d'images super-normales sont en réalité des dessins, il n'est pas moins vrai que de nombreuses images de cette sorte doivent être positivement des formes substantielles projetées du dehors sur la plaque photographique. C'est que, lorsque des sensitifs clairvoyants assistent à la séance de pose, ils décrivent d'avance les formes spirituelles qui sont venues se placer devant l'objectif ; leurs descriptions concordent admirablement avec ce qui apparaît sur la plaque sensibilisée. Je rappellerai à ce sujet le cas du Rév. William Stainton Moses, qui dit apercevoir à la droite du Dr Speer (qui posait devant l'objectif photographique), une forme de fillette qui le regardait en souriant, forme qu'il décrivit en détail, et qui apparut ensuite sur la plaque développée, absolument identique à la description fournie d'avance par M. Moses. Le Dr Speer reconnut dans cette image sa petite sœur, décédée quarante ans auparavant, à l'âge correspondant à celui de l'image obtenue. Je rappellerai de même les expériences bien connues de Mr Beattie, pendant lesquelles les sensitifs décrivaient d'avance les formes qui se présentaient devant l'objectif photographique ; descriptions dont on constatait ensuite invariablement l'authenticité. Or, si l'on tient compte du fait que les exemples de sensitifs qui annoncent d'avance quelles sont, les formes qui resteront imprimées dans les plaques sensibilisées, sont assez fréquents, on est amené à conclure que les cas d'objectivations proprement dites de formes spirituelles et de formes de la pensée, sont plus nombreux que les cas dans lesquels la photographie est un dessin super-normal, exécuté directement sur la plaque sensibilisée.
Après cette explication, je reprends l'exposé d'autres exemples de photographies de la pensée.
Mrs Cordelia A. Grylls envoya au Light (1921, p. 559), le récit d'un incident photographique arrivé à elle-même.
Elle commence par dire qu'une de ses amies, ayant perdu sa mère, et désirant tenter d'obtenir sa photographie transcendantale, s'adressa à elle, en lui demandant conseil. Mrs Grylls la conduisit chez un monsieur de sa connaissance, qui possédait une médiumnité remarquable, bien que, depuis longtemps, il eût cessé d'expérimenter. Le monsieur reçut aimablement les visiteuses et se prêta à l'expérience. On fit six poses ; les deux dames revinrent pour en connaître les résultats. Mme Grylls continue en disant :
"Sur la sixième plaque, sur laquelle M. X. était photographié, on apercevait nettement de petits nuages et des lueurs placés autour de sa personne. Sur la cinquième plaque sur laquelle j'étais photographiée, on voyait, profondément imprimée, l'image d'un pendule ! Mon amie et moi, nous reconnûmes aussitôt dans cette image un symbole transmis par mon père, auquel j'avais pensé intensivement pendant que je « posais ».
Le pendule est absolument semblable à celui d'une horloge ; dans la photographie il a une longueur de 7/8 de pouce, et il est placé à un pouce et un quart de distance de mon profil ; mon regard paraît dirigé vers le pendule.
A ce sujet, il faut remarquer que, depuis plusieurs mois, je recevais des messages d'une entité qui disait être mon père et ceci par le système du pendule oscillant ... Mon père m'informe que c'est lui qui a projeté l'image du pendule sur la plaque, afin de me démontrer que je possède des facultés matérialisantes, qu'il définit : « aptitude à rendre visible la pensée ». Je remarquerai que l'image du pendule représente sa pensée, et non pas la mienne..."
Telle est l'opinion de la dame qui raconte l'expérience, relativement à l'origine extérieure de l’image obtenue. Rien n'empêche qu'on puisse regarder son avis comme étant bien fondé, toutefois, comme on ne possède pas des preuves positives en ce sens, nous ne tiendrons pas compte de cet avis et nous conclurons en remarquant que, si l'on suppose, au contraire, un phénomène d'objectivation de la pensée, on devrait convenir que — conformément à la règle que j'ai exposée au commencement de ce chapitre — l'image du père n'est parvenue à s'objectiver, justement parce que Mme Grylls y pensait intensivement ; tandis que l'image du pendule oscillant, auquel elle ne songeait pas à ce moment, mais qui vibrait à l'état latent sur le seuil du subconscient de la dame ( puisque le « pendule oscillant » était l'appareil médiumnique qu'elle employait), est parvenue à se concréter et à impressionner la plaque sensibilisée. Le Light reproduit la photographie dont il s'agit, sur laquelle on observe que l'image du pendule, étant très noire, se détache nettement sur le fond.
Il est bien d'observer aussi qu'un « esprit » affirme que la faculté matérialisante des médiums consiste dans l’ « aptitude à rendre visible la pensée » ; ce qui concorde parfaitement avec la thèse que je soutiens dans cet ouvrage, et concorde surtout avec l'analyse comparée des phénomènes de la « photographie transcendantale » ; nous verrons qu'elle s'accorde mieux encore avec les phénomènes de l' « idéoplastie ». En d'autres termes, tout contribue à démontrer que la faculté de « rendre visible la pensée » est une faculté éminemment spirituelle, qui, au cours de l'existence incarnée, émerge de manière rudimentaire et sporadique chez les sensitifs et les médiums, pour devenir une faculté normale dans le milieu spirituel, après la crise de la mort.
Cet autre cas contient des détails théoriquement décisifs dans le sens que je soutiens.
La direction du Light publie dans le numéro de mars 1921 de ce journal (p. 172) le cas suivant, accompagné des photogravures qui s'y rapportent.
Au mois d'août dernier, MM. Goodwin et West se rendirent à Crew, pour y visiter les médiums M Hope et Mme Buxton. On exécuta quelques poses photographiques, et l'on obtint sur une plaque l’image super-normale d'un beau-frère de M West, mort depuis six ans environ.
Au mois d'octobre, les mêmes messieurs firent une autre visite de surprise aux deux médiums. M. West avait apporté avec lui un « médaillon porte-portrait » contenant une photo de son beau-frère, afin de faire remarquer au médium Hope la ressemblance parfaite existant entre la photographie du décédé et l'image obtenue, quelques mois auparavant. Il s'était pourvu, en même temps, d'un paquet de plaques photographiques, dans l'espoir de pouvoir faire quelques nouvelles expériences.
Le médium Hope accorda volontiers une autre séance aux visiteurs, et lorsque les quatre personnes prirent place autour de la table, dans un but de recueillement et de prière, M West sortit de sa poche le « médaillon porte-portrait » et le fit voir aux médiums, qui reconnurent la parfaite ressemblance existant entre la photographie du décédé et l'image super-normale obtenue. Après cela, M. West introduisit soigneusement le médaillon dans son étui, le replaça dans une poche intérieure où il l'avait toujours gardé par un excès de précaution, et la séance commença.
M. West et M Hope se retirèrent dans le « cabinet noir », où le premier ouvrit le paquet qu'il avait avec lui en tira deux plaques sur lesquelles il traça ses initiales, et les introduisit dans les châssis. Il porta ensuite lui-même les châssis dans la véranda vitrée qui sert de studio au médium Hope, et là, il les plaça dans l'appareil photographique. Alors, les médiums Hope et Buxton prirent place d'un côté et de l'autre de l'appareil et l'on exécuta les poses. M. West se retira ensuite avec le médium Hope dans le « cabinet noir » et y développa lui-même les négatifs. Lorsqu'il fut possible de les examiner à la lumière du jour, on aperçut, au grand étonnement de tout le monde, sur l'une des plaques, une parfaite reproduction du « médaillon porte-portrait », avec la photographie relative ; ceci en des proportions quatre fois supérieures au naturel, et le tout superposé aux figures de MM. West et Goodwin. Tous les moindres détails du médaillon étaient reproduits d'une manière admirable.
Comment se rendre compte d'un pareil phénomène ? Je remarquerai qu'en des circonstances analogues on a proposé déjà l'hypothèse d'une « projection de la pensée » de la part de l'un ou de tous les assistants. En même temps il ne serait pas irrationnel de supposer que le phénomène de la « projection de la pensée », tout en étant réel, fût dû au contraire à des opérateurs spirituels... Nous invitons nos lecteurs à examiner mûrement le cas que nous venons de relater : ils ont à leur disposition le récit des faits et les photographies qu'il leur faut comparer entre elles...
Comme on peut voir, aussi en ce cas le narrateur penche pour l'interprétation spirite des faits ; mais nous ne tiendrons pas compte de cette interprétation, puisque aucune circonstance ne la suggère. Nous noterons en même temps qu'au point de vue que je soutiens, c'est-à-dire celui de l'existence réelle de formes de la pensée objectivées et photographiables, il est indifférent que l'on penche plutôt pour une interprétation que pour l'autre, puisque aussi bien dans l'hypothèse spirite que dans celle subconsciente, le phénomène de la reproduction supra-normale photographique du médaillon porte-portraits ne peut avoir d'autre origine que l'objectivation de la pensée. Si l'on est porté à accepter l’interprétation spirite des faits, on peut dire que c'est la volonté d'une intelligence spirituelle qui a fait projeter devant l'objectif photographique cette image concrétée ; si l'on préfère l'interprétation subconsciente, on doit dire que la contemplation prolongée du médaillon porte-portraits de la part des assistants, a été la cause de l'objectivation d'une image analogue, grâce à l'effort de la mentalité collective subconsciente des assistants, ou grâce à l'activité des médiums seuls. Ne perdons pas de vue que, dans le cas qui nous occupe, le phénomène de l'objectivation de la pensée est tellement évident, qu'il n'y a pas de controverse possible à ce sujet, même parmi des métapsychistes militant en des camps théoriquement opposés. C'est ce qui doit nous suffire pour le moment.
J'ai gardé en dernier lieu les célèbres expériences du professeur Ochorowicz avec le médium Mlle Tomczyk, expériences poursuivies au cours de plusieurs années et dont il a été rendu compte dans une longue série d'articles parus dans les Annales des Sciences Psychiques (1910-1911-1912). Je les ai gardées pour la fin parce qu'elles sont, au point de vue scientifique, les plus importantes, et qu'elles exigent un plus grand développement dans nos commentaires.
Le Pr Ochorowicz, se fondant sur ses propres expériences, parvint à son tour à la conclusion que la pensée possède la faculté de s'extérioriser, et que les images mentales révèlent des propriétés actiniques, puisque les plaques photographiques sont impressionnées par les images en question. Dans les expériences dont nous nous occupons on remarque deux cas plus spécialement intéressants ; ils consistent dans les photographies supra-normales d'un dé et de la lune. Voici comment M. Ochorowicz relate le cas du dé:
'Un nouveau phénomène extraordinaire a été remarqué au cours de la séance du 22 septembre 1911. On a vu que dans plusieurs radiographies de la main gauche du médium, on aperçoit la bague qu'elle portait constamment à l'un de ses doigts. Ce phénomène paraissait indiquer :
1° Qu'une certaine union existe entre le corps et les objets portés sur le corps ;
2° Que la notion occultiste, physiologiquement nouvelle, de l'existence d'un « corps astral », n'est peut-être pas limitée aux êtres vivants.
Seulement, une question se présente à ce moment : S'il en est ainsi, comment expliquer le fait que la bague apparaît uniquement sur certaines photographies, et non pas sur toutes ?
Je me rends compte de la difficulté d'entreprendre des recherches expérimentales à ce sujet ; d'autre part, cependant, les recherches expérimentales constituent, pour le moment, la seule base dont je reconnais la légitimité dans cette catégorie d'idées. De toute façon, il me semble qu'un détail dût être aisément vérifiable à cet égard : c'est de s'assurer si un objet qui n'était pas constamment porté par la somnambule pouvait se reproduire dans quelques-unes des photographies de son « double ». Pour commencer, je choisis un dé d'argent, dont elle se servait rarement...
Je remis le dé à la somnambule, en expliquant ce que je désirais ; mais la somnambule trouva l'expérience peu intéressante, et me proposa de la compliquer. « Mets le dé à l'un de tes doigts — me dit-elle — avec l'autre main, garde le contact avec moi. Peut-être le dé passera-t-il à mon doigt à travers ton corps. Qui sait ! Essayons » !
— C'est insensé ce que tu dis-là !... Néanmoins, me souvenant du mot de Charles Richet qui dit quelque part qu'en métapsychique il ne faut pas reculer même devant les essais qui nous paraissent insensés, je ne dis plus rien ; j'ouvre une nouvelle boîte de plaques « Elka » 13 et 18, j'en sors une, je la marque au crayon et la place sur les genoux du médium, assis à ma droite. De ma main droite je maintiens en l'air sa main gauche au-dessus de la plaque, à une quarantaine de centimètres environ, je garde le dé au médius de ma main gauche, derrière mon genou gauche et nous attendons le phénomène.
La lampe rouge brûle sur la table à un mètre de distance.
Au bout d'une minute la somnambule dit : — Je sens des fourmillements à l'endroit de l'avant-bras où ta main me touche... Oh ! que c'est drôle ! On me place quelque chose sur le bout de mon médius... Je ne sais pas si c'est bien le dé ; je sens seulement quelque chose me serrer continuellement le bout du doigt...
Quant à moi, je ne vois rien et je n'ai pas de sensation particulière (ni souffle, ni frissons, ni rien de semblable), mais je sens toujours bien le dé sur mon médius gauche, en contrôlant cette sensation toutes les secondes à peu près, à l'aide de mon pouce ou de mon genou gauche.
Une douleur, pas très vive cette fois, ressentie par le médium dans sa main gauche, agissante, termine l'expérience.
Sur le cliché apparaît une main gauche, peut-être un peu plus petite que celle du médium, sauf le troisième doigt qui paraît plus long, étant prolongé... par un dé !...
Le dé, comme le doigt qui le porte, paraissent amincis sur la photographie (détail normal dans les radiographies des objets ronds, lorsque la lumière est proche). La partie inférieure du dé, sauf son bord doublé, est moins sombre (sur le positif) que sa partie supérieure — ce qui ne répond plus à une projection radiographique, mais à l'apparence normale du dé, tel qu'on le voit. Enfin le verre bombé qui le termine reste à peine visible, comme s'il était trop transparent pour cela.
En un mot, l'image produit une impression mixte, déconcertante : ce n'est pas une forme dessinée d'après nature, car elle ne présente que la partie centrale (axiale) de l'objet ; ce n'est pas une radiographie de profil, car l'on y voit des détails de surface, incompatibles avec une simple projection ; ce n'est pas non plus une photographie ordinaire par réflexion, puisque dans ce cas la lumière devrait éclairer l'objet de face, ce qui, sans objectif et cabinet noir, aurait pour unique effet de voiler la plaque ; ce n'est pas enfin une radiographie à la Roentgen, c'est-à-dire par transparence partielle, puisque les parties également fortes du métal sont traversées inégalement, et que la main se montre plutôt moins transparente que le métal.
Le métal !... Mais quel métal ?... Il n'y avait rien au bout du doigt du médium ! Le dé n'a pas quitté ma main, qui restait loin de là et n'avait aucun rapport avec la plaque. J'en suis absolument sûr ! Je suis également sûr de l'impossibilité matérielle d'une simple projection de la main du médium. La sensation que celui-ci eut sur son doigt ne fût qu'une sensation subjective. Comment admettre alors qu'elle ait pu se photographier comme quelque chose de réel ? Et ne faut-il pas supposer que, comme cette main n'est pas celle du médium, mais bien celle de son double, de même l'image du dé, avec lequel elle forme un tout harmonieux, constitue, non pas la photographie du dé, mais celle de son double...
De son double — ou de l’idée du dé..." — (Annales des Sciences Psychiques, 1912, p. 164-166).
Le Dr Ochorowicz remarque ensuite que ce fait ne peut donner lieu qu'à deux hypothèses explicatives : ou bien l'on suppose un « dédoublement fluidique du dé, venu se placer sur le doigt du médium, ou l'on a recours à la « photographie de la pensée ». Il ajoute qu'au point de vue physique et chimique les deux hypothèses se valent, puisqu'elles restent toutes les deux en dehors de notre savoir actuel. Et il conclut en disant :
"Laquelle de ces deux conceptions, également extravagantes, est plus près de la vérité ? Mais quoi qu'on en pense, cette expérience existe, et elle contient une vérité, une vérité nouvelle, puisque les anciennes ne s'y appliquent guère…"
M. Ochorowicz a raison d'insister sur la circonstance que, quelle que soit l'explication qu'on veut donner de ce mystère, le fait n'existe pas moins ; c'est-à-dire que ce serait vain, absurde, anti-scientifique, anti-philosophique de feindre de l'ignorer pour garder tranquille et sereine sa conscience scientifique de physiologiste ou de psychologue universitaire.
Au sujet de l'incident que je viens de reproduire, M. Ochorowicz demanda des éclaircissements au « double » du médium, c'est-à-dire à l'entité opérante ; voici le dialogue qui s'ensuivit :
"Ochorowicz — Eh bien, explique-moi l'expérience du dé !
Double. — J'avais détaché du dé sa partie fluidique et je l'avais mise sur mon doigt.
— Etait-elle aussi sur le doigt du médium ?
— Non.
— Que voulait dire alors la sensation qu'il eut ?
— C'était naturel. Nous sommes unis. Lorsque je ressens quelque chose, il doit s'en ressentir.
— Et puis ?
— J'ai mis ma main ornée du dé, sur la plaque ; voilà tout. Je ne sais pas comment se fit la lumière ; elle provenait du médium".
Ces éclaircissements du « double » nous apprennent que le dé fantôme ne s'était pas condensé sur le doigt de la main corporelle du médium, mais sur le doigt de sa main fluidique, qui s'était extériorisée pour impressionner la plaque sensibilisée. En tout cas, on comprend qu'en ces circonstances la somnambule dut ressentir la sensation de la présence du dé sur son doigt corporel ; comme il arrive dans les expériences de « dédoublement » dans lesquelles, si l'on pince l'air sur le point où se trouve localisé le « fantôme dédoublé », le sujet endormi ressent la douleur dans ses membres correspondants. Il en résulte qu'il faut également conclure que le cas en question constitue un exemple rare d'une « forme de la pensée », qui ne fut pas seulement photographiée, mais aussi perçue comme une sensation tactile par la somnambule.
Relativement à la question de l'hypothèse qu'il convient de préférer entre les deux que M. Ochorowicz a proposées, il me semble qu'au fond la première hypothèse se greffe à la deuxième. Même si le dé fantôme avait réellement été constitué de substance fluidique soutirée au dé métallique, il s'agirait toujours d'une image photographique créée par la volonté subconsciente du médium ; c'est-à-dire par sa pensée. En d'autres mots : il serait indifférent de supposer que la substance fluidique nécessaire a été soutirée à l'objet pensé ou à l'air ambiant, ou à l'éther ambiant attendu que ce qui importe est le fait d'un phénomène qui s'est extériorisé grâce à la force « plasticisante » et organisatrice, inhérente à la pensée.
Passons au deuxième cas tiré des mêmes expériences et dans lequel il s'agit d'une photographie de la pensée représentant le disque de la lune. Au point de vue scientifique, il est peut être encore plus important que le cas du dé, parce que M. Ochorowicz, après avoir obtenu spontanément l'image de la lune en rapport avec une pensée analogue du médium, a exécuté d'autres expériences, afin d'obtenir expérimentalement la même image ; ce qui lui réussit à plusieurs reprises — circonstance qui prouve mieux encore que le phénomène de la photographie de la pensée doit être envisagé comme un fait scientifiquement constaté. Voici le récit du Dr Ochorowicz :
"On se rappelle que, dans la nuit du 7 septembre, ma somnambule fut vivement impressionnée par la superbe vue du ciel étoile et particulièrement de la pleine lune qu'elle contempla longtemps avec admiration. Il en résulta une excitation de sa curiosité scientifique, en même temps qu'une obsession sensorielle durable, manifestée dans la première idéoplastie photographique involontaire, obtenue le lendemain.
Au lieu d'une petite main, que nous désirions tous les deux, apparut sur la plaque une pleine lune, sur le fond d'un nuage blanc. Tout d'abord, nous n'avions pas compris ce que c'était, car le nuage masquait la lune, en formant une tache unique irrégulière.
Le lendemain je remarquai la rondelle blanche du côté du verre et je m'empressai d'en tirer une épreuve positive. C'était bien difficile, car l'impression avait été tellement forte, que pour séparer la lune du nuage, il fallut exposer cinq heures au soleil, sur papier au chlorure, et quatre-vingts secondes sur du papier au bromure ; autrement la lune disparaissait dans le nuage.
Enfin plusieurs copies permirent de s'assurer : 1° que c'était réellement la lune ; 2° que son image répondait exactement à ce qu'avait vu la somnambule ; 3° que cette impression avait été double, quoique les deux images, très rapprochées l'une de l'autre, fissent l'effet d'un seul disque oblong...
Physiologiquement, cette photographie de la pensée paraît sans rapport avec le cerveau. La plaque ne fut pas appliquée contre la tête du médium, ni dans cette expérience ni dans d'autres réussies...
J'en conclus que l'idéoplastie photographique peut ne pas être due à une action directe du corps en général et du cerveau en particulier, et qu'elle se trouve en relation directe plutôt avec le « cerveau éthérique », ou en général avec le corps éthérique extériorisé.
Ceux auxquels répugne l'hypothèse d'une physiologie transcendantale, n'auront qu'à se contenter d'une explication spiritualiste, sans préciser le mode de l'action physico-chimique de l'âme à distance. A vrai dire, ce ne serait qu'un aveu de notre profonde ignorance.
Je dois ajouter que la photographie des images mentales visuelles, me semble également sans relation nécessaire avec la rétine. Le médium ne fixait pas la plaque, et dans une expérience où il l'avait fait exprès (après avoir contemplé une bouteille éclairée par la lumière rouge), je n'obtins rien.
Au point de vue psychologique, il est à remarquer qu'au moment du phénomène, l'imagination du médium fut le terrain d'une lutte entre deux obsessions : l'une consciente et volontaire, celle d’une petite main ; l'autre inconsciente et involontaire, celle de la pleine lune qui s'inscrivit toute seule.
C'est donc cette dernière qui l'a emporté sur l'autre, ce qui semble indiquer que l'obsession inconsciente se trouve en relation plus intime avec le mécanisme, encore inconnu, de l'idéoplastie photographique...
Toutes les considérations qu'on vient de lire se rattachaient à la supposition que nous avions réellement affaire à une photographie de la pensée. Cette certitude, je ne pouvais pas l'avoir de prime abord, et le seul moyen d'y arriver consistait en une répétition de l'expérience, ou plutôt en une transformation de l'idéoplastie photographique inconsciente supposée, en une idéoplastie consciente et voulue.
Je demandai donc au médium de se représenter nettement la pleine lune et de tâcher d'en obtenir une nouvelle reproduction.
Le 11 septembre j'obtins le cliché n° 16. C'était quelque chose de ressemblant à la photographie précédente quoique d'une apparence bizarre. Le nuage est analogue, mais la lune diffère beaucoup.
Ce n'est pas une lune — dis-je au médium — c'est un bouton !
En effet, la photographie représentait comme deux disques, incrustés l'un dans l'autre, avec une troisième tache ronde beaucoup plus petite au milieu. Cette tache est plus sombre que le second cercle, et le second plus sombre, que le premier. D'ailleurs, aucun d'eux n'est plus clair que le fond du nuage. (On trouvera plus loin les explications données à ce sujet par le double).
Mes critiques provoquèrent de nouveaux efforts du médium, et cette fois il se produisit le phénomène inverse ; des deux lunes, la première, plus petite, est plus blanche, et toutes les deux plus claires que le fond...
Une nouvelle répétition de la même expérience, le 23 septembre, donna une figure qui ressemble presque tout à fait à la première idéoplastie inconsciente. En tout cas, la similitude est suffisante pour conclure que déjà la première fois nous avons eu affaire à une vraie photographie de la pensée.
Enfin, la figure obtenue le 8 octobre doit être considérée comme l'effet suprême des efforts de ma somnambule, qui devinant mes doutes, suscités par la deuxième lune-bouton, concentra de mieux en mieux sa pensée consciente, pour me donner pleine satisfaction.
Cette dernière épreuve est particulièrement intéressante sous ce rapport qu'elle présente quatre ou même cinq impressions nettes de la lune, de différentes grandeurs, privée cette fois de son nuage. Ce dernier est remplacé par une auréole qui entoure les plus fortes impressions. Le côté moins fortement imprimé de l'image ne présente pas cette particularité ; mais même la forte impression de l'auréole ne nuit pas à la netteté des contours..." (Annales des sciences Psychiques, 1912, p. 205-209).
Au cours d'une séance suivante, le Dr Ochorowicz demanda au « double » du médium des explications au sujet des détails énigmatiques qu'il avait remarqués dans les photographies de la lune ; je reproduis ici une partie du dialogue qui s'ensuivit :
éOchorowicz : — La photographie de la pensée existe-t-elle réellement ?
Double : — Oui..
— Y a-t-il un intermédiaire matériel entre la pensée et la plaque ?
— Non. La pensée agit toute seule.
— Comment ?
— Je ne sais pas.
— S'il n'y a pas d'objet intermédiaire qui se déplace, d'où proviennent ces impressions doubles, triples, etc. ?
— Des efforts réitérés du médium. (Cette opinion me semble maintenant juste, elle était contraire à mes suppositions d'alors).
— Pourquoi la première lune obtenue sur commande ressemble-t-elle plutôt à deux boutons incrustés l'un dans l'autre ?
— Le médium ne savait pas concentrer sa pensée ; il se représentait par moments une lune plus petite, ou plus grande, plus claire ou plus sombre, ce qui détermina des ronds concentriques." — (Ibidem, p. 237).
Ces dernières explications du « double » à propos des impressions multiples du disque lunaire, parurent absolument bien fondées et décisives au Dr Ochorowicz ; indubitablement, on ne saurait trouver une explication meilleure du fait. Quant à la première question adressée par l'expérimentateur au « double », relativement à l'existence éventuelle d'un intermédiaire matériel entre la pensée et la plaque sensibilisée, elle se prête à des interprétations douteuses, ainsi que d'ailleurs la réponse obtenue. C'est-à-dire qu'on ne comprend pas bien si les deux interlocuteurs ont voulu faire allusion à un « intermédiaire matériel » dans le sens d'une substance ectoplasmique proprement dite, ou bien dans le sens d'une condensation purement fluidique, due à la pensée. Dans le premier cas, le « double » aurait eu probablement raison de répondre négativement ; mais on ne pourrait pas en dire autant dans le deuxième cas, car l'analyse comparée des faits lui donnerait tort. Ceci est prouvé aussi par le phénomène de la radiographie du dé, qui s'est réalisée grâce au médium ; il avait alors expliqué avoir soutiré de la substance fluidique du dé métallique pour former un dé fluidique sur la pointe de son doigt, c'est-à-dire sur la pointe du doigt fluidique et dédoublé du médium ; pendant que le médium en percevait le contact et la pression constante exercée sur son doigt corporel. — Après avoir fait cette remarque, en hommage à la correction théorique, je m'empresse d'ajouter que s'il y avait une contradiction dans les affirmations du « double », celui-ci en sortait toutefois honorablement ; il avoua sincèrement, en effet, ne pas connaître comment s'exerçait l'action de la pensée sur la plaque sensibilisée ; ce qui signifie que les explications fournies à cet égard ne représentent que son opinion personnelle de « double » ; pas autre chose. D'ailleurs, s'il est probable, et aussi rationnel, que dans les expériences de la « photographie de la pensée » on ne parvient jamais au phénomène de la condensation de substance ectoplasmique proprement dite, on y parvient certainement dans les phénomènes « d'idéoplastie ». Celle-ci démontre que la pensée et la volonté sont des forces prodigieuses, qui ne sont pas uniquement capables d'impressionner directement une plaque sensibilisée, ou de condenser du fluide suffisant pour rendre photographiable une image, mais sont aussi capables de plasticiser une image ; et ce qui est plus important encore, aussi de matérialiser des membres du corps, et des corps organisés ; ainsi que nous allons le démontrer dans le chapitre suivant.
Avant d'abandonner le thème de la « photographie de la pensée », il sera utile de préciser la place occupée par elle dans l'échelle des graduations phénoméniques prises par la puissance créatrice de la pensée ; ceci dans le but de tracer les limites que l'on peut théoriquement assigner aux phénomènes dont nous nous occupons.
La chose n'est guère facile, à cause du fait — que j'ai déjà discuté à fond en d'autres travaux — que les facultés super-normales subconscientes (et par conséquent, aussi le phénomène de l'objectivation de la pensée), sont des facultés de l'esprit, existant à l’état latent dans la subconscience humaine, en attendant d’émerger et de s'exercer dans un milieu expérimental après la crise de la mort. En ces conditions on devra dire que le phénomène de la photographie de la pensée apparaît comme l'un des modes multiples dans lesquels cette faculté peut émerger et s'exercer, d'une manière rudimentaire et sporadique, au cours de l'existence terrestre ; émergence qui toutefois se détermine seulement à condition que les fonctions de la vie de relation se trouvent temporairement atténuées, ou affaiblies, ou supprimées, ce qui, pour la catégorie des phénomènes qui nous occupent en ce moment, se réalise dans les conditions somnambuliques et médiumniques. Il ressort nécessairement de ces considérations, que ce que peut faire un esprit incarné peut être fait aussi par un esprit désincarné ; en d'autres termes, que le fait de l'existence de la photographie transcendantale réalisée par la pensée des vivants, implique la possibilité de l'existence d'une photographie transcendantale réalisée par la projection de la pensée des défunts. C'est-à-dire que nous retrouvons dans la catégorie des phénomènes de la « photographie transcendantale » ce que nous avons trouvé déjà dans toutes les catégories des phénomènes métapsychiques, dont il ressort — et dont il ne peut que ressortir — qu'ils sont, en partie animiques, en partie spiritiques. En effet, l'homme étant un « esprit », même s'il est incarné, doit pouvoir accomplir en vie — bien qu'imparfaitement — ce que peut accomplir un esprit désincarné, chaque fois qu'il se trouve en des conditions plus ou moins accentuées de désincarnation transitoire et partielle ; conditions qui se réalisent dans le sommeil physiologique, dans le sommeil provoqué, dans l'extase, dans les états médiumniques et au moment pré-agonique.
Il reste à éclaircir un point important : comment distinguer les cas de photographie transcendantale d'origine animique, de ceux d'origine spiritique. Cette distinction n'est pas toujours facile. Le simple fait qu'une personnalité de défunt affirme avoir projeté son image sur la plaque photographique ne peut suffire à nous donner la certitude à cet égard. Il faut par contre attribuer une plus grande valeur aux preuves d'identité que l'on obtient souvent, concurremment avec le phénomène de la photographie transcendantale d'un décédé. Dans cet ordre de preuves, l'on peut citer des cas de nature à triompher de toutes les objections. Il y a enfin une classe de cas au sujet desquels il est impossible de soulever des doutes, en ce qui concerne leur origine positivement étrangère au médium et aux assistants : ce sont les cas dans lesquels la figure qui est apparue sur la plaque est inconnue au médium et aux assistants, mais est identifiée ensuite. En ces circonstances, il est manifeste qu'il n'est plus possible de faire jouer l'hypothèse de la photographie de la pensée subconsciente des assistants, et qu'on doit en venir à l'hypothèse complémentaire de la photographie de la pensée consciente, d'un esprit désincarné. Ces faits devront donc être regardés comme d'excellentes preuves d'identification spirite.
Un fait de cette sorte se rencontre dans l'ouvrage : Frorn the other Side, de J. H. D. Miller, que j'ai cité déjà. Le voici :
"J'avais appris que dans la petite ville de Crew existait un cercle spirite dans lequel on obtenait des photographies transcendantales, et ayant dû me rendre sur le Continent pour des affaires, je décidai d'interrompre pour quelques heures mon voyage pour tenter une expérience de cette nature. Je ne connaissais aucun des membres de ce groupe d'expérimentateurs, mais je me suis présenté quand même au numéro 144 de Market Street, où j'appris que M. Hope, le médium, était chez lui. C'est un homme de petite taille, de manières aimables ; c'est un simple artisan, qui vit dans un logement sans prétentions ; ses dispositifs photographiques sont plutôt primitifs.
J'avais apporté un paquet de douze plaques photographiques, que j'avais acheté à Belfast. Nous nous assîmes autour d'une petite table : moi, M Hope, une dame dont j'ai oublié le nom, et Miss Scatcherd de Londres, qui, étant à Crew pour une conférence sur le spiritisme, était venue saluer le médium Hope. J'informai ce dernier que j'avais apporté un paquet de douze plaques photographiques : il me dit de les déposer au milieu de la table. Alors la dame dont le nom ne me revient pas chanta un hymne religieux, et puis une prière. M. Hope prit ensuite le paquet des plaques, en le tenant entre ses mains, pendant que tous nous placions nos mains sur les siennes. Après une quinzaine de secondes, un tremblement très net et très visible commença à ébranler les bras du médium, en se communiquant aux autres mains et au paquet de plaques.
Le médium, s'adressant à une entité invisible, dit : « Je t'en remercie ; cette fois nous réussirons ». Le paquet fut de nouveau replacé sur la table, et M. Hope clôtura la réunion en récitant à son tour une prière. Il me dit de mettre le paquet de plaques dans ma poche et de le suivre. Nous pénétrâmes dans le « cabinet noir », où il alluma une petite lampe rouge et me dit d'ouvrir le paquet, d'y prendre deux plaques et de les placer dans les châssis. J'exécutai, après avoir apposé ma signature sur les plaques, à l'aide de mon crayon. Nous passâmes ensuite dans une petite chambre vitrée, où était un appareil photographique, que je visitai minutieusement. Après cela, je remis les deux châssis à M Hope, qui les introduisit dans l'appareil. Je m'assis enfin devant l'objectif de la manière habituelle, pendant que M. Hope et la dame dont il a été question se plaçaient aux deux côtés de l'appareil, en tenant chacun un pan du « drap noir » durant la pose. Après celle-ci, nous rentrâmes dans le cabinet noir, où j'ôtai les plaques des châssis, en les déposant dans la cuvette pour le développement, M. Hope versait le liquide ; je m'occupais de les développer. Lorsqu'il me prévint que le bain était suffisant, j'en ôtai le liquide, et je plaçai la cuvette sous un robinet d'eau pour le lavage. Je m'aperçus alors que dans une des deux plaques était très visible une tête, à côté de la mienne. En plaçant la plaque contre la lumière, je constatai qu'il s'agissait du visage de mon fils. J'en fus profondément étonné et ému.
Durant toute l'expérience, M. Hope n'avait jamais touché aux plaques ; elles n'avaient jamais échappé un seul instant à mon regard, hormis naturellement le temps où elles restèrent dans l'appareil photographique.
C'est alors seulement que, j'ai donné mon nom et mon adresse, pour saluer ensuite les assistants et prendre congé. Quelques jours après je reçus les photos, dont une est reproduite dans ce volume...
De retour chez moi, nous avons tenu une séance avec le médium Nugent, dans laquelle se manifesta aussitôt Hardy, qui demanda : « Eh bien ! papa ; que penses-tu de la photographie ? Est-elle bien réussie ?» Je répondis : « Merveilleuse ! Explique-moi comment tu t'y es pris pour la produire ».
— Je ne puis t'expliquer la nature des pouvoirs en action — me dit-il — ne les connaissant pas : mais je puis te décrire comment les choses se sont passées. Lorsque vous avez pris place autour de la table, « Sing » (l'esprit guide) et moi nous sommes venus nous placer derrière vous. Plusieurs autres « esprits guides » spécialisés dans la production des photographies transcendantales, étaient avec nous, et le plus habile d'entre eux se tint à côté du médium, afin de rassembler et condenser les fluides soustraits à vous et à nous, en les dirigeant sur le paquet des plaques à travers les bras et les mains de Mr Hope. Tu as remarqué, en effet, le tremblement qui ébranlait les bras du médium. Lorsque les plaques furent saturées des forces extériorisées, celles-ci se renversèrent sur moi, et alors « Sing » me demanda d'objectiver une bonne reproduction de mon aspect terrestre. Les drapements que l'on aperçoit autour de mon visage sont le produit des fluides utilisés par moi pour me matérialiser d'une façon légère, mais suffisante. Quand tu as placé les plaques dans les châssis, j'ai concentré ma pensée sur mon aspect terrestre ; durant la pose, j'étais à côté de toi. Papa, si, à ce moment-là, tu t'étais retourné, tu m'aurais aperçu nettement ; mais cela aurait fait manquer l'expérience.
— Quel est donc l'effet qu'exercent les fluides sur les plaques ?
— Je ne saurais le dire exactement ; je crois que la plaque désignée devient plus sensibilisée que les autres.
— La chose me paraît rationnelle.
— Mon cher papa, au cours de nos conversations, tu n'as jamais cessé de me parler de la nécessité que je fournisse toujours de nouvelles preuves d'identification personnelle ; je suis loin de me plaindre de ces justes exigences ; mais je ne doute pas que cette dernière preuve photographique terminera définitivement tes doutes, et qu'elle constituera une conclusion excellente pour ton ouvrage.
Mon cher Hardy, il n'y a plus l'ombre d'un doute dans mon âme. Même avant la preuve photographique, j'étais entièrement convaincu ; mais la photographie sera uns preuve irréfutable pour tous ceux qui ne t'ont pas entendu parler.
Qui ne voit pas que ce cas, par suite de l'ensemble de circonstances qui le composent, toutes inexplicables par les hypothèses naturalistes, doit être regardé comme décisif dans le sens de l'interprétation spiritique des faits ?"
Cet autre épisode est intéressant au même point de vue.
R. H. Saunders, écrivain et expérimentateur très connu dans les milieux métapsychiques anglais, a envoyé au Light (1920, p. 266), le récit suivant :
"Voici un épisode exceptionnellement intéressant d'un esprit qui, au cours d'une séance de photographie transcendantale, se comporte de manière que la « forme spirituelle » que nous attendions tous avec anxiété et qui aurait dû se manifester, en a été brusquement empêchée ; elle a été remplacée par la « forme spirituelle » d'un autre parent à qui personne ne songeait ; et ceci dans l'intention précise de nous fournir la preuve qu'il ne s'agissait point de « photographie de la pensée ».
Un de mes amis, qui ne s'était jamais occupé de recherches psychiques, jusqu'à ce qu'il perdit il y a un an, une fille âgée de quinze ans, obtint par l'entremise de la table un message dans lequel sa fille décédée l'informait qu'elle allait se manifester au moyen de la photographie.
J'achetai pour mon ami un paquet de plaques Il-ford, qu'il garda jusqu'à ce qu'un nouveau message de la fille le prévint de se tenir prêt, car un médium propre à ces manifestations allait arriver à Londres. Quelques jours après, mon ami apprit que le médium Hope venait en effet dans la capitale. Il alla le voir, et prit rendez-vous pour une séance, à laquelle il se rendit avec sa femme, apportant le paquet des plaques dans sa poche. Il les déballa lui-même, les signa, les introduisit dans l'appareil photographique et les développa, sans la moindre intervention du médium. Lorsqu'on examina les négatifs, on constata que sur l'une d'elles on apercevait le visage d'un esprit ; ce négatif fut donc mis de côté pour en tirer un positif.
Ce soir-là, nous étions tous réunis autour de la table médiumnique, lorsque la fille se manifesta et transmit le message suivant : « Je m'étais placée entre papa et maman ; vous trouverez mon portrait sur la photographie ». Une autre entité se manifesta ensuite, qui transmet habituellement des messages de nature très élevée, en s'exprimant parfois en latin, ce qui nous oblige à les faire traduire. Elle dicta : « Cette fois vous avez obtenu une preuve décisive. Employez-la pour convaincre ceux qui doutent ».
Par suite de ces messages, les parents attendaient avec la plus vive impatience les épreuves de la photographie transcendantale dans laquelle ils devaient contempler la figure de leur fille. Mais lorsque les épreuves arrivèrent, ils demeurèrent profondément déçus, car au lieu des traits de leur fille adorée, ils reconnurent le visage d'un frère de l'expérimentateur, mort depuis longtemps, et au sujet duquel une communication spirite avait dit qu'il avait perdu tout intérêt aux choses terrestres.
Le soir même nous nous assîmes autour de la table, qui se comporta d'une façon complètement différente de celle habituelle. Nous demandâmes quel était l'esprit présent ; on nous répondit : « Je suis ton frère Alfred. J'ai eu la mission de te prouver que la figure apparue dans la plaque photographique n'était pas une forme de la pensée ; cela parut nécessaire, parce que vos esprits étaient préoccupés par ce soupçon ».
C'était vrai, en effet, que nous avions discuté longuement au sujet du problème troublant, que, si la pensée peut se matérialiser, comme il ressort de quelques expériences de Mme Bisson, alors dans notre cas on pouvait douter que l'on eût obtenu une photographie de la pensée, puisque nous ne pouvions pas nous empêcher de songer à la chère décédée.
La fille morte se communiqua ensuite de nouveau en transmettant le message suivant : « Ils m'avaient caché ce qu'ils avaient l'intention de faire. Je me trouvais entre vous deux ; j'étais donc sûre d'avoir été reproduite par la photographie... Ma petite mère, je suis fâchée de ce qui s'est produit ; je viens seulement d'apprendre qu'au dernier moment, mon oncle s’est placé devant moi. Ce sera pour une autre fois, et bientôt ».
Dans le fait qui précède, la circonstance la plus intéressante consiste dans le fait que la substitution de personne dans la photographie transcendantale semble due à la circonstance que les expérimentateurs avait précédemment discuté la possibilité d'expliquer par la photographie de la pensée les formes de défunts qui apparaissent sur la plaque, dans la photographie transcendantale ; les « esprits-guides » avaient alors décidé de recourir à une substitution de personne, pour dissiper les doutes des expérimentateurs. Il faut noter la circonstance de l’ « esprit-guide » qui, avant que les expérimentateurs eussent connaissance de la photographie transcendantale en question, transmit le message : « Cette fois vous avez obtenu une preuve décisive ». Ce message tend à démontrer que l'entité qui se communiquait connaissait effectivement la substitution de personne qui avait eu lieu ; sans quoi elle n'aurait point parlé de « preuve décisive » en présence d'expérimentateurs qui doutaient, au contraire, que les photographies spirites pouvaient s'expliquer par la photographie de la pensée. En ces conditions, il est clair que le message en question tend efficacement à démontrer que les faits se déroulèrent comme les esprits communicants l'ont affirmé.
Le fait suivant est relaté dans le livre de James Coates : Photographing the Invisible. Je l'extrais des Annales des Sciences Psychiques (1912, p. 218), qui en ont fait un résumé assez étendu.
"M. J. Coates raconte que le 8 octobre 1909, au cours d'une séance avec le médium à manifestations photographiques, M. Edouard Wyllie, il arriva que Miss Kate M., une jeune fille qui était présente et qui était douée de facultés de clairvoyance, s'adressa à Mme Coates en lui disant : « Je vois une femme de haute taille, brune, qui dit : « Ne me méprisez pas, Mme Coates ! » Cette dernière répondit : « Je ne méprise personne. Qui êtes-vous ? » « Ne me regardez pas avec dédain ; je suis votre ancienne domestique, Maggie ». M. et Mme Coates comprirent alors de qui il s'agissait, mais ils affirmèrent que, ni Miss Kate M... ni aucun autre des assistants ne l'avaient jamais connue.
Les choses en restèrent là, et M. et Mme Coates n'auraient pas attaché beaucoup d'importance à cet incident, si une autre circonstance importante ne s'était produite quelques jours après.
Le médium Willie, qui était américain, repartit pour les Etats-Unis, en laissant entre les mains du Rév. diacre John Duncan toutes les épreuves de toutes les photographies spirites obtenues au cours de ses différentes séances privées en Angleterre. Un jour que M. et Mme Coates étaient chez le Rév. Duncan, il commencèrent à examiner ces photographies, et ils restèrent profondément surpris en reconnaissant dans une d'elles la figure de leur domestique Maggie. Elle était apparue dans une plaque pour laquelle avait posé une certaine Miss B..., amie du diacre Duncan."
L'histoire de Maggie pouvait se résumer en quelques lignes : c'était l'histoire d'une jeune fille imprudente qui s'était rencontrée avec un homme égoïste. Elle était au service de M. et Mme Coates, lorsqu'elle dut partir par suite de l'état intéressant dans lequel elle se trouvait. Maggie était une jeune fille étourdie, mais pas mauvaise.
Les Annales publient la photographie dont il s'agit, dans laquelle le visage de l'entité spirituelle de Maggie apparaît sur la poitrine de Miss C... Les traits de l'entité spirituelle sont très nets et caractéristiques.
Je remarquerai qu'en ce cas on voit se renouveler exactement la circonstance qui a signalé le premier cas rapporté par M. et Mme Mackenzie, dans lequel l'entité qui se communique ne parvient pas à se faire photographier lorsque quelques-uns de ses familiers posent devant l'objectif, et y parvient par contre dans une autre occasion, en présence de personnes qui lui sont étrangères. Cela peut laisser supposer que l'état émotionnel qui se produit chez les esprits en présence de personnes qu'ils aiment, engendre souvent un trouble dans les conditions de milieu, en empêchant ces esprits de projeter leur image devant l'objectif photographique.
A un autre point de vue, il faut remarquer que le fait d'un sensitif qui, au cours d'expériences photographiques, aperçoit les formes d'esprits agissants, est toujours un fait théoriquement intéressant ; ne fût-ce que parce qu'il confirme ce que j'ai fait observer déjà, à savoir que, s'il est vrai que l'action de la pensée peut impressionner directement la plaque photographique sans s'objectiver devant l'appareil en forme d'image, il n'est pas moins vrai que les images objectivées de la pensée se réalisent concurremment avec les impressions directes de la pensée. Je me borne à attirer l'attention sur ce côté théorique des visions clairvoyantes des fantômes dans les expériences en question, parce que l'existence indubitable des « formes de la pensée » enlève quelque valeur à ces visions au point de vue de leur possible interprétation spirite. Je remarquerai toutefois que dans le cas dont nous venons de nous occuper, il ne pouvait évidemment pas s'agir d'une forme de la pensée, puisque l'entité spirituelle en question avait causé avec les assistants, et puisque, quelques jours après, elle s'était manifestée dans un autre milieu, en impressionnant une plaque photographique en présence de personnes qui lui étaient étrangères.
Dans l'exemple suivant, l'hypothèse de la photographie de la pensée devient plus absurde et insoutenable que jamais, étant donné que, même à distance, il n'y avait personne qui eût dans son cerveau, ou gardât sur le seuil de sa subconscience, un souvenir de l'aspect de la femme qui parut sur la plaque photographique.
Le cas est relaté dans le fascicule de juillet 1924 de la belle revue trimestrielle anglaise : Psychic Science, organe du British Collège of Psychic Science, Le directeur de l'Institut, M Hewatt Mackenzie, avait prié l'expérimentateur — M C. L. D. Kok, un riche commerçant néerlandais — de lui fournir un rapport écrit au sujet de l'incident de photographie transcendantale qui lui était arrivé en expérimentant dans les locaux du « British Collège » ; M Kok lui envoya la lettre suivante :
"Mon cher Hewatt Mackenzie,
Lorsque, au mois de novembre 1921, au cours de mes vacances annuelles, j'eus l'occasion d'assister à une séance du cercle de Crew, j'obtins sur une des plaques que j'avais apportées d'Amsterdam, l'image transcendantale d'un visage de femme que je ne reconnus pas. Comme vous pouvez voir par l'épreuve que je vous en envoie, cette photographie est très remarquable à cause de la grande auréole qui enveloppe la tête de l'entité spirituelle, de l'abondante chevelure, et de la forme nettement triangulaire du visage.
Au mois de septembre dernier (1922), j'envoyai mon fils en Angleterre, et il en profita pour faire une séance au cercle de Crew, dans les locaux du « British Collège » en obtenant à son tour sur une de ses plaques, l'impression transcendantale d'une figure de femme qu'il ne reconnut pas ; aussi ne se soucia-t-il pas de m'envoyer la photographie, que je vis pour la première fois le 21 mai (1924), lorsque j'allai vous saluer au « British Collège », avec ma belle-sœur. Dès que cette dernière vit la photographie, elle s'écria : « C'est la même entité qui est restée imprimée sur la plaque, en 1921 ! Il en était bien ainsi, comme chacun peut constater en comparant les photographies ci-jointes. Mon fils avait obtenu l'impression du même visage, répété cinq fois autour de sa figure !
Lorsque je mis Mme Mackenzie au courant de ce fait curieux et intéressant, en lui faisant remarquer combien il était regrettable de ne pas connaître qui était la femme qui s'était manifestée, d'abord à moi, puis à mon fils, votre femme me répondit : « Vous me disiez que, dans quelques purs, vous alliez avoir une séance avec Mme Cooper (le médium à « voix directe », bien connu). Si la séance tourne bien, vous pourriez demander aux personnalités qui se communiquent des renseignements sur l'entité inconnue ».
La séance avec Mme Cooper se passa splendidement, avec d'admirables lueurs médiumniques et d'excellentes « voix directes ». Je m'adressai donc à l'entité qui se communiquait, en la priant de me renseigner au sujet de la photographie obtenue ; elle me répondit ; « Le visage qui est resté imprimé sur la plaque photographique est celui de votre « esprit-guide », que nous appelons Sylvie, mais qui s'appelait sur la terre Henriette. Elle était une de vos tantes ; sœur de votre mère. Elle dit qu'elle vous aimait tendrement, pendant votre vie terrestre, bien que vous ne l'ayez vue qu'une seule fois quand vous étiez encore enfants, et qu'on vous conduisit des Indes Orientales en Hollande. Dans la maison que vous habitez, en Hollande, se trouve une photographie d'elle. Cherchez-la dans la mansarde, où elle est enfermée dans un vieux coffre. Elle est mêlée avec nombre d'autres photographies de parents et amis de votre famille ; mais vous la reconnaîtrez certainement.
Cette nuit-là, songeant à l'incident dont il s'agit, je parvins à me souvenir vaguement avoir vu une fois, au cours de mon enfance, ma tante Henriette sœur de ma mère. Je l'avais rencontrée à Amsterdam en 1880 ; je ne l'ai jamais plus vue depuis, étant resté toujours loin de la Hollande.
En rentrant chez moi, je suis monté à la mansarde, ou je trouvai le coffre dont on m'avait parlé ; il contenait, entre autres choses, un vieil album de photographies dont je me souvenais ; en le feuilletant, je remarquai aussitôt la photographie de ma tante ; j'avais en effet, gardé le souvenir que dans ce groupe photographique la tante Henriette était placée au milieu de ses deux sœurs. Je joins à cette lettre aussi la photographie en question, afin que vous soyez en mesure d'établir les comparaisons nécessaires. Remarquez les beaux yeux de ma tante, son abondante chevelure noire, sa bouche, et surtout son visage nettement triangulaire. Après tant d'années, ma tante s'était donc manifestée par la photographie transcendantale, d'abord à moi, puis, deux ans après, aussi à mon fils. L'identité entre la photographie normale et celle transcendantale est parfaite ; mais je ne saurais jurer qu'il s'agit précisément de ma tante Henriette, ne l'ayant plus vue depuis 1880 ; comme j'avais alors huit ans, je ne garde qu'un vague souvenir de son aspect. De toute manière, la photographie que je vous envoie a été faite plusieurs années avant sa mort, bien que je ne sois pas à même de fournir des dates."
Tel est le cas, très intéressant, rapporté par M. Kok. Je ferai observer que la circonstance que M. Kok déclare ne pas pouvoir jurer qu'il s'agit précisément de sa tante Henriette, prouve la louable méticulosité qu'il a employée dans sa narration, mais n'infirme nullement la valeur théorique du cas relaté. D'abord M. Kok avait précédemment affirmé avoir aussitôt reconnu l'image de la tante Henriette, parce qu'il se rappelait que, dans cette photographie elle était placée au milieu de ses deux autres sœurs. Ensuite, même si l'image en question n'avait pas été celle de la tante Henriette, elle devait être, en tout cas, l'image d'une autre de ses tantes, puisque les trois dames photographiées en un groupe étaient trois sœurs. C'est ce qu'il y a de plus important, puisque le fait théoriquement essentiel consiste en ceci : que dans la photographie transcendantale obtenue est apparue l'image d'une tante de M. Kok, décédée depuis un grand nombre d'années, ce qui fait qu'il ne se souvenait pas de son aspect, et que la même entité s'était manifestée deux ans après à son fils, qui ne la connaissait pas du tout.
La circonstance que l'entité s'était manifestée à M. Kok fils, qui ne la connaissait pas du tout, démontre d'une manière décisive qu'il ne pouvait pas s'agir de la photographie de la pensée d'un vivant. On est donc nécessairement amené à reconnaître la présence réelle sur place de l'entité spirituelle qui est restée imprimée sur la plaque sensibilisée ; ou plus précisément, on est amené à reconnaître que la forme restée gravée sur la plaque photographique était l'objectivité de, la pensée d'un défunt.
Il me reste à faire ressortir quelques circonstances qui contribuent à confirmer les conclusions que je viens d'énoncer. Remarquons, par l’exemple, que le fils avait attribué si peu de valeur à l'image de l'inconnue apparue sur la plaque, qu'il avait même négligé de l'envoyer à son père ; circonstance qui démontre ultérieurement que le fils n'avait jamais vu de portraits de la décédée. Signalons aussi le phénomène curieux de l'entité communicante qui avait imprimé cinq fois sa propre image sur la plaque sensibilisée, comme si elle se proposait d'appeler ainsi plus fortement l'attention des expérimentateurs sur cette image, afin d'éviter le danger qu'en ne la reconnaissant pas, ils la mettent de côté, sans faire aucune recherche pour l'identifier. De même, il ne faut pas négliger l'autre circonstance, que si M. Kok père a été en mesure d'identifier la personnalité spirituelle apparue sur la plaque, il l'a dû aux indications fournies dans ce but par une personnalité médiumnique, sans laquelle on n'aurait rien découvert, et ce remarquable épisode d'identification spirite aurait été perdu, comme il arrive pour la grande majorité des cas de photographies transcendantales dans lesquelles restent imprimées des figures d'inconnus. Et si l'on considère que les renseignements fournis étaient ignorés du médium et de tous les assistants et, par contre, devaient être connus de la tante décédée, cette circonstance revêt à elle seule la valeur d'une preuve d'identification spirite. Je remarque enfin que l'entité qui s'était communiquée par la « voix directe » avait déclaré que la décédée avait la mission d' « esprit-guide » du neveu vivant, ce qui expliquerait pourquoi l'entité en question s'était manifestée à lui et à son fils, bien que le premier ne l'eût presque pas connue, et qu'il l'eût, par conséquent, oubliée, tandis que l'autre ne l'avait jamais connue. La même circonstance expliquerait aussi pourquoi l'entité était présente aussi à la séance du neveu avec Mme Cooper.
Je ne citerai pas d'autres cas d'identification spirite obtenus au moyen de la « photographie transcendantale ». En effet, le problème de l'identification spirite outrepasse, pour le moment, le thème dont nous nous occupons, qui se rapporte à un problème diamétralement opposé, bien qu'il soit complémentaire du premier ; c'est-à-dire qu'une bonne partie des phénomènes de la « photographie transcendantale » prouvent que la pensée et la volonté constituent des forces « plasticisantes » et organisatrices, avec les conséquences théoriques qui en découlent.
De toute manière, il est bien de ne pas oublier les conclusions générales suivantes. Les phénomènes des apparitions télépathiques des vivants et des apparitions de fantômes de vivants (bilocations), démontrent respectivement l'existence dans l'homme d'une volonté capable de projeter son image à toutes les distances, et l'existence en lui d'un esprit indépendant du corps et qui peut se séparer du corps. Ils contribuent ainsi à prouver l'existence de l'esprit humain, et par conséquent, la validité de l'hypothèse complémentaire sur les apparitions des défunts. Or, de la même manière, le phénomène de la photographie de la pensée des vivants démontre que la pensée et la volonté sont des forces plasticisantes et organisatrices ; il contribue donc à son tour à prouver la survivance de l'esprit humain, et par conséquent, la validité de l'hypothèse complémentaire de la photographie de la pensée des défunts ; validité qui se transforme en un fait bien constaté chaque fois que le phénomène se produit en des circonstances qui excluent la possibilité de l'action de la pensée des vivants.
Nous verrons plus loin à quelles grandioses spéculations philosophiques amènent le fait d'être parvenu à démontrer expérimentalement la nature plasticisante et organisatrice de la pensée humaine.

 

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