Le Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec


CHAPITRE PREMIER
DES PHÉNOMÈNES DE MATÉRIALISATION


Insuffisance, au point de vue des faits, de l'hypothèse hallucinatoire émise par le Dr Hartmann

La ressemblance entre la théorie de D'Assier et celle du Dr Hartmann saute aux yeux. La «personnalité mesmérique » du premier n'est autre chose que la « conscience somnambule » du dernier ; l'hypéresthésie (surexcitation) de la mémoire, la transmission des pensées, la clairvoyance, tels sont les points qui leur sont communs. Pour ce qui est de la connaissance du sujet traité et du développement systématique de la théorie, l'ouvrage de D'Assier ne peut évidemment pas être comparé au livre de M. Hartmann ; par contre, l'hypothèse de D'Assier possède un avantage indiscutable sur celle de M. Hartmann, celui d'admettre la réalité objective et indépendante, fût-ce temporellement, de la personnalité mesmérique ou fluidique ; cela lui permet de donner une explication assez plausible de toute cette série de phénomènes, dits mystiques, pour lesquels la théorie de M. Hartmann ne suffit plus.
Il était facile de trouver une réponse à l'opinion de M. D'Assier, que « les fantômes évoqués par le médium ne sont autre chose que des hallucinations, même lorsqu'ils revêtent une forme optique (p. 191) ». Ce n'était qu'une erreur de logique de sa part, car, du moment où il admettait la réalité du fantôme fluidique et le fait visible et tangible de son « dédoublement », il ne pouvait plus, logiquement, parler d'hallucination. Il en est autrement pour la théorie du Dr Hartmann, qui nie l'existence de l'être humain fluidique, comme l'appelle M. D'Assier. Il admet bien le fait de l'apparition, mais lui refuse une réalité objective. Cette réalité doit être démontrée autrement que par la voie des perceptions des sens de l'homme, lesquels sont toujours sujets à des illusions.
C'est précisément par ce côté que je commencerai mon étude critique des opinions du Dr Hartmann, attendu que nous divergeons complètement sur ce point, et, en outre, parce que de tous les problèmes du spiritisme, c'est celui qui se prête le mieux à la vérification au moyen d'expériences physiques, même dans l'état actuel de la question.
Or j'affirme que les phénomènes qu'en spiritisme on désigne habituellement sous le nom de « matérialisations », ne sont pas des hallucinations, des « produits de la fantaisie, privés de tout élément les rendant perceptibles aux sens », comme le représente le Dr Hartmann, se basant sur les faits dont il a eu connaissance ; j'avance que ces phénomènes sont des productions douées d'une certaine matérialité passagère, ou bien, pour employer l'expression du Dr Hartmann, possédant des éléments qui les rendent perceptibles aux sens. Le Dr Hartmann semble disposé à admettre cette réalité, à la condition qu'on fournisse à l'appui des preuves suffisantes, lesquelles, dit-il, peuvent être fournies seulement par la photographie, et à la stricte condition que le médium et l'apparition soient photographiés simultanément.
Dans sa « conclusion », M. Hartmann est encore plus explicite et entre dans des détails que je trouve utile de citer :
« Une question du plus haut intérêt au point de vue théorique, c'est de savoir si un médium a la faculté non seulement de provoquer l'hallucination visuelle d'une forme chez une autre personne, mais encore de produire cette forme comme quelque chose de réel, quoique consistant en une matière raréfiée, dans le lieu objectivement réel, où se trouvent réunis tous les expérimentateurs, et ceci, en dégageant préalablement de son propre organisme la matière nécessaire pour former l'image. Si les limites inaccessibles de la sphère d'action d'un médium étaient connues, la réalité objective des phénomènes de matérialisation aurait pu être établie au moyen de procédés mécaniques à effet durable, obtenus au delà de la sphère d'action du médium. Mais, du moment que ce n'est pas ici le cas et que les images matérialisées ne franchissent jamais les limites de la sphère d'action physique du médium, il ne reste, paraît-il, que la démonstration photographique, pour prouver que l'image matérialisée possède, dans l'espace objectivement réel, une surface capable de refléter la lumière.
« La condition indispensable d'une pareille preuve photographique, c'est, à mon avis, que ni un photographe de profession ni le médium ne soient admis à approcher de l'appareil, de la chambre noire ou de la plaque, afin d'écarter tout soupçon, soit d'une préparation antérieure de la chambre noire ou de la plaque (non encore recouverte de collodion), soit d'une manipulation ultérieure quelconque. A ma connaissance, ces mesures de prudence ne sont pas encore observées ; en tout cas, on n’en fait pas mention dans les comptes rendus, ce qui prouve que les expérimentateurs n'en ont pas encore reconnu l'importance. Et cependant, sans l'observation de ces mesures, les négatifs sur lesquels apparaissent en même temps et le médium et l'image ne fournissent pas la moindre preuve ; il va de soi que les épreuves positives tirées sur papier, voire les reproductions mécaniques faites d'après ces plaques, peuvent encore moins servir de témoignage convaincant. Seul, un chercheur, inspirant une confiance absolue, qui apporterait à la séance ses propres appareils et fournitures et qui opérerait en personne, pourrait obtenir une solution positive et convaincante de cet experimentum crucis ; aussi devrait-on toujours, autant que possible, chercher à avoir le concours de pareilles personnes à toute séance de matérialisation. »
A cet égard, je ne puis m'empêcher de remarquer que ces précautions auront beau être strictement observées, jamais on n'arrivera à écarter toute espèce de doute, car la valeur de l'expérience dépendra toujours de l'ascendant moral de l'expérimentateur, qui ne s'étend généralement que sur le nombre limité de personnes qui le connaissent bien. On ne peut pas tracer de limites aux conjectures ou aux soupçons. Ces expériences acquerraient toute leur portée alors seulement que les phénomènes médiumniques seraient plus répandus et par conséquent mieux appréciés qu'ils ne le sont actuellement. Ce qui se passe à présent dans le domaine de l'hypnotisme peut nous servir d'exemple.

Matérialisation d'objets échappant à la perception par les sens. Photographie transcendantale
Il y a deux genres de matérialisations : il y a d'abord la matérialisation invisible à l'œil, et ne présentant qu'un seul attribut physique, accessible à notre contrôle : il consiste en l'émission de rayons lumineux, qui ne produisent aucune action sur notre rétine, mais agissent sur la plaque sensible d'un appareil photographique ; pour les résultats ainsi obtenus je propose l’expression : photographie transcendantale.
Il y a, d'un autre côté, la matérialisation visible, qui est accompagnée des effets physiques propres au corps humain.
Je crois que si nous réussissons à établir la réalité de la première forme de matérialisation, nous aurons acquis des arguments solides pour admettre l'existence de la matérialisation visible.
En effet, si l'on établit le fait d'une formation médiumnique extra-corporelle, c'est-à-dire de la formation de quelque chose, en dehors du corps du médium, bien qu'imperceptible à l'œil humain, mais possédant certains attributs d'une existence réelle, alors le fait de la matérialisation visible et palpable se réduira à une question de degré de matérialité.
C'est pourquoi j'attache une si grande importance aux expériences photographiques faites par M. Beattie, à Bristol, en 1872 et 1873. Ces expériences ont été poursuivies dans des conditions qui répondent amplement à celles exigées par le Dr Hartmann.
J'ai personnellement connu M. Beattie, et c'est de ses mains que je tiens la collection de photographies dont je vais parler plus loin et dont une partie se trouve représentée dans les seize phototypies qui accompagnent le présent ouvrage. Il avait été lui-même un photographe de profession, mais il avait cessé de l'être à l'époque où il fit les expériences en question.
Nous possédons quatre documents se rapportant à ces expériences : une première lettre de M. Beattie, publiée dans le British Journal of Photography, numéro du 28 juin 1872, et dans le Photographic News, de Londres ; elle fut reproduite dans le Médium du 5 juillet 1872 ; une deuxième lettre de M. Beattie, la plus détaillée, parut dans le Spiritualist, Londres, le 15 juillet 1872 ; une troisième lettre de M. Beattie, publiée dans le British Journal of Photography du 22 août 1873 et reproduite dans le Spiritual Magazine de novembre 1873, ainsi que dans le Medium du 29 août 1873 ; enfin, le témoignage d'un tiers, le docteur Thompson, qui prit part à ces expériences ; ce témoignage, en forme de lettre, a été publié dans le journal Human Nature à Londres, 1874, page 390.
Pour commencer, faisons une enquête sur le caractère de M. Beattie, pour savoir s'il peut répondre à cette condition stipulée par le docteur Hartmann « que l'expérimentateur soit une personne d'une réputation irréprochable ».
Voici les renseignements donnés sur son compte par M. Taylor, éditeur du British Journal of Photography, dans le numéro de ce journal du 12 juillet 1873, renseignements que je reproduis d'après le Spiritual Magazine (1873, p. 374). « Tous ceux qui connaissent M. Beattie témoigneront volontiers que c'est un photographe intelligent et instruit ; c'est un des hommes les plus difficiles à induire en erreur, du moins dans les choses touchant la photographie, et un homme incapable de tromper les autres ; c'est cependant cet homme qui vient nous affirmer, sur la foi d'expériences faites soit par lui-même, soit en sa présence, des faits qui, a moins de leur refuser toute signification, démontrent qu'après tout, il y a quelque chose dans la « spirito-photographie » ; que du moins des figures et objets invisibles pour les personnes présentes dans la pièce, et qui n'étaient pas produits par l'opérateur, se sont développés sur la plaque, avec la même netteté, et parfois plus nettement que les personnes placées en face de l'appareil. »
Le journal avait une telle confiance en M. Beattie qu'il n'hésita pas à publier les deux lettres dans lesquelles il donne la description de ses étonnantes expériences.
La première lettre de M. Beattie fut encore reproduite dans un autre journal spécial, le Photographic News, avec cette remarque de la rédaction : « M. Beattie, comme nombre de nos lecteurs le savent, est un photographe-portraitiste extrêmement expérimenté, de plus, un gentleman dont personne ne penserait à mettre en doute la sincérité, la probité ni le talent. S'intéressant à la question du spiritisme et dégoûté de l'évidente supercherie des photographies spirites qu'il avait eu l'occasion de voir, il avait résolu de faire personnellement des recherches sur cette question.
Son récit donne le résultat de ces expériences. Il faut noter que dans le cas présent les expériences étaient conduites par des opérateurs honnêtes, experts dans tout ce qui touche la photographie, et qui les avaient entreprises dans l'unique but de s'en rendre personnellement compte ; donc, toute cause d'erreur était soigneusement écartée. Ils obtinrent un résultat absolument inattendu : les images obtenues ne ressemblaient en rien aux revenants si laborieusement reproduits sur les photographies frauduleuses. Pour ce qui est de la source ou de l'origine de ces images, nous ne pouvons offrir aucune explication ni théorie. » (Citation du Médium, 1872, p. 137).
Mais écoutons M. Beattie lui-même. Voici la première moitié de sa lettre adressée au British Journal of photography, contenant la description, des préparatifs et du commencement des expériences :
« Pendant de longues années, j'ai eu l'occasion d'observer de près les étranges phénomènes, qui, à peu d'exceptions près, n'étaient pas considérés dans le monde savant comme dignes d'être l'objet d'une investigation ; actuellement l'existence de ces faits s'impose à une impartiale et minutieuse vérification. Il y a peu de temps, M. W. Crookes a démontré que, sous certaines conditions, il se manifeste une force mécanique, que ce savant désigne comme « nouvelle », et à laquelle il a donné une dénomination à part.
Si la théorie de « l'unité des forces » est exacte, en obtenant une force quelconque, on doit obtenir aussi bien toute autre force ; s'il est vrai encore que le mouvement instantanément suspendu, se transforme en calorique, en lumière, en action chimique, et vice versa, alors dans la force découverte et démontrée par M. W. Crookes nous trouvons en même temps une source de force électrique et chimique.
Je ne suis pas de l'avis de ceux qui supposent que tout changement n’est que le résultat d'une force, mais non d'un but. Je suis, par conséquent, forcé d'adjoindre un élément raisonnable à la conception de la force — la force comme telle n'a pas une existence indépendante du principe intelligent. Les expériences que je vais décrire ne sont peut-être pas nouvelles, mais les résultats obtenus (je n'ajoute pas : s'ils sont exacts, car je sais qu'ils le sont) prouvent beaucoup de choses, notamment que, dans les conditions données, il se produit une force invisible, possédant la faculté de susciter une puissante action chimique ; ce n'est pas tout: cette énergie est régie par une intelligence autre que celle des personnes présentes, attendu que les images évoquées ne pouvaient être le résultat de la pensée de ces personnes.
Sans autre préambule, je vais procéder à la description de ces expériences.
J'ai un ami à Londres, qui me montra, un jour qu'il était chez moi, ce qu'on appelait des « photographies spirites ». Je lui dis de suite qu'elles ne l'étaient pas, et je lui expliquai de quelle manière elles étaient obtenues. Mais, voyant que beaucoup de personnes croyaient à la possibilité de ces choses, je dis à mon ami que j'étais prêt à faire quelques expériences avec un bon « médium » que je connaissais : M. Butland. Après quelques pourparlers, celui-ci consentit à consacrer un certain temps à ces expériences. Je m'arrangeai ensuite avec M. Josty (photographe à Bristol) pour faire les expériences dans son atelier, à partir de six heures du soir, et je m'assurai la participation du docteur Thompson et de M. Tommy, en qualité de témoins. Je faisais toutes les manipulations moi-même, sauf de découvrir l'objectif, opération réservée à M. Josty.

 

La chambre obscure, munie d'un objectif Ross, était construite de façon à ce que l'on pût obtenir trois épreuves négatives sur la même plaque. On voilait le jour, pour pouvoir prolonger la pose jusqu'à quatre minutes. Le fond était semblable à celui que l'on emploie ordinairement, de couleur brun foncé, et touchait le mur. Le médium lui tournait le dos ; il était assis et avait une petite table devant lui. Le Dr Thompson et M. Tommy étaient assis d'un côté, à la même table, tandis que je me tenais vis-à-vis, durant la pose. »

Les figures 5, 6, 7, 8 sont prises d'après les photographies transcendantales de M. Beattie

 

La description des expériences mêmes est très sommaire dans cette lettre ; je citerai pour cela la lettre de M. Beattie au journal Spiritualist.
« A la première séance, on fit neuf poses sans résultat. A la seconde séance, qui eut lieu une semaine après, nous obtînmes un résultat à la neuvième pose. Si nous n'avions rien obtenu, nous avions décidé d'abandonner les expériences. Mais en développant la dernière plaque, nous vîmes immédiatement apparaître une image, ayant une vague ressemblance avec une forme humaine. Après maintes discussions, nous décidâmes que le résultat obtenu ne pouvait être attribué à aucun des accidents si fréquents en photographie. Nous fûmes donc encouragés à poursuivre les expériences. Je ferai observer que M. Josty raillait jusqu'à l'idée même de faire ces expériences ; cependant le résultat obtenu à la deuxième séance le fit réfléchir.
A la troisième séance, la première plaque ne donna rien. Sur la deuxième plaque, chacune des trois poses produisit un résultat ; après les deux premières, un buste lumineux, tenant les bras élevés et croisés ; à la troisième pose apparut la même image, mais allongée. Devant cette figure et au-dessus d'elle se trouvait une étrange forme recourbée, dont la position et la dimension changèrent à chaque nouvelle pose pour la même plaque. Après chaque pose successive, l'image se rapprochait de plus en plus de la figure humaine, tandis que la forme qui se trouvait au-dessus d'elle se transformait en étoile. Cette évolution continua durant les poses suivantes, après quoi l'étoile prit la forme d'une tête humaine.
Nous étions à l'une des poses de cette série, et M. Josty était assis sur une chaise auprès de l'appareil, pour ouvrir l'objectif, lorsque, tout à coup, nous entendîmes l'obturateur tomber de ses mains ; nous nous aperçûmes qu'il était plongé dans une profonde transe.
Au moment de revenir à lui, il manifestait une grande émotion. Un peu calmé, il dit qu'il ne se souvenait que d'avoir vu devant nous une forme humaine blanche, qui lui semblait être sa femme. Il nous pria d'envoyer de suite prendre de ses nouvelles.
Après cet incident, M. Josty paraissait en proie à une terreur superstitieuse et hésitait de toucher à la chambre obscure ou au châssis ; il ne riait plus.
A la quatrième séance, les résultats obtenus furent encore plus étonnants. Nous obtînmes tout d'abord l'image d'un cône, d'une longueur d'environ 2 millimètres, et, au-dessus, un autre cône plus court ; à la deuxième pose, ces cônes projettent un rayonnement vers les côtés ; à la troisième, le grand cône prend la forme d'une bouteille florentine, et le petit cône celle d'une étoile ; à la quatrième pose apparaissent les mêmes images et, en plus, un double de l'étoile. A la cinquième pose chacune de ces images paraît comme traversée par un fil de magnésium allumé, l'étoile ressemble à un oiseau lumineux volant, la fiole est comme tombée en éclats ; c'est comme une explosion de lumière. (Voyez ph. 1, 2, 3, 4.)
A la cinquième séance, nous eûmes dix-huit poses, sans le moindre résultat. La journée était très humide.
A la sixième séance, le samedi 15 juin, nous avons obtenu des résultats très étranges, de nature physique aussi bien que spirite. Je les décrirai aussi exactement que possible. Douze poses ne donnèrent aucun résultat. Ensuite MM. Butland et Josty tombèrent dans une transe (sommeil léthargique). M. Josty n'a pu complètement sortir de cet état léthargique durant tout le reste de la soirée ; il répétait à part soi : « Qu'est-ce donc ?... Je ne me trouve pas bien... Il me semble que je suis lié. » Il était évidemment dans l'état de demi-transe. A la pose suivante, il a été chargé d'ouvrir l'objectif ; ce qu'ayant fait, il s'approcha rapidement et se plaça derrière nous, ce qui nous étonna. Quand le temps nécessaire fut écoulé, il courut vers l'appareil et ferma l'objectif ; sur cette plaque, une image blanche avait paru devant lui. De la personne de M. Josty on ne voyait que la tête.
Jusqu'à présent, il se refuse à croire qu'il s'est levé et s'est placé devant l'appareil ; évidemment il avait agi dans un état de transe.

 

A l'expérience suivante, M. Josty était avec nous, et c'est le docteur Thompson qui était à l'objectif. Pendant la pose. M. Josty dit : « Je vois un nuage, pareil à un brouillard de Londres. » Au déplacement de la plaque pour la deuxième pose, il dit encore : « A présent, je ne vois rien, tout est blanc. » Et il étendit les mains pour s'assurer que nous étions-la. Au moment du déplacement de la plaque pour la troisième pose, il a déclaré qu'il voyait de nouveau le brouillard.
M. Butland, de son côté, dit qu'il voyait une image. Je ferai observer que ces observations étaient faites pendant la pose. Dès que je plongeai la plaque dans le révélateur, j'obtins un résultat excessivement étrange, je dirai : inconcevable. La première partie de la plaque représentait un brouillard diaphane, uni ; les figures, sur cette plaque, étaient soit invisibles, soit neutralisées ; donc, simultanément, un effet était annulé, un autre était produit. Sur la partie suivante de la plaque, la nébulosité était devenue complètement opaque ; sur la troisième on voyait un léger voile et une figure comme l'avait vue M. Butland.

La septième séance, comprenant seize poses, ne donna qu'un résultat : une sorte d'image, rappelant la forme d'un dragon ; je n'ai pas compris ce qu'elle représentait.
Cette séance fut suivie d'une série de séances intéressantes, au cours desquelles on obtint des plaques marquées d'étranges tâches lumineuses, qui furent, chaque fois, décrites en détail par les deux médiums, pendant la pose, quant à leur nombre, leur disposition et leur intensité.
Il y eut encore une dernière séance le 22 juin, à laquelle assistait M. John Jones, de Londres.
M. Josty souffrait d'un mal de tête violent et M. Butland était fatigué par ses travaux quotidiens. On fit vingt et une poses qui ne donnèrent que trois résultats : une fois une tâche lumineuse, et deux fois une espèce de faisceau ou de fagot, régulièrement massé, avec une ligne nettement tracée devant et des rayons lumineux derrière.
Dans ce compte rendu, j'ai donné, autant qu'il m'a été possible, une esquisse de nos expériences ; pendant leur durée, il s'est produit maintes choses qu'il fallait voir et entendre. Ces expériences furent faites pour notre satisfaction personnelle. Toutes les précautions avaient été prises pour écarter une intervention étrangère. Nous opérions attentivement et consciencieusement. Les résultats obtenus nous auraient satisfaits, même si nous n'avions rien obtenu de plus.
Je joins une série de ces photographies. Je suis persuadé que vous reconnaîtrez de suite leur grande importance au point de vue scientifique. Supposons qu'au lieu de ces images nous eussions reçu des portraits ; dans ce cas, quelque grande que fût notre propre satisfaction, les personnes étrangères auraient-elles autrement accueilli nos expériences et aurions-nous eu plus de chance d'être cru ?
Autant les photographies du même genre, que nous avons vues jusqu'à présent, dénotaient clairement de quelle manière elles avaient été faites, autant, je l'espère, vous vous apercevrez immédiatement, après un minutieux examen, que ces images dans leur ensemble portent en elles les preuves de leur étrange et extraordinaire origine. Au cours de toutes ces expériences, nous recevions, par l'intermédiaire de la table, des indications exactes touchant la lumière, l'ouverture et la fermeture de l'objectif. Je faisais moi-même le travail photographique. Les images ressortaient immédiatement bien avant les images normales, et ceci démontre l'énergie particulière de la force qui se produisait. »
Les courts témoignages de M. Tommy, qui assistait à ces expériences, et de M. Jones, qui avait pris part à l'une des séances, sont publiés par le Médium du 5 juillet 1872.
Dans sa troisième lettre, reproduite par le journal photographique en 1873, M. Beattie, après une intéressante notice préliminaire, raconte une nouvelle série d'expériences qu'il a faites cette année avec le concours des mêmes personnes. Les résultats furent, en général, semblables à ceux obtenus précédemment ; quant à ceux qui présentaient des particularités remarquables, j'en parlerai plus loin à leur place.
Je vais citer ici la lettre du docteur Thompson, dont il a été question plus haut, lettre qu'il avait écrite sur la demande d'un collaborateur du journal Human Nature, en 1874, à une époque, par conséquent, où il était encore sous la fraîche impression des phénomènes observés.
En dehors du fait que la communication de M. Thompson est très détaillée et qu'elle complète la description de M. Beattie par divers détails intéressants, elle a une valeur particulière, dans ce cas spécial, comme étant le témoignage d'une personne étrangère qui a assisté à toutes ces remarquables expériences, d'autant plus que M. Thompson est un distingué photographe amateur ; c'est pour cette raison que je cite cette communication in extenso :
« Lorsqu'il y a deux ans, le public commença à s'intéresser à la photographie spirite, mon ami, M. Beattie, m'a prié de le seconder dans quelques expériences dont le but était d’établir la réalité de ce fait, attendu que tous les cas observés jusqu'à ce jour par lui trahissaient avec plus ou moins d'évidence des supercheries.
Nous entreprîmes ces expériences uniquement pour notre propre édification ; nous nous intéressions tous les deux au spiritisme, en général, et plus particulièrement à cette question spéciale ; chacun de nous s'était occupé de la photographie pendant prés de trente années, — M. Beattie, lorsqu'il était le photographe principal de Bristol, et moi comme amateur.
Un ami commun, grâce au médiumisme duquel nous avions souvent été témoins de différents phénomènes de transes et sur la probité duquel nous pouvions pleinement compter, s'est obligeamment mis à notre disposition. Nous commençâmes nos expériences à la mi-juin 1872 en nous réunissant une fois par semaine, à six heures du soir (heure qui nous était imposée par les occupations personnelles du médium). Nous employâmes un objectif de Ross, avec foyer de six pouces ; la chambre noire était de celles qu'on emploie ordinairement pour la photographie format visite, avec châssis construit de manière à pouvoir obtenir trois épreuves sur la même plaque. Le bain d'argent était préparé dans un vase en porcelaine. Le fond était pareil à ceux qu’on emploie ordinairement, en toile, montée sur un châssis et d'une couleur entre le brun et le gris. Nous commencions chaque séance en nous plaçant autour d'une petite table, laquelle nous indiquait par des mouvements de quelle façon nous devions opérer. En suivant ces instructions, M. Beattie s'occupait de la préparation et du développement de la plupart des plaques, tandis que je veillais à la pose, dont la durée était également indiquée par les mouvements de la table, autour de laquelle étaient assis tous les expérimentateurs, sauf moi.
On sortait les plaques des bains préparés d'avance sans observer aucun ordre particulier. Je crois important de mentionner ce fait, car il permet de récuser une grande partie des objections, sinon toutes, tendant à mettre en doute l'authenticité de ces photographies. En dehors des précautions prises pour le choix des plaques, nous avions recours à d'autres mesures ; le médium ne quittait pas la table, à moins qu'il lui fût enjoint d'assister au développement de cette façon, — en supposant même que les plaques eussent été préparées d'avance, — il devenait absolument impossible de savoir quelle serait l'image qu'on obtiendrait sur la plaque ; néanmoins, le médium nous décrivait ces images jusqu'en leurs moindres détails.
Nos séances ne duraient habituellement pas plus de deux heures. A la première séance, nous fîmes neuf poses sans rien obtenir d'inusité.
Nous nous réunîmes la semaine suivante, et, après huit poses, également infructueuses, nous décidâmes de cesser les expériences si la neuvième ne donnait pas un résultat favorable. Mais, dès que nous procédâmes au développement de la neuvième plaque, nous vîmes instantanément apparaître une forme étrange, assez semblable à une figure penchée. Lorsque nous nous réunîmes pour la troisième fois, la première plaque ne présenta rien de particulier (en général à presque toutes les séances ultérieures les premières poses ne donnèrent aucun résultat). Sur la deuxième plaque apparut une figure remarquable qui ressemblait à la partie supérieure d'un corps féminin. La même image, mais plus allongée, parut également sur la troisième plaque. Dans la suite, au lieu de la forme de la tête, nous obtînmes des images se rapprochant plus ou moins de la forme d'une étoile. Au commencement de notre séance suivante ; nous subîmes d'abord douze échecs, mais, lorsque les manifestations commencèrent, nous trouvâmes que les images avaient changé et qu'elles avaient pris la forme de cônes ou de bouteilles qui étaient de plus en plus lumineuses vers le centre. Ces cônes lumineux apparaissaient invariablement sur le front ou sur la face du médium, et ils étaient généralement accompagnés d'une tâche lumineuse qui se trouvait au-dessus de sa tête. Dans un cas, il y avait deux étoiles de ce genre, dont l'une était moins brillante et était en partie masquée par l'autre. Ces images, à leur tour, cédaient la place à d'autres : les cônes et les étoiles se transformaient en images rappelant des oiseaux aux ailes déployées, tandis que les bords primitivement lumineux des figures se confondaient graduellement avec le fond.
A la séance suivante, vingt et une poses ne donnèrent aucun résultat ; c'est pendant cette soirée que, pour la première fois, le médium commença à parler en transe et à nous décrire ce qu'il avait vu, alors que les plaques étaient encore dans le cabinet ; ses descriptions se trouvaient être exactement conformes aux images reçues ultérieurement. Une fois il s'écria : « Je suis entouré d'un brouillard épais et ne puis rien voir. » Au développement de la plaque, utilisée à ce moment, on n'aperçut rien ; toute la surface était voilée,. Ensuite, il décrivit une figure humaine entourée d'un nuage ; en développant la plaque, nous pûmes distinguer une image faible mais très nette rappelant une forme féminine. A une autre occasion, l'année précédente, lorsque j'étais assis à la table, le médium fit la description d'une figure de femme qui se serait tenue près de moi et dont l'esquisse sommaire parut assez nettement au développement. Depuis ce temps, les apparitions furent presque toutes décrites par le médium pendant la pose et dans chaque cas avec la même précision. L'an dernier, ces manifestations devinrent plus variées dans la forme que les précédentes ; une des plus curieuses manifestations fut une étoile lumineuse de la grandeur d'une pièce de 3 pence en argent, dans le milieu de laquelle se trouvait un buste encadré dans une sorte de médaillon dont les bords étaient nettement tracés en noir, ainsi que le médium l'avait décrit.
Au cours de cette séance, il attira tout à coup notre attention sur une lumière vive et nous la montra ; il s'étonnait que personne de nous ne la vît. Quand la plaque fut développée, il s'y trouvait une tâche lumineuse et le doigt du médium qui l'indiquait. Tous ceux qui ont étudié la série entière de ces photographies ont remarqué que la plupart des images obtenues présentent, pour ainsi dire, un développement successif en commençant par une petite surface lumineuse qui s'agrandit graduellement, elles changent de contours, et la dernière phase de changement consiste en la fusion de deux images primitivement indépendantes.
M. Beattie nous faisait fréquemment observer la rapidité avec laquelle ces images apparaissaient au développement, tandis que les images normales n'apparaissaient que bien plus tard. La même particularité a été remarquée par d'autres personnes qui s'occupaient de semblables expériences et nous ont signalé ce fait.
Il arrivait souvent qu'à la fin de la séance, alors que le jour avait considérablement baissé, nous ne remarquions sur les plaques soumises au développement rien d'autre que les empreintes de ces formations lumineuses qui avaient été invisibles à nos yeux. Ce fait démontre que la force lumineuse agissant sur la plaque, bien que sans effet sur notre rétine, était considérable ; nous opérions par le fait dans les ténèbres, car la lumière visible, reflétée par les objets se trouvant clans la chambre, ne pouvait produire aucune action sur la couche sensible.
Cette circonstance m'a suggéré l'idée d'essayer si le rayon ultra violet du spectre avait une influence quelconque sur ces formations ; dans ce but je proposai d'exposer un morceau de papier imprégné d'une substance fluorescente dans la direction où le médium disait voir les lumières. A cet effet, je pris une feuille de papier buvard, j'en imprégnai la moitié d'une solution de quinine, laissant l'autre moitié intacte pour mieux voir quel effet produirait la présence de la quinine. Je fus, à mon regret, empêché d'assister à la séance où cette expérience se fit. Ce fut notre dernière expérience, mais M. Beattie exposa le papier, d'après mes indications, sans toutefois obtenir aucun résultat. »
Comme on en peut juger par les documents précédents, M. Beattie avait réuni, pour ces expériences, un petit groupe d'amis, composé au total de cinq personnes parmi lesquelles se trouvait un médium, M. Butland ; il est essentiel de faire remarquer que ce n'était pas un médium à effets physiques et à matérialisation, mais un transe médium (comme nous le voyons dans la lettre plus détaillée de M. Beattie, publiée par le Spiritualist du 15 juillet 1872) ; je le répète, il s'agit donc d'un médium chez lequel de pareils phénomènes ne se produisent pas généralement, et M. Beattie n'avait par conséquent, en l'invitant, aucune chance de succès ; il ne pouvait faire aucune supposition sur le genre de phénomènes qui se produiraient les résultats obtenus furent donc relativement faibles et assez vagues.
Mais M. Beattie, vivant à Bristol, n'avait pas grand choix et M. Butland étant son ami intime, il pouvait compter sur son obligeance, ce qui n'était pas à négliger dans la circonstance, puisque ce ne fut qu'à la dix-huitième pose que l'on obtint un résultat.
Ces expériences n'ont pas échappé à l'attention du docteur Hartmann, et il en fait mention à la page 46. Il les range sous la qualification « d'apparitions lumineuses », qu'il attribue à des « vibrations d'éther d'une réfrangibilité supérieure ». Mais les mots « apparitions lumineuses » sont assez vagues à la page 49, le docteur Hartmann en parle encore, en ces termes :
« Les apparitions lumineuses médiumniques, dit-il, présentent aussi des formes déterminées, mais ce sont plutôt,(?"?) des formes cristallines ou bien inorganiques, par exemple des croix, des étoiles, un champ lumineux avec des tâches plus brillantes, qui ont plus de ressemblance avec les figures électriques formées de fines poussières ou avec les figures du son (figures Chladni), qu'avec des formes organiques. »
M. Hartmann n'a pas vu les photographies de M. Beattie, et il ne prête aucune attention à celles des paroles de M. Beattie qui ne s'accordent pas avec son explication et dans lesquelles il est question de figures humaines. Mais, à présent que nos lecteurs peuvent se faire une idée de ces photographies, d'après les phototypies qui sont publiées à la suite de cet ouvrage, il devient clair pour chacun que dans les photographies en question, nous ne nous trouvons pas en présence de « formes cristallines ou non organiques », mais que nous voyons, au contraire, des apparitions qui tendent à prendre une forme organique, la forme humaine.
Ce qui est à remarquer, c'est que dans les premières planches (pl. I et II) la formation des images a deux centres de développement ; nous voyons deux corps lumineux : l'un se formait à la région de la tête du médium, l'autre à la région de la poitrine. Sur la première planche, on voit le médium assis au milieu, nous faisant face ; à droite, c'est M. Beattie lui-même ; à gauche, MM. Thompson et Tommy. Sur la planche II, on remarque une série de formations qu'on serait tenté de comparer à une formation vertébrale. Sur les planches III et IV, la réunion (les images est pour ainsi dire consommée, et nous voyons des figures qui ne peuvent être comparées à autres choses qu'à des formes humaines.
En outre, M. Beattie parle d'une séance à laquelle « trois poses consécutives ont donné des bustes lumineux avec les bras croisés ». (Ps Stud. V. p. 339.) De même ses autres expressions telles que « développement d'une figure humaine complète » (ibid.), « image lumineuse portant sur un côté » (voyez p. 14), « figure ombrée avec cheveux longs, étendant la main » (Ps. Stud. 1881, pp. 256-257), ne laissent aucun doute sur ce point. M. Thompson parle aussi de figures humaines se produisant fréquemment.
D'après tout cela, nous pouvons conclure que nous nous trouvons en présence, non de simples « apparitions lumineuses », mais de productions d'une certaine matière, invisible à notre œil et qui est ou lumineuse par elle-même, ou qui reflète sur la plaque photographique les rayons de lumière à l'action desquels notre rétine est insensible. Qu'il s'agit ici d'une certaine matière, cela est prouvé par ce fait, qu'elle est tantôt si peu compacte que les formes des personnes assises et la table se voient, et que tantôt elle est si dense qu'elle couvre l'image des assistants ; l’apparition des images humaines à travers la formation de matière est visible sur la planche IV, figures 14 et 15 ; elle est encore plus visible sur les photographies originales.
En même temps, cette matière est incontestablement douée d'une telle énergie photo-chimique que ses impressions apparaissent avant toutes les autres images, avant même les figures normales dont il faut attendre pendant un temps plus long le développement.
Parmi les expériences de M. Beattie, il y en a une qui établit d'une manière absolue l'impossibilité de définir le résultat obtenu par les mots « apparitions lumineuses », car la forme apparue est noire. Je reproduis ici les propres paroles de M Beattie :
« Après divers échecs, je préparai la dernière plaque pour cette soirée. Il était déjà 7 h. 45. Lorsque tout fut prêt, le médium nous déclara qu'il voyait sur le fond de derrière une figure de vieillard qui étendait la main. Un autre médium, qui était aussi présent, dit qu'il apercevait une figure claire. Chacun des deux médiums fit la description de la pose dans laquelle il voyait le fantôme. Ces figures apparurent en effet sur la plaque, mais faiblement, de sorte que le tirage ne réussit pas. Je les reproduisis en positif transparent, et ensuite en négatif très fort, et alors je pus en faire le tirage. Vous pouvez voir quel étrange résultat j'obtins. La figure plus noire semble représenter un personnage du XVIe siècle ; on dirait qu'il a une côte de maille et de longs cheveux. La figure claire est effacée ; elle ne paraît, en réalité, qu'en image négative. » (Ps. Stud., 1881, p. 257.)
Mais ce n'est pas tout. Ces expériences ont donné un autre résultat, qui est remarquable. Les images dont nous avons parlé jusqu'à présent, et qui ont été reproduites sur nos phototypies, peuvent être considérées comme spontanées ou originales. Il y en a eu d'autres, que l'on pourrait désigner comme artificielles. Ainsi, M. Beattie les assimile tantôt à « une couronne, ornée de pointes ayant la forme de glaives », tantôt à « un soleil brillant, au milieu duquel on voit une tête ». Dans sa troisième lettre, il fait la description suivante de cette dernière expérience :
« L'expérience suivante, la dernière, bien qu'absolument unique par ses résultats, peut être décrite en quelques mots : à la première pose de cette série on obtint une étoile à la deuxième pose, cette même étoile, mais agrandie et à la troisième, cette étoile était transformée en un soleil de dimensions considérables, un peu transparent d'après la description donnée par le médium, la main plongée dans ce soleil ressent une chaleur égale à celle de la vapeur montant d'une chaudière. A la quatrième pose, le médium voit un soleil superbe, dont le centre est transparent et montre le profil d'une tête « semblable à celles que l'on voit sur les shillings. » Après développement, toutes ces descriptions se trouvèrent être exactes. (Ps. Stud., 1881, p. 257.)
J'ai en ma possession la série complète de ces photographies. Sur la première, on aperçoit, au-dessus de la tête du médium, un corps lumineux de la grosseur d'un petit pois ; sur la deuxième épreuve, il a triplé de volume et présente le contour d'une croix ébauchée, grande d'un centimètre et demi, on voit la main du médium s'avançant vers ce corps lumineux ; sur la troisième photographie, l'image a pris une forme ovale, du même volume, à fond uni, garnie tout autour de protubérances ; sur la quatrième photographie, la figure ovale est plus régulière encore et ressemble à un cadre, de forme ovale, composé de courtes dentelures lumineuses, et ayant 1/2 centimètre en largeur sur 2 centimètres de longueur à l'intérieur du cadre se dessine, dans un ton plus foncé, le profil d'une tête « comme sur un shilling », longue de 1 centimètre.
M. Beattie arrive aux conclusions générales suivantes :
« Mes expériences ont démontré qu'il existe dans la nature un fluide ou un éther, qui se condense dans certaines conditions, et qui, dans cet état, devient visible aux personnes sensitives ; qu'en touchant la surface d'une plaque sensible, la vibration de ce fluide ou de cet éther est tellement active qu'elle produit une puissante réaction chimique, comme en peut produire seulement le soleil en pleine force. Mes expériences prouvent qu'il existe des personnes dont le système nerveux est de nature à provoquer (dans le sens physique) ces manifestations ; qu'en la présence de ces personnes, il se forme des images ayant une réalité, et qu'elles dénotent l'existence d'une force intelligente invisible. Mais, dans les pages de votre journal, cette question doit rester sur un terrain purement physique. Le fait est qu'en photographiant un groupe de personnes, nous obtenions sur la plaque des tâches nébuleuses présentant un caractère déterminé, et permettant de juger de la longueur, de la largeur et de l'épaisseur des formes ainsi photographiées ; ces formes ont leur propre lumière et ne jettent aucune ombre ; elles dénotent l'existence d'un but ; elles peuvent facilement être imitées, mais il est douteux que quelqu'un se les fut imaginées.[1]»
A la fin de sa lettre publiée dans le Spiritualist, M. Beattie arrive aux mêmes conclusions et ajoute : « Cette substance est saisie par des êtres intelligents invisibles et moulée par eux eu diverses formes, comme la terre glaise par l'artiste ; quelles qu'elles soient, ces formes, placées devant l'objectif, peuvent être photographiées ; les personnes dont la rétine est assez sensible pour percevoir ces formes en donnent la description exacte avant qu'elles soient rendues visibles à l'œil ordinaire par le développement de la plaque. »
Laissons, en attendant, de côté la question des « êtres intelligents invisibles », car c'est matière à discussion ; arrêtons-nous en ce moment au fait irrécusable, démontré par les expériences photographiques, à savoir que, sous certaines conditions médiumniques, il se produit des formations matérielles, invisibles à l'œil ordinaire, qui établissent l'existence d'une force intelligente, agissant dans un but préconçu, et qu’il y a évidemment développement progressif d'un type déterminé.
Il faut remarquer que ce fait est établi par une double preuve : d'un côté, le phénomène, au moment de sa production, est vu et décrit par les personnes sensitives du cercle expérimentateur ; d'un autre côté, la photographie donne une preuve matérielle de la réalité des phénomènes observés et confirme la justesse des descriptions faites par ces personnes. M. Hartmann ne le nie pas (p. 57). Nous possédons, par conséquent, la démonstration exigée par M. Hartmann, qui veut que la plaque photographique reçoive simultanément et le médium et l'apparition. Si les expériences photographiques n'avaient pas donné ce résultat, M. Hartmann aurait pu ranger ces visions du médium dans le domaine des hallucinations, comme il le fait sans hésiter dans toute autre occasion. Voici, par exemple, les termes qu'il aurait certainement appliqués aux expériences de M. Beattie, si elles n'étaient pas accompagnées de photographies : « Lorsque le médium a cette illusion, qu'un nuage se dégage du creux de son estomac et prend la forme d'un esprit, le spectateur fasciné aura la même illusion. » Du moment que nous possédons maintenant la preuve photographique (par les expériences de M. Beattie), que nous ne sommes pas en présence d'hallucinations, nous avons acquis un fait de la plus haute importance ; nous en parlerons en son temps. Il est utile également de faire observer que ce même fait démontre que le résultat obtenu sur la plaque photographique ne peut pas être uniquement attribué à l'action « d'un système de forces linéaires », émanant du médium (hypothèse par laquelle M. Hartmann explique les empreintes de corps organiques) et n'agissant que sur la surface de la plaque ; on est obligé d'admettre dans ces cas que des objets réels ont produit les résultats photographiques en question.
Très remarquable, aussi, cette conclusion de M. Beattie, que nous avons ici à faire à une matière invisible, artificiellement façonnée ; la même conclusion avait déjà été déduite de nombreuses observations sur les phénomènes de la matérialisation visible, et cependant cette matérialisation visible, d'abord, des figures humaines et, ensuite, du corps entier, commençait seulement à être connue, lorsqu'en 1872 M. Beattie arriva aux mêmes conclusions dont nous aurons encore à parler et dont nous pèserons la valeur.
M. Beattie n'a pas été le seul à vouloir vérifier en personne, avec le concours d'un cercle d'intimes, les nouvelles sensationnelles venant d'Amérique, au sujet de la photographie spiritique. Dans les journaux anglais de 1872 et 1873 (Médium, Spiritual Magazine et Spiritualist) on trouve de nombreux rapports sur de semblables expériences faites par des particuliers dans le but de se rendre compte de ces phénomènes de leurs propres yeux. Les premières photographies de ce genre ont été obtenues par M. Guppy, auteur du livre Mary Jane, dont nous avons parlé dans notre aperçu historique de la littérature spirite. Dans ce cas, le médium était Mme Guppy[2] . De semblables expériences ont été faites par M. Reeves, qui n'avait même aucune idée de l'art photographique quand il commença. Il a également obtenu des images d'objets inanimés et de figures humaines (Spirit. Mag., 1872, pp. 266 et 409) ; ce journal fait mention de cinquante et une photographies de ce genre. Citons encore les expériences de M. Parkes, sur lesquelles d'intéressants détails sont publiés par le Human Nature (1874, pp. 145-157), ainsi que dans le Spiritualist (1875, t. VI, pp 162-165, et t. VII, pp. 282-285) ; de M. Russell, qui a fait des expériences avec des personnes de sa famille, aussi bien qu'avec des médiums de profession, dans sa maison (Spirit. Mag., 1872, p. 407) ; de M. Slater, opticien de Londres, dont les sujets étaient également des membres de sa famille ; il faisait lui-même toutes les manipulations ; on trouve sa communication dans le Médium de 1872, p. 239 et suivantes. Nous aurons encore à parler de lui plus tard. Enfin, mentionnons M. Williams, maître ès droit, docteur en philosophie, sur les expériences duquel M. Wallace s'exprime dans les termes suivants:
« Une confirmation non moins probante a été obtenue par un autre amateur, M. Williams, après des tentatives qui durèrent un an et demi. L'année dernière, il a eu la chance d'obtenir trois photographies, dont chacune avec une partie de figure humaine, à côté de la personne qui posait ; une seule de ces figures avait les traits du visage nettement reproduits. Plus tard, M. Williams obtint encore une photographie sur laquelle se trouvait une forme d'homme bien nette, à côté de la personne exposée ; cependant, après les bains, cette image disparut du négatif. M. Williams me certifie par écrit que ces expériences excluaient toute fraude et toute supposition que ces images eussent été obtenues par un procédé quelconque connu[3]. » Nous ne devons pas non plus passer sous silence l'expérience personnelle de M. Taylor, rédacteur du British journal of Photography. Le témoignage de M. Taylor étant celui d'un homme qui non seulement se tenait à l'écart de toutes occupations touchant au spiritisme, mais qui avait même traité la photographie spirite d'imposture honteuse ; nous reproduisons ici textuellement sa communication. Il se rendit chez M. Hudson, photographe de profession à Londres, qui prétendait produire aussi des photographies spirites. M. Taylor fit toutes les manipulations lui-même et obtint des résultats absolument concluants.
Laissons-lui la parole :
« La réalité du fait une fois reconnue, on se trouve en face de cette question: Comment ces images se produisent-elles sur la plaque recouverte de collodion ? La première idée est de les attribuer à une double pose, arrangée par le photographe M. Hudson. Mais cette explication rencontre un démenti immédiat: la présence de M. Hudson n'est aucunement indispensable à la réussite de l'expérience ; nous devons à la vérité de dire que son cabinet noir était à notre entière disposition toutes les fois que nous nous trouvions dans son atelier pour faire les expériences en question. Nous employions notre collodion et nos plaques, pendant toute la durée de la préparation, de la pose et du développement, M. Hudson se tenait à une distance de 10 pieds de l'appareil.
Il est certain que sur plusieurs plaques nous obtînmes des images sortant de l'ordinaire. Quelle que soit leur origine, — nous laissons cette question de côté, pour le moment, — une chose paraît évidente : c'est que le photographe lui-même n'y est pour rien. De même, la supposition que le résultat produit était dû à des plaques qui avaient servi antérieurement n'est pas acceptable dans ce cas, les plaques étant toutes neuves, achetées dans la maison Rouch et Cie, quelques heures avant l'expérience d'ailleurs, elles étaient tout le temps sous nos yeux ; le paquet lui-même n'était ouvert qu'au commencement de la séance[4] . »
C'est à la même époque que se rapportent les expériences que M. Reimers faisait dans un cercle intime ; toutes les manipulations étaient faites par lui-même ; les résultats obtenus étaient parfaitement d'accord avec les visions sensitives du médium, aussi bien qu'avec les observations faites par M. Reimers aux séances de matérialisation, au cours desquelles apparaissait la même image que sur les photographies[5].
Je puis encore mentionner des expériences pareilles faites par M. Damiani, à Naples. Voici sa communication : « Un jeune photographe allemand fut tellement frappé à la vue de ma collection de photographies spirites, qu'il me proposa de faire quelques expériences sur la terrasse de ma maison si je me chargeais d'inviter un médium à accepter sa proposition. Vers le milieu d'octobre, j'avais six médiums se mettant à la disposition du photographe : la baronne Cerapica, le major Vigilante, le chanoine Fiore et trois dames encore. Sur la première plaque apparut une colonne de lumière sur la deuxième, un globe lumineux surmontant la tête de l'une des dames médium ; sur la troisième, le même globe, avec une tâche dans le centre ; sur la quatrième plaque cette tâche était plus accentuée sur la cinquième et dernière, on peut distinguer une ébauche hardie de tête au centre d'une tâche lumineuse. » (Spiritualist, 3 décembre, 1875.) Il est facile de voir dans ces expériences les mêmes signes caractéristiques que ceux qui se sont produits aux séances de M. Beattie.
Je ne puis évidemment entrer dans les détails de toutes les expériences que j'ai mentionnées. Cela demanderait un volume, Les expériences de M. Beattie nous suffisent, car elles mettent entre nos mains les documents nécessaires, et, de plus, les conditions dans lesquelles ces recherches ont été faites répondent aux exigences de la plus sévère critique. Nous le répétons, ces expériences n'ont eu d'autre but que celui de servir à la conviction personnelle d'un homme éclairé, chercheur studieux, qui était, en outre, un photographe distingué. Il n'a tiré aucun bénéfice matériel de ses expériences ; les photographies spirites obtenues par lui n'ont jamais été mises en vente du reste, elles n'ont été reproduites qu'à un nombre restreint d'exemplaires, pour être distribuées aux amis de la cause ; elles sont conservées, nous l'espérons, dans les dossiers des journaux de photographie auxquels ces épreuves sont parvenues en même temps que ses articles. Il n'est donc pas étonnant que ces photographies soient peu connues, en général, et à présent probablement oubliées, car toute l'attention s'est naturellement portée sur les phénomènes de matérialisation visible.
Me trouvant à Londres, en 1873, je me rendis à Bristol dans le but déterminé de faire la connaissance de M. Beattie. Il m'a obligeamment donné trente-deux photographies de sa collection. Pour étudier cette question sérieusement, il sérail utile de reproduire en phototypie la série entière des expériences de M. Beattie, dans l'ordre chronologique. Lui-même dit : « Ces photographies, pour être bien comprises, demandent à être étudiées dans leurs séries consécutives, car c'est précisément leur évolution qui est remarquable. »
Je ne possède pas, à mon regret, la collection complète : j'ai omis de numéroter les exemplaires qui m'ont été remis par M. Beattie, suivant ses indications. A présent, il est trop tard, car M. Beattie n'est plus de ce monde. J'ai donc fait la sélection de seize photographies que j'ai rangées suivant l'ordre de leur série, d'après la description qu'en donnent les articles. J'ajouterai qu'à mon avis, un ordre strictement chronologique n'est pas d'une nécessité rigoureuse, attendu que les diverses phases de l'évolution ne suivent pas, d'une manière absolue, la marche du temps, comme nous pouvons en juger d'après les comptes rendus : elles sont, pour beaucoup, assujetties aux conditions plus ou moins favorables qui accompagnent chaque expérience,
Je me suis étendu sur les expériences photographiques de M. Beattie parce que je considère que les résultats qu'il a obtenus sont la base fondamentale de tout le domaine phénoménal de la matérialisation médiumnique, en général, et de la photographie transcendantale, en particulier, qui va nous offrir des développements bien autrement significatifs.
L'ensemble des photographies de M. Beattie prouve que, pendant les phénomènes médiumniques, il se produit non seulement des phénomènes intellectuels, d'un ordre particulier, — ce que la critique veut bien admettre, généralement, — mais qu'il se produit aussi des phénomènes matériels, dans le sens strict du mot, c'est-à-dire des phénomènes de production d'une certaine matière, prenant diverses formes, ce qui est le point essentiel de la question ; cette matière se présente tout d'abord sous la forme d'une vapeur nébuleuse, lumineuse, unicolore, se condensant peu à peu, et prenant des contours plus définis, — comme cela a été observé et signalé par de nombreuses personnes sensitives ou clairvoyantes, notamment par les médiums de M. Beattie. En son dernier développement, cette matière se présente, dans ces expériences, sous des formes qu'on doit nécessairement appeler des formes humaines, quoiqu'elles ne soient pas encore parfaitement définies. Nous aurons la preuve, dans les développements ultérieurs de ce phénomène, démontré par la photographie transcendantale, que nous nous trouvons réellement en présence de formes humaines. Mais je ne dois pas oublier, en répondant à M. Hartmann, que je dois observer les conditions difficiles et sévères, — à vrai dire parfaitement rationnelles, — qu'il a imposées comme garantie de l'authenticité du phénomène dont il s'agit.
Heureusement nous pourrons procéder plus loin dans les conditions requises, qui seront tout aussi concluantes que celles des expériences de M. Beatlie.
Comme degré intermédiaire entre une forme humaine mal définie et une autre parfaitement définie, se présente la matérialisation définie d'un organe humain quelconque. Nous savons que les phénomènes de matérialisation visibles consistaient, — au début du mouvement spiritique, — dans l'apparition momentanée de mains humaines, visibles, palpables et provoquant des déplacements d'objets. M. Hartmann range ce phénomène dans le domaine des hallucinations. Mais nous voyons sur la planche V la photographie d'une main, — invisible pour les assistants, — obtenue par le Dr N. Wagner, professeur de zoologie à l'université de Saint-Pétersbourg. Je reproduis ici un extrait d'un article que ce savant a publié dans le Novoïé Vremia (Nouveau Temps) du 5 février 1886, sous ce titre : « La théorie et la réalité » ; cet article parut, précisément, à l'occasion de la publication d'une traduction russe du livre de M. Hartmann sur le spiritisme :
« Puisque M. Hartmann demande des preuves objectives du phénomène de la matérialisation des formes humaines, je suppose qu'il est opportun de publier les résultats d'une expérience que j'ai faite dans le but d'obtenir, par voie photographique, la preuve d'un phénomène de ce genre.
Je fis cette expérience il y a cinq ans. A cette époque, je me préoccupais de trouver une confirmation de ma théorie des phénomènes hypnotiques, exposée par moi dans trois lectures publiques. Je supposais que l'individualité psychique, se dégageant du sujet hypnotisé, peut prendre une forme, invisible pour l'expérimentateur, mais réelle en elle-même, et que la plaque photographique peut reproduire, car elle constitue un appareil bien plus sensible aux phénomènes de la lumière que notre œil. Je ne parlerai pas de toute la série d'expériences infructueuses que je fis dans ce but ; je ne raconterai qu'une seule expérience, qui eut lieu au mois de janvier 1881 et qui a donné des résultats absolument inattendus.
Mme E. D. de Pribitkof, à la complaisance de laquelle je suis redevable de la plus grande partie de mes observations médiumniques, m'a servi de sujet pour cette expérience. La veille, j'avais préparé sept plaques photographiques enduites de l'émulsion au collodion. La chambre noire que j'emploie est celle de Warnerke, construite par Dolmeyer ; elle est stéréoscopique, et je l'ai choisie telle pour que les doubles images se contrôlent les unes par les autres et pour qu'on puisse reconnaître les tâches accidentelles qui peuvent apparaître sur la plaque au développement du négatif. Cette chambre noire est de dimensions plus grandes que celles en usage chez les photographes de Russie pour cette raison, chaque, fois que j'ai besoin de nouvelles plaques, je dois les commander au photographe ou au vitrier ; elles sont coupées dans une feuille de verre entière, qui n'a jamais servi aux manipulations photographiques.
Par le procédé psychographique nous apprîmes que l'expérience devait être faite dans la matinée, combien de plaques nous devions exposer, enfin, que sur la troisième plaque se produirait une image médiumnique. Outre Mme de Pribitkof, j'avais invité encore un sujet hypnotique, un élève d'un gymnase de Saint-Pétersbourg, avec lequel j'avais fait des expériences d'hypnotisme fort bien réussies ; je le destinais à remplacer Mme de Pribitkof au cas où cette dame donnerait des marques de fatigue ou de quelque désordre nerveux. J'avais également invité une personne que je connaissais intimement et avec laquelle je faisais souvent des expériences d'hypnotisme, M. M. P. de Guédéonoff ; sa présence était nécessaire pour endormir le médium. Le dernier des assistants était mon vieux camarade d'école, M. W. S. de Jacoby, qui s'occupe de photographie. Tous mes invités arrivèrent à l'heure indiquée, midi, et nous ouvrîmes immédiatement la séance. Nous nous enfermâmes dans une grande chambre de mon logis, ayant deux fenêtres et une porte.
Le médium fut placé en face de l'une des fenêtres, et M. de Guédéonoff, au moyen de simples passes, la plongea bientôt dans un sommeil hypnotique. Nous avions exprimé le désir que, par le moyen de frappements, il nous fût indiqué quand il serait temps d'ouvrir l'objectif et de finir l'exposition. Nous n'eûmes pas longtemps à attendre : trois coups très forts retentirent dans le plancher et, après une exposition qui dura deux minutes, des coups frappés de la même façon nous avertirent qu'il était temps de fermer l'objectif.
Sur les deux premières plaques qui avaient été exposées, — après le développement, opéré immédiatement dans le cabinet noir, — on ne vit apparaître que le portrait du médium, endormi sur sa chaise. L'exposition de la troisième plaque dura près de trois minutes, et, après le développement, nous y trouvâmes la reproduction d'une main au-dessus de la tête du médium.
Voici en quelques mots la position qu'occupaient dans la chambre, au moment de l'exposition, les cinq personnes qui prirent part à cette expérience : M. de Guédéonoff se tenait près de la chambre noire ; le jeune collégien dont je vous ai parlé était assis à l'écart, à quatre pas de l'appareil ; enfin, mon ami Jacoby et moi, nous étions près de la chambre noire.
Je crois inutile de rappeler que l'appareil était stéréoscopique et que sur la plaque apparurent deux images identiques. La main, reproduite au-dessus de la tête du médium, ne pouvait être la main d'aucune des personnes présentes. Quoique la photographie soit faible et nébuleuse, — évidemment parce qu'elle n'a pas été assez longtemps exposée, — on y voit l'image très nette d'une main sortant d'une manche de vêtement féminin plus haut, on distingue le bras, mais il est à peine visible. La structure de la main est caractéristique ; c'est bien une main de femme ; elle est difforme, car le grand doigt se sépare des autres par une profonde échancrure. Il est évident que cette main n'a pas été complètement matérialisée.
Aucun doute ne peut subsister : la main photographiée est réellement un phénomène médiumnique.
Sur les autres plaques que je tirai, rien d'insolite n'apparut. Je fis encore, dans le même but, toute une série d'expériences et j'exposai, dans les mêmes conditions, dix-huit plaques mais aucune n'enregistra de nouveaux phénomènes médiumniques. »
De mon côté, j'ajouterai que je connais personnellement toutes les personnes qui assistèrent à cette expérience, dont le résultat me fut communiqué immédiatement. Le professeur Wagner vint lui-même m'apporter un exemplaire de la photographie qui est reproduite sur la Pl. V. Cela se passait au mois de janvier 1881. A l'exception de M. Jacoby, que j'avais rencontré plusieurs fois chez M. Wagner, je connais particulièrement toutes les autres personnes : Mme de Pribitkof est la femme du rédacteur du Rébus, capitaine de marine, et depuis de nombreuses années j'ai avec tous deux de constantes relations. Mme de Pribitkof est un médium à effets physiques et j'ai souvent assisté à ses séances : frappements, reproduction dans la table de coups et de sons produits par les assistants, soulèvement de table, écriture directe, déplacement d'objets en pleine lumière et dans l'obscurité : voilà les principales manifestations de son médiumnisme.
Qu'on me permette d'ouvrir ici une parenthèse pour signaler une expérience récente qui a été mentionnée dans le numéro 1 du Rébus, en 1886 : au cours d'une séance, se passant dans l'obscurité, une sonnette, placée sur la table autour de laquelle étaient assis les spectateurs, fut enlevée et se mit à sonner au-dessus des têtes. Un sceptique, en se guidant par le son, parvint à saisir adroitement la sonnette au moment où elle retentissait près de lui. Il saisit bien la clochette, mais pas la main dont il soupçonnait la présence. C'est peut-être cette main insaisissable qui est reproduite sur la photographie du docteur Wagner. Quelle eût été la conclusion de notre sceptique, s'il avait senti cette main à un état de matérialisation plus grossier et avec une manche par dessus ? Il eût certainement conclu avec « certitude » à une supercherie du médium, comme on l'a souvent proclamé hautement dans des cas analogues ; nous venons de voir, cependant, que cette « certitude » est loin d'être absolue ; la photographie en fait foi.
Mais je reviens à mon sujet : le second des assistants du docteur Wagner, M. Michel de Guédéonoff, est capitaine-lieutenant dans la garde impériale ; je le connais depuis une dizaine d'années après avoir fait en qualité d'officier la campagne de Turquie, il est actuellement attaché au service civil, à l'administration centrale des prisons.
Le jeune collégien, qui devait au besoin suppléer Mme de Pribilkof, se nomme Krassilnikof ; il a été depuis étudiant à l'Académie de médecine.
Toutes ces personnes reçurent, en souvenir de cette mémorable séance, un exemplaire de la photographie en question avant de publier ces renseignements, je les ai toutes interrogées sur différents détails de l'expérience. M. de Guédéonoff m'a donné son témoignage écrit, que je reproduis ici à titre de document supplémentaire :
« Au mois de janvier 1881, le professeur Wagner me fit part de son projet de faire quelques expériences de photographie d'une personne plongée dans le sommeil magnétique, avec l'espoir de recueillir une preuve objective de la possibilité du dédoublement de la personnalité. Comme à cette époque je m'occupais beaucoup de magnétisme, le professeur Wagner me proposa de prendre part à ces expériences en qualité de magnétiseur, et il invita, pour une prochaine séance, Mme de Pribitkof et M. Krassilnikof, qu'il désirait photographier.
Comprenant tout l'intérêt du projet de M. Wagner, j'acceptai son invitation la veille de la séance, je me rendis chez le professeur Wagner pour m'entendre définitivement avec lui sur les détails de l'expérience et pour assister, en ma qualité de témoin, à la préparation des plaques servant aux négatifs. Je rencontrai chez le professeur M. Jacoby, qui se chargeait de la partie technique de la photographie. En notre présence, les plaques furent soigneusement examinées, lavées, numérotées et enduites de l'émulsion nécessaire ; puis elles furent enfermées par M. Wagner dans une boîte.
Le lendemain matin, Mme Pribitkof, M. Krassilnikof, M. Jacoby et moi, nous nous réunîmes chez le professeur Wagner, dans son logis, à l'Université ; nous procédâmes immédiatement aux expériences photographiques. Dans ce but, Mme Pribitkof fut assise dans un fauteuil, en face de la fenêtre ; devant elle, près de la chambre noire, se tenaient M. Wagner et M. Jacoby ; M. Krassilnikof était assis à l'écart, près d'une table. Ayant endormi Mme Pribitkof, au moyen de passes magnétiques dans l'espace de huit à dix minutes, je me rendis auprès de M. Jacoby, et nous attendîmes le signal annoncé pour ouvrir l'objectif.
Pendant toute la durée de l'exposition, — qui fut assez longue en raison de la faible lumière, — j'évitai de fixer constamment le visage du médium endormi mais, à deux reprises, je fus obligé de le regarder avec fixité pour le rendre complètement immobile, car dans ces deux cas des coups retentissaient dans le plancher, et je craignais, si le fauteuil était mis en mouvement, que la position du corps fût modifiée, ce qui eût contrarié l'expérience. Mais, depuis le moment où j'eus pris place près de M. Jacoby, en face de Mme Pribitkof, je ne me suis plus approché du médium en somme, jusqu'à la fin de l'exposition, personne ne s'est approché du médium et personne ne s'est trouvé entre le médium et l'appareil photographique. Les expériences suivantes furent faites dans les mêmes conditions, et sur l'un des négatifs apparut, au-dessus de la tête du médium, l'image d'une main de femme, dans une manche large, de forme ancienne.
Après cette séance, plusieurs autres eurent encore lieu ; mais le but que M. Wagner s'était proposé ne fut pas atteint, et bientôt la maladie de Mme de Pribitkof nous obligea à interrompre ces expériences. »
Signé : Michel de Guédéonoff. Saint-Pétersbourg, janvier 1886. Foatanka, 52.

La photographie dont il est question est remarquable à plusieurs titres. Le résultat obtenu était inattendu : le but que poursuivait le professeur Wagner était d'obtenir un phénomène de dédoublement psychique, démontré par la photographie, c'est-à-dire qu'il voulait voir paraître, avec le médium, la forme transcendantale de son double (le phénomène, nous le verrons plus tard, s'est réellement produit). Au lieu de cela, il ne parut sur la photographie qu'une main, qu'on peut, si on le veut, considérer comme une partie de ce double mais nous signalons ici une particularité qui écarte cette supposition : les apparitions de double qui ont été observées présentent l'image parfaite non seulement de la personne en question, mais aussi la reproduction de son vêtement. Dans le cas qui nous occupe, nous avons une main qui ne ressemble pas à celle du médium, car elle est difforme, et nous avons le fait positif de son apparition dans une manche de vêtement féminin, qui n'était pas la manche du vêtement porté par le médium. Si cette manche ressemblait à celle du médium, nous aurions pu supposer qu'il s'agissait du dédoublement partait de la main avec la manche ; mais cette ressemblance n'existe pas. La photographie est abîmée malheureusement à l'endroit où se trouvait le bras droit du médium, et on ne peut distinguer les détails de fabrication du vêtement mais je me suis informé spécialement au sujet de cette particularité, et les quatre assistants du docteur Wagner m'affirmèrent que le médium portait un corsage avec manches étroites, comme on les porte à présent. Au surplus, j'ai prié Mme de Pribitkof de me donner un dessin de cette manche ; elle me l'a immédiatement envoyé en y joignant la notice suivante :
« Au commencement de l'année 1881, j'ai été invitée par le professeur Wagner à servir à des expériences de photographie, en ma qualité de personne ayant des facultés médiumniques. Vers onze heures du matin, je me rendis chez le professeur Wagner, à son logis, où je rencontrai M. de Guédéonof, M. Krassilnikof et M. Jacoby. Quand ce dernier eut préparé l'appareil photographique, M. de Guédéonof me magnétisa ; je m'endormis et je ne sais plus rien. Le vêtement que je portais était gris brun, avec une garniture de velours noir ; les manches étaient étroites, serrant le bras jusqu'au poignet, avec un revers de velours au bout et un petit plissé, de la même étoffe que la robe. Je vous envoie un dessin reproduisant cette manche.
Signé : Elisabeth, de Pribitkof. »

Je considère l'apparition de cette manche comme une particularité extrêmement importante, sous plusieurs rapports. Sans cette manche, on aurait, sans aucun doute, prétendu que la photographie reproduisait la main de l'un des assistants, placée par hasard entre l'objectif et le médium ; cette explication ne serait pas très sérieuse, car il faudrait supposer, pour l'admettre, que la main aurait été intentionnellement exposée au moins pendant quelques secondes dans cette position mais, si mauvaise qu'elle soit, l'explication servirait, car une fois entré dans la voie de la négation systématique, il n'y a pas de raison pour qu'on s'arrête.
La manche, que la lumière n'a pas dérobée à la sensibilité des plaques photographiques, détruit toutes ces argumentations subtiles. Il n'y a que la fraude intentionnellement commise par le professeur Wagner (en préparant une plaque avant la séance), avec la complicité de toutes les personnes honorables qui prirent part à l'expérience, qui pourrait expliquer le résultat obtenu mais encore une fois, en admettant l'existence d'une fraude, on ne peut croire que l'un des assistants aurait eu l'idée de faire paraître une main d'esprit dans une manche : ce serait un moyen sûr de taire croire à une supercherie.
Mais la nature nous présente les choses à sa façon, et elle produit des phénomènes qui ne s'accordent pas du tout avec nos raisonnements sur la possibilité de leur contenu objectif. Les apparitions traditionnelles se revêtent tantôt d'une draperie blanche, tantôt du vêtement ordinaire ; le double traditionnel apparaît toujours dans un habillement quelconque et voilà la photographie transcendantale qui nous révèle des formes humaines, vêtues ! Nous verrons plus loin que ce fait se reproduit dans toutes les photographies de ce genre, ce à quoi, — d'après nos conceptions ordinaires, — nous ne pouvions pas nous attendre.
Ayant maintenant sous les yeux la preuve indiscutable de la photographie transcendantale d'un objet, qui a indubitablement la forme d'une main humaine, nous pouvons nous occuper du développement ultérieur de ce phénomène : de la révélation par la photographie des figures humaines invisibles, et qui seront non seulement parfaitement définies, mais encore reconnaissables. Nous allons en donner une preuve, en observant les conditions absolues d'authenticité exigées par le docteur Hartmann.
Nous avons déjà mentionné plus haut le nom de M. Slater parmi les personnes qui ont fait des expériences transcendantales pour leur satisfaction personnelle. Pour donner une idée des résultats remarquables qu'obtint M. Slater, nous ne pouvons mieux faire que de citer le témoignage de M. Wallace :
« M. Thomas Slater, opticien, demeurant depuis longtemps dans la Euston Road, à Londres, et en même temps photographe amateur, apporta une nouvelle chambre noire de sa propre confection, fournit ses propres plaques, et se rendit chez M. Hudson. Il suivait attentivement tout ce qui se faisait chez le photographe et obtint son portrait avec une figure nuageuse à côté de lui ; ensuite il fit lui-même des expériences dans sa maison et arriva à des résultats remarquables. Au cours de sa première expérience, il obtint le portrait de sa sœur entre deux têtes, dont l'une était indubitablement le portrait de feu lord Brougham, l'autre, moins nette, a été reconnue par M. Slater pour être le portrait de Robert Owen, avec lequel il avait été intimement lié jusqu à sa mort. Sur un des négatifs apparut une femme dans un vêtement flottant, noir et blanc, qui se tenait aux côtés de M. Slater. Sur une autre plaque apparut la tête et le buste de cette femme, s'appuyant sur son épaule. Les figures des deux portraits étaient d'une ressemblance absolue ; les autres membres de la famille Slater y ont reconnu la mère de M. Slater, morte à l'époque où lui-même était encore enfant. Un autre négatif portait l'image d'un enfant, accoutré de blanc, qui se tenait auprès du jeune fils de M. Slater. Ces images sont-elles complètement identiques aux personnes que l'on a affirmé reconnaître ? La question principale n'est pas là. Le fait seul que des figures humaines apparaissent sur des négatifs, obtenus dans l'atelier particulier d'un opticien connu, qui est en même temps un photographe amateur, et qui a fait lui-même tous les préparatifs de l'opération, — laquelle, de plus, avait lieu en présence seulement des membres de sa famille, — est un fait véritablement prodigieux. Il est arrivé, une autre fois, que sur la plaque où M. Slater faisait son propre portrait, — étant tout seul, — parut une autre image. M. Slater et les membres de sa famille étant eux-mêmes médiums, ils n'avaient pas besoin de recourir au concours d'autres personnes ; c'est à cette circonstance que l'on peut attribuer la réussite particulièrement heureuse de leurs expériences. Une des photographies, parmi les plus extraordinaires produites par M. Slater, fut le portrait en pied de sa sœur, sur lequel on voyait non pas une autre figure, mais une espèce de dentelle transparente entourant cette personne. En examinant de plus près cette dentelle, on peut voir qu'elle consiste en anneaux de différentes dimensions qui ne rappelaient d'aucune façon les dentelles ordinaires que j'ai vues ou dont on m'a donné la description. M. Slater lui-même m'a montré ces portraits en m'expliquant les conditions dans lesquelles ils avaient été faits. Ces expériences ont été faites sans aucune fraude ; sur ce point il ne peut y avoir de doute. Elles ont une portée particulière comme étant la confirmation des résultats obtenus antérieurement par les photographes de profession[6]. »
Lorsque j'étais à Londres, en 1886, j'ai eu quelque peine à trouver M. Slater. Il ne lui restait plus de photographies ; tout ce qu'il put me montrer, ce fut une série de négatifs qu'il avait pu conserver.
A propos de M. Slater et des photographies de lord Brougham et de Robert Owen, ci-dessus mentionnées, voici une intéressante notice explicative de leur origine :
« A une récente réunion de spiritualistes, à Londres, Gower Street, M. Slater (opticien, Euston Road, 136) fit le récit suivant, relatif à son début dans le spiritisme: «En 1856, Robert Owen[7] se trouvant chez moi en compagnie de lord Brougham, reçut un message spirite au moyen de coups frappés ; pendant ce temps, j'étais occupé à quelques appareils photographiques. Les coups frappés communiquèrent qu'il viendrait un moment où je ferais des photographies spirites Robert Owen déclara que, s'il se trouvait alors dans un autre monde, il se ferait paraître sur la plaque. Au mois de mai 1872, je m'occupai, en effet, de faire de la photographie spirite. Je fis quantité d'expériences, et sur l'une des plaques parurent les figures de Robert Owen et de lord Brougham, lequel, comme on le sait, fut, durant de longues années, l'un des amis les plus intimes de Robert Owen, et prenait un vif intérêt à sa carrière publique[8]. »

Avant d'entamer la dernière partie du chapitre de la photographie transcendantale de formes humaines, il me semble utile de citer les sages paroles dont M. Russell Wallace, dans sa Défense du spiritualisme moderne, fait précéder cette partie de l'ouvrage qui traite de la photographie spirite ; ces paroles reproduisent une argumentation bien connue des spirites, mais ordinairement ignorée par la critique ; les voici :
« M. Lewes a conseillé au comité de la Société Dialectique qui avait été chargé de s'occuper de la question spirite de distinguer soigneusement entre les faits et les déductions. Ceci est particulièrement nécessaire dans la question des photographies spirites. Les formes humaines qui y apparaissent, n'étant pas l’œuvre de la main humaine, peuvent être d'origine spirite sans être pour cela les images « d'esprits ». Bien des choses plaident en faveur de la supposition que, dans certains cas, ces images résultent de l'action d'êtres intelligents, invisibles, mais qu'elles en sont distinctes. Dans d'autres cas, ces êtres revêtent une espèce de matérialité perceptible pour nos sens mais, même dans ces cas, il ne s'en suit pas que l'image créée soit la véritable image de l'être spirituel. Il se peut que ce soit la reproduction de l'ancienne forme mortelle avec ses attributs terrestres auxquels l'esprit a recours pour établir son identité[9]. »
Puisque nous avons acquis maintenant, par trois sources (MM. Beattie, Wagner et Slater) parfaitement sûres, — et dans les conditions exigées par M. Hartmann, — la preuve irréfutable, par procédé photographique, de la possibilité de formations matérielles invisibles à nos yeux et revêtant la forme humaine, nous avons le droit de poursuivre le développement de ce phénomène à tous les degrés de perfection qu'il a atteints chez certains photographes de profession, acceptant la preuve de son authenticité, non plus sur la seule affirmation d'un opérateur de bonne foi, mais sur les témoignages des personnes auxquelles les photographies se rapportent directement et qui, seules, peuvent décider de leur valeur intrinsèque.
Je ne parlerai pas du photographe anglais Hudson de Londres, car les opinions des spiritualistes eux-mêmes sont partagées sur son compte : les uns l'accusent de fraude, les autres énumèrent des cas où la ressemblance avec la personne morte depuis longtemps était évidente, ou encore des cas où l'apparition de la figure sur la photographie, dans des poses ou avec des accessoires imposés mentalement par la personne qui posait exclut toute supposition de fraude.
Un grand nombre de phénomènes de ce genre sont énumérés dans le traité de MM.-A. (Oxon.) : la Photographie spirite, publié dans le journal Human Nature, 1874, pages 393 et suivantes. Je préfère m'en rapporter à Mumler, dont la réputation est restée intacte pendant sa longue carrière professionnelle ; l'authenticité des épreuves photographiques obtenues par ce photographe est établie par une épreuve dont la valeur est égale à celle d'une investigation scientifique.
Les photographies de Mumler furent l'objet d'un procès, et, malgré l'acharnement des détracteurs, soutenus par l'opinion publique et toute la puissance du préjugé, elles sortirent triomphantes de cette lutte. Je ne puis entrer ici dans tous les détails de la carrière de Mumler et de son procès : c'est un sujet qui a lui seul donnerait matière à un ouvrage complet. Cependant quelques données nous sont nécessaires, et il est surtout intéressant de rappeler l'origine des expériences photographiques de Mumler ; nous en emprunterons l'explication au propre récit de Mumler d'après sa déclaration devant le tribunal, lors de son procès. Il est utile de remarquer que les manifestations de photographie transcendantale se produisirent à l'époque où Mumler exerçait la profession de graveur et n'avait aucune connaissance de la photographie. Voici ce qu'il dit :
« En 1861, à Boston, où j'exerçais la profession de graveur, je fréquentais un jeune homme qui travaillait dans l'atelier photographique de M Stuart, Washington Street à l'occasion je manipulais les appareils et les substances chimiques. Un dimanche, me trouvant dans la galerie, j'essayai de faire mon portrait, et, en développant le négatif, je remarquai, pour la première fois, que la plaque portait une deuxième image. A cette époque, je n'avais pas encore entendu parler de photographie spirite, quoique je m'intéressasse déjà au spiritisme. Ma première pensée fut, comme beaucoup de personnes le supposent jusqu'à présent, que l'image qui était reproduite à côté de la mienne se trouvait déjà sur la plaque avant l'opération. C'est dans ce sens que je répondais à toutes les questions qui m'étaient posées.
Néanmoins les expériences suivantes, que je fis dans des conditions qui excluaient cette supposition d'une manière absolue, me convainquirent que la force produisant ces images existait en dehors du pouvoir humain ; des experts appelés pour opérer dans les mêmes conditions ne purent produire rien de semblable.
Je voudrais ici attirer l'attention sur cette circonstance que, lorsque je développai ces images, j'étais tout à fait novice dans l'art photographique et n'avais aucune notion des compositions chimiques que j'employais en me servant de tel ou tel produit chimique, je ne faisais qu'imiter les manipulations de mon ami. Après avoir reçu les images dont j'ai parlé, je répétai ces expériences, suivant les conseils de quelques amis auxquels je montrais mes plaques, et toujours j'obtins de surprenants résultats. Je résolus alors d'abandonner ma profession pour me consacrer à la photographie. » (Spirit. Mag., 1869, pp. 256,257.)
Le fait même de l'origine de ces photographies est corroboré par les témoignages donnés à cette époque et qui se trouvent dans les articles du Herald of Progress, 1er nov. 1862, édité par Davis et du Banner of Light (8 nov. 1862), qui publièrent les premiers rapports sur ce phénomène inattendu ; ces documents furent accueillis par la rédaction des journaux susmentionnés sans aucun enthousiasme et plutôt avec scepticisme et réserve.

 

Il est surtout intéressant de savoir sous quelle forme se produisirent les premières photographies transcendantales de Mumler. Sur ce point, les données ne sont ni nombreuses ni circonstanciées ; néanmoins elles existent, et voila la description des deux premières photographies, due à un correspondant du Banner :
« La première présente un portrait du médium, M. Mumler, s'appuyant d'une main sur une chaise, tandis que l'autre tient, le drap noir qui venait d'être enlevé de la chambre noire. Sur une chaise était assise une forme féminine, qui paraissait être une jeune fille de douze à quatorze ans. Nous reconnûmes en elle une parente décédée ; au-dessus de sa tête, il y avait un nuage, effet que nous n'avions encore jamais observé sur les photographies. Sur une autre plaque, la tête était entourée d'un faible disque de lumière, comme si des rayons lumineux jaillissaient en tous sens et se perdaient à une distance déterminée. Sur deux autres photographies encore parut le même effet, avec cette différence que le cercle lumineux était d'un tel diamètre qu'il eût enveloppé la forme entièrement, si la plaque avait été plus grande.
Je possède une épreuve de cette première photographie de Mumler, et je puis ajouter que le contour de la partie supérieure du corps ressort avec une certaine netteté, la figure elle-même étant confuse et fondue. On voit distinctement la chaise à travers le corps et les bras, ainsi que la table sur laquelle un des bras repose. En dessous de la taille, la forme, — qui est apparemment revêtue d'une robe décolletée avec manches courtes, — se fond dans une sorte de nébulosité, qui n'est plus visible au-dessous de la chaise. Une partie du dossier de la chaise est visible à travers le bras gauche ; une petite partie du dossier est complètement masquée par l'épaule gauche, qui est aussi opaque que le cou et la poitrine. Au-dessus de la tête on aperçoit une vapeur nuageuse blanche, qui entoure la tête d'une tempe à l'autre, descend jusqu'à la main de Mumler, qui est appuyée sur le dossier et qu'elle couvre. La photographie que je possède est une copie faite à Londres sur l'original et par conséquent moins nette.
Sur la deuxième photographie se trouve la forme d'une femme assise sur une chaise ayant, derrière elle, une sorte de masse blanche indéfinissable, quelque chose comme deux ou trois coussins[10]. »
Nous pouvons donc constater ce fait remarquable que les premières photographies de Mumler portent les traces de ces masses lumineuses que nous avons vues chez M. Beattie, et qui ont précédé la formation des figures humaines. Il est plus que probable que ce qui se présente sur ces deux photographies comme une «vapeur nuageuse blanche», un «disque de lumière », ou une « masse blanche ressemblant à deux coussins » aurait été décrit par un sensitif comme une masse lumineuse.
Mais revenons aux origines. Dès que se répandit la nouvelle que ces photographies avaient été faites, M. J. A. Davis, qui éditait à ce moment, à New-York, le Herald of Progress, envoya spécialement, à Boston, un photographe de ses amis, M. Guay, pour faire une enquête sur ce phénomène et s'assurer de son authenticité. Le résultat de cette première enquête technique a été publié, in extenso, dans le Herald du 29 novembre 1862, et, en abrégé, dans une lettre de M. Guay, publiée dans le Banner de la même date, et que nous reproduisons ici :

« Boston, 18 novembre 1862.
Monsieur l'éditeur,
Ayant appris de M. Mumler que vous désirez publier les résultats de mes recherches sur les photographies spirites préparées par M. Mumler, je vous communique avec plaisir mes observations personnelles. Vous pouvez être persuadé qu'agissant à la demande de M. Davis, je procédai à mes investigations avec la ferme détermination de les conduire le plus rigoureusement possible, afin que rien ne pût échapper à mon attention. Après une expérience ininterrompue de dix années, pendant lesquelles je faisais des négatifs sur verre et des impressions positives sur papier, je me sentais en mesure de découvrir toute fraude.
M. Mumler ne m'opposant aucune difficulté, je fis moi-même, sur la plaque choisie pour mon portrait, toutes les opérations de bains, de virage et de montage. Pendant tout ce temps, je ne perdis pas de vue la plaque, et je n'en laissai approcher M. Mumler qu’après la fin de l'opération. Je soumis ensuite à une minutieuse inspection le cabinet noir, le châssis, le tube, l'intérieur des cuvettes, etc. Et malgré tout j'obtins, à mon extrême étonnement, ma photographie accompagnée d'une autre image.
Ayant depuis continué mes recherches, dans les mêmes conditions, avec des résultats encore plus probants, je me suis vu obligé, en toute sincérité, de reconnaître leur authenticité.
Agréez, etc.
W. Guay[11]. »

Nous ajouterons seulement que sur le premier négatif apparut l'image de la femme défunte de M. Guay, et, sur la seconde, l'image de son père. Et M. Guay ajoute : « Il est impossible que Mumler se soit procuré un portrait de ma femme ou de mon père. » (Herald, 29 novembre.)
Nous pouvons passer maintenant sous silence la longue série de tous les témoignages portés en faveur de Mumler et de toutes les investigations entreprises dans le but de découvrir la fraude, comme il était naturel de le supposer, mais qui aboutirent toujours à un résultat négatif. Il nous suffira de reproduire ici un article du British Journal of Photography, envoyé à ce journal par son correspondant de Philadelphie, M. C. Sellers, qu'on ne peut pas taxer d'engouement pour le spiritisme. Voici cet article :
« Il y a quelques mois, des journaux ont publié une communication d'un photographe de Boston qui avait obtenu une double image, sur une plaque, au cours d'expériences faites pendant ses loisirs du dimanche ; l'image supplémentaire représentait le portrait d'un parent décédé. Depuis, il remarqua que toutes ou presque toutes les photographies qu'il faisait portaient la même image, plus ou moins nette. Le bruit de ce prodige s'étant répandu partout, son atelier fut bientôt inondé de curieux qui désiraient obtenir les portraits de leurs amis défunts. Les photographes s'en amusaient et affirmaient que la fraude serait bientôt découverte. On fit beaucoup d'imitations à l'aide du procédé ordinaire qui avait été d'abord proposé par Sir David Brewster. On en fit davantage encore, par le moyen de deux plaques superposées, dont l'une portait la deuxième image, et l'on expliquait le phénomène par l'un de ces deux procédés ; des hommes connus pour leur instruction scientifique s'occupèrent d'en rechercher l'explication et ne purent découvrir l'imposture...
En ce qui concerne les images elles-mêmes, elles se distinguent essentiellement de toutes celles que j'avais déjà vues, et je ne connais aucun procédé pour les imiter. Le fantôme n'apparaît jamais en pied ; il ne se reproduit pas au-delà du buste ou, tout au plus, jusqu'aux genoux, et l'on ne peut cependant dire, avec précision, à quel endroit l'image disparaît. A première vue, beaucoup de personnes croient distinguer clairement l'image entière, mais, après un examen plus minutieux, elle paraît moins nette. Je n'ai pas vu les négatifs ; mais, jugeant d'après les épreuves et d'après le ton faible de l'image de « l'esprit », je serais tenté d'affirmer que cette image devait être la première à se développer sur la plaque. Les contours ne sont pas du tout nets ; les traits principaux sont assez visibles, mais, sauf le visage, qui est complètement opaque, les autres parties de la forme sont suffisamment transparentes pour que l'on puisse clairement voir au travers. Et cependant, aucun de ces traits ne ressort avec autant de vigueur que sur les images des deuxièmes plaques dans les contrefaçons de photographies spirites. On constate nettement que ces images ne sont pas formées au foyer lorsqu'elles se trouvent derrière la personne qui a posé ou devant elle ; elles sont un peu plus nettes lorsqu'elles se trouvent sur le même plan. Mais, dans tous les cas, il y a excès de pose.
Les adeptes du spiritisme expliquent ce fait de la manière suivante : Les « esprits » ne peuvent produire leur propre image sur la plaque sensible ; mais ils peuvent donner la forme voulue aux éléments les plus subtils de la matière, et cette matière, quoique invisible à l'œil nu, peut refléter les rayons chimiques de la lumière et ainsi agir sur la plaque. A l'appui, ils citent ce qui est arrivé pour le portrait que j'ai vu chez le Dr Child et qui représente une dame qui désirait ardemment obtenir l'image d'une guitare dans ses bras : la forme désirée parut ! Les spirites disent que, certainement, « l'esprit » d'un corps inanimé ne peut exister, mais que les « esprits » peuvent former de pareils objets, suivant leur désir ; toutes les images qui apparaissent ne sont donc que des modèles exposés par les « esprits », devant l'appareil, mais aucunement les portraits des esprits eux-mêmes ; ils affirment également que les « esprits » puisent ces images dans la mémoire des personnes présentes. C'eût été un sujet digne de la plume de Bulwer ; quelle merveilleuse histoire il eût tirée de ces étranges phénomènes !
G. Sellers[12]. »

J'ai abrégé la lettre, qui est un peu longue : mais j'ai reproduit les détails techniques qui ont leur valeur et, surtout, l'hypothèse, déjà formulée à cette époque, de la matière invisible travaillée et modelée, — hypothèse que nous retrouvons dix ans après chez Beattie et qui aura pour nous une importance capitale lorsqu'il sera question des matérialisations visibles.
Pour en finir avec le Journal of Photography, je reproduirai encore une note qu'il a publiée à l'époque du procès de Mumler, et qui me semble avoir sa place ici :
« A propos des photographies spirites de Mumler, il a été dit beaucoup de choses absurdes, pour et contre. Un auteur de cette dernière catégorie est allé jusqu'à affirmer que tout ce qui est visible pour l'œil du cabinet noir, et par conséquent susceptible d'être reproduit en photographie, doit nécessairement, pour cette raison même, être visible à l'œil humain ; cet auteur n'a certainement aucune notion de cette branche importante des sciences physiques qui comprend les phénomènes connus sous le nom de fluorescence. Or il y a beaucoup de choses totalement invisibles pour l'œil physique, et qui, cependant, peuvent être photographiées. Par exemple dans une chambre où n'ont accès que les rayons ultra violets du spectre solaire, une photographie peut être prise au moyen de cette « lumière obscure ». Dans une chambre ainsi éclairée, les objets sont clairement visibles à la lentille de la chambre noire ; dans tous les cas, ils peuvent être reproduits sur une plaque sensible, sans que pour cela le moindre atome de clarté ne soit aperçu dans la chambre par une personne douée de l'acuité visuelle physiologique. Donc la reproduction photographique d'une image invisible, celle d'un esprit ou celle d'une masse de matière, n'est pas scientifiquement impossible ; si elle ne reflète que la fluorescence ou les rayons ultra violets du spectre, l'image sera aisément photographiée, tout en étant complètement invisible à la vue la plus perçante[13]. »
Nous sommes arrivés, enfin, au procès qui fit la gloire de Mumler ; il lui fut intenté par le journal le World de New-York, au mois d'avril 1869. M. Mumler fut arrêté sous l'inculpation « d'avoir commis des fraudes et des supercheries aux dépens du public, au moyen de photographies spirites. » Voici les traits saillants du procès :
Les plaignants produisirent huit photographies pour prouver que M. Mumler était un imposteur, et ils indiquèrent six différentes méthodes, au moyen desquelles on pouvait obtenir de ces prétendues photographies d'esprits. Pourtant, aucun des plaignants n'avait vu Mumler au travail ni inspecté son atelier et ses appareils ; bref, rien ne prouvait que les images de Mumler fussent produites au moyen de l'une des méthodes indiquées ; au contraire, quatre photographes, MM. Slee, Guay, Silver et Gurnay, qui avaient été chez M. Mumler et qui l'avaient vu opérer témoignèrent qu'aucune des six méthodes mentionnées n'avait un rapport quelconque avec la méthode de Mumler, en tout semblable à la méthode ordinaire. Mieux que cela, M. Slee, photographe à Poughkeepsie, avait invité M. Mumler à venir à sa maison de Poughkeepsie, et, là, on produisit, avec le cabinet noir de M. Slee, ses verres et ses produits chimiques, les mêmes effets. M. Guay passa trois semaines avec M. Mumler pour étudier ces phénomènes ; il attesta qu'il avait vu ces images se produire, alors qu'il conduisait lui même les opérations depuis le lavage de la plaque jusqu'au développement. M. Silver déposa que, lorsque M. Mumler venait dans sa galerie et employait ses appareils et ses produits, une image apparaissait à côté de M. Silver ; des photographies spirites se sont même produites quand M. Silver en personne faisait toutes les manipulations avec ses propres appareils, en présence de M. Mumler. Enfin, M. Gurnay, photographe connu de New-York (n° 707, Broadway), fit la déposition suivante :
« Je m'occupe de photographie depuis vingt-huit ans ; j'ai examiné les procédés de M. Mumler, et, quoique je fusse venu avec l'intention de faire une enquête rigoureuse, je ne découvris rien qui ressemblât à une fraude ou à une supercherie. Sa manière de photographier était la manière ordinaire, et la seule chose qui ne s'accordait pas avec la routine du métier, c'était que l'opérateur tenait la main sur la chambre noire. »

 

Mais un autre fait encore a été établi péremptoirement par les témoignages : tous les photographes appelés par les plaignants comme experts ont été d'accord pour reconnaître que des images d'ombres, semblables à celles parues sur les plaques, ne peuvent être reflétées d'une plaque négative sur la plaque sensible avec d'autre lumière que celle du gaz des bougies ou du jour. Et il a été affirmé par une demi-douzaine de témoins, — qui avaient assisté aux expériences de Mumler, dans son atelier et dans le but de découvrir la fraude, — qu'ils n'avaient employé dans sa chambre noire ni la lumière du gaz, ni celle des bougies et des lampes, ni la lumière du jour, et que la seule lumière qui pénétrât dans la chambre provenait d'une petite fenêtre tendue d'une étoffe jaune foncé néanmoins, Mumler produisait ses images, et, dans beaucoup de cas, il les montrait aux visiteurs quelques minutes après l'exposition.
Dans le cas de M. Livermore, banquier connu de New-York, qui était l'un des témoins, M. Mumler développa trois portraits de sa femme défunte, dans trois poses différentes, moins de dix minutes après que M. Livermore eut posé.
Non seulement l'enquête judiciaire établit le fait de la production sur la plaque de figures humaines invisibles à l’œil nu, mais encore douze témoins déclarèrent qu'ils avaient reconnu dans ces figures les images de leurs amis ou parents décédés. Mieux encore, cinq témoins, parmi lesquels se trouvait le juge Edmonds, déposèrent que des images se sont produites et ont, été reconnues alors que les personnes qu'elles représentaient n'avaient jamais été photographiées de leur vivant.
Un grand nombre de témoignages semblables auraient pu être obtenus, mais le juge, trouvant que les témoignages produits étaient suffisants, rendit la sentence suivante :
« Après avoir soigneusement examiné la cause il était arrivé à cette conclusion que le détenu devait être mis en liberté ; il constatait que l'accusé eût-il même commis des fraudes et supercheries, il était obligé, en sa qualité de magistrat, de décider que le défendeur ne serait pas envoyé devant le grand Jury ; car, dans son opinion, la partie plaignante n'avait pas réussi à prouver le fait[14]. » Pour donner à nos lecteurs une idée de ces photographies transcendantales reconnues, je joins à cet ouvrage (planche VI) quelques spécimens avec les témoignages et explications qui s'y rapportent.
Voici une lettre de M. Bronson-Murray[15] , publiée dans le Banner of Light du 25 janvier 1873 :

« Monsieur le directeur,
Dans les derniers jours de septembre dernier, Madame W. H. Mumler, de votre ville, (170 West Springfield street) se trouvant dans un état de transe, au cours duquel elle donnait des conseils médicaux à l'un de ses malades, s'interrompit soudain pour me dire que, lorsque M. Mumler ferait ma photographie, sur la même plaque il apparaîtrait à côté de mon portrait l'image d'une femme, tenant d'une main une ancre faite de fleurs ; cette femme désirait ardemment annoncer sa survivance à son mari, et vainement elle avait cherché jusqu'à présent une occasion de se rapprocher de lui ; elle croyait y arriver par mon intermédiaire. Mme Mumier ajouta : « Au moyen « d'une loupe, on pourra distinguer, sur cette plaque, les lettres : « R. Bonner. » Je lui demandai en vain si ces lettres ne signifiaient pas Robert Bonner. Au moment où je me préparais à poser pour avoir ma photographie, je tombai en transe, ce qui ne m'était jamais arrivé ; M. Mumler ne réussit pas, malgré tous ses efforts, à me mettre dans la position voulue. Il lui fut impossible de me faire rester droit et de m'appuyer la tête contre le support. Mon portrait fut par conséquent pris dans la situation que l'épreuve indique, et, à côté, apparut la figure de femme avec l'ancré et les lettres, composées de boutons de fleurs, ainsi que cela m'avait été prédit. Malheureusement je ne connaissais personne du nom de Bonner, personne qui pût reconnaître l'identité de la figure photographiée. (Voy. pl. VI, fig. 1.)
De retour dans la ville, je racontai à plusieurs personnes ce qui était arrivé ; l'une d'elles me dit avoir récemment rencontré un M. Bonner, de Géorgie ; elle désirait lui faire voir la photographie. Quinze jours plus tard, elle me fit prier de passer chez elle. Quelques instants après, un visiteur entra, c'était un M. Robert Bonner. Il me dit que la photographie était celle de sa femme, qu'il l'avait vue chez la dame en question et trouvait la ressemblance parfaite. Personne ici ne conteste d'ailleurs la ressemblance que cette photographie présente avec un portrait de Mme Bonner, fait deux ans avant sa mort[16].
Mais ce n'est pas tout. Dès que M. Bonner eut vu mon épreuve, il écrivit une lettre à sa femme à laquelle il posait diverses questions. Il prit toutes les précautions pour être certain que la lettre ne serait pas ouverte et l'expédia par la poste au docteur Flint, à New-York [17].
Le lendemain la lettre lui revint, non décachetée, et contenant une réponse de sept pages.
Dans cette communication — signée de son petit nom : Ella — Mme Bonner disait à son mari qu'elle avait demandé la permission d'apparaître sur ma plaque, comme elle l'avait fait ; elle lui affirmait que les deux frères de M. Bonner, William et Hamilton, se trouvaient avec elle, ainsi que son vieil ami, le simple et bon Sam Graig ; elle devait écrire, sous peu, par l'intermédiaire de M. Flint, une lettre à son jeune fils Hammie ; elle ajoutait que M. B. le soignait bien elle priait ensuite de se rendre à Boston, chez le photographe spirite, affirmant qu'elle apparaîtrait avec lui sur la même plaque, tenant une couronne de fleurs d'une main, portant une deuxième couronne sur la tête, tandis que son autre main montrerait le ciel. J'ai lu tout ce qui précède dans cette lettre. M. Bonner ajouta : « Demain, j'irai à Boston, « sans dire mon nom à qui que ce soit. »
Quatre jours après, M. Bonner vint me trouver. Il avait été à Boston sans se faire connaître à personne et avait, cependant, obtenu la photographie promise, avec l'image de sa femme, exactement comme elle l'avait écrit. (Voy. pl. VI, fig. 2). La couronne que sa femme tient à la main est à peine visible sur la phototypie.
Toutes les personnes désireuses de s'assurer du fait peuvent voir ces photographies chez M. Mumier, à Boston, ou chez moi, à New York... M. Bonner est un homme très connu en Géorgie, et dans l'Alabâma... ceux qui me connaissent savent que je n'ai aucun profit à publier ce récit, dont je certifie l'exactitude.
Bronson Murray. »
238 West 52 d. Street, New-York City
Ce 7 janvier 1873. »

La photographie n° 4, sur la même planche, représente M. Moses A. Dow, mort en 1886, éditeur d'une revue bien connue en Amérique : The Waverley Magazine. Quant à l'image de la personne qui se tient auprès de lui, on lira tous les détails s'y rattachant, dans la lettre suivante de M. Dow à M. A. (Oxon.) demeurant à Londres, personnage qui occupe une place marquante dans la littérature spirite :
« Boston, 28 septembre 1874.
Monsieur,
Votre lettre du 17 courant m'est parvenue ce matin. En réponse, je vais essayer de vous donner une esquisse des expériences de photographie spirite dont j'ai été témoin. Dans les bureaux de l'imprimerie et de la rédaction du Waverley Magazine, j'emploie une quinzaine de jeunes personnes ; les unes font la composition, d'autres sont occupées à la machine, à l'expédition ou bien à la correction des manuscrits. Parmi ces dernières, il y avait une jeune fille qui fut occupée, dans mes bureaux, de 1861 à 1870 ; elle tomba subitement malade et mourut à l'âge de vingt-sept ans. Pendant les dernières années, elle s'était bien formée et était devenue une jeune personne de beaucoup d'intelligence, aimable et d'un extérieur très agréable. Le zèle et le désintéressement dont elle faisait preuve dans son travail éveillèrent en moi le plus vif intérêt pour elle ; cet attachement fut réciproque, comme elle me l'a exprimé à plusieurs reprises. Ci-inclus un portrait d'elle, fait deux semaines avant sa mort. Je ne m'étendrai pas sur les circonstances qui ont accompagné sa mort et sur le chagrin que j'en éprouvai. Sept jours après son décès, je me trouvai en présence d'un médium, dont l'esprit guide (une jeune indienne) me dit : « Une belle personne vient vous voir ; elle tient dans sa main des roses qui sont pour vous ; c'est vous qu'elle aimait le plus en ce monde, parce que vous étiez si bon pour elle. » Je fus bien surpris de ces paroles, car je ne croyais pas qu'une affection terrestre se perpétuât dans l'esprit de nos amis décédés, après avoir quitté leur enveloppe humaine, tout en admettant la réalité de certaines manifestations posthumes.
Je me rendis pour un mois à Saratoga, à cent-cinquante lieues environ de Boston. Là, je fis la connaissance du célèbre médium M. Slade, lequel ne me connaissait pas. Au cours d'une séance que j'eus avec lui, il tenait, de sa main droite, une ardoise ordinaire sous la table ; la main gauche était placée sur la table, touchant la mienne. On entendit immédiatement le mouvement du crayon sur l'ardoise. Quand celle-ci fut retirée, elle portait ces mots : « Je suis toujours auprès de vous. » avec la signature.
De retour à Boston, comme on me l'avait conseillé à Saratoga, je m'adressai à Mme Mary M. Hardy, le transe-médium le plus connu de cette ville.
Mon amie se présenta aussitôt et me dit qu'elle m'avait donné une preuve démonstrative à Saratoga, par l'intermédiaire de M. Slade, sur une ardoise. Elle ajouta qu'elle était constamment présente, pour me guider et me conseiller, n'ayant aimé personne autant que moi durant sa vie terrestre. A une autre séance, elle me dit spontanément qu'elle voulait me donner son portrait. Je ne prêtai aucune attention à cette promesse, supposant que ce portrait serait exécuté au pinceau par un peintre de la ville. Pendant trois mois, j'eus des séances avec Mme Hardy, une fois par semaine, sans qu'il fût question de ce portrait. Vers la fin de ce laps de temps, je lui demandai si elle allait me donner son portrait. Elle me répondit qu'elle était prête à le faire. A ma question : Comment ce portrait sera-t-il obtenu ? je reçus cette réponse : « Par la photographie. — Sera-ce le même artiste qui vous a photographiée de votre vivant ? — Non, ce doit être fait par un artiste médium. »
Une semaine plus tard, mon amie me dit, par l'intermédiaire de Mme Hardy, en état de transe : « Allez chez M. Mumler et dites-lui que vous viendrez pour vous faire photographier dans une semaine, à une heure ; vous irez à midi (heure habituelle de mes entretiens avec elle), et nous aurons alors le temps de causer. » Je me rendis de suite chez M. Mumler, où je ne trouvai que Mme Mumler ; je lui dis que je désirais avoir une photographie spirite. Elle me demanda quand je reviendrais et je répondis :
- Dans une semaine, à une heure. »
- Quel est votre nom ?
- Je ne désire pas vous dire mon nom véritable, mais vous pouvez m'appeler M. Johnson. »
Elle me dit que les étrangers étaient priés de payer d'avance. Je payai les cinq dollars demandés et je rentrai chez moi. Au bout d'une semaine, je revins chez Mme Hardy, comme cela avait été convenu. Elle tomba en transe. Mon amie, qui était déjà présente, me demanda : « Comment allez-vous, M. Johnson ? » Ensuite elle ajouta : «Monsieur Dow, je n'avais jamais observé, auparavant, que vous eussiez honte de votre nom. » Je lui répondis : « Je pense bien obtenir mon portrait, mais je ne suis pas certain d'avoir le vôtre sur la même plaque". « Oh! quel sceptique! » s'écria-t-elle. Je pris congé et me rendis chez M. Mumler, arrivant un quart d'heure avant l'heure convenue. Je le trouvai seul, et nous nous mîmes de suite à l’œuvre. Quand je me fus place dans la pose indiquée, il posa l'appareil à une distance de sept pieds, mit la plaque et m'indiqua le point que je devais fixer. La pose dura deux ou trois minutes ; il porta la plaque dans la chambre voisine et revint bientôt, en disant qu'il n'y avait rien ; il mit une deuxième plaque, la durée de la pose fut la même. M. Mumler me dit qu'il y avait un contour indécis. Sur mon observation, qu'un portrait m'avait été promis, il me répondit qu'il fallait continuer les expériences, qu'il lui arrivait de recommencer cinq ou six fois avant de réussir.
La troisième pose dura juste cinq minutes, montre en main ; il me tournait le dos, ayant l'autre main sur l'appareil.
La pose terminée, il emporta la plaque, et, pendant qu'il était absent, Mme Mumler entra ; elle semblait être dans une demi-transe. Je lui demandai si elle apercevait quelqu'un ; elle me répondit qu'elle voyait auprès de moi une belle jeune dame. Là-dessus elle tomba dans une transe complète, et mon amie me parla de nouveau : « A présent, dit-elle, vous aurez mon portrait. Je me tiendrai auprès de vous, ma main sur votre épaule ; sur la tête j'aurai une couronne de fleurs. » En ce moment, M. Mumler rentra avec la plaque et me dit que cette fois il y avait une image sur le négatif je distinguai nettement mon portrait, et une forme féminine qui se tenait auprès de moi. M. Mumler promit de m'envoyer une épreuve le lendemain même. Je le priai de l'expédier au nom de M. Johnson, poste restante. Deux jours après, je passai au bureau de poste et reçus un pli adressé à M. Johnson. En l'ouvrant, je trouvai une épreuve. De retour chez moi, je l'examinai avec une bonne loupe, à travers laquelle l'image m'apparaissait de grandeur naturelle ; c'était un excellent portrait de mon amie décédée. J'écrivis à M. Mumler pour lui dire que j'étais content de la photographie, et signai de mon vrai nom. Je considère ce portrait comme étant authentique ; d'ailleurs, mon amie me l'affirma et à maintes reprises. Les photographies ci-incluses vous mettront à même de juger de la ressemblance.
Agréez, etc.
Moses A. Dow[18]. »

Voici la lettre que M. Dow envoya à M. Mumler :
« Boston, ce 20 janvier 1871.
Très cher monsieur Mumler,
Samedi dernier je passai à la poste, et j'y reçus l'enveloppe contenant l'épreuve que vous m'avez envoyée. C'est un portrait parfaitement réussi de mon amie. Ci-inclus, vous trouverez une photographie d'elle, faite une semaine avant sa maladie ; elle-même n'avait vu que le négatif. Sa maladie a duré juste neuf jours. Jeudi dernier, à midi, elle me disait, par l'intermédiaire du médium, qu'elle se tiendrait à côté de moi, une fleur à la main et son bras reposant sur mon épaule. En regardant mon épaule gauche, vous apercevrez une faible reproduction de sa main tenant une fleur mais, pour bien voir, il est nécessaire d'avoir recours à une loupe.
Il me semble que l'examen de ces deux portraits peut convaincre l'esprit le plus sceptique. Je quitte le nom d'emprunt de Johnson pour signer de mon vrai nom.
Avec ma parfaite estime,
Moses A. Dow, éditeur du Waverley Magazine[19] . »

Je possède un exemplaire de la photographie de Mabel Warren, faite de son vivant, que Dow a envoyée à Mumler pour comparer les deux images ; la ressemblance est aussi frappante que dans celle de M. Bonner.
Dans le Banner du 18 mars 1871, on lit une longue lettre de Moses Dow, dans laquelle il raconte, avec les plus minutieux détails, l'histoire de cette photographie ; elle nous apprend que la jeune dame en question se nommait Mabel Warren, qu'elle mourut en juillet 1870, et que ce n'est qu'au commencement de cette année que diverses circonstances mirent M. Dow en présence de quelques manifestations spirites ; il était si ignorant de ces choses qu'il ne comprit même pas de quel «portrait» il s'agissait, et, quand il alla chez Mumler, il ne lui donna pas son véritable nom, croyant, comme beaucoup d'autres, qu'il était un imposteur.
Les spécimens que je donne des photographies transcendantales de Mumler suffisent pour donner une idée du caractère général de ce phénomène, obtenu au moyen de sa médiumnité. J'ai dans ma collection une trentaine de ces photographies, qui confirment les observations faites par M. Sellers, le correspondant du British Journal of Photography, observations que nous avons reproduites plus haut.
J'ajouterai encore, — et ce fait est essentiel pour nos recherches ultérieures, — que généralement une sorte d'habillement fait partie de l'image apparue, ainsi qu'on le voit sur les photographies de MMmes Bonner et Mabel Warren ; très souvent des fleurs ornent l'image ainsi, sur une photographie de Mme Conant, le célèbre médium de la rédaction du Banner, on voit trois mains parfaitement formées, avec la moitié des bras, lesquelles apparaissent au-dessus de la tête du médium et qui semblent jeter sur lui des fleurs dont une partie tombe sur sa tête et sa poitrine, tandis que l'autre reste suspendue dans l'espace. L'une de ces mains sort d'une manche, ainsi que nous le voyons sur la photographie du professeur Wagner, — mais cette manche est étroite, épaisse, et du reste blanche, comme la main elle-même.
Je veux mentionner encore trois photographies qui ont une importance spéciale : sur l'une d'elles on voit une dame assise. Mme Tinkham ; au moment de l'exposition, elle vit une partie de la manche de son bras gauche se soulever, et ses yeux se portèrent sur ce point ; on remarque sur la photographie, à côté de cette dame, l'image, — disons : l'image astrale, — d'une petite fille, dans laquelle Mme Tinkham a reconnu son enfant ; on voit parfaitement que la manche du vêtement de Mme Tinkham est soulevée par la petite main de l'enfant. Nous possédons donc la photographie d'un objet matériel mis en mouvement par une main invisible[20]. Sur la seconde photographie on voit de nouveau Mme Conant au moment où la plaque allait être découverte, elle se tourna vers la droite, en s'écriant: «Oh! voilà ma petite Wash-ti !» (une petite fille indienne qui se manifestait très souvent par son entremise) et elle étendit vers elle sa main gauche, comme pour lui prendre la main. On voit sur la photographie la figure parfaitement reconnaissable de la petite indienne, avec les doigts de la main droite dans la main de Mme Conant. Ici nous avons donc la photographie d'une figure astrale signalée et reconnue par le sujet sensitif, au moment de l'exposition, comme chez Beattie (Médium, 1872, p.104.)
On trouve la description d'un phénomène du même genre dans la relation d'un cas remarquable de photographie transcendantale, adressée par le professeur Gunning (géologue américain), à la Tribune, journal de New-York, à l'occasion du procès de Mumler, et réimprimée dans le Spiritual Magazine de Londres (1869, p. 260) ; cette lettre contient des faits tellement intéressants que j'en citerai la partie essentielle :
« En février 1867, je fis la connaissance d'un photographe habitant Connecticut en entrant dans son atelier pour me faire photographier, je remarquai que le photographe était particulièrement inquiet pendant que je posais. Lorsque la plaque fut développée, il se trouvait à côté de mon image une forme féminine, claire, mais nébuleuse. Je n'avais pas encore entendu parler de M. de Mumler ni, en général, de photographies spirites. Je demandai au photographe comment cette image avait pu paraître sur la plaque ; il me répondit qu'il n'en savait rien, mais qu'en me photographiant il avait vu cette image à côté de moi. Il ne désirait pas laisser sortir ce portrait de son atelier, et il me demanda de n'en parler à personne ; il me raconta alors que depuis quelques années, il lui arrivait souvent d'obtenir de pareilles photographies, mais qu'il n'y était pour rien. II pouvait du reste les obtenir quand il voulait ; il lui suffisait pour cela de se laisser aller à l'influence d'êtres qu'il appelait « Esprits », mais qu'il ne désirait pas avoir de relations avec eux. Il ne voulait pas que son nom fût mêlé au spiritisme.
J'étais si persuadé de la bonne foi de mon ami que j'eus le désir d'étudier la singulière vertu qu'il avait. Ce n'est qu'après de longues instances que je réussis à le persuader de me donner quelques séances et de se soumettre aux « invisibles ». J'avais l'intention de le récompenser largement pour cette perte de temps, mais il déclina toutes mes offres, disant qu'il ne croyait pas avoir le droit d'exploiter sa force mystérieuse dans un but mercantile. Il consentit à toutes les conditions imaginables pour mes expériences, et, en conséquence, je conviai un de mes amis à y assister. Pendant quatre jours, tous les après-midi du photographe nous appartinrent ; nous étions convaincus de son honnêteté, mais nous prîmes cependant des mesures comme si nous avions affaire à un habile imposteur. La préparation des plaques et leur développement s'effectuaient en ma présence, et, en général, nous n'omettions aucune mesure de prudence pour écarter toute fraude. A presque toutes les séances nous obtenions l'image de la même femme ; la même forme claire, mais nébuleuse, apparaissait quand j'étais seul ou, pour mieux dire, quand je croyais être seul. Le photographe tombait dans une transe presque chaque fois. Que pourrions-nous dire ? C'est un homme dont la position est bien établie et qui a une réputation irréprochable.
Je ne puis admettre le moindre doute au sujet de sa probité. Il n'avait du reste aucune raison pour me tromper. Il ne voulait pas faire commerce de sa puissance occulte, et même, si je le soupçonnais de fraude, je ne serais pas en état d'expliquer l'origine de ses photographies.
Je ne connais que deux moyens pour obtenir une image photographiée sur une plaque sensible ; ou bien un objet capable de refléter la lumière doit être posé à une distance voulue de l'objectif, ou bien la plaque sensible est exposée au jour et recouverte d'une autre photographie. Le jour qui perce à travers la photographie superposée produit une image trouble ; le photographe peut aussi employer une plaque qui aurait déjà servi, et alors l'ancienne image peut quelquefois reparaître. Cette explication avait été récemment proposée par un correspondant de la Tribune. Mon photographe n'employait pas de vieilles plaques ; par conséquent, il n'y a que l'une des deux premières explications indiquées qui lui soit applicable ; or, je sais pertinemment qu'il n'a posé aucun autre négatif sur la plaque sensible. Donc il obtenait ces images par un autre moyen. Il reste encore une autre supposition : n'y avait-il pas, tout simplement, un objet quelconque placé devant le cabinet noir ? Mais il est certain que les seules personnes présentes étaient le photographe, mon ami et moi ; il n'est pas probable que nous ayons pu être trompés si grossièrement pendant quatre jours. Et, en admettant même que nous étions joués, on se demande comment le mystérieux complice qui tenait le rôle de l'esprit aurait pu se rendre si transparent ? Comment pouvait-il se présenter suspendu dans l'espace ? car, sur l'une des photographies apparaît une femme dans cette position. Toutes les images sont aussi transparentes que des tissus de gaze ; comment étaient-elles produites ? Je ne me hâtai point de tirer des conclusions.
Un autre cas parvint encore à ma connaissance ; une jeune fille de Chelsea se fit photographier chez un photographe en renom de cette ville. Elle arriva au moment où il s'apprêtait à fermer son atelier. La jeune fille se plaça devant la chambre noire et, durant l'exposition, elle aperçut une espèce d'ombre qui glissait devant elle. Elle en parla à M. A., qui se tenait près du cabinet, et celui-ci lui répondit que ce n'était rien, qu'elle pouvait cligner des yeux, mais ne pas remuer. Sur la plaque développée la jeune fille avait deux mains sur la figure. Cette photographie est remarquable ; j'en ai examiné quatre épreuves, dont l'une est en ma possession. Les mains transparentes saisissent la nuque ; elles sont visibles jusqu'au poignet, où elles disparaissent dans une vapeur informe. L'une de ces mains s'avance jusqu'au menton de la jeune fille, qui se voit nettement à travers cette main. Toutes ces photographies offrent une particularité commune, c'est leur transparence.
Le juge Edmonds assure que les esprits qui lui apparaissent sont transparents ; un autre de mes amis, un homme d'une grande instruction, m'a dit qu'il les avait vus tout pareils.
Il est également inadmissible que ces mains aient été préalablement photographiées sur la plaque métallique. Le photographe me disait que la plaque était nouvelle, qu'elle n'avait jamais été en usage ; en supposant qu'il ne disait pas la vérité, on ne peut cependant comprendre comment ces mains ont pu apparaître devant la face. Peut-on admettre qu'il les ait photographiées après la jeune fille ? Vous pouvez voir que le petit doigt et l'annulaire de la main gauche sont placés sous le col, ce qui prouve, de toute évidence, que la jeune fille et les mains ont été photographiées simultanément. Même en admettant qu'une femme se serait glissée imperceptiblement et qu'elle aurait entouré de ses mains la tête de la personne qui posait, alors comment aurait-elle pu échapper à l'œil du photographe ?
Il assure qu'il n'y avait dans la chambre que lui et la jeune fille ; admettons un moment qu'une femme soit entrée à leur insu ; commenta-t-elle pu rendre ses mains transparentes et le reste de son corps invisible ?
« Le photographe est un homme méritant toute confiance. Il dit n'avoir jamais eu l'idée de faire des photographies spirites et n'avoir jamais tenté de se créer une opinion théorique sur cette question ; il sait seulement qu'il n'est pour rien dans l'apparition de ces mains. »
Des renseignements sur ce dernier cas tout à fait extraordinaire sont donnés plus longuement dans une lettre de M. Gunning, au Banner, 6 juillet 1867, à laquelle je n'emprunterai que les deux lignes suivantes, qui ont pour nous un intérêt spécial : « La main gauche est très distinctement visible, jusqu'au poignet, et plus haut elle est enveloppée d'un revers. »
Le rédacteur du Spiritual Magazine ajoute que le professeur Gunning, lors d'une visite à Londres, lui confirma de vive voix ces mêmes phénomènes et qu'il lui montra les daguerréotypes dont il était question ; l'image de femme, qui avait paru sur la première photographie dont il fait mention, était celle de sa femme, et elle est d'une ressemblance incontestable[21]
Il me reste à mentionner enfin une photographie de Mumler, sur laquelle est représenté M. Herrod, un jeune médium dormant sur une chaise, en état de transe. On voit derrière le médium l'image astrale de sa propre personne, on de son double, se tenant debout, presque de profil, les yeux fermés, la tête un peu inclinée vers le médium (Médium, 1872, p. 104.)
Un autre cas de photographie d'un double, chez un autre photographe, est constaté par le juge Carter dans sa lettre au Banner du 31 juillet 1875, et reproduite dans Human Nature, de 1875, pp. 424 et 425. Un troisième cas de photographie d'un double est signalé par M. Glendinning, et, comme il s'est produit dans un cercle privé, il mérite notre attention, et j'en reproduirai ici la relation :
« Il y a vingt ans environ que l'un de mes amis, bon médium, et moi, nous nous sommes occupés de photographie spirite. Nos expériences ont été couronnées de quelque succès.
Au commencement, nous obtenions sur la plaque des tâches bizarres. Si j'avais été plus versé dans la question, j'aurais certainement conservé ces plaques pour les soumettre à un minutieux examen ; toutes les fois que nous n'avons pas obtenu un résultat bien net, je frottais la plaque avec les doigts et je la lavais ensuite. Les verres et les produits nous étaient fournis par M. Melhuish, secrétaire d'une société photographique écossaise. Nous étions tous de bonne foi, comme cela se passe entre hommes comme il faut. Un jour nous obtînmes le portrait du médium dans une pose qu'il avait occupée dix ou quinze minutes avant l'exposition, c'est-à-dire à mi-chemin entre la chambre noire et le fond. Nous avions dans cette pièce ce qu'on appelle la planchette, connue sous le nom d'indicator, qui indiquait très rapidement, au moyen de l'alphabet, ce que nous devions faire, car les « esprits » nous disaient qu'eux-mêmes ne savaient pas encore comment produire ces images ; qu'il fallait faire quelques essais ; ils nous donnèrent le conseil de mesmériser la chambre obscure, les produits chimiques et tout le reste. Nous suivîmes ces indications autant pour nous amuser que par curiosité. Lorsque nous leur demandâmes pourquoi nous avions obtenu le portrait du médium dans la pose qu'il occupait avant l'exposition de la plaque, ils nous répondirent que c'était dans cette position qu'il avait laissé son « influence », et que, s'il s'était trouvé un clairvoyant dans la chambre, il aurait perçu le médium précisément dans cette pose. Je ne comprends pas cela, mais nous n'avons pas obtenu d'autre explication[22]. »
Ces photographies de doubles invisibles à l'œil humain sont les précurseurs des photographies de doubles visibles et tangibles dont nous nous occuperons plus tard. Comme nous l'avons vu, les phénomènes de photographie transcendantale se sont produits chez un grand nombre de personnes aussi bien en Amérique qu'en Europe. Il y a beaucoup de cas dont je n'ai pas fait mention ; je noterai seulement, au point de vue historique, que, en tant que mes recherches soient fondées, les premiers indices de ce genre de phénomènes remontent à 1855 ; je trouve en effet, dans le Spiritual Telegraph, édité à New-York, chez Brittan, au volume VIII, 1855, page 152, un article intitulé : Daguerréotypie d’images spirites :
« De nombreuses expériences ont été faites pour savoir si des formes et apparitions spirites peuvent être reproduites par la daguerréotypie ; mais elles ont été toutes infructueuses, à l'exception d'un cas qui a été communiqué au rédacteur par une lettre personnelle d'un ami estimé de la Nouvelle-Orléans. Les principaux faits sont les suivants : M. H..., daguerréotypiste et médium, voulut, le 8 mars, faire le portrait de son jeune fils, âgé de deux mois, et il le déposa sur les genoux de sa grand-mère. A la troisième séance, il obtint un beau portrait, mais, chose curieuse, en haut du daguerréotype, jaillit d'une sorte de petit nuage une large bande lumineuse, descendant jusqu'à l'épaule de l'enfant où elle se perd. Cette bande est large et puissante, ressemblant à un rayon de soleil surgissant d'une étroite ouverture... A un examen plus approfondi, on observe qu'elle est un peu transparente... Aucun des résultats précédents n'avait présenté rien de pareil, et la plus minutieuse observation des objets environnants n'a pu indiquer une raison tant soit peu plausible de cet effet. »
Je trouve un second cas mentionné à la page 170 du même volume :
« Quelques jours auparavant, M. Henry Hebhard, de cette ville, avait exhibé dans notre bureau de rédaction une belle photographie de son jeune fils, âgé d'environ dix ans, laquelle présentait un phénomène singulier consistant en une lumière intense, de forme elliptique, traversant obliquement la région du thorax, et dont une extrémité se termine au dehors près de l'épaule gauche et l'autre sous le bras droit. La clarté est plus intense au centre et diminue graduellement vers les bords. Cet étrange phénomène n'a pu être ramené à une cause naturelle ; du moins, ni le photographe ni les autres personnes n'en découvrirent. »
Il est facile de reconnaître dans ces deux cas les mêmes particularités que présentent les premières expériences faites par M. Beattie.
Je ne puis terminer le chapitre sur la photographie transcendantale sans citer le cas suivant, l'un des plus récents. Je veux parler des photographies spirites obtenues par M. Jay Y. Hartman - Cincinnati (Ohio). Je ne saurais passer sous silence ces expériences, pour cette raison qu'elles ont été soumises au contrôle le plus sévère par un comité de photographes et qu'elles ont été faites dans des conditions que le Dr Hartmann ne pourra se dispenser de trouver concluantes.
Voici ce que nous lisons dans le Spiritual Scientist, de Boston, du 6 janvier 1876 :
« On sait que M. Jay J. Hartman a produit des photographies spirites dans l'atelier de M. Teeple (100, West Fourth Street, Cincinnati). Il fut l'objet de violentes, attaques de la part de gens sceptiques, qui l'accusaient de commettre des supercheries. Récemment encore, un journal du matin publiait un article de trois colonnes qui contenait divers arguments et raisonnements tendant à démontrer que toute l'affaire n'était qu'une banale mystification et que Hartmann n'était qu'un impudent charlatan. Malgré les séances de contrôle qu'il organisait pour un cercle d'intimes, et qui paraissaient suffisamment convaincantes, beaucoup de ses amis conçurent des doutes quant au caractère de ses expériences ; c'est pourquoi il inséra, la semaine dernière, une annonce adressée au public en général et aux photographes en particulier, les invitant à une séance publique gratuite, qui aurait lieu le samedi matin 25 décembre : il annonçait que la manière de procéder à ces expériences serait déterminée par les personnes qui y prendraient part ; elles choisiraient la chambre pour les expériences et seraient libres d'apporter leurs plaques marquées, leur chambre noire et leurs produits chimiques ; bref, ils fourniraient tout le nécessaire.
M. Hartman se réservait seulement de préparer les plaques, sous la surveillance de photographes expérimentés, afin d'écarter tout soupçon.
Le jour de Noël, par un temps clair, dès le matin, seize personnes étaient réunies chez M. Hartman, dont cinq photographes de cette ville. Après délibération, on résolut de se rendre dans l'atelier de M. Van Cutter (28, West Fourlh Street). Considérant que M. Cutter avait, à plusieurs reprises, dévoilé les impostures de soi disant photographes spirites, et que M. Hartman n'étant jamais allé dans son atelier, les conditions dans lesquelles celui-ci était appelé à opérer devenaient doublement difficiles : il se trouvait dans un atelier étranger, et, de plus, entouré de sceptiques, hommes de profession, qui auraient vite fait de découvrir la moindre fraude.
M. Hartman consentit volontiers à tout, mais à une seule condition : on s'abstiendrait de toute discussion, plaisanterie ou autre interruption, par la parole ou par le fait, ce qui pourrait rompre le calme et l'harmonie indispensables à la réussite des expériences. Cette condition de M. Hartman étant parfaitement légitime, elle fut acceptée sans aucune difficulté, et toute la compagnie se rendit chez M. Cutter.
A leur entrée dans la chambre où les expériences devaient avoir lieu, les assistants furent priés de s'asseoir des deux côtés de la chambre noire et de réunir leurs mains. M. Hartman exprima le désir qu'on lui bandât les yeux, mais cette mesure fut jugée inutile. M Hartman choisit M. Moreland comme aide et en même temps comme témoin de la loyauté de l'opération. On choisit en outre M. Murhman, photographe de profession, l'un des plus incrédules. Ils entrèrent tous trois dans le cabinet noir, M. Murhman apportant ses propres plaques. Quand les plaques furent préparées, les trois opérateurs revinrent auprès de la chambre noire ; M. Murhman mit la plaque en place et s'assit pour poser. L'exposition se fit dans un silence profond, après quoi l'on porta la plaque dans le cabinet noir, où M. Hartman se rendit également. Bientôt on entendit le cri : « Pas de résultat. » Les sceptiques étaient rayonnants.
On prépara une deuxième plaque. M. Murhman continuait à surveiller tous les mouvements de M. Hartman. Cette fois encore le résultat fut nul. Le scepticisme triomphait.
Les manipulations furent ensuite conduites par M. Cutter, propriétaire de l'atelier, un incrédule accompli, et, paraît-il, le meilleur expert-photographe de la ville. Hartman paraissait abattu ; il refusa d'entrer dans le cabinet noir et resta près de l'appareil, plongé dans une profonde méditation. Les experts entrèrent donc sans lui dans le cabinet noir ; ce fut M. Cutter qui prépara la plaque. On remit le châssis à M. Hartman, qui était si ému qu'il eut peine à le mettre en place. Il pria deux des assistants de poser leurs mains sur la chambre noire en même temps que lui. Cette troisième exposition fut aussi stérile que les précédentes.
Les choses prenaient une mauvaise tournure pour le pauvre M. Hartman et ses amis. Il proposa, néanmoins, d'exposer encore une plaque, mais il devint plus pensif encore. M. Murhman était assis auprès de la chambre noire et de M. Hartman, scrutant tous ses gestes, ainsi qu'il avait eu l'habitude de le faire pendant sa longue carrière de « démasqueur des médiums professionnels ».
Quand M. Cutter eut terminé la préparation de la quatrième plaque dans le cabinet noir, en présence de M. Moreland, il sortit et remit le châssis à M. Hartman.
C'était le tour du Dr Morrow de poser ; un autre des assistants devait tenir la main sur la chambre noire. Pendant l'exposition de la plaque, il régnait toujours un profond silence. M. Hartman tremblait visiblement et paraissait s'absorber dans une muette prière. Les mains des personnes qui touchaient à la chambre noire tremblaient également, comme sous l'influence d'une force mystérieuse. Enfin M. Hartman interrompit cette attente pénible en fermant la chambre noire. Alors M. Cutter retira la plaque et se rendit, accompagné de M. Moreland, dans le cabinet noir, pour faire le développement. M. Hartman était resté près de l'appareil, de grosses gouttes de sueur sur le front. Les autres assistants attendaient silencieusement la sentence qui devait détruire définitivement les croyances les plus chères des spiritualistes.
Mais bientôt on entendit une exclamation d'étonnement et de surprise de MM. Moreland et Cutter : « II y a un résultat ! » La figure de M. Hartman s'illumina d'un éclair de satisfaction ; ses amis, qui osaient à peine croire à la bonne nouvelle, ainsi que les incrédules, se pressèrent autour de M. Cutter, qui tenait la plaque contre le jour. En effet, auprès de la tête de M. Morrow, on pouvait voir la forme d'une jeune femme penchée vers lui : et cette image était encore plus nette et plus distincte que son portrait. Ce résultat inattendu stupéfia tout le monde. M. Murhman et M Cutter se regardaient tout ébahis. Ce dernier assurait qu'il n'y avait été pour rien que cette plaque était une des siennes et qu'il savait pertinemment qu'il n'y avait rien dessus lorsqu'on la porta dans le cabinet. L'image y était pourtant. Quant à M. Hartman, il n'avait même pas touché à la plaque, n'était même pas entré dans le cabinet noir pendant la préparation. De quelle façon cette image s'était-elle produite ? Il n'en savait rien, mais elle était bien là ! Les sceptiques aussi bien que les spirites, étaient surpris de ce résultat remarquable, résultat décisif.
Décisif en ce sens, que MM. Cutter, Murhman et les autres, bien que se refusant toujours à reconnaître une origine spirite à l'image obtenue, étaient néanmoins tous d'accord sur ce point que, dans les conditions données, M. Hartman n'avait pas pu produire frauduleusement ce résultat, attendu qu'il n'était pas entré dans le cabinet noir et n'avait pas touché à la plaque. Toutes les personnes présentes consentirent à lui délivrer un certificat signé de leurs noms pour témoigner du résultat obtenu. »

Certificat faisant foi du résultat.
« Nous, soussignés, ayant pris part à la séance publique de photographie spirite, organisée par M. Jay J. Hartman, certifions par la présente que nous avons minutieusement suivi toutes les manifestations auxquelles ont été soumises nos propres plaques sensibles, qui étaient marquées que nous avons contrôlé les opérations dans le cabinet noir aussi bien qu'au dehors, et que nous n'avons pas découvert le moindre indice de supercherie ou d'un truc quelconque employé par M. Hartman. Nous certifions aussi que durant la dernière expérience, au cours de laquelle le résultat fut obtenu, M. Hartman n'a pas touché à la plaque, et n'est même pas entré dans le cabinet noir. »
J. Slatter, C. H. Murhman. V. Cutter, J. P. Weckman, F. T. Moreland, T. Teeple, photographes de profession. E. Saunders, Wm. Warrington, Joseph Kinsay, Benjamin E. Hopkins, E. Hopkins, G. A. Garnahan, Wm. Sullivan, James P. Geppert, D. V. Morrow, M. D., et Robert Leslie !
Cincinnati, Ohio, 23 décembre 1875[23]. »

Mais le public n'a jamais assez de preuves ; il en demande toujours de nouvelles, et les témoignages personnels ne suffisent pas quand il s'agit de faits touchant au miraculeux. Quelques mois à peine après avoir reçu le certificat précité, signé par six photographes, M. Hartmann se vit obligé de publier une nouvelle invitation, dans le Cincinnati Enquirer. II se forma une nouvelle commission, dans le même but, ayant à sa tête M. Slatter ; cette investigation fut un nouveau triomphe pour M. Hartmann, comme en fait preuve le certificat qui lui fut délivré ; il a été publié dans le Spiritual Scientist du 25 mai 1876, page 135, et reproduit par le Spiritualist, 1876, I, page 314.
Ce que nous avons exposé dans ce chapitre nous donne le droit, il me semble, de considérer la photographie transcendantale comme un fait établi d'une manière positive ; par conséquent, l'hypothèse des hallucinations, qui sert d'appui aux théories du Dr Hartmann, est fortement ébranlée.
A mon tour, je puis donc me servir de la phrase qu'il emploie, en parlant de l'insuffisance de l'hypothèse spirite ; je puis dire que « le sol commence à fuir sous l'hypothèse des hallucinations, et qu'il ne lui reste qu'un étroit espace, la largeur du pied ». Nous verrons bientôt, à la fin du chapitre sur la matérialisation, s'il lui reste quelque chose de cet « espace étroit ».

Nouvelle importante. — Je viens d'apprendre, trop tard pour en parler dans le corps de l'ouvrage, que M. Taylor, le directeur bien connu du Journal britannique de photographie, vient de publier dans ce journal, numéro du 17 mars 1893, un article intitulé « La photographie spiritique », dans lequel il expose ses expériences avec M. D., un médium écossais. Les résultats obtenus par lui confirment péremptoirement la possibilité de la photographie transcendantale. Est-il nécessaire d'insister sur l'importance de ce témoignage ? La photographie peut-nous fournir tous les éléments voulus pour démontrer que les phénomènes médiumniques ne présentent pas toujours un caractère subjectif, qu'un certain nombre d'entre eux offrent tous les attributs d'une réalité objective. Par-là, il nous devient possible de faire la preuve de l'existence de formes ou d'êtres invisibles intelligents. C'est aussi pourquoi j'ai considéré les expériences produites par feu M. Beattie en 1872 comme pierre angulaire de tout l'édifice. Et voilà que vingt ans après avoir publié dans son journal le compte rendu des expériences de M. Beattie, dont la bonne foi ne faisait pas de doute pour lui, M. Taylor a repris les mêmes expériences.
M. Taylor (voir p. 27) a certainement du faire ses essais dans des conditions rigoureusement scientifiques.

Matérialisation et dématérialisation d'objets accessibles à nos sens

Dans ce chapitre, nous allons nous occuper spécialement des phénomènes d'apparition éphémère de corps ou d'objets accessibles à nos sens, et de leur disparition plus ou moins rapide.
Ces phénomènes sont tellement contraires à toutes les croyances, à toutes les probabilités et même tellement différents de la série des phénomènes ordinaires du médiumnisme, que le docteur Hartmann lui-même, qui admet la responsabilité des phénomènes ordinaires, en acceptant intégralement les témoignages humains cités, se refuse à admettre ces témoignages lorsqu'il s'agit des phénomènes dont nous nous occupons. M. Hartmann dénie à ces derniers toute valeur objective, et il trouve qu'il est nécessaire de les transporter en entier dans le domaine subjectif.
Avant de passer à l'étude de phénomènes si extraordinaires, nous devons rechercher dans les annales du médiumnisme d'autres faits plus simples, se rapprochant des idées déjà admises et appartenant au même domaine, qui pourraient nous servir d'antécédents pour faire admettre et comprendre des phénomènes plus complexes ; c'est ainsi que nous avons procédé dans la démonstration de la photographie transcendantale. Ces phénomènes plus simples existent, et ils sont connus généralement sous le nom de « faits de pénétration de la matière » ; ils se présentent le plus souvent sous la forme d'apport et de disparition d'objets dans une chambre close.
Les faits de ce genre occupent une large place dans le répertoire des phénomènes médiumniques ; ils se sont produits, de même que les faits de matérialisation partielle, dès le début des études spirites. Mais l'étude de ces phénomènes simples, comparativement parlant, était déjà très avancée, alors que les faits de matérialisation se présentaient encore à l'état rudimentaire, étant données la nature complexe de ces phénomènes et leur dépendance d'un principe d'évolution.
Quoique très simples, en apparence, les faits de pénétration de la matière ont cependant une grande importance. On ne peut assez se préoccuper de leur signification, car ils nous fournissent la preuve évidente et positive que nous sommes en présence d'un fait transcendantal, c'est-à-dire d'un phénomène produit par des forces qui ont sur la matière un pouvoir dont nous ne connaissons ni l'origine, ni la nature, ni l'étendue.
Il est important, pour notre critique, de constater que le principe qui sert de base à la démonstration de ce phénomène, est déjà admis, au moins tacitement, par le Dr Hartmann.
Après avoir parlé de « l'action expansive de la force nerveuse médiumnique, qui combat la cohésion des particules de matière », M. Hartmann passe en revue les phénomènes médiumniques se rapportant à « la pénétration de la matière », qu'il range dans une « catégorie de faits particulièrement invraisemblables » et il cite les expériences concluantes faites par Zöllner, entre autres l'apport d'objets dans une chambre close, qui a été observé souvent, dans des conditions qui imposent la conviction.
Et, quand M. Hartmann eut à s'occuper des phénomènes de matérialisation et à les expliquer par des hallucinations produites par le médium, il s'est largement prévalu du fait médiumnique de la pénétration de la matière, admis par les spirites, pour nier l'objectivité réelle de tous les phénomènes de matérialisation observés pendant la réclusion du médium : aucun lien ne peut retenir ce dernier à sa place : pas plus un sac qu'une cage dans laquelle le médium serait enfermé, « car, du moment que le médium somnambule peut pénétrer cette matière, il peut aussi se montrer aux spectateurs sous forme d'apparition, en dépit de toutes les mesures de précaution ».
Ainsi M. Hartmann admet, en principe, la possibilité du fait médiumnique de la pénétrabilité de la matière, comme il admet aussi la possibilité de tous les autres faits, en se basant sur le témoignage d'autrui. Mais, en parlant de ces faits et en s'en prévalant pour sa théorie de l'hallucination, il ne nous en donne aucune explication ; il n'a en vue que de combattre l'hypothèse de la quatrième dimension de l'espace imaginée par Zöllner, et il se prononce pour une « commotion moléculaire des combinaisons de la matière » qui peut même aller jusqu'à une explosion, ainsi que cela a été observé. Mais une fois que le fait de la pénétration d'un corps solide par un autre semblable est admis, ne fût-ce qu'en principe, il est certain que nous ne pouvons nous le représenter autrement qu'en supposant une désagrégation momentanée de la matière solide, au moment du passage d'un objet, et sa reconstitution immédiatement après, c'est-à-dire, — en langage médiumnique — sa dématérialisation et sa rematérialisation. Il est bien entendu que cette définition n'est que conventionnelle, — acceptée à défaut d'une autre meilleure, — vu qu'elle ne s'applique qu'à l'apparence du phénomène et non à son essence.
Il est inutile de multiplier ici les exemples de pareils phénomènes, puisque M. Hartmann en cite un nombre suffisant. J'en citerai cependant deux qui ont le mérite de s'être produits, sous les yeux de l'observateur, non d'une manière inattendue, mais dans des conditions fixées d'avance.

Voici un témoignage dû au Rév. M. Colley, dans une lettre publiée dans le Médium and Daybreak, année 1877, page 709, et concernant un fait qui démontre la pénétrabilité de la matière. Après avoir fait le récit d'une séance avec le médium, Dr Monck, — au cours de laquelle il avait constaté la mise en action d'une force considérable, ce qui l'avait induit à tenir sous la table une ardoise avec un morceau de crayon ordinaire (faute de crayon d'ardoise), dans l'espoir d'obtenir une écriture directe, — il continue ainsi : « Mais aucun résultat ne fut obtenu ; je ne trouvai sur l'ardoise qu'une espèce de croche, comme pour me faire comprendre que le crayon ne pouvait pas servir. Ce crayon inutile avait probablement irrité Samuel (l'inspirateur invisible), car il me demanda, par l'intermédiaire du médium, qui était en transe :
- Faut-il brûler ou noyer le crayon ?
- Le noyer ! répondis-je.
- Pose ta main sur le goulot de la carafe (la vaisselle du souper n'avait pas encore été enlevée) maintenant regarde attentivement ! » Le crayon était sur l'ardoise, à mes pieds, et le médium, qui se trouvait à quelque distance, n'y avait pas touché une seule fois.
- Eh bien ! reprit Samuel, parlant par M. Monck, qu'il avait entraîné à l'autre bout de la chambre, et dont la main était étendue dans la direction de la carafe,fais attention, regarde bien. » En un clin d'œil, le petit crayon, qui n'était pas long de plus d'un pouce, fut, pour ainsi dire, lancé à travers ma main jusque dans la carafe, où il resta, nageant sur l'eau.
Londres, le 1er novembre 1877.
Thomas Colley. »

Quelque temps après, le Rév. M. Colley publia le récit de l'expérience suivante :
« A une séance avec le médium Monck, j'écrivis sur une ardoise : « Peux-tu transporter cette ardoise sur la cinquième marche de l'escalier qui aboutit au couloir ? » Après avoir déposé l'ardoise à terre, la face écrite tournée vers le sol, je demandai tout haut si nous allions obtenir un message quelconque écrit sur cette ardoise. A peine avais-je regagné ma place et pris les mains de M. Monck dans les miennes, que je sentis mes jambes poussées de côté sous l'impulsion d'un corps lourd, et j'aperçus une lumière plus vive que celle des deux becs de gaz qui nous éclairaient, jaillissant subitement de dessous la table, dans la direction de la porte fermée ; au même moment retentit un craquement semblable à celui que produirait une ardoise violemment lancée contre une porte, ainsi que je m'en suis assuré depuis. Cependant, bien qu'ayant vu la lumière et entendu le craquement, nous n'avons pas pu suivre le déplacement de l'ardoise ; ce n'est qu'au moment où le choc s'est produit que je sentis un côté du cadre (qui avait été projeté en arrière) venir heurter ma jambe et glisser à terre. Ce qui venait de se passer me fit supposer que l'ardoise avait été projetée, suivant mon désir, à travers la porte, qui était fermée à clef, et que j'étais encore une fois témoin du phénomène surprenant de la pénétration d'une matière par une autre ; je me levai et m'approchai de la porte et l'ouvris, tenant toujours la main de M. Monck ; en effet, l'ardoise était sur la cinquième marche de l'escalier! En la relevant, je pus constater que l'inscription qu'elle portait était parfaitement d'accord avec le fait mystérieux qui venait de se produire, car à ma question : Peux-tu transporter l'ardoise sur la cinquième marche de l'escalier ? je trouvai cette réponse :« Juge par toi-même, la voici. Adieu ! » (Médium, 1877, p. 741.)
La même expérience a été répétée deux fois encore, en présence d'autres témoins (idem, pp. 761 et 786) à la deuxième séance, l'ardoise fut instantanément transportée dans l'appartement de l'une des personnes présentes, à une distance de deux milles du lieu où se trouvaient les expérimentateurs.
Le fait de la pénétrabilité de la matière — c'est-à-dire de la dématérialisation et rematérialisation momentanée d'un objet— étant admis, on est logiquement amené à poser cette question : Pourquoi la force produisant cette dématérialisation n'aurait-elle pas le pouvoir de donner aux corps dématérialisés, en les rematérialisant, une autre forme que celle qu'ils avaient auparavant ? Si la force qui produit ce phénomène est la force nerveuse — ainsi que le docteur Hartmann incline à l'admettre — nous devons nous rappeler que la force nerveuse peut produire, sur les corps, des empreintes persistantes, c'est-à-dire produire certains changements moléculaires correspondant non seulement à la forme des organes du médium, dont cette force émane, mais encore à toute autre forme étrangère qu'il plairait à la fantaisie somnambulique du médium de donner à une pareille empreinte. Ainsi donc la force nerveuse, par cela même qu'elle est susceptible de désagréger un corps quelconque, disposerait à sa guise de tous les atomes de ce corps et, en le reconstituant au moyen de ces atomes, elle pourrait lui donner la forme que la volonté somnambulique du médium se plairait à produire. Cette conclusion ne serait pas contraire à la logique de l'hypothèse de M. Hartmann, et nous ne voyons pas les raisons qu'il pourrait invoquer pour la combattre — en supposant, je le répète, que nous ayons affaire ici à la force nerveuse avec les propriétés que lui attribue le docteur Hartmann.
En nous basant sur le même raisonnement, nous avons le droit de modifier cette conclusion de la manière suivante : La force qui posséderait sur la matière un tel pouvoir de désagrégation n'est pas absolument tenue de désagréger toute la masse d'un objet donné : il lui suffirait d'utiliser une certaine quantité d'atomes de cette matière pour produire, ou bien un simulacre de l'objet, ou un objet d'une autre forme. En effet, le spiritisme nous offre ces deux genres de phénomènes connus sous le nom de dédoublement et sous celui de matérialisation au sens propre, et s'observant également sur les objets inanimés et animés. La ligne de démarcation entre ces deux séries de phénomènes ne peut pas, naturellement, être tout à fait précise, car il ne s'agirait que du degré de la matérialité.
En matière de dédoublement d'objets inanimés, c'est le dédoublement des étoffes qui a été le plus souvent observé ; c'est un fait assez commun que de voir — le médium étant tenu par les mains — le double de la main du médium avec la manche de son vêtement. Je puis citer, comme le fait le mieux constaté de ce genre, celui qui se produisit lors de l'expérience électrique de M. Crookes avec Mme Fay. M. Hartmann considère que cet exemple est parfait au point de vue de l'exclusion de toute participation personnelle de la part du médium. « Le contrôle au moyen du contact, avec les électrodes, comme l'ont appliqué Crookes et Varley dans leur séance physique avec Mme Fay, peut être considéré comme une garantie suffisante. » (P. 18.) Malgré cela, la main qui s'est montrée entre les rideaux et qui a présenté les livres aux assistants était revêtue d'une manche en soie bleue, identique à celle de l'habit du médium ; nous avons sur ces point le témoignage de M. Cox lui-même[24]. Suivant l'hypothèse du Dr Hartmann, cela devrait être le résultat d'une hallucination, mais elle n'a pas ici de raison d'être bien certainement, le médium se serait gardé de produire l'hallucination de son propre vêtement. Quant aux assistants, ils ne s'attendaient pas évidemment à cette surprise.
Un autre fait de ce genre, tout aussi précieux, se produisit à plusieurs reprises, lorsque, à une séance de Davenport, faite dans l'obscurité, une allumette ayant été tout à coup allumée, on vit Davenport assis sur une chaise et lié par les mains et les pieds et le double parfait de son corps — avec les vêtements — disparaissant dans le corps du médium[25].
En parlant du dédoublement des vêtements, on est amené naturellement à mentionner, en même temps, le dédoublement des formes humaines, dont nous trouvons déjà des antécédents dans les phénomènes de la photographie transcendantale ; mais je m'abstiendrai de faire ici une étude détaillée de ces phénomènes, car nous aurons à y revenir plus loin. Nous allons passer immédiatement à l'étude de la série des phénomènes de la matérialisation.

 

[1] Extrait de la lettre de M. Beattie au journal Photographie News du 2 août 1872, citée dans le Spiritual Magazine, 1872, p. 407.

[2] Pour les détails de ces expériences. Voir Spirit. Mag. 1872, p. 154, et la description qu'en a faite M. Wallace, qui connaissait Mme Guppy personnellement. Voir son livre Défense du spiritualisme moderne.

[3] Défense du Spirit. moderne, p. 54.

[4] Bristish journal of Photography, 22 août 1873, cité dans le Spirit. Mag., 1873, p. 374.

[5] Spiritualist, 1874, I, 238 ; Ps. Stud., 1874, p. 546 ; 1876, p. 489 ; 1879, p. 399.

[6] La Défense du Spiritualisme moderne.

[7] Socialiste bien connu, père de Robert Dale Owen, auteur du livre : Terrain disputé (Debatable Land)

[8] Spiritual Magazine, 1873, page 563 ; également Spiritualist, 1875, t. II, p. 309.

[9] Wallace, On Miracle and Modern Spiritualism, 1875, p. 185.

[10] Banner of Light, 1862, 29 novembre, reproduit dans le Spirit. Mag., 1863, pp. 35 et 36.

[11]The Spiritual Magazine, 1863, pp. 34, 35.

[12] Reproduit dans le Spiritual Magazine, 1863, pp. 125-128.

[13] Reproduit dans le Spiritual Magazine, 1869, p. 421.

[14]Voir pour tous les détails le rapport du procès dans les journaux : le Banner of Light, mai 1 et 8, et août 28, de 1866, et le Spiritual Magazine, 1869, pp. 241-260.

[15] C’est un spiritualiste de New York, bien connu, qui n'appartient pas à la catégorie des personnes croyant aveuglément à tout ce que l'on dit être des phénomènes médiumniques ; il a fait partie de plusieurs commissions qui ont démasqué les impostures de soi-disant médiums.

[16]Voy. pl. VI, fig. 3 ; sur les épreuves photographiques la ressemblance est plus frappante que sur les phototypies.

[17] Pour bien comprendre, le lecteur doit savoir que M. Flint, de même que M. Mansfield, était un médium tout spécial : on lui envoyait des lettres cachetées, adressées à des personnes défuntes. Ces lettres étaient renvoyées à leurs auteurs, avec les réponses des destinataires, bien entendu sans avoir été ouvertes.

[18]Human Nature, 1874, pp. 486-488.

[19] Médium, 1872, n° 104.

[20]Voyez Médium, 1872, p. 104.

[21]Spiritual Magazine, 1869, p. 329

[22] Spiritualist, n° 234. Londres, 16 février 1877, p. 76.

[23] Réimprimé dans le Spiritualist, n° 179, vol. VIII, n° 4. Londres, 28 janvier 1876. pp. 37 et 38.

[24] Spiritual. Magazine, 1875, p. 151.

[25] Spiritual Magazine, 1873, pp. 154, 470 ; Ferguson, Supramondane Facts, p. 109 ; voir aussi le témoignage intéressant de Cliford Smith, Spiritual Magazine, 1872, p. 489, et enfin le même journal, 1876, I, p. 189.

 

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