Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


Nous ne saurions trop insister sur une question capitale : celle de l'identité des Esprits qui se communiquent au cours des expériences. Cette identité, établie de la manière la plus précise, sera la meilleure réponse aux contempteurs du spiritisme et à tous ceux qui cherchent à expliquer les phénomènes par d'autres causes que celle de l'intervention des défunts.

Voici plusieurs faits qui nous paraissent caractéristiques et appuyés sur des témoignages importants.

Le premier, rapporté par Myers dans son ouvrage sur la Conscience subliminale, concerne une personne bien connue de l'auteur, M. Brown, dont il garantit la parfaite sincérité.

Un nègre, d'origine cafre, vint en visite chez M. Brown un jour qu'il faisait des expériences spirites avec sa famille.

Le visiteur introduit, on demanda s'il y avait de ses compatriotes défunts voulant entrer en communication avec lui.

Aussitôt, la jeune fille de la maison, qui ne connaissait pas un mot de cafre, écrivit plusieurs noms en cette langue. Lus au nègre, ils provoquèrent chez lui une vive stupeur. Puis vint un message en langue cafre dont il comprit tout à fait la lecture, à l'exception d'un mot inconnu de M. Brown. En vain celui-ci le prononçait de diverses manières, le visiteur n'en saisissait pas le sens. Tout à coup, le médium écrivit : « Fais claquer ta langue. » Alors M. Brown se rappela soudain le claquement particulier de la langue qui accompagne l'articulation de la lettre t chez les Cafres, et il se fit comprendre immédiatement.

Les Cafres ignorant l'art d'écrire, M. Brown s'étonnait de recevoir un message écrit. Il lui fut répondu que ce message avait été dicté, à la demande des amis du nègre, par un de ses amis européens qui, de son vivant, parlait couramment cette langue.

L'Africain semblait terrifié à la pensée que des morts étaient là, invisibles.

Le second cas est relatif à l'apparition d'un Esprit, nommé Nephentés, dans une séance tenue à Christiania, chez le professeur E., avec Mme d'Espérance comme médium. L'Esprit donna le moulage de sa main dans la paraffine. Ce modèle en creux, porté chez un professionnel pour qu'il en fît le relief, excita sa stupéfaction et celle de ses ouvriers : ils comprenaient bien qu'une main humaine n'avait pu le produire, parce qu'elle l'aurait brisé en se retirant, et déclarèrent que c'était une oeuvre de sorcellerie.

Une autre fois, Nephentés écrivit sur le carnet du professeur E. des caractères grecs. Traduites, le lendemain, du grec ancien en langage moderne, ces paroles signifiaient : « Je suis Nephentés, ton amie. Lorsque ton âme sera oppressée par trop de douleur, invoque-moi, et j'accourrai promptement pour soulager tes peines. »

Enfin, le troisième cas est certifié authentique par M. Chedo Mijatovitch, ministre plénipotentiaire de Serbie à Londres, qui l'a communiqué en 1908 au Light. Prié par des spirites hongrois de se mettre en rapport avec un médium pour élucider un point d'histoire relatif à un ancien souverain serbe, mort vers 1350, il se rendit chez M. Vango, dont on parlait beaucoup à cette époque et qu'il n'avait jamais vu auparavant. Endormi, le médium annonça la présence de l'Esprit d'un jeune homme, très désireux de se faire entendre, mais dont il ne comprenait pas le langage. Pourtant, il finit par en reproduire quelques mots.

C'était du serbe, dont voici la traduction :

« Je te prie de vouloir écrire à ma mère Nathalie, en lui disant que j'implore son pardon. » L'Esprit était celui du roi Alexandre. M. Chedo Mijatovitch en douta d'autant moins que de nouvelles preuves d'identité s'ajoutèrent bientôt à la première : le médium fit la description du défunt, et celui-ci exprima ses regrets de n'avoir pas suivi un conseil confidentiel que lui avait donné, deux ans avant son assassinat, le diplomate consultant[1].

Les faits suivants, pour la plupart inédits, constituent autant de preuves de la survivance :

Au cours des séances que nous tenions à Tours de 1893 à 1901, et dont j'ai déjà parlé en mon ouvrage Dans l'Invisible (Spiritisme et Médiumnité)[2] à propos des phénomènes de la transe, M. Périnne, président de la Cour d'appel d'Alger, qui avait pris sa retraite dans notre ville, s'entretenait librement avec l'Esprit de son fils, Edouard Périnne, décédé à l'âge de 26 ans, juge de paix à Cherchell, le 1° novembre 1874. Un certain soir, il nous arriva chargé d'une liasse de papiers couverts de croquis à la plume, représentant des scènes humoristiques tracées par le défunt et qu'il conservait comme des reliques : « Edouard, - demanda-t-il à l'Esprit, quand celui-ci se fut incorporé en Mme F..., notre principal médium, lequel n'avait jamais connu le décédé ni mis les pieds en Algérie, - Edouard, qui était donc ce gros homme dont tu as tracé la caricature sur cette page ? Ni moi ni ta mère nous ne pouvons nous rappeler le sens de ce croquis. » On voyait sur le dessin un homme obèse, s'essayant à grimper à un poteau télégraphique. « Comment, père, répondit l'Esprit, tu ne te rappelles pas ce M. X..., si ridicule, qui, à Alger, nous fatiguait de ses propos oiseux et de ses hâbleries sur son agilité ? » Et il entra dans des détails très précis sur l'identité de ce personnage, si bien que M. et Mme Périnne se remémorèrent aussitôt la cause inspiratrice de ces dessins burlesques.

Un jour d'été, Mme F..., occupée dans son jardin avec son mari à de menus travaux, se sentit poussée par une force irrésistible à couper une superbe rose, le seul ornement d'un arbuste et dont M. F... était très fier. Celui-ci chercha en vain à la dissuader. Sous l'influence occulte, elle coupa la fleur et courut l'offrir à Mme Périnne, qui habitait dans le voisinage. Cette dame, ravie, s'écria en la voyant : « Oh, quel plaisir vous me causez en ce jour, qui est celui de ma fête ! » Mme F... ignorait ce détail.

A la séance suivante, l'Esprit d'Edouard, s'adressant à sa mère, lui dit : « N'as-tu pas compris que c'est moi qui ai poussé le médium à détacher cette fleur et à te l'offrir en souvenir de moi ? »

Lors de séances tenues à Paris, en décembre 1911, chez le capitaine P., officier d'état-major, en présence de quelques amis, parmi lesquels se trouvaient le docteur G. et M. Robert Pelletier, secrétaire de la Revue, un Esprit se manifesta comme étant Geber, savant arabe ayant vécu en Perse de 760 à 820. Pour preuve de son identité, il indiqua que la traduction de ses ouvrages était à la Bibliothèque Nationale et donna leurs titres : Summa collectionis, Compendium, Testamentum, etc.

M. Pelletier alla contrôler ses affirmations à la Bibliothèque, et elles se trouvèrent entièrement confirmées ; aucun des assistants n'avait jamais entendu parler de ce personnage. Dans le même groupe, le compositeur Francis Thomé se fit reconnaître de ses cousins en rappelant des faits ignorés des autres personnes, et dont quelques-uns n'étaient même plus présents à la mémoire de ses parents.

Le général L. G. m'écrivait en 1904 :

Je ne puis résister au désir de vous communiquer le fait suivant. Au mois de juillet dernier, ma femme était à B. chez son frère, et se livrait à des expériences de typtologie. Après diverses communications par la table, survint l'Esprit de l'amiral Lacombe, oncle de ma femme, mort en janvier 1903. Mon beau-frère, capitaine au ....° de ligne, très sceptique, interrogea : « Puisque tu es là, tu pourrais peut-être nous dire où est le bon de loterie turque qui était dans les papiers de papa ; je n'ai pu le trouver. Toi qui as réglé cette succession, comme tuteur de Marie, tu dois le savoir. »

La table répondit : « Il est chez M. L..., notaire. - Non, je le lui ai demandé ; il ne l'a pas. - Si, il est dans une chemise au nom de M. V... (banquier de mon beau-père), avec de vieux papiers, dans le bureau du premier clerc. » Mon beau-frère en reste là... Aujourd'hui, je reçois de lui une lettre m'annonçant que le billet de loterie turque a bien été trouvé à l'endroit indiqué par la table : c'est renversant, voilà le fait !

Le cas suivant publié par M. Aksakof montre jusqu'à quel point les personnes décédées peuvent continuer à être au courant des choses terrestres.

Une jeune fille russe, Schura (diminutif d'Alexandrine), s'empoisonna à l'âge de 17 ans, après avoir perdu son fiancé Michel, qui, arrêté comme révolutionnaire, perdit la vie en tentant de s'évader. Le frère de Michel, Nicolas, était, au moment où a été prise cette observation, étudiant à l'Institut Technologique. Un jour, une dame de Wiessler et sa fille (dont la première s'occupait beaucoup de spiritisme), qui ne connaissaient que très peu la famille de Michel et de Nicolas, et dont les relations avec Schura et sa famille remontaient déjà à une époque éloignée et n'ont jamais été très suivies, reçoivent par l'intermédiaire d'une table un message de Schura leur enjoignant de prévenir sans retard la famille de Nicolas que leur fils court le même danger dont avait péri son frère. En présence des hésitations de ces deux dames, Schura devient de plus en plus insistante, prononce des paroles dont elle avait l'habitude de se servir de son vivant et, pour leur fournir une preuve de son identité, va jusqu'à apparaître à Sophie un soir, la tête et les épaules encadrées d'un cercle lumineux. Ceci n'a pas encore suffi à décider Mme von Wiessler et sa fille. Enfin, un jour, Schura leur fait savoir que tout est fini, que Nicolas va être arrêté et qu'elles auront à se repentir de ne pas lui avoir obéi. Les deux dames se décident alors à porter tous ces faits à la connaissance de la famille de Nicolas, qui, très satisfaite de la conduite de ce dernier, ne prêta aucune attention à ce qu'on venait de lui raconter. Deux années se passèrent sans incidents, lorsqu'on apprit un jour que Nicolas venait d'être arrêté pour avoir pris part à des réunions révolutionnaires qui ont eu lieu à l'époque même des apparitions et des messages de Schura (Proceedings S. P. R., VI, pp. 349-359).

Le vice-amiral anglais Usborne Moore était un ami de William Stead. Depuis la catastrophe du Titanic, l'amiral est entré en communication avec son ami par l'intermédiaire de Mme Wriedt, médium. Il le raconte lui-même ainsi[3] :

« Il (W. Stead) donna trois admirables preuves d'identité - deux à Mlle Harper et une à moi. Il fit allusion au dernier entretien que nous eûmes ensemble à Bank Buildings. A cette occasion la conversation avait duré une demi-heure et roula sur différents sujets : depuis la guerre entre l'Italie et la Turquie jusqu'à la prochaine visite de son excellente amie Mme Wriedt. C'est de cela que nous parlâmes le plus, surtout de certaines conditions qu'il désirait qu'on observât. Ce fut à une de ces conditions qu'il fit surtout allusion dans cette séance du dimanche soir.

« Le lundi matin, notre ami se montra lui-même à moi sous une forme éthérée, alors que je me trouvais seul avec le médium. C'était un bon simulacre, très brillant jusqu'au milieu du corps, mais cette fois il ne parla pas. Le même soir il se montra de la même façon à plusieurs amis intimes et parla pendant plusieurs minutes sur des sujets dont on savait que son esprit était préoccupé lorsqu'il quitta l'Angleterre. »

Un autre ami de M. Stead, M. Chedo Mijatovitch, ministre plénipotentiaire de Serbie à Londres, a vu l'esprit de Stead et lui a parlé quelques instants. Là encore, l'Esprit donna des preuves formelles de son identité, en rappelant des souvenirs totalement inconnus du médium.

M. Chedo Mijatovitch en a témoigné formellement dans une lettre publiée le 8 juin dans le Light.

Le professeur Hyslop a raconté aussi[4] comment, dans une séance avec Mme Chenoweth pour médium, W. James, le célèbre philosophe américain, mort quelques mois auparavant, était venu et avait donné de nombreuses preuves d'identité, notamment en rappelant des faits que M. Hyslop seul pouvait connaître.

Le Light de Londres rapporte un cas remarquable d'identité par l'écriture médianimique. Le voici :

M. Shepard avait comme principal employé un certain M. Purday, en qui il avait toute confiance. Purday étant tombé malade, M. Shepard alla lui rendre visite. Il fut reçu par la femme, qui ne le laissa pénétrer qu'avec la plus grande répugnance auprès de son mari, et ne quitta pas un seul instant la chambre du malade, ni pendant cette visite, ni pendant les suivantes. Ceci frappa d'autant plus le visiteur, que le malade le regardait de façon particulière et semblait avoir quelque chose d'important à communiquer et en être empêché par la présence de sa femme.

Purday mourut sans testament ; sa femme hérita de sa fortune, qui, au dire des voisins, était considérable, ce qui surprit beaucoup M. Shepard.

Quelques semaines plus tard, il reçut la visite d'un M. Stafford, médium écrivain, qui lui remit une page d'écriture médianimique signée du nom de Purday. Celui-ci avouait que pendant de longues années il avait abusé de la confiance de son patron et avait fait des détournements quotidiens, dont le total constituait un capital important. Il ajoutait que, se trouvant profondément malheureux, il se résignait à cet aveu, que sa femme lui avait empêché de faire avant sa mort.

Les détails qu'il donnait permirent à M. Shepard de contrôler ses affirmations. En outre, ayant soumis cette communication et un spécimen de l'écriture de Purday vivant à un expert, celui-ci conclut à l'identité commune des deux pièces[5]

Le 3 avril 1890, à 10 heures du matin, Mrs. d'Espérance se trouvait dans son bureau, à Gothembourg (Suède), occupée à écrire plusieurs lettres d'affaires. Elle avait daté une feuille de papier et tracé l'en-tête, puis s'était arrêtée pour se renseigner sur l'orthographe d'un nom.

Lorsqu'elle remit les yeux sur la feuille, elle s'aperçut que sa plume ou sa main avait écrit spontanément et à grands caractères les mots « Svens Stromberg ».

Deux mois après, M. Alexandre Aksakof, le professeur Boutlerof, d'autres amis russes et M. Fidler vinrent trouver Mme d'Espérance pour étudier les meilleurs moyens de photographier des fantômes matérialisés.

Dans une séance, son esprit-guide, Walter, écrivit : « Il y a ici un Esprit disant s'appeler « Stromberg ». Il désirerait que ses parents fussent informés de sa mort. Il me semble qu'il a dit être mort dans le Wisconsin le 13 mars et être né à Jemtland. Il avait une femme et six enfants. »

« S'il est mort à Jemtland, dit M. Fidler, qu'il nous donne l'adresse de sa femme ! »

Il fut répondu : « Non, il est mort en Amérique, et ce sont ses parents qui vivent à Jemtland. »

Le jour suivant, au cours d'une séance de photographie, une plaque développée laissa apparaître, derrière Mme d'Espérance, une tête d'homme à l'aspect placide.

M. Fidler demanda à « Walter » quelle était cette entité photographiée. « Oui - répondit Walter - c'est ce Stromberg dont je t'ai parlé. Je dois même te dire qu'il n'est pas mort dans le Wisconsin, mais à New-Stockolm, et que la date de sa mort est le 31 mars et non le 13. Ses parents habitaient Strom Stocking, ou un nom de ce genre, dans la province de Jemtland. Il a dit, me semble-t-il, qu'il émigra en 1886, qu'il se maria et eut trois fils et non six. Il mourut aimé et pleuré de tous. »

« C'est bien, répliqua M. Fidler. Dois-je envoyer sa photographie à sa veuve ? »

« Tu n'as pas encore bien compris, répondit Walter. J'ai dit que ce sont les parents à Jemtland qui ignorent sa mort, et non sa femme. Il m'a dit que tout le monde le connaît dans le pays ; j'imagine que, si tu envoies la photographie à Jemtland, tu atteindras le but. »

Pendant un an M. Fidler s'occupa de vérifier ces renseignements. Voici ce qu'il obtint : Svens Ersson, natif de Strom Stocken (paroisse de Strom), dans la province de Jemtland, en Suède, s'était marié avec Sarah Kaiser, avait émigré au Canada et, une fois établi, avait pris le nom de Stromberg ; cette dernière circonstance est assez commune parmi les paysans de la Suède, dont les familles ne portent pas de noms qui leur soient propres.

On consulta la femme du défunt, le médecin qui l'avait soigné et le pasteur.

Tous étaient d'accord pour dire que le 31 mars 1890, jour de sa mort, Stromberg, en dictant ses dernières volontés, avait exprimé le désir formel que ses parents et amis de Suède fussent informés de son décès.

Pour des raisons trop longues à énumérer, ses dernières volontés ne furent pas exécutées.

La photographie de Svens Stromberg fut aussi identifiée. Elle avait été envoyée à Strom, où elle fut accrochée à la sacristie, avec invitation aux personnes qui la reconnaîtraient d'y apposer leur signature. Elle fut renvoyée avec de nombreuses signatures et beaucoup de commentaires.

Il reste acquis que soixante heures après sa mort, survenue dans le nord du Canada, Svens Stromberg écrivit son nom sur une feuille de papier dans la ville de Gothembourg, en Suède, et que tous les renseignements qu'il a communiqués par l'intermédiaire de « Walter » étaient de la plus parfaite exactitude.


[1] Voir, pour ces trois cas, les Annales des sciences psychiques, 1° et 16 janvier 1910, p. 7 et suiv.

[2] P. 323 et suiv.

[3] Lettre du 9 mai 1912 publiée dans Light.

[4] Journal of the American Society P. R. (mai).

[5] Revue scientifique et morale du spiritisme, février 1905.

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