Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec

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XIII. - LES EPREUVES ET LA MORT.


Le but de l'existence étant fixé, plus haut que la fortune, plus haut que le bonheur, toute une révolution se produit dans nos vues. L'univers est une arène où l'âme lutte pour son élévation ; elle l'obtient par ses travaux, par ses sacrifices, par ses souffrances. La souffrance, soit physique, soit morale, est un des éléments nécessaires de l'évolution, un puissant moyen de développement et de progrès. Elle nous apprend à nous mieux connaître, à dominer nos passions et à mieux aimer les autres. Ce que l'être doit chercher dans sa course, c'est à la fois la science et l'amour. Plus on sait, plus on aime, plus on s'élève. La souffrance nous oblige à étudier, pour les combattre et pour les vaincre, les causes qui la font naître, et la connaissance de ces causes éveille en nous une sympathie plus vive pour ceux qui souffrent.

La douleur est la purification suprême, l'école où s'apprennent la patience, la résignation, tous les austères devoirs. C'est la fournaise où fond l'égoïsme, où se dissout l'orgueil. Parfois, aux heures sombres, l'âme éprouvée se révolte, renie Dieu et sa justice ; puis, quand la tourmente est passée et qu'elle s'examine, elle voit que ce mal apparent était un bien ; elle reconnaît que la douleur l'a rendue meilleure, plus accessible à la pitié, plus secourable aux malheureux.

Tous les maux de la vie concourent à notre perfectionnement. Par l'humiliation, les infirmités, les revers, lentement, le mieux se dégage du pire. C'est pourquoi il y a ici-bas plus de souffrance que de joie. L'épreuve trempe les caractères, affine les sentiments, dompte les âmes fougueuses ou altières.

La douleur physique a aussi son utilité. Elle dénoue chimiquement les liens qui enchaînent l'esprit à la chair ; elle le dégage des fluides grossiers qui l'enveloppent, même après la mort, et le retiennent dans les régions inférieures[1].

Ne maudissons pas la douleur ; elle seule nous arrache à l'indifférence, à la volupté. Elle sculpte notre âme, lui donne sa forme la plus pure, sa plus parfaite beauté.

L'épreuve est un remède infaillible à notre inexpérience. La Providence procède envers nous comme une mère prévoyante envers son enfant indocile. Quand nous résistons à ses appels, quand nous refusons de suivre ses avis, elle nous laisse subir déceptions et revers, sachant que l'adversité est la meilleure école où s'apprenne la sagesse.

Tel est le destin du plus grand nombre ici-bas. Sous un ciel parfois sillonné d'éclairs, il faut suivre le chemin ardu, les pieds déchirés par les pierres et les ronces. Un esprit vêtu de noir guide nos pas : c'est la douleur, douleur sainte que nous devons bénir, car elle seule, en secouant notre être, le dégage des vains hochets dont il aime à se parer, le rend apte à sentir ce qui est vraiment noble et beau.

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Ces enseignements font perdre à la mort, tout caractère effrayant ; elle n'est plus qu'une transformation nécessaire, un renouvellement. En réalité, rien ne meurt. La mort n'est qu'apparente. La forme extérieure seule change ; le principe de la vie, l'âme, demeure en son unité permanente, indestructible. Elle se retrouve au-delà du tombeau, elle et son corps fluidique, dans la plénitude de ses facultés, avec toutes les acquisitions : lumières, aspirations, vertus, puissances, dont elle s'est enrichie durant ses existences terrestres. Voilà les biens impérissables dont parle l'Évangile, lorsqu'il dit : « Ni les vers ni la rouille ne les rongent, et les voleurs ne les dérobent point. » Ce sont les seules richesses qu'il nous soit possible d'emporter avec nous, d'utiliser dans la vie à venir.

La mort et la réincarnation, qui la suit dans un temps donné, sont deux formes essentielles du progrès. En rompant les habitudes étroites que nous avions contractées, elles nous replacent dans des milieux différents ; elles donnent à nos pensées un nouvel essor ; elles nous obligent à adapter notre esprit aux mille faces de l'ordre social et universel.

Lorsque le soir de la vie est venu, lorsque notre existence, semblable à la page d'un livre, va se tourner pour faire place à une page blanche, à une page nouvelle, le sage passe en revue ses actes. Heureux celui qui, à cette heure, peut se dire : Mes jours ont été bien remplis ! Heureux celui qui a accepté avec résignation, supporté avec courage ses épreuves ! Celles-ci, en déchirant son âme, ont laissé s'épancher au-dehors tout ce qu'il y avait en elle d'amertume et de fiel. Repassant dans sa pensée cette vie difficile le sage bénira les souffrances endurées. Sa conscience étant en paix, il verra sans crainte s'approcher l'instant du départ.

Disons adieu aux théories qui font de la mort le prélude du néant ou de châtiments sans fin. Adieu, sombres fantômes de la théologie, dogmes effrayants, sentences inexorables, supplices infernaux ! Place à l'espérance ! Place à l'éternelle vie ! Ce ne sont pas d'obscures ténèbres, c'est une lumière éblouissante qui sort des tombeaux.

Avez-vous vu le papillon aux ailes diaprées dépouiller l'informe chrysalide où s'est enfermée la chenille répugnante ? Avez-vous vu l'insecte qui, jadis, rampait sur le sol, maintenant libre, affranchi, voltiger dans l'air ensoleillé, au milieu du parfum des fleurs ? Il n'est pas de plus fidèle image du phénomène de la mort. L'homme aussi est une chrysalide, que la mort décompose. Le corps humain, vêtement de chair, dépouille misérable, retourne au laboratoire de la nature ; mais l'esprit, après avoir accompli son oeuvre, s'élance vers une vie plus haute, vers cette vie spirituelle qui succède à l'existence corporelle, comme le jour succède à la nuit, et sépare chacune de nos incarnations.

Pénétrés de ces vues, nous ne redouterons plus la mort. Comme nos pères, les Gaulois, nous oserons la regarder en face, sans terreur. Plus de craintes ni de larmes, plus d'appareils sinistres ni de chants lugubres. Nos funérailles deviendront une fête, par laquelle nous célébrerons la délivrance de l'âme, son retour à la véritable patrie.

La mort est la grande révélatrice. Aux heures d'épreuves, quand il fait sombre autour de nous, parfois nous nous sommes demandé : Pourquoi suis-je né ? Pourquoi ne suis-je pas demeuré dans la profonde nuit, là où l'on ne sent pas, où l'on ne souffre pas, où l'on dort de l'éternel sommeil ? Et, à ces heures de doute, d'angoisse, de détresse, une voix montait jusqu'à nous, et cette voix disait :

Souffre pour t'agrandir et pour t'épurer ! Sache que ta destinée est grande. Cette froide terre ne sera pas ton sépulcre. Les mondes qui brillent au front des cieux sont tes demeures à venir, l'héritage que Dieu te réserve. Tu es pour jamais citoyen de l'univers ; tu appartiens aux siècles futurs comme aux siècles passés, et, à l'heure présente, tu prépares ton élévation. Supporte donc avec calme les maux par toi-même choisis. Sème dans la douleur et dans les larmes le grain qui lèvera dans tes prochaines vies ; sème aussi pour les autres, comme d'autres ont semé pour toi ! Esprit immortel, avance d'un pas ferme dans le sentier escarpé vers les hauteurs d'où l'avenir t'apparaîtra sans voile. L'ascension est rude, et la sueur inondera souvent ton visage ; mais, du sommet, tu verras poindre la grande lumière, tu verras briller à l'horizon le soleil de vérité et de justice !

La voix qui nous parle ainsi est celle des morts, celle des âmes aimées qui nous ont devancés au pays de la véritable vie. Bien loin de dormir sous la pierre, elles veillent sur nous. Du fond de l'invisible, elles nous regardent et nous sourient. Adorable et divin mystère ! elles communiquent avec nous. Elles nous disent : Plus de doutes stériles ; travaillez et aimez. Un jour, votre tâche remplie, la mort nous réunira !


[1]     Cette action explique, dans certains cas, les courtes existences des enfants morts en bas âge. Ces âmes ont pu acquérir sur terre le savoir et la vertu nécessaires pour monter plus haut. Un reste de matérialité arrêtant encore leur essor, elles reviennent achever par la souffrance leur complète épuration.

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